Homélies
Liste des Homélies
18ème Dimanche du T.O. Année A - Dimanche 2 août 2020
1ère lecture : Is 55, 1-3
2ème lecture : Ro 8, 35-39
Psaume : 144
Evangile : Mt 14, 13-21
Homélie du F.Matthieu
Jésus vient de recevoir l’annonce de la mort de Jean-Baptiste ; il sait que Jean et lui ont destin lié depuis son Baptême, dont a été dit "qu'il accomplissait toute justice" ; il sait que Jean était le nouvel Elie venu préparer les chemins du Seigneur ; Jean, mort, il sait donc qu'il se trouve désormais en première ligne, qu'il doit prendre définitivement le relais...
Il voulait se mettre un peu à l’écart, avoir du temps pour que rien ne vienne perturber son intimité avec le Père et sa prière dans ce moment décisif.
Mais les foules en décident autrement ; elles aussi ont appris la mort de Jean et elles savent qu’elles n’ont désormais plus que Jésus... et elles n’hésitent pas... Et ce sont ces foules, qui le précèdent au désert, qui vont lui donner, selon Matthieu, les réponses que la mort de Jean appelait, qui vont lui révéler son être véritable : le visage de Dieu pour tous les hommes.
A la vue des foules, Jésus est "saisi de compassion", et l’évangéliste emploie ici un terme que la Bible ne réserve qu’à Dieu seul, à un Dieu qui se révèle maternel, dont les entrailles sont remuées au plus profond de lui... Oui, le cœur de Dieu se laisse toujours déranger, toujours toucher, c’est le visage de Dieu.
Peut-être attend-il même que nous le dérangions, sans calculer d’avance la faisabilité de nos requêtes, sans souci de l’encombrement… ou de la banalité de nos besoins et de nos demandes. Car Dieu a son point faible, il ne renvoie jamais personne.
Et ici, Jésus guérit tous les malades qui sont là.
Puis, comme le soir vient, et que les disciples suggèrent de renvoyer cette foule affamée et trop nombreuse, Jésus prend l’initiative de les nourrir, et c’est la multiplication des pains qui est au cœur de notre évangile.
Jésus, toujours à l’image du Père, se laisse fléchir par nos faims en tout genre et nos infirmités infinies. Jusqu’au soir, il ne comptera pas sa peine pour nous entendre, pour nous relever, pour nous guérir. Il arrive que les Apôtres s’impatientent, et rêvent de congédier tout le monde. Pour lui, rien n’y fait ! Pour lui, c’est toujours le moment, c’est le cœur de Dieu qui se révèle encore !
Et quand vient le soir, celui du jour ou de la vie, soyons-en assurés, notre ultime faim ne le laissera pas indifférent. Il en sera ému, incroyablement bouleversé. Oui, pour chacun alors, au soir venu, et en abondance il rompra le pain, celui de la vie éternelle. Et tous alors mangeront à leur faim.
En faisant ces gestes, Jésus renouvelle les miracles que la Bible attribuait au prophète Elisée dans le second Livre des Rois... Jésus est ainsi présenté comme le nouvel Elisée, et comme tel, il est confirmé dans sa mission de poursuivre l’œuvre de Dieu qu’avait inauguré Jean Le Baptiste.
Mais en réalisant cette multiplication des pains, Jésus se révèle bien plus qu’un prophète : "ordonnant à la foule de s'asseoir sur l’herbe" - en ce lieu désertique ! - comme Dieu au Psaume 144, Jésus donne à son peuple "la nourriture au temps voulu" Il veut "rassasier avec bonté tout ce qui vit"...
Les disciples lui apporte "cinq pains et deux poissons" : le signe est à déchiffrer, il s’agit de la nourriture du festin messianique des derniers temps, celui qu’annonçait le livre d’Isaïe dans la première lecture ; et la surabondance de nourriture - il va rester douze paniers, de quoi nourrir encore toutes les tribus d’Israël ! - et la satisfaction de tous dont la faim est apaisée, disent bien qu’il s'agit du repas du Royaume, que Jésus nous a présenté dans ses paraboles.
Ainsi Jésus nous est révélé comme le Messie-Roi qui invite au festin du Royaume de Dieu ; il pose les gestes même de Dieu, lui qui préside à ce festin...
Mais l’évangéliste veut nous dire plus encore, et en un sens, mieux encore...
Insensiblement, le récit oublie les poissons, pour ne garder que les pains... et les gestes, et les paroles de Jésus, reprennent exactement ceux et celles qui furent les siens au soir de son Dernier Repas, nous les transmettant à travers les disciples, jusqu’à nos eucharisties.
Ainsi, c’est bien à nous que cette page d’évangile s’adresse aussi, c’est bien à nous qu’est rappelé que l’assemblée, à laquelle Dieu nous invite, dimanche après dimanche, est le repas, déjà messianique où il se donne.
Le pain, celui de la Parole, comme celui de la Table eucharistique, nous est toujours offert et avec lui, et par lui, l’inlassable miséricorde qui guérit tous ceux qui viennent à lui comme des pauvres, abandonnés dans la main de Dieu.
Allons à la rencontre de cette Miséricorde du Seigneur, qui est son vrai visage, et qui nous est offerte encore une fois aujourd’hui en cette célébration !
17e DIMANCHE TO – ANNEE A 26 JUILLET 2020
1 ROi 3 5-12 ; Rom 8 28-30 ; Mt 13 44-52
Le royaume des Cieux est comparable à un trésor…
Notre compréhension spontanée de ces deux petites paraboles,
est que, nous autres hommes, nous autres chrétiens, il nous faut tout vendre,
tout quitter, tout perdre, pour acquérir le trésor et la perle, d’une valeur inestimable.
Et c’est bien la vérité.
Ainsi l’a entendu saint Antoine le grand, le père de monachisme :
« Si tu veux être parfait, va, vend tout ce que tu as, donne-le aux pauvres,
et tu auras un trésor dans le ciel ».
Et Antoine est parti vivre au désert, lui qui avait des biens non négligeables.
Mais je voudrais prendre ces paraboles dans l’autre sens.
D’abord, s’il est dit que le royaume des Cieux est comparable à un trésor,
il n’est pas dit qu’il est comparable à une perle mais à un négociant en recherche de perles fines.
Et dans la parabole du trésor, il s’agit bien d’un homme qui découvre le trésor.
Dans bien des paraboles, l’homme mis en scène représente Dieu lui-même,
et c’est dans ce sens que je voudrais lire aujourd’hui ces paraboles.
L’humanité est pour Dieu, le trésor caché et la perle de grand prix.
Il la recherche, il la désire, il veut l’acquérir, dans la plénitude de sa richesse et de sa beauté.
Dieu a créé l’homme pour qu’il soit sa joie.
Il nous aime avant que nous l’aimions,
nous désire avant que nous le désirions,
nous cherche avant que nous le cