Homélies
Liste des Homélies
Année A - 16ème dimanche ordinaire - 19 Juillet 2020
Sg 12,13.16-19; Rm 8,26-27; Mt 13,24-43
Homélie du F.Damase
Cet Evangile nous rapporte trois paraboles, je voudrais relire avec vous la première, celle du bon grain et de l’ivraie ; car elle traite d’une question qui nous travaille tous : la présence du mal dans le monde et la nécessité de l’espérance !
1) Ce monde est-il absurde ? Si Dieu est bon et tout puissant - Pourquoi tant de souffrance, de violence, d’injustice ? Jésus nous donne une réponse, sur l’origine et la présence du mal dans le monde, sur la victoire définitive du Royaume !
Pour expliquer l’origine du mal dans le monde, Jésus reprend l’enseignement de la Genèse sur la création. Tout ce que Dieu a fait est bon. Le mal ne vient pas de Dieu, le semeur n’a semé que du bon grain.
Mais Jésus ajoute une précision importante : le mal ne vient pas du cœur de l’homme. Le mal existe avant l’homme : l’homme lui-même est victime de celui que Jésus appelle l’Ennemi, le Mauvais, le démon.
A la racine de nos faiblesses, de nos péchés, il y a une puissance qui agit en nous - elle est en nous, mais elle n’est pas nous-mêmes, nous ne savons pas d’où nous viennent ces « mauvaises idées ».
Jésus ne dit-il pas que c’est : « pendant que les gens dorment, que l’ennemi survient ». Le blé est semé en plein jour, l’ivraie est semée en cachette, en profitant d’un moment d’inconscience, d’inattention !
N’est-ce pas une expérience que nous faisons très souvent ? Le mal s’infiltre sournoisement dans notre vie, à notre insu : nous ne nous en apercevons qu’après ….
Jésus insiste : le pécheur est d’abord une victime - l’ivraie est semé pendant la nuit ! Le cœur de l’homme est BON - Dieu a inscrit en lui ce désir du bien….
Même si telle personne nous semble enfermée dans la violence ou la méchanceté, Il y a encore et toujours une lueur d’espoir - le cœur de l’homme est mêlé - Il n’y a pas « d’un côté des bons et de l’autre des méchants ». Mais « au milieu de l’ivraie, il y a du bon grain » ! le cœur de l’homme est mêlé
2) Cette parabole du bon grain et de l’ivraie souligne un autre enseignement tout aussi important, c’est la victoire définitive du bien
Le dialogue des serviteurs avec leur maître met en relief la prolifération de l’ivraie. Il y a tant de mauvaises herbes que les serviteurs demandent à leur maître si « par hasard », il ne se serait pas trompé de sac – si par hasard, il n’aurait pas lui-même semé de la mauvaise graine » ! Et le maître répond du tac au tac : « n’arrachez pas l’ivraie, il ne resterait plus rien dans le champ !
Ce jeu de question et de réponse - avec cette interdiction d’arracher l’ivraie, montre que le Maître est parfaitement conscient de la prolifération de l’ivraie dans son champ, de la prolifération du mal dans le monde.
Mais cela souligne aussi que le maître est absolument certain du résultat :
- un jour il y aura la moisson finale … un jour il y aura le tri, le jugement.
Le Maître est certain que l’ivraie (que le mal) n’arrivera pas à étouffer le bon grain.
Quand le monde semble complètement ivre, Jésus nous invite à l’espérance malgré tout !
Et sûrs de ce résultat final, chacun de nous essaye de travailler chaque jour, à ce monde nouveau,
- en faisant confiance à notre frère,
- et surtout en faisant confiance au Maître du champ, au Créateur !
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Année A) - HOMELIE du 15ème dimanche TO - 12/08/2020
(Isaïe 55,10-11 ; Romains 8,18-23 ; Matth. 13,1-23)
Homelie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les différents textes de la liturgie de ce dimanche dégagent une ambiance assez écologique, du moins à un premier niveau d’écoute. Nombreux sont les éléments de la nature qui y sont mentionnés. La pluie et la neige dans la 1ère lecture, comme symboles de la fécondation et de la germination de la terre, dans laquelle la semence peut produire du blé qui donne le pain nécessaire à la nourriture de l’homme. Tout le Psaume 64 ensuite, chanté en répons, est une grande célébration de louange à Dieu, le Créateur qui lui-même visite la terre et l’abreuve de ruisseaux gorgés d’eau, la comblant de richesses : des moissons, des pâturages, des troupeaux. Tout exulte et chante !
L’évangile de la Parabole du Semeur, où Jésus enseigne les foules et ses disciples est en consonance avec ces 2 premiers textes. Nombreuses sont encore les images empruntées au monde de la nature dans ses différents aspects : minéral, avec les pierres d’un sol ingrat, végétal avec les ronces, les grains de plantes semés, les fruits, animal aussi avec les oiseaux du ciel, humain enfin avec le personnage central du semeur.
Quant à Saint Paul, dans la seconde lecture, il nous entraîne dans une grande contemplation de la création, en attente de la Révélation promise aux enfants de Dieu. Une création en gestation, en travail d’enfantement d’un monde nouveau : ciel nouveau, terre nouvelle où règneront la justice, la paix et l’harmonie. Mais pour l’heure, cette création est encore esclave et soumise au pouvoir du néant. Elle garde pourtant l’espérance de sa libération et de sa transfiguration acquise déjà dans la victoire pascale du Christ Rédempteur.
Que retenir alors des ces 4 très beaux textes de l’Ecriture ? Quelle application pouvons-nous en tirer pour notre vie de chrétien aujourd’hui ?
Il nous faut remarquer tout d’abord que chacun renvoie, à sa manière à l’écoute de la Parole de Dieu. Les images n’ont qu’une fonction : celle d’attirer l’attention des auditeurs sur une réalité qui les dépasse. Le message essentiel de la parabole est l’écoute et la compréhension de la Parole pour en vivre, la mettre en pratique et ainsi porter du fruit en abondance. Cela nécessite du temps et de la patience. Il est question dans ces textes de croissance, de résultat attendu, d’accomplissement d’un travail ou d’une mission. Mais de quelle croissance et de quel rendement s’agit-i ?
