Homélies
Liste des Homélies
Année A – 5° dimanche de Pâques - 14 mai 2017
Act 6 1-7 ; 1 Pet 2 4-9 ; Jn 14 1-12 ;
Homélie du F . Jean Noël
La première lecture. Vous avez bien entendu ? Dans ces premières communautés chrétiennes des Actes des Apôtres souvent présentées comme si bien, si bien : « Un seul cœur, une seule âme, on partageait tout ». Vous avez entendu : « il y avait des tensions, des récriminations ! Plutôt rassurant, Non ? Consolant. Nous sommes normaux, bien dans les normes. Nous leur ressemblons, à condition quand même d’aller jusqu’au bout de la ressemblance en gérant cela comme nous les voyons faire. Et que voyons-nous ?
-Y a-t-il un problème ? Les douze convoquent l’Assemblée des disciples – l’ecclésia – tout le monde.
- On se parle. Le murmure devient parole. Seulement on ne va pas se plier à la voix de celui qui crie le plus fort.
-Bien décidé à ne pas faire n’importe quoi, on se reprécise la hiérarchie des valeurs : service de la prière, service de la Parole, service du frère, mais sans en rester au niveau des idées,
- On se met donc au travail. On se répartit la tâche. On se rait signe : on prie, on appelle des gens qui ont un nom : Philippe, Nicanor. Aujourd’hui ce serait Gaël, Bruno ou Marie-Do.
Et c’est fécond. C’est souligné deux fois dans notre page : « La Parole du Seigneur gagne du terrain » - « Le nombre des disciples augmente fortement ».
Et notre page d’Evangile ? Au fond, pas si éloignée : il y a un problème : les douze sont bouleversés, troublés. Ils ne savent pas. Ils ne savent plus. Si jamais ils ont su – « Où va-t-on ? Mais où va-t-on ? » A la lettre déroutés. Réponse de Jésus : « Je suis le chemin ». Pas un chemin parmi d’autres ! Non, LE Chemin. Pour connaître le lieu, pour aller à Lui, un seul chemin où s’encheminer : Jésus Christ.
Sommes-nous sûrs d’avoir pris la mesure d’une telle déclaration ? Sommes-nous les inconditionnels de ce chemin-là. Bien sûr, nous nous disons chrétiens. Les plus anciens parmi nous se souviennent même de l’avoir chanté à gorge déployée, comme une marseillaise :
« Je suis Chrétien, voilà ma gloire.
Mon espérance et mon soutien.
Mon chant d’amour et de victoire.
Je suis chrétien. Je suis chrétien. »
Mais attention, on n’est pas chrétien, comme on a pu se dire giscardien, sarkosien ou .. le baptême, c’est quand même plus qu’un bulletin de vote !
Alors, chrétien comment ?
- Chrétien d’une certaine culture ? Nous reconnaissant mollement dans un certain nombre de valeurs qui ont fait notre histoire, même en en oubliant leur source évangélique !
- Chrétien de pratique : un chrétien, ça fait maigre le vendredi, ça va à la messe le dimanche.
- Oui, chrétien comment ? Chrétien du Christ. Pratiquant inconditionnel de ce chemin unique. Chrétien enroché, comme dit Pierre dans la 2° lecture, enroché sur le Roc Jésus-Christ, Vérité et Vie. Pas d’alternative. Pas de chrétien sans Christ. Que serait un chrétien déchristianisé ? Un chrétien 0 % ?
A nous comme à Philippe, Jésus pose la question : « Vous ne savez pas encore cela ? Depuis si longtemps avec vous ! » Si – on sait – Dans la tête simplement ? En profondeur ? C’est bien cela qu’il nous faut chaque année, au terme du Carême, à la Vigile pascale nous ré-engager ensemble sur le chemin de Jésus. Nous le savons bien : le chemin exige l’en-cheminement. Le cheminement dans la durée. Et quoi, si nous nous arrêtons ! Non, il faut cheminer, jour après jour. C’est bien le sens de ce mot, martelé sept fois dans l’Evangile de ce jour : « CROIRE, qu’il faut bien entendre. Ce n’est pas « croire que » et ce n’est pas plus assuré que la météo. Mais croire en. Croire en ce chemin, s’y engager, s’y encheminer.
N’est-ce pas là – si je reviens à la 1° lecture - qu’enracinaient les premières communautés chrétiennes pour trouver la force de surmonter leurs tensions. Ces tensions, on pouvait les regarder, on pouvait en parler, les gérer plus facilement dès lors que pour personne, il ne s’agissait de défendre une boutique ; ou même seulement une pratique. Mais bien de ne pas connaître d’autre chemin que Jésus-Christ.
Les quelques pas que nous ferons pour communier ou pour recevoir sur le front le signe, rappel de notre baptême, seront progression de chrétien, ce que je peux aujourd’hui, comme je suis aujourd’hui sur le chemin de Jésus Christ. Oui devenir chrétien.
Prions les uns pour les autres. (14 mai 2017)
Année A -Homélie du 4° dimanche de Pâques – 7 mai 2017
Act 2 14a 36-41 ; 1 Pierre 2 20b-25 ; Jn 10 1-10
Homélie du F.Damase
Dans son message pascal, le Pape François a commenté cet Evangile du Christ « Bon Pasteur » ; je vais donc vous parler d’un autre aspect que cet Evangile mentionne où le Christ se présente comme la Porte de la bergerie.
