Homélies
Liste des Homélies
20e dimanche du Temps Ordinaire, année C
17 août 2025
Jér 38/4-6,8-10 ; He 12/1-4 ; Lc 12/49-53
Jérémie : « Allez-vous mettre à l\'abri! Ne vous arrêtez pas en chemin! C\'est le malheur que je fais venir du nord, un grand désastre!...
St Paul : « Vous n\'avez pas encore résisté jusqu\'au sang dans votre combat contre le péché. »
Et l’Evangile qui vient d’être lu : « C\'est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu\'il soit déjà allumé! \" Pensez-vous que ce soit la paix que je suis venu mettre sur la terre ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. »
Comment commenter ou réfléchir sur ces paroles en étant tranquillement assis sur nos chaises … comment rester « zen » … rassurés quand on écoute certaines paroles de Jésus ? « Pensez-vous que ce soit la paix que je suis venu mettre sur la terre ? »…
… quelques exemples ? …
Appelons-le Rachid, appelons-la Leila de religion musulmane et imaginons qu’il/qu’elle vient d’annoncer à sa famille qu’il/qu’elle va recevoir le baptême chrétien à la fête de Pâques qui va venir ?
Imaginons encore un jeune/une jeune presque fiancé(e), après un bon temps de vraies rencontres, avec un amour mutuel qui a bien démarré, eh bien imaginons que l’un annonce à l’autre que finalement il/elle donne la priorité à Dieu et qu’il/qu’elle s’est décidé pour la vie religieuse…vie religieuse dont ils avaient parlé incidemment et qui n’avait jamais, au grand jamais, été envisagé comme projet par l’autre… !
Est-ce que Dieu viendrait mettre le désordre, la confusion entre les êtres ? Peut-être heureusement, Jésus n’a pas dit qu’il venait mettre la guerre entre les humains : il peut y mettre la division et il ouvre un chemin que tous ne sont pas prêts à prendre sans délai…comme l’a fait par exemple le publicain Matthieu et tant d’autres après lui… « Viens, suis-moi… et aussitôt il le suivit ».
Est-ce que nous envisageons la suite du Christ comme une partie de plaisir, plaisir partagé avec d’autres, bien sûr : nous ne sommes chrétiens qu’en Eglise. Oui ! Mais saint Paul présente la conversion et le chemin chrétien comme une course, comme l’épreuve entreprise avec endurance à la suite du Christ, … « ce Christ qui a enduré de la part des pécheurs une telle opposition » comme il l’écrit !…
Est-ce que nous n’oublions pas un peu vite la radicalité de ce qu’apporte le Christ dans le monde d’aujourd’hui pour en faire un monde nouveau ?
Cela vaut peut-être la peine de nous souvenir de quelques paroles de Jésus qui ne sont pas si rassurantes, par exemple de « passer par la porte étroite », on entre dans la Royaume de Dieu par une porte étroite… renoncer à tout pour suivre le Christ, à tout… etc… Avons-nous le sentiment d’être en dessous de ce que demande la suite du Christ, de peiner pour garder la foi … ? Est-ce que, au contraire, nous nous donnons un peu de peine pour vivre une vie généreuse ?
Comme nous ne sommes pas seuls à vivre et pas seuls à essayer d’être chrétien, Dieu nous donne un cœur, des yeux et des oreilles pour vivre et vivre avec d’autres : nous savons que leur exemple peut nous stimuler…
Et tout cela c’est pour que nous sortions de notre paresse, pour que nous-mêmes nous soyons les personnes qui attestent que le Royaume de Dieu souffre violence, que l’Esprit de Jésus a besoin de témoins qui disent au monde : Oui, Jésus est venu nous sauver ; oui, il faut compter sur la grâce divine, oui, mais Dieu ne nous sauvera jamais sans nous …Avec beaucoup d’espérance nous pouvons nous aussi comme les saints participer à ce salut que Dieu apporte.
Chers frères et sœurs, nous avons besoin que la Parole de Dieu vienne de temps en temps nous bousculer, empêcher que nous nous endormions…Si l’Evangile résiste à notre compréhension, à notre adhésion spontanée, c’est bien probablement parce que l’Esprit de Jésus vient nous chercher là où nous sommes, alors que nous ne sommes pas encore assez prêts à marcher à sa suite.
Dieu ne nous donne que des avertissements, et rarement des blâmes… si nos oreilles cherchent à écouter, si nos cœurs s’ouvrent : sa Parole est une lumière pour nos pas hésitants.
Ce matin l’Eucharistie du dimanche vient nous remettre en route pour plus de ferveur, plus de confiance dans sa présence et plus de vérité dans nos vies… C’est Lui qui est notre lumière, notre Vie.
Frère Cyprien
19e dimanche du Temps Ordinaire, année C
10 août 2025
Sagesse 18, 6-9 / psaume 32, Hébreux 11, 1-2 + 8-19, Luc 12, 32-48
Frères et sœurs,
Il faudrait relever bien des perles dans les 3 lectures de ce dimanche, mais je m’attacherai surtout à l’évangile : « Sois sans crainte, petit troupeau…Reste en tenue de service, tiens ta lampe allumée…Tu ne sais pas quand le Seigneur viendra…Tenez-vous prêts… Veillez ! »
Que d’appels Jésus nous fait, que de consignes pour notre vie chrétienne, mais pourquoi nous sont-elles rappelées durant nos vacances ? Habituellement, ces invitations à la vigilance se trouvent plutôt à la fin de l’évangile, dans le discours de Jésus sur la fin des temps. Dans st Luc, la place en est tout autre et nous avons ici, au chapitre 12, trois petites paraboles sur la vigilance, adressées aux disciples, donc au petit troupeau que nous sommes aujourd’hui.
Je crois qu’elles sont bienvenues, même si cela tombe au milieu des vacances : est-ce pour nous empêcher de les prendre ? Certainement pas, car les vacances peuvent être un temps privilégié pour rencontrer le Seigneur, nous mettre en éveil et nous rendre attentifs. C’est là que Jésus vient nous dire : « Fais attention, ne passe pas à côté de l’essentiel, le trésor est là dans ton cœur, ne va pas le chercher à l’autre bout du monde. »
Nous avons tous besoin de vacances, les moines comme les autres, de ces temps d’arrêt, de pause, de détente, de solitude ou de rencontres, de marche aussi dans la nature. Temps de vacances au sens premier du mot : « vacare Deo », être libre pour Dieu.
Si l’évangile d’aujourd’hui nous demande de garder la tenue de service, ce n’est pas pour renoncer à partir en vacances. Il nous dit seulement de rester vigilant, attentif à la venue du Seigneur, à tous les signes du Royaume, aux signes des temps que nous vivons. Et là, nous avons tous une responsabilité.
Vous avez entendu la question de Pierre à Jésus : « Est-ce pour nous, les Apôtres, que tu dis cette parabole ou bien pour tout le monde ? » Jésus ne répond pas directement à la question de Pierre, il parle de l’intendant, puis du serviteur qui a reçu une telle mission. Or nous sommes tous au service les uns des autres. C’est inscrit dans notre ADN de baptisé : fils de Dieu, mais aussi serviteur, de Dieu et de nos frères.
Je pense que les routiers scouts qui sont parmi nous s’y retrouvent aussi pleinement : merci à eux d’être venus nous aider en ce temps de vacances. Mais l’évangile insiste : sois plus qu’un serviteur, sois un veilleur. Nous avons tous à veiller les uns sur les autres, en prenant soin des plus fragiles. Si Dieu nous a placés à tel ou tel endroit dans le monde, c’est pour y être des veilleurs, des frères qui prennent soin les uns des autres et de notre maison commune. Notre terre vit aujourd’hui plus que jamais un enfantement dans la douleur, que ce soit les guerres à Gaza, en Ukraine, mais aussi en Afrique et cela nous fait mal, et puis il y a cette autre cause mondiale : le dérèglement climatique, la sècheresse, qui peut atteindre tous les pays, et nous avons tous notre part de responsabilité dans cette conversion écologique urgente. « Heureux ces serviteurs que le maître à son retour trouvera en train de veiller ! » Quel est le sens de cette veille ? non seulement d’attendre le retour du Christ, mais de remplir la charge qu’il nous a confiée.
Le pape François, le premier, nous a lancé un appel dans l’encyclique « Laudato si », il y a 10 ans en 2015 ; ce texte fort a frappé même les non croyants , il disait : « J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons et ses racines humaines, nous concernent tous…Tous, nous pouvons collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la création, chacun selon sa culture, son expérience, ses capacités. »
A la suite de ces appels, relancés par l’évangile aujourd’hui, chacun de nous pourrait se poser la question : quelle est ma manière à moi de veiller, de rester en tenue de service, de tenir ma lampe allumée, de participer à cette conversion écologique et spirituelle ? Toute veille est une veille d’amour sur nos frères.
Je parlerai d’abord pour les moines que nous sommes, qui reprenons nuit et jour, le chant des psaumes où la prière se fait tour à tour cri de détresse et cri de joie, mais aussi attente du Royaume, cri de foi dans la promesse de Dieu à la suite d’Abraham : « Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore » (ps 129) Oui, c’est dans la prière et surtout la nuit, que joue notre solidarité avec les cris et les espoirs des hommes, les situations d’échec ou de souffrance : la prière les porte vers Dieu, dans cette communion qui nous tient unis les aux autres, en étant sûrs que Dieu répondra. Le plus souvent, il répondra au moment où l’on ne s’y attend plus, d’une manière imprévue, et tout autre.
Avez-vous remarqué cette façon inouïe dont Dieu se comportera avec ses serviteurs s’il les trouve en train de veiller ? C’est Dieu lui-même qui prendra la tenue de service, qui les fera asseoir et passera devant chacun pour le servir. Alors oui, cela vaut la peine d’attendre dans la nuit, de veiller de toutes les manières possibles sur nos frères : relisez Matthieu 25 J’ai eu faim, j’étais étranger, malade, en prison et tu es venu jusqu’à moi.
Puissions-nous découvrir aussi que le premier veilleur, le Grand Vigilant, c’est Dieu lui-même : soyons les témoins de ce Dieu-là qui veille avec amour sur chacun de ses enfants.
Frère Basile
17e Dimanche du Temps Ordinaire, année C
27 juillet 2025
Gn 18, 20-32 – Ps 137 – Col 2, 12-14 – Lc 11, 1-13
Frères et sœurs,
La première lecture et l’évangile de ce dimanche constituent une sorte d’enseignement sur la prière de demande, mais chacune de façon différente.
La première lecture est un texte que je trouve admirable. Admirable parce qu’il nous montre Abraham dialoguant avec son Dieu, c’est cela la prière, mais d’une façon qui sort de nos critères de bienséance.
Oserions-nous, en effet négocier, voire marchander avec Dieu comme le fait Abraham ? Nous avons peut-être une vision trop aseptisée de la prière. Abraham, et les hommes de la Bible, en général, comme ceux qui s’expriment dans les psaumes ; prennent parfois bien des libertés avec Dieu.
Ainsi Abraham, devant la décision du Seigneur de venir voir si Sodome et Gomorrhe sont aussi coupables que la rumeur le dit, se pose en avocat.
Remarquons quand même que le Seigneur est en de bonnes dispositions. Il est prêt à reconnaître que la clameur parvenue jusqu’à lui est de l’ordre des fake news ou non. Et Abraham est audacieux, il connaît son Dieu. Il sait qu’il est profondément juste et miséricordieux. Il sait comme l’a dit plus tard le pape François, que la toute-puissance du Seigneur, c’est sa miséricorde. Alors Abraham n’hésite pas : « vas-tu faire périr le juste avec le coupable ? Vraiment ? » Et en plus Abraham a le culot de donner lui-même la réponse : « Loin de toi de faire une chose pareille ! Traiter le juste de la même manière que le coupable » et il répète « loin de toi d’agir ainsi ». Et le marchandage se met en place : d’abord 50 justes. Et le Seigneur cède : « pour 50 justes dans la ville, je ne détruirai pas. » Bon, mais Abraham sait sans doute qu’il n’y aura peut-être pas 50 justes et il continue : peut-être n’y aura-t’il que 45 justes puis 40 puis 30… on se demande où cela va-t’il s’arrêter… puis 20, et enfin 10. Et là, le marchandage s’arrête. Le résultat n’est quand même pas mal, Abraham a fait passer la limite de la destruction de Sodome de 50 justes à 10.
De plus il y a presque de l’humour lorsqu’Abraham dit « J’ose encore parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendres » ou encore « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère si je parle encore ». Il prend des précautions, mais en fait, il fait plier son Seigneur
On aurait pu croire que Sodome allait être sauvée. La suite du récit nous montre cependant le contraire, car Sodome semble avoir été totalement impie. Mais pourquoi le récit n’a-t’il pas été jusqu’à un juste ? Eh bien, il me semble que le but de ce récit n’était pas d’aller faire dire à Dieu qu’il épargnerait la ville si elle comprenait moins de 10 justes. Cela, en effet, ne changeait rien au scandale de faire périr le juste avec le coupable. Ce que le texte dit avant tout, selon moi, c’est la fabuleuse liberté de relation entre l’homme et le Seigneur, liberté voulue par Dieu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Loin d’être la soumission à un dieu impitoyable, voire capricieux, la relation avec le Seigneur est une relation où l’homme se tient debout, est mis debout par Dieu devant lui. Il est responsabilisé par son Créateur. Je trouve merveilleux ce marchandage qui exprime le sérieux avec lequel le Seigneur traite l’homme de prière qu’est Abraham. Lui, le Dieu de l’univers, le Tout-Puissant, va jusqu’à changer d’avis à la demande du priant. Nous sommes loin des religions païennes du temps avec leur soumission aveugle devant la fatalité du destin.
