Homélies
Liste des Homélies
Année A - SAINTE MARIE MERE DE DIEU -
01.01.2017
Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et soeurs,
Depuis une semaine, nous célébrons la nativité de Jésus, le Verbe fait chair, la Parole divine venue en notre humanité. Et cette Parole, avant de résonner en des mots humains, va se taire pendant 30 ans…. comme pour mieux prendre toute son épaisseur humaine et charnelle… Et puis pendant 3 ans ce sera le jaillissement prophétique par lequel Jésus va semer largement la Parole… Aujourd’hui, la liturgie de l’Eglise nous propose de regarder Marie sa mère, ou plus exactement de regarder comment Marie a accueilli ce grand mystère… Si Jésus a beaucoup parlé, Lui le Verbe fait chair, en contraste, de Marie, on a conservé très peu de paroles.
L’évangile entendu affirme que Marie « retenait tous ces évènements et les retenait en son cœur »… Marie est un témoin silencieux du mystère qui l’a traversée depuis la parole de l’ange. Mystère qui est venu la bousculer jusqu’en sa propre chair, pour faire d’elle la Mère de Dieu. Mystère d’un enfant comme les autres dont on dit pourtant des choses si différentes des autres enfants. Devant le mystère, Marie médite. Elle fait mémoire, essaie de comprendre toutes les paroles entendues. Marie garde le silence, mais un silence qui est accueil, ouverture, recherche de compréhension. Le silence de Marie s’inscrit dans le consentement initial « Que tout se passe pour moi selon ta Parole ». En donnant sa chair pour que prenne visage d’homme, le Fils du Très Haut, en donnant son temps et son attention pour que grandisse ce petit d’homme Fils de Dieu, Marie devient la Mère de Dieu. Maternité unique et maternité pleine et ordinaire à la fois. La maternité de Marie, qui ne s’arrête pas à la mise au monde de son enfant, va connaitre des périodes de crise, comme en témoignent ses incompréhensions face aux agissements étonnants de son fils dont plusieurs récits évangéliques se font l’écho : « Mon enfant pourquoi nous as-tu fait cela » dit-elle à Jésus resté au temple…La mise au monde de cet enfant, la conduit à entrer dans la mise au jour d’un monde nouveau dont Lui Jésus est le Prince. L’évangile de Jean nous suggère combien Marie, en sa maternité, participe à l’émergence de ce monde nouveau qui prend corps dans la vie des disciples. Lorsqu’elle dit aux serviteurs de Cana, et à tous les serviteurs des noces du Royaume : « Faites tout ce qu’il vous dira », par cette parole d’autorité, elle étend sa maternité à tous ceux veulent se mettre au service de ce Fils Unique, nouvel Epoux… Sur la croix, Jésus lui-même consacrera cette maternité de Marie sur tous les disciples : « Voici ta mère »… La mère de Dieu devient la mère des hommes. Ce matin, rendons grâce à Dieu qui a su conduire Marie en sa vocation de mère, pour faire d’elle la Mère de son Fils, et dans le même temps notre Mère, présence maternelle qui nous nous met au monde, qui nous introduit dans ce monde nouveau dont Jésus est le Seigneur. ( 1 janvier 2017)
Année A - NOËL 2016 Messe du Jour
Hébreux 1, 1-6 Jean 1, 1-18
Homélie du F.Ghislain
Fêter Noël malgré tout. Ne serait-il pas plus juste de dire : Fêter Noël à cause de tout.
A cause de la naissance de Jésus comme elle s’est passée, ainsi que l’Evangile nous l’a rappelé cette nuit. L’occupant romain avait décidé de faire un recensement, sans doute pour avoir un état complet des gens qui paieront l’impôt. L’administration avait prévu que chacun irait s’inscrire dans son lieu d’origine, et voici qu’il y a eu des quantités de gens sur les routes. Dans les villages, les arrivants ne trouvent pas tous à se loger et ce sont évidemment les plus pauvres qui sont laissés dehors. Il a même fallu que les femmes, qui en général ne comptent pas selon le droit romain, se déplacent aussi. Joseph et Marie sont pris dans cet exode. Peut-être cela a-t-il hâté l’accouchement, après la fatigue du voyage et l’impossibilité de s’installer quelque part.
Comment cela s’est-il passé ? Très bien, probablement. Je pense à ce que disait le livre de l’Exode sur les femmes juives, qui sont tellement vigoureuses qu’elles n’ont pas besoin de sages-femmes pour accoucher. On voit d’ici Marie, rassurant Joseph préoccupé de ne pas trouver un endroit convenable : « Ne t’inquiète donc pas, c’est moi que cela regarde et je t’assure que cela se passera très bien ». Et, de fait, l’enfant naît, elle le voit pour la première fois, elle le caresse, elle l’embrasse, elle le lange ; quelque chose s’échange entre elle et lui, au travers des yeux peut-être encore fermés du tout petit. Une naissance bien réussie, une relation déjà forte et qui ne cessera pas. La puissance, la beauté, la douceur de la vie. Et cette expérience belle, Marie la vit sur le fond de la prophétie qu’elle a entendue quelques mois auparavant : ce nouveau-né dans la crèche, ce fils formé de son sang et de sa chair, est « Fils du Très-Haut, promis au trône de David, saint, et on l’appellera Fils de Dieu ». Et voici que des bergers du voisinage s’agglutinent à la porte pour voir l’enfant, car eux aussi ont entendu un message inouï : ce nouveau-né est Sauveur, Messie, Seigneur. Sauf Marie et Joseph, personne ne le sait, et pourtant c’est vrai : le salut est au milieu de la tourmente, et les pauvres s’en aperçoivent.
