Homélies
Liste des Homélies
Année A -23e dimanche du temps ordinaire - 10 septembre 2017
1ere lecture : Ezéchiel 33,7-9
2eme lecture : Lettre aux Romains 13,8-10
Évangile : Matthieu 18,15-20
Homélie du F.Matthieu
L’évangile que nous venons d’entendre forme la seconde partie du quatrième grand discours de l’évangile selon Matthieu, après le discours sur la montagne, le discours missionnaire et le discours en paraboles. Cette seconde partie, dont nous aurons la suite et la fin dimanche prochain, nous présente la pratique du pardon comme une clef, sinon la clef, de la constitution de l’église comme communauté fraternelle vivant de l’amour mutuel reçu du Dieu qui est amour.
Aujourd’hui, il s’agit de l’attitude requise à l’égard du pécheur ; et précisément "celui qui a commis un péché contre toi" selon notre traduction liturgique.
Le contexte nous indique qu’en agissant ainsi le frère pécheur a blessé la communion fraternelle qui est la loi suprême de l’église. Il ne s’agit d’un simple différent, mais d’une affaire suffisamment grave pour mettre en péril la réalité même de la communion ecclésiale.
Il ne s’agit donc pas d’exiger excuses ou réparation, il s’agit de faire la vérité avec ce "pécheur" et de restaurer l’amour fraternel, cette Loi première et dernière dont nous parle l’apôtre Paul dans la lettre aux Romains que nous avons entendue : La Loi "se résume en cette Parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain."
Il ne s’agit pas non plus d’une démarche personnelle, mais d’une responsabilité ecclésiale et la lecture du Livre d’Ezéchiel est là, elle-aussi, pour bien nous rendre attentif à cette mission ;
il s’agit à l’égal d’un "prophète" d’être un "guetteur pour la maison d’Israël", pour la communauté de l’église et pour la vie d’amour mutuel qui est sa raison d’être et sa réalité dans le Seigneur.
Il s’agit d’interpeller un frère sur sa pratique de la communion fraternelle, sans laquelle l’église ne peut pas vraiment subsister. Il s’agit de faire la vérité sur cette situation qui atteint l’être même de l’église.
La démarche est si sérieuse qu’elle se déroule en trois temps, : une rencontre "seul à seul", puis la démarche avec "une ou deux personnes" – tout doit se passer dans la discrétion comme dans l’amour fraternel ; enfin, s’il faut aller jusque-là, publiquement "le dire à l’assemblée de l’Eglise".
La démarche a pour but de ramener le frère dans l’amour mutuel, qui est la loi suprême et la condition de vie de la communauté dans le Christ.
Elle peut cependant se conclure par l’exclusion du frère s’il se maintient dans la rupture de la communion qu’il avait engagé…
Et pour donner plus de force encore à toute cette démarche, notre évangile insiste sur la gravité d’actes qui ne s’inscrivent pas seulement sur la terre mais également dans le ciel, marque incontestable qu’ils sont la volonté même de Dieu, notre Père des cieux ! Notons cependant qu’il s’agit non seulement de "lier" mais aussi de "délier" … le pardon n’est jamais exclu !
Une telle démarche est impressionnante et peut nous laisser comme interdit, sans voix. Nous sommes si loin de cet idéal – pourtant présenté dans notre évangile comme un indispensable signe de la communauté chrétienne –, si loin de cet idéal dans nos communautés chrétiennes… et même dans nos communautés religieuses et monastiques !
Mais n’est-il pas aussi nécessaire de nous laisser interpeller par une telle exigence de responsabilité et d’amour mutuel.
La suite de l’évangile nous donne peut-être une ouverture fondamentale, celle de la prière et de la condition même qu’elle porte : il faut avant tout "se mettre d’accord" pour "demander quoi que ce soit" …
Ne serait-ce pas d’abord demander d’être capable de tenir les exigences de l’amour mutuel, de la responsabilité partagée de la communion fraternelle ?
Ne serait-ce pas aussi demander avec insistance au Père de venir en aide au frère pécheur, qui a rompu la communion et s’est enfermé dans une terrible solitude ? Le Christ ne nous a-t-il pas dit aussi : "Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde et non le sacrifice ; en effet, je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs." (Mt 9,12-13) … donc aussi "les païens et les publicains" …
Considérons donc que le plus important, c'est de se sentir responsable de ses frères et sœurs chrétiens, et même sans aller leur dire leurs quatre vérités, de chercher dans la prière, et avec d'autres, à faire grandir la communion et l’amour mutuel et surtout de nous présenter ensembles devant le Père pour qu'il convertisse les pécheurs que nous sommes, mais pour lequel le Christ Seigneur est mort et ressuscité pour "être avec nous toujours jusqu’à la fin des temps" ?
Amen.- 10 septembre 2017
Année A - 22ème dimanche du T.O. - 3 septembre 2017
Jér 20 7-9; Rom 12 1-2 ; Mt 16 21-27
Homélie du F.Bernard
« Tu es le Messie, le Fils du Dieu Vivant ». C’est par ce témoignage de foi, que s’ouvrait l’Evangile de ce jour. Il faisait le lien avec l’Evangile de dimanche dernier, l’Evangile de la confession de foi de Pierre à Césarée au nom des Douze, confession suivie de la parole du Seigneur : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ».
De fait ces deux Evangiles sont étroitement liés. Ils constituent comme un sommet, un pivot, autour duquel l’Evangile selon Matthieu, que nous lisons cette année est construit. Mais ce serait vrai aussi bien des Evangiles selon Marc ou Luc.
La confession de foi de Pierre était la réponse à la question qui occupait toute la première partie de l’Evangile, à savoir : qui est Jésus ? Maintenant peut débuter la deuxième partie. La question devient : Comment suivre Jésus, celui-là même que Pierre vient de confesser comme le Messie, le Christ ?