Tout d’abord qu’est-ce qu’une porte : sinon un lieu de passage. Un lieu qui peut être ouvert ou fermé. Ouvert pour faire communiquer l’extérieur avec l’intérieur. Fermé pour former ou protéger une communauté, une famille, une nation. Ouverte la porte laisse passer, entrer et sortir, permettant la libre circulation : elle exprime l’accueil, une richesse d’échange. Fermée, elle empêche la communication : elle exprime un refus. Elle suggère aussi l’idée d’un tri.
Ainsi dans sa Règle, st Benoit invite l’abbé à choisir comme portier, un sage vieillard qui sache recevoir et donner une réponse. Sa maturité le préservant de courir de tous côtés. Un homme qui s’empresse de répondre. De même Benoit invite l’abbé a disposé le monastère avec tout le nécessaire pour la vie de la communauté, de sorte que les moines ne soient pas obligés de courir au dehors.
Dans l’Evangile Jésus se présente comme la porte de la bergerie. Pour comprendre cette parabole, il faut se rappeler que Jésus s’adresse aux Pharisiens. Or ces pharisiens ont un tel sens du sacré qu’ils ne peuvent imaginer une proximité entre Dieu et l’homme. Pour eux, Dieu est LE saint, l’inaccessible ; l’homme ne peut pas atteindre Dieu par ses seules forces.
Sur ce point entre Dieu et l’homme, Jésus leur donne raison. Mais Jésus nous annonce que lui-même nous ouvre la porte et alors nous pouvons le rencontrer. Cette porte qui nous permet d’aller à Dieu, c’est Jésus lui-même. Si quelqu’un entre par lui, il sera sauvé. Il est le passeur qui nous permet de traverser la mort pour épanouir en nous les forces de la vie.
Cette porte n’est pas celle qui claque brutalement, ni celle qui enferme comme dans une prison. Elle est un lieu de passage ouvert à l’humanité tout entière. Il y a de la place pour la multitude et la diversité. Jésus se présente comme la porte ouverte à l’étranger, au réfugié, à l’immigré, à l’handicapé, au pauvre comme au riche. Cette porte est ouverte à l’inconnu, à la brebis égarée et à tous ceux qui cherchent un sens à leur vie.
En résumé cette porte est ouverte par la miséricorde de Dieu. Chacun de nous est unique pour Dieu; il nous a gravés sur la paume de ses mains. Nous sommes son bien le plus précieux, inscrits dans son cœur de Père
Par le sacrement du baptême et de l’Eucharistie, nous sommes incorporés au Christ. Nous passons au-delà des limites de la vie présente pour entrer dans la perfection de l’humanité, celle de Jésus Ressuscité. « Moi, je suis venu pour que les brebis aient la Vie, la vie en abondance ». L’Évangile du Christ nous offre un formidable appel à vivre. Il n’est pas une contrainte qui nous enferme, mais un souffle puissant qui nous entraine et nous appelle au bout de ce qui est vital pour chacun de nous : aimer et être aimé.
Nous, chrétiens baptisés, notre tâche est d’être les portiers du Christ, qui montrons la porte « à tous ceux qui frappent », qui cherchent comment passer de la tristesse à la joie, du doute à la confiance, qui cherchent comment entrer dans le grand projet d’amour qui anime le Christ.- 7 mai 2017
Année A - 3° dimanche de Pâques - 30 avril 2017
(Actes 2, 14.22b-33 – Ps 15 – 1 Pierre 1,17-21 – Luc 24, 13-35
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs, peut-être certains d’entre vous ont-ils entendu parler de lectio divina sans trop savoir de quoi il s’agissait. Peut-être certains d’entre vous l’ont-ils pratiquée sans le savoir. Les lectures que l’Eglise nous offre pour ce 3e dimanche de Pâques sont en tout cas une belle illustration de cette pratique. Pratique monastique mais qui s’est diffusée dans l’Eglise et heureusement.
La lectio divina, lecture divine, c’est à la fois la lecture, la méditation et la prière à partir d’un texte biblique afin de mieux connaître Dieu, le Christ, afin de dialoguer avec lui tant il est vrai que Dieu nous parle dans les Ecritures saintes, dans la Bible. Une des méthodes, trouvant ses origines dans la tradition juive, consiste à rapprocher des textes bibliques entre eux pour faire jaillir une lumière qui peut éclairer, réchauffer le cœur (notre cœur n’était-il pas brûlant en nous disaient les deux disciples d’Emmaüs). Les lectures de la messe du dimanche sont bâties sur ce principe : éclairer, interpréter la Bible par elle-même.
L’évangile de ce dimanche est un exemple particulièrement fort de ce que la Bible peut nous faire découvrir. Nous y voyons en effet le Christ à l’œuvre. Deux disciples s’en retournent de Jérusalem. Ils sont dans le doute, la déception. Ils croyaient que le Christ allait délivrer politiquement Israël (vision commune du Messie à cette époque d’occupation de la Palestine par les troupes romaines). Or voilà qu’il s’est fait proprement éliminer. Il y a bien eu des femmes qui ont vu des anges disant qu’il était vivant, des compagnons qui sont allés à la tombe mais elle était vide et ils n’ont pas vu le Christ.
