Homélies
Liste des Homélies
Année A - 7° dimanche de Pâques – 24 mai 2020
Ac 1 12-14 ; Ps 26 ; 1Pierre 4 13-16 ; Jn 17 1-11
Homélie du F.Damase
A quelques heures de sa passion, Jésus récapitule sa vie : accomplir l’œuvre du Père….que les hommes Le connaissent,…qu’ils entrent avec Lui dans une relation filiale. Souvenons-nous de la parole prononcée par Jésus : "Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne va au Père si ce n’est par moi" (Jn 14,6). Toute l’œuvre de Jésus, ses actes, ses paroles et jusqu’au silence du Vendredi Saint n’avaient qu’un seul objectif : placer les hommes sur le chemin de la vie en leur faisant connaître le Père. Voilà sa gloire et sa joie.
Frères et sœurs, la prière de Jésus nous offre un double enseignement.
En premier lieu, elle nous invite à faire sans cesse retour au Christ comme à celui en dehors duquel nous ne pourrons pas connaître la vie et le bonheur. En effet, il n’y a pas sous le ciel d’autre nom par lequel nous puissions être sauvés que celui de Jésus (cf. Ac 4,12). Fermement enracinés dans cette foi, nous fixons notre regard sur le visage du Christ, notre guide et notre pasteur. Nous nous ouvrons à la Parole de vie rapportée par ceux qui l’ont vu de leurs yeux, entendu de leurs oreilles, touché de leurs mains (cf.1 Jn 1,1). Nous contemplons en Jésus le visage du Père. Lui seul, venant du Père, pouvait nous le dévoiler (cf. Jn 14,9). Seigneur Jésus, c’est ta face que nous cherchons. Qu’en toi et par ton Esprit, nous entrions dans l’obéissance d’un cœur filial et devenions les enfants bien-aimés du Père.
En second lieu, la prière de Jésus nous ouvre l’espace de la mission. "Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens vers toi." En quelque sorte, Jésus part et nous laisse la place. Comme le Père l’a envoyé dans le monde, à son tour il nous envoie poursuivre la mission inaugurée par lui. Notre tâche ne diffère pas de la sienne : ouvrir les hommes à la paternité de Dieu et dans le même mouvement à la fraternité universelle. Comment pourrions-nous donner à Dieu le nom de Père sans voir en tout homme un frère !
Le chemin qu’il nous propose est toujours le même, aujourd’hui, demain comme hier : c’est le Christ Jésus. C’est sa parole annoncée de telle sorte qu’elle ait quelque chance d’être entendue. C’est la qualité de notre vie entre disciples, mais aussi avec toute personne, surtout avec l’homme blessé. N’est-il pas vrai d’ailleurs que c’est en se faisant notre frère, compagnon de nos peines, de nos espoirs, de nos joies, que Jésus nous a révélé le Père des miséricordes et nous conduit à lui ? Ce qu’il a fait nous est une précieuse indication pour notre propre service de l’Évangile en ce monde.
Jésus part et nous laisse la place. Il ne nous abandonne pas. Sa prière, quelques heures avant sa passion, est imprégnée de sa préoccupation pour ses disciples : "Je prie pour eux… pour ceux que tu m’as donnés." Il sait qu’ils seront en butte aux contradictions du monde comme lui-même l’a été. Il prie aussi pour ceux qui sur leur témoignage croiront en lui.
Cette prière, Christ la continue dans l’éternité. Aujourd’hui encore, il prie pour chacun de nous, ouvriers et missionnaires de l’Évangile. Il prie pour ceux qui, grâce à nous, s’éveilleront au don de Dieu. Et surtout, il nous fait le don de l’Esprit Saint, premier acteur de la mission. L’Esprit qui donne force, audace et inventivité aux serviteurs de l’Évangile. L’Esprit qui dispose les cœurs à s’ouvrir à la Parole de vie et de vérité.
Viens Esprit Saint, nous t’attendons
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Année A - ASCENSION DU SEIGNEUR -21 mai 2020
Ac 1, 1-11; Ep 1, 17-23; Mt 28, 16-20
Homélie du P.Abbé Luc
Frères,
En ce jour, où nous fêtons l’Ascension du Seigneur, que retenir pour nous aujourd’hui dans notre vie de chrétien, de moine ? Je crois que cette fête peut nous ancrer dans une intelligence toujours plus large du mystère du Christ, soutenir notre espérance, et nous fortifier dans la confiance. Je vais reprendre ces trois points.
Cette fête de l’Ascension élargit notre intelligence du mystère de Jésus. Jésus qui monte au ciel, ne fait pas que retourner là où il était auparavant auprès de son Père. En son humanité glorifiée par sa résurrection, il a reçu de son Père la Seigneurie sur tout l’univers créé. Paul perçoit combien la présence de Jésus assis à la droite du Père, est l’attestation de sa Seigneurie sur toute chose, au ciel comme sur la terre. Il est « au-dessus de tout », car Dieu « a tout mis sous ses pieds ». Les églises byzantines se font l’écho de cette conviction, lorsque souvent elles représentent au sommet de la coupole centrale, une image du Christ pantocrator, tout puissant qui règne sur notre monde. Cette vision du Christ Seigneur de tout le créé loin de nous faire peur peut nous aider à prendre de la hauteur vis-à-vis du monde dans lequel nous vivons. Ce monde n’est pas abandonné à son triste sort. Il est porté et aspiré par Celui qui l’a fait à l’origine, qui l’a sauvé par sa croix et qui l’a recréé par sa résurrection. Le Christ ressuscité, assis à la droite de Dieu, c’est-dire participant pleinement à sa puissance vivifiante, est le « roi de la terre…il règne », comme nous l’avons chanté avec le psalmiste. Dans notre lectio, dans nos lectures, cultivons cette intelligence et cette lumière de la foi portée sur notre monde.
