Homélies
Liste des Homélies
Fête du Sacré-Cœur, année C
27 juin 2025
Ez 34, 11-16 ; Ps 22, 1…6. ; Rm 5, 5b-11 ; Lc 15, 3-7
Alors qu’au lendemain de la Pentecôte, nous sommes entrés dans le temps ordinaire de la liturgie, c’est un peu comme si nous avions besoin d’un « sas » pour abandonner les temps extraordinaires du Carême et de Pâques. Trois fêtes assurent ce passage de l’extraordinaire à l’ordinaire, comme un « c’est-à-dire » : la fête du Sacré-Cœur, qui est aujourd’hui célébrée, et les fêtes du Saint-Sacrement, dimanche dernier, et de la Trinité, le dimanche précédent.
En premier lieu, je souligne que ces trois fêtes ont un point commun. Elles pourraient recevoir le même nom, le nom qui est attribué à l’une d’entre elles : je pense à la « Fête Dieu ». En effet, ces trois fêtes sont chacune une manière de célébrer le mystère de Dieu : célébrer Dieu qui est communion des Personnes divines – c’est la fête de la Trinité –, célébrer Dieu qui se donne dans le corps et le sang du Christ – c’est la fête du Saint-Sacrement –, et célé-brer Dieu qui est tout amour, c’est cette fête du Sacré-Cœur. Autrement dit, on pourrait dire qu’il n’y a qu’une prière, qu’une liturgie chrétienne : celle qui honore Dieu, celle qui accueille ce qu’il révèle de lui.
Voici donc trois fêtes qui sont plus théologiques que bibliques, et pour cette première raison, toute évidente, qu’elles portent des noms qui ne sont pas issus de l’Écriture. Le mot de « Trinité », et les expressions de « Saint-Sacrement » ou de « Sacré-Cœur », n’existent pas dans l’Écriture. La prière sur les offrandes, que je prononcerai dans quelques instants, marque cette distance entre les mots et la réalité : Dieu est plus grand que les mots, même justes, que nous employons pour essayer de parler de lui. « Regarde, Seigneur, l’amour inexprimable du Cœur de ton Fils bien-aimé, » dira cette prière.
Même si les mots portent leur propre limite, ces fêtes expriment des réa-lités qui, elles, sont bibliques et qui expriment le mystère de Dieu. Il faut tou-jours garder en mémoire que la source de la Révélation, ce par quoi Dieu se dit, Dieu se révèle, c’est l’Écriture. Pour cette raison, afin de bien saisir ce que nous célébrons, ou même ce que nous disons dans le discours théologique, il faut le vivre, l’exprimer, le comprendre grâce à ce que l’Écriture dit de Dieu, dit du monde, dit de l’homme. Karl Rahner écrit ainsi que seule l’Écriture est la « norma normans, non normata ». Faut-il traduire ? Pour Rahner, l’Écriture est la norme normante, non normée, autrement dit la règle qui règle tout sans être réglée par rien d’autre qu’elle-même.
Les premiers penseurs chrétiens, les Pères de l’Eglise, avaient une vive conscience de cela. Ils hésitaient toujours à recourir à un vocabulaire non bi-blique. Ils le firent cependant. Pensons au terme « homoousios », dans le credo, le symbole de Nicée de l’an 325, dont nous fêtons les 1 700 ans cette année. Le problème redouble lorsque l’on veut traduire en français un terme qui est très lié au contexte de la philosophie grecque. Aujourd’hui, nous disons que le Fils est « consubstantiel au Père », mais combien de querelles, de vaines querelles, autour de ce mot et de ses traductions !
Quelques dizaines d’années après Nicée, lors du premier concile de Constantinople, en 381, alors qu’il était question de parler de l’Esprit-Saint, les évêques, et avant tout saint Basile, voulurent éviter d’employer des termes phi-losophiques, et surtout d’employer des expressions non bibliques. Ils ne parlè-rent de l’Esprit-Saint qu’en termes bibliques.
Par la suite, c’est vrai, on retrouvera, non dans les credos, mais dans la théologie, des mots qui ne sont pas dans la Bible : le mot « trinité », ou encore le mot « personnes », pour parler des trois personnes de la Sainte Trinité. Mais saint Augustin avait bien conscience de la difficulté d’un tel mot, qui ouvre au risque de penser à « trois dieux ». Il écrira alors que s’il parle des « personnes » divines, ce n’est pas « pour dire quelque chose, mais pour ne pas ne rien dire » (De Trinitate, V, 9, 10).
Célébrer le Sacré-Cœur, c’est donc le faire avec grande réserve et grande vénération, en raison de l’inaptitude des mots et de notre pensée à dire Dieu, ou plutôt à essayer de dire Dieu ; mais, surtout, parce que dans cette fête, il est question de l’amour de Dieu. Ce mot, lui biblique, mais aussi employé de tant et tant de manières, devrait nous avertir de son caractère très précieux. Ce que nous risquons ici, c’est la banalité, voire l’insignifiance : à trop employer cer-tains mots, ils peuvent finir par ne plus rien dire.
Mais l’Écriture, si elle est faite de mots et de phrases, rapporte avant tout une geste, celle de Dieu en faveur de son peuple Israël, celle du Fils deve-nu homme en faveur des petits et des pauvres. Dans l’Évangile, même s’il est question de chiffres – cent, 99, un – c’est ce dernier nombre qui compte. Pour le Seigneur, le Dieu Un, seul compte le un, la personne, chaque personne. Le bon berger peut se soucier du troupeau ; avant tout, il se soucie de chacun des membres de ce troupeau.
Là est l’amour de Dieu, là est l’amour dont nous sommes les bénéfi-ciaires, et l’amour que nous sommes appelés à vivre. La joie de Dieu se nourrit de chaque vie, de l’attention à chaque vie et à ce qu’elle vit de juste, de beau. Certes, l’amour de Dieu n’est pas exprimable par des mots, mais il se révèle par l’attention qu’il porte à chacune et à chacun.
Voilà le grand amour, voilà ce cœur de Dieu qui se révèle dans l’Écriture et dans cette fête. L’amour donne, il ne retient rien, ni ne se protège. L’amour n’a pas de regard en arrière. L’amour ne contrôle pas ce qui sera fait du don qu’il est. L’amour sait qu’en donnant, il fait confiance, et par là, il fait naître la confiance et l’encourage. L’amour prend tous les risques, y compris celui d’être mal compris ou dévoyé ; mais c’est en cela qu’il est amour.