Or le Christ, qu’ils ne reconnaissent pas, qu’ils ne peuvent pas reconnaître tant ils sont enfoncés dans leurs questions, les écoute, les prend où ils en sont puis leur donne une véritable leçon de lectio divina. A partir des Ecritures, de Moïse et des prophètes, il montre en quoi la Bible juive, notre Ancien Testament, parle déjà de lui. Nous voudrions bien connaître les textes que le Christ a utilisés mais c’est une tentation. En fait, l’évangéliste Luc se garde de raconter le détail pour nous inviter, nous, avec l’aide de l’Esprit Saint, à faire ce chemin pour rencontrer le Christ vivant. Mais ce chemin est aussi à faire en communauté. Le Christ et les deux disciples sont trois, c’est déjà une petite communauté. Quand ils auront reconnu le Christ, Cléophas et son compagnon repartiront rejoindre les autres disciples, l’Eglise naissante. C’est en Eglise aussi que nous avons à écouter la Parole de Dieu et à reconnaître le Christ dans la fraction du pain, ce que nous vivrons tout à l’heure.
La première lecture, elle, nous donne un bel exemple de lectio divina car Pierre agit de même que Jésus. A Jérusalem, à la Pentecôte, à partir du don de l’Esprit Saint reçu, Pierre relit le psaume 15 et y voit une parole sur le Christ. Lui qui a été crucifié, supprimé, il est ressuscité. David, en effet, considéré comme l’auteur des psaumes, avait déjà parlé du Christ. Le Seigneur ne peut abandonner son fidèle au séjour des morts ni le laisser voir la corruption. C’est en relisant ce psaume qui a été chanté après la première lecture, que Pierre proclame que le Christ est vraiment ressuscité. Les psaumes sont un résumé de toute la Bible juive. Ils ont été priés par le Christ lui-même comme tout juif pieux. Ils ont aussi servi aux premiers disciples du Christ pour relire ce qu’ils vivaient et y découvrir le Christ déjà annoncé.
Ainsi, Pierre, comme le Christ, revisite l’Ancien Testament pour y voir le destin du Messie : sa mort violente et sa résurrection. Le Christ l’avait plusieurs fois annoncé. Et c’est cela que nous propose l’Eglise dans sa liturgie. Faire la rencontre du Ressuscité dans sa Parole puis dans la fraction du Pain.
Ainsi donc nous pouvons nous sentir invités à nous plonger dans les Ecritures, dans la Bible. On entend souvent dire : « Dieu, le Christ, c’est très bien mais je ne le vois pas, je ne l’entends pas. » Pourtant, en lisant sa Parole et en la méditant, nous pouvons le rencontrer qui nous parle. En cherchant le Christ dans la Bible, dans toute la Bible, c’est lui que nous rencontrons, que nous apprenons à connaître. Mais ce n’est pas qu’une recherche individuelle. C’est en Eglise, en communauté, que nous pouvons aussi approfondir notre connaissance du Christ. Les autres baptisés ont en effet aussi à nous apprendre.
Frères et sœurs, les lectures de ce jour nous invitent à méditer la Parole de Dieu. Elles nous disent même que l’on peut rencontrer le Christ dans la Bible. Et cette expérience peut se traduire par un cœur brûlant d’annoncer aux autres la Bonne Nouvelle. Notre vie peut en être transformée. N’envions pas les disciples d’avoir vu le Christ de leurs yeux. Le Christ lui-même révèle que c’est dans la méditation de sa Parole et le partage de son Corps et de son Sang en communauté que nous pouvons le rencontrer et qu’alors, il n’a pas besoin d’être visible. A nous de trouver les moyens pour nous préparer, par exemple, en méditant à l’avance les lectures du dimanche. Faisons l’effort. Nous découvrirons des horizons nouveaux qu’il n’est pas besoin d’être moine pour les découvrir. AMEN. (30 avril 2017)
Année A - 2° dimanche de Pâques - 23 avril 2017
Act 2 42-47; 1 Pet 1 3-9; Jean 20 19-31
Homélie du F.Hubert
Il nous est bien difficile de percevoir ce qu’ont éprouvé les disciples en si peu de temps :
le repas de la Pâque, la descente au Jardin des oliviers, l’arrestation de Jésus,
son procès, son supplice, sa mort, et ce samedi silencieux, vide…
à travers tout cela, leur abandon de celui qu’ils aimaient,
dont les paroles et les actes leur donnaient vie.
« L’heure vient où vous me laisserez seul. »
Quelle douleur, quelle amertume, quelle honte !
Et la peur qui les emprisonnent…
Jésus leur avait bien dit : « Je m’en vais et je reviens vers vous. »
mais comment auraient-ils pu imaginer de quelle mort il allait mourir,
et de quelle manière il reviendrait auprès d’eux ?
Alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs,
il vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » et après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.
Comme ils devaient avoir besoin de recevoir de lui cette paix, ces disciples bouleversés et perturbés !
Comment Jésus la leur donne-t-il ?
« Il leur montra ses mains et son côté. » Ses blessures.
Pour se faire reconnaître, bien sûr.
C’est bien lui, Jésus, leur Maître, qui a été crucifié. Il est vivant.
Ce n’est pas un autre, ce n’est pas un fantôme.
Cette identité est fondamentale.
Mais arrêtons-nous à ses blessures.
Jésus ne se présente pas comme un homme « intact » :
il porte les traces de l'agonie, de son supplice,
les stigmates de ses épousailles avec notre inhumanité.
Jésus est celui qui a souffert de l'inhumanité de l'homme.
Le ressuscité et l'outragé sont une seule et même personne,
et la part blessée du Fils de l'homme n'est pas gommée, évaporée.
La réconciliation opérée par Jésus n'est pas un camouflage du mal,
la souffrance n'est pas dissimulée.
Notre réconciliation s'opère dans la blessure infligée au Christ par l’inhumanité présente en chacun de nous.
Blessure à laquelle il ne s'est pas opposé ou soustrait,
qu’il a accueillie sans nous la renvoyer, et dont il est marqué pour l'éternité.
Ses blessures sont désormais resplendissantes de l’Esprit,
resplendissantes de l’amour dont elles sont le signe.
Signe et lieu de notre réconciliation, de notre recréation,
signe de l’amour que rien ne peut vaincre.
Du cœur percé jaillit le fleuve de la vie.
Le Crucifié-Ressuscité est notre paix.
Nous savons bien que nous sommes loin d’accomplir
l’harmonie de la première communauté, évoquée, par Luc dans les Actes,
Si nous ne témoignons pas d’une telle communion fraternelle,
nous devons témoigner d’une communauté qui existe dans et par la Miséricorde.
Il n’y a pas un monde de purs et un monde de mauvais.
Aucun de nous n’est sauvé, aucun de nous n’est saint, sanctifié, sans que le Christ le réconcilie,
l’arrache au mal, ne sauve sa part d’inhumanité.
C’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé.
C’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé.
il a été compté avec les pécheurs,
alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs.
La foi n'est pas une adhésion à une étonnante « happy end ».
Elle survient quand l'homme se présente pour être réconcilié
par Celui qui fait alliance à travers même les blessures reçues.
Le Christ demeure pour toujours le Transpercé.
Dans ses blessures, « le pouvoir de la mort apparaît constamment vaincu par la puissance de l’Esprit » écrivait notre f. Germain dans L’Agneau de la Pâque éternelle.
Comme Pierre, aucun disciple, aucun être humain, n'entrera dans la communauté des réconciliés s’il ne se soumet lui-même à la Miséricorde, s’il ne reconnait en lui une part inhumaine qui doit être guérie et réintégrée, pour que s'accomplisse l'unité de ton être.
Thomas, le jumeau universel de tous ceux dont l’espérance s’est évanouie,
de tous ceux qui sont absents, de tous ceux qui doutent,
témoigne auprès de chacun de nous
que, par sa fidélité, le Christ nous réconcilie avec nous-mêmes,
et nous offre la vie nouvelle d’un amour que rien ne peut vaincre.
Regardons, contemplons, les blessures resplendissantes de fidélité, de notre Sauveur.
En elles se trouve notre paix.
Regardons le Fils de l’homme ressuscité,
marqué pour toujours des marques et de notre inhumanité et de son amour.
Regardons celui que nous avons transpercé, et nous serons guéris.
Il est la résurrection et la vie parce que rien ne peut arrêter, épuiser, empêcher son amour.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que la vie du monde. (23 avril 2017)
Année A - 16 avril 2017 / Dimanche de la Résurrection
Lectures : Ac 10,34a.37-43 / Col 3,1-4 / Jn 20,1-9
Homélie du F.Matthieu
« Alors entra l’autre disciple... Il vit et il crut. »
"Voir" et "croire", ce sont les mots que l’on retient d’abord de l’évangile que nous venons d’entendre…
Mais, avant celui de "voir" et de "croire", il y a pourtant un autre mot de cet évangile, et qui les précède… celui de "courir" !
Ce qui domine cet évangile c’est la course, la hâte de la recherche de Jésus… Ce sera notre fil conducteur.
- "Courir" donc.
"Marie-Madeleine court trouver Simon-Pierre..." Elle est soudain poussée par l’urgence : "On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a déposé." Urgence de l’inquiétude, de la stupéfaction, mais urgence surtout de la recherche, car Jésus, malgré l’échec apparent de la crucifixion, reste pour elle, "le Seigneur", le Maître bien-aimé.
Urgence de l’amour, mais peut-être aussi urgence née d’une obscure espérance, encore informulée. Il s’est passé quelque chose, elle ne formule qu’une hypothèse d’enlèvement, mais "elle court", comme s’il y avait quelque chose à trouver – chercher encore ?
"Pierre et l’autre disciple couraient tous les deux ensemble..." Comme les responsables de la petite communauté des disciples, ils doivent vérifier les dires d’une femme, de Marie - ils auraient pu en rire… ou aller voir posément… non, ils courent. Là encore, espérance informulée ?
Ou urgence de l’amour pour ce Maître qu’ils ont abandonné, et même pour Pierre, renié ? Urgence de la recherche encore !
L’"autre disciple, celui que Jésus aimait" court plus vite.
Quelle que soit son identité personnelle, il est ici la figure de tout disciple, de celui qui est lié au Christ par le lien de l’amour le plus fort, et que cette urgence de l’amour pousse ; "l’autre disciple" est le symbole de tout disciple aimé et aimant, qui court au-devant de Jésus. Il est la figure de chacun de nous dans sa recherche du Seigneur, parce le Seigneur lui-aussi est à notre recherche ! Il a hâte de nous trouver !