Cette fête de l’Ascension veut aussi nous fortifier dans l’espérance, l’espérance de rejoindre Jésus. Comme nous l’avons prié au début de la célébration : « l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire : nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c’est là que nous vivons en espérance »…En quelques mots, tout est dit. Toute la geste de Jésus, depuis son incarnation jusqu’à son Ascension est de s’unir à lui toute l’humanité et chacun en particulier. Tout ce qu’il a vécu, il l’a vécu pour nous, afin que nous vivions par Lui éternellement. L’image du Corps, dont il est la Tête et nous les membres, exprime merveilleusement cette unité de destin dans laquelle Jésus nous entraine désormais. En choisissant de lui remettre notre vie, par la foi et le baptême, nous consentons à être unis à Lui. Dès lors, ce qu’il a vécu en sa chair, nous le vivons nous aussi, faisant de toute notre vie et de notre mort une offrande. Et ce qu’il est aujourd’hui dans sa chair glorifiée, nous le serons, nous aussi. C’est là notre espérance que chaque eucharistie et chaque office célébré veulent célébrer et soutenir.
Mais cette fête voudrait aussi fortifier notre confiance pour le chemin encore à vivre. Le Christ, Tête déjà dans les cieux, ne cesse de donner la vie à son corps, par son Esprit. Il lui donne déjà de prendre part à son énergie. Paul, avec des mots forts, évoque « la puissance incomparable que Dieu déploie pour nous les croyants, c’est l’énergie, la force et la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ ». Peut-être est-ce une autre manière d’exprimer la promesse que Jésus a faite aux disciples : « et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Jésus vivant auprès du Père, loin d’être absent, continue de partager son énergie divine à son Corps qu’est l’Eglise, à travers les sacrements et toute la vie ecclésiale de prière et de communion. Cette conviction de foi vient rencontrer les difficultés actuelles qui mettent en évidence la faiblesse de notre Eglise. Que nous dit ce regard de foi face au péché et aux disfonctionnements que nous déplorons ? Que Dieu ne cesse d’espérer en nous et qu’il n’a qu’un désir : nous donner sa vie en plénitude. Si nous-mêmes tombons, si nous sommes scandalisés par la mauvaise image que nous pouvons donner au monde, gardons confiance en la vie offerte par le Christ notre Tête. S’il a voulu nous adjoindre à lui, comme les membres de son corps, n’est-ce pas pour guérir nos maladies et fortifier notre faiblesse ? Il revient à notre Eglise, et chacun de nous d’être responsable de faire fructifier les dons offerts, de ne pas gaspiller la vie donnée en abondance…Tant d’autres membres du Corps, à côté de nous, cherchent cette vie et l’attendent.
Année A - 5° dimanchede Pâque - 10 mai 2020
Ac 6 1-7 ; 1° Pierre 2 4-9 ; Jn 14 1-12
Homélie de F.Bernard
Durant le temps pascal nous apprenons la vie chrétienne, tâche jamais achevée que nous reprenons chaque année.
Apprendre la vie chrétienne, c’est passer d’une connaissance du Christ selon la chair, à une connaissance selon l’Esprit, du Christ et de toutes choses en Christ. C’est, pour reprendre les mots de saint Paul, accéder à une vie nouvelle, devenir une créature nouvelle, où l’être ancien disparaît pour faire place à l‘être nouveau (cf. 2 Cor 5, 16-17).
Les disciples de Jésus avaient connu leur Maître et l’avaient suivi durant sa vie publique, l’avaient confessé comme le Messie qui devait venir, comme celui qui avait les paroles de la vie éternelle. Pourtant ils ont dû se faire à l’idée de son départ, son départ par sa Passion et sa mort pour le retrouver vivant le troisième jour, puis son départ vers la maison du Père au jour de l’Ascension, pour recevoir le don de l’Esprit au jour de la Pentecôte.
Mais nous, comme l’apôtre Paul, nous n’avons pas connu le Christ selon la chair. Cependant nous devons accomplir une démarche semblable pour accéder nous aussi à la connaissance du Christ dans l’Esprit.
A entendre les Évangiles nous prenons conscience que Jésus a préparé ses disciples à son départ, par étapes et avec ménagement. Je m’en vais, leur dit-il, et je vous préparerai une place dans la maison de mon Père. Puis je reviendrai vous prendre avec moi, afin que là où je suis vous soyez vous aussi.
Jésus a multiplié pour eux les images et les comparaisons, pour faire pressentir le mystère de sa personne, le mystère de Dieu. Il s’était déjà donné comme le Pasteur des brebis et aussi la Porte de la bergerie. Maintenant il se désigne comme le Chemin qui conduit au Père, et aussi comme le terme du chemin : Je suis la Vérité et la Vie. Je suis dans le Père et le Père est en moi. Ainsi le vieux rêve de l’homme, le rêve de toujours, voir Dieu, commence à trouver son accomplissement en Jésus : Qui me voit, voit le Père.