Voilà le cœur du Christ, voilà le cœur de Dieu : il accepte qu’avec nos pauvres mots, nos vies parfois si faibles, nous puissions le recevoir, parler de lui, nous puissions même le donner et l’annoncer, puisque, en dehors de nous, les hommes, les femmes et les enfants, qui dira Dieu, qui l’annoncera ?
Mgr Pascal Wintzer
Fête du Corps et du Sang du Christ, année C
22 juin 2025
Genèse 14, 18-20 ; psaume 109 ; 1 Corinthiens 11, 23-26 ; Luc 9, 11b-17
Frères et soeurs,
nous venons d’entendre une fois de plus le récit de la multiplication des pains, un récit important puisqu’il est rapporté par les 4 évangiles, et même 2 fois chez Matthieu et chez Marc avec des différences ; mais on trouve au moins 4 fois la mention des 5 pains et des 2 poissons. Dans l’évangile de Luc, cela va permettre de nourrir cinq mille hommes, et il y aura 12 paniers de reste ! Comment cela n’aurait-il pas frappé les gens : un miracle pas comme les autres.
Est-ce un tour de passe-passe, comme on a essayé de l’expliquer ? Une situation de crise qui se retourne, on ne sait pas comment, peut-être grâce au partage. En tout cas, si l’Eglise nous propose cet évangile pour la fête du Corps et du Sang du Christ, c’est que ce miracle de la multiplication des pains vient éclairer et donner du sens au mystère de l’Eucharistie, ce sacrement qui fait l’Eglise et dont nous vivons toujours depuis 2000 ans.
Tous se tient dans l’Evangile et c’est à nous d’essayer de comprendre, de relier entre eux les gestes et les paroles de Jésus. Ici nous sommes encore au début du ministère de Jésus, les apôtres reviennent de leur 1° mission ; Jésus parle longuement à la foule du Règne de Dieu et quand le soir arrive, les apôtres comprennent qu’il faut renvoyer cette foule, car ce n’est pas possible de la nourrir. Mais Jésus leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Entendons bien cette parole dans notre monde où trop de gens encore meurent de faim, - nous ne pouvons pas oublier la population de Gaza - où trop de communautés chrétiennes sont privées d’eucharistie. Les disciples lui répondent : « Mais nous n’avons que 5 pains et 2 poissons. » Pour Jésus, ce peu suffit pour que tous aient à manger, et l’incroyable se produit : Jésus prend les 5 pains, prononce sur eux la bénédiction, les partage et les donne aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. On ne saura jamais ce qui s’est passé, mais le sens pointe déjà vers ce dernier repas où Jésus prend du pain, le bénit, le partage et le donne à ses disciples en disant : Ceci est mon corps, donné pour vous. ». Tout se tient et vous savez que dans l’évangile de Jean, c’est après la multiplication des pains que Jésus dit à la foule : « Je suis le pain de vie. »
Aujourd’hui, c’est Paul qui nous rappelle le sens de ce dernier repas dans sa 1° lettre aux Corinthiens. C’est d’ailleurs le témoignage le plus ancien que nous ayons sur la célébration de l’eucharistie, sans doute vers l’année 55. Les évangiles seront composés bien plus tard. Paul a reçu cette tradition qui vient du Seigneur et la transmet à son tour, et c’est beau de savoir que ce sont ces mêmes paroles dont nous nous servons encore aujourd’hui pour célébrer l’eucharistie :
« Ceci est mon corps qui est pour vous, cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. »
Il y a un autre rapprochement étonnant, dans la 1° lecture, avec le pain et le vin que fait apporter Melchisédek, prêtre du Dieu très-haut : c’est la trace d’une alliance où Abram est béni et donne à Melchisédek, roi de Salem, la dîme, le dixième de ce qu’il avait pris. Comme le dit la lettre aux Hébreux en citant le psaume 109, Jésus, notre grand-prêtre, s’inscrit dans la lignée de Melchisédek et il choisit le pain et le vin, qui faisaient partie du repas juif, pour en faire le sacrement de son corps et de son sang, le mémorial de son sacrifice et le sacrement de la nouvelle alliance.
Il est grand, le mystère de la foi ! Nous ne pouvons pas l’exprimer en quelques mots d’homélie. Savez-vous qu’en latin, le mot sacramentum a le sens de mystère ; alors surtout n’en faisons pas une chose : ne mettons pas la main dessus, ne l’enfermons pas dans un tabernacle ; car ce n’est pas la présence physique du Christ, c’est la présence sacramentelle du Christ mort et ressuscité, présence réelle dans le sacrement ; il est là dans le pain consacré, il est là dans le vin consacré, et c’est à la fraction du pain qu’on le reconnaît. Dans l’évangile, le miracle a lieu au moment où le jour baisse, comme dans le récit des pèlerins d’Emmaüs.
Qu’allons-nous garder de cet évangile ? N’y a-t-il pas un appel de Jésus, quand il nous dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » ? Je pense à ceux et celles d’entre vous qui vont porter la communion aux malades : la sainte réserve eucharistique est destinée à cela. Ne venons pas le dimanche en simples consommateurs, laissons-nous manger en donnant notre vie.
Le P. Dominique Blanchet, ancien évêque de Belfort, maintenant à Créteil, a fait graver sur sa croix pectorale 4 pains et non pas 5 « Le 5°, dit-il, c’est moi-même, quand je participe à l’eucharistie et je m’offre à Dieu dans l’offrande du Christ. Ce pain-là ne manquera jamais. »
Frères et Sœurs, si nous venons à l’eucharistie le dimanche, c’est pour communier à la vie du Christ ressuscité, en le recevant et en nous offrant nous-mêmes. Alors tout prend son sens, comme le disait le patriarche Athénagoras : « Que peut-il y avoir de plus grand ? C’est la joie de Pâques, la joie de la transfiguration de l’univers. »
Oui, rendons grâce à Dieu et devenons « eucharistie ».
Frère Basile
Sainte Trinité
15 Juin 2025
Pr 8, 22-31 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15
« Dieu, personne ne l’a jamais vu » affirme st Jean.
Pourtant, nous fêtons notre Dieu aujourd’hui.
Comment pouvons-nous fêter celui que nous n’avons jamais vu ?
Oui, personne n’a jamais vu Dieu, et cependant Dieu s’est révélé.
Il est parole. Il s’adresse aux hommes qu’il crée.
En lui brûle un feu : le grand désir de partager sa vie et sa joie de Dieu,
avec nous qu’il crée pour cela.
Il est Don, et il se donne dans sa Parole.
Et l’impensable s’est produit : Dieu invisible s’est rendu visible.
