vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 25 mai 2025 — 6e dim. de Pâques — Frère Cyprien
Cycle : Année C
Info :

6e dimanche de Pâques C

25 mai 2025

Ac 15/1-2,22-29, Ap 21/10-14,22-23, Jn 14/23-29

Texte :

« Mais de temple, je n’en vis point dans la cité, car son temple, c’est le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant ainsi que l’agneau. La cité n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine, et son flambeau, c’est l’agneau ».

Je continue avec l’Evangile :
« Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole, et mon Père l’aimera; nous viendrons à lui… nous établirons chez lui notre demeure ».

C’est un peu le résumé de la Parole qui nous est adressée aujourd’hui : à la manifestation du Seigneur de Gloire, nous n’aurons plus besoin de soleil et plus besoin non plus de Temple, car nous serons habités par Dieu, animés par l’Esprit du Seigneur.
C’est le fruit de la Résurrection du Christ, fruit de la Nouvelle Vie introduite par celui qui a été crucifié, mais que Dieu a ressuscité des morts…
Ceci me rappelle une phrase écrite sur une image : à la suite de la mort d’une moniale bénédictine, ses soeurs avaient fait imprimer une image avec sa photo : dessous il y avait, reproduit de son écriture, cette lumineuse affirmation : « J’ai compris que le Ciel c’est Quelqu’un ».
Oui, frères et sœurs, le Ciel c’est quelqu’un… c’est quelqu’un mais déjà pour maintenant, pas pour plus tard, pour maintenant, pas pour demain, pas pour après notre mort. Aujourd’hui nous attendons l’Avènement de notre Seigneur, sa venue dans la Gloire, mais le cadeau du Christ vivant, le cadeau que Dieu nous fait dans la résurrection de Jésus, c’est la Présence de Dieu au cœur même de nos vies : « Nous viendrons à lui… nous établirons chez lui notre demeure ».
Oui, le Ciel, c’est Quelqu’un… Ce « Quelqu’un », c’est bien sûr le Christ, le Fils de Dieu, Dieu lui-même, Mystère de notre foi, le seul mystère qui vaille la peine de scruter, de creuser, tant que la Grâce nous le permet dans cette vie temporelle… et pour que la vie éternelle ne nous échappe pas définitivement…

Pour comprendre les paroles que Jean met dans la bouche de Jésus : « Je m’en vais et je viens à vous », il faut bien que quelque chose de spécial se passe, se soit passé… et nous savons ce que c’est, ce que cela a été… « Je m’en vais et je viens à vous » : la mort de Jésus et surtout la suite, la Vie de Jésus ressuscité d’entre les morts et la venue de l’Esprit !

Nous sommes dans le temps liturgique appelé temps pascal, mais nous sommes surtout dans le Mystère pascal, dans ce que Dieu préparait pour l’humanité … le Règne de l’Esprit, l’Esprit de Jésus ressuscité. Jésus vient à nous et établit chez nous sa demeure …et c’est pourquoi il n’y a plus de temple dans la Cité nouvelle.

L’Amour de Dieu devenu effectif ici-bas déjà, c’est que nous sommes, nous, croyants, devenus en Jésus ressuscité la Demeure de Dieu. « Il est bon pour vous que je m’en aille » … Comment les apôtres pouvaient-ils comprendre Jésus au moment où la menace de sa mort programmée planait sur eux ? Après Pâques, à Pentecôte la lumière du ressuscité les conduit à dire au monde que les temps sont accomplis, que la foi conduit chaque croyant à vivre de cette Alliance nouvelle, définitive, du salut qui ouvre à Dieu.

Si la foi nous invite à dire que Dieu est avec nous (« Emmanuel »), il est important de dire aussi que nous sommes devenus la demeure de Dieu… chacun, chacune d’entre nous, important de dire que le Christ vivant est notre Lumière. Et si nous le voulons, nous devenons la Lumière du monde dans la Personne de Jésus ressuscité : notre foi nous permet d’éclairer le monde, aussi par notre espérance, par notre charité.
Comme le Carême et les autres temps liturgiques, le Temps pascal nous invite à nous convertir, à changer notre regard, à nous hisser à cette vérité, cette profondeur : ce que nous attendons, c’est la manifestation de ce Christ qui nous a ouvert le Chemin, qui nous permet de vivre déjà le bonheur de vivre dans le monde de Dieu.
Dans la vie du Petit Placide : « Apprends, ô petit Placide, que la vie intérieure est une vie qui est intérieure » …
Apprenons ensemble, en Eglise, que la vie spirituelle est une Vie Spirituelle, une vie dans l’Esprit de Dieu : tous les signes de notre liturgie nous mettent sur le Chemin…ce Chemin qui est Jésus lui-même.

Frère Cyprien

Homélie du 18 mai 2025 — 5e dim. de Pâques — Frère Guillaume
Cycle : Année C
Info :

5ème dimanche de Pâques année C

18 mai 2025

Actes 14,21-27 ; Apoc 21,1-5 ; Jean 13,31-35

Texte :

Frères et sœurs,

S’il fallait trouver un thème commun aux 3 lectures que nous venons d’entendre, il me semble que celui de nouveauté, conviendrait le mieux. D’ailleurs, ce thème accompagne notre prière et notre vie chrétienne tout au long du Temps Pascal, depuis l’évènement de la Résurrection du Christ, qui est au cœur de notre foi.
Nouveauté de l’annonce du message évangélique par les apôtres Paul et Barnabé à l’occasion de leur premier voyage missionnaire en Asie Mineure, vision d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, que Jean, sur l’ile de Patmos, décrit dans le livre de l’Apocalypse, don d’un commandement nouveau de Jésus à ses amis, enfin, dans le IV°évangile.