Et si l’on jette un regard sur le Nouveau Testament, n’oublions pas que le Christ a dit qu’au jour du jugement, Sodome sera traitée moins sévèrement que les villes qui auront refusé les disciples envoyés par le Christ. Pour Jésus, la destinée de Sodome n’est pas définitive donc. Est-ce une conséquence de la prière d’Abraham ?
L’évangile nous parle aussi de prière, et d’abord de Jésus en prière. C’est un thème récurrent dans l’évangile selon saint Luc. On peut imaginer que ses disciples le voient, et souhaitent apprendre de leur maître à prier comme Jean-Baptiste l’a fait à ses disciples. Et Jésus leur enseigne le Notre Père.
Mais de suite après, Jésus leur enseigne la confiance dans le Père à partir d’exemples de la vie concrète. Si l’on insiste auprès d’un ami, si l’on demande, si l’on cherche, si l’on frappe, on aura une réponse, car Dieu ne peut donner quelque chose de mauvais à quelqu’un qui demande quelque chose de bon. Pourtant, Jésus opère un déplacement. En effet, lorsque la demande est adressée à Dieu, c’est l’Esprit Saint qu’il s’agit de demander et non plus des aliments. Pourquoi demander l’Esprit Saint ? Peut-être pour être plus à même de faire une demande qui plaise à Dieu ? Ou pour être capable de reconnaître le don que Dieu nous fait, car il n’est pas rare d’être exaucé par Dieu d’une manière autre que ce que nous espérions.
La question de la prière, et surtout de la prière de détresse non exaucée n’est pas facile et le Christ ne donne pas de réponse à ce sujet. Mais si l’on regarde sa Passion, ou plus exactement sa prière au Jardin des Oliviers, la veille de sa Passion, nous constatons que Jésus implore son Père pour que la croix lui soit épargnée, mais il accepte que la volonté du Père se fasse. Non pas que le Père désire voir son Fils être crucifié, mais le Père invite son Fils à témoigner jusqu’au bout de l’amour de Dieu pour les hommes, et dans notre monde tel qu’il est, cela ne pouvait que passer par la Croix, et le Christ l’a compris. Jésus se joint ainsi à la longue cohorte de ceux et celles dont le désir n’a pas été exaucé, du moins, dans un premier temps.
Quant à la seconde lecture, qui n’a pas de liens direct avec les deux autres, elle nous situe à un autre niveau, celui de la contemplation du mystère pascal du Christ et de ses conséquences pour nous. Le Christ est mort et a été mis au tombeau, et nous avons été mis au tombeau avec lui à cause de nos fautes. Mais il est ressuscité et nous sommes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. En Jésus, Dieu a rejoint notre destiné humaine et l’a fait sienne.
C’est avec cette foi qu’il devient possible d’aborder autrement la prière, non pas pour faire de Dieu un distributeur automatique de grâces, de cadeaux au risque de nous détourner de lui si nous ne sommes pas exaucés. C’est l’attitude du paganisme romain contemporain du Christ : je donne à la divinité pour qu’elle me donne, sinon, je chercher une autre divinité. Dans la relation adulte que Dieu nous propose, il s’agit de demander l’Esprit Saint pour nous éclairer sur le contenu de notre prière.
Frères et sœurs, en quoi consiste notre prière ? quelle est la place de la louange ? quelle est notre foi au Dieu que nous prions ? Quelle est notre audace à l’image d’Abraham ? Mais aussi, quelle place laissons-nous à l’Esprit Saint pour inspirer notre prière ? Et enfin, quelle est la place en nous de ce dialogue quotidien avec Dieu, dialogue confiant, parfois critique, parfois, pourquoi pas humoristique, mais toujours dans la foi en un Dieu fou d’amour pour tous et toutes ?
Que les lectures de ce jour nous aident à entrer dans une relation adulte avec notre Dieu, c’est ce qu’il désire pour nous.
AMEN
Frère Jean-Louis
DÉDICACE DE NOTRE ÉGLISE
25 JUILLET 2025
1 R 8, 22-23+27-30 / 1 P 2, 4-9 / Mt 16, 13-19
Depuis la dédicace de notre église, le 25 juillet 1871, bien des modifications ont été faites, au fil des ans, en particulier en 1973, lorsque la communauté a quitté l’abside pour les transepts, afin de manifester l’unité de l’assemblée, l’unité du Corps du Christ que nous formons tous ensemble, tous baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, pierres vivantes, chacun-chacune à sa place.
La fête de ce jour est la fête de notre église Pierre-qui-Vire, mais c’est la fête de l’Église, corps du Christ qui reçoit de lui la vie, qui se construit, qui est envoyée dans le monde proclamer la Bonne Nouvelle. Fête de la communauté chrétienne, ouverte à tous, envoyée à tous.
Nous aimons notre église de pierres, avec la force du granit du Morvan, et la douceur de l’aménagement qui accueille chacun avec respect et discrétion. Notre action de grâce va à ceux qui l’ont construite, à ceux qui l’ont transformée, à ceux qui l’ont habitée, y ont reçu la vie du Christ, y ont engagé leur vie dans l’Alliance, y ont adoré et intercédé. Nous la recevons d’eux tous pour être nous-mêmes la demeure de Dieu.
Maisons de Dieu et maisons des hommes, nos églises sont lieux de rencontre entre Dieu et nous. Dieu incarné s’y livre à nous dans sa Parole proclamée et dans son Corps adoré dans le Pain consacré. Nos églises, petites ou grandes, sont habitées par sa présence, toute discrète, presque invisible, humble et silencieuse, loin du tapage mondain, mais immense, puisque c’est Lui.
Maison du Christ présent au tabernacle, mais aussi maison des hommes, notre maison.
Lieu de silence, où chacun est accueilli afin qu’il se trouve lui-même dans sa relation à la Source.
Lieu porté par une communauté chrétienne qui accueille celui qui passe.
Lieu pour recevoir le don de Dieu, et s’offrir à Celui qui a soif de nous.
Entrer dans une église est toujours un cadeau : là, nous sommes chez nous, chez notre Père, avec le Christ.