On parle beaucoup de croissance dans notre monde actuel. C’est un terme clé pour les économistes et les hommes politiques. On juge un pays par sa capacité de croissance, d’augmentation ou de diminution de son PIB. Après le choc de l’épidémie du Coronavirus que nous venons de vivre, et qui n’est pas achevée, il n’est plus question que de retour de la croissance, afin d’éviter une récession, source de tous les malheurs sociaux.
En psychologie aussi, on emploie volontiers ce vocabulaire de la croissance dans le sens du développement de son potentiel humain. L’enfant, l’adulte doit croître pour acquérir une pleine autonomie, exercer des responsabilités et assumer une vraie maturité.
L’évangile et l’enseignement de l’Eglise ne mésestiment pas les aspects positifs de ces points de vue. Mais la croissance et le progrès qu’ils visent sont d’une autre nature, plus théologique et spirituelle. Comme l’affirme Saint Paul dans une autre épitre, la Parole de Dieu semée dans le cœur du disciple l’invite à grandir à tous égards dans la connaissance de la tête du Corps, le Christ. Et c’est de lui que le Corps tout entier, coordonné et bien uni grâce aux articulations qui le desservent, selon une activité répartie à la mesure de chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour.
Le Pape François dans son Encyclique « Laudato Si » insiste sur le fait que dans la création tout est donné, tout est lié, tout est fragile. Le respect et l’amour que nous devons avoir vis-à-vis des éléments de la nature sont inséparables du respect et de l’amour que nous devons nous porter les uns aux autres, et surtout aux plus pauvres. Message d’une écologie intégrale pour tout homme de bonne volonté, en accord avec l’enseignement en paraboles de Jésus aux foules et à ses disciples. Actualiser la parabole du semeur, c’est alors entendre et comprendre l’appel de Jésus à être une bonne terre, disponible à faire la volonté de Dieu et à porter du fruit. C’est entendre et comprendre l’invitation à la confiance en la fructification finale de l’évangélisation, en dépit des échecs rencontrés sur des terrains ingrats, hostiles ou indifférents à l’annonce de la Parole.
Disponibilité, confiance, patience, liberté aussi, dans ce travail de collaboration. Car le semeur n’est pas seul. Chacun de nous agit, selon les dons que le Seigneur lui a accordés. L’un plante, un autre arrose, mais c’est Dieu qui fait croître. Celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien, Dieu seul compte, lui qui fait croître. Et chacun recevra son salaire (30,60, 100) à la mesure de son propre travail. Car nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu, et nous sommes le champ que Dieu cultive, la maison qu’IL construit.
AMEN
11 Juillet 2020 - SAINT BENOIT 2020
Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du P.abbé Luc
« Si tu creuses comme un chercheur de trésor alors tu comprendras la crainte du Seigneur, tu découvriras la connaissance de Dieu ». En cette fête de St Benoit, il est heureux frères et sœurs d’entendre ce conseil du sage du livre des Proverbes… S’il raisonne aux oreilles des humains de tous les temps, il intéresse en premier chef les moines. Etre des chercheurs, chercheurs de Dieu, chercheurs de vérité, de paix, de sagesse, d’amour… Telle est la voie dans laquelle St Benoit nous entraine, pour mieux suivre le Christ qui nous appelle. Cette voie nous engage doublement : il s’agit de creuser, mais aussi de nous laisser creuser, pour finalement découvrir que tout est don, cadeau, grâce. A la lumière des lectures entendues, je voudrais reprendre ces trois points : creuser, nous laisser creuser, cadeau…
Le sage du livre des Proverbes insiste fortement sur notre engagement dans la recherche de Dieu. Par quatre fois, il utilise la conjonction « si » : « si tu fais appel à l’intelligence, si tu invoques la raison, si tu la recherches comme l’argent, si tu creuses comme un chercheur de trésor »… L’insistance est sans équivoque. Il nous faut nous mettre à l’œuvre. Nous appliquer avec notre intelligence, utiliser tous les moyens à portée de notre raison, nous donner avec générosité comme on cherche de l’argent ou de l’or, creuser, fouiller notre terre, notre humanité qui recèle bien des possibilités de relation avec Dieu et les autres qui sont peut-être encore trop cachées ou trop endormies. Entendons dans ces paroles un appel à redonner du poids à la réflexion et à l’attention à ce que nous vivons pour y découvrir des chemins de rencontre et de connaissance de notre Dieu. St Benoit nous invite nous les moines à consacrer une bonne part de notre temps à la lectio divina pour lire, méditer et prier les Ecritures, pour étudier réfléchir sur le mystère de la foi. Sous la lumière de la Parole de Dieu, nous voulons entrer dans une meilleure intelligence de notre relation avec le Seigneur. Qui est-il ? De quel amour il m’aime…Qui suis-je à ses yeux ? Qu’est-ce que l’humanité sous son regard ? Par là aussi, nous grandissons dans une meilleure connaissance de nous-mêmes et des autres. « Chaque matin, le moine retourne à son jardin. Chaque matin, le moine retourne son jardin, et c’est de l’or à la fin » nous glisse malicieusement notre f. Yves.
Creuser comme un chercheur de trésor, mais aussi nous laisser creuser… Dans la recherche de Dieu, Jésus nous découvre que le bonheur et la voie vers le Royaume passe aussi par ce que nous ne choisissons pas : les larmes, la persécution pour la justice, les contradictions à cause du nom de Jésus. La vie apporte son lot d’épreuves, de contraintes et d’obstacles qui nous creusent à nos dépends. St Benoit évoque sur le chemin de l’humilité les possibles humiliations ou injustices qui ne manquent jamais. Nous aimerions bien nous en passer, mais elles sont là. Si la tentation est grande de les interpréter comme des punitions de Dieu, nous avons entendu cela à propos de la crise du Coronavirus, Jésus ne se situe pas sur ce registre. Il nous propose d’en faire un creuset, un chemin d’attente et d’accueil de la vie plus profonde du Royaume. Ces épreuves nous rappellent que nous ne sommes ici-bas qu’en chemin. Le but est devant nous dans le Royaume offert à tous les enfants de Dieu. Connaitre ce but ne va pas enlever la dureté du chemin, mais il nous donne de marcher autrement, davantage dans la confiance, dans l’abandon entre les mains d’un Père qui nous aime et qui est avec nous dans nos épreuves. En nous disant « heureux » lorsque nous pleurons, que nous sommes persécutés ou dans la contradiction pour l’évangile, Jésus veut nourrir notre espérance : ce qui nous creuse est davantage porteur d’avenir que ce qui nous remplit.