Revenons sur chacune de ces nouveautés. Et quelle en peut bien être l’actualité pour nous chrétiens aujourd’hui ?
Les apôtres Paul et Barnabé ont été envoyés pour annoncer la Bonne Nouvelle du Christ et ils ont parcouru toute l’Asie Mineure, en s’adressant d’abord à leurs frères juifs dans les synagogues, puis aux païens. De retour à Antioche, ils font leur rapport à l’église, et l’auteur du livre des Actes écrit : « ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment Il avait ouvert aux nations la porte de la foi ». La nouveauté consiste donc dans cette ouverture d’une porte : la porte de la foi dans le cœur des païens. Or pour ouvrir une porte, il faut en général une clé. Je lisais dans un commentaire de Magnificat ces lignes : « un rabbin comparait l’amour de Dieu à une clé. Cette clé sert à Dieu de trois manières : elle lui permet d’ouvrir le sein de la mère pour y faire jaillir la vie, elle lui permettra de rouler la pierre du tombeau en vue de la résurrection des morts : et entre ce début et cet accomplissement de nos existences, elle redonne au cœur enfermé sur lui-même par le mal, subi ou acté, la liberté, fruit de la miséricorde ! »
Tout envoi en mission est donc ouverture d’une porte dont la clé est l’amour de Dieu pour tous les hommes. Chaque baptisé est un disciple missionnaire à sa place, en son temps. Aujourd’hui, nous avons conscience que le monde évolue très vite et qu’il s’ouvre à des horizons très nouveaux, du fait du développement de la science et des technologies, du fait de nouvelles configurations géo-politiques. Une nouvelle société, marquée par l’emprise du numérique et des découvertes en génétique, en intelligence artificielle et en bien d’autres domaines, s’ébauche. Comment l’évangile va-t-il la rejoindre ? Quels seront les Paul et Barnabé qui vont annoncer la Résurrection du Christ, avec Dieu, pour ouvrir la porte de la foi à nos contemporains. Les défis sont immenses et urgents ? l’élection du pape Léon XIV est un motif d’espérance pour l’Eglise.

Et si la première lecture nous place devant une nouveauté apostolique, actuelle, la seconde lecture, elle, propose une nouveauté contemplative, avec la vision eschatologique d’un ciel nouveau, d’une terre nouvelle, de la Jérusalem nouvelle qui descend d’auprès de Dieu, prête pour des noces, comme une épouse parée pour son mari. Le premier ciel, la première terre s’en sont allés ; et de mer, il n’y en a plus. Place désormais à la demeure de Dieu avec les hommes, avec ceux qui ont traversé les grandes épreuves et qui ont fait face aux persécutions ; ils ont lavé leur sang dans le sang de l’Agneau. Message de consolation, de réconfort du livre de l’Apocalypse. Un message à écouter à toutes les époques et qui vaut encore pour bien des communautés chrétiennes d’aujourd’hui de par le monde. Message de grande espérance en vue du Jour du Seigneur, quand Dieu essuiera toute larme de nos yeux, quand la mort ne sera plus et qu’il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur. Alors Celui qui siège sur le Trône déclarera : « voici, je fais toutes choses nouvelles ».

Enfin, dans le passage de l’évangile que nous avons écouté, c’est Jésus qui apporte la nouveauté d’un commandement et qui en fait le don à ses amis, au cours du dernier repas qu’il partage avec eux. « Petits enfants, je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez vous les uns les autres. »

La nouveauté ici ne tient pas tant au commandement de l’amour qui était présent dans l’Ancienne Alliance et dans la Loi de Moïse. Que l’on pense aux textes du Deutéronome du Schéma Israël « tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force », et au livre du Lévitique : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». La nouveauté de l’évangile réside dans le « comme je vous ai aimé » de Jésus. Jésus se donne en exemple, Ses paroles font suite, dans ce dernier repas pris avec ses disciples, au geste surprenant du lavement des pieds de ces disciples. Un abaissement, à la manière d’un serviteur, d’un esclave. « Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres : car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. » Dans ce geste à l’égard de ses amis, Jésus donnait le signe de son abaissement, qui n’était autre que celui de son amour pour eux, jusqu’à l’extrême. Un signe non pas réservé aux seuls 12 apôtres, mais en direction de toute l’humanité, comme le nouveau rituel de l’Eglise voulu par le pape François l’indique pour le Jeudi Saint, quand le prêtre peut laver les pieds à des femmes et des non-chrétiens, quand les chrétiens eux-mêmes se lavent les pieds mutuellement. Ce geste de Jésus si radicalement nouveau ouvre le Triduum Pascal, dans la célébration liturgique du mystère de l’abaissement du Christ, à la veille de sa Passion de sa crucifixion et de sa Résurrection

Frères et sœurs, Il nous revient, alors, en réponse à l’écoute de ces textes et de la nouveauté qu’ils contiennent de faire passer le message de l’Evangile en nous et autour de nous. La Pentecôte approche, et c’est dans le souffle de l’Esprit Saint que nous trouverons la force et le courage de la foi et de l’espérance en cette nouveauté.
« Hommes nouveaux, baptisés dans le Christ, alléluia ! nous avons revêtu le Christ, alléluia ! Héritiers avec lui d’un royaume de lumière, nous possédons la liberté des fils de Dieu pour annoncer au monde : nous sommes au Christ, et le Christ est à Dieu. Alleluia, Alleluia ! »

AMEN

Frère Guillaume

Homélie du 11 mai 2025 — 4e dim. de Pâques — Frère Jean-Louis
Cycle : Année C
Info :

4e dimanche de Pâques

11 mai 2025

Ac 13, 14.43-52 ; Ps 99 ; Ap 7, 9.14b-17 ; Jn 10, 27-30

Texte :

Frères et sœurs,

Ce quatrième dimanche de Pâques, où nous célébrons encore la Résurrection du Seigneur, est, chaque année, placée sous le signe du Christ Bon Pasteur, tout en étant consacré à la prière pour les vocations. Et les lectures de ce dimanche peuvent peut-être nous aider à préciser ce que signifie ce terme de « vocations ». Certes, spontanément, nous pensons aux vocations de prêtres, de diacres ou aux vocations religieuses d’hommes ou de femmes appelés par le Christ à une vie qui corresponde à leur désir profond. Mais ces lectures ne sont-elles pas une invitation à élargir notre perspective ?