Notre église monastique est le cœur du monastère, pour la communauté comme pour nos hôtes.
Lieu de célébration et de silence, de partage et d’intimité, d’écoute de la Parole et de réponse aussi habitée et aimante que possible.
Lieu, non seulement de silence et de paix, mais lieu de rencontre de notre Dieu qui nous appelle, nous sanctifie, nous fait devenir fils dans son Fils.
Lieu où se manifeste l’Alliance indéfectible de Dieu avec nous.
Disciples du Christ, nous n’offrons pas 22 000 bœufs comme Salomon, mais le seul sacrifice parfait, celui du Christ mourant d’amour sur la croix. Cette offrande est inséparable de l’offrande de nous-mêmes. Membres du corps du Christ, nous nous offrons avec lui, en pleine liberté : « Me voici, pour faire ta volonté ».
Nous entrons ainsi dans le mystère de l’eucharistie, de la vie donnée et reçue, dans le mystère de l’amour offert. Le Christ ne nous laisse pas tranquilles, il vient bousculer nos vies pour nous rendre semblables à lui.
Je cite un extrait d’homélie de notre P. Luc : « à travers la prière des heures, notre église nous façonne en communauté de louange à la gloire de Dieu. A travers les célébrations de la réconciliation, elle nous façonne en communauté de frères pardonnés et pardonnant. A travers l’eucharistie, elle nous façonne en communauté de frères morts à eux-mêmes et ressuscités avec le Christ. »
Dans la prière personnelle comme dans la prière commune, apprenons à mourir et à vivre avec le Christ, recevons notre église comme le lieu de la rencontre.
« A celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu Père, à lui la gloire et la souveraineté. »
Frère Hubert
15e dimanche du Temps Ordinaire, année C
13 juillet 2025
Deutéronome 30, 10-14 / psaume 18 B / Colossiens 1, 15-20 / Luc 10, 25-37
Frères et sœurs, avons-nous bien écouté l’Evangile ?
Ecouté et pas seulement entendu, écouté jusqu’au fond du cœur. Avons-nous bien écouté la Parole de Dieu ? « Elle est tout près de toi, cette parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur … Elle n’est pas au-dessus de tes forces, elle est dans ta vie de tous les jours afin que tu la mettes en pratique. »
Ici, à la Pierre-qui-Vire, nous venons de fêter St Benoît et il ne dit pas autre chose dans sa Règle des moines, qui voudrait être un simple manuel d’Evangile. Elle commence par ces mots : « Ecoute, mon fils, et prête l’oreille de ton cœur » D’abord écouter, et puis mettre en pratique, st Benoît insiste aussi pour le faire inlassablement chaque jour, le jour, la nuit, 24 h non stop ! Au ch 4 qui énumère 72 instruments de l’art spirituel, le premier c’est tout simplement le verbe aimer : aimer Dieu, aimer ses frères, aimer tout homme quel qu’il soit : le monastère est bien pour st Benoît une école de charité à la suite du Christ sur le chemin de l’Evangile. En mettant l’amour en premier, Benoît rejoint tout à fait l’Evangile d’aujourd’hui.
Que dit Jésus au docteur de la Loi : « Fais ainsi et tu auras la vie. » Et que faut-il faire pour avoir la vie ? Apparemment c’est tout simple, il s’agit d’aimer : c’est le double commandement de l’amour, d’ailleurs très bien cité par le docteur de la Loi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. La réponse est parfaite, mais il demande ensuite à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » C’est là que tout se complique.
Or Jésus ne lui répond pas directement, il raconte une histoire. Le docteur de la Loi voulait mettre Jésus à l’épreuve et il cherchait une réponse claire pour savoir ce qu’il faut faire et quel est le prochain que nous devons aimer, afin de pratiquer cette loi et d’être irréprochable. Son souci, dit st Luc, est de montrer qu’il était juste. Jésus le prend à contre-pied et à travers cette parabole il lui dit que l’amour du prochain ne se trouve pas dans des articles de loi qu’il faudrait appliquer, mais qu’il se traduit dans une démarche, dans une action inspirée par le cœur. Ecoutons bien l’histoire, car ce blessé de la route qui descend de Jérusalem à Jéricho, nous pouvons le rencontrer aujourd’hui sur nos autoroutes ou dans les quartiers chauds des banlieues, ou même encore plus près de nous. Le prêtre et le lévite passent sans s’arrêter, ils changent même de côté et ils pensaient bien faire pour respecter les lois de pureté auxquelles ils étaient tenus. Ils écoutaient la loi écrite, mais ils n’écoutaient pas leur cœur, et cette loi d’amour que Dieu y a inscrite pour que nous aimions en vérité, et qu’il a inscrite au cœur de tout homme, croyant ou non. Le samaritain, lui, a écouté son cœur : « il vit l’homme blessé et fut saisi de compassion. » Pourtant il était en voyage, il était pressé. Et puis c’était un samaritain, considéré par les juifs comme un hérétique, parce qu’il ne suivait plus la loi de Moïse. Mais il a suivi sa conscience, il a écouté son cœur.
Aller vers l’autre est un risque que l’on prend parce que cela nous engage et nous déplace. Aimer, c’est briser toutes les barrières qui nous empêchent d’aller vers les autres. Après avoir posé un acte d’amour, on n’est plus tout à fait le même. L’amour nous fait progresser sur des chemins nouveaux en dilatant notre cœur.
Le pape François nous l’a dit et redit et le pape Léon va bien dans le même sens : « La culture du bien-être nous rend insensibles au cri des autres. » Et il appelle cela : « la mondialisation de l’indifférence ».
Si nous pouvions écouter notre cœur, comme le samaritain qui s’est fait le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits. Se faire le prochain, se faire proche de l’autre et découvrons que dans cette proximité, c’est Dieu lui-même qui se fait proche, c’est lui que nous rencontrons.
Maurice Zundel disait dans un raccourci saisissant : « Notre véritable prochain, c\'est Dieu lui-même…L\'Evangile ne nous demande pas de faire des contorsions en nous forçant à aimer ceux que nous n\'aimons pas; il nous situe au centre même du débat en nous révélant que notre premier prochain, notre unique prochain, c\'est Dieu, Dieu dans l\'homme, Dieu dans l\'univers, Dieu qui nous est confié en nous-mêmes et en chacun, Dieu dont nous avons à devenir la Providence dans la vie des autres comme dans la nôtre. »
« Qui est mon prochain ? » Les réponses sont multiples, et les diacres de St-Denis pourraient en témoigner : la solidarité n’a pas de limite, ni de frontière, mais c’est à nous de nous faire le prochain de celui qui est dans la détresse.
