Homélies
Liste des Homélies
Année A - VIGILE PASCALE 12.04.2020
Rm 6, 3-11 ; Mt 28,1-10
Homélie du Père Abbé Luc
Frères, En ces jours où nous disons volontiers que nous sommes en « guerre sanitaire », parmi les nombreuses images par lesquelles cette vigile nous fait entrer dans le mystère de la résurrection du Christ, je retiens l’image du combat. Jésus qui entraine son peuple dans le passage de la mort, pour ressusciter avec lui, est le « guerrier des combats », comme nous l’avons chanté avec le cantique de Moïse… « Fuyons devant Israël », s’étaient écrié les égyptiens, « car c’est le Seigneur qui combat pour eux contre nous ». Cette image guerrière peu sympathique à nos oreilles et à nos regards modernes peut cependant nous faire pressentir combien, dans la résurrection de Jésus, des forces d’un autre ordre sont entrées en jeu qu’on a peine à imaginer, dans un combat entre le mal et le bien, entre la mort et la vie. La mention d’un tremblement de terre dans l’évangile de Matthieu au moment de la résurrection veut peut-être nous faire pressentir ce bouleversement profond à l’oeuvre. Que ce cadavre broyé et défiguré puisse se transformer en un être de lumière, présent d’une façon qui échappe à nos sens immédiats, est inimaginable pour nous. Cela dépasse notre entendement. Le regard de la foi entrevoit quelque chose de grandiose : la puissance divine est à l’œuvre, elle fait sauter les entraves si prégnantes à nos yeux de la souffrance et de la mort. L’apocalypse a essayé d’exprimer cette réalité à travers le récit imagé d’un immense combat cosmique. Le Christ y apparait, entre autre, sous la figure d’un cavalier sur un cheval blanc. « Et, affirme l’Apocalypse, celui qui le monte s’appelle Fidèle et Vrai, il juge et fait la guerre avec justice » (Ap 19, 11). C’est Lui, le « Témoin fidèle, premier-né d’entre les morts, prince des rois de la terre » (Ap 1, 5). De cette vision de cavalier vainqueur, nous avons la chance à Auxerre d’avoir une représentation unique. Le fresquiste roman y suggère à travers les traits empreints de douceur et de force du cavalier, combien il a compris que le Christ ne pouvait avoir remporté cette immense victoire que par sa douceur et par son humilité. « Point de sceptre par quoi tu domines, sinon ta croix », chantons-nous dans une hymne pour le Christ Roi.
Ce soir, nous accueillons dans la foi cette bonne nouvelle : Jésus Ressuscité règne sur la mort au prix d’un lourd et profond combat mené en ce lieu de déréliction où tant d’hommes et de femmes se trouvent encore. Avec reconnaissance, nous l’avons chanté, Lui la Lumière qui perce nos ténèbres pour leur ôter leur pouvoir générateur de désespérance. Dans la mémoire de notre baptême, nous nous laisserons entrainer par lui, à la joie d’être délivré de la fatalité du mal et du péché. Jésus, cavalier vainqueur par sa douceur, nous associe désormais à son combat, avec les armes de sa Parole et de son Esprit. Pain et vin, vraie nourriture, il se fait notre vie. Il nous unit à Lui pour qu’à travers nous son Corps qu’est l’Eglise, sa Vie de Ressuscité soit lumière et joie pour tous les hommes. Dans l’accueil d’un si grand mystère, nous rendons grâce avec reconnaissance.
Année A - VENDREDI SAINT 10.04.2020
Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42 -
Dans l’oraison qui a ouvert cette célébration, nous demandions : « Montre-nous ton amour, nous voulons suivre le Christ qui marche librement vers sa mort ; soutiens-nous comme tu l’as soutenu ». Nous voulons suivre le Christ « qui marche librement vers sa mort »… Par sa prière, l’Eglise nous entraine à oser affronter la mort comme Jésus, librement. Si spontanément, nous avons tendance à fuir la mort et à en éloigner le plus possible la pensée, cet office nous permet de regarder Jésus libre devant sa propre mort. Il est là, non sans angoisse, ni sans avoir connu douleur jusqu’à l’extrême. Mais il est là libre dans la décision d’affronter la mort comme le moment décisif de l’œuvre qu’il est venu accomplir. Hier soir, nous chantions : « Dans sa lutte jusqu’au sang, ta liberté en se perdant se donne et se retrouve en ton obéissance ». Mystère de la liberté de Jésus qui, sous l’apparente soumission aux évènements et aux bourreaux, se manifeste très grande et très profonde comme une obéissance au Père. C’est la liberté de Jésus qui donne à sa croix, toute sa lumière et tout son éclat. Aussi pouvons-nous la vénérer comme « bienheureuse ». En effet, de ce lieu de liberté, nous acquérons nous aussi la liberté. La mort qui est vaincue-là ne nous tient plus sous son emprise. De ce lieu de lumière, nous est offerte la grâce d’oser nous avancer plus confiant devant la mort, afin de non pas la subir, mais d’y consentir. Oui, osons recueillir et demander cette grâce de confiance et d’abandon en ces jours d’épidémie qui remettent sous nos yeux, de manière crue, notre condition mortelle et finie. Sous ce lieu de grâce qu’est la croix, tenons-nous avec audace, dans la prière pour nous-mêmes, et dans l’intercession pour tous nos contemporains qui sont désemparés, perdus face à la mort.