Dans la première lecture, nous assistons à un événement décisif dans le développement de l’Église et dans sa mission. Paul de Tarse et Barnabé, deux juifs touchés par la grâce du Christ, ont tout naturellement cherché à annoncer la nouveauté évangélique à leurs frères juifs en allant prêcher dans les synagogues le jour du sabbat. Car il ne faut pas oublier que ces premiers chrétiens étaient juifs. Or, contrairement à leur attente, ils vont se heurter à une très forte opposition même si d’autres juifs, les suivent comme le dit le début de cette première lecture. Situation paradoxale et complexe.

Devant l’intensité de l’opposition, Paul et Barnabé prennent une décision qui sera capitale pour l’avenir du christianisme. En effet si les juifs accueillaient les païens qui se convertissaient pour adorer le Dieu unique, ils ne cherchaient pas trop à provoquer ces conversions par la prédication. Ce qui fait que le judaïsme ne s’était pas développé numériquement de façon importante durant les siècles de son existence. La grande majorité des juifs étaient juifs de naissance et les païens convertis restaient une minorité.

Devant les oppositions dont ils sont l’objet, Paul et Barnabé décident de se tourner vers les nations païennes. Et ils ont des appuis dans l’Ancien Testament, notamment ce texte du prophète Isaïe « J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » Ainsi, donc Paul et Barnabé reprennent à leur compte l’universalité du Salut - c’est-à-dire un Salut offert à tous et pas aux seuls juifs - déjà présente dans le premier Testament. Et l’annonce du Christ va alors se développer rapidement parmi les païens. Ce qui ne sera pas sans provoquer de réactions de la part de juifs refusant l’évangile, nous l’avons entendu, mais aussi de la part de juifs devenus chrétiens et qui se demanderont alors : faut-il soumettre ces chrétiens d’origine païenne à la Loi de Moïse, comme les juifs ? La réponse sera négative et la foi en Christ s’étendra d’autant plus facilement. Ainsi cet appel, cette vocation à partager le Salut en Jésus Christ se fera universel et non plus destiné essentiellement à un peuple élu.

Le texte de l’Apocalypse que nous avons entendu est, lui, familier de ceux qui participent à la messe de la Toussant car elle est reprise, de façon plus développée lors de cette solennité. Nous avons ici une vision grandiose de la foule immense des sauvés de la fin des temps. Et là aussi est formulé l’aspect innombrable au sens propre de cette foule que « nul ne peut dénombrer », mais encore une foule de « toutes nations, tribus, peuples et langues. » Là encore, mais dans une vision du futur et non plus dans une évocation du passé, l’appel, la vocation universelle à participer à la gloire de Dieu est proclamé.

Quant à l’évangile, il revient au thème de Jésus pasteur des brebis. Un pasteur qui donne la vie éternelle aux brebis qui l’écoutent et le suivent. Avec cette certitude proclamée : « personne ne les arrachera de ma main.» En effet, le Père, plus grand que tout les a données au Fils ; occasion de réaffirmer l’unicité de Dieu par l’unité du projet du Salut.
Frères et sœurs, en ce dimanche dit, des vocations, s’il est rappelé dans l’évangile la vocation des pasteurs de l’Église, pasteurs à la suite du Christ, il nous est aussi rappelé que l’appel de Dieu fait à l’humanité tout entière est un appel à la sainteté, à participer à la sainteté de Dieu et que cet appel est destiné non pas à un groupe de privilégiés mais à l’humanité tout entière.

Et du même coup, tous les disciples du Christ, tous les baptisés sont rendus responsables de la diffusion de ce message : « Dieu veut que tout homme soit sauvé. »

Ainsi donc, il ne s’agit pas seulement pour nous de faire notre petit salut personnel, mais d’avoir le courage d’annoncer l’évangile partout et en tout temps. Non pas en l’imposant, mais en témoignant, par notre vie, qu’il vaut la peine d’être chrétien, de suivre le Christ. C’est à cela que nous appelle notre baptême et si, bien sûr, il y a des vocations, des appels particuliers au service de ce grand projet de Dieu de faire connaître son amour à l’humanité et qu’il importe de prier pour l’émergence de ces vocations, il ne faut pas oublier que ces appels particuliers se font au sein de l’appel général fait par Dieu, par le Christ à tous les baptisés, hommes, femmes, mais aussi enfants ados, jeunes, … et nous avons à prier pour que cet appel, cette vocation, soit entendu par chaque baptisé. Car de la réponse de chaque baptisé dépend l’extension de l’appel à la sainteté pour l’humanité entière.

Dans moins d’un mois, nous fêterons la solennité de la Pentecôte, don de l’Esprit aux croyants pour la proclamation du Christ ressuscité et vivant. Que les lectures de ce dimanche nous préparent déjà à entrer dans cette dynamique de l’Esprit qui nous entraîne à annoncer le Christ ressuscité et le Salut de Dieu.