Les textes de la Messe de Jour disent alors la même chose, mais cette fois-ci, en partant de Dieu et non pas des hommes. En Dieu aussi, il y a une naissance, celle-ci éternelle, et le Fils qui est sans cesse engendré est « reflet resplendissant de la gloire du Père, expression parfaite de son être ». Entièrement distinct et tout semblable, engendré et tourné vers Celui qui l’engendre. Un Esprit commun circule entre eux. Et il a plu à Dieu que cette naissance éternelle déborde en quelque sorte vers ce qui n’est pas encore : dans le Fils éternellement engendré sont créés les mondes et les temps, et le Fils vient en ceux-ci afin de les inclure dans sa relation au Père, dans la circulation de l’Esprit. Et il y vient intensément non à la surface ou en les surplombant, mais comme un homme, en homme : « Tu m’as formé un corps » dit Jésus à son père en entrant dans le monde, au témoignage de la lettre aux Hébreux. Et comme un homme qui va souffrir comme tout le monde, plus que tout le monde : il ne sera pas reçu, il ira jusqu’à la mort. Puis il ressuscitera et sera alors, mais alors seulement, proche de tous et sauveur de chacun.
Voilà pourquoi il faut célébrer Noël. Nous ne pouvons pas regarder le monde présent et surtout les hommes réels, les femmes réelles, les enfants réels qui l’habitent, avec ce cortège insupportable de luttes, de souffrances physique et morale, de tragédies qui englobent des populations entières, comme si Jésus, le Fils du Très-Haut, le Fils de Dieu n’y était pas venu, comme s’il ne demeurait plus parmi nous. En fait, nous le voyons bien, il est notre seule espérance. Qu’est-ce qui maintient le monde, sinon les gens qui, croyant que le bien est plus fort que le mal et qu’il y a donc toujours quelque chose à faire là où on est, se mobilisent, dans la prière d’abord qui met et maintient en contact avec Dieu, et dans l’action, quelle qu’elle soit, avec les autres et pour les autres, afin que la vie soit plus forte ? Et nous, chrétiens, nous croyons ce dynamisme plus fort que le mal vient justement de la présence parmi nous de l’Esprit d’amour et de fraternité que Jésus, qui est venu parmi nous, a vécu, est mort et ressuscité ne cesse d’envoyer aux hommes.
Célébrer la naissance de Jésus, c’est faire triompher en nous l’Espérance alors même qu’il n’y a pas beaucoup de signes positifs dans la manière dont vit le monde. Masi c’est aussi discerner ces signes positifs là où ils se trouvent, au milieu des plus grandes misères. C’est enfin s’engager, là où nous sommes, pour construire une société meilleure. Là où nous sommes : les frères dans cette communauté, les familles auxquelles nous appartenons, les entreprises où nous travaillons ou le chômage que nous subissons, les liens que nous cherchons à créer, les associations auxquelles nous participons. Marie et Joseph ont fait face à la situation à Bethléem. Dieu dans le ciel ne cesse de donner son Fils. En célébrant Noël et en vivant Noël là où nous sommes, nous faisons advenir le salut.
Messe de Minuit - NOEL 2016
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Homélie du Père Abbé
Frères et sœurs,
Nos frères Pierre et Gottfried ont réalisé cette année une crèche en forme de hutte, à l’image des abris de fortune que recherchent aujourd’hui encore tant d’hommes et de femmes pour fuir la guerre sur les routes d’exil au Moyen Orient, au Congo Démocratique et jusqu’aux portes de nos sociétés. La paix apportée il y a 2000 ans par « le Prince de la Paix, Père à jamais » trouve encore beaucoup de poches de résistance sur notre terre. Fragile comme un enfant, la paix est malmenée au gré des soubresauts de violence aussi aveugles que fous. Fragile mais tenace, elle continue pourtant de s’offrir à nous comme une promesse et déjà comme un réconfort à qui sait l’accueillir. La fête de Noël qui nous réunit cette nuit veut clamer haut et fort cette espérance de paix qui vient du bout des âges et qui ouvre un avenir possible.