Creuser, nous laisser creuser….tout est grâce, don… Dans la lumière du Christ, st Paul manifeste combien nous sommes précédés par notre Dieu qui est venu à nos devants. « Nous avons été choisis, sanctifiés….appelés »… Et en vertu de ce don premier, il nous est possible de vivre de manière nouvelle, de nous « revêtir de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience ». Ce manteau n’est pas le nôtre au départ, c’est celui du Christ. Mais il nous fait ce beau cadeau de nous permettre de le revêtir. Il nous permet ainsi que tout ce que nous disons et que nous faisons, nous puissions le dire et le faire au nom du Seigneur Jésus, pour rendre grâce au Père. En regardant nos vies, nous pouvons nous sentir maladroits ou bien impuissants à revêtir ce manteau, cet être nouveau dans le Christ. C’est vrai. Mais nous pouvons le désirer, le demander comme une grâce et nous disposer à le revêtir jour après jour…St Benoit dans sa règle nous offre bien des instruments ou des manières pour peu à peu laisser le Christ transformer nos manières d’agir… Avant tout demander dans la prière qu’il conduise à la perfection le bien que nous voulons faire… Se réconcilier avant le coucher du soleil, supporter patiemment nos infirmités physiques et morales, ne rien préférer à l’œuvre de Dieu…
Entrons dans l’action de grâce au Seigneur qui nous a appelés et qui nous guide par sa Parole et par ses amis les saints, pour être revêtu du Christ.
Année A - 14ème dim. du T.O., 5 juillet 2020
Zach9 9-10 ; Rom 8 9-13; Mt 11 25-30
Homélie du F.Bernard
L’Évangile que nous venons d’entendre évoque un moment bien important de la vie de Jésus, de son ministère en Galilée. Il vient de comparer sa génération, qui n’a pas accueilli son message de grâce, à des enfants boudeurs qui n’ont pas voulu entrer dans le jeu. Il s’est lamenté ensuite sur les villes du lac qui n’ont pas su reconnaître ses miracles : malheur à toi Chorazeïn, malheur à toi Bethsaïde, malheur à toi Capharnaüm. Et juste après cet évangile, la controverse avec les scribes et les pharisiens, sur le sabbat, reprendra de plus belle.
Pourtant malgré ces résistances évidentes à sa parole de salut, voici que Jésus exulte de joie et adresse sa louange à son Père : Je te bénis Père d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout-petits. En effet si Jésus a rencontré sur sa route bien des sages et des savants qui pensaient tout savoir sur Dieu, et n’étaient pas prêts à accueillir la nouveauté qu’il était venu apporter en sa personne, il a aussi accueilli des tout-petits qui sont devenus ses disciples. C’est à cause d’eux que Jésus proclame sa louange au Père, qui leur a confié les mystères du Royaume et leur a révélé qu’il était, lui-même, ce Fils bien aimé qu’ils devaient écouter.
Ils ont écouté le SM, ils ont entendu les béatitudes promises aux pauvres de cœur, aux doux et aux miséricordieux, aux affligés, aux affamés et assoiffés de justice, aux artisans de paix, aux cœurs purs. Ceux sont eux ces tout-petits, ces disciples du roi messianique annoncé par le prophète Zacharie, le roi de paix, doux et humble de cœur qui entrera dans sa ville, monté sur un ânon, le petit d’une ânesse.
Puis Jésus continue en levant un coin du voile sur sa relation à son Père. Si le Père est l’origine de tout, s’il a révélé le Fils bien aimé, lors du Baptême de Jésus et à la Transfiguration, tout, absolument tout, est confié au Fils, lui le révélateur du Père. Personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler. L’unique œuvre de Jésus-Christ, peut-on dire, est de nous faire connaître le Père et de nous apprendre à le prier comme notre Père, puisque nous sommes ses enfants à la suite du Christ.
On remarquera que l’Esprit Saint ici n’est pas nommé. Pourtant il est bien présent quand Jésus nous parle du Père. D’ailleurs dans le passage parallèle de l’évangile de Luc, en ce même endroit, il est bien dit que Jésus exulta sous l’action de l’Esprit Saint. Remarquons que dans l’évangile de Jean, où Jésus parle si souvent de son Père, l’annonce explicite de l’Esprit Saint n’intervient aussi qu’à la fin, dans le discours après la Cène. Mais l’Esprit Saint est bien là ; la deuxième lecture le disait, et c’est par Lui que dans le Christ nous nous adressons au Père.
Enfin Jésus continue en s’adressant plus particulièrement à ses disciples : Vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, venez à moi. Je vous procurerai le repos. De quel fardeau s’agit-il ? Celui de la vie qui pèse sur toutes nos épaules, et de plus en plus sans doute à mesure que nous avançons en âge : les soucis, les épreuves de toutes sortes, celles de nos proches ou bien les nôtres, la maladie, la vieillesse avec ses infirmités, la mort. Pas nécessaire d’allonger la liste. Nous connaissons tout cela.
A ce fardeau de la vie, s’ajoutait pour l’israélite fidèle, le fardeau des observances religieuses, les 613 commandements de la Loi mosaïque, qu’on n’avait jamais fini d’appliquer et qui ne procuraient pas le repos. Jésus nous dit : Prenez sur vous mon joug et vous trouverez le repos. Oui mon joug est facile à porter et mon fardeau léger.
Comment est-ce possible? Car Jésus nous a prévenu que les exigences de sa justice dépassaient celles des scribes et des pharisiens, sinon parce que Jésus porte avec nous et en nous la Loi de charité qu’il a posée sur nos épaules. Si le joug du Christ nous paraît parfois trop lourd, demandons-nous si nous le portons bien, si nous laissons suffisamment le Christ le porter en nous.
Ne laissons pas le fardeau de la vie, tous les poids qui pèsent sur nos épaules sans les laisser porter en nous par le Christ, car Il a pris sur lui nos infirmités et nos maladies. L’Évangile nous le dit (Mt 8,17) reprenant la prophétie d’Isaïe (Is 53,4). C’est ainsi que nous trouverons le repos. Gardons dans la mémoire du cœur les paroles si importantes de l’Évangile de ce jour.