Nous pouvons aussi prier pour notre nouveau pape Léon XIV qui a été appelé par Dieu, par le Christ, à travers le choix qu’ont fait les cardinaux. Que ce pape nous rappelle à tous l’appel que Dieu nous fait sans cesse et comment y répondre là où nous sommes. Dès sa première homélie, vendredi, il a rappelé la valeur essentielle de la mission, nous sommes tous concernés, et je pense que les membres de l’Ecole de la Mission, présents parmi nous, sont heureux de se sentir confirmés dans leur appel missionnaire dès le début du pontificat du pape Léon, mais aussi les jeunes de Cosne-sur-Loire qui ont, eux aussi, à témoigner du Christ.

Que l’Esprit Saint nous vienne en aide pour la mission, ouvrons-nsou tous à son action.
AMEN.

Frère Jean-Louis

Homélie du 20 avril 2025 — Dimanche de Pâques — Frère Etienne Vandeputte SJ
Cycle : Année C
Info :

dimanche de Pâques

20 avril 2025

Ac 10, 34-43 ; Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9

Texte :

Sœurs et frères,

Commençons par écouter Marie Madeleine : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé » (Jn 20, 2).
À la fin du texte de ce jour, les deux disciples s’en retournent chez eux, mais Marie Madeleine reste près du tombeau. Tout en pleurs, elle se penche vers le tombeau et y voit deux anges qui lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Marie Madeleine répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé » (Jn 20, 13).

Depuis presque trente ans, chaque fois que j’entends cette parole, je ne peux m’empêcher de faire mémoire de Sr Pascasie, religieuse rwandaise en séjour en Belgique. Elle n’était pas au pays lors du génocide de 1994. Plusieurs de ses proches avaient été massacrés, dont sa maman. Deux années plus tard, Sr Pascasie est retournée au pays ; elle est allée au village pour honorer la mémoire de sa maman. Les survivants n’ont pu que lui indiquer l’emplacement de plusieurs fosses communes. À ce moment, Sr Pascasie a éprouvé au plus profond d’elle-même le désarroi de Marie-Madeleine : « On a enlevé celle qui m’a donné la vie et je ne sais pas où on l’a déposée ».
Dans les heures qui ont suivi, Sr Pascasie a rédigé une longue méditation à partir de cette lamentation de son aînée dans la foi. Elle y pleurait notamment l’impossibilité d’honorer dignement la dépouille de sa maman, la mémoire de cette maman.
En ce matin de Pâques de l’année sainte 2025, elles sont nombreuses les personnes, les familles, les communautés humaines ou croyantes à vivre une épreuve identique. Il y a peut-être parmi nous des personnes qui vivent une telle douloureuse traversée ou qui accompagnent un proche.

Sœurs et frères, mon propos vous paraît peut-être éloigné de la célébration qui nous rassemble ce matin, du mystère que nous chantons depuis cette nuit.
Je crois que c’est précisément d’abord à ces personnes en souffrance que nous sommes invités à offrir, avec délicatesse et douceur, la Bonne Nouvelle de la Résurrection, c’est-à-dire la possibilité de faire confiance à la victoire, acquise sur la croix, de la Vie sur toute forme de mort.

Pour en venir au mystère de la Résurrection, je souligne brièvement deux points.
Arrivés au tombeau, les deux disciples constatent un fait : le tombeau est vide. L’ « autre disciple » perçoit que ce fait est un signe, et il croit.
Étonnante pédagogie de Dieu qui n’a pas voulu qu’un être humain soit témoin de la Résurrection. Au long des différents évangiles, nous voyons que les grands événements de la vie Jésus ont tous des témoins (le baptême, la transfiguration, la mort en croix,…). Comme à la croix, un païen fait une confession de foi, on aurait pu imaginer que les païens qui gardaient le tombeau deviennent les témoins de l’événement « Résurrection ».
Mais, puisqu’il n’y a pas eu de témoin de la Résurrection, nous sommes obligés de faire confiance à la parole de celles et ceux qui disent avoir vu le Ressuscité.
Aujourd’hui, nous sommes donc face à une double obligation. Nous devons faire confiance – croire – à ce qui nous est transmis de génération en génération. Nous devons croire à une parole, nous devons croire « sur parole ».

À notre tour, nous devons dire à notre frère, comme nous l’avons chanté au début de la journée , l’aujourd’hui des signes de la Résurrection. Chaque génération, chaque communauté, chaque disciple est mis en demeure de risquer un cinquième évangile : c’est une mission d’espérance qui nous est confiée, particulièrement en cette année jubilaire.

Comme en écho à la pédagogie de Dieu, il y a la merveilleuse pédagogie de l’Église qui a toujours le souci de nous donner du temps. Au soir du jeudi saint, le Père Abbé a souligné l’importance du « plus tard tu comprendras » (Jn 13, 7) que Jésus adresse à Simon-Pierre. Pour notre part, nous avons eu les 40 jours de carême pour nous préparer à Pâques. Nous pensons peut-être plus rarement que l’Église nous offre une nouvelle période de 40 jours, jusqu’à l’Ascension, pour accueillir et approfondir l’immense mystère de la Résurrection, qui est le cœur de notre foi.

Sœurs et frères, un temps nous est, à nouveau, donné pour que nous puissions approfondir ce que signifie la Résurrection pour notre vie chrétienne. Nous pouvons également nous interroger : à qui et comment partager cette bonne nouvelle. Ce sera, parfois, offrir une simple présence suffisamment paisible.