A Pâques, tout le monde court, parce que quelque chose d’incroyable, de nouveau, est en train de se produire. Et qu’on ne peut rester là assis dans le deuil et les larmes… ni même dans l’expectative : il faut chercher, aller "voir" !
- "Voir", justement.
Que "voit" Marie-Madeleine ? "Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau" : elle "voit" un tombeau ouvert, pas même un tombeau vide. Elle a deviné, elle a craint, et cela a suffi à la mettre en mouvement pour aller chercher des frères. Un tombeau ouvert, ce n’est pas un signe clair, et cela ne suffit pas pour croire, mais peut-être déjà pour espérer, sans le savoir, que quelque chose de neuf a commencé, que la pierre de la mort a été roulée du destin de l’humanité… qu’il y a plus encore à chercher !
Que "voit" Pierre ? A peine plus, mais lui, il regarde, il fait attention, il veut être témoin, il dresse un constat :"les linges posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place".
L’absence du corps, les signes de la mort abandonnés sur place, mais en bon ordre, en place, et non comme après un enlèvement. Des indices étranges, dont il ne tire aucune conclusion immédiate, on pourrait dire avec les mots d’un autre évangéliste, "il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé".
Que "voit" l’autre disciple. Rien de plus, mais lui : "il vit et il crut". Sa foi ne vient pas uniquement des signes déjà observés par Pierre, elle vient de l’intérieur, de cet amour qui le relie à Jésus – il a couru plus vite ! – et elle va lui permettre surtout, à lui et à tous les disciples après lui de "voir" que, "selon l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts".
Et ensuite "les disciples retournèrent chez eux." Mais ils savent désormais le lieu premier de la recherche : les Ecritures, là où il faut aller "voir" justement pour parvenir à "croire" …
Oui, voilà bien l’essentiel : avec Marie-Madeleine, avec Pierre, avec le disciple que Jésus aimait, avec tous les disciples de Jésus, nous savons désormais où chercher, que lire, relire et méditer : il est grand temps de ressortir notre Bible, si besoin est, de la mettre à portée de main, de l’ouvrir en hâte… si toutefois nous voulons être sérieux dans notre recherche du Seigneur !
Et en cela, il faut retrouver tous les disciples bien-aimés, et selon les Ecritures, apprendre avec eux à "courir", à "voir", pour commencer à "croire en Jésus ressuscité, avec nous sur les chemins de notre vie jusqu’à la fin des temps !(16 avril 2017)
Année A - VIGILE PASCALE 15.04.2017
Rm 6, 3-11 ; Mt 28,1-10
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et Sœurs,
En cette nuit, comme en toutes nos nuits, le Seigneur de la Vie est à l’œuvre ! Nuit de la création lorsque dans les ténèbres au-dessus de l’abîme, Dieu proféra sa Parole et tout fut créé. Nuit de la foi pour Abraham qui consent à donner son fils espérant en Dieu contre toute espérance. Nuit d’angoisse pour le peuple hébreu poursuivi dans la mer jusqu’à ce qu’elle s’ouvre sous ses pas. Nuit de l’exil où Israël perdu retrouve les chemins de la sagesse et de la connaissance. Nuit de la dispersion parmi les nations dans laquelle luit la promesse d’une vie nouvelle où le cœur est purifié. Nuit de la résurrection enfin où la Vie s’empare d’un cadavre pour laisser au petit matin un tombeau ouvert et vide…
Oui, frères et sœurs, en cette nuit, figure de toutes nos nuits humaines, le Seigneur de la Vie est à l’œuvre. Si nous avons pu penser un moment que c’en était fini, la résurrection de Jésus est là pour nous détromper. Le Seigneur de la Vie est fidèle à son Alliance avec les vivants que nous sommes, avec ceux qui nous ont précédés comme avec ceux qui nous suivront. Depuis le début de cette célébration, nous avons médité comment par le passé, Dieu n’a cessé d’offrir la vie, de la conforter, de la panser parfois, de la susciter toujours. Avec la résurrection de Jésus, nous avons la signature définitive du pacte de Vie que Dieu a établi avec les humains depuis les origines. Les créatures fragiles et mortelles que nous sommes, ne sont pas vouées au néant. La résurrection de Jésus communiquée à travers notre baptême et accueillie en chaque eucharistie nous ouvre un avenir. Si nous sommes faillibles et infidèles à servir la Vie, la résurrection de Jésus, offerte à travers le sacrement de la réconciliation nous libère des impasses de nos aveuglements.
Avec détermination, renouvelons notre confiance en la Vie. La vie reçue des origines, est aujourd’hui vivifiée de l’intérieur par le Vivant pour l’éternité. Accueillons cette puissance de Vie qui, si elle ne nous empêchera pas de vieillir, ni de souffrir ni de mourir, nous renouvelle dans l’Amour et dans le don de nous-mêmes à Dieu et aux autres. Jésus Ressuscité nous offre sa Vie, pour qu’avec Lui, par lui et en Lui, nous aidions tant de personnes autour de nous à retrouver le goût et le sens de la Vie. Voilà le projet du Seigneur de la Vie dont la résurrection de Jésus fait de nous les heureux bénéficiaires et les serviteurs étonnés. Comme nous le priions déjà, demandons au Seigneur « de raviver en son Eglise l’esprit filial, afin que renouvelés dans notre corps et notre âme, nous soyons tout entiers à son service ». (15 avril 2017)
Année A - VENDREDI SAINT 14.04.2017
Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Face à la croix de Jésus, nous restons « bouche bée », comme les foules hébétées devant le serviteur souffrant. La souffrance qui broie un homme impose toujours le silence. Mais l’évangéliste Jean nous entraine plus loin, pour ne pas laisser ce silence nous engloutir dans une sorte de sidération. Il considère cet évènement ignoble comme un aboutissement. Avec la mort de Jésus, quelque chose est pleinement réalisée : « Tout est accompli » dit Jésus. Là, où un premier regard dénonce la plus grande absurdité, l’évangéliste Jean suggère de reconnaitre, à travers chaque parole prononcée, une plénitude de sens. Plénitude de sens pour notre humanité à travers les mots de Pilate : « Voici l’homme ». Plénitude de sens encore pour le peuple juif qui attend le roi-messie : « Voici votre Roi ».