Année A - 13e dimanche ordinaire
II Rois 4, 8-11 et 14-16a ; Rom. 6, 3-4 et 8-11 ; Mt. 10, 37-42
Homélie du F. Ghislain
Ce que je voudrais vous dire, frères et sœurs, est que nous devons lire cet évangile positivement : nous sommes dignes du Christ. Il faut nous en rendre compte, il faut en remercier et alors, aller plus loin. Ou, en termes négatifs, il ne faut pas devant cet évangile, être paralysés par notre indignité, ne pas savoir comment en sortir, et, finalement¸ laisser tout tomber.
En effet, qu’est-ce que cela veut dire concrètement : aimer ses parents ou ses enfants davantage qu’on n’aime le Christ ? Qu’est-ce que cela veut dire « prendre sa croix » ou « perdre sa vie »
Et d’abord : où est le Christ, où le trouver, où l’aimer plus que tout ? Dit autrement : où l’avons-nous rencontré pour l’aimer ainsi ?
J’aimerais pour essayer de répondre à cette question, la mettre en rapport avec un texte de la 1e lettre de saint Pierre : parlant de Jésus, elle écrit : « Lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore » (1, 8), et elle ajoute : « aussi tressaillez-vous d’une joie ineffable et glorieuse ». Comment peut-on l’aimer davantage que ceux qui nous sont le plus chers alors qu’on ne l’a pas vu ? comment y trouver une joie incomparable ? Cherchons encore dans l’Ecriture : vous connaissez la parole adressée à Paul sur le chemin de Damas : « Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ? », alors que Saoul « ne respirait toujours que menaces et meurtres contre les disciples (Act. 9, 1 et 2). Qui alors persécute Jésus, sinon celui qui persécute ceux qui croient en Lui ?
Dans la parabole du Jugement dernier, au chapitre 25 de l’évangile de saint Matthieu, nous entendons la même chose : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir » et de te faire ou non du bien ? (25, 37 et 44), et la réponse vient : « En vérité je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait [ou ne l’avez pas fait] à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez [ou ne l’avez pas] fait ».
Alors les choses s’éclairent : Nous avons un critère sûr pour ne pas nous tromper en ce qui concerne notre rapport avec Jésus. Il s’agit d’avoir avec les autres un rapport de préférence.
Le rapport avec les enfants. Il n’est pas si simple. Je vais essayer de le dire en rapportant une parole qui m’a été dite un jour par une mère de famille de six enfants : à chaque naissance, quand j’ai vu le petit qui était sorti de moi, j’ai compris qu’il ne m’appartenait pas. Elle comprenait qu’elle avait dans ce nouveau-né une personne : à accueillir, à découvrir certes, à éduquer c’est-à-dire à faire progressivement naître à sa vérité, à introduire dans un réseau de relations où il trouvera son humanité, à commencer à faire éclore en lui le fils de Dieu unique, commencé au baptême.
Puis, au fur et à mesure que l’enfant grandit , devient un jeune homme, puis un homme fait, l’accompagner dans son effort pour tracer sa voie, accepter qu’il s’en aille, parfois loin, qu’il s’oppose, qu’il oublie, être toujours là quand il a besoin, demeurer dans l’ombre…Prier pour lui, apprendre de lui, être patient. Il y a une phrase de saint Paul aux Galates qui est suggestive : « mes petits enfants que de nouveau j’enfante dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. Oh ! que je voudrais être auprès de vous en ce moment pour trouver le ton qui convient, car je ne sais comment m’y prendre avec vous » (4,19)
Et, du coup, s’éclaire aussi, le rapport avec les parents de la part des enfants adultes. On voudrait qu’un rapport d’amitié, une sorte d’égalité s’établisse, dans le respect certes de la vie qu’ils nous ont donnée…Mais ce n’est pas toujours cela : on peut avoir l’impression qu’ils interviennent trop ou pas assez. On découvre aussi leurs faiblesses et, au fur et à mesure que leur âge avance, leurs infirmités et leurs besoins. Prendre soin d’eux, les visiter, faire tout pour que leur fin de vie ne soit pas trop austère, qu’ils aient encore l’occasion de se sentir utiles et que leur mort soit douce.
Je pourrais continuer à commenter chacune des phrases de cet évangile, ou vous redire les mêmes choses en relisant dans cette perspective l’histoire d’Elisée et de la femme sunamite ; celle-ci commence par aimer Elisée plus qu’elle-même et Elisée prend la suite en lui donnant d’être mère. Ce que je voudrais vous suggérer, c’est ceci : comment nous y prenons-nous avec les autres, proches ou lointains, que Dieu a placés sur notre route : eux comme nous vont vers le Christ.
Année A - 12e dimanche TEMPS ORDINAIRE (A) (21/06/2020)
(Jr 20, 10-13 – Ps 68 – Rm 5, 12-15 – Mt 10, 26–33)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs, nous sortons à peine du temps pascal et pourtant les lectures de ce dimanche nous ramènent quasiment en pleine passion du Christ. Toutes, en effet, font allusion à une menace, à un danger mortel dont seul le Seigneur peut délivrer.
Dans la première lecture, le prophète Jérémie, souvent décrit comme une figure, une annonce du Christ, se trouve en bien mauvaise posture. Dieu l’a envoyé annoncer aux habitants de Jérusalem que leurs infidélités étaient telles que le Seigneur allait les abandonner à l’invasion toute proche des Babyloniens. Il n’en fallait pas plus pour qu’ils soit accusé de trahison, de défaitisme et qu’il soit emprisonné et condamné à mort. Ainsi, c’est pour avoir déplu aux attentes du peuple que Jérémie se retrouve en prison. Mais il garde confiance en Dieu qui est avec lui. Dans un discours, il est vrai guerrier, il se confie au Seigneur qui voit combien lui, Jérémie, est fidèle et il sait qu’il sera secouru par le Seigneur car il lui a remis sa cause. Confiance du prophète contre toute évidence.