JEUDI SAINT - 09.04.2020 -
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé Luc
Frères,
Les circonstances présentes nous frustrent de la présence des hôtes mais aussi de la possibilité de vivre le geste du lavement des pieds. La prudence nous impose ces restrictions. Est-ce une fatalité à subir ? N’y-a-t-il pas aussi une grâce à recueillir ? J’en vois une assez immédiate offerte par la disposition des chaises qui entourent l’autel, comme rarement nous le vivons aussi nettement. Cette disposition nous permet de mieux méditer la parole que Jésus laisse à ses disciples en Luc dans le contexte du dernier repas, proche de celui de Jean que nous venons d’entendre : « eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Lc 22, 27). Dans le mémorial que nous célébrons ce soir, et en chaque eucharistie, Jésus est là au milieu de nous. Il est au milieu de nous, en l’Autel qui le représente, au milieu encore comme le Prêtre, de l’Alliance nouvelle, enfin, il est au milieu de nous comme la victime, qui s’offre pour notre salut. Comme le suggère une belle préface du temps pascal, le Christ, au milieu de nous, « est à lui seul l’autel, le prêtre et la victime » (Pref. TP. 5).
Je voudrais reprendre chacun de ces trois aspects de la présence du Christ au milieu de nous, en les distinguant, sachant qu’ils n’en font qu’un. Comme l’autel, Jésus est là « au milieu » de nous. Jésus avait prévenu ses disciples : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,20). Le rassemblement des disciples en petite Eglise domestique, appelle et consacre la présence de Jésus au milieu des siens. Toutes nos prières, toutes nos liturgies sont habitées par cette présence de Jésus Vivant Ressuscité « au milieu » de nous. A plus forte raison, aujourd’hui, en ce mémorial de son dernier repas, qui anticipe sa mort et sa résurrection, Jésus se tient « au milieu de nous ». Il est heureux d’en raviver notre conscience. Le fait qu’il soit « au milieu », nous décentre de nous-mêmes. Tout converge vers lui, l’autel. Il est le lieu parfait du sacrifice. En Jésus, nous avons le seul autel qui plaise à Dieu. En Lui, l’humanité pleinement réalisée, trouve le vrai lieu du don de soi. Que nos regards convergent vers l’autel pour reconnaitre en Jésus le lieu de la véritable offrande et pour apprendre de lui à devenir nous-mêmes autel, lieu d’offrande véritable. Que nos cœurs se tournent tous ensemble vers l’autel pour y apprendre les uns avec les autres la vraie unité qui est un sacrifice d’agréable odeur rendu à Dieu. Et de l’autel, notre centre, notre rocher, nous recevrons la force et l’énergie pour nous donner à tous nos frères.
Au milieu de nous, le Christ est le Prêtre. Comme l’a si bien médité, l’auteur de l’épitre aux Hébreux, le Christ mort en croix par amour pour nous est devenu le Prêtre de la nouvelle Alliance. Si dans la première alliance, seul le grand prêtre pouvait avoir accès au sanctuaire dans le temple du Seigneur, le saint des saints, Jésus est désormais le Vrai Grand Prêtre qui a accès en son corps offert et glorifié au sanctuaire des cieux. Pour nous, il est devenu le Médiateur de l’Alliance nouvelle en son sang versé. En chaque célébration, il est au milieu de nous, Grand Prêtre de son Corps qu’est l’Eglise. Au milieu de nous, à travers la figure de l’assemblée, peuple de prêtres, présidée par un ministre ordonné au service de son peuple, le Christ Grand Prêtre poursuit son oeuvre de médiation et de salut pour nous et pour le monde, afin de nous rassembler et de nous porter tous ensemble à son Père.