Tournons-nous vers le Christ, c’est lui le Bon Samaritain, c’est Lui seul qui peut nous apprendre à aimer si nous prêtons l’oreille de notre cœur.
Frère Basile
SOLENNITÉ DE ST BENOÎT
11 juillet 2025
Les lectures que nous venons d’entendre n’ont rien de spécifiquement monastique ou bénédictin :
la Bible, l’Évangile, sont pour tous, et ils sont la source unique.
Mais il y a de multiples manières de les mettre en pratique.
En nous transmettant sa Règle, saint Benoît désire nous conduire sur un chemin de vie et de bonheur.
Il ne nous guide pas sur un chemin d’expériences mystiques, mais sur un chemin de vie quotidienne très concrète, le chemin d’une vie en commun, sous le regard de Dieu.
Bien des laïcs aujourd’hui savent tirer parti de cette Règle
selon laquelle, nous, moines, nous essayons de vivre.
Dieu est communion : st Benoît nous apprend à vivre en communion, comme Dieu.
Sa Règle est un guide sûr pour vivre en harmonie avec Dieu, avec les autres, avec nous-mêmes.
L’art de vivre qu’elle propose est un art de vivre en communion, dans des relations heureuses et fécondes.
L’humilité – un des grands mots de la Règle – est au fondement de l’émerveillement et de l’action de grâces.
Le respect de toute chose considérée à l’égal des vases de l’autel,
l’honneur dû à tout homme, au malade comme au passant, au jeune comme à l’ancien, au novice comme à l’abbé, sont des voies de paix, de beauté et d’amour.
L’obéissance, quand elle est juste de part et d’autre, nous plonge directement dans le mystère du Christ, venu faire, non sa volonté, mais la volonté de Celui qui l’a envoyé.
Le silence – de paroles, de bruits, d’imagination – le silence de la maison et de l’environnement, est une condition de la descente au fond de soi-même, dans le lieu de notre vérité et de la rencontre de l’autre.
Tout cela nous apprend à vivre comme des fils.
« Mon fils, accueille mes paroles » :
Créés par Dieu, baptisés dans le Christ, nous sommes déjà fils dans le Fils unique,
et nous sommes sans cesse appelés à vivre dès maintenant cette filiation, dans le quotidien de notre vie.
Vivre comme Dieu, témoigner de qui il est, témoigner de son mystère, par notre vie concrète,
par notre style de vie.
La Règle nous renvoie sans cesse à l’Évangile, au Christ qui nous montre comment être fils :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai toute ma joie : écoutez-le. »
« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. »
« Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui,
revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. »
Nous sommes appelés à nous livrer totalement, dans la confiance, à Celui qui nous crée à son image,
qui nous sauve et de l’orgueil et de la désespérance.
Le démon, n’a de cesse de mettre la défiance dans notre cœur,
de nous suggérer que Dieu veut nous asservir,
qu’il nous faut être autonomes et devenir dieu par nous-mêmes.
Si nous l’écoutons, nous devenons alors le contraire de Dieu qui n’est que don.
La Règle, avec son lot d’exigences, est une école pour nous apprendre à être, à vivre, à aimer, comme Dieu.
« Qui donc aime la vie et désire les jours où il verra le bonheur ? »
Qui mieux que Dieu sait quel est le chemin de notre bonheur ?
Comme des fils, accueillons donc ses paroles, laissons-nous agir par l’Esprit.
Notre conversion, c’est de choisir le chemin de notre vrai bonheur.
Et, comme pour Dieu, notre bonheur n’est jamais sans les autres.
Le bonheur, c’est la vie qui circule entre nous, dans le don et l’accueil mutuels, dans l’émerveillement et l’action de grâces.
« Tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus,
en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père. »
« Toi donc, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis avec l\'aide du Christ cette toute petite règle pour débutants, alors tu parviendras. »
Frère Hubert
Fête de Saint Pierre et saint Paul
29/06/2025
Ac 12, 1-11 – Ps 33 – 2Tm 4, 6-8.17-18 – Mt 16, 13-9
Frères et sœurs,
Le dimanche, nous célébrons habituellement la résurrection du Christ, et cette année, c’est donc la célébration des saints Pierre et Paul qui l’emporte dans le calendrier liturgique sur celle du dimanche. Mais comment comprendre les destinées de Pierre et de Paul sans tenir compte du Christ ressuscité ? C’est donc bien sûr le Ressuscité et son action dans le cœur de ces grands apôtres du Christ que nous célébrons également en ce jour.
Il y a, en effet, tant à dire sur ces deux grands saints de l’Église morts martyrs à Rome à peu d’années de distance.
Nous avons tous entendu parler du triple reniement de Pierre et de la conversion fulgurante de Paul sur la route de Damas. Les lectures de cette solennité, proposées par la liturgie de l’Église, ne racontent cependant pas ces événements célèbres mais peuvent néanmoins nous permettre de connaître un peu plus ces deux colonnes de l’Église, particulièrement honorées à Rome, ville de leur martyre.
Le passage des Actes nous raconte la persécution des premiers chrétiens par le roi Hérode Agrippa, petit-fils d’Hérode le Grand, celui qui a fait massacré les enfants de Bethléem. Cette persécution a visé, semble-t’il la tête de la communauté chrétienne naissante : le frère de l’apôtre Jean, Jacques, qui est décapité, et Pierre, qui est emprisonné dans l’attente d’un sort sans doute guère meilleur. Cette arrestation a lieu durant la fête de la Pâque juive. Pierre arrêté, l’Église prie pour lui.
En prison, Pierre dort. Un ange du Seigneur survient et libère Pierre de ses chaînes qui, en fait, tombent toutes seules, nous dit le texte. Pierre qui croit avoir une vision ou un rêve se laisse guider très passivement. Il ne savait pas que ce qui se passait était bien réel. De même que les chaînes étaient tombées toute seules, le portail de la prison s’ouvre, lui aussi tout seul, permettant aux deux personnages de sortir vers la liberté. L’ange alors abandonne subitement Pierre, ce qui semble réveiller ce dernier qui réalise alors ce qu’il a vécu : une libération menée par un ange envoyé par Dieu. Ce n’est pas cette fois-ci que Pierre se verra conduire au supplice comme le Christ le lui avait annoncé à la fin de l’évangile selon saint Jean « tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. »
Le psaume chanté ensuite est un psaume de bénédiction et de confiance : quoiqu’il arrive, le Seigneur répond. C’est l’expérience de Pierre.
Dans la seconde lecture, nous sommes devant une sorte de testament de Paul. Il a achevé sa course et attend sa récompense, non seulement pour lui mais pour tous ceux qui auront attendu avec amour la Manifestation du Seigneur. Abandonné des hommes, il est conscient de l’aide accordée par le Seigneur qui lui a donné la force de proclamer l’évangile jusqu’au bout. Il garde confiance dans le Seigneur qui le sauvera et le fera entrer dans son Royaume. Magnifique expression d’espérance et de confiance en Dieu.