« Dieu, personne ne l’a jamais vu », mais poursuit st Jean :
« Le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. »
La Parole de Dieu a pris chair dans notre monde.
Elle a pris un visage au milieu de nous.
Un visage qui a une histoire :
celui d’un nouveau-né, advenu au monde dans la précarité,
celui d’un petit garçon au milieu de tous ses cousins et voisins,
d’un adolescent montant au Temple avec ses parents,
d’un jeune adulte aidant son père Joseph dans son travail de charpentier,
d’un homme libre, annonçant la présence du Royaume, appelant et envoyant des disciples en mission,
d’un homme rejeté, bafoué, condamné, supplicié,
d’un homme enfin transfiguré, ressuscité par la puissance de l’amour.
« Voici l’Homme. »
Cet homme-là n’est pas venu de lui-même, mais de Celui qui l’a envoyé.
« Vous me connaissez ? Et vous savez d’où je suis ? Je ne suis pas venu de moi-même. »
« Le Père et moi, nous sommes un. »
« Qui me voit, voit le Père. »
C’est de Celui-là que Jésus a témoigné dans tout son être, dans chacun de ses actes.
Jusqu’à risquer sa vie pour nous dire que le Père et lui sont UN dans un unique Esprit.
Jésus nous a révélé le Père et s’est révélé comme le Fils.
Et, ayant accompli sa mission, il nous a communiqué – il nous communique – leur Esprit, càd ce qui les fait vivre, leur communion intime.
Pourquoi donc Dieu s’est-il ainsi révélé ?
Ce n’est pas pour le connaître de façon extérieure,
c’est pour nous faire entrer dans sa vie même.
En lui, brûle un grand désir de partager sa vie et sa joie de Dieu.
Et je fais un pas de côté en pensant à la parabole du père et des deux fils chez st Luc.
Notre f. Yves, dans sa peinture du grand couloir de l’hôtellerie,
a représenté le père, scrutant avec une longue vue, le retour improbable de son fils prodigue.
Dans une lecture au réfectoire, il nous a été dit que le fils aîné, demeuré sur place, près du père,
était plus perdu que son frère prodigue.
Et je me dis que ce fils aîné, c’est l’opposé du Fils de Dieu.
Notre Père qui désire nous partager sa vie alors même que nous errons loin de lui,
ne regarde pas seulement à la jlongue vue si nous sommes de retour,
mais il envoie son Fils pour nous chercher au fond de nos abîmes ;
et ce Fils, loin de se désolidariser de nous comme le fils aîné de la parabole vis-à-vis de son cadet,
livre toute sa vie, dans le même élan d’amour que son Père, pour nous chercher et nous sauver.
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. »
« Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde,
mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »
« Je ne suis pas venu dans le monde pour faire ma volonté, mais celle de celui qui m’a envoyé. »
« Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».
On pourrait dire aussi :
« Quand je serai descendu au fond de vos abîmes, je vous attirerai tous à moi. »
« Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi,
et qu’ils contemplent ma gloire,
celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. »
Voilà la Trinité, le Dieu qui se donne à nous.
La Trinité, ce n’est pas un dogme intellectuel, c’est la réalité du Dieu vivant, Source jaillissante, Don infini, qui ne cesse de déborder, de s’offrir.
Que le Christ nous arrache à nos errances, nous conduise avec lui dans le Cœur du Père,
que l’Esprit nous rassemble en un seul corps, à la louange et à la gloire du Père !
Qu’il nous conduise à la vérité tout entière, la vérité de l’amour vécu !
Frère Hubert
PENTECÔTE
08 Juin 2025
Ac 2,1-11; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16. 23-26
Frères et sœurs,
A deux reprises, dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus parle de l’Esprit Saint comme d’un « Défenseur ». Ce titre peut paraitre un peu étrange. De qui ou de quoi a-t-on besoin d’être défendu ? Au lieu de « Défenseur », on trouve parfois le mot « Paraclet », transcrit du mot grec qui veut dire « celui qu’on appelle à son secours » … On pourrait aussi traduire par « avocat », celui qui assure notre défense… Mais de qui ou de quoi a-t-on besoin d’être défendu ?
Jésus dit qu’il priera son Père qui donnera un autre Défenseur, alors qu’il vient d’affirmer : « si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ». Il suggère que pour garder ses commandements, nous avons besoin d’un Défenseur. Dans la tradition juive, on utilisait volontiers une image pour signifier la garde ou l’observance des commandements, c’était l’image d’une haie qui entoure et protège les cultures de l’invasion des animaux indésirables. Le peuple juif était invité à dresser une haie autour de la Loi et des commandements, à se protéger pour mieux les observer. En invoquant sur ses disciples la venue d’un Défenseur, Jésus n’appelle-t-il pas sur eux l’Esprit comme le gardien qui va les entourer et les protéger afin qu’il garde ses paroles et ses commandements. Mais protéger de quoi ? de qui ? Peut-être faites-vous aussi l’expérience à certains jours de la présence en votre esprit de bien des paroles ou des pensées qui peuvent vite prendre la place de celles de Jésus. Jésus me demande d’aimer comme il aime, mais souvent bien des arguments vont m’incliner à trouver de bonnes excuses pour ne pas faire le geste ou dire la parole qui pourrait faire du bien ; ou bien des pensées vont m’habiter qui vont m’enfermer dans le jugement sur telle personne pour m’empêcher de faire un pas vers elle, et me détourner d’elle. Ces exemples montrent que bien des pensées ou des arguments viennent envahir mon terrain intérieur qui saccagent les paroles de Jésus et ses commandements pour m’empêcher de les mettre en pratique. Le Défenseur, viendra m’aider à ne pas laisser ces pensées ou ces idées saccager le désir qui m’habite d’obéir aux paroles de Jésus. Et il le fera d’autant plus si je l’appelle à mon secours,
Jésus ajoute deux verbes pour caractériser l’action du Défenseur, il enseignera et il fera se souvenir de tout ce que Jésus a dit. Il enseignera : autrement dit, l’Esprit Saint ne fera pas que rappeler l’enseignement de Jésus, mais il enseignera lui aussi. Enraciné, ancré dans ce que Jésus a dit, l’Esprit Saint va poursuivre et déployer l’enseignement de Jésus. N’en avons-nous pas un exemple dans la lettre de Paul entendu en seconde lecture ? Paul affirme : que dans l’Esprit, nous crions « Abba » Père et que l’Esprit atteste à notre Esprit que nous sommes enfants de Dieu. Jésus lui-même avait enseigné à ses disciples à se tourner vers son Père en disant « notre Père ». Il leur avait laissé les mots de la prière. Mais Paul nous révèle à quelle profondeur de relation avec notre Père, le don de l’Esprit-Saint nous entraine. Il suggère que prier, ce n’est pas simplement dire des mots. Il nous montre que c’est l’Esprit, le Défenseur qui vient de l’intérieur nous entrainer dans un élan nouveau, pour dire Père, Abba, Papa. L’Esprit non seulement nous rappelle la prière de Jésus, mais il nous enseigne de l’intérieur à entrer dans son mouvement de confiance filiale, celle qui a pris tout son être. Et en certains jours, l’Esprit Saint demeure vraiment toujours notre Défenseur contre nos ennemis intérieurs. En effet, alors que parfois nous pouvons être découragés par nos limites, nos tiédeurs et notre péché, alors que parfois nous pouvons douter d’être encore digne d’être chrétien et enfant de Dieu, l’Esprit « atteste Lui-même que nous sommes enfants de Dieu », comme l’affirme Paul… Enfants de Dieu appelés à partager l’héritage du Christ. Oui, la pire des choses serait de penser que nous ne sommes pas dignes de l’Amour de notre Père des cieux. Contre cette pensée perverse, le Défenseur est là qui murmure en nous le nom du Père, comme nous le chantons dans une hymne… Non seulement, Il nous suggère : « ne t’inquiète pas tu es très aimé »…, mais il nous donne d’oser dans un léger murmure, dire « Père ».