Au milieu de nous, le Christ est la victime. Lui le serviteur qui a lavé les pieds de ses disciples, il s’est donné lui-même jusqu’au bout. Tel un esclave, compté pour rien, il a consenti à être bafoué, méprisé. Il s’est livré en son corps et son sang, donné et versé pour nous : vrai sacrifice qui plait à Dieu plus que tous les holocaustes d’animaux. En participant à chaque eucharistie, en particulier ce soir en cette commémoration de la Ste Cène, nous accueillons avec action de grâce et gratitude le don du salut par le Christ-victime qui s’est offert pour nous. Dans le même temps, nous nous unissons au mouvement d’offrande de Jésus. Avec Lui, nous prenons part au « sacrifice de louange pour notre rédemption et pour le salut que nous espérons ». En nous unissant à Jésus, nous apprenons à devenir serviteur comme lui de nos frères. Nourris de son corps et de son sang, nous devenons nous-mêmes « une vivante offrande à la Gloire de Dieu ».
Frères, rendons grâce d’être ainsi associé à la célébration de notre Salut. Il est grand le mystère de la foi : « Christ est parmi vous l’espérance de la Gloire (Col 1,27)».
Année A - Dimanche des RAMEAUX - 05.04.2020 -
Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Mt 26,14 – 27,66
Homélie du Père Abbé Luc
Frères,
« Sauve-toi toi-même » ont lancé à Jésus les passants qui sont au pied de la croix. Jésus ne répond rien. Il demeure là cloué sur le bois dans une totale impuissance. Il aurait pu faire « appel à son Père » qui aurait mis « à sa disposition plus de douze légions d’anges. » Mais il n’en a rien fait. Il est là en consentant d’être sans secours, dans l’angoisse. Ainsi va-t-il jusqu’à l’extrême du partage de notre condition humaine, finie et mortelle, elle qui se sent si souvent abandonnée par Dieu, comme une quantité négligeable, nulle. Il est là comme un homme jusqu’au bout sans tricher. Lui qui était de condition divine s’est anéanti jusque-là. Mot à mot, il s’est vidé, creusé jusque-là. En cet instant, sa relation avec son Père se réduit à ce cri : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ». Avec lui, Jésus, notre humanité s’est vidée de toutes ses prétentions à se sauver elle-même ou à exister par elle-même, pour n’être que creux, vide, attente tournée vers le Père qui seul peut donner la Vie, la vraie Vie.
Durant cette semaine, contemplons Jésus qui s’abaisse et se creuse pour laisser toute la place, en notre humanité, à la puissance de la résurrection. Acceptons de dire avec Pierre que « nous ne connaissons pas cet homme », car sa démarche d’abandon et de totale remise de lui-même nous est profondément étrangère. La reconnaitre, la faire nôtre ne peut être qu’une grâce à demander, à désirer et à accueillir. Comme nous le faisions au début de cette célébration, demandons de retenir « les enseignements de la passion », pour comprendre « quel abaissement nous devons imiter », « afin d’avoir part à sa résurrection ».
Année A - 5e DIMANCHE DE CARÊME – 29 mars 2020
Ez 37, 12-14 ; Ro 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45 ;
Homélie du f. Hubert -
« Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »,
ainsi parlent successivement Marthe et Marie.
« Seigneur, descends, avant que mon enfant ne meure ! », disait au chapitre 4 le fonctionnaire royal.
La présence corporelle de Jésus est-elle nécessaire pour empêcher la mort de faire son œuvre ?
Mais de quelle mort, de quelle vie, s’agit-il ?
Jésus a guéri le fils du fonctionnaire, il a rendu la vie à Lazare ; leur vie dans ce monde s’est poursuivie,
cependant, ils ont rendu plus tard leur dernier souffle, comme tout un chacun.
Leur guérison nous est donnée comme un signe, pour nous conduire au-delà d’elle-même.
Les miracles de Jésus n’arrachent pas leurs bénéficiaires – ni nous-mêmes aujourd’hui –
à la condition humaine. Ils ont pour but de manifester qui est Jésus, et de nous conduire à la foi en lui.
C’est ainsi que Jean conclut son évangile par ces mots :
« Il y a beaucoup de signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. ».
« Pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. ».
Dans son homélie de l’Annonciation,
le père abbé nous parlait de l’hospitalité mutuelle de Dieu et de l’homme :
Dieu accueilli par Marie dans notre humanité, pour que nous soyons accueillis par Dieu dans sa divinité.
Ce que Jésus nous apporte n’est pas seulement une vie terrestre sans mort,
mais le partage de la vie divine elle-même.
« Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. »
« Même s’il meurt » : il s’agit bien d’un au-delà de notre mort physique, terrestre.
Dieu nous promet sa vie divine, pour l’au-delà de la mort,
mais aussi dès aujourd’hui, comme une source vive, inépuisable, dans notre vie humaine quotidienne.
Jean témoigne de la victoire de Jésus sur la mort, et d’abord sur sa propre mort.
Cette victoire ne s’accomplit que dans une confrontation totale entre le Vivant et la Mort,
une confrontation que Jésus n’a pas fui.
Jean souligne toute l’épaisseur et la réalité du combat de Jésus.
Si à Cana, où il transforme l’eau en vin, la tristesse en exultation,
son « heure n’est pas encore venue », maintenant cette heure est venue.
Jésus a fui au-delà du Jourdain, car on voulait le lapider.
Il sait ce qu’il risque en revenant en Judée,
et il ne se laisse pas détourner de son chemin par les réactions des disciples.
Le don de la vie qu’il nous offre nécessite cette confrontation totale à la Mort
dans ce qu’elle a de plus absolu.
Son heure est venue et il en est bouleversé.
C’est bien Jésus en effet que le récit nous présente confronté à la mort, bien plus que Lazare :
précédé par l’essai de lapidation,
il est suivi de la décision de l’arrestation et de la mort de Jésus, avec l’intervention décisive de Caïphe.
Il est aussi précédé et suivi par la mention de l’onction du Seigneur par Marie, à Béthanie,
mise en lien par Jésus lui-même avec son ensevelissement.
Quant au retour de Lazare à la vie, il est l’occasion immédiate de la condamnation définitive de Jésus par le grand Conseil.
« Les larmes de Jésus, ce sont les larmes de Dieu devant la mort qui sépare les êtres.
Ce sont en même temps les larmes de Celui qui doit consentir à l‘épreuve », écrit le p. Léon-Dufour.
« Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »,
« Oui, Jésus aurait pu éviter que Lazare meure !
Mais à sa propre mort, il ne peut se soustraire, il ne peut pas ne pas déposer sa vie,
car tel est l’itinéraire du Fils de l’homme, tel est l’ordre que Jésus a reçu de son Père. »
écrit encore le p. Léon-Dufour.
La présence corporelle de Jésus est-elle nécessaire pour empêcher la mort de faire son œuvre ?
Jésus aurait pu rendre la vie à Lazare par sa seule parole,
mais il a été pleinement là, dans toutes les composantes de son être,
à l’agonie de Gethsémani et sur la croix ;
il a été pleinement là pour porter l’absolu de la mort, du péché, de l’anti-amour.
C’est parce qu’il a été là – jusque-là – que la mort est vaincue et la vie victorieuse.
S’il n’avait pas été là, la mort ne serait pas vaincue.
Mais il a été là, et c’est ce que nous célébrons dans chaque eucharistie,
ce que nous allons particulièrement célébrer en cette Semaine Sainte 2020,
où un tiers de l’humanité est confinée et où beaucoup affrontent la mort et le deuil.
Le Christ ressuscité est au-delà de nos contingences de temps et d’espace.
« Il n'est pas retombé en arrière mais il est ressuscité,
il n'est pas revenu, il a passé outre », dit st Bernard.
Ressuscité, il est là, présent à chacun en tout temps et en tout lieu
Que l’épreuve nous conduise au chemin de la vraie vie,
qu’elle soit pour la gloire de Dieu, pour la vie divine répandue en toute créature !
ANNONCIATIONb- 25.03.2020 -
Is 7, 10-14, 8, 10 ; Ps 39 ; He 10, 4-10 ; Lc 1, 26-38
Homélie du P.Abbé Luc
Frères,
Je disais au début de la célébration que cette fête de l’Annonciation nous donnait de célébrer un mystère de mutuelle hospitalité. Oui Dieu est accueilli dans le sein de la Vierge Marie afin que toute l’humanité en Jésus glorifié soit accueillie en son sein, devenant participante de sa nature divine. Mystère de l’inhabitation de Dieu en notre nature humaine et notre humanité en la nature divine vécue sur le mode de l’hospitalité.