Je m’en vais et je reviendrai. Par ces paroles Jésus avait annoncé sa Passion et sa Résurrection, mais aussi ce temps si particulier que nous vivons liturgiquement entre Pâques et Ascension, entre son 1er départ et le second. A lire le récit des Actes des Apôtres en son début, on a l’impression que tout se passe comme avant : le Ressuscité s’est entretenu avec les disciples du Royaume, il a partagé avec eux des repas. En fait il n’en était pas ainsi. Manifesté à ses disciples, dès qu’il était pleinement reconnu par eux, Jésus disparaissait à leurs yeux, car la figure terrestre du Seigneur devait disparaître afin que nul puisse confondre cette figure avec Dieu même. Au terme du temps, quand Jésus paraîtra dans sa Gloire, la Gloire même du Père rayonnant en lui, alors plus aucun malentendu ne sera possible.
Durant ces jours qui nous précèdent des solennités d’Ascension et de Pentecôte, nous entendrons les ultimes paroles de Jésus dans le discours après la Cène, son testament spirituel. Alors Jésus parlera aux disciples non plus en figures mais en toute clarté, annonçant à cinq reprise Celui qui sera cette autre Présence auprès des disciples, après son départ, cet autre Paraclet, l’Esprit Saint qui procède du Père et est envoyé par le Fils. C’est Lui qui conduira les disciples à la vérité tout entière. C’est en Lui qu’ils accèderont à la connaissance spirituelle du Christ et de tout. C’est de Lui que nous recevons notre identité de fils du Père, et le prions en Esprit et vérité.
Les deux premières lectures de ce dimanche nous font connaître quelque chose de la vie de l’Esprit, dans la 1ère génération chrétienne. D’abord l‘institution des sept diacres. Ils furent choisis, pour la présence de l’Esprit en eux et pour leur sagesse., en vue d’un ministère non pas jugé secondaire et dévalué par rapport à celui des Douze -servir les membres de la communauté en leurs besoins premiers- mais pour que dans ce service fraternel le Christ soit reconnu et servi.
Puis l’Apôtre Pierre exhortant ses correspondants à être des pierres vivantes de l’édifice spirituel en construction, l’Église, dont la pierre de fondation est le Christ lui-même. Alors ils pourront offrir des sacrifices spirituels à la gloire du Père et pour le salut du monde.
Notre tâche est définie : connaître dans l’Esprit l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance. Entrer ainsi dans toute la plénitude de Dieu.
Année A - 4e dimanche après Pâques (2020, communauté seule)
Actes 2, 36-41 ; I Pierre 2,20-25 ; Jean 10, 1-11
Homélie du F.Ghislain
Dans l’évangile, Jésus nous a dit, une fois de plus : « Je suis la porte ». Toute porte libère un passage, elle ouvre sur une route à prendre, sur un espace à occuper. Pour nous, moines, la route est un chemin vers Dieu, l’espace où entrer est Dieu lui-même. La phrase de saint Benoît a touché nos cœurs : « chercher Dieu » dans cet espace physique et dans cette communauté humaine. Nous écoutons en ce moment au réfectoire les propos monastiques du cardinal Hume, tout à fait classiques mais qui peuvent nous toucher nous aussi. Il disait : « la vie monastique est avant tout une quête de Dieu…la finalité de tout est la quête de Dieu… L’intimité avec Dieu, c’est ce à quoi tout le reste nous mène et dont tout devrait déborder… »
Ces propos répétés me rappellent ce que nous disait le père abbé Fulbert, à trois jours de sa mort à Noël 1948 : « Restez recueillis en Dieu » ; ou encore ils font écho à une résolution écrite par le père abbé Placide sur un papier retrouvé après sa mort en 1952 : « élans secrets d’amour qui montent vers Dieu, tel qu’il est en Lui-même. Dieu aimé pour lui-même ». Le cardinal Hume parlait « d’instinct monastique », ce qui rappelle la formule de saint Thomas parlant de « l’instinct intérieur de la foi ». Chacun de nous l’a reçu, cet instinct, autrement il ne serait pas ici. Intérieur et invisible (saint Augustin disait : plus intime à nous que nous-mêmes) il nous maintient attachés les uns aux autres. En ce temps de virus, on peut dire qu’il nous a contaminés, il nous contamine ; loin de chercher un vaccin, nous sommes invités à le laisser peu à peu nous coloniser totalement, afin qu’il soit le lien indestructible de notre être ensemble : « la quête de Dieu en communauté », dit encore Basil Hume.