P. Etienne

Homélie du 19 avril 2025 — Veillée pascale — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

VIGILE PASCALE

19.04.2025

Rm 6, 3-11 ; Lc 24,1-12

Texte :

« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité ». Oui, frères et sœurs, avec joie nous accueillons cette bonne nouvelle de notre foi. De nouveau, elle retentit à nos oreilles comme le beau cadeau que notre Dieu a fait à notre humanité, un cadeau préparé de si longue date, comme nous l’ont laissé pressentir les lectures entendues de l’AT. Oui, ce cadeau de la Résurrection du Christ est immense. Car en Lui, un être humain comme nous, c’est la vie divine qui nous rejoint pour toujours. La mort est vaincue et la vie s’offre à nous d’une manière nouvelle… Toute la célébration de cette nuit voudrait nous aider à mieux accueillir cette bonne nouvelle, cet immense cadeau…

Le Christ Vivant s’est présenté devant nous comme cette modeste flamme qui a guidé nos pas dans l’église encore dans la pénombre. Petite flamme qui nous donne d’oser avancer dans nos ténèbres. Et si celles-ci pourraient justifier toutes nos craintes de faire un pas en avant, le Christ Vivant est là, petite flamme modeste pour oser de nouvelles choses. Sur cette flamme, nos mains et nos cœurs doivent toujours veiller pour qu’elle ne s’éteigne pas. Et même, si par notre négligence, ou par la force des vents contraires, elle venait à s’éteindre, le Christ est encore là, Lui qui illumine le cierge de mon voisin, de mon frère, de ma sœur. En me tournant vers lui, vers elle, je peux retrouver la flamme, la lumière du Christ.

Le Christ est vivant devant nous et il nous attend hors de nos tombeaux. Ainsi depuis 2000 ans, Il ne cesse de tirer l’humanité hors de ses tombeaux. Car la tentation peut être grande de nous morfondre dans le tombeau de nos échecs, de nos deuils, de nos relations blessées, ou encore dans le tombeau de nos culpabilités, de nos ressentiments ou de la grisaille de l’actualité qui nous plombe. Mais c’est là justement, depuis ces lieux de toutes les forces de mort et de désespoir, que le Christ vient nous prendre la main, comme aime le représenter les icônes orientales, pour nous emmener avec lui. N’ayons pas peur de lui tendre notre main, en l’appelant, en lui confiant le poids trop lourd de nos fardeaux. Car Lui-même s’en charge. Il désire nous communiquer sa victoire sur la mort et sur les forces du mal. Sa victoire qui est sienne devient nôtre dans sa main tendue.

Le Christ est vivant devant nous comme la Promesse d’une vie nouvelle. Dans quelques instants, nous allons renouveler les promesses de notre baptême. Occasion pour chacun de nous de retendre la main vers la source de cette Vie du Christ déjà à l’œuvre en nous. Oui, nous avons déjà tellement reçu. Il a déjà tellement transformé de choses dans nos vies, dans nos manières de penser et d’agir. Notre démarche vers l’eau dira notre désir de le laisser encore davantage nous recréer. Un cœur nouveau, un esprit nouveau… Le Christ nous espère et son Esprit est à l’œuvre pour faire fructifier tous les dons qu’il a déposés en nous.

Le Christ est vivant devant nous comme le Pain qui refait nos forces, et comme le Vin qui réjouit nos cœurs. Nous le recevrons dans quelques instants, fruit de sa Passion et de sa Résurrection. Nous allons être rassasiés et fortifiés. Et comme déjà, il le faisait avec les foules, le Christ qui nous nourrit, nous envoie au milieu de nos frères et sœurs. Avec eux et pour eux, il nous invite à être son cœur qui les espère, à être ses yeux qui repèrent leurs besoins, à être ses mains qui réconfortent et sa voix qui console. Vivant en nous, le Christ nous veut plus vivant au service de nos frères et sœurs, afin qu’ils deviennent à leur tour des vivants… Proche en proche sa Vie se communique.

Frères et sœurs, Rendons grâce d’être ainsi appelés à la Vie. Le Christ est Vivant, vivons de sa Vie et partageons-la !

Homélie du 18 avril 2025 — Vendredi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

VENDREDI SAINT

18.04.2025

Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42

Texte :

« J’ai soif » … Ce cri perçant est celui d’un homme épuisé au terme du chemin si éprouvant qui l’a conduit sur cette croix. Jésus a soif, d’une soif qui ressemble à celle de tous les humains auxquels il s’identifie désormais…

« J’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire »… Jésus a soif, d’une soif plus intense et extrême que celle qu’il a éprouvée un midi au bord d’un puits de Samarie. Et en même temps, la soif de Jésus n’est pas ordinaire. A la Samaritaine, l’assoiffé qu’il était, se présentait comme celui qui peut lui donner une eau vive, jaillissant en vie éternelle. Et sur la croix, Jésus assoiffé, versera bientôt depuis son corps transpercé, de l’eau et du sang. Au même moment où il a soif, Jésus donne et se donne. Il nous ouvre les sources vives de la vie éternelle dans l’Esprit. En faisant mémoire, ce soir, de la Passion du Christ, inséparable de sa résurrection et du don de l’Esprit, nous nous souvenons que, sur ce bois de torture, le corps assoiffé et mortifié devient source de vie.

En vénérant et adorant la croix dans quelques instants, nous répondrons à la soif de Jésus qui désire plus que tout des cœurs ouverts et accueillants au don de la vie qu’il ne cesse de nous offrir.

Homélie du 17 avril 2025 — Jeudi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

JEUDI SAINT

17.04.2025

Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15

Texte :

« Plus tard, tu comprendras », dit Jésus à Pierre…et un peu après, il interroge ses disciples : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous » ?