Parler d’hospitalité mutuelle c’est dire un échange, un accueil où chacun joue son rôle dans le respect de l’autre. Dans la lumière du dessein de Dieu qui désire réunir à Lui tous les humains dans sa joie et dans sa lumière, chacun est appelé à donner son consentement à ce projet d’hospitalité. Comme le suggère l’épitre aux Hébreux, l’acteur principal est le Christ qui entrant dans ce monde dit « me voici, mon Dieu, pour faire ta volonté ». Il consent à recevoir et à habiter un corps. Lui qui est de condition divine, il accueille notre condition humaine mortelle pour la porter, à travers une naissance, la souffrance et la mort pleinement assumées, et par sa résurrection, à la gloire divine où notre humanité sera transfigurée. Et au « me voici » du Christ répond le « voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole » de Marie. Par son consentement, Marie ouvre la porte de notre humanité à ce projet divin.
En contemplant ce mystère, que retenir pour nous aujourd’hui ? Notre Dieu est un Dieu qui s’engage au service de notre humanité dans le désir de lui faire partager la plénitude de sa vie. En Jésus, le Christ, il se vide, il renonce pour nous donner place. Ce projet divin déjà accompli une fois pour toute en Jésus mort et ressuscité, il nous revient les uns et les autres, de le faire nôtre par la foi. Avec Marie et à sa suite, il nous revient d’ouvrir notre cœur, notre être, pour qu’il s’accomplisse pleinement. « Me voici Seigneur». Dans ces trois mots, nous avons à notre disposition une des plus belles prières qui soit. La reprendre tout au long de ce jour, la laisser nous pacifier en nous apprenant l’abandon qui libère. Nous savons aussi que sous ces mots se cache un vrai combat de renoncement et d’oubli de soi. Les prononcer, c’est aussi les recevoir comme une grâce. En ces jours de souffrance et d’angoisse pour beaucoup, nous pouvons aussi les reprendre en pensant à toutes ces personnes désemparées ne savent vers qui se tourner.
Année A -4 dimanche de Carême - 22 mars 2020
Sam 16 1-13 ; Eph 5 8-14 ; Jn 9 1-41
homélie du F.Damase
La liturgie du Carême nous prépare à la Vigile pascale. Cet évangile de l’aveugle-né nous situe devant une décision à prendre lors du renouvellement des promesses de notre baptême.
Quatre attitudes sont présentées à travers les réactions / des disciples, de l’aveugle, des parents, des pharisiens ! Qui sera mon modèle ?
1° attitude - celle des disciples - Ils posent la question que nous nous posons face à un malheur - Pourquoi ? Qui est responsable ? Jésus répond clairement : La souffrance n’est pas nécessairement la faute de telle personne ! Ainsi la guérison de l'aveugle manifeste l’action de Dieu à travers des événements. Christ met la lumière là où l’homme est affronté aux ténèbres.
2° attitude - celle de l’aveugle - Depuis sa naissance, cet homme vit dans la nuit…et Jésus l’enfonce dans sa nuit en lui mettant de la boue sur les yeux ! Puis il l’envoie se laver à la piscine de Siloé, au contact de l’eau vive. - Jésus est ainsi Lumière pour cet homme.
Même si l’aveugle voit clair, il ne comprend pas ! - Il affirme son ignorance ; mais aussitôt il affirme : « Dieu n’exauce pas les pécheurs. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » !
Peu après, Jésus questionne. « Crois-tu au Fils de l’Homme ? » - alors il répond de façon lumineuse : "Je crois, Seigneur !" Et il se prosterne ! Alors Jésus affirme devant la foule : " Je suis venu en ce monde pour une remise en question, pour une décision. Jésus affirme que l'aveugle a reçu la lumière, en changeant son regard sur Dieu, sur le monde.
Nous aussi, n’avons-nous pas à remettre en question nos réactions si nous voulons être sensible à la lumière du Christ ?
3° attitude -celle des parents - d’abord ils font notre admiration, comme tout parent d’un enfant handicapé. Ils aiment leur fils et l’aident à mener une vie d’adulte…
Ils ont répondu aux premières questions des enquêteurs, puis ils refusent d’aller plus loin. Ils ont peur d’être exclus de la communauté. Nous les comprenons très bien. Nous aussi, nous sommes parfois paralysés par la peur, (rompre avec la tradition du village, avec les coutumes de la famille … affronter le qu’en dira-t-on…).