Plénitude de sens pour les disciples et Marie à travers la parole : « Voici ton fils, voici ta mère ». Plénitude de sens sur la bouche de Jésus pour notre destinée humaine en attente de justice et de vie : « J’ai soif ». Plénitude de sens contenue dans les Ecritures et que la Résurrection de Jésus a révélé.
C’est cette plénitude de sens qui nourrit ce soir notre audace pour présenter dans quelques instants à notre Père des Cieux la grande intercession de l’Eglise en faveur de l’humanité.
Désormais aucune peine humaine ne peut être exclue de la sollicitude de notre Dieu. C’est aussi cette plénitude de sens qui anime notre désir de vénérer la Croix. De lieu d’infamie, la Croix de Jésus est devenue lieu de grâce. Dans la Croix de Jésus, se fortifie notre espérance. Quand enfin nous communierons au terme de cette célébration, nous confesserons que la Croix a donné un fruit de vie, la Vie divine offerte dans le Corps livré et dans le Sang versé de Jésus. « Tout est accompli ». (14 avril 2017)
Année A - JEUDI SAINT
13.04.2017
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé
Frères et sœurs,
« Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? » demande Jésus à ses disciples… « Plus tard, tu comprendras » disait-il encore un peu avant à Pierre récalcitrant à l’idée de se faire laver les pieds par son maitre… Plusieurs fois, les évangiles se font l’écho de la difficulté des disciples à comprendre ce qu’ils sont en train de vivre avec Jésus. Vous me direz : « il y avait de quoi »… En effet, Jésus semble assez souvent vouloir entretenir un certain « clair-obscur » dans ses paroles quand il parle en paraboles, par ex (cf Mc 4,13) ou quand il pose des actes qui semblent complètement déplacés, au regard des usages habituels. Tout se passe comme si Jésus redoutait que les choses le concernant soient trop évidentes.
Ce soir donc, que comprennent les disciples ? Nous ne le savons pas bien. Le récit nous laisse entendre qu’il y a différents niveaux de compréhension, une compréhension immédiate et une compréhension à posteriori. Dans l’immédiat, Jésus invite ses disciples à comprendre son geste comme un exemple qu’il leur donne. « Si moi, le Seigneur et le Maitre, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». Au sens strict, c’est la seule fois où Jésus se donne en exemple dans un geste très concret, invitant à faire comme Lui. Un peu plus loin, il exhortera de façon plus générale ses amis à garder ses commandements, comme lui-même garde les commandements de son Père (15, 10), et à s’aimer les uns les autres comme il les a aimés (15, 12). Ce soir, il nous faut donc prendre la mesure de la force du lavement des pieds, comme l’unique geste de Jésus laissé en exemple à nous ses disciples. Suivre Jésus, l’imiter, n’est donc pas une chose si lointaine : il nous suffit de nous mettre aux pieds de nos frères pour les servir… Une fois, on me racontait, qu’un nouveau supérieur nommé, arrivait dans une communauté religieuse. Après s’être présenté devant les frères qui l’accueillaient comme tel pour la première fois, il a proposé à tous les frères présents qui ne s’y attendaient pas, de leur laver les pieds… En silence, sans plus de paroles, il situait à sa juste place sa nouvelle fonction de supérieur.
Après une compréhension immédiate, les disciples avec Pierre sont invités à une compréhension à postériori de ce qu’ils vivent. Le lavement des pieds contient en effet quelque chose d’inconvenant, voire d’intolérable, comme l’a bien pressenti Pierre. Il n’est pas normal que le Seigneur s’abaisse ainsi. Non, ce n’est pas décent. L’abaissement de Jésus figure ici l’abaissement plus abyssal qu’il vit depuis les premiers instants de sa conception dans le sein de Marie. « Il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur » a compris Paul. Abaissement qui trouvera toute son expression sur la croix : « devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix », comme nous le chanterons plusieurs fois durant les offices de ces jours saints. Seule la résurrection de Jésus donnera la clé de compréhension du geste prophétique de Jésus. Il lavait les pieds de ses disciples pour les laver de leur péché par le sang de la croix et la régénération de la résurrection. Clé de compréhension dont les disciples apprendront peu à peu à se saisir pour relire dans toutes les Ecritures, le grand projet de Dieu sur les hommes.