L’évangile nous fait revenir à Pierre, avec sa confession à Césarée de Philippe, dans le Nord Est d’Israël. C’est là que Simon-Pierre proclame que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, et c’est là que le Christ déclare que Pierre sera la pierre de fondation de l’Église. De cet événement découle la place particulière de Pierre au sein des douze et son triple reniement n’y changera rien.
Que retenir de ces lectures pour nous aujourd’hui et que nous disent-elles de cette fête que nous célébrons en ce jour ?
C’est sans doute la préface de la messe, propre à ce jour qui résume bien le sens de cette double fête, celle de Pierre et celle de Paul.
Pierre, celui qui, le premier, a confessé la foi, c’est notre évangile, et Paul qui l’a mise en lumière par ses lettres. Pierre qui a constitué l’Église par l’annonce de l’évangile en premier lieu aux pauvres d’Israël et Paul, qui a fait connaître aux nations païennes ce même évangile, car ces nations sont également appelées au salut en Jésus-Christ
Ces lectures peuvent, en ce jour où nous célébrons les colonnes de l’Église, nous aider dans notre cheminement en cette année jubilaire. En effet, le récit de la libération de Pierre comme le témoignage de fin de vie de Paul nous montrent combien est grande la fidélité de Dieu et que, même dans des situations extrêmes, le Seigneur nous est présent.
Le passage de Paul, lu en ce jour, mais aussi l’épisode de l’emprisonnement de Pierre, sans oublier son reniement, nous montrent également que suivre le Christ, faire sa volonté, n’est pas la garantie d’une vie sans souci, sans combat, ce que nous pourrions parfois avoir tendance à croire. Suivre le Christ, lui faire confiance, et témoigner de lui est exigeant et nous pouvons parfois nous décourager devant les obstacles et souffrances de toutes sortes qui peuvent parsemer nos vies.
L’évangile nous rappelle aussi cette parole du Christ que nous pouvons parfois oublier devant les fracas de l’histoire « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle = l’Église. Combien de fois l’Église n’a-t’elle pas vacillé au cours de l’histoire, et nous sentons bien qu’il peut en être de même aujourd’hui. Et pourtant, il y a toujours eu des mouvements de réforme qui ont fait que l’Église a continué son service de façon plus authentique alors qu’elle revenait parfois de loin. Aujourd’hui encore, nous vivons un moment de réforme face à une crise à multiples facettes et qui ne concerne pas que l’Église mais aussi notre monde.
Il y a 15 jours, lors de la fête de la Trinité, nous avons entendu saint Paul nous dire, dans l’épître aux Romains : « nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » L’espérance, la vraie, vient de ce que le Christ est ressuscité, nous avons toujours à nous le rappeler, et les dimanches sont les bons jours pour cela.
Puissions, nous frères et sœurs, nous rappeler en ce jour que le Seigneur nous arrache et nous arrachera à la gueule du lion. Puissions-nous garder, comme Pierre et Paul, cette confiance absolue, cette espérance dans le Salut acquis par le Christ et qui se déploie dans notre monde, souvent de façon plus discrète que le déchaînement du mal, mais de façon finalement plus décisive.
Que la foi des apôtres Pierre et Paul nous soutienne sur notre route.
AMEN
Frère Jean-Louis
Fête du Sacré-Cœur, année C
27 juin 2025
Ez 34, 11-16 ; Ps 22, 1…6. ; Rm 5, 5b-11 ; Lc 15, 3-7
Alors qu’au lendemain de la Pentecôte, nous sommes entrés dans le temps ordinaire de la liturgie, c’est un peu comme si nous avions besoin d’un « sas » pour abandonner les temps extraordinaires du Carême et de Pâques. Trois fêtes assurent ce passage de l’extraordinaire à l’ordinaire, comme un « c’est-à-dire » : la fête du Sacré-Cœur, qui est aujourd’hui célébrée, et les fêtes du Saint-Sacrement, dimanche dernier, et de la Trinité, le dimanche précédent.
En premier lieu, je souligne que ces trois fêtes ont un point commun. Elles pourraient recevoir le même nom, le nom qui est attribué à l’une d’entre elles : je pense à la « Fête Dieu ». En effet, ces trois fêtes sont chacune une manière de célébrer le mystère de Dieu : célébrer Dieu qui est communion des Personnes divines – c’est la fête de la Trinité –, célébrer Dieu qui se donne dans le corps et le sang du Christ – c’est la fête du Saint-Sacrement –, et célé-brer Dieu qui est tout amour, c’est cette fête du Sacré-Cœur. Autrement dit, on pourrait dire qu’il n’y a qu’une prière, qu’une liturgie chrétienne : celle qui honore Dieu, celle qui accueille ce qu’il révèle de lui.
Voici donc trois fêtes qui sont plus théologiques que bibliques, et pour cette première raison, toute évidente, qu’elles portent des noms qui ne sont pas issus de l’Écriture. Le mot de « Trinité », et les expressions de « Saint-Sacrement » ou de « Sacré-Cœur », n’existent pas dans l’Écriture. La prière sur les offrandes, que je prononcerai dans quelques instants, marque cette distance entre les mots et la réalité : Dieu est plus grand que les mots, même justes, que nous employons pour essayer de parler de lui. « Regarde, Seigneur, l’amour inexprimable du Cœur de ton Fils bien-aimé, » dira cette prière.
Même si les mots portent leur propre limite, ces fêtes expriment des réa-lités qui, elles, sont bibliques et qui expriment le mystère de Dieu. Il faut tou-jours garder en mémoire que la source de la Révélation, ce par quoi Dieu se dit, Dieu se révèle, c’est l’Écriture. Pour cette raison, afin de bien saisir ce que nous célébrons, ou même ce que nous disons dans le discours théologique, il faut le vivre, l’exprimer, le comprendre grâce à ce que l’Écriture dit de Dieu, dit du monde, dit de l’homme. Karl Rahner écrit ainsi que seule l’Écriture est la « norma normans, non normata ». Faut-il traduire ? Pour Rahner, l’Écriture est la norme normante, non normée, autrement dit la règle qui règle tout sans être réglée par rien d’autre qu’elle-même.