Comme cet homme et cette femme, nous hésitons quand Christ nous demande d'aller au-delà d'une vie chrétienne, un peu formelle, extérieure… quand Christ veut nous entraîner jusqu'à sa passion, sa croix.
En dernier lieu, quelle est l’attitude des pharisiens ? - Ils sont divisés, troublés. L’aveugle leur a dit :"Comment un pécheur pourrait-il accomplir de tels signes ? ». Ils sont déstabilisés entre la réalité du geste du Christ et la Loi qu'ils observent. Eux aussi n'osent pas trancher dans leurs habitudes !
Puis, ils osent dire leurs incertitudes : "Serions-nous aveugles ?". Ils entrevoient que quelque chose devrait changer. Ils n’osent pas faire ce pas dont Jésus vient de leur parler : remettre en question la cuirasse de leurs certitudes !
Ils hésitent, alors que l’aveugle parcourt le chemin de la foi : « cet homme Jésus ; Moi, je l’appelle : Seigneur ».
Ce n’est pas facile de passer de « ses certitudes incertaines » à l’acte de foi - à la confiance en un autre ! C’est une décision d’homme certes, c’est aussi un don de Dieu !
En ce dimanche, l'itinéraire de l'aveugle-né proposé aux catéchumènes, peut devenir le nôtre : passer de nos certitudes incertaines – à l’acte de foi : Christ est LUMIERE pour moi.
Et notre mission est d’aider hommes et femmes de bonne volonté, mais habités par la peur, ou enfermés dans un système rigide à évoluer vers le Christ LUMIERE
621 mots
St Joseph - Jeudi 19 mars 2020 –
2S 7,4 -16 ; Ps88 ; Rm 4, 13 .. 22 ; Mt 1, 16 .. 24a
Homélie du F.Damase
Il y a des saints dont la vocation admirable est inimitable. D'autres ont tracé un chemin de sainteté accessible à tous. Saint Joseph tient des deux.
Il a veillé sur la vie cachée du Rédempteur. Il a pleinement mérité d'être appelé « père de Jésus » et « époux de Marie ». Il a eu un rôle unique à jouer dans l'accomplissement du mystère de l'Incarnation.
Mais sa vie nous transmet un message de sanctification par les « vertus communes », qui s'adresse à chacun, quel le que soit sa vocation.
A côté du chemin de Marie résumé en une parole, « fiat »,
celui de Joseph tient en deux mots silencieux : « il fit ».
En Joseph, l'Église trouve l'attitude fondamentale que Dieu attend d'elle :
l'écoute continuelle de sa Parole,
et la disponibilité sans partage au service de l'économie du salut.
Contempler Joseph,
c'est emprunter nous aussi son chemin d'homme « devenir un juste » selon le cœur de Dieu.
Année A - 3ème dimanche Carême – 15/03/2020
(Exode 17,3-7 ; Romains 5,1-8 ; Jean 4,1-42)
homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Au cours de ces 3 dimanches de Carême qui viennent, nous entendons dans l’Evangile selon St Jean, le récit de 3 rencontres décisives entre Jésus et des hommes et des femmes ordinaires, qui auraient pu être nous. Rencontres merveilleuses et déroutantes tout à la fois. Déroutantes, parce qu’elles font changer de route celle ou celui qui en a été le bénéficiaire, mais déroutante aussi, par le fait que tout ne s’est pas passé comme on aurait pu le prévoir. Je pense ici au titre d’un livre de votre ancien évêque, chers amis de l’hospitalité de Nevers : le Père Francis Deniau : « Jésus, un ami déroutant ».
Les lieux de ces rencontres sont importants. Au bord d’un puits pour la samaritaine, d’une piscine pour l’aveugle-né, ou d’un tombeau pour Lazare et ses sœurs Marthe et Marie. 3 lieux hautement symboliques dans la Bible, car ils sont des symboles de vie, de guérison ou de mort.
Aujourd’hui nous voyons Jésus près du puits de Jacob. Il est fatigué, après une longue marche, accablé par le soleil de midi. Il a soif, un besoin très naturel, très incarné et il en fait part à une femme : « donne moi à boire, toi qui peux me venir en aide avec ta cruche et ton savoir-faire de puiser l’eau. S’en suit alors une longue conversation entre les deux. La femme a une 1ère réaction d’étonnement : « toi, un juif, tu me demandes de l’eau, à moi, une samaritaine ». Elle cherche ensuite à maîtriser l’échange un peu par séduction un peu par provocation : « tu n’as rien pour puiser et le puits est profond. Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits et qui en a fait boire l’eau à ses fils et à ses bêtes ? »
Très vite pourtant, nous assistons à un retournement de situation. La soif change de côté. Au cœur de l’échange, la samaritaine va découvrir en elle une soif qu’elle n’avait jamais connue auparavant. Prisonnière de ses besoins tant affectifs et corporels (besoin d’aimer et d’être aimée, en passant d’un homme à un autre par 5 fois, voire 6), que besoins religieux et spirituels d’adorer Dieu, mais sur quelle montagne : celle de Samarie qui est là, ou celle de Judée à Jérusalem ? Jésus va la libérer de ses besoins insatisfaits, en la faisant accéder à un désir plus profond, plus intérieur. Son cœur en effet est en attente et en capacité de recevoir une eau vive dont la source est l’Esprit Saint, Esprit d’amour et de vérité.
Comme nous le chanterons dans la Préface de ce jour : « en demandant à la samaritaine de lui donner à boire, Jésus faisait à cette femme le don de la foi. Il avait un si grand désir d’éveiller la foi dans son cœur qu’il fit naître en elle l’amour même de Dieu ».
Ces mots de la Préface à la prière eucharistique consonnent pleinement avec ceux que Saint Paul adressait aux chrétiens de Rome dans la seconde lecture que nous avons entendue : « l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ».
Frères et sœurs, cette femme de Samarie est la figure de notre humanité livrée à elle-même, trop souvent victime de son désordre qui la conduit à ces impasses que sont les faillites conjugales et affectives ou à ces errances spirituelles qui sont autant de détresses religieuses. Une humanité en état de soir inextinguible, empêchée d’atteindre la plénitude de l’amour pour laquelle elle a été créée et dont la nostalgie la fait mourir de soif.
C’est là que Jésus nous attend pour confesser notre soif d’amour et de vérité. L’eau vive qu’il promet à la samaritaine et qu’il nous promet à chacune, chacun d’entre nous aujourd’hui, c’est l’Esprit Saint qui s’écoulera de son côté transpercé sur la Croix, quand Il criera une nouvelle fois avant de mourir : « j’ai soif ». Au début et au terme de son évangile, le disciple bien-aimé rappelle cette soif, ce grand désir de Jésus de communiquer son amour divin pour tous les hommes.
Alors, avec nos frères et sœurs en démarche de catéchuménat, lors de ce premier scrutin, faisons-monter vers le Seigneur les paroles du Psalmiste :
« Scrute-moi, mon Dieu, tu sauras ma pensée, éprouve-moi, tu connaitras mon cœur. Conduis-moi sur les chemins d’éternité. Comme un cerf altéré qui cherche l’eau vive, mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ».
Et j’aimerais aussi pour terminer vous citer quelques vers d’un grand poème composé par une mystique allemande du Moyen Age : Gertrude de Helfta :
« En Toi, Cœur de Jésus, en Toi mon Cœur se réfugie
,
- Notre monde se meurt, notre monde Te perd,
- Notre monde pourtant Te cherche tant il a soif de Toi.
En Toi, Cœur de Jésus, en Toi, j’apaise ma soif,
- Le monde se dessèche car il est sans amour.
- Le monde a soif d’amour, mais il ne le sait pas.
Alors, je viens à Toi, Jésus, dans ton Cœur je me réfugie.
- Ton Cœur si plein d’Amour et de Miséricorde.
Alors, je viens vers Toi, la Source de l’Amour.
- La Source de la paix,
- Et tes fleuves d’eau vive, en apaisant ma soif.
- Me comblent de ta Vie ».
Année A - 2° Deuxième dimanche de Carême, 8 mars 2020
Gen 12 1-4 ; 2 Tim 18-10 ; Mt 17 1-9 ;
Homélie du F.Bernard
Nous débutons chaque année les dimanches de Carême par deux Évangiles certainement pleins de sens, mais aussi bien mystérieux. Nous ne sommes jamais sûrs d’avoir commencé à les comprendre vraiment. D’abord le récit de la tentation du Seigneur dans le désert, le 1er dimanche : il nous a parlé de la profondeur du mal, bien présent en nous et dans le monde. Puis le récit de la transfiguration de Jésus sur la montagne, ce 2ème dimanche : il ravive en nous l’espérance d’avoir part un jour à la gloire de Dieu.