Et nous, ce soir, que comprenons-nous ? Peut-être nous faut-il aussi accepter de ne pas tout comprendre. Si notre intelligence saisit la portée du geste de Jésus, notre cœur ou notre volonté ont plus de mal à adhérer. Ainsi sommes-nous souvent capable de résister pour nous mettre à genoux devant nos frères. De même, nous peinons à nous laisser lavés, aimés par le Christ qui attend notre consentement pour transformer nos vies. Oui, dans nos vies, acceptons qu’il y ait plusieurs niveaux de compréhension. Et réjouissons-nous que l’Eglise dans sa liturgie nous offre patiemment d’entrer plus avant dans l’intelligence du mystère du Christ. En nous conviant ce soir à faire mémoire du seul geste de Jésus proposé en exemple, elle nous entraine à devenir avec audace, des instruments et des témoins de l’Amour divin : « Où sont amour et charité, Dieu est présent ».
En nous proposant ce soir ainsi qu’en chaque eucharistie de faire mémoire du corps livré et du sang versé, l’Eglise nous apprend à nous laisser transformer par l’action liturgique. Par elle, le Christ Grand Prêtre nous entraine dans son offrande au-delà de ce que nous pouvons en comprendre. Par elle, la vie du Ressuscité nous est communiquée au-delà de ce que nous pouvons en saisir. D’eucharistie en eucharistie, le Christ rassemble son Eglise. Sans que nous sachions toujours bien en rendre compte, « quand nous mangeons sa chair immolée, nous sommes fortifiés ; quand nous buvons le sang qu’il a versé pour nous, nous sommes purifiés », comme nous le chanterons dans la préface.
Frères et sœurs, comprenant sans tout bien comprendre, accueillons avec foi aujourd’hui le geste du Christ qui vient nous sauver.
Année A - RAMEAUX - 09.04.2017
Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Mt 26,14 – 27,66
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Un mot ressort fortement du long récit de la passion que nous venons d’entendre, c’est le mot : « Pourquoi ? » Dans la bouche de Jésus, ce mot a jailli comme un cri, comme une ultime prière adressée à Dieu son Père. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Dans la bouche de Jésus, ce « pourquoi » peut surprendre. Ne semblait-il pas dès le début du récit de la passion savoir tout ce qui allait advenir : la trahison de Judas, le reniement de Pierre ? N’avait-il pas célébré la Pâque en présentant le pain et le vin, comme l’offrande anticipée de son corps livré et de son sang versé ? N’a-t-il pas accepté au jardin de Gethsémani d’entrer dans les évènements qu’il pressentait, comme étant la volonté de son Père ? N’a-t-il pas reconnu devant le Grand Prêtre qu’il était le Fils de l’Homme qui siègerait bientôt auprès de Dieu dans sa Gloire ? Tout se passe comme si Jésus qui savait a accepté de ne plus savoir. Tout se passe comme si Jésus qui pouvait a accepté de ne plus pouvoir…Lui, le Fils de Dieu, le Verbe fait chair a accepté d’aller au bout de notre humanité, avec tous ces « pourquoi ». Il a consenti à n’être plus devant les hommes et devant son Père, qu’une chair déchirée par les coups, un esprit humilié par les injures, un cœur broyé par les trahisons et par le sentiment d’être abandonné par son Père…une humanité défigurée qui n’est plus qu’une question : « pourquoi »… Dans ce « pourquoi » de Jésus sont contenus tous nos pourquoi. Le « pourquoi » innocent des jeunes enfants qui assaillent leurs parents de question. Le « pourquoi » du jeune désemparé devant l’adulte qui ne le bafoue ou le piétine dans sa dignité. Le « pourquoi » de la mère qui voit souffrir et mourir son enfant. Le « pourquoi » des hommes et des femmes pris dans des conflits dans lesquels ils n’ont rien à voir. Le « pourquoi » devant le mal qui peut parfois rôder dans nos vies jusqu’à nous faire tomber. Jésus, l’innocent, a laissé s’imprimer en sa chair tous nos « pourquoi » impuissants devant l’injustice, la souffrance et la mort. Porte-parole de tous nos « pourquoi », Jésus reste apparemment sans réponse. Elle viendra au matin de Pâques, comme une espérance, l’espérance qu’en Jésus ressuscité par Dieu, nos « pourquoi » ont été entendus par son Père. La résurrection de Jésus viendra comme une lumière, comme une paix, comme un pardon qui ne résout pas nos « pourquoi », mais qui peut nous permettre de les porter avec Jésus. Avec Lui, nous découvrons qu’en Dieu se trouve la Vie où tout prend sens. Que les célébrations de cette semaine sainte nous fassent passer avec Jésus, de la mort à la Vie. (9 avril 2017)
Année A -5e dimanche de Carême, semaine (2 avril 2017)
Ez. 37, 12-14 Rom. 8, 8-11 Jean 11, 1-44
Homélie du F.Ghislain
Lorsque Jésus apprend la nouvelle de la maladie de Lazare, il a une réflexion inattendue : « cette maladie…servira à la Gloire de Dieu » et il précise : « c’est par elle que le Fils de Dieu doit être glorifié ». Que veut dire Jésus ? Pour le comprendre, il faut écouter la prière que Jésus adresse à son Père, juste avant de crier à Lazare de sortir du tombeau : « Père,… certes je savais bien que tu m’exauces toujours, mais j’ai parlé à cause de cette foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé » Ainsi, la Gloire de Dieu, c’est que soit reconnu le lien étroit entre Jésus et Lui. Jésus, - il le répète bien des fois dans l’évangile de saint Jean -, fait toujours la volonté de son Père, et le Père exauce toujours la prière de son Fils. Cet homme, qui vient d’arriver à la prière des sœurs de Lazare, il est en plein accord avec Dieu et Dieu trouve sa joie en Lui. Et pour manifester cette communion parfaite , Jésus va faire ce qu’aucun homme ne peut faire, si cela ne lui est donné d’En Haut : rendre la vie à un mort. La victoire de la vie, dont la sortie de Lazare du tombeau va être le signe, c’est le fruit de la communion entre le Père et le Fils : une communion faite de demande fidèle et de réponse totale. La manifestation de cette communion révèle le lieu de la Gloire de Dieu. Ou encore, ce que les gens voient, quand Lazare sort du tombeau, c’est la Gloire qui résulte de l’accord profond entre le Père et le Fils. Si Jésus dit à Marthe : « Je suis la Résurrection et la vie », cela lui est donné par son Père. Un homme ne peut pas ressusciter un mort, pas plus qu’il ne peut donner la vue à un aveugle, mais s’il demande de faire ces choses qui font triompher la vie et la lumière, cela lui est donné. Comme Jésus le dit ailleurs dans l’évangile : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ».Il me semble que, si nous nous bornions à regarder Lazare qui sort du tombeau, sans accueillir ce que ce signe révèle, l’union du Père et du Fils, nous manquerions le message essentiel de cet évangile.