Oui, notre monde n’est pas abandonné à la dérive de toutes ses contradictions. Dieu qui l’a créé en prend soin à sa manière, discrète et respectueuse de notre liberté. Il fait se lever des hommes justes tels Abraham ou des prophètes tels Isaïe qui annonce la grande lumière qui se lève sur le pays de l’ombre et qui prophétise la venue d’un enfant qui affermira le droit et la justice, dès maintenant et pour toujours. Ces hommes sont des lumières pour leur époque traversée par les guerres comme la nôtre, mais aussi des lumières pour cette époque plus lointaine… celle de la venue du Messie, le Christ. Car avec la venue du Christ, c’est Dieu qui s’engage lui-même dans notre histoire. Par son Fils venu dans notre chair, Dieu vient sauver notre monde de l’intérieur. En Jésus petit enfant, puis adolescent, et enfin adulte, il vient renouveler l’être humain en tous les âges de son existence, comme le suggère si bien Irénée de Lyon. Par sa vie enfouie, sans parole, Jésus enseigne tout d’abord la beauté de notre existence acceptée avec ses limites. Comme chacun de nous, il a pris le temps des lentes maturations, celui de la patiente croissance. Voilà la Bonne Nouvelle de l’incarnation du Verbe de Dieu en notre humanité : Jésus en notre chair, nous redit que celle-ci est belle, bonne et digne de grand respect. Mais la Bonne Nouvelle ne s’arrête pas là : Jésus a relevé notre humanité de ses contradictions et de son péché. Sur sa croix, il prend le poids de culpabilité qui pèse sur les consciences. Ce joug est bien plus lourd que celui des tyrans, joug qu’il enlève aujourd’hui encore à travers le sacrement de la réconciliation… Et lorsque Jésus ressuscite, il fait don de sa paix à tous ceux qui croient en lui… pour qu’ils deviennent à leur tour, des instruments de paix… « un peuple ardent à faire le bien ».
Voilà frères et sœurs, la manière avec laquelle Dieu s’y prend pour sauver notre monde de ses errances… Cette manière cachée ouvre au cœur de ceux qui l’accueillent un chemin de profond bonheur, en même temps qu’une grande responsabilité à l’égard de tous. En effet, si nous avons compris combien belle et grande est la paix annoncée par les anges aux bergers de Noël, nous ne pouvons que retrousser les manches pour la communiquer à d’autres. Cette paix source de joie se perdra si elle n’est pas partagée à travers l’accueil du frère et de la soeur, les proches d’abord, les étrangers à l’occasion, les plus pauvres et les différents sûrement. Dieu nous fait cette grande confiance d’être les ambassadeurs de sa paix. Dans quelques instants, avant la communion, cette demande sera exprimée par le prêtre : « Seigneur, Jésus Christ, tu as dit à tes apôtres : ‘Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix’. Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Eglise ; pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix…». Au terme de l’eucharistie, l’Eglise consciente de sa faiblesse, demande d’être affermie dans la Paix du Christ. Quand nous ferons le geste de paix, prenons conscience que nous sommes porteurs de paix, la paix du Christ qui ne demande qu’à se répandre sur le monde. Et lors de l’envoi final, recevons avec joie et confiance l’adresse qui nous sera faite : « allez dans la paix du Christ »…sous entendu, allez vers les autres porter la paix du Christ. Dieu compte sur nous. (25 décembre 2016)
Année A - 4ème dimanche de l’Avent, année A, 18 déc. 2016
Is 7 10-16; Rom 1 1-7; Mat 1 18-24
Homélie du F.Bernard
La liturgie de l’Avent opère comme un zoum, au sens photographique du terme. Elle concentre peu-à-peu son objectif sur le mystère de l’incarnation de notre Dieu, que nous allons célébrer à Noël.
Au premier dimanche de l’Avent, elle nous fait considérer le grand prophète de l’Avent, le prophète du VIIIème siècle avant Jésus-Christ, qui est aussi le prophète de l’Exil et du retour de l’Exil, Isaïe. Puis aux 2ème et 3ème dimanches, elle oriente notre regard sur le dernier des prophètes, le Précurseur, Jean le Baptiste. Enfin, en ce 4ème dimanche, elle s’arrête sur le couple directement concerné par l’évènement de Noël, Joseph et Marie.
Un homme et une femme, accordés en mariage, l’un à l’autre. Ils s’aiment certainement d’un amour profond, pour la vie. Ce sont des justes : cela est dit explicitement de Joseph. Ils sont fils et fille d‘ Abraham, le juste, et pleinement soucieux de se conformer à la volonté du Seigneur. Ce sont aussi des pauvres, au sens que les psaumes donnent à ce mot, des pauvres engagés dans le chemin d’humilité que le Seigneur trace pour son peuple.
Mais il y a plus. La liturgie de ce jour nous fait entrer plus avant dans l’intimité même de ce couple : ce qu’il y a de plus secret entre cet homme et cette femme, un secret qu’ils ne peuvent échanger entre eux par des mots. Entre eux, c’est le silence, un silence douloureux aussi, mais un silence qui parle…
Alors l’ange apparait. Entre Joseph et Marie, il y a l’ange. Il s’est adressé d’abord à Marie. L’annonce faite à Marie fait partie de notre mémoire évangélique la plus immédiate. L’annonce faite à Joseph, par contre, nous est peut-être moins familière. Nous venons de l’entendre : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Aux yeux des hommes, tu seras le père de cet enfant, qui par toi sera fils de David. En ta qualité de père, tu lui donneras son nom : Jésus, ce qui veut dire ‘Le Seigneur sauve’, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
Et l’évangéliste d’ajouter : tout cela pour que s’accomplisse la parole du prophète ‘ Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit Dieu –avec- nous’.