Je suis la porte, il faut donc la passer. Mais il faut aussi penser ce passage afin de bien le prendre. Aujourd’hui, dans la seconde lecture, saint Pierre nous dit comment : « Il vous a laissé un modèle afin que vous suiviez ses traces ». Quelle trace ? Celle de celui qui a « supporté la souffrance pour avoir fait le bien ». De même que l’image de la porte nous ouvrait sur Dieu, de même elle nous indique la patience, la Passion du Christ. Et de même que ce texte pouvait évoquer en nous le « S’il cherche vraiment Dieu » de la Règle, de même il nous fait penser à la mystérieuse formule qui suit dans le texte du chapitre 58 : « s’il est soucieux d’opprobres ». Le père Adalbert adoucit le dernier mot en traduisant : « de pratiques d’humilité ». Quoi qu’il en soit, en reprenant l’expression du cardinal Hume, on pourrait dire : de même qu’il y a un instinct monastique qui nous pousse vers Dieu, de même il y en a un, - et c’est sans doute le même, - qui nous pousse vers l’humilité. C’est au niveau de cet instinct que nous pouvons entendre le père Muard : « pauvre, humble, mortifié ». Au réfectoire encore, nous avons entendu quelque chose de cela dans l’évocation du Père Ceyrac, particulièrement au moment où il retourne en Inde après les années passées au Cambodge. A ce moment-là, on pourrait dire qu’il est désormais « de trop » : on a du mal à lui trouver une chambre, ce n’est plus pour lui le temps des initiatives puissantes, il appartient à un passé dépassé, il n’a pas de futur. Plusieurs fois, à cette époque, il note comme à regret sur son carnet qu’il ne laisse rien derrière lui : pas, comme l’abbé Pierre, les fondations d’Emmaüs, pas comme Mère Teresa, une congrégation de sœurs de la Charité. Rien. Alors, un jour, il se lève, fait sa toilette, se coiffe soigneusement, puis il s’étend et il meurt, tout dispos pour passer par la porte, Jésus qu’il aimait. Pauvre, humble, mortifié.
Je crois que nous, ici à la Pierre qui Vire, cette trentaine d’hommes que nous sommes, en communion avec nos frères du Vietnam, de Madaga scar, du Burundi, nous vivons de ce double instinct, instinct de Dieu qui nous attire et nous pousse vers l’invisible, instinct d’humilité qui nous fait, comme dit un texte de saint Paul lu à Laudes la semaine dernière, chercher à « le connaître, la puissance de sa Résurrection, la communion à ses souffrances ». Pas plus que saint Paul, nous n’y sommes arrivés, mais « oubliant ce qui est en arrière et tendus vers l’avant, nous courons vers le but », la communion avec Dieu dans le Christ avec tous nos frères les hommes.
Ainsi soit-il
Année A - 3e dimanche de PÂQUES (26/04/2020)
(Ac 2, 14.22b-33 – Ps 15 – 1P 1, 17-21 – Lc 24, 13–35)
Il y a 15 jours, à la messe du jour de Pâques, frère Matthieu nous disait l’importance de la méditation de la Parole de Dieu pour fonder et affermir notre foi.
Ceux parmi nous qui ont eu cours d’exégèse avec lui au studium savent combien l’évangile d’aujourd’hui, Luc 24, lui tient à cœur comme modèle de lectio divina. Jésus ; le Dieu caché, enseigne qu’il se fait découvrir et reconnaître dans la méditation des Écritures. C’est la démarche pédagogique qu’effectue le Christ avec les deux disciples en route vers Emmaüs. Nous y sommes tous appelés.
Le Christ, en effet, enseigne aux deux disciples comment, à partir des Écritures (en partant de Moïse et de tous les prophètes), ils peuvent comprendre que le Christ devait souffrir pour entrer dans sa gloire, alors qu’ils sont déçus par les faits récents.
Ainsi, il est probable que le Christ, fidèle à la tradition rabbinique, a enfilé un collier de perles (c’est-à-dire un ensemble de passages bibliques) pour éclairer les deux disciples. Et cela a eu un résultat puisque les disciples reconnaissent que leur cœur était tout brûlant tandis que le Christ leur ouvrait les Écritures. Cette expérience du cœur brûlant pourrait faire référence à un texte de la tradition rabbinique où deux rabbis, enfermés dans une maison, enchaînent des colliers de citations bibliques. Les voisins, voyant la maison en feu arrivent en courant pour découvrir les deux rabbis occupés à leur partage mystique.
L’enfilement des citations produisait ce feu, signe de la présence de Dieu.
Qui de nous, en écoutant l’évangile d’aujourd’hui, n’a pas eu l’envie d’être présent, quand le Christ parlait, pour l’entendre ? Pour écouter quelles citations le Christ choisissait ? Mais est-ce essentiel ? Si saint Luc n’a pas cru bon de relever avec précision cet exercice de lectio divina christique, n’est-ce pas parce que, sous la mouvance de l’Esprit Saint habitant chaque baptisé, il est possible de faire cet exercice qui conviendra aux circonstances vécues par le croyant ? N’est-ce pas par respect de notre liberté que Dieu veut éviter qu’un texte contraignant, venant du Christ lui-même, paralyse l’action de l’Esprit en nous ? Action que Dieu veut sans doute chaque fois plus neuve. Ainsi, nous sommes tous invités à refaire nous-mêmes ce chemin de redécouverte du Christ ressuscité à partir de la Bible.
Mais la liturgie nous offre des exemples, et c’est le cas de la première lecture de ce dimanche. Pierre, en effet, pour témoigner du Christ ressuscité, utilise bien le psaume 15, chanté ensuite, pour dire qu’il était dans le projet de Dieu de ne pas abandonner son fils à la mort. Ainsi l’Ancien Testament, ici, le psaume 15, nous parle déjà du Christ, de sa résurrection. Le Christ, nous est donc réellement déjà annoncé et nous avons les clés pour pouvoir le découvrir tout autant que les premiers disciples et peut-être plus qu’eux car nous avons toute une tradition d’interprétation derrière nous.
Ce que Pierre dit, n’est-il pas ce que le Christ a enseigné aux disciples d’Emmaüs ? Lorsque Pierre dit que David a vu d’avance la résurrection du Christ en citant le psaume « Il n’a pas été abandonné à la mort et sa chair n’a pas connu la corruption », ne reconnaît-il pas dans la Bible l’annonce de la résurrection du Christ ? N’interprète-t’il pas, à la suite du Christ, ce qui le concerne dans l’Ecriture ?