Frères et sœurs, le geste du lavement des pieds accompli par Jésus est tellement ahurissant pour l’époque -mais le serait-il moins à la nôtre dans certains milieux ? - que Pierre et les disciples peinent à comprendre ce que fait et ce que veut Jésus en bousculant de la sorte l’ordre de la bienséance sociale. Selon les paroles de Jésus, tout se passe comme s’il y avait deux niveaux de compréhension, une plus immédiate et l’autre plus lointaine. La plus immédiate semble assez intelligible : Jésus explique à ses disciples que ce qu’il a fait pour eux en leur lavant les pieds est un exemple « pour que vous fassiez comme j’ai fait pour vous ». Voilà un premier éclairage qui se présente comme une forme de testament spirituel du maitre. Entre ses disciples qui ont été plusieurs fois enclins à se mesurer entre eux, pour savoir qui était le plus grand ou qui aurait accès à la meilleure place, Jésus désire instaurer un autre type de rapport humain. Si Lui le Seigneur s’est mis aux pieds de ses disciples, les premiers ou les responsables, abbé et prieur, et finalement chacun de nous en position d’autorité ou de pouvoir sur d’autres, doit vivre sa fonction dans cette disposition intérieure… Non pas profiter de la position haute pour s’assurer soi-même, pour se placer, en dominant ou en méprisant, mais regarder les autres d’en bas, depuis leur pieds, en acceptant d’être à leur service. Après 2000 ans de christianisme, il nous est relativement facile de comprendre cela avec notre tête. Est-ce aussi facile de l’intégrer dans notre cœur et dans tout notre être de telle sorte qu’on donne vraiment toute sa place à l’autre ? Nous savons que le quotidien nous confond souvent, voire nous accuse, si nous sommes un peu lucides sur nous-même. Face à des remises en cause, ou face à des oppositions, tant de réflexe de peurs et tant de susceptibilités mal dégrossies nous prennent, pourrait-on dire, « la main dans le sac » en train de défendre à tout prix nos droits ou nos prérogatives, notre honneur, etc… Nous sommes encore en chemin, toujours en train d’apprendre à remettre notre tablier de service et à nous remettre aux pieds de nos frères et sœurs !

« Plus tard, tu comprendras », dit Jésus à Pierre. De quoi s’agit-il, nous demandions-nous dans le groupe de communauté, lundi dernier, alors que nous méditions ensemble sur ce texte ? Plus tard…pour Pierre cela commencera en partie quand le coq chantera après qu’il ait renié son maitre. Il va alors comprendre qu’il n’avait rien compris et qu’il ne se connaissait pas bien lui-même. Il lui faudra attendre la résurrection de son Maitre pour comprendre que Jésus avait mené un combat contre la mort et toutes les forces du mal déchainées contre lui, un combat dont lui seul pouvait sortir vainqueur. Le NT est en lui-même un beau témoignage de cet effort de compréhension que Pierre, et avec lui tous les apôtres et évangélistes ont dû mener pour mieux approcher le mystère de Jésus. Lorsqu’il lave les pieds de ses disciples en signe de son abaissement à venir, ou bien lorsqu’il donne le pain et le vin comme anticipation consentie de son corps livré et de son sang versé, il dessinait son propre chemin que personne alors ne pouvait comprendre. Il initiait sa Pâque greffée sur les rites de la Pâque juive pour inaugurer une nouvelle Alliance en son sang. Et il a fallu du temps aux disciples et aux apôtres pour comprendre que, lorsque Jésus invite à faire mémoire de ce dernier repas, de son corps livré et de son sang versé, il désire associer ses disciples et avec eux, son Eglise à « l’œuvre de la rédemption qui s’accomplit ». En son Eglise qui célèbre aujourd’hui et qui s’unit à son action de grâce, le Christ poursuit son œuvre de salut et de libération contre toutes les formes de mal et d’aliénation. Oui, il a fallu du temps à Pierre et ses compagnons pour mettre des mots sur ce mystère et pour permettre, qu’à leur suite, d’autres, c’est-à-dire nous, nous en vivions.

« Plus tard tu comprendras… » Frères et sœurs, nous pouvons garder pour nous aussi ces paroles et les entendre comme une promesse pleine de réalisme, destinée à nous conforter dans la patience avec nous-même sur notre propre chemin de foi. Dans notre monde de l’efficacité et de la rapidité, nous pourrions nous les croyants nous décourager de ne pas tout comprendre tout de suite. Le mystère de foi que nous professons est si grand. Car notre foi au Christ mort et ressuscité porte en elle son propre rythme de germination. On ne tire pas sur le poireau pour qu’il lève ! Peu à peu, si nous cherchons, notre foi se dévoile à nos yeux. Peu importe si nous ne comprenons pas tout. Appuyons-nous sur ce que nous comprenons. Laissons-nous enseigner par la liturgie, par la lecture des Ecritures ou celle des auteurs spirituels. Pour mieux comprendre, on pourrait dire selon l’étymologie pour mieux prendre avec nous, faire nôtre les choses de la foi, chaque année, nous revivons les célébrations du jeudi saint, puis du vendredi saint et enfin de Pâques. Année après année, nous entrons dans une compréhension plus fine du mystère que nous célébrons…et surtout peut-être, nous apprenons à le comprendre, à le faire nôtre de plus en plus avec le cœur. Notre tête sait beaucoup de choses. Mais tant que notre cœur ne les a pas intégrés, notre vie ne s’en trouvera pas vraiment changée. Car elle n’aura pas vraiment fait la rencontre du Christ Vivant. Aussi comme nous le faisions déjà au début de la célébration, demandons au Seigneur : « Donne-nous de puiser à ce grand mystère la charité et la vie en plénitude ».