La Vierge concevra et enfantera un fils. Nous avons déjà entendu cette prophétie, dans la première lecture, de la bouche même d’Isaïe. A l’époque du prophète, huit siècles avant Jésus-Christ, de quoi, de qui s’agit-il ? La almah du texte hébreu, ce mot que l’on traduisait anciennement par jeune femme, et que le lectionnaire actuel préfère rendre aujourd’hui par vierge, pourrait être, peut être, à un premier niveau, l’épouse ou la future épouse du roi Achaz auquel s’adresse le prophète. Celui-ci lui annoncerait alors de la part de Dieu, comme signe de sa protection sur son peuple, la naissance d’un enfant royal qui assurera la permanence de la dynastie royale, en un temps de grande détresse pour le royaume de Juda, bien prêt de succomber sous les coups de ses envahisseurs. Ce sera le futur Ezéchias.
Mais une prophétie de la Bible ne s’arrête jamais à son aboutissement immédiat. A mesure que l’histoire progresse, elle se charge de sens messianique, elle annonce le Messie qui doit venir, car il est question de Jésus- Christ dans toutes les Ecritures, la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes.
Alors ceux qui ont traduit les Ecritures en grec, au IIIème siècle avant Jésus-Christ, les auteurs de la Septante, ont continué à faire œuvre prophétique, en traduisant très clairement la almah du texte d’Isaïe par le mot grec parthénos, qui signifie Vierge, et c’est cette traduction que reprend l’évangéliste Matthieu.
Pour sa part, saint Paul nous l’a dit aussi dans la 2ème lecture. La Bonne Nouvelle annoncée par les prophètes, ici par Isaïe, concerne le Fils de Dieu, de la race de David selon la chair, établi Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, pour le salut de tous. Il est le Oui des promesses de Dieu.
Celui que nous allons accueillir dans quelques jours, celui que Joseph et Marie présentement attendent, c’est le fils de Marie, engendré en elle par l’Esprit Saint. Disposons nos cœurs à l’accueillir, dans la joie, la joie de la cour céleste et de tous les humbles qui viendront se recueillir à la crèche. C’est L’Emmanuel, Dieu-avec-nous, Dieu-en-nous.
Année A -HOMELIE DU 2ème DIMANCHE DE L’AVENT
Isaïe 11,1-10 ; Rom 15,4-9 ; Matthieu 3,1-12
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les 4 lectures de la liturgie de la Parole que nous venons d’entendre nous invitent à méditer sur l’attente messianique qui est le thème central du Temps de l’Avent
Les deux premières, Isaïe et le psaume responsorial situent cette attente dans un futur plus ou moins éloigné : l’évangile, lui, avec Jean Baptiste, annonce cette venue comme imminente et il appelle à une conversion urgente. Pour Saint Paul l’attente est en partie réalisée : le Messie est venu, il est déjà là dans la personne du Christ Jésus, mais l’adhésion des juifs et des nations à son message et la réconciliation définitive en lui sont encore à venir : les chrétiens doivent vivre encore dans l’attente des derniers temps.
Revenons aux 2 premiers textes dont la force poétique et théologique ne sauraient nous échapper, si nous sommes attentifs aux paroles et aux images. En les entendant, j’ai été frappé de leur convergence avec la lettre encyclique de notre pape François : « Laudato Si’ », consacrée à une écologie intégrale pour notre temps et sur la sauvegarde de notre maison commune.
Isaïe annonce une ère messianique où la création toute entière sera réconciliée et où les pauvres, les petits seront jugés avec justice. Le Messie, avec droiture, se prononcera en faveur des humbles du pays. La justice sera la ceinture de ses hanches, la fidélité la ceinture de ses reins. Et il poursuit par une grande évocation de cette réconciliation au sein même de la nature, entre tous les animaux : l’agneau, le loup, le léopard, le chevreau, le veau, la vache, l’ours, le cobra, la vipère et j’en oublie. Cette liste est impressionnante : on est en pleine ambiance franciscaine, et ce qui est le plus étonnant, c’est la place des petits dans ce concert d’animaux : leurs petits auront même gîte. C’est un petit garçon qui les conduira. Un nourrisson s’amusera avec un cobra, de même qu’un enfant étendra sa main sur le trou de la vipère. Le principe de petitesse sera mis en avant, selon la pensée de Laudato Si’, dans la ligne de l’évangile où il nous est dit que le Royaume des Cieux appartient à ceux qui ressemblent aux enfants.