Il est intéressant de voir que dès que le Christ réalise la fraction, les disciples le reconnaissent mais qu’il disparaît alors à leurs yeux. C’est à ce moment qu’ils font mémoire de l’expérience de lectio qu’ils ont vécue et qu’ils comprennent que le Christ était avec eux et les accompagnait, puisque leur cœur était brûlant, signe de la présence de Dieu. Ils sont alors plein d’allant pour aller annoncer aux autres disciples leur expérience du ressuscité.
Quel enseignement pour nous, aujourd’hui ?
Le Christ montre bien aux deux disciples que la Bible parle de lui et qu’à partir de Moïse et des prophètes, il nous est donné de découvrir le projet de Salut de Dieu. Jésus de Nazareth a fait lui-même ce chemin, durant son ministère, et ça l’a conduit peu à peu à annoncer sa passion, sa mort et sa résurrection à ses disciples qui n’y comprenaient pas grand-chose. Dans le passage qui suit notre évangile d’aujourd’hui, le Christ, qui apparaît alors aux Onze, va reprendre cet enseignement pour leur montrer « ce qui a été écrit de lui dans la loi de Moïse, les Prophètes et les psaumes. »
Cet enseignement, notons-le, n’a pas suffi aux deux disciples d’Emmaüs pour reconnaître qui était ce compagnon de route imprévu. Ce n’est qu’à la fraction du pain qu’ils le reconnaîtront. Pourtant, ils réaliseront alors que leur cœur avait été préparé à cette découverte.
Cet évangile nous enseigne que la méditation des Ecritures, de toutes les Ecritures est à la fois un lieu de compagnonnage et de découverte du Christ. Si saint Luc en parle par deux fois à quelques versets de distance, c’est certainement qu’il en a perçu l’importance. Dans les Actes, Luc montrera Pierre à l’œuvre dans ce même travail de découverte du Christ dans la Bible. Pour nous qui sommes après la Résurrection, mais aussi après la Pentecôte, nous avons l’Esprit Saint en nous comme guide pour ce travail de recherche et de découverte. Saint luc nous apprend que cet exercice n’est pas sans lien avec la présence du Christ dans la fraction du pain.
Les médiévaux parleront de la manducation de la Parole de Dieu qui est du même ordre que la manducation du Corps du Christ.
Nous avons la chance de pouvoir vivre ces deux manducations. Qu’elles puissent nous donner un cœur brûlant dans notre vie de tous les jours.
Je crois que tous, nous avons entendu de la part d’hôtes la question suivante : « Comment connaître le Christ puisque nous ne le voyons pas ? » Oui, nous ne le voyons pas, mais nous pouvons le rencontrer dans la Loi, les Prophètes et les psaumes. C’est le Christ qui nous le dit aujourd’hui. C’est le même Verbe de Dieu qui parle dans les deux Testaments. AMEN
année A - 2ème Dimanche de Pâques, 19 Avril 2020
Ac 2. 42-47 1 P 1 .3-9 Jn 20. 19-31
Homélie du F.Antoine
•Thomas...un homme si proche de nous...si promp
t à douter...à vouloir des preuves concrètes à s'assurer par lui-même de la vérité. L'épreuve de thomas c'est d'abord l'histoire d'une Absence or l'absence a dans !'Ecriture une note péjorative:
A la Cène Judas s'absente ...au Golgotha les disciples ne sont plus qu'un et quand Marie de Magdala arrive au tombeau ...il n'y a plus personne. Cette absence ne nous pose-t-elle pas une question? ne nous renvoie-t-elle pas à l'absence de notre Foi...à l'absence de l'amour que Dieu attend de nous ?
• Mais l'Evg d'aujourd'hui nous invite à méditer sur cette expérience qui parcourt l'Evg de Jean: l'expérience de voir et de croire...au matin de Pâques, devant les bandelettes, Jean, le disciple bien aimé ...voit et croit. Marie de Magdala devant le tombeau ouvert entend une voix qui lui dit« Marie », elle se retourne elle voit.. elle croit et court annoncer la nouvelle ! Et en ce soir de Pâques, c'est Jésus qui montre aux disciples ses mains et son côté...lls voient et Ils croient, et à l'arrivée de Thomas ils lui crient joyeux,« Nous avons vu le Seigneur ! »
• Un Nous qui est pour la première fois le Nous de l'Eglise ! le Nous qui est exprime l'unité des disciples dans la Foi, le Nous de la bonne nouvelle qui accompagnera la prédiction de Pierre comme le témoignage d'Etienne dans son martyre, un Nous qui nous invite à vivre notre Foi personnelle ... avec et dans... la Foi de l'Eglise car c'est ensemble que nous disons: Notre Père donne...Nous ...Pardonne Nous...Délivre Nous...
• Et soudain face à l'unité des disciples dans la Foi, répond le Défi de Thomas« Si JE ne vois pas, si JE ne mets pas mon doigt, JE ne croirai pas ! »....Le JE d'un homme libre...mais le JE du doute, le JE de la méfiance qui bâtit sa certitude sur sa seule expérience personnelle ..