Le psaume 68 qui a été chanté est un psaume que nous chantons volontiers le vendredi saint tant il préfigure également la passion du Christ :
« C’est pour toi que j’endure l’insulte … je suis un étranger pour mes frères … l’amour de ta maison m’a perdu. »
Mais là aussi, il y a une espérance :
« Et moi, je te prie, Seigneur … dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi… par ta vérité, sauve-moi… »
Et le psaume se termine plein de confiance :
« Le Seigneur écoute les humbles, il n’oublie pas les siens emprisonnés. »
Ce psaume convient bien à la situation de Jérémie, et à celle du Christ durant sa Passion et on peut penser qu’il a pu monter à la mémoire, à la conscience du Christ durant l’agonie au Jardin des Oliviers ou sur son chemin vers le Golgotha.
Durant sa prédication, face au rejet de plus en plus menaçant de sa parole par les scribes et les chefs du peuple juif, Jésus manifeste sa confiance en son Père et encourage ses disciples sans doute désemparés. Il ne faut pas craindre ceux qui peuvent tuer le corps. Dieu est le plus fort et de loin. Et il ne peut pas ne pas se soucier de ses envoyés, lui qui veille sur les moineaux et compte les cheveux de nos têtes. Devant les menaces qui planent sur lui et sur ses disciples, Jésus rappelle que son Père est le maître de l’histoire, même si les évidences peuvent paraître, dans un premier temps, contraires.
La seconde lecture, quant à elle, nous situe dans le même cadre. Certes, le péché, et à sa suite, la mort, semblent dominer notre monde, semblent l’emporter sur tous les hommes. Mais si la mort atteint la multitude des hommes, la grâce, elle, est répandue beaucoup plus en abondance. C’est la grâce de la Vie, la grâce de la victoire sur la mort accomplie par un homme, Jésus Christ.
Frères et sœur, les lectures de ce jour transmettent toutes un même message : la violence, la mort, le mal paraissent l’emporter partout et en tout temps. Et pourtant nous est annoncée l’espérance de la victoire du Seigneur sur la mort, la violence et le mal. Et c’est le mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ, victoire sur la mort et sur le mal qui sont garants de cette victoire finale. Et ce, par-delà toutes les apparences de triomphe du mal qui peuvent nous accabler.
Combien ces paroles peuvent tomber à point pour nous aujourd’hui, alors que nous sommes en pleine incertitude sur l’avenir. Tout peut paraître sombre et c’est peut-être pour certains plus qu’une apparence. La pandémie, la crise économique, les violences policières, notre monde qui vacille sur des bases qu’il croyait solides… Ce n’est pas la peine d’en dire plus…
Pourtant, en chrétiens, nous ne pouvons pas ne pas entendre ce message qui date déjà du prophète Jérémie, près de 6 siècles avant le Christ, message continué par le Christ et surtout authentifié par sa mort et sa résurrection. Message dont se fait l’écho Paul.
Le mal, la mort, n’ont pas le dernier mot. Cela ne signifie pas que toute difficulté, toute détresse nous seront évitées par magie, mais cela signifie que si nous gardons confiance dans le Seigneur, quoi qu’il arrive, un chemin de vie nous est ouvert. Cette confiance, cette foi ne sont pas évidentes, c’est un saut dans l’inconnu. Mais c’est un saut qui peut nous sauver de la désespérance.
En Latin, le mot fides traduit les mots foi, confiance et fidélité et il me semble que c’est assez évocateur.
Avoir foi, c’est avoir confiance et qui dit confiance dit justement qu’il n’y a pas de certitude absolue. Lorsque nous faisons confiance à quelqu’un, nous ne sommes pas absolument certains que cette personne se montrera digne de la confiance que nous avons mise en lui. Mais nous espérons ne pas nous être trompés. Et puis, la confiance demande aussi une vraie fidélité. Lorsque nous faisons confiance, nous espérons dans la fidélité de la personne en qui nous nous confions et nous sommes nous-mêmes fidèles.
Avoir foi en Dieu ne garantit pas une vie sans souci, sans souffrance. Regardons le Christ, regardons le prophète Jérémie, le moins qu’on puisse dire est que leur vie a été mouvementée. Et pourtant, ils ont eu foi en Dieu.
Si nous nous mettons vraiment à l’écoute de la Parole de Dieu, il me semble qu’il importe de croire fermement que le Seigneur ne nous laisse pas tomber, qu’il ne nous abandonne pas malgré les apparences. Cela demande de savoir aussi regarder notre passé, faire mémoire des interventions de Dieu, du Christ, dans nos vies. Alors, nous pouvons regarder vers l’avant avec confiance. C’est ce qu’a fait le Christ, confiant dans ce que la Bible disait de la fidélité de Dieu.
Frères et sœurs, dans un monde inquiet, renouvelons notre foi, notre confiance et notre fidélité envers Dieu, à la suite du Christ, et nous pourrons aider nos contemporains à regarder l’avenir dans la paix. C’est un beau service à rendre à l’humanité. AMEN
Année A - SACRE-COEUR -19 Juin 2020
Dt 7, 6-11 ; 1 Jn 4, 7-16 ; Mt 11, 25-30
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs, En préparant mon chapitre d’hier matin sur le P. Muard, je trouvais dans les volumes scannés par les frères du Barroux, un assez long enseignement sur le Sacré Cœur. Donné dans le cadre d’une prédication, le P. Muard voulait y présenter la grandeur infinie de l’Amour divin manifesté dans le Cœur de Jésus. Dans un langage enflammé très emphatique, il passait en revue les différents moments de la vie du Christ et de sa passion comme autant de témoignages de cet amour.
S’appuyant sur les écrits des saints, son objectif était d’entrainer les fidèles à découvrir et à grandir dans l’amour du Christ, en regardant son Cœur très aimant. Un moyen très concret était assurément pour lui, de faire partie d’une confrérie du Sacré-Cœur, une sorte de mouvement spirituel dans lequel on se soutient dans la prière. En lisant ces lignes, je me disais que nous peinerions à entendre aujourd’hui un tel enseignement. Et pourtant, il est indéniable que s’y expriment des convictions de foi que nous pouvons faire nôtres sans difficulté. On peut aussi y entendre la belle ferveur du P. Muard, ami intime du Christ. La question que nous pose ce genre de texte est peut-être celle-ci : comment entrer dans une relation plus vivante et plus aimante avec le Christ, cela avec notre sensibilité d’homme du XXI° ? Le risque serait au nom d’une certaine rationalité et d’un désir légitime de ne pas errer dans un sentimentalisme désuet ou vide, de ne pas donner toute sa place à la dimension cordiale de notre relation avec le Christ. Ce dernier n’est pas un concept, ni le principe d’un système intellectuel performant, ni seulement un maitre de sagesse, il est une Personne avec laquelle chaque chrétien est invité à nouer une relation unique. Dire que Dieu est Amour, dire que Jésus, le Christ nous a révélé cet Amour divin, par son Cœur transpercé, est relativement facile à dire. Mais nous ne pourrons le comprendre vraiment qu’en acceptant d’entrer nous-mêmes dans l’amour, dans une relation aimante avec le Christ, de laquelle découlera un amour toujours délicat avec nos frères. « On ne voit bien qu’avec le cœur, dit le renard au petit Prince, l’essentiel est invisible aux yeux ». On ne peut entrer dans le mystère du Dieu Amour en restant à l’extérieur. St Jean nous invite à « demeurer dans l’amour ». Et c’est possible. Quand Jésus dans l’évangile nous dit qu’il est « doux et humble de cœur », nous appelant à devenir ses disciples, il nous introduit dans cette familiarité cordiale. Il semble vouloir nous rassurer si l’exigence de le suivre, énoncée quelques chapitres auparavant dans le discours sur la montagne, pouvait nous effrayer. Car le Christ ne se présente pas comme un maitre exigeant qui veut s’imposer à nous. Son objectif n’est pas d’avoir des disciples qui seraient à ses ordres, au doigt et à l’œil…comme on fait marcher une armée pour la bataille. Si à sa suite, le Christ nous entraine dans un combat contre le mal et toutes les formes qu’il peut prendre, il ne le fait qu’en nous aimant et en suscitant notre amour. Son amour nourrit notre amour pour Lui et pour nos frères. Il devient notre propre énergie.
N’est-ce pas vers cette source de l’Amour que veut-nous ramener cette fête du Sacré Cœur ? Ne veut-elle pas nous assurer que si nous sommes tellement aimés, nous pouvons avoir confiance que les balbutiements de notre amour serons accueillis par Celui qui nous attire à Lui ? Sur le chemin de la foi, nous sommes appelés à grandir dans cette familiarité avec le Christ. Avec Lui, nous pouvons parler de tout, tout lui confier, tout lui demander. Le cardinal B. Hume passait du temps à regarder le Christ en croix. Là, aux moments décisifs de sa fin de vie, il a trouvé la force et l’espérance pour traverser l’épreuve de la souffrance et de la maladie. Dans nos journées, recherchons cette attention personnelle à la présence du Christ vivant à nos côtés. Sachons parfois nous arrêter quelques instants entre nos activités pour les remettre sous sa lumière. Dans le petit Prince que je citais plus haut, le renard ajoute : « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante ». Nous pouvons demander cette grâce d’une présence renouvelée au Christ, comme l’oraison après la communion nous y entrainera : « Brûle-nous d’une charité qui nous attire toujours vers le Christ, et nous apprenne à le reconnaitre en nos frères ».
Année A - Fête du Corps et du Sang du Christ – Dimanche 14 juin 2020
1ère lecture : Dt 8, 2-3.14b-16a
Psaume : Ps 147, 12-13, 14-15, 19-20
2ème lecture : 1Co 10, 16-17
Evangile : Jn 6, 51-58
Après la Fête de la Sainte-Trinité, l’Eglise nous donne de célébrer la fête du Corps et du Sang du Christ avant celle du Sacré-Coeur de Jésus. Fêtes théologiques, fêtes d’idées, qui tranchent en quelque façon dans le tissu dynamique de l’année liturgique consacrée à la célébration du Salut que Dieu a réalisé et réalise pour nous au fil de nos vies humaines.
Et pourtant avec cette fête du Corps et du Sang du Christ, la liturgie nous offre à travers les textes bibliques qu’elle nous donne à entendre, une vision très dynamique de l’Eucharistie que nous célébrons comme Mystère du Salut.
Que ce soit dans la 1ère lecture à propos de la manne et de l’eau du rocher, dans la Lettre de Paul ou dans le chapitre 6 de Jean, nulle part nous ne trouvons l’idée d’une « adoration du Saint Sacrement ». Le pain et le vin de l’Eucharistie, le Corps et le Sang du Christ livrés pour nous, ne sont pas d’abord là pour être regardés, adorés, mais pour être partagés et consommés et parfaire en nous ce que nous sommes déjà, le Corps du Christ, Eglise engagé au cœur de ce monde.
Ce peut être l’occasion de reprendre conscience de ce que nous faisons au cours de l’Eucharistie, mieux, de ce qui nous est donné dans l’Eucharistie : la présence du Seigneur au milieu de nous, la présence du Seigneur en nous, la présence du Seigneur qui nous appelle à vivre de la charité donnée par son Esprit, au service de tous dans ce monde-ci, dans l’espérance du monde à venir.
Reprenons-en les étapes au fil du rite liturgique.
En ce Dimanche, répondant à l’appel du Seigneur, nous nous sommes rassemblés dans cette église et cette assemblée que nous formons est déjà signe de la présence du Christ au milieu de nous ; « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » nous rappelle l’évangile de Matthieu (18,20) ; dans la diversité de ce que nous sommes, de nos grâces particulières, de nos ministères particuliers, nous formons déjà le Corps du Christ et le Christ est là, notre Tête, Présence réelle au milieu de nous. L’avons-nous seulement remarqué dans les premiers mots de la célébration ?!
Ensuite nous avons écouté ensemble les textes des Ecritures ; proclamés, ils sont devenus, pour chacun et pour tous, la Parole de Dieu, vivante aujourd’hui pour illuminer nos vies. Présence encore du Verbe, du Christ, au milieu de nous, et qui devait faire bruler en nous le feu de l’Esprit vivifiant, comme pour les disciples sur le chemin d’Emmaüs… si nos oreilles et nos yeux se sont ouverts pour le reconnaître par la foi !
Dans un instant, nous allons entrer dans la Grande Prière d’action de grâces, qui est « mémorial de la Mort et de la Résurrection du Christ ».