Et le psaume 71, que nous avons chanté en responsorial ne fait que reprendre ces thèmes du texte d’Isaïe : « en ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des lunes. Le Roi Messie fera droit aux malheureux, il délivrera le pauvre qui appelle. Il aura souci du faible, du petit, dont il sauve la vie. »
Ce message prophétique et messianique d’écologie intégrale est bien actuel. Le Pape François veut nous rendre attentifs à la situation de notre planète-terre. Il alerte la communauté humaine sur les dangers que la domination d’une minorité de riches et de puissants fait peser sur l’avenir de la nature , de sa biodiversité, mais aussi sur l’avenir de notre humanité. Il mentionne dans sa lettre encyclique, à la suite de Saint François, nos frères les oiseaux et les lys des champs, nos sœurs, l’eau, la terre et ses plantes dont il appelle à prendre soin. La détérioration de la qualité de vie humaine et sociale est inséparable et est en corrélation avec la détérioration de la nature et de cette forme de guerre entre les êtres vivants.
D’où la nécessité d’une réconciliation , ce qui suppose une réelle conversion. Et là nous en arrivons à la parole de Jean-Baptiste : « convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche ». Le temps de l’Avent est un temps favorable à un effort de conversion. Le pape évoque la nécessité de changer de paradigme, certains diraient changer de logiciel. Je le cite : « la conscience de la gravité de la crise culturelle et écologique doit se traduire par de nouvelles habitudes, un changement dans les styles de vie, un abandon d’une forme de société de consommation obsessionnelle »
La conversion dont il s’agit doit nous faire revenir à une sobriété heureuse, une vie plus simple, où les biens de la terre seraient partagés entre nous et non pas réservés à une minorité vorace. La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété et une capacité de jouir avec peu, avec les choses les plus simples de la vie. Les chrétiens devraient avoir moins de besoins insatisfaits, abrutissants ; ils devraient être moins fatigués et moins tourmentés.
Ce programme, engagé dans une conversion, devrait alors amener les hommes à vivre une réelle « fraternité universelle », comme aimait à le souligner le bienheureux Charles de Foucauld, fêté jeudi dernier et qui se présentait lui-même comme « frère universel » .
C’est bien aussi le sens de la lecture de la lettre de Saint Paul aux romains quand il déclare : »accueillez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis pour la Gloire de Dieu ». Sans discrimination de personne : les juifs, en fidélité aux promesses que Dieu leur avait faites, les nations païennes, en raison de la miséricorde de ce même Dieu à leur égard.
Nourris par ces textes de la Parole de Dieu, et éclairés aussi par la parole de notre Pape, nous avons le devoir de les faire passer dans chacune de nos vies et nous pouvons alors maintenant entrer dans la grande prière eucharistique de l’Eglise, qui nous fait communier au repas du Seigneur, anticipation de la vie dans le Royaume des cieux.
AMEN
4 décembre 2016
Année A - 1 er Dimanche de l'Avent - 27 Novembre 2016
Isaïe 2,1-5 Romains 13, 11-14a Matthieu 24,37-44
Homélie frère Antoine
Frères et sœurs, .Dès ce 1 er jour de l'année liturgique, le texte de l'Evg fait
preuve d'un grand dynamisme ... d'une grande confiance en l'homme. !
Sans préambule, Il nous lance dans une immense fresque, Il nous projette dans les
débuts de l 'humanite avec Noé pour nous lancer vers cette venue définitive du Fils de
l 'homme qui marquera la fin des temps.
Dans ce parcours Jésus nous fait des mises en garde, des mises en garde qui
concernent des dangers qui nous guettent, des dangers qui nous sont bien contemporains.
Le premier: C'est de vivre en ne se doutant de rien ... rien de tout ce qui a été annoncé,
précisé par les Prophètes ... Au temps de Noé, on buvait, on mangeait et ce fut l'horreur
du Déluge. Seul Noé fut sauvé ... Seul Noé avait vécu selon les avertissements divins.
Le deuxième: est la conséquence d'un des mystères les plus épais de l'Evg, le mystère
de la venue du Sgr. . .l'année, le jour, l'heure ... nul ne les connaît, ni les anges des cieux
ni Jésus lui-même le Fils du .Père. D'où le danger réel de ne pas y penser, d'où
l'avertissement pressant du Seigneur « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour le
Sgr vient ... Veillez, tenez- vous prêts, c'est à l 'heure où vous n y penserez pas que le
Fils de l 'homme viendra! »
Veiller, voilà le mot essentiel de cet Evg. Veiller n'est pas rêver, c'est attendre, c'est
être en manque, de quelque chose ou de quelqu'un.
Veiller c'est désirer.. espérer. .. entrer dans une longue marche ...
Veiller c'est entrer en pèlerinage, c'est se battre contre un certain assoupissement de
la foi ... c'est résister à une sorte de demi-sommeil permanent, c'est sortir d'une vie
spirituelle devenue comme anesthésiée où nous sommes plus ou moins fatigué de prier,
de chercher à s'adresser à un Dieu qui nous semble, loin, si loin et de devenir ... des
cœurs au bois dormant qui attendent que le Prince vienne nous réveiller.