Frères et sœurs, cette fête de Pentecôte voudrait raviver notre foi en ce Défenseur, qui habite en nos cœurs. Il est si discret, que nous pourrions l’oublier, ou penser qu’il n’est pas là. Cultivons ce regard, cette écoute et cette attention aux signes discrets de sa Présence. A nos côtés, il attend qu’on l’appelle au secours. Avec confiance, invoquons-Le. Feu ardent autant que Silence frémissant, il est cet hôte intérieur, mais aussi cet imprévu déroutant qui nous surprend toujours. En cette eucharistie, laissons-le nous entrainer avec Jésus dans une relation toujours plus filiale avec notre Père, et plus fraternelle avec nos frères et soeurs.
Père-abbé Luc
7ème dimanche de Pâques – année C
1er juin 2025
Actes 7, 55-60, Apocalypse 22, 12-14.16-17.20, Jean 17, 20-26
Frères et sœurs,
Ce 7ème dimanche du temps pascal est une étape particulière : Jésus est retourné vers le Père à l’Ascension et les disciples sont dans l’attente du don de l’Esprit-Saint. Le temps est comme en suspend. La liturgie est cependant très riche : chacune des lectures de ce dimanche nous aide à progresser dans la connaissance du Christ et de sa relation avec le Père.
Prenons donc brièvement chaque lecture dans l’ordre dans lequel nous les avons écoutées.
Les Actes des Apôtres nous rapportent l’événement bien connu de la mort d’Etienne. Ce martyr est comme la répétition tragique de la passion de Jésus. Le motif de la condamnation d’Etienne est identique à ce qui est reproché à Jésus. Etienne déclare qu’il « contemple les cieux ouverts ». Ceci veut dire qu’il a accès au mystère de Dieu : Etienne voit « le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ». Cette déclaration ne peut que provoquer la colère de ceux qui ont condamné Jésus. Le condamné, le crucifié est bien le Fils de l’homme, le Messie : Il est à la droite de Dieu.
Autres similitudes : Etienne est mis à mort « hors de la ville ». De plus, Étienne reprend deux des sept paroles du Christ en croix : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit » ; « Seigneur, ne leur compte pas ce péché ».
Nous restons dans le même climat de « révélation » avec la deuxième lecture. (Apocalypse signifie « révélation » ou « dévoilement », avant de signifier « catastrophe ».)
Il nous est d’abord dit, de manières imagées, que Jésus est présent à toute l’Histoire du Salut : je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin.
Ce texte nous dit également que, si nous consentons à nous laisser laver, purifier, pardonner, guérir dans la mort de Jésus, nous aurons accès à l’arbre de vie, à l’eau de la vie. Cela veut dire que nous vivrons de la grâce de la Résurrection déjà acquise sur la croix.
Vient enfin une prière que nous connaissons bien, mais que nous ne faisons peut-être pas facilement nôtre : « Viens, Seigneur Jésus » ! Il y a sans doute souvent en nous une petite voix qui dit : « Viens, Seigneur Jésus… mais ne viens pas trop rapidement : j’ai encore tellement de projets et de choses à faire ». Il est important que la liturgie nous rappelle ces mots qui clôturent la Bible.
Avec l’évangile de ce dimanche, nous sommes témoins de la profonde intimité qui unit le Fils et le Père.
À trois reprises, Jésus s’adresse à son « Père », qu’il nomme également « Père saint » et « Père juste ». Et nous sommes rendus présents dans ce dialogue, dans cette prière : je prie encore pour celles et ceux qui « croiront en moi ».
Qu’est-ce que Jésus demande à son Père ? Qu’il y ait entre nous une « unité » qui soit à l’image de l’ « unité » qui unit le Père et le Fils. Qu’est-ce que cette « unité » ? Il ne s’agit pas d’une uniformité ou d’une conformité à un quelconque modèle. Il s’agit d’une communion riche de toutes nos différences, de toutes nos particularités. Or entrer en communion avec autrui, parfois si différent de moi, suppose que je consente à l’œuvre d’unification que le Christ opère en moi, notamment en m’invitant à accepter tout ce qui me constitue, y compris mes propres contradictions.
Que cette eucharistie nous fasse progresser sur le chemin de l’unification personnelle et d’une réelle communion fraternelle.