Six jours après, ainsi commence ce récit. Mais ces premiers mots n’ont pas été retenus par la version liturgique que nous venons d’entendre. Six jours après quoi ?... Après ce moment d’exception où Pierre pour la première fois, au nom des Douze, à Césarée a confessé Jésus, Christ, Fils du Dieu vivant. Puis à la suite, comme en réponse, Jésus a annoncé, aussi pour la première fois, qu’il allait monter à Jérusalem, être rejeté par les autorités religieuses de son peuple, souffrir sa Passion et le troisième jour ressusciter. Mais cela, Pierre l’a refusé net : Non, Seigneur, cela ne t’arrivera pas.
Six jours après donc, Jésus monte sur une haute montagne et emmène avec lui trois disciples, trois seulement, Pierre, Jacques et Jean, ceux qu’il a voulu associer plus étroitement à sa destinée d’épreuve et de gloire. Ils seront aussi avec lui lors de sa prière à Gethsémani, juste avant sa Passion.
Sur la montagne, le visage de Jésus resplendit de gloire, et la présence à ses côtés de Moïse et d’Élie manifeste qu’il est bien le Oui des promesses de Dieu, l’accomplissement de la Loi et des prophètes, le Messie qu’attendait Israël.
Ainsi la transfiguration vient-elle confirmer de la part de Dieu la confession de foi que Pierre avait faite à Césarée. Moment de plénitude donc que Pierre bien sûr voudrait faire durer. Il propose de construire trois tentes, une pour chacun des interlocuteurs de la vision, à l’instar de la tente de réunion où au désert Dieu venait rencontrer Moïse.
Mais ce moment de gloire ne peut durer. La nuée, d’ombre et de lumière, qui déjà au désert manifestait la présence de Dieu fait place à la vision. Puis, de la nuée, une voix se fait entendre : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le.
Écoutez quoi ? Précisément ce que Pierre trois jours auparavant avait refusé d’entendre, l’annonce de la Passion- Résurrection du Seigneur. Ainsi la transfiguration vient-elle confirmer le passage nécessaire de la croix pour Jésus. Et la croix est le chemin obligé vers la Gloire.
Mais peut-être pouvons-nous continuer à contempler le Seigneur sur la montagne, en faisant appel au quatrième évangile ? Celui-ci repose en particulier, nous le savons, sur le témoignage du disciple que Jésus aimait, sans doute l’un des trois disciples qu’il avait emmenés sur la montagne, l’apôtre Jean. Au pied de la croix, ce disciple a vu jaillir l’eau et le sang du côté transpercé de Jésus. Il s’est alors rappelé la parole du prophète : Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé (Za 12, 10), et encore ce que le Seigneur avait dit : élevé de terre, j’attirerai tout à moi (Jn 12,32). Il a compris qu’à Pâques la croix devenait le lieu de la gloire du Seigneur, le lieu où il nous est donné de le voir siégeant à la droite du Père.
Saint Paul ajoutera : contemplant comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image toujours plus glorieuse (2 Cor 3,18). Ainsi la transfiguration du Seigneur révèle-t-elle notre propre destinée, comme nous le chantions au début de cette eucharistie : Jésus, Splendeur du Père, tu connaîtras la mort pour nous transfigurer.
Mais nous n’avons encore rien dit des deux premières lectures de la liturgie de ce jour. Elles sont pourtant bien importantes, surtout la première, le récit de la vocation d’Abraham (Gn 12, 1-4), qui inaugure en quelque sorte l’histoire sainte, l’histoire des relations du Seigneur avec son peuple, l’aventure de l’Alliance. La vie d’Abraham, c‘est une vie de renoncement, d’épreuve, mais aussi une promesse d ‘avenir inouïe. Dieu lui dit : Tu deviendras une bénédiction. En toi seront bénies toutes les familles de la terre. Et saint Paul d’ajouter : en toi et en ta descendance, c’est-à-dire le Christ (Ga 3,16). Dans la destinée d’épreuves et de bénédictions du patriarche, se dessine déjà la Passion du Seigneur et sa Résurrection en gloire.
Il en va de même pour nous tous de quelque manière. C’est ce que laissait entendre saint Paul à son disciple Timothée : il nous faut prendre part aux souffrance du Christ pour l’annonce de l’Évangile, afin que resplendisse la vie et l’immortalité dan l ’annonce de ce même Évangile ( cf 2 Tm 1, 8b-10). - 8mars 2020