C'est à nous seul qu'il revient de prendre au sérieux l'appel de Dieu .. à nous seul
qu'il revient de décider à ouvrir la porte de nos désirs. Le vrai désir est tranchant, le vrai
désir ouvre le cœur, il fait traverser la nuit des épreuves
Nous sommes des êtres de désirs ... libres entre les mains de Dieu et désirant vivre
comme la bien-aimée du Cantique des cantiques « Je dors mais mon cœur veille»
Dieu aussi est désir ... il nous désire ... il nous attend ... il veille sur nous .. il nous propose
déjà en ce premier dimanche de l'Avent, d'ouvrir nos yeux et de diriger notre regard
vers la lumière de l'étoile de Noël. .... (27 novembre 2016)
Année C – 34° dimanche du Temps Ordinaire – Christ-Roi – 20 novembre 2016
2 Sam 5 1-3, Col 1 12-20 ; Luc 23 35-43
Homélie du F.Jean-Noël
Roi, Royaume, Règne. Mots communs à nos trois lectures. Pour alimenter nos rêves, ou quoi ? ou pour les purifier ?
Le rêve d’Israël, au 2° livre de Samuel : avoir un roi, un roi comme tous les peuples voisins. Un prophète avait protesté : danger ! Mais enfin, affaire de prestige, on voulait un roi qui marche devant, qui mène à la victoire (on est les plus forts, non ?) un roi pour assurer le pain, les jeux comme on disait. Un roi pour garantir l’ordre aussi. L’ordre !
Des siècles plus tard, ce sera encore ce que le Baptiste annoncera un roi Messie : une grande remise en ordre.. Et une fois lui-même en prison, il sera bien troublé par ce qu’on lui raconte de ce Jésus de Nazareth frayant ouvertement avec les pécheurs. S’il avait vu la suite…
C’est vrai : d’entrée de jeux au désert, Jésus avait posé ses marques : le pain multiplié pour le prestige, le prestige facile à grands coups d’éclats… très peu pour lui. Son royaume n’était pas de ce monde là. Et tout le temps, Jésus se montre très clair là-dessus. Il ne souffre pas d’ambigüité. La maman Zébédée, rêvant d’une bonne place - et même deux meilleures places, pour ses deux grands, l’a appris à ses dépends : »Vous ne savez pas ce que vous demandez ». Et presque aussitôt : « le plus grand, c’est celui qui sert ». ET ce ne sont pas des mots, on se souvient de l’effroi des disciples, au dernier repas, devant leur maitre et Seigneur, en tablier, genoux à terre à leurs pieds,. Et l’ordre de Jésus : « Faites de même. Si vous voulez avoir part avec moi ». Il en fait même une béatitude.
« Servir, un grand mot de l’Evangile » m’avait dit un hôte, il y a plus de dix ans. Oui, un grand mot. Mais bien difficile aussi, avouons-le. Il n’y a qu’à voir le soin mis à le bricoler, le tordre pour en neutraliser la rudesse. On a inventé son contraire : se servir. Et combien de dérives ? Asservir, desservir, se servir de, faire servir de… et on sait le peu de crédit qu’ont les tâches dites « serviles » !
Nous voilà proche de notre Evangile. Une scène atroce : un homme torturé, lâché par tous, tourné en dérision ! La non-puissance absolue. La provocation des moqueurs : « Allons un coup d’éclat ! ». Toujours la même requête. Le chantage à la puissance !
Mais pour ce malfaiteur crucifié avec Jésus, c’était trop. Ce silence énorme de Jésus, ses paroles aussi… C’est l’éblouissement. L’incroyable. Il avait bien entendu, le cri de son voisin de malheur qui n’avait pas fait le mal, solidaire quand même avec toutes nos misères… Solidaire. Pas au dessus de la mêlée.
- Entendu aussi la parole paisible (à quel prix ?) de remise totale de lui-même entre les mains de son Père silencieux.
- et encore, l’impossible parole de pardon de l’impardonnable
- Et même la parole excusant : « Ils ne savent pas »
- Parole encore et force, au plus noir de sa nuit, de se soucier de ceux qu’il laisse désemparés : « Femme, voici ton fils » et au disciple : « Voici ta Mère ».
Tout cela, qu’il avait bien entendu, il n’y avait pas à s’y tromper, c’était signé !
La vraie grandeur, royale, divine.
Un ordre nouveau, celui du véritable amour, service d’infinie miséricorde.
Alors Oui : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ! »
Et royale réponse : « Aujourd’hui avec moi, tu seras dans le Paradis » !
Et maintenant, on peut relire la seconde lecture de Paul, sans y voir la réalisation de nos rêves de puissance, pour nous-mêmes ou pour l’Eglise, son action de grâce sonnera juste en nous : il s’agit bien de ce nouvel ordre où le service est roi. Une béatitude, celle du véritable amour
Au notre Père, elle sonnera juste aussi de seconde demande : « Que ton règle vienne ». Ce n’est pas l’avènement d’une Eglise triomphante que nous demandons.
Les pas que nous ferons ensemble – en Eglise – pour communier, seront pas de « simples serviteurs » et nos mains ouvertes disponibles : belles prières. (20 novembre 2016)
Année C 33e dim ord.
Mal 3/19-20a, 2 The3/7-12, Lc 21/5-19
Homélie du F.Cyprien
« Il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit » … « Ce ne sera pas tout de suite la fin » … « détestés de tous à cause de mon nom, par votre persévérance vous obtiendrez la vie ».