Nous l’avons entendu : A partir de ce moment-là, Jésus, le Christ, commença à montrer à ses disciples, qu’il lui fallait monter à Jérusalem, y souffrir beaucoup, être mis à mort et le troisième jour ressusciter. Celui qu’ils viennent de confesser comme le Christ, aura la destinée du Serviteur Souffrant, annoncée par Isaïe et les prophètes, et Pierre le refuse : « Non, cela ne t’arrivera pas. »
Celui-là même que Jésus venait de déclarer heureux, heureux parce qu’il l’avait reconnu comme le Christ, et que cela lui était venu, non de la chair, ni du sang, non par ses propres ressources humaines, mais d’une révélation de Dieu, car « Nul ne sait qui est le Fils, sinon le Père, et celui à qui le Père veut bien le révéler», celui- là ,Jésus le dénonce maintenant comme celui qui veut le détourner de sa mission : « Passe derrière moi Satan, tu m’es un obstacle sur ma route, une pierre de scandale. Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais des hommes. »
Pierre était inspiré par l’Esprit de Dieu. Voilà qu’il est mû maintenant par Satan. Il en est de même pour chacun de nous. Comme Pierre, nous recevons l’inspiration de Dieu, mais nous sommes atteints aussi par les sollicitations du Démon.
Alors que dit Jésus ? Le disciple doit renoncer à lui-même, prendre sa croix et le suivre. Prendre sa croix. C’est ici la première mention de la Croix dans l’Evangile. Elle nous concerne directement, alors qu’à ce niveau de l’Evangile, il est seulement dit que Jésus doit souffrir à Jérusalem, y être tué et ressusciter le troisième jour. Prendre sa Croix, bien sûr la Croix de Jésus, la porter, avec Jésus, comme Simon de Cyrène, sur le chemin du Golgotha.
Ces paroles sont tout-de- même dures à entendre. Peut-être nous font-elles penser spontanément à ces autres paroles de Paul aux Corinthiens : Je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus, et Jésus crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui se sauvent ?
Le langage de la Croix, comment le recevons-nous ? Sans doute nous est-il, à nous aussi, scandaleux, car pour une part au moins nous sommes bien en continuité avec le peuple de la première Alliance ? Sans doute nous apparait-il aussi folie, dans la mesure où nous avons encore beaucoup à faire pour dépasser nos réactions profondes, encore bien souvent païennes ? Mais puisse aussi notre être chrétien nous affermir progressivement dans la conviction que dans la Croix du Seigneur, il y a à l’œuvre la Puissance de Dieu et la Sagesse de Dieu pour notre salut.
Mais posons-nous la question. Que faisons-nous de la Croix dans nos vies ? Cette Croix qui, derrière l’autel, préside à toutes nos célébrations liturgiques, nous arrive-t-il de la contempler pensant à cette parole du Seigneur : Elevé de terre, j’attirerai tout à moi ? Que faisons-nous des croix qui prennent place dans nos lieux de vie familiers, notre chambre, notre table de travail, peut-être notre coin de prière ? Simples objets, sitôt mis sitôt oubliés ? Que faisons-nous du signe de la croix que nous traçons sur nous-mêmes, en prononçant ces mots: au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ? Puissions-nous mettre toujours plus de foi dans ce geste qui imprime sur nous l’identité chrétienne. Quant à la Croix Glorieuse, nous la célébrerons liturgiquement dans quinze jours.
Un prêtre vietnamien, aujourd’hui décédé, qui avait vécu de très nombreuses années en détention, pour sa foi, sous les régimes communistes, n’avait eu de cesse, dans son dénuement total, de se constituer, avec deux bouts de bois, une très pauvre croix qui pour lui, dans sa prison, était le signe de la présence du Christ en sa cellule.
Nous avons aussi à placer ce signe dans nos vies, devant nous, sur nous. Saint Paul à sa manière nous y invitait dans la deuxième lecture de ce jour : « Offrez vos vies en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu. C’est là pour vous l’adoration véritable. » (Rm 12,1). Ce sacrifice saint, c’est celui-là même que nous allons offrir au Père, dans l’eucharistie, par le Fils, avec Lui et en Lui, dans l’unité du Saint- Esprit, et pour le salut du monde.- 3 septembre 2017 -
Année A - ASSOMPTION 2017
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-27a; Lc 1, 39-56
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Nous venons d’entendre 3 lectures et de chanter un psaume. Je vous propose de nous arrêter sur ces 3 lectures comme on regarde un tableau…Un grand tableau, digne des grandes tapisseries de l’Apocalypse qui se trouvent à Angers. Ce tableau se présente sous la forme d’un triptyque fait de trois panneaux qui se déploient dans l’ordre de la lecture qui a été faite. Comme dans tout triptyque, c’est le panneau central qui est important et qui donne sens à l’ensemble. Au centre, nous pouvons considérer la 2de lecture, tirée de l’épitre aux Corinthiens. Paul expose sa foi en la résurrection du Christ. Elle est la source et l’origine de la résurrection de tous les hommes. Parmi les fils d’Adam qui étaient voués à la mort, le Christ est le premier à être ressuscité en son corps. Quand Il viendra à la fin des temps, lorsque tout sera achevé, en Lui tous recevront la Vie. L’Assomption de Marie, élevée au Ciel dès le moment de sa mort, que nous fêtons aujourd’hui, représente une anticipation de ce grand mouvement de vie qui récapitulera tous les êtres en Christ. Marie est l’exception reconnue comme telle par les premières générations de chrétiens qui lui ont réservé une place unique dans l’ensemble des fils et filles d’Adam. Marie est le témoin privilégié que les derniers temps sont déjà à l’œuvre depuis la mort et la résurrection du Christ.
Dans cette lumière des derniers temps à l’œuvre depuis la résurrection du Christ, nous pouvons regarder les deux autres panneaux de notre triptyque. Les deux panneaux offrent à leur manière comme un résumé de toute l’histoire de l’humanité, cherchée et sauvée par Dieu. Commençons par le premier, avec la lecture de l’Apocalypse. Trois signes grandioses sont offerts : le sanctuaire de Dieu ouvert qui donner à voir l’Arche de l’Alliance ; second signe, une femme, revêtue de lumière, dans les douleurs de l’enfantement ; et enfin le Dragon postée qui désire dévorer l’enfant à la naissance, mais à qui l’enfant échappe ainsi que la femme. Et notre lecture se conclue par une hymne en la victoire du Christ sur les puissances du mal. Ces images fortes peuvent sûrement être interprétées différemment. Mais une chose est sûre, elles relisent l’histoire de notre humanité, depuis la genèse dont notre texte porte bien des réminiscences, comme l’histoire d’un grand combat. Quand, depuis la Demeure de Dieu, le Christ vient en notre chair, ce combat va être manifesté au grand jour comme Celui de Dieu contre toutes les forces du mal et de la mort. Celles-ci n’ont pas le dernier mot : l’enfant enlevé auprès de Dieu est l’image du Christ ressuscité et élevé auprès de Dieu. Il est vainqueur du mal et de la mort. Et Marie elle-même, à l’image de la femme qui échappe, est préservée. Le récit de l’Apocalypse se poursuit en soulignant que le Dragon va continuer à faire la guerre à la descendance de la femme, c’est-à-dire à ceux « qui observent les commandements de Dieu et qui gardent le témoignage de Jésus » (Ap 12, 17). De cette lecture, nous pouvons retenir l’assurance de la victoire qui nous est offerte, contre toutes les puissances du mal en Jésus. En Jésus Vivant, et soutenus par la présence de Marie, nous pouvons affronter les forces du mal et de la mort qui veulent nous empêcher de naitre. Comme le disait D. Vasse, « la mort, ce n’est pas ce qui vient au terme de notre existence, c’est ce qui nous empêche de naitre ». Naitre à nous-mêmes, naitre à notre vie d’enfant de Dieu.
Regardons le troisième volet, la lecture de l’évangile. En face du panneau aux scènes apocalyptiques effrayantes, nous avons une scène plus tranquille et familière qui présente elle-aussi le thème de l’attente d’une naissance. Nous voyons la rencontre de deux femmes enceintes. La jeune Marie visite et vient aider sa cousine Elisabeth qui va bientôt mettre au monde celui qui sera Jean le Baptiste. Cette rencontre banale devient l’heureux moment de la révélation du grand mystère de Vie auquel elles sont toutes deux associées. Elisabeth reconnait la Mère de son Seigneur, bénie entre toutes les femmes. Et Marie chante le grand dessein d’amour dont elle est l’instrument « en faveur d’Abraham et de sa descendance jamais ». Cette scène familière, qu’on appelle habituellement « visitation », nous permet d’entrer d’une autre manière dans l’intelligence du combat qui se vit en ces derniers temps où nous sommes. C’est le combat de Dieu qui se penche sur son humble servante, qui élève les humbles et qui renverse les puissants, qui comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides. C’est le combat de Dieu auquel Marie a prêté main forte, non par des actions éclatantes, mais par sa seule écoute disponible et humble. Marie s’est associée au combat de Dieu venant sauver le monde, en croyant en l’accomplissement des paroles qui lui furent dites, et en se laissant conduire par l’Esprit…. Ce dernier tableau, frères et sœurs, peut nous enseigner, comment chacun nous pouvons prendre notre place dans le combat des derniers temps dans lesquels nous sommes : comme Marie, il nous est proposé de croire, de faire confiance au Christ Vivant qui conduit l’Histoire et nos histoires personnelles. Portons sur notre monde en travail d’enfantement, avec les conflits qui l’habitent, un regard d’espérance. Nourrissons par la prière l’aspiration de tous à la paix et à la justice. Avec humilité, disponibilité, engageons-nous là où nous sommes à faire le bien, à aller vers l’autre sans peur. Comme nous le chanterons dans la préface, Marie, dont nous célébrons la présence lumineuse auprès de Dieu, « guide et soutient l’espérance du Peuple de Dieu encore en chemin ». Confions-nous à son intercession et entrons dans le mémorial de la mort et de la résurrection du Christ, l’assurance de notre victoire. - 15 aout 2017
Année A_19ème Dimanche du T.O. 13 Août 2017
Rois 19. 9a 11-13a Rm 1-5 Mt 14, 22-33
Homélie fr. Antoine
L'Evangile de ce Dimanche déborde de vie. On y parle de mer agitée, d'un vent contraire,
de désert et de montagne, de foules et de solitude, de Jésus avec des disciples et même d'un
fantôme! D'autres mots sont présents, la peur, la prière, le doute, la confiance, la Foi, ainsi
cet évangile nous offre les grands thèmes de la vie chrétienne avec une parole qui domine le
récit «Homme de peu de foi! »
Dans son Evangile, Matthieu met cinq fois cette expression dans la bouche de Jésus, ici, ce
reproche s'adresse à Pierre, homme au destin exceptionnel.
Une foi dont l'Evg nous rappelle qu'elle doit affronter vagues et vents contraires et
affronter ainsi l'épreuve du passage ... d'une foi.. facile et enthousiaste ... à lafoi profonde.
creusée par l'adversité.
Ainsi Pierre, est difficilement passé d'une confiance en ses capacités, à une totale
remise de lui-même en cette main qui le saisit... et s'entendre dire «Homme de peu de
foi, Pourquoi as-tu douté »?