Mais il y a encore davantage : ce Jésus, qui est « la Résurrection et la Vie »,et qui donne la vie à celui qui croit, il se manifeste aussi, à ce moment crucial, comme un homme sensible, fragile presque, en proie aux plus humains des sentiments. Alors qu’il s’approche de la tombe de son ami, il « frémit et se trouble », le texte nous le répète deux fois. Et finalement, il pleure. Au point que son amitié pour Lazare est évidente pour tous : « Voyez comme il l’aimait », et elle engendre une sorte de protestation : « Lui, qui a ouvert les yeux de l’aveugle-né, n’a pas été capable d’empêcher la mort de son ami ». Au moment de manifester la puissance qui lui vient de sa relation à son Père, le voici frémissant, désemparé, en pleurs. Personne n’a été plus homme que lui. Manifesté comme Fils de Dieu par, la résurrection dd Lazare, il se révèle un vrai Fils d’homme par la fragilité de sa tendresse. Il faut que les yeux de notre foi se portent ensemble sur ces deux aspects qui nous sont révélés.
Mais il y a encore autre chose : ce que nous venons d’entendre, et qui appelle notre contemplation, se passe à la veille des Rameaux. Il ne faudra pas une semaine pour que le Fils ne soit livré aux mains des pécheurs, qu’il ne soit flagellé, crucifié et qu’il ne meure, le cœur pris entre l’intense désarroi de l’abandon : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » et l’absolue persévérance dans le don : « Tout est consommé ». Thomas le disciple pressentait cela quand Jésus s’est mis en route pour Jérusalem et il a dit : « Allons nous aussi et mourons avec Lui ».
Qu’est-ce que nous pouvons faire de ce récit avec ses trois volets presque contradictoires ?
Il nous faut d’abord, je crois, l’écouter. Puis le relire, le répéter. Le faire nôtre jusqu’à ce qu’il entre en nous, qu’il nous pénètre, comme dit saint Paul, à la jointure de l’âme et de l’esprit.
Dans le discours après la Cène, Jésus, un peu déçu, dit à un de ses disciples : « Depuis si longtemps je suis avec vous et vous ne m’avez pas connu ». Prenons donc le temps de connaître le Christ, dans la gloire de sa Divinité échangée avec le Père. Dans son exquise sensibilité d’homme qui sait aimer, frémir, trembler, pleurer. Dans le trouble d’un être abandonné dans son attente, précipité dans la mort alors qu’il voulait donner la vie, et qui se garde pourtant fidèle. Connaître Jésus ainsi, c’est se disposer à recevoir la vie, moment après moment, à ressusciter.
Prenons aussi le temps de nous connaître nous-mêmes, - chacun de nous. Ce qui nous semble le plus évident peut-être, c’est l’épreuve : nos attentes déçues, nos sensibilités éprouvées, nos échecs sensibles. Mais l’évangile d’aujourd’hui nous invite à aller plus profond, à ne pas rester à la surface de nous-mêmes, à rejoindre cet espace caché en nous dont il faut retrouver le chemin : là où Dieu fait alliance avec nous, là où nous répondons à sa Parole. Chacun de nous a son espace de gloire : le tout est de s’y rendre et, autant que cela nous est donné, y demeurer. Alors, nous aussi, sans le savoir peut-être et ce sera mieux ainsi, nous donnerons la vie en abondance.
Prenons enfin le temps de progresserons dans la connaissance vraie des autres. Eux aussi, - chacun sans exception -, a son jardin secret, sa justice incorrompue, sa relation vive avec lui-même et un Dieu que, peut-être, il ne peut pas nommer. Eux aussi ont leur sensibilité d’homme ou de femme. Eux aussi sont en proie à des blessures inguérissables. Eux aussi donnent parfois, souvent, très souvent la vie à qui sait les accueillir.
Prions, mes frères, les uns pour les autres, afin qu’en Jésus la vie revienne dans notre monde de mort. (2 avril 2017)