Les premiers penseurs chrétiens, les Pères de l’Eglise, avaient une vive conscience de cela. Ils hésitaient toujours à recourir à un vocabulaire non bi-blique. Ils le firent cependant. Pensons au terme « homoousios », dans le credo, le symbole de Nicée de l’an 325, dont nous fêtons les 1 700 ans cette année. Le problème redouble lorsque l’on veut traduire en français un terme qui est très lié au contexte de la philosophie grecque. Aujourd’hui, nous disons que le Fils est « consubstantiel au Père », mais combien de querelles, de vaines querelles, autour de ce mot et de ses traductions !
Quelques dizaines d’années après Nicée, lors du premier concile de Constantinople, en 381, alors qu’il était question de parler de l’Esprit-Saint, les évêques, et avant tout saint Basile, voulurent éviter d’employer des termes phi-losophiques, et surtout d’employer des expressions non bibliques. Ils ne parlè-rent de l’Esprit-Saint qu’en termes bibliques.
Par la suite, c’est vrai, on retrouvera, non dans les credos, mais dans la théologie, des mots qui ne sont pas dans la Bible : le mot « trinité », ou encore le mot « personnes », pour parler des trois personnes de la Sainte Trinité. Mais saint Augustin avait bien conscience de la difficulté d’un tel mot, qui ouvre au risque de penser à « trois dieux ». Il écrira alors que s’il parle des « personnes » divines, ce n’est pas « pour dire quelque chose, mais pour ne pas ne rien dire » (De Trinitate, V, 9, 10).
Célébrer le Sacré-Cœur, c’est donc le faire avec grande réserve et grande vénération, en raison de l’inaptitude des mots et de notre pensée à dire Dieu, ou plutôt à essayer de dire Dieu ; mais, surtout, parce que dans cette fête, il est question de l’amour de Dieu. Ce mot, lui biblique, mais aussi employé de tant et tant de manières, devrait nous avertir de son caractère très précieux. Ce que nous risquons ici, c’est la banalité, voire l’insignifiance : à trop employer cer-tains mots, ils peuvent finir par ne plus rien dire.
Mais l’Écriture, si elle est faite de mots et de phrases, rapporte avant tout une geste, celle de Dieu en faveur de son peuple Israël, celle du Fils deve-nu homme en faveur des petits et des pauvres. Dans l’Évangile, même s’il est question de chiffres – cent, 99, un – c’est ce dernier nombre qui compte. Pour le Seigneur, le Dieu Un, seul compte le un, la personne, chaque personne. Le bon berger peut se soucier du troupeau ; avant tout, il se soucie de chacun des membres de ce troupeau.
Là est l’amour de Dieu, là est l’amour dont nous sommes les bénéfi-ciaires, et l’amour que nous sommes appelés à vivre. La joie de Dieu se nourrit de chaque vie, de l’attention à chaque vie et à ce qu’elle vit de juste, de beau. Certes, l’amour de Dieu n’est pas exprimable par des mots, mais il se révèle par l’attention qu’il porte à chacune et à chacun.
Voilà le grand amour, voilà ce cœur de Dieu qui se révèle dans l’Écriture et dans cette fête. L’amour donne, il ne retient rien, ni ne se protège. L’amour n’a pas de regard en arrière. L’amour ne contrôle pas ce qui sera fait du don qu’il est. L’amour sait qu’en donnant, il fait confiance, et par là, il fait naître la confiance et l’encourage. L’amour prend tous les risques, y compris celui d’être mal compris ou dévoyé ; mais c’est en cela qu’il est amour.
Voilà le cœur du Christ, voilà le cœur de Dieu : il accepte qu’avec nos pauvres mots, nos vies parfois si faibles, nous puissions le recevoir, parler de lui, nous puissions même le donner et l’annoncer, puisque, en dehors de nous, les hommes, les femmes et les enfants, qui dira Dieu, qui l’annoncera ?
Mgr Pascal Wintzer
Fête du Corps et du Sang du Christ, année C
22 juin 2025
Genèse 14, 18-20 ; psaume 109 ; 1 Corinthiens 11, 23-26 ; Luc 9, 11b-17
Frères et soeurs,
nous venons d’entendre une fois de plus le récit de la multiplication des pains, un récit important puisqu’il est rapporté par les 4 évangiles, et même 2 fois chez Matthieu et chez Marc avec des différences ; mais on trouve au moins 4 fois la mention des 5 pains et des 2 poissons. Dans l’évangile de Luc, cela va permettre de nourrir cinq mille hommes, et il y aura 12 paniers de reste ! Comment cela n’aurait-il pas frappé les gens : un miracle pas comme les autres.
Est-ce un tour de passe-passe, comme on a essayé de l’expliquer ? Une situation de crise qui se retourne, on ne sait pas comment, peut-être grâce au partage. En tout cas, si l’Eglise nous propose cet évangile pour la fête du Corps et du Sang du Christ, c’est que ce miracle de la multiplication des pains vient éclairer et donner du sens au mystère de l’Eucharistie, ce sacrement qui fait l’Eglise et dont nous vivons toujours depuis 2000 ans.
Tous se tient dans l’Evangile et c’est à nous d’essayer de comprendre, de relier entre eux les gestes et les paroles de Jésus. Ici nous sommes encore au début du ministère de Jésus, les apôtres reviennent de leur 1° mission ; Jésus parle longuement à la foule du Règne de Dieu et quand le soir arrive, les apôtres comprennent qu’il faut renvoyer cette foule, car ce n’est pas possible de la nourrir. Mais Jésus leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Entendons bien cette parole dans notre monde où trop de gens encore meurent de faim, - nous ne pouvons pas oublier la population de Gaza - où trop de communautés chrétiennes sont privées d’eucharistie. Les disciples lui répondent : « Mais nous n’avons que 5 pains et 2 poissons. » Pour Jésus, ce peu suffit pour que tous aient à manger, et l’incroyable se produit : Jésus prend les 5 pains, prononce sur eux la bénédiction, les partage et les donne aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. On ne saura jamais ce qui s’est passé, mais le sens pointe déjà vers ce dernier repas où Jésus prend du pain, le bénit, le partage et le donne à ses disciples en disant : Ceci est mon corps, donné pour vous. ». Tout se tient et vous savez que dans l’évangile de Jean, c’est après la multiplication des pains que Jésus dit à la foule : « Je suis le pain de vie. »
Aujourd’hui, c’est Paul qui nous rappelle le sens de ce dernier repas dans sa 1° lettre aux Corinthiens. C’est d’ailleurs le témoignage le plus ancien que nous ayons sur la célébration de l’eucharistie, sans doute vers l’année 55. Les évangiles seront composés bien plus tard. Paul a reçu cette tradition qui vient du Seigneur et la transmet à son tour, et c’est beau de savoir que ce sont ces mêmes paroles dont nous nous servons encore aujourd’hui pour célébrer l’eucharistie :
« Ceci est mon corps qui est pour vous, cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. »
Il y a un autre rapprochement étonnant, dans la 1° lecture, avec le pain et le vin que fait apporter Melchisédek, prêtre du Dieu très-haut : c’est la trace d’une alliance où Abram est béni et donne à Melchisédek, roi de Salem, la dîme, le dixième de ce qu’il avait pris. Comme le dit la lettre aux Hébreux en citant le psaume 109, Jésus, notre grand-prêtre, s’inscrit dans la lignée de Melchisédek et il choisit le pain et le vin, qui faisaient partie du repas juif, pour en faire le sacrement de son corps et de son sang, le mémorial de son sacrifice et le sacrement de la nouvelle alliance.