Père Etienne
ASCENSION DU SEIGNEUR
29 mai 2025
Ac 1, 1-11; He 9,24-28 - 10,19-23; Lc 24, 46-53
Frères et sœurs,
Vous avez peut-être été frappés comme moi par la différence des deux récits du même évangéliste Luc sur l’Ascension du Seigneur. Dans celui tiré des Actes, il nous dit que Jésus est monté au ciel soustrait par une nuée. Et des anges apparaissent alors que les apôtres fixent le ciel où Jésus s’est en allé, les exhortant à la confiance : comme il est parti, il reviendra. Dans le récit tiré de l’évangile, le même auteur insiste davantage sur le fait que Jésus bénit ses disciples et tandis qu’il les bénit, il est emporté au ciel… Que retenir de ces différences ? Tout d’abord, à travers elles, s’éclaire une nouvelle fois combien les récits du nouveau testament ne sont pas des reportages historiques voulant raconter dans les détails les choses telles qu’elles se sont passées. Ainsi l’évangéliste Luc, le même auteur est davantage intéressé à mettre en lumière différents aspects de la compréhension qu’il a de cet évènement pour le moins exceptionnel. Ainsi en parlant de la nuée qui enlève Jésus veut-il peut-être faire un lien avec la présence de la nuée lors de la Transfiguration de Jésus. La nuée alors enveloppe les disciples et d’elle sort la voix du Père invitant les disciples à écouter son Fils, celui qu’il a choisi… La nuée est la façon avec laquelle plusieurs auteurs de l’AT parle de la présence de Dieu, comme pour Moïse ou pour Elie. Elle est ici celle qui soustrait l’homme Jésus à cette terre, lui qui fut crucifié et qui est ressuscité, gardant les marques de sa passion. De cette manière, l’évangéliste nous fait comprendre que Jésus est pris définitivement dans la gloire et la lumière divine, avec tout être, Lui, un homme. S’éclaire alors la véritable identité de « ce Jésus », le Fils, l’Elu de Dieu. Lui, le Verbe, le Fils du Père est venu en notre chair, et il retourne auprès de Dieu, avec ce corps qu’il a pleinement assumé. Par ailleurs, quand Luc dans l’évangile dit que Jésus est emporté au ciel alors qu’il bénit ses disciples, peut-être par ce détail veut nous faire comprendre que Jésus qui part reste présent à ces disciples à travers la bénédiction qu’il leur laisse. Et s’élevant plus haut dans les cieux, sa bénédiction embrasse tout l’univers…
Deux points sont communs aux deux récits : l’invitation faite aux disciples à être les témoins de ce qu’ils ont vu et entendu à l’école de Jésus, et la promesse du don de l’Esprit Saint. Les deux points sont liés. Jésus laisse entendre en effet que c’est dans la force de l’Esprit Saint que les apôtres vont pouvoir aller témoigner de Jésus et de sa bonne nouvelle. Revêtus de cette force, de la puissance d’En Haut, ils vont pouvoir aller proclamer la conversion pour le pardon des péchés à toutes les nations… Vouloir témoigner sans être habité par l’Esprit n’est pas possible.
Et nous aujourd’hui ? Comment recevoir cette fête de l’Ascension ? Est-elle seulement un évènement d’il y a 2000 ans ? Hier soir, nous entendions une belle homélie de St Léon, dit le Grand, Léon 1er, qui fut pape dans les années 450, où il joua un rôle important pour la définition des grands articles de notre credo… Parlant de l’Ascension, il disait : « ce qui était visible chez notre Rédempteur est passé dans les mystères sacramentels » …On pourrait dire : Jésus disparaissant à nos yeux humains se rend présent désormais à travers les sacrements. Fêter l’Ascension et le départ de Jésus nous donne prendre la mesure de la nouvelle relation qui s’ouvre entre Lui et ses disciples, entre Lui Jésus et chacun de nous, nouvelle relation que le don de l’Esprit le jour de la Pentecôte va sceller. Désormais, depuis ce départ, nous approchons le mystère du Christ à travers les sacrements, et particulièrement dans l’eucharistie. Nous le voyons, nous le touchons et le goûtons à travers le signe du pain et du vin. Nous l’entendons à travers la Parole proclamée dans nos assemblées… En parlant de sacrement, nous avons aussi pris la mesure du sacrement du frère, le pauvre, l’hôte, mon voisin, mon frère qui sont autant de manifestation de la présence du Christ, pour qui sait les reconnaitre. Ainsi avec les yeux de la foi, désormais, nous pouvons accueillir sa présence et le rencontrer à travers les sacrements. Réjouissons-nous d’être ainsi rejoints par notre Seigneur, Jésus le Christ. Accueillons-le à travers les signes et les paroles des sacrements et de la liturgie, comme autant de manifestation de sa présence. Lorsqu’enfin de célébration eucharistique, le prêtre bénit l’assemblée, nous pouvons y reconnaitre comme le prolongement de la bénédiction que Jésus laissait à ces apôtres en s’élevant vers le ciel. Et l’envoi final, allez dans la paix du Christ, comme l’envoi que Jésus faisait de ces apôtres pour aller en mission…
Que cette célébration renforce notre foi en la présence du Christ au milieu de nous, lui qui est monté auprès de son Père.
Père-Abbé Luc
6e dimanche de Pâques C
25 mai 2025
Ac 15/1-2,22-29, Ap 21/10-14,22-23, Jn 14/23-29
« Mais de temple, je n’en vis point dans la cité, car son temple, c’est le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant ainsi que l’agneau. La cité n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine, et son flambeau, c’est l’agneau ».
Je continue avec l’Evangile :
« Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole, et mon Père l’aimera; nous viendrons à lui… nous établirons chez lui notre demeure ».
C’est un peu le résumé de la Parole qui nous est adressée aujourd’hui : à la manifestation du Seigneur de Gloire, nous n’aurons plus besoin de soleil et plus besoin non plus de Temple, car nous serons habités par Dieu, animés par l’Esprit du Seigneur.
C’est le fruit de la Résurrection du Christ, fruit de la Nouvelle Vie introduite par celui qui a été crucifié, mais que Dieu a ressuscité des morts…
Ceci me rappelle une phrase écrite sur une image : à la suite de la mort d’une moniale bénédictine, ses soeurs avaient fait imprimer une image avec sa photo : dessous il y avait, reproduit de son écriture, cette lumineuse affirmation : « J’ai compris que le Ciel c’est Quelqu’un ».
Oui, frères et sœurs, le Ciel c’est quelqu’un… c’est quelqu’un mais déjà pour maintenant, pas pour plus tard, pour maintenant, pas pour demain, pas pour après notre mort. Aujourd’hui nous attendons l’Avènement de notre Seigneur, sa venue dans la Gloire, mais le cadeau du Christ vivant, le cadeau que Dieu nous fait dans la résurrection de Jésus, c’est la Présence de Dieu au cœur même de nos vies : « Nous viendrons à lui… nous établirons chez lui notre demeure ».
Oui, le Ciel, c’est Quelqu’un… Ce « Quelqu’un », c’est bien sûr le Christ, le Fils de Dieu, Dieu lui-même, Mystère de notre foi, le seul mystère qui vaille la peine de scruter, de creuser, tant que la Grâce nous le permet dans cette vie temporelle… et pour que la vie éternelle ne nous échappe pas définitivement…
Pour comprendre les paroles que Jean met dans la bouche de Jésus : « Je m’en vais et je viens à vous », il faut bien que quelque chose de spécial se passe, se soit passé… et nous savons ce que c’est, ce que cela a été… « Je m’en vais et je viens à vous » : la mort de Jésus et surtout la suite, la Vie de Jésus ressuscité d’entre les morts et la venue de l’Esprit !