Ces paroles ne sont-elles pas une prophétie, de ce que nous avons à vivre, en tant que
croyant? car ce texte si vivant est entouré d'une atmosphère de mort: la tempête, la
présence de la nuit, l'apparition d'un fantôme, la terreur des disciples, leurs cris de détresse
... images qui font planer l'angoisse de la mort sur le récit et nous renvoient à cette
expérience où notre foi semble noyée, balayée par les agressions de la vie et où ... tout
attendre de Dieu dans la foi et la confiance, ne nous économise pas ces traversées
d'incertitudes parfois chaotiques ... on ne sait plus si on croit. .. on ne sait plus jusqu'où on
croit. .. et finalement. .. en qui on croit!
Les disciples nous font signe que la foi n'est jamais totalement acquise, Ils ont vécu la
peur, l'affolement. .. puis ils se sont ouverts à une confiance totale au Maître, pour
finalement être tragiquement absents au pied de la croix
La foi est une vie sans cesse en croissance ou en décroissance.
Elle est, une histoire en évolution permanente ... celle d'un compagnonnage avec Jésus
Fils de Dieu, embarqué avec chacun d'entre nous dans la traversée de l'existence ... un
compagnonnage qui peut connaître des étapes merveilleuses, l'important n'a pas été que
Jésus marche sur les eaux, l'important a été qu'il réponde immédiatement à la détresse des
disciples .. et que sa main les saisisse et leur sauve ... la Vie.
Toute La finale de cet Evg est un chant au triomphe de la vie.
Jésus marche sur les eaux de la mort et révèle d'une façon éclatante qu'il ess ]« Fils du Dieu
vivant! Sa victoire apparaît ainsi comme une anticipation de sa résurrection et l'annonce de
son triomphe sur la Mort.
Frères et Sœurs.... Cet Evg nous invite à partager cette victoire ... en en faisant une,
une victoire de notre foi sur nos peurs, nos angoisses nos lassitudes tout en gardant les yeux
fixés sur le Maître bien aimé, Jésus vraiment Fils de Dieu, venu nous sauver de nos
tempêtes et ... de nous-mêmes. ! - 13 aout 2017
Année A - Transfiguration- 6 août 2017
Dan7/9-10,13-14, 2Pi 1/16-19, Mt 17/1-9.
Homélie du F.Cyprien
Dans la prière d’ouverture, nous avons demandé de partager un jour l’héritage du Fils, Jésus transfiguré, Jésus ressuscité.
Jésus vient d’annoncer sa passion et sa mort et ses disciples ne comprennent pas que le Christ, le Messie, doive passer par la souffrance…
Alors Dieu leur dévoile la gloire du Fils.
Une remarque pour commencer : la transfiguration a son parallèle plus loin : elle annonce le jardin de Gethsémani ; les trois mêmes Apôtres, Pierre, Jacques et Jean seront les témoins de l’agonie de Jésus.
Et puis l’Evangile de Matthieu nous présente cette transfiguration comme l’accomplissement de ce qu’ont vécu les Hébreux au désert avec Moïse. « Moïse descendant de la montagne ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis son entretien avec le Seigneur. Alors Moïse leur transmit les ordres que le Seigneur lui avait donnés ». De même, depuis la nuée, il est dit aux trois apôtres : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le »… Rencontre avec Dieu qui remplit de crainte les disciples
Transfiguration » pour les trois apôtres une expérience fugitive.
« Transfiguration »… quelque chose d’heureux… de passager aussi…Transfiguration, l’inverse de ce que peut être une « défiguration ». En tout cas un moment où la lumière a rayonné.
Joie immense, vrai bonheur, c’est cela que les apôtres Pierre, Jacques et Jean ont vécu avec la crainte aussi de la rencontre de Dieu… Les Evangiles veulent nous transmettre quelque chose qui concerne le passé, le présent et le futur avec Dieu.
L’Evangile nous transmet un message de foi, foi en la personne de Jésus : Jésus vient à la suite de Moïse et d’Elie… Jésus confirme la vérité de l’Alliance conclue entre Dieu et le peuple hébreu ; Jésus confirme l’annonce des prophètes ; il confirme la fidélité de Dieu tout au long des infidélités du peuple. Jésus est au centre, entre Moïse et Elie, il est le personnage principal…
Message d’espérance aussi : Jésus transfiguré en présence de Moïse et d’Elie, c’est une anticipation de sa résurrection. « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ». Jésus sera le premier des ressuscités, le « Premier Né d’entre les morts » : son aspect passager, avec Moïse et Elie, d’ « être de lumière » annonce l’avenir de celui qui allait souffrir et mourir.
Destin de Celui qui est aussi le chemin, notre chemin, celui qui nous enseigne la Vérité, celui qui nous donnera la Vie.
« Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ».
Passé, présent et futur, jouons avec les mots. Les paroles de la première alliance et la vie du peuple choisi … c’est une préfiguration de l’œuvre de Jésus.
La transfiguration de Jésus sur la montagne annonce notre propre transfiguration : nous, nous avons été « appelés selon le dessein de son amour, nous sommes destinés à être configurés à l’image du Fils ».
Dans cette configuration il y a la passion, le don de la vie et la mort … réalité que nous avons à faire nôtre, à prendre-avec-nous, à imiter.
Le moment heureux vécu sur la montagne par Pierre, Jacques et Jean : un instant de révélation, pour ainsi dire une fenêtre entr’ouverte : il nous permet avec Pierre, Jacques et Jean d’avancer dans la foi…dans la paix et l’assurance de l’espérance. Il ne peut nous décevoir celui qui avait dit avant de mourir: « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Encore une fois la première façon de suivre Jésus, c’est, « d’écouter sa voix », écouter ses paroles. « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ».
En cette fête, en ce dimanche… nous avons donc demandé de partager un jour l’héritage du Fils : nous proclamons la mort de Jésus jusqu’à ce qu’il vienne ; nous proclamons aussi sa résurrection … Jésus non seulement transfiguré mais vivant, ressuscité…
Nous attendons sa venue dans la gloire : notre vie est aujourd’hui à la suite de la sienne : Que l’Eucharistie nous aide et nous rende forts dans l’union aimante avec Lui, dans la foi et dans l’espérance.
Ainsi soit-il, chers sœurs et frères. - 6 aout 2017
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Année A – 17° dimanche du Temps Ordinaire – 30 juillet 2017
1 Roi 3 5-12 ; Mt 13 44-46
Homélie du F.Jean-Noël
Ce dimanche, vous partez en vacances ? Vous en revenez ? Il y a un mot pour vous dans l’Evangile : CHERCHER. Mot aussi, bien sûr, pour les frères moines puisque st Benoit leur fait devoir se rendre toujours libres, en « vacance » pour CHERCHER Dieu, le chercher partout où on peut le trouver :
- Dans l’écoute de sa parole,
- Dans l’écoute de la prière
- Dans le travail, celui des mains, celui du cœur, et tout cela ensemble.
CHERCHER, c’est le mouvement de fond, le ressort de nos paraboles. Mais je vous l’avoue tout de suite. J’ai bien du mal à entendre : ça résonne trop. Des échos de toute la Bible, en cascade… Finalement, qui cherche qui ? Et qui a commencé le premier ?
Certes je n’ai pas oublié ce que je vous disais tout de suite de l’unique raison d’être du moine, du Chrétien, chercher Dieu. Benoît précise même : « Chercher Dieu vraiment » en y mettant le prix. Mais peut-on acheter Dieu ?
Et saint Paul qui nous assure que c’est nous qui avons été acheté à grand prix !
Alors oui, qui cherche qui ?
Et voilà que résonne aussi le tout premier appel de Dieu : dans la brise du premier soir du monde, il cherche, il appelle « Adam, où es-tu ? ». Appel que Benoit, après beaucoup d’autres répercute comme en écho, à la toute première page aussi de sa Règle pour les moines, comme pour nous dire la première urgence.
C’est bien Dieu le premier qui cherche et qui appelle, une clameur pour nous tirer du sommeil.
Alors vraiment qui cherche qui ?
Quel est donc ce négociant un peu fou – disons plutôt : cet amoureux, car il ne s’agit vraiment plus de commerce – cet amoureux de l’homme et pas de l’homme en général, mais de chacun appelé par son nom - Jésus l’a dit : « Chacun, cet être étonnant que je suis » comme ose dire un vieux psalmiste étonné et qui fait dire à Dieu – autre résonance biblique :
« Tu me fais perdre le sens, ô mon amour
Tu me fais perdre cœur, par un seul de tes regards
Par une seule perle de ton collier – cant 4.9
On ose à peine répéter cela. Mais n’est-ce pas là, toute la Bible qui entre là en résonnance.
Jésus lui-même en augmente le volume, quand il nous décrit :
- Comment Dieu, comment le Père nous cherche : « Jusqu’à ce qu’il nous trouve » - « Jusqu’à ce que »
- Comment le berger cherche sa brebis devenue unique, d’un seul coup parce qu’égarée. Jusqu’à ce que…
- Comment la femme soudain appauvrie par la perte d’une seule petite pièce..
- Comment le Père Prodigue se ronge les sangs depuis que le cadet a claqué la porte
- Comment il guette son retour du haut de son donjon
-
Comme nous le montre la belle grande BD murale du grand couloir de l’hôtellerie (faites-y donc un petit pèlerinage priant). Vous le verrez, longue vue en main pour nous voir de plus loin, enfin revenir. Longue vue ou porte voix ? Pour porter loin, loin son appel, sa clameur, par dessus les 1000 bruits de notre cœur.
Adam où es-tu ?
Adam ? Pierre, Evelyne, Gaël
Alors, pour nous aussi,
Qui que nous soyons.
La prière de Salomon, de notre première lecture :
« Dieu donne moi un cœur attentif un cœur qui écoute, fin, fin
Et se mette en marche » *
Sans trouble, sans retard, sans résistance
Année A DEDICACE DE L’EGLISE
25 Juillet 2017
1R 8, 22-23.27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
« Dans cette maison que tu nous as donnée, tu nous offres un signe merveilleux de ton alliance » chanterons-nous frères et sœurs dans quelques instants dans la prière de la préface… Oui, une église chrétienne est un signe de l’alliance que Dieu veut nouer avec son peuple…Elle est signe car elle est le lieu où cette alliance prend corps dans un merveilleux échange entre Dieu et les hommes, vécu dans l’écoute et la confession des merveilles de Dieu.
Dans une église, nous écoutons la parole de Dieu…Nous écoutons cette Parole qui a bien des reprises nous dit avec force : « Ecoute », « écoutez ». Et nous-mêmes, confiants dans l’Alliance que Dieu veut nouer avec nous, nous lui disons souvent : « Ecoute Seigneur ». Comme Salomon, entendu dans la première lecture, nous ne cessons de dire au Seigneur : « Ecoute donc la prière que ton serviteur fera en ce lieu…Ecoute la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël…Toi écoute et pardonne… » C’est le merveilleux échange qui se vit dans une église : celui de l’écoute mutuelle entre Dieu et son peuple, entre Dieu et chacun de nous. Non pas un échange qui serait marchandage, je te demande ceci pour que tu me donnes ceci, mais un échange dans la confiance qui repose sur l’écoute mutuelle. Dans le silence, dans la parole proclamée, comme dans le chant des psaumes ou les prières proférées, se creuse dans nos cœurs cette écoute confiante et de plus en plus attentive à notre Dieu. Et nous croyons qu’en ce lieu, Dieu est là qui écoute nos voix, nos murmures et nos silences avec bonté et bienveillance…Il nous entraine dans un cœur à cœur toujours plus vivant et plus profond avec lui.