Le Christ à la dernière Cène, à travers le partage du pain et du vin a signifié le don de sa chair et de son sang, qui va avoir lieu dans sa Pâque et cette anticipation va rendre les disciples partie prenante des événements sauveurs. Pour nous, l’anticipation fait place au « mémorial », à la réactualisation, mais par ce rite nous serons, nous aussi, intégrés au don de sa vie que le Christ nous a faite. Par le don de son Corps et de son Sang, le Christ aujourd’hui veut nous livrer son Esprit et faire de nous ses frères, « fils de Dieu », qui peuvent oser dire ensemble, uns dans le Christ, la prière reçue de lui : « Abba ! », notre Père.
Ainsi par la manducation du Corps et du Sang du Christ, serons-nous vivifiés à nouveau comme fils, frères, enracinés davantage, célébration après célébration, dans son Corps, qui est son Eglise, envoyés dans le monde pour annoncer l’Evangile à toutes les nations, et d’abord au plus proches, au plus pauvres, à tous ceux qui marchent à l’aveugle vers le Salut promis et déjà donné.
C’est cela le Mystère du Corps et du Sang du Christ qui est notre vie !
Mais cette efficacité du sacrement eucharistique n’est pas magique : elle ne se fait que par notre adhésion libre au don de lui-même que nous fait le Christ en nous livrant sa vie. « Nous mangeons de ce pain-là ». Ce que fait Jésus à la Pâque devient notre art de vivre, notre raison de vivre. Mais si nous célébrons l’Eucharistie, c’est parce que ce choix de l’amour ne vient pas de nous-mêmes : nous ne pouvons produire ce pain-là car il ne vient pas de la terre. Dans le langage biblique (celui du Deutéronome comme celui de l’évangile Jean), on dit qu’il « vient du ciel », c’est-à-dire de cette Présence inaccessible pour nos sens qui nous enveloppe, nous habite et nous fait exister.
De la foi en cet « ailleurs » et en cet « autrement » naît l’espérance.
Et nous voici alors, en mesure d’incarner l’amour qui nous fait véritablement exister, vivre. Le pain et le vin que nous recevons, Corps et Sang du Christ, nous permettent de devenir le pain que nous pouvons à notre tour donner. Ainsi le « pain du ciel » peut devenir pain de la terre pour tous les hommes.
Qu’il en soit ainsi !
Année A - Trinité - 7 juin 2020
Ex 34 4-9; 2 Co 13 11-13 ; Jn 3 16-19
Homélie du F.Hubert
Dieu est amour, nous dit st Jean.
On peut formuler autrement : Dieu est don, il n’est que don.
De façon surabondante. Sans rien retenir. Toujours plus. Toujours davantage.
Au risque de se perdre. Au risque de tout perdre.
Lui, « la source de la vie, il a fait le monde pour que toute créature soit comblée de ses bénédictions et que beaucoup se réjouissent de sa lumière. » Et comme « l’homme s’est détourné de lui, il ne l’a pas abandonné au pouvoir de la mort ».
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique.
Il a envoyé son Fils dans le monde pour que le monde soit sauvé. »
Plus l’homme s’est éloigné de lui, plus il s’est engagé à sa recherche, jusqu’à prendre sur lui tout son mal, pour l’en libérer et déployer en lui la vie divine.
Nous avons l’immense grâce, l’immense responsabilité, de connaître
le Dieu qui s’est révélé dans son long cheminement avec les hommes,
depuis le souffle insufflé en Adam jusqu’au don de l’Esprit,
fruit de l’Incarnation de Dieu en Jésus de Nazareth.
Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, c’est la fête de Dieu – comme chacun de nous a sa propre fête chaque année. Le jour de la fête d’un frère de communauté, d’un parent, d’un ami, d’un proche, nous regardons cet autre avec bienveillance et gratitude, voire émerveillement, plus que les autres jours de l’année, même lorsque la relation est moins facile.
Est-ce incongru de nous demander si, en ce jour de sa fête, nous regardons Dieu avec bienveillance, avec gratitude et émerveillement ?
Nous disons facilement : « Dieu est amour », mais comment regardons-nous Dieu ?
Quel regard portons-nous sur lui ? Quel regard croyons-nous qu’il porte sur nous ?
Est-ce le Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité déjà révélé dans le livre de l’Exode ?
Est-ce le Dieu qui nous examine, pèse nos actes, nous juge, nous punit peut-être, maintenant ou plus tard ?
Dans son livre Le Dieu des abîmes, A l’écoute des âmes brisées, Isabelle Le Bourgeois, ancienne aumônière de prison et psychanalyste, pose cette question :
Est-ce plus facile de penser un Dieu qui nous en voudrait, qui chercherait à nous faire tomber,
que de le penser accueillant, bienveillant et doux ?
Je finis par penser que la gratuité de l'amour est plus difficilement accessible que sa valeur marchande.
Contemplons le Christ en qui Dieu s’est révélé de façon définitive :
Jésus, Homme-Dieu, n’est pas un homme qui s’est fait Dieu, mais Dieu qui s’est fait homme.
Dieu ne s’est pas élevé, il s’est abaissé. Jésus a vécu dans notre chair ce que Dieu est dans sa divinité.
Le serpent avait fait surgir dans le cœur de l’homme et de la femme le désir d’être comme Dieu.
La tentation de l’homme est de s’élever par lui-même jusqu’à Dieu : ainsi la tour de Babel, ainsi le roi de Tyr ou le pharaon en Ezékiel : Il a haussé sa taille, son cœur s’est élevé avec orgueil.
Notre Dieu Trinité existe et agit tout à l’inverse :
Le vrai Dieu, dont nous avons reçu la révélation, est celui qui « s'est anéanti, prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes, il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort de la croix. Dieu a fait la paix par le sang de la Croix du Christ, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. »
Dans le Christ, c’est Dieu tout entier qui s’est abaissé : « Qui me voit voit le Père ».
Comme le Père s’est vidé de lui-même, se vide constamment de lui-même, pour se donner à son Fils,
Dieu Trinité s’est vidé de lui-même pour se donner à ses créatures.
Oui, Jésus, Homme-Dieu, n’est pas un homme qui s’est fait Dieu, mais Dieu qui s’est fait homme.
Non seulement il s’est fait homme, mais il est mort, il est descendu aux enfers. « Il n’avait plus figure humaine », dit Isaïe.