Jésus a donc annoncé la destruction du temple de Jérusalem et tout de suite les auditeurs demandent : « Quand cela arrivera-t-il ? ».
Nous voulons toujours en savoir plus … en particulier sur ce qui va se passer à la fin, la fin du monde bien sûr, objet de beaucoup de suppositions et imaginations,
…occasion pour certains, profitant de la crédulité de gens inquiets, de prédire cette fin du monde pour bientôt.
Jésus est quand même poussé à parler de l’avenir… On interroge un rabbi connu, on attend de lui des paroles qui vont éclairer et rassurer ses auditeurs.
En fait lui, il reprend ce qui se dit à son époque à propos de la fin des temps… et nous remarquons que, dans sa réponse, la destruction du temple ne marque pas la fin du monde…
C’est comme s’il disait : Apprenez que l’histoire des hommes semble aller de catastrophes en catastrophes, avec des faits terrifiants et de grands signes dans le ciel…
Les signes sont importants pour ceux qui ont à cœur de veiller, de prier en attendant dans la foi. Le prophète Malachie nous a dit que le Jour du Seigneur ne doit pas effrayer ceux qui croient, « vous qui craignez mon Nom, le Fils de l’homme, le Soleil de Justice apportera la guérison dans son rayonnement », « Ne soyez pas terrifiés », « Mes pensées sont des pensées de paix et non de malheur, dit le Seigneur Dieu ».
Mais avant tout cela, …« avant tout cela on portera la main sur vous, on vous livrera, on vous jettera en prison ».
Jésus parlait à ceux qui l’écoutaient, …l’Evangile interpelle ceux qui entendent : c’est pour nous maintenant, nous aussi, et notre relation à Lui, le Christ dont nous attendons la venue…
Attendant la fin du monde, la situation présente est donc
= 1) une occasion de témoigner ;
= 2) sans préparer sa défense quand on est traduit en justice;
= 3) en acceptant la possibilité d’être trahis par ses proches, d’être mis à mort…
Témoigner ? Le témoignage c’est l’œuvre, c’est ce que fait le martyr : même mot pour témoin et martyr en grec, la langue de l’Evangile…
(« Je suis baptisé ; je crois que Dieu est mon père –Notre Père qui es aux cieux - ; je crois que Jésus a donné sa vie pour nous : vivant maintenant, ressuscité il me donne son Esprit pour aimer, pour que ma vie ne soit pas pour moi tout seul »)
« Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle personne ne pourra opposer ni résistance ni contradiction ».
Il s’agit pour les chrétiens de rester en relation vraiment vivante avec celui pour Lequel ils vivent.
« Détestés de tous, à cause de moi»… Détestés de tous : situation redoutable mais peut-être plus enviable que celle-ci : « Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi en effet que leurs pères traitaient les faux prophètes».
Le chrétien est un croyant qui agit à cause du Nom de Jésus : saint Paul dit à ses disciples/nouveaux chrétiens: « Je n’ai voulu connaitre parmi vous que Jésus et Jésus crucifié ».
Nous pourrons toujours voir dans les catastrophes d’aujourd’hui le présage d’une fin des temps…la fin d’une civilisation, pourquoi pas ?
Il est plus juste de considérer les persécutions comme la situation logique des disciples, à la suite du Maitre et du Seigneur mourant pour eux.
Vivre en union au Christ, c’est croire qu’il est vivant, ressuscité, bien sûr, mais c’est aussi continuer dans notre chair, dans notre quotidien ce qu’a été la vie de Jésus pour nous.
Notre Eucharistie nous engage à cela et nous croyons le Seigneur quand il nous dit : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie ».
Dans ma jeunesse j’ai entendu citée cette sentence :
« Entre le passé qui nous échappe et l’avenir que nous ignorons, il y a le présent où est notre devoir »… Notre devoir, oui mais, comme chrétiens, le présent au sens de cadeau…la présence agissante du Christ ressuscité. - 13 novembre 2016
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Année C - COMMEMORATION DES FIDELES DEFUNTS 2016
Rm 14, 7-9. 10b-12 ; Jn 6, 37-40
Homélie du Père Abbé Luc
« Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même…dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur ». Peut-être avez-vous déjà éprouvé, comme moi, combien cette parole de Paul n’est pas si facile à entendre, et à fortiori à vivre. Ne pas vivre pour soi-même, appartenir tout entier au Seigneur pour faire vraiment ce qu’il veut, ce qu’il nous suggère et nous montre au long des jours. Dans l’évangile, nous entendons Jésus s’insérer dans cette dynamique de dépendance profonde à l’égard de son Père : « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Jésus s’est mis tout entier au service de la volonté très bonne de son Père qui est de ne perdre aucun de ses enfants et de leur donner la vie au dernier jour. Jésus a appartenu à son Père, en sa vie et en sa mort, pour réaliser la mission qu’il lui avait confiée. Mettre notre foi en Lui Jésus, nous ouvre les portes de la Vie.