Cette église est encore le lieu merveilleux de l’échange et de l’alliance en ce qu’elle fait de nous des pierres vivantes pour la construction du temple saint de Dieu. Ce bâtiment de pierre est comme l’enveloppe protectrice et nourricière de la communauté qui devient jour après jour le corps du Christ. Ou pour prendre une autre image, l’église de pierre est comme la chrysalide au sein de laquelle la chenille devient papillon, la chrysalide où la communauté devient temple de l’Esprit Saint. Comme Simon-Pierre dans l’évangile, jour après jour, nous confessons ici notre foi au Christ, Messie, Seigneur et Fils de Dieu. Et jour après jour, comme Simon-Pierre, nous devenons nous-mêmes pierres spirituelles d’un édifice spirituel qui est temple de l’Esprit. En quelque sorte, à chacun de nous Jésus nous répond : « tu es pierre ». Avec Simon-Pierre, appuyés sur sa foi, transmise de siècle en siècle, nous nous approchons de Jésus, « la pierre angulaire rejetée les hommes ». Et Lui, le Roc éternel, qui s’est laissé tailler par l’épreuve, pour devenir pierre angulaire, nous fait devenir avec lui, rocher et pierre taillée pour l’édifice spirituel. Voilà ce qui se passe dans une église autour de l’autel qui signifie la présence du Christ au milieu de nous ! C’est une œuvre en partie invisible à nos yeux humains, mais qui se réalise profondément à la mesure du don de chacun. Quand nous venons apporter les offrandes pour l’eucharistie, nous nous présentons nous-mêmes avec notre travail, nos préoccupations et nos joies. Nous sommes là devant notre Dieu offrandes disponibles, offertes à son œuvre. Nous rendons grâce à Dieu pour tous ses bienfaits. Avec le prêtre, dans la préface et dans la prière eucharistique, nous chantons Dieu notre Père pour ses merveilles réalisées pour son peuple Israël, et accomplies en Jésus, mort et ressuscité pour nous. Sur l’autel, sous le signe du pain rompu et du vin offert, est actualisée, rendu présente l’œuvre du salut. La vie éternelle nous est offerte en Jésus maintenant, et communiquée à nous tous ici réunis. En recevant le corps et le sang du Christ, nous devenons en Lui pierres vivantes et tous ensembles temple de l’Esprit.
Oui frères et sœurs, il est grand le mystère de naissance, le mystère de cette construction spirituelle qui se vit dans nos églises de pierre. Ensemble, rendons grâce d’y être associés et tous les jours invités, afin que notre communauté, nos communautés deviennent davantage des cellules vivantes de l’Eglise, le Corps du Christ… - 25 juillet 2017
Année A - 16ème dimanche ordinaire - 23 Juillet 2017
Sg 12,13.16-19; Rm 8,26-27; Mt 13,24-43
Homélie de F.Damase
Cet Evangile nous rapporte trois paraboles, je voudrais relire avec vous celle du grain et de l’ivraie ; elle traite d’une question qui nous travaille tous. La présence du mal dans le monde et surtout la nécessité de l’espérance du Royaume !
Si Dieu est bon et tout puissant - Pourquoi tant de souffrance, de violence, d’injustice ?
Certes, Jésus nous donne une réponse.
Nous ne la pouvons comprendre qu’à l’intérieur de la FOI…
Pour expliquer l’origine du mal dans le monde,
Jésus reprend l’enseignement de la Genèse. Tout ce que Dieu a fait est bon. Le mal ne vient pas de Dieu, le semeur n’a semé que du bon grain.
Mais Jésus ajoute une précision importante : le mal ne vient pas non plus du cœur de l’homme. Le mal existe avant, il est plus profond. L’homme est victime de l’Ennemi, du Mauvais, du démon.
A la racine de nos faiblesses, de nos péchés, il y a une puissance qui agit en nous - elle est en nous, mais elle n’est pas nous-mêmes,… nous ne savons pas d’où nous viennent ces « mauvaises idées ».
Jésus ne nous dit-il pas que c’est : « pendant que les gens dorment, que l’ennemi survient ». Alors que le blé a été semé dans la pleine clarté du jour. L’ivraie est semé en cachette, en profitant d’un moment d’inconscience, d’inattention !
N’est-ce pas une expérience que nous faisons souvent ? Le mal s’infiltre, à notre insu même: on ne s’en aperçoit qu’après coup.
Jésus insiste : le pécheur est d’abord une victime - l’ivraie a été semé pendant la nuit! Le cœur de l’homme est BON - Dieu a inscrit en lui ce désir du bien….
Même si telle personne nous semble enfermée dans la violence ou la méchanceté, Il y a encore une lueur d’espoir - le cœur de l’homme est mêlé- Il n’y a pas « d’un côté des bons et de l’autre des méchants » - « au milieu de l’ivraie, il y a du bon grain » !
Cette parabole du bon grain et de l’ivraie souligne une autre réalité très importante, c’est la victoire définitive du bien
Les serviteurs mettent en relief la prolifération de l’ivraie. Il y a tant de mauvaises herbes qu’ils demandent à leur maître (avec un certain humour) si « par hasard, il ne se serait pas trompé de sac » - et s’il n’aurait pas lui-même semé de la mauvaise graine dans le champ !
Et le maître répond du tac au tac : « n’arrachez pas l’ivraie, il ne resterait plus rien dans le champ » !
Cette interdiction d’arracher l’ivraie nous montre que le Maître est parfaitement conscient de l’envahissement de l’ivraie, de la prolifération du mal dans le monde.