Il a tout lâché, tout perdu, tout remis. « Il ne s'est pas seulement trouvé avec les justes, il a rencontré toutes les figures humaines, des plus affreuses aux plus belles, il a séjourné avec toute l'humanité sans exception. Les abîmes ont été réellement visités par Dieu », dit encore sr Isabelle.
Dieu Père, Fils et Esprit, est don, il se vide constamment de lui-même pour que l’autre existe, pour que l’autre soit aimé.
C’est vrai dans l’intime de son mystère, vrai dans l’acte créateur, vrai dans l’acte rédempteur.
Isabelle Parmentier nous avait parlé d’une enseignante agacée par le Jésus de l’évangile de Jean qui se dit « la lumière du monde, la porte, le chemin, la vérité, la vie »… Peut-être n’avait-elle pas perçu que cet évangile commence par : « le Verbe s’est fait chair » et se poursuit par le lavement des pieds : le Maître aux pieds de ses disciples, plus bas que ses disciples, plus bas que nous.
« Le seul Dieu supportable est celui qui descend, en bas » écrit Maurice Bellet.
Dieu n’est pas ce Dieu dominateur qui nous examine et épluche chacun de nos actes,
il est celui qui se met à nos pieds pour nous faire vivre, et se donner à nous.
Il nous offre sa grâce, son amour et sa communion, comme dit st Paul.
Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, est pour toujours avec nous.
Il n'y a pas de position de surplomb chez ce Dieu-là, il n'y a que l'être avec.
Accueillons ce Dieu qui est avec nous, où que nous soyons.
« Père, je leur ai fait connaître ton nom, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux,
et que moi aussi, je sois en eux. »
« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ,
l’amour de Dieu
et la communion du Saint-Esprit
soient avec nous tous ! »
Année A - PENTECÔTE 31 mai 2020
Ac 2,1-11; 1 Co 12, 3b7.12-13 ; Jn 20, 19-23
Homélie du P.Abbé Luc
Frères,
Que serions-nous sans l’Esprit Saint ? Que serait l’Eglise sans ce précieux soutien ? Comme le suggèrent les textes entendus, elle ne serait pas universelle, elle ne serait pas unie dans une même foi, elle ne pourrait être servante du pardon de Dieu. Elle ne serait qu’une organisation parmi d’autres, une ONG de bienfaisance au mieux. Elle ne serait pas ce quelque chose d’indéfinissable, d’inclassable qui lui a permis de traverser toutes les vicissitudes de l’histoire. Avec l’Esprit Saint, ce qu’elle est la déborde elle-même, la dépasse, lui reste incompréhensible à ses propres yeux…comme quelque chose de toujours nouveau à accueillir.
Il nous est bon de nous arrêter sur ce mystère de vie qui constitue l’Eglise, et qui nous constitue comme communauté, cellule vivante de cette Eglise, et comme membre chacun pour notre part Temple de l’Esprit Saint. Dans notre culture de plus en plus rationnelle, qui aime tout maitriser, tout prévoir, tout mesurer, cela nous demande davantage d’effort pour accéder à ce mystère, pour percevoir et accueillir ce débordement de l’Esprit. Des textes entendus, je retiens 3 mots qui peuvent nous y aider : recevoir, émerveillement, envoyer.
Recevoir. « Recevez l’Esprit Saint » dit Jésus Ressuscité, en soufflant sur ses disciples. Au départ de l’Eglise, il y a ce don que ce groupe d’hommes verrouillés dans ses peurs et le sentiment d’échec ne pouvait produire par lui-même. Don discret de la force d’un souffle pour conduire à l’intimité du cœur pécheur, chez St Jean. Don puissant au bruit d’un « violent coup de vent » qui propulse les disciples sur la place publique chez St Luc. Don multiforme en manifestations variées qui fait de chacun un acteur utile à tous, chez Paul. Ces trois témoins, Jean, Luc et Paul, nous partagent à leur manière leur conviction que l’Eglise naissante s’est reçue d’un don. Pourrait-elle se glorifier d’être ce qu’elle est ? Nous avons tout reçu. C’est là notre identité la plus profonde. Aujourd’hui encore, nous nous recevons de « l’Esprit qui continue dans le cœur des croyants son œuvre d’amour ».
Emerveillement. N’est-ce pas la première vertu de ce don ? Il produit l’émerveillement. Devant les disciples emplis d’Esprit Saint, les juifs qui s’assemblent s’émerveillent. Ils s’émerveillent d’être rejoints dans leur grande diversité de langues et de culture par ces galiléens, peu cultivés. S’émerveiller, et dans l’Eglise, il y a matière. Que nous puissions nous rassembler tous dans une si grande diversité d’origine, de culture ; que nous puissions mettre en commun des dons si divers de service, de prédication, d’organisation, de dévouement ; que nous puissions, être témoin et serviteur de réconciliation à travers le pardon de Dieu offert qui guérit et sauve du désespoir…S’émerveiller d’abord…c’est un don de l’Esprit qu’il nous faut cultiver face au jugement, au dénigrement ou au découragement. Nous risquons sinon de ne plus être chrétien, et d’oublier que nous sommes chacun et tous ensemble l’œuvre de Dieu. « C’est toi qui donnes la vie, c’est toi qui sanctifie toutes choses, qui rassembles ton peuple… en une offrande pure » prierons-nous dans quelques instants...
Envoyer. Lorsque Jésus fait don de son Esprit, il nous fait un grand honneur. Il nous prend très au sérieux, en nous associant étroitement à sa propre mission. Le don de l’Esprit nous rend responsable vis-à-vis de nos frères et du monde. Il nous entraine vers les autres pour leur partager notre joie. Il nous apprend à faire avec les autres, sans imposer, mais en nous accordant les uns aux autres. Il nous rend sensible aux fardeaux trop lourds que beaucoup peinent à porter, en étant à leur côté présence aimante. Dans notre vie monastique, nous touchons souvent du doigt cet envoi, non pas aux lointains abstraits, mais à nos frères, tout proche. Notre présence, notre ouverture, notre écoute…sont autant de manière par lesquelles nous sortons de nous-même, par lesquelles nous sommes envoyés et responsables les uns des autres…
Rendons grâce maintenant unis au Christ pour ce don si gracieusement offert aujourd’hui encore.