Il est grand, le mystère de la foi ! Nous ne pouvons pas l’exprimer en quelques mots d’homélie. Savez-vous qu’en latin, le mot sacramentum a le sens de mystère ; alors surtout n’en faisons pas une chose : ne mettons pas la main dessus, ne l’enfermons pas dans un tabernacle ; car ce n’est pas la présence physique du Christ, c’est la présence sacramentelle du Christ mort et ressuscité, présence réelle dans le sacrement ; il est là dans le pain consacré, il est là dans le vin consacré, et c’est à la fraction du pain qu’on le reconnaît. Dans l’évangile, le miracle a lieu au moment où le jour baisse, comme dans le récit des pèlerins d’Emmaüs.
Qu’allons-nous garder de cet évangile ? N’y a-t-il pas un appel de Jésus, quand il nous dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » ? Je pense à ceux et celles d’entre vous qui vont porter la communion aux malades : la sainte réserve eucharistique est destinée à cela. Ne venons pas le dimanche en simples consommateurs, laissons-nous manger en donnant notre vie.
Le P. Dominique Blanchet, ancien évêque de Belfort, maintenant à Créteil, a fait graver sur sa croix pectorale 4 pains et non pas 5 « Le 5°, dit-il, c’est moi-même, quand je participe à l’eucharistie et je m’offre à Dieu dans l’offrande du Christ. Ce pain-là ne manquera jamais. »
Frères et Sœurs, si nous venons à l’eucharistie le dimanche, c’est pour communier à la vie du Christ ressuscité, en le recevant et en nous offrant nous-mêmes. Alors tout prend son sens, comme le disait le patriarche Athénagoras : « Que peut-il y avoir de plus grand ? C’est la joie de Pâques, la joie de la transfiguration de l’univers. »
Oui, rendons grâce à Dieu et devenons « eucharistie ».
Frère Basile
Sainte Trinité
15 Juin 2025
Pr 8, 22-31 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15
« Dieu, personne ne l’a jamais vu » affirme st Jean.
Pourtant, nous fêtons notre Dieu aujourd’hui.
Comment pouvons-nous fêter celui que nous n’avons jamais vu ?
Oui, personne n’a jamais vu Dieu, et cependant Dieu s’est révélé.
Il est parole. Il s’adresse aux hommes qu’il crée.
En lui brûle un feu : le grand désir de partager sa vie et sa joie de Dieu,
avec nous qu’il crée pour cela.
Il est Don, et il se donne dans sa Parole.
Et l’impensable s’est produit : Dieu invisible s’est rendu visible.
« Dieu, personne ne l’a jamais vu », mais poursuit st Jean :
« Le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître. »
La Parole de Dieu a pris chair dans notre monde.
Elle a pris un visage au milieu de nous.
Un visage qui a une histoire :
celui d’un nouveau-né, advenu au monde dans la précarité,
celui d’un petit garçon au milieu de tous ses cousins et voisins,
d’un adolescent montant au Temple avec ses parents,
d’un jeune adulte aidant son père Joseph dans son travail de charpentier,
d’un homme libre, annonçant la présence du Royaume, appelant et envoyant des disciples en mission,
d’un homme rejeté, bafoué, condamné, supplicié,
d’un homme enfin transfiguré, ressuscité par la puissance de l’amour.
« Voici l’Homme. »
Cet homme-là n’est pas venu de lui-même, mais de Celui qui l’a envoyé.
« Vous me connaissez ? Et vous savez d’où je suis ? Je ne suis pas venu de moi-même. »
« Le Père et moi, nous sommes un. »
« Qui me voit, voit le Père. »
C’est de Celui-là que Jésus a témoigné dans tout son être, dans chacun de ses actes.
Jusqu’à risquer sa vie pour nous dire que le Père et lui sont UN dans un unique Esprit.
Jésus nous a révélé le Père et s’est révélé comme le Fils.
Et, ayant accompli sa mission, il nous a communiqué – il nous communique – leur Esprit, càd ce qui les fait vivre, leur communion intime.
Pourquoi donc Dieu s’est-il ainsi révélé ?
Ce n’est pas pour le connaître de façon extérieure,
c’est pour nous faire entrer dans sa vie même.
En lui, brûle un grand désir de partager sa vie et sa joie de Dieu.
Et je fais un pas de côté en pensant à la parabole du père et des deux fils chez st Luc.
Notre f. Yves, dans sa peinture du grand couloir de l’hôtellerie,
a représenté le père, scrutant avec une longue vue, le retour improbable de son fils prodigue.
Dans une lecture au réfectoire, il nous a été dit que le fils aîné, demeuré sur place, près du père,
était plus perdu que son frère prodigue.
Et je me dis que ce fils aîné, c’est l’opposé du Fils de Dieu.
Notre Père qui désire nous partager sa vie alors même que nous errons loin de lui,
ne regarde pas seulement à la jlongue vue si nous sommes de retour,
mais il envoie son Fils pour nous chercher au fond de nos abîmes ;
et ce Fils, loin de se désolidariser de nous comme le fils aîné de la parabole vis-à-vis de son cadet,
livre toute sa vie, dans le même élan d’amour que son Père, pour nous chercher et nous sauver.
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. »
« Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde,
mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »
« Je ne suis pas venu dans le monde pour faire ma volonté, mais celle de celui qui m’a envoyé. »
« Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».
On pourrait dire aussi :
« Quand je serai descendu au fond de vos abîmes, je vous attirerai tous à moi. »
« Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi,
et qu’ils contemplent ma gloire,
celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. »
Voilà la Trinité, le Dieu qui se donne à nous.
La Trinité, ce n’est pas un dogme intellectuel, c’est la réalité du Dieu vivant, Source jaillissante, Don infini, qui ne cesse de déborder, de s’offrir.
Que le Christ nous arrache à nos errances, nous conduise avec lui dans le Cœur du Père,
que l’Esprit nous rassemble en un seul corps, à la louange et à la gloire du Père !
Qu’il nous conduise à la vérité tout entière, la vérité de l’amour vécu !
Frère Hubert