Homélie du 13 avril 2025 — Dimanche des Rameaux — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

RAMEAUX

13.04.2025

Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22,14 – 23,56

Texte :

Frères et sœurs,

A l’heure où nous voyons tant de grands de notre monde se comporter de manière insensée et guidés uniquement par la recherche d’intérêts immédiats, le récit de la passion que nous venons d’entendre remet sous nos yeux, un Roi d’une toute autre noblesse, Jésus, le Roi des Juifs…

Il est le seul Roi que notre terre ait connu et qui n’ait pas cherché son intérêt.
Le seul Roi qui inaugure son Royaume par un échec consenti, la mort sur une croix.
Le seul Roi qui se donne comme règle de conduite, le service des autres.
Le seul Roi qui tisse une alliance indéfectible avec son peuple en livrant son corps et en versant son sang.
Le seul Roi qui se laisse injustement condamner et bafouer, en implorant le pardon pour ses bourreaux.
Le seul Roi qui donne la première place dans son Royaume à un bandit repenti.
Le seul Roi qui abandonne toute volonté de puissance pour recevoir d’un Autre sa dignité royale, telle qu’elle éclatera au matin de Pâques.

Frères et Sœurs, durant ces jours saints, contemplons, le Christ notre vrai Roi qui nous invite largement à prendre part dès maintenant à la vie de son Royaume. Laissons-le nous enseigner le mystère de son Royaume.

Homélie du 06 avril 2025 — 5e dim. du Carême — Frère Cyprien
Cycle : Année C
Info :

5e dimanche de carême année C

6 avril 2025

Is 43/16-21, Ph 3/8-14, Jn 8/1-11

Texte :

« Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? »

Quand on parle d’adultère, nous parlons d’un péché grave et il faut être deux personnes pour le commettre… vous serez d’accord avec moi ! Quand quelqu’un ou quelqu’une est li(é)e par le lien du mariage, peu importe si l’autre personne est liée ou non comme la première, les deux seront coupables d’une faute grave. Dans le cas de notre Evangile il manque vraiment quelqu’un et, de plus, la femme dite adultère est entourée d’hommes plutôt que de femmes.

C’est de cet Evangile d’ailleurs que la langue française a gardé l’expression « femme adultère », et c’est dommage car les hommes méritent autant ce qualificatif… puisqu’ils sont concernés à égalité !
Des exégètes se sont demandé si ce passage était bien à sa place à l’intérieur de l’Evangile (l’Evangile de Jean) ; je trouve en fait qu’il vient bien dans le temps du Carême et dans le temps de préparation des catéchumènes à leur baptême la nuit de Pâques. Il souligne la bonté et le pardon, la bonté et le pardon dont Dieu veut gratifier chaque personne pour son chemin vers lui, quels que soient ses actes et son passé.

Soulignons donc l’importance de cet épisode, de cette rencontre de Jésus avec la misère d’une vie : si cette femme est réellement coupable, elle a besoin du pardon de Dieu …et la loi de Moïse est sévère… et même elle est intraitable : on peut dire qu’en référence à la tradition biblique, mais pas que par celle-ci, les femmes ont pâti et pâtissent encore de façon générale d’un traitement inégal et injuste…

Mais ce qui doit nous faire réfléchir aujourd’hui c’est la non-condamnation radicale de Jésus envers cette personne « adultère » : Jésus profite du départ des accusateurs pour être seul avec l’accusée.
Donc Jésus ne condamne pas cette pécheresse prise en flagrant délit ; il lui dit seulement : « Moi non plus je ne te condamne pas, va et désormais ne pèche plus » ! Elle pouvait donc retrouver une relation vivante, normale avec Dieu ; comme il est dit dans la parabole du pharisien et du publicain, elle rentra chez elle justifiée.
Quand nous disons un peu facilement ou trop rapidement « A tout péché, miséricorde », nous pensons aux petits manquements mais pas aux gros péchés, aux grandes infidélités. Eh bien, Jésus, Lui, il dit par cet exemple que vraiment Dieu est prêt à faire miséricorde pour tout ce que nous avons fait… Est-ce que nous y croyons ?

Allons-nous traiter Dieu de laxiste ? Peut-être ! … Mais connaissant le fond des cœurs, Dieu sait certainement plus de choses sur ce qui nous anime quand nous ne faisons pas le Bien.
Comme dit le Psaume 102 : « Dieu ne nous traite pas selon nos péchés… Aussi loin qu’est l’orient de l’occident, Il met loin de nous nos péchés, » … et saint Paul dimanche dernier : « Dieu a identifié le Christ au péché des hommes, afin que, grâce à Lui, nous ayons part à la sainteté de Dieu »…nous ayons part à la sainteté de Dieu....
Autre remarque : je me suis demandé pourquoi j’avais une préférence pour un tel passage d’Evangile : j’ai compris en préparant ce mot que ce face-à-face de la femme avec le Seigneur fait penser au « jugement dernier ». Nous y serons face à face avec Dieu …et seul devant Lui ! Ne faudrait-il pas nous préparer à cette rencontre en pensant que nous n’aurons pas d’excuse très valable pour justifier nos errements et nos fautes ? Peut-on aborder le Maitre du monde et notre Créateur sans la honte d’avoir abusé de sa patience ?
Mais il faudrait aussi penser que Dieu veut tout pardonner si nous nous tournons vers lui, en lui faisant confiance… comme cette femme prise en flagrant délit, qui repartira chez elle apaisée, justifiée : la rencontre de Jésus lui a dit qu’elle avait du prix aux yeux de Dieu… bien au-delà de ses actes passés.