Nous sommes dans le temps liturgique appelé temps pascal, mais nous sommes surtout dans le Mystère pascal, dans ce que Dieu préparait pour l’humanité … le Règne de l’Esprit, l’Esprit de Jésus ressuscité. Jésus vient à nous et établit chez nous sa demeure …et c’est pourquoi il n’y a plus de temple dans la Cité nouvelle.
L’Amour de Dieu devenu effectif ici-bas déjà, c’est que nous sommes, nous, croyants, devenus en Jésus ressuscité la Demeure de Dieu. « Il est bon pour vous que je m’en aille » … Comment les apôtres pouvaient-ils comprendre Jésus au moment où la menace de sa mort programmée planait sur eux ? Après Pâques, à Pentecôte la lumière du ressuscité les conduit à dire au monde que les temps sont accomplis, que la foi conduit chaque croyant à vivre de cette Alliance nouvelle, définitive, du salut qui ouvre à Dieu.
Si la foi nous invite à dire que Dieu est avec nous (« Emmanuel »), il est important de dire aussi que nous sommes devenus la demeure de Dieu… chacun, chacune d’entre nous, important de dire que le Christ vivant est notre Lumière. Et si nous le voulons, nous devenons la Lumière du monde dans la Personne de Jésus ressuscité : notre foi nous permet d’éclairer le monde, aussi par notre espérance, par notre charité.
Comme le Carême et les autres temps liturgiques, le Temps pascal nous invite à nous convertir, à changer notre regard, à nous hisser à cette vérité, cette profondeur : ce que nous attendons, c’est la manifestation de ce Christ qui nous a ouvert le Chemin, qui nous permet de vivre déjà le bonheur de vivre dans le monde de Dieu.
Dans la vie du Petit Placide : « Apprends, ô petit Placide, que la vie intérieure est une vie qui est intérieure » …
Apprenons ensemble, en Eglise, que la vie spirituelle est une Vie Spirituelle, une vie dans l’Esprit de Dieu : tous les signes de notre liturgie nous mettent sur le Chemin…ce Chemin qui est Jésus lui-même.
Frère Cyprien
5ème dimanche de Pâques année C
18 mai 2025
Actes 14,21-27 ; Apoc 21,1-5 ; Jean 13,31-35
Frères et sœurs,
S’il fallait trouver un thème commun aux 3 lectures que nous venons d’entendre, il me semble que celui de nouveauté, conviendrait le mieux. D’ailleurs, ce thème accompagne notre prière et notre vie chrétienne tout au long du Temps Pascal, depuis l’évènement de la Résurrection du Christ, qui est au cœur de notre foi.
Nouveauté de l’annonce du message évangélique par les apôtres Paul et Barnabé à l’occasion de leur premier voyage missionnaire en Asie Mineure, vision d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, que Jean, sur l’ile de Patmos, décrit dans le livre de l’Apocalypse, don d’un commandement nouveau de Jésus à ses amis, enfin, dans le IV°évangile.
Revenons sur chacune de ces nouveautés. Et quelle en peut bien être l’actualité pour nous chrétiens aujourd’hui ?
Les apôtres Paul et Barnabé ont été envoyés pour annoncer la Bonne Nouvelle du Christ et ils ont parcouru toute l’Asie Mineure, en s’adressant d’abord à leurs frères juifs dans les synagogues, puis aux païens. De retour à Antioche, ils font leur rapport à l’église, et l’auteur du livre des Actes écrit : « ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment Il avait ouvert aux nations la porte de la foi ». La nouveauté consiste donc dans cette ouverture d’une porte : la porte de la foi dans le cœur des païens. Or pour ouvrir une porte, il faut en général une clé. Je lisais dans un commentaire de Magnificat ces lignes : « un rabbin comparait l’amour de Dieu à une clé. Cette clé sert à Dieu de trois manières : elle lui permet d’ouvrir le sein de la mère pour y faire jaillir la vie, elle lui permettra de rouler la pierre du tombeau en vue de la résurrection des morts : et entre ce début et cet accomplissement de nos existences, elle redonne au cœur enfermé sur lui-même par le mal, subi ou acté, la liberté, fruit de la miséricorde ! »
Tout envoi en mission est donc ouverture d’une porte dont la clé est l’amour de Dieu pour tous les hommes. Chaque baptisé est un disciple missionnaire à sa place, en son temps. Aujourd’hui, nous avons conscience que le monde évolue très vite et qu’il s’ouvre à des horizons très nouveaux, du fait du développement de la science et des technologies, du fait de nouvelles configurations géo-politiques. Une nouvelle société, marquée par l’emprise du numérique et des découvertes en génétique, en intelligence artificielle et en bien d’autres domaines, s’ébauche. Comment l’évangile va-t-il la rejoindre ? Quels seront les Paul et Barnabé qui vont annoncer la Résurrection du Christ, avec Dieu, pour ouvrir la porte de la foi à nos contemporains. Les défis sont immenses et urgents ? l’élection du pape Léon XIV est un motif d’espérance pour l’Eglise.
Et si la première lecture nous place devant une nouveauté apostolique, actuelle, la seconde lecture, elle, propose une nouveauté contemplative, avec la vision eschatologique d’un ciel nouveau, d’une terre nouvelle, de la Jérusalem nouvelle qui descend d’auprès de Dieu, prête pour des noces, comme une épouse parée pour son mari. Le premier ciel, la première terre s’en sont allés ; et de mer, il n’y en a plus. Place désormais à la demeure de Dieu avec les hommes, avec ceux qui ont traversé les grandes épreuves et qui ont fait face aux persécutions ; ils ont lavé leur sang dans le sang de l’Agneau. Message de consolation, de réconfort du livre de l’Apocalypse. Un message à écouter à toutes les époques et qui vaut encore pour bien des communautés chrétiennes d’aujourd’hui de par le monde. Message de grande espérance en vue du Jour du Seigneur, quand Dieu essuiera toute larme de nos yeux, quand la mort ne sera plus et qu’il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur. Alors Celui qui siège sur le Trône déclarera : « voici, je fais toutes choses nouvelles ».