C'est au chapitre 3 de la GN que l'on rencontre le premier emploi du JE... Adam est absent ( tiens, la première« absence» dans la 88 ! ) Dieu le cherche « JE t'ai entendu-dit Adam J'Al eu peur, JE me suis caché »...un JE qui s'inscrit dans le registre de la peur et du refus.... « Si JE ne vois pas...JE ne croirai pas ,, dit Thomas, et son Refus...sa Peur de manquer de certitude nous rappelle que la Foi à laquelle nous sommes tous appelés est un combat, un combat jamais gagné...un combat toujours à recommencer, et finalement, une
folle aventure à laquelle seul Dieu peut nous inviter.
• Cet Evg, nous rappelle qu'il est en chacun de nous un Thomas qui nous pousse à rester trop souvent ...Absent.
Absents aux rendez-vous de la Foi... Absents aux occasions d'aimer. Absents aux appels de celui qui nous a laissé la plus grande des Béatitudes :
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu» Oui, Heureux sommes-nous ... Quand nous dépassons l'apparence des évènements pour y découvrir la réalité de Dieu...Quand devant toute personne dans la souffrance, nous savons reconnaître en elle la marque des clous et la plaie sur le côté...Quand nous déverrouillons les portes closes de notre coeur pour les ouvrir au Christ ressuscité ..... Alors oui... heureux sommes nous!
Dimanche 12 avril 2020 / Dimanche de la Résurrection - Année A -
Actes des Apôtres 10,34 a + 37-43 - Colossiens 3,1-4 - Jean 20,1-9
Homélie du F.Matthieu
« Il vit et il crut. » Voilà ce que, la plupart du temps, on retient de cet évangile et la foi du disciple bien-aimé nous est donnée en exemple de ce que devrait être notre propre foi… Et nous voilà bien loin, peut-être, de la foi qui est la nôtre en ce matin de Pâques !
Qu’en est-il en effet de notre propre foi, celle de chacun d’entre nous, au-delà – ou en deçà – des alleluias et des professions de foi qui remplissent nos liturgies et nos célébrations…Oui, qu’en est-il de ma foi en la résurrection du Christ ? N’est-ce pas le jour ou jamais pour nous poser la question ?
Et l’Evangile de Jean, si nous l’avons écouté en son entier est sans doute bien fait pour nous aider dans ce questionnement personnel.
Car, il n’y est pas seulement question de la réaction de foi du disciple bien-aimé, mais aussi de celle des deux autres acteurs que Jean met en scène : Marie de Magdala et Pierre… il ne s’agit pas de n’importe qui… Marie Madeleine était au pied de la Croix, elle est reconnue par toute l’Eglise comme Apôtre des Apôtres, et Pierre est institué chef des apôtres, celui qui doit les confirmer dans la foi ?
Que nous dit notre Evangile ?
Marie vient au tombeau de grand matin, elle voit, mais seulement la pierre enlevée et elle s’enfuit, ou plutôt elle va trouver appui auprès de deux de ses frères… et elle leur dit tout simplement son affolement devant ce qu’elle comprend comme la disparition du corps de Jésus, le vol sans doute de son cadavre… elle semble loin de la foi en la résurrection de son Seigneur !
Quant à Pierre, il part en courant, il arrive au tombeau, il entre dans le sépulcre… vide… il voit le linceul resté là, il regarde le linceul et le linge qui avait recouvert la tête… il voit, mais de son constat minutieux de l’état des lieux, il ne semble rien tirer qui ait à voir avec la foi !
Et le verset qui clôt le récit… - mais que l’on n’a pas lu ! - nous dit simplement que les disciples retournèrent chez eux… et le disciple bien aimé aussi !
Nous voilà sans doute plus à l’aise pour avouer nos interrogations, nos perplexités face au mystère de la résurrection de Jésus.
Mais notre Evangile n’en reste pas là … n’en restons pas là, nous non plus…
Jean nous fait remarquer que ces interrogations des disciples ne restent pas dans le secret de leur cœur, tous, ils partagent : Marie va le dire aux disciples, et ils vont ensemble au tombeau… et ils regardent ensemble et ils cherchent ensemble… et la suite de l’Evangile nous dira que leur recherche se poursuit, que Marie reste au tombeau et se penche pour regarder… il continuent de chercher, ils sont en marche, ils sont en route… ils sont en quête de leur Seigneur et c’est bien là ce qui nous est simplement demandé aussi : être à l’écoute, en recherche, en chemin…
Et l’Evangile nous indique aussi et surtout le lieu essentiel de la recherche : les Ecritures, toutes les Ecritures… c’est là qu’il s’agit de voir – l’Evangile reprend le mot –, de voir qu’« il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » ! Oui, voilà bien l’essentiel : nous savons où chercher, que lire, relire et méditer : les textes de notre Bible ; il est grand temps – et ce n’est jamais complètement fait ! – de lui donner le pas sur toute autre lecture… si nous voulons être tout simplement disciples des Apôtres, disciples de Jésus !
Et dans cette quête de Dieu, la communauté devrait être le lieu primordial du partage, peut-être pas d’abord de notre foi, mais de nos questions, de la recherche de Jésus, de l’interprétation des Ecritures… c’est de là qu’il faut partir : il faut courir ensemble, regarder ensemble, chercher ensemble…
Oui, dans notre quête du Ressuscité, les Ecritures sont le lieu essentiel, indispensable où il faut chercher ensemble autant que possible.
Oui, alors, mais alors seulement, nous pourrons demeurer en chemin et faire, au jour que Dieu voudra, l’expérience personnelle de la venue de Jésus, le Ressuscité, à notre rencontre… au cœur de nos vies !