Frères et Soeurs, nous sommes porteurs d’une Bonne Nouvelle : c’est encore cela que nous recevons ce matin : Bonne Nouvelle du pardon infini de Dieu qui nous a créés et aimés, non pas pour ensuite nous condamner, mais pour nous apprenions à son exemple le pardon, la miséricorde.
« Soyez miséricordieux comme votre Père du Ciel est miséricordieux »
Soyons miséricordieux comme notre Père du Ciel … pour que nous ayons part à la sainteté de Dieu.
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« Notre victoire est dans le Christ ».
Saint Paul écrit qu’il considère tout comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance de Jésus Christ le Seigneur.
Dés ici-bas nous pouvons éprouver la puissance de sa résurrection, communier aux souffrances de sa passion : mort et résurrection dans nos vies, pesanteur du péché et de la faute et grâce toute puissante de Dieu, Carême et Temps pascal pour courir vers le but : Dieu nous appelle…

Homélie du 16 mars 2025 — 2e dim. du Carême — Frère Basile
Cycle : Année C
Info :

Année C - 2° dimanche de Carême - 16 mars 2025

Gn 15 5-18 ; Philip. 3.7- 4.1 ; Lc 9 28-36

Homélie du F. Basile

Texte :

F et S, ouvrons bien toutes nos oreilles, surtout celle du cœur, pour écouter non pas le prédicateur, mais Jésus, Parole vivante du Père. « Ecoutez-Le », c’est le dernier mot sur lequel s’achève ce son et lumière étonnant de la Transfiguration.

Qu’est-ce que le Seigneur veut nous dire aujourd’hui, en plein carême : pourquoi ce détour par la montagne de la Transfiguration ? Mais ce n’est pas un détour : dans la vie de Jésus, c’est un événement central, comme un pivot autour duquel tout s’ordonne. Il nous est rapporté par les 3 évangiles, Matthieu, Marc et Luc, chacun avec un accent différent, mais pour les 3, il a bien lieu entre la 1° et la 2° annonce de la Passion, cette Passion du Fils de l’homme que Pierre ne peut pas accepter.

Dans le récit de Luc, que nous avons écouté, Jésus s’entretient avec Moïse et Elie de son départ, litt. de son exode, de sa sortie de ce monde, qui aura lieu à Jérusalem, et il nous faut comprendre qu’il s’agit de sa mort et de sa résurrection : la gloire et la croix, il y a là un raccourci très fort que les 3 disciples ne comprennent absolument pas. Ils voient le vêtement blanc, mais ils ne font pas le lien avec le Fils de l’homme souffrant que Jésus leur a annoncé. Ils voient la gloire de Jésus, ils reconnaissent Moïse et Elie, Pierre propose même de dresser 3 tentes, mais « il ne savait pas ce qu’il disait. » En fait, ils vont garder le silence et ce n’est qu’après Pâques qu’ils comprendront l’événement.

Mais nous, devant ce mystère glorieux, je crois que nous sommes mieux placés que les disciples pour faire le lien avec Pâques, car seule la lumière de la Résurrection éclaire vraiment la Transfiguration. C’est donc important que nous célébrions ce mystère durant le carême pour aller vers la nuit pascale où nous chanterons le Christ ressuscité, notre Lumière, qui brillera dans nos cœurs et sur nos visages.

Luc est aussi le seul à nous dire que cette illumination du visage de Jésus survient dans la prière. Il emmène ses 3 disciples sur la montagne pour prier, et « pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre. » Il ne s’agit pas d’un flash, d’un spot lumineux qui viendrait l’éclairer ; cette lumière jaillit de l’intérieur, elle vient de sa prière, c’est à dire de sa relation au Père. Les disciples le voient comme ils ne l’avaient jamais vu : c’est bien pourtant l’homme Jésus, mais il est habité par l’Esprit de Dieu dans une relation unique à son Père ; alors la voix qui s’adresse aux disciples et à nous maintenant, prend toute sa force : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le » Voilà ce que nous devons faire aujourd’hui : dans une écoute intérieure, regarder vers le Christ pour être illuminés, transfigurés: « Qui regarde vers lui resplendira, dit le psaume, sans ombre, ni trouble au visage. » (ps 33)

Le visage, c’est ce qu’il y a de plus beau dans le corps humain : hélas à cause du Covid, nos masques l’ont défiguré. Le visage est fait pour refléter la lumière et la communiquer aux autres : on pourrait dire qu’il est en attente de résurrection ou de transfiguration, 2 mots très proches. Regarder vers le visage du Christ, c’est laisser la source de lumière atteindre tout notre être, changer notre regard, et même notre façon d’aimer.

« Aimer, disait le P. Shoufani, c’est ne plus voir la vie et les êtres que dans la lumière qui les traverse : c’est voir l’être humain, si opaque parfois, non pas tel qu’il est, mais tel qu’il est appelé à devenir lorsqu’il se sera éveillé à la lumière, tel qu’il est déjà habité par la clarté divine, même s’il ne le sait pas encore. »

Oui, dans la Transfiguration, il y a un déjà là et un pas encore. Car nous sommes tous appelés comme Jésus à ressusciter dans notre corps. Paul disait dans la lettre aux Philippiens (2° lecture) : « Nous attendons le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » Voilà ce « pas encore » que nous attendons, mais déjà, par la transformation de notre regard, illuminé par le Christ, et jusque dans la souffrance, nous pouvons vivre un peu de la résurrection promise : la Transfiguration n’est pas une antidote à la souffrance et à la mort, une sorte de parenthèse sur un petit nuage, c’est une expérience divine dans notre chair humaine, une expérience capitale pour la vie chrétienne. Elle va donner du sens et de la valeur à notre corps qui souffre, à notre vie qui va vers la mort, mais qui déjà contient en germe la résurrection.

Quand avons-nous déjà fait cette expérience ? Quand avons-nous été illuminés ? Au jour de notre baptême, et je pense aux catéchumènes qui la feront bientôt : mais nous, les baptisés, nous pouvons la renouveler aujourd’hui dans la liturgie et dans la prière : laisser la source de la lumière atteindre notre corps, tout notre être, changer notre regard.

C’est cela vivre le mystère de la Transfiguration. Et si nous regardons ensemble vers Jésus transfiguré, nos visages deviendront comme le sien, rayonnant de lumière. Même si pour beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui, c’est encore la nuit, il faut leur dire qu’il y a dans le monde des lieux et des moments de transfiguration.