Enfin, dans le passage de l’évangile que nous avons écouté, c’est Jésus qui apporte la nouveauté d’un commandement et qui en fait le don à ses amis, au cours du dernier repas qu’il partage avec eux. « Petits enfants, je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez vous les uns les autres. »
La nouveauté ici ne tient pas tant au commandement de l’amour qui était présent dans l’Ancienne Alliance et dans la Loi de Moïse. Que l’on pense aux textes du Deutéronome du Schéma Israël « tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force », et au livre du Lévitique : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». La nouveauté de l’évangile réside dans le « comme je vous ai aimé » de Jésus. Jésus se donne en exemple, Ses paroles font suite, dans ce dernier repas pris avec ses disciples, au geste surprenant du lavement des pieds de ces disciples. Un abaissement, à la manière d’un serviteur, d’un esclave. « Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres : car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. » Dans ce geste à l’égard de ses amis, Jésus donnait le signe de son abaissement, qui n’était autre que celui de son amour pour eux, jusqu’à l’extrême. Un signe non pas réservé aux seuls 12 apôtres, mais en direction de toute l’humanité, comme le nouveau rituel de l’Eglise voulu par le pape François l’indique pour le Jeudi Saint, quand le prêtre peut laver les pieds à des femmes et des non-chrétiens, quand les chrétiens eux-mêmes se lavent les pieds mutuellement. Ce geste de Jésus si radicalement nouveau ouvre le Triduum Pascal, dans la célébration liturgique du mystère de l’abaissement du Christ, à la veille de sa Passion de sa crucifixion et de sa Résurrection
Frères et sœurs, Il nous revient, alors, en réponse à l’écoute de ces textes et de la nouveauté qu’ils contiennent de faire passer le message de l’Evangile en nous et autour de nous. La Pentecôte approche, et c’est dans le souffle de l’Esprit Saint que nous trouverons la force et le courage de la foi et de l’espérance en cette nouveauté.
« Hommes nouveaux, baptisés dans le Christ, alléluia ! nous avons revêtu le Christ, alléluia ! Héritiers avec lui d’un royaume de lumière, nous possédons la liberté des fils de Dieu pour annoncer au monde : nous sommes au Christ, et le Christ est à Dieu. Alleluia, Alleluia ! »
AMEN
Frère Guillaume
4e dimanche de Pâques
11 mai 2025
Ac 13, 14.43-52 ; Ps 99 ; Ap 7, 9.14b-17 ; Jn 10, 27-30
Frères et sœurs,
Ce quatrième dimanche de Pâques, où nous célébrons encore la Résurrection du Seigneur, est, chaque année, placée sous le signe du Christ Bon Pasteur, tout en étant consacré à la prière pour les vocations. Et les lectures de ce dimanche peuvent peut-être nous aider à préciser ce que signifie ce terme de « vocations ». Certes, spontanément, nous pensons aux vocations de prêtres, de diacres ou aux vocations religieuses d’hommes ou de femmes appelés par le Christ à une vie qui corresponde à leur désir profond. Mais ces lectures ne sont-elles pas une invitation à élargir notre perspective ?
Dans la première lecture, nous assistons à un événement décisif dans le développement de l’Église et dans sa mission. Paul de Tarse et Barnabé, deux juifs touchés par la grâce du Christ, ont tout naturellement cherché à annoncer la nouveauté évangélique à leurs frères juifs en allant prêcher dans les synagogues le jour du sabbat. Car il ne faut pas oublier que ces premiers chrétiens étaient juifs. Or, contrairement à leur attente, ils vont se heurter à une très forte opposition même si d’autres juifs, les suivent comme le dit le début de cette première lecture. Situation paradoxale et complexe.
Devant l’intensité de l’opposition, Paul et Barnabé prennent une décision qui sera capitale pour l’avenir du christianisme. En effet si les juifs accueillaient les païens qui se convertissaient pour adorer le Dieu unique, ils ne cherchaient pas trop à provoquer ces conversions par la prédication. Ce qui fait que le judaïsme ne s’était pas développé numériquement de façon importante durant les siècles de son existence. La grande majorité des juifs étaient juifs de naissance et les païens convertis restaient une minorité.
Devant les oppositions dont ils sont l’objet, Paul et Barnabé décident de se tourner vers les nations païennes. Et ils ont des appuis dans l’Ancien Testament, notamment ce texte du prophète Isaïe « J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » Ainsi, donc Paul et Barnabé reprennent à leur compte l’universalité du Salut - c’est-à-dire un Salut offert à tous et pas aux seuls juifs - déjà présente dans le premier Testament. Et l’annonce du Christ va alors se développer rapidement parmi les païens. Ce qui ne sera pas sans provoquer de réactions de la part de juifs refusant l’évangile, nous l’avons entendu, mais aussi de la part de juifs devenus chrétiens et qui se demanderont alors : faut-il soumettre ces chrétiens d’origine païenne à la Loi de Moïse, comme les juifs ? La réponse sera négative et la foi en Christ s’étendra d’autant plus facilement. Ainsi cet appel, cette vocation à partager le Salut en Jésus Christ se fera universel et non plus destiné essentiellement à un peuple élu.
Le texte de l’Apocalypse que nous avons entendu est, lui, familier de ceux qui participent à la messe de la Toussant car elle est reprise, de façon plus développée lors de cette solennité. Nous avons ici une vision grandiose de la foule immense des sauvés de la fin des temps. Et là aussi est formulé l’aspect innombrable au sens propre de cette foule que « nul ne peut dénombrer », mais encore une foule de « toutes nations, tribus, peuples et langues. » Là encore, mais dans une vision du futur et non plus dans une évocation du passé, l’appel, la vocation universelle à participer à la gloire de Dieu est proclamé.
Quant à l’évangile, il revient au thème de Jésus pasteur des brebis. Un pasteur qui donne la vie éternelle aux brebis qui l’écoutent et le suivent. Avec cette certitude proclamée : « personne ne les arrachera de ma main.» En effet, le Père, plus grand que tout les a données au Fils ; occasion de réaffirmer l’unicité de Dieu par l’unité du projet du Salut.
Frères et sœurs, en ce dimanche dit, des vocations, s’il est rappelé dans l’évangile la vocation des pasteurs de l’Église, pasteurs à la suite du Christ, il nous est aussi rappelé que l’appel de Dieu fait à l’humanité tout entière est un appel à la sainteté, à participer à la sainteté de Dieu et que cet appel est destiné non pas à un groupe de privilégiés mais à l’humanité tout entière.