En ce jour de prière pour tous les défunts, nous nous souvenons que tel est le bonheur qui nous est promis : appartenir au Seigneur pour recevoir de lui et en notre vie présente déjà et à l’heure de notre mort, cette joie et ce bonheur qu’il veut offrir à tous, sa vie en plénitude. Nous sommes destinés à cette vie pleine qui est déjà en germe dans nos existences présentes. En mesurant combien nous sommes capables de résister dès maintenant à cette vie offerte, pour préférer la vie à notre manière, nous nous confions nous-mêmes et tous nos défunts, à la miséricorde de notre Père. Nous faisons mémoire de la mort et la résurrection du Christ, le seul qui ait accueilli vraiment cette vie du Père pour nous la donner. Qu’Il donne à tous la grâce de s’ouvrir totalement à l’amour et la vie qui est pleine… (2 Novembre 2016)
Année C - TOUSSAINT 2016 - Jubilé 70 ans f. Ghislain
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Heureux … bonheur…voilà des mots importants pour chacun de nous. Mots chargés d’émotion ou de souvenirs sûrement. Mots chargés de regrets et d’espérances déçues peut-être. Mots que nous recevons ce matin cependant comme une promesse toujours offerte à chacun et à tous par le Christ. Oui, Jésus rejoint notre soif insatiable de bonheur. Il vient même en déployer les horizons de possibilité. Là notre imaginaire peut réduire le bonheur aux images de rêve de relations parfaites, sans ombre, Jésus ouvre une possibilité de bonheur au cœur des relations conflictuelles : « heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute à cause de moi ». Là où notre imaginaire peut réduire le bonheur au rêve d’une vie où tout serait sourire, vie tranquille et facile, Jésus l’offre aussi à « ceux qui pleurent, à ceux qui ont faim et soif de la justice, à ceux qui sont persécutés pour la justice, aux artisans aux lutteurs pour la paix »… Notre imaginaire du bonheur, si grand soit-il, est encore trop étroit, trop limité aux succès et aux réalisations réussies. Jésus vient nous offrir le bonheur au cœur même de nos situations apparemment perdues. Quel paradoxe !
St Benoit nous propose-t-il autre chose quand, dès le début de sa règle, il pose la question : « Quel est l’homme qui désire voir des jours heureux ? » De chapitre en chapitre, il va dessiner un itinéraire de vie très concrète qui veut apprendre au moine à ajuster ses rêves de bonheur au grand rêve du Christ sur lui et sur tous ses frères. Là où nous rêvons de reconnaissance, et même de gloire peut-être, st Benoit nous propose le chemin de l’humilité qui conduit à la béatitude des pauvres de cœur. Là où nous rêvons de vivre sans difficulté relationnelle, St Benoit nous engage à supporter patiemment les infirmités physiques et morales de nos frères afin de marcher fraternellement tous ensemble, pas tout seul, vers la vie éternelle. F. Ghislain, tu as suivi ce chemin, depuis 70 ans. Chemin qui est une école de vie, une école de quête du vrai bonheur… Avec toi, que nous ayons quelques mois de présence au monastère, 15 ans, 30 ans ou 74 ans, la vie monastique nous fait « passer de la sainteté désirée à la pauvreté offerte »… « heureux les pauvres de cœur ». Elle nous fait aussi passer de la volonté de tout maitriser à la joie de tout recevoir… « heureux les doux, heureux les cœurs purs »… Pour chacun de nous, que nous soyons moines, prêtres, laïcs mariés ou non, la fidélité durant toute une vie est certainement une lutte. Elle est aussi un don de Dieu reconnu avec gratitude. Elle est encore un don de Dieu, non seulement pour la personne elle-même, mais aussi pour tous ceux qui l’entourent, pour nous tous aujourd’hui. Le témoignage de fidélité de notre f. Ghislain, comme celui de notre f. Albéric, fêté il y a quelques semaines, est une sorte de parabole d’éternité. F. Ghislain, tu as beaucoup cherché à pénétrer le mystère de Dieu, Lui l’éternel, le Tout autre, et dans le même temps, si présent au monde en Jésus Christ. Tu as enseigné ce que tu avais compris et contemplé de ce mystère, à bon nombre d’entre nous, ainsi qu’à de nombreux étudiants dans le monde qui t’en ont reconnaissants. En ce matin, d’action de grâce pour 70 ans de vie monastique, avec ses joies et ses luttes, ta fidélité nous parle de l’éternité. Elle nous fait pressentir en cette vie ce qui demeure en vie éternelle : le désir ouvert à Dieu et aux autres, l’amour désarmé donné aujourd’hui et redonné demain, la joie de se recevoir plus grande que la joie de se posséder… Comme tous les saints dont nous faisons mémoire aujourd’hui, Dieu veut allumer dans nos existences ces lumières d’éternité, précieuses pour chacun et précieuses pour ceux qui nous entourent. Lumières d’éternité fragiles et toujours reçues de nouveau comme un cadeau immérité, et lumières transmises au gré de nos vies données.
Frères et sœurs, que cette eucharistie, unis à l’action de grâce de f. Ghislain, nous donne de hâter le pas, dans nos différents engagements, joyeux de nous donner et de marcher, à la suite de tous les saints, vers cette éternité bienheureuse qui nous est promise. ( novembre 2016)