Mais cela souligne aussi que le maître est absolument certain du résultat :
- un jour il y aura la moisson finale … un jour il y aura le tri, le jugement..
Le Maître est certain que l’ivraie (le mal) n’arrivera pas à étouffer le bon grain. Quand le monde semble complètement ivre, fou - Jésus invite à l’espérance malgré tout !
Que sera donc ce monde nouveau ?
Ne cherchons pas à nous représenter le Royaume, à la fin des temps !
Il est vain de vouloir imaginer le Royaume « où les justes resplendiront comme le soleil ».
Et avec Jésus, nous rêvons avec joie à ces cieux nouveaux et à cette terre nouvelle, où la justice habitera, où tout ne sera que vérité, amour et bonheur sans fin.
Et sûrs de ce résultat final, travaillons, chaque jour de notre mieux, à ce résultat.
- en faisant confiance à notre frère,
- et surtout en faisant confiance au Maître du champ, au Créateur ! (23 juillet 2017)
Année A - 15e dimanche TO (A) (16/07/2017)
Is 55 10-11; Rom 8 18-23; Mt 13 1-23
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs,
nous voici à la mi-juillet, mois d'été, mois de vacances pour certains, pas pour tous.
Vacances à la mer, à la montagne, à la campagne, en France ou à l’étranger.
Les lectures que nous offre l’Église sont au diapason de cette période estivale, au moins la première lecture et l’Évangile.
Les images agricoles, campagnardes sont évidentes et c'est à travers ces images concrètes que Dieu nous parle aujourd’hui.
Pourtant l’évangile de ce jour ne reflète pas nécessairement la douceur rurale mais plutôt la rude exigence de la terre.
Et de fait, cet Évangile peut avoir quelque chose d’inquiétant. Il semble que la semence ait plus de chance de tomber dans des conditions où elle ne pourra donner du fruit.
Et le Christ est sans concession, il faut bien le reconnaître.
Finalement, le grain ne doit tomber ni sur le chemin, ni sur un sol pierreux, ni dans les ronces. On a l'impression que la quantité tombée dans la bonne terre est le petit reste.
Et d'autant plus que le Christ, reprenant un passage du début du Livre du prophète Isaïe (chapitre 6) nous dit bien qu'on peut écouter et ne pas comprendre, regarder et ne pas voir ...
Passage rude, là aussi.
Suit l'interprétation du Christ qui n’est pas très réjouissante non plus.
Le terrain ensemencé au bord du chemin, c'est celui qui entend la parole du Royaume sans la comprendre. Elle est alors très fragile et le Mauvais s'en empare.
Le sol pierreux, c'est l'homme d'un moment, enthousiaste mais se décourageant vite.
Les ronces, ce sont les soucis et la séduction de la richesse.
Faut-il désespérer de nous-mêmes ?
Finalement, il y a quand même la bonne terre. Mais alors là, la bonne terre, c'est fabuleux. Elle produit 100 ou 60 ou 30 pour un. Et à l'époque, le plus petit de ces rendements indiqués par le Christ, 30 pour un, est déjà énorme et exceptionnel. C'est dire que lorsque la Parole tombe dans une bonne terre, le résultat est extraordinaire, dépassant toute espérance. Voilà au moins une bonne nouvelle.
Frères et sœurs, il me semble que si nous regardons nos vies, nos vies avec le Christ, avec les autres, nous pouvons constater qu'en général, nous ne sommes pas uniquement le bord du chemin, le sol pierreux, les ronces ou la bonne terre mais un peu de tout cela à la fois ou par moment.
Parfois, nous entendons bien la parole mais nous ne la comprenons pas ou nous ne nous donnons pas le temps de la comprendre, de l'intégrer profondément et de l’appliquer dans notre vie.
A d'autres moments, nous sommes touchés par cette parole de Dieu mais notre enthousiasme retombe vite, surtout si cette parole exige de nous des renoncements, des conversions que nous préférons éviter.
Enfin, les ronces des soucis, du goût de la richesse et du confort nous endorment ou nous distraient des exigences de cette parole. Cela nous ne le savons que trop bien.
Mais heureusement, nous savons aussi être la bonne terre où germe la parole qui produit alors plus que nous ne pouvons imaginer. Et nous avons tous, je pense, vécu ces moments où nous nous sommes sentis transportés, où nous nous sommes étonnés de nous-mêmes.
Pourtant, le Christ nous avertit : nous pouvons écouter et ne pas comprendre (c'est le bord du chemin), avoir le cœur alourdi par les ronces, regarder et ne pas voir, car en fait, nous ne voulons pas entendre ni voir pour rester dans le confort que nous nous sommes bâti.
Alors, faut-il désespérer ? Cette sévérité du Christ est-elle la parole ultime de Dieu ?
C'est là que la sagesse de l'Eglise a pu choisir comme première lecture ce bref mais très beau passage vers la fin du livre d’Isaïe au chapitre 55.
Il y a cette certitude affirmée par Dieu lui-même que sa parole aura un résultat, qu'elle accomplira sa mission aussi sûrement que la pluie et la neige abreuvent la terre et la fécondent. Certitude d'une récolte à venir car c'est la volonté de Dieu. Et pourtant, ce passage d'Isaïe vient dans un contexte difficile d'appel à la conversion des méchants :
« Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. »
Israël a été déporté à Babylone à cause de son injustice, surtout le manque de respect des faibles et des pauvres, et il est sur le chemin du retour à Jérusalem qui connaîtra à nouveau la gloire après avoir été dévastée. C’est un don gratuit de Dieu.