Et du même coup, tous les disciples du Christ, tous les baptisés sont rendus responsables de la diffusion de ce message : « Dieu veut que tout homme soit sauvé. »
Ainsi donc, il ne s’agit pas seulement pour nous de faire notre petit salut personnel, mais d’avoir le courage d’annoncer l’évangile partout et en tout temps. Non pas en l’imposant, mais en témoignant, par notre vie, qu’il vaut la peine d’être chrétien, de suivre le Christ. C’est à cela que nous appelle notre baptême et si, bien sûr, il y a des vocations, des appels particuliers au service de ce grand projet de Dieu de faire connaître son amour à l’humanité et qu’il importe de prier pour l’émergence de ces vocations, il ne faut pas oublier que ces appels particuliers se font au sein de l’appel général fait par Dieu, par le Christ à tous les baptisés, hommes, femmes, mais aussi enfants ados, jeunes, … et nous avons à prier pour que cet appel, cette vocation, soit entendu par chaque baptisé. Car de la réponse de chaque baptisé dépend l’extension de l’appel à la sainteté pour l’humanité entière.
Dans moins d’un mois, nous fêterons la solennité de la Pentecôte, don de l’Esprit aux croyants pour la proclamation du Christ ressuscité et vivant. Que les lectures de ce dimanche nous préparent déjà à entrer dans cette dynamique de l’Esprit qui nous entraîne à annoncer le Christ ressuscité et le Salut de Dieu.
Nous pouvons aussi prier pour notre nouveau pape Léon XIV qui a été appelé par Dieu, par le Christ, à travers le choix qu’ont fait les cardinaux. Que ce pape nous rappelle à tous l’appel que Dieu nous fait sans cesse et comment y répondre là où nous sommes. Dès sa première homélie, vendredi, il a rappelé la valeur essentielle de la mission, nous sommes tous concernés, et je pense que les membres de l’Ecole de la Mission, présents parmi nous, sont heureux de se sentir confirmés dans leur appel missionnaire dès le début du pontificat du pape Léon, mais aussi les jeunes de Cosne-sur-Loire qui ont, eux aussi, à témoigner du Christ.
Que l’Esprit Saint nous vienne en aide pour la mission, ouvrons-nsou tous à son action.
AMEN.
Frère Jean-Louis
dimanche de Pâques
20 avril 2025
Ac 10, 34-43 ; Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9
Sœurs et frères,
Commençons par écouter Marie Madeleine : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé » (Jn 20, 2).
À la fin du texte de ce jour, les deux disciples s’en retournent chez eux, mais Marie Madeleine reste près du tombeau. Tout en pleurs, elle se penche vers le tombeau et y voit deux anges qui lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Marie Madeleine répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé » (Jn 20, 13).
Depuis presque trente ans, chaque fois que j’entends cette parole, je ne peux m’empêcher de faire mémoire de Sr Pascasie, religieuse rwandaise en séjour en Belgique. Elle n’était pas au pays lors du génocide de 1994. Plusieurs de ses proches avaient été massacrés, dont sa maman. Deux années plus tard, Sr Pascasie est retournée au pays ; elle est allée au village pour honorer la mémoire de sa maman. Les survivants n’ont pu que lui indiquer l’emplacement de plusieurs fosses communes. À ce moment, Sr Pascasie a éprouvé au plus profond d’elle-même le désarroi de Marie-Madeleine : « On a enlevé celle qui m’a donné la vie et je ne sais pas où on l’a déposée ».
Dans les heures qui ont suivi, Sr Pascasie a rédigé une longue méditation à partir de cette lamentation de son aînée dans la foi. Elle y pleurait notamment l’impossibilité d’honorer dignement la dépouille de sa maman, la mémoire de cette maman.
En ce matin de Pâques de l’année sainte 2025, elles sont nombreuses les personnes, les familles, les communautés humaines ou croyantes à vivre une épreuve identique. Il y a peut-être parmi nous des personnes qui vivent une telle douloureuse traversée ou qui accompagnent un proche.
Sœurs et frères, mon propos vous paraît peut-être éloigné de la célébration qui nous rassemble ce matin, du mystère que nous chantons depuis cette nuit.
Je crois que c’est précisément d’abord à ces personnes en souffrance que nous sommes invités à offrir, avec délicatesse et douceur, la Bonne Nouvelle de la Résurrection, c’est-à-dire la possibilité de faire confiance à la victoire, acquise sur la croix, de la Vie sur toute forme de mort.
Pour en venir au mystère de la Résurrection, je souligne brièvement deux points.
Arrivés au tombeau, les deux disciples constatent un fait : le tombeau est vide. L’ « autre disciple » perçoit que ce fait est un signe, et il croit.
Étonnante pédagogie de Dieu qui n’a pas voulu qu’un être humain soit témoin de la Résurrection. Au long des différents évangiles, nous voyons que les grands événements de la vie Jésus ont tous des témoins (le baptême, la transfiguration, la mort en croix,…). Comme à la croix, un païen fait une confession de foi, on aurait pu imaginer que les païens qui gardaient le tombeau deviennent les témoins de l’événement « Résurrection ».
Mais, puisqu’il n’y a pas eu de témoin de la Résurrection, nous sommes obligés de faire confiance à la parole de celles et ceux qui disent avoir vu le Ressuscité.
Aujourd’hui, nous sommes donc face à une double obligation. Nous devons faire confiance – croire – à ce qui nous est transmis de génération en génération. Nous devons croire à une parole, nous devons croire « sur parole ».
À notre tour, nous devons dire à notre frère, comme nous l’avons chanté au début de la journée , l’aujourd’hui des signes de la Résurrection. Chaque génération, chaque communauté, chaque disciple est mis en demeure de risquer un cinquième évangile : c’est une mission d’espérance qui nous est confiée, particulièrement en cette année jubilaire.
Comme en écho à la pédagogie de Dieu, il y a la merveilleuse pédagogie de l’Église qui a toujours le souci de nous donner du temps. Au soir du jeudi saint, le Père Abbé a souligné l’importance du « plus tard tu comprendras » (Jn 13, 7) que Jésus adresse à Simon-Pierre. Pour notre part, nous avons eu les 40 jours de carême pour nous préparer à Pâques. Nous pensons peut-être plus rarement que l’Église nous offre une nouvelle période de 40 jours, jusqu’à l’Ascension, pour accueillir et approfondir l’immense mystère de la Résurrection, qui est le cœur de notre foi.
Sœurs et frères, un temps nous est, à nouveau, donné pour que nous puissions approfondir ce que signifie la Résurrection pour notre vie chrétienne. Nous pouvons également nous interroger : à qui et comment partager cette bonne nouvelle. Ce sera, parfois, offrir une simple présence suffisamment paisible.
P. Etienne