En cela aussi, il faut suivre Marie de Magdala, qui va reconnaître son Maître bien-aimé dans celui qu’elle croit d’abord être le jardinier !
En cela aussi, il faut suivre Pierre, qui fera l’expérience de la rencontre du Ressuscité, celui qu’il a renié et qui le remettra dans l’assurance, et de son pardon et de son secours, toujours offerts.
En cela aussi, il faut retrouver le disciple bien-aimé, et apprendre avec lui, à voir et à laisser la foi envahir notre cœur, car elle est un don gratuit de Dieu !
Amen.
Année A - VIGILE PASCALE 12.04.2020
Rm 6, 3-11 ; Mt 28,1-10
Homélie du Père Abbé Luc
Frères, En ces jours où nous disons volontiers que nous sommes en « guerre sanitaire », parmi les nombreuses images par lesquelles cette vigile nous fait entrer dans le mystère de la résurrection du Christ, je retiens l’image du combat. Jésus qui entraine son peuple dans le passage de la mort, pour ressusciter avec lui, est le « guerrier des combats », comme nous l’avons chanté avec le cantique de Moïse… « Fuyons devant Israël », s’étaient écrié les égyptiens, « car c’est le Seigneur qui combat pour eux contre nous ». Cette image guerrière peu sympathique à nos oreilles et à nos regards modernes peut cependant nous faire pressentir combien, dans la résurrection de Jésus, des forces d’un autre ordre sont entrées en jeu qu’on a peine à imaginer, dans un combat entre le mal et le bien, entre la mort et la vie. La mention d’un tremblement de terre dans l’évangile de Matthieu au moment de la résurrection veut peut-être nous faire pressentir ce bouleversement profond à l’oeuvre. Que ce cadavre broyé et défiguré puisse se transformer en un être de lumière, présent d’une façon qui échappe à nos sens immédiats, est inimaginable pour nous. Cela dépasse notre entendement. Le regard de la foi entrevoit quelque chose de grandiose : la puissance divine est à l’œuvre, elle fait sauter les entraves si prégnantes à nos yeux de la souffrance et de la mort. L’apocalypse a essayé d’exprimer cette réalité à travers le récit imagé d’un immense combat cosmique. Le Christ y apparait, entre autre, sous la figure d’un cavalier sur un cheval blanc. « Et, affirme l’Apocalypse, celui qui le monte s’appelle Fidèle et Vrai, il juge et fait la guerre avec justice » (Ap 19, 11). C’est Lui, le « Témoin fidèle, premier-né d’entre les morts, prince des rois de la terre » (Ap 1, 5). De cette vision de cavalier vainqueur, nous avons la chance à Auxerre d’avoir une représentation unique. Le fresquiste roman y suggère à travers les traits empreints de douceur et de force du cavalier, combien il a compris que le Christ ne pouvait avoir remporté cette immense victoire que par sa douceur et par son humilité. « Point de sceptre par quoi tu domines, sinon ta croix », chantons-nous dans une hymne pour le Christ Roi.
Ce soir, nous accueillons dans la foi cette bonne nouvelle : Jésus Ressuscité règne sur la mort au prix d’un lourd et profond combat mené en ce lieu de déréliction où tant d’hommes et de femmes se trouvent encore. Avec reconnaissance, nous l’avons chanté, Lui la Lumière qui perce nos ténèbres pour leur ôter leur pouvoir générateur de désespérance. Dans la mémoire de notre baptême, nous nous laisserons entrainer par lui, à la joie d’être délivré de la fatalité du mal et du péché. Jésus, cavalier vainqueur par sa douceur, nous associe désormais à son combat, avec les armes de sa Parole et de son Esprit. Pain et vin, vraie nourriture, il se fait notre vie. Il nous unit à Lui pour qu’à travers nous son Corps qu’est l’Eglise, sa Vie de Ressuscité soit lumière et joie pour tous les hommes. Dans l’accueil d’un si grand mystère, nous rendons grâce avec reconnaissance.
Année A - VENDREDI SAINT 10.04.2020
Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42 -
Dans l’oraison qui a ouvert cette célébration, nous demandions : « Montre-nous ton amour, nous voulons suivre le Christ qui marche librement vers sa mort ; soutiens-nous comme tu l’as soutenu ». Nous voulons suivre le Christ « qui marche librement vers sa mort »… Par sa prière, l’Eglise nous entraine à oser affronter la mort comme Jésus, librement. Si spontanément, nous avons tendance à fuir la mort et à en éloigner le plus possible la pensée, cet office nous permet de regarder Jésus libre devant sa propre mort. Il est là, non sans angoisse, ni sans avoir connu douleur jusqu’à l’extrême. Mais il est là libre dans la décision d’affronter la mort comme le moment décisif de l’œuvre qu’il est venu accomplir. Hier soir, nous chantions : « Dans sa lutte jusqu’au sang, ta liberté en se perdant se donne et se retrouve en ton obéissance ». Mystère de la liberté de Jésus qui, sous l’apparente soumission aux évènements et aux bourreaux, se manifeste très grande et très profonde comme une obéissance au Père. C’est la liberté de Jésus qui donne à sa croix, toute sa lumière et tout son éclat. Aussi pouvons-nous la vénérer comme « bienheureuse ». En effet, de ce lieu de liberté, nous acquérons nous aussi la liberté. La mort qui est vaincue-là ne nous tient plus sous son emprise. De ce lieu de lumière, nous est offerte la grâce d’oser nous avancer plus confiant devant la mort, afin de non pas la subir, mais d’y consentir. Oui, osons recueillir et demander cette grâce de confiance et d’abandon en ces jours d’épidémie qui remettent sous nos yeux, de manière crue, notre condition mortelle et finie. Sous ce lieu de grâce qu’est la croix, tenons-nous avec audace, dans la prière pour nous-mêmes, et dans l’intercession pour tous nos contemporains qui sont désemparés, perdus face à la mort.