La lecture de l’homélie de saint Jean Chrysostome entendue aux Vigiles hier soir nous montre bien la pédagogie de Dieu. Si, dans le domaine agricole, il peut paraître stupide de semer sur le chemin, sur la pierre, dans les ronces, « dans le domaine spirituel, dit Jean Chrysostome, il n’en va pas de même : la pierre peut devenir une terre fertile, le chemin ne plus être foulé par les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre au grain de fructifier librement. Le Seigneur ne veut pas nous jeter dans le désespoir, mais nous donner une espérance de conversion et nous montrer qu’il est possible de passer des états précédents à celui de la bonne terre. »
Frères et sœurs, l'Évangile d'aujourd’hui, éclairé par la première lecture est donc une bonne nouvelle. Et il faut tenir les deux ensemble. Rien n’est jamais perdu pour Dieu. Dieu veut notre salut et il reste toujours possible de laisser sa parole faire son œuvre bonne en nous.
Acceptons d'écouter sa parole, de prendre le temps de la méditer, de travailler à la comprendre, de ne pas nous laisser distraire, de l’appliquer à notre vie concrète. C'est là notre responsabilité, c'est ainsi que nous pourrons collaborer à la réalisation du désir intime de Dieu pour chacun de nous.
Où est notre sol pierreux, quelles sont nos ronces, etc … ?
Le Christ nous a ouvert le chemin par sa Parole. A son écoute donnons-nous la peine de l’emprunter et devenons de plus en plus, avec sa Grâce, une bonne terre.
Et n’oublions jamais que si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur.
AMEN. - 16 juillet 2017
Année A - Saint Benoît - 11 Juillet 2017
(Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a)
Homélie du Père Abbé Luc
« Revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience », ainsi frères et sœurs, s’adresse Paul à l’Eglise de Colosses. « Revêtez-vous »… Peut-on ainsi revêtir la tendresse, l’humilité, la douceur, la patience comme on revêt un manteau ? Il suffirait de dire aujourd’hui j’enfile ma veste d’humilité ou mon aube de douceur… Plusieurs fois on trouve dans la bible cette façon de parler… « Que tes prêtres soient vêtus de justice » dit le psalmiste (Ps 131, 9)…Paul l’utilise particulièrement : « Vous tous que le baptême a uni au Christ, vous avez revêtu le Christ » (Ga 3, 17) ou encore à propos de la vie à venir : « il faut en effet que cet être périssable que nous sommes revête ce qui est impérissable…il faut que cet être mortel revête l’immortalité » (1 Co 15, 53). Le vêtement représente une condition, une fonction ou une profession qui implique une certaine manière de vivre et de se situer dans la vie… Changer de vêtement, en enfiler un nouveau sur un autre, c’est une manière de dire qu’on change de condition, de fonction…ou de vie…
Quand Paul demande aux Colossiens de se revêtir se tendresse, d’humilité et patience, il ne fait qu’expliciter ce qu’il leur a dit auparavant : « vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau ». Il leur demande d’aller au bout de la cohérence de leur baptême. En effet, Paul est habité par la conviction que par le baptême, tout homme et toute femme revêt un être nouveau, car il revêt le Christ. Il y a quelque chose de radicalement donné, et radicalement nouveau. Et « qu’il n’y a plus le païen, et le juif,…l’esclave et l’homme libre : mais il y a le Christ, il est tout et en tous » (Col 3,11). Se revêtir de tendresse, d’humilité et de patience, c’est laisser la vie et les sentiments du Christ devenir nôtres…
Frères et sœurs, en cette fête de St Benoit, il nous est bon de nous rappeler cela : tous par le baptême, nous avons revêtu le Christ, et tous nous sommes appelés à revêtir, à laisser s’exprimer ses sentiments, sa manière de vivre à travers toute notre vie. Notre vie est déjà empreinte de sa grâce de nouveauté comme le signifie le vêtement blanc du baptisé. Et notre vie est toujours en quête d’être revêtue de cette manière de vivre qui donne à voir le Christ. Quand un moine reçoit l’habit monastique, il accepte de recevoir une pédagogie concrète pour que sa vie se revête des sentiments et des dispositions de l’homme nouveau dans le Christ. Traditionnellement pour les bénédictins, cet habit était noir, simple et sobre en signe de renoncement à tout désir de briller ou d’exister par soi-même. Ici à la Pierre qui Vire, nous aimons bien porter, et la coule blanche et la coule noire, cette sorte d’aube que revêtons pour la prière. La coule blanche, portée les dimanches et fêtes, nous rappellent notre condition de baptisé, d’homme nouveau dans le Christ, condition totalement reçue comme un cadeau. La coule noire, portée les autres jours du quotidien, nous rappelle notre engagement monastique à demeurer des veilleurs et des lutteurs afin que la douceur, l’humilité et la patience du Christ deviennent davantage nôtre. Ces vêtements sont des signes. Car « l’habit ne fait pas le moine » dit avec justesse la sagesse populaire. Il exprime un désir, une volonté de s’engager. Car le travail spirituel se vit dans le cœur. St Benoit nous le laisse bien entendre lorsqu’il décrit dans le chapitre sur l’humilité le chemin de libération du moine. C’est en consentant, sous la conduite de l’Esprit Saint, à purifier son cœur qui peu à peu, douceur, humilité, charité empliront sa vie et sa manière de vivre. A nous moines, est toujours adressée cette continuelle invitation à ne pas nous contenter des apparences, ni à nous appuyer sur elles, mais à chercher à nous ajuster en vérité à la Parole du Christ qui habite nos cœurs et à nous conformer à la paix du Christ qui veut transfigurer nos visages.
Frères et sœurs, dans notre prière nous nous associons à votre vie chrétienne et votre quête. En ce jour, merci de prier pour vos frères moines, afin qu’ils soient vraiment des chercheurs de Dieu qui vont au bout de l’appel de leur baptême. 11 Juillet 2017