JEUDI SAINT - 09.04.2020 -
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé Luc
Frères,
Les circonstances présentes nous frustrent de la présence des hôtes mais aussi de la possibilité de vivre le geste du lavement des pieds. La prudence nous impose ces restrictions. Est-ce une fatalité à subir ? N’y-a-t-il pas aussi une grâce à recueillir ? J’en vois une assez immédiate offerte par la disposition des chaises qui entourent l’autel, comme rarement nous le vivons aussi nettement. Cette disposition nous permet de mieux méditer la parole que Jésus laisse à ses disciples en Luc dans le contexte du dernier repas, proche de celui de Jean que nous venons d’entendre : « eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Lc 22, 27). Dans le mémorial que nous célébrons ce soir, et en chaque eucharistie, Jésus est là au milieu de nous. Il est au milieu de nous, en l’Autel qui le représente, au milieu encore comme le Prêtre, de l’Alliance nouvelle, enfin, il est au milieu de nous comme la victime, qui s’offre pour notre salut. Comme le suggère une belle préface du temps pascal, le Christ, au milieu de nous, « est à lui seul l’autel, le prêtre et la victime » (Pref. TP. 5).
Je voudrais reprendre chacun de ces trois aspects de la présence du Christ au milieu de nous, en les distinguant, sachant qu’ils n’en font qu’un. Comme l’autel, Jésus est là « au milieu » de nous. Jésus avait prévenu ses disciples : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,20). Le rassemblement des disciples en petite Eglise domestique, appelle et consacre la présence de Jésus au milieu des siens. Toutes nos prières, toutes nos liturgies sont habitées par cette présence de Jésus Vivant Ressuscité « au milieu » de nous. A plus forte raison, aujourd’hui, en ce mémorial de son dernier repas, qui anticipe sa mort et sa résurrection, Jésus se tient « au milieu de nous ». Il est heureux d’en raviver notre conscience. Le fait qu’il soit « au milieu », nous décentre de nous-mêmes. Tout converge vers lui, l’autel. Il est le lieu parfait du sacrifice. En Jésus, nous avons le seul autel qui plaise à Dieu. En Lui, l’humanité pleinement réalisée, trouve le vrai lieu du don de soi. Que nos regards convergent vers l’autel pour reconnaitre en Jésus le lieu de la véritable offrande et pour apprendre de lui à devenir nous-mêmes autel, lieu d’offrande véritable. Que nos cœurs se tournent tous ensemble vers l’autel pour y apprendre les uns avec les autres la vraie unité qui est un sacrifice d’agréable odeur rendu à Dieu. Et de l’autel, notre centre, notre rocher, nous recevrons la force et l’énergie pour nous donner à tous nos frères.
Au milieu de nous, le Christ est le Prêtre. Comme l’a si bien médité, l’auteur de l’épitre aux Hébreux, le Christ mort en croix par amour pour nous est devenu le Prêtre de la nouvelle Alliance. Si dans la première alliance, seul le grand prêtre pouvait avoir accès au sanctuaire dans le temple du Seigneur, le saint des saints, Jésus est désormais le Vrai Grand Prêtre qui a accès en son corps offert et glorifié au sanctuaire des cieux. Pour nous, il est devenu le Médiateur de l’Alliance nouvelle en son sang versé. En chaque célébration, il est au milieu de nous, Grand Prêtre de son Corps qu’est l’Eglise. Au milieu de nous, à travers la figure de l’assemblée, peuple de prêtres, présidée par un ministre ordonné au service de son peuple, le Christ Grand Prêtre poursuit son oeuvre de médiation et de salut pour nous et pour le monde, afin de nous rassembler et de nous porter tous ensemble à son Père.
Au milieu de nous, le Christ est la victime. Lui le serviteur qui a lavé les pieds de ses disciples, il s’est donné lui-même jusqu’au bout. Tel un esclave, compté pour rien, il a consenti à être bafoué, méprisé. Il s’est livré en son corps et son sang, donné et versé pour nous : vrai sacrifice qui plait à Dieu plus que tous les holocaustes d’animaux. En participant à chaque eucharistie, en particulier ce soir en cette commémoration de la Ste Cène, nous accueillons avec action de grâce et gratitude le don du salut par le Christ-victime qui s’est offert pour nous. Dans le même temps, nous nous unissons au mouvement d’offrande de Jésus. Avec Lui, nous prenons part au « sacrifice de louange pour notre rédemption et pour le salut que nous espérons ». En nous unissant à Jésus, nous apprenons à devenir serviteur comme lui de nos frères. Nourris de son corps et de son sang, nous devenons nous-mêmes « une vivante offrande à la Gloire de Dieu ».
Frères, rendons grâce d’être ainsi associé à la célébration de notre Salut. Il est grand le mystère de la foi : « Christ est parmi vous l’espérance de la Gloire (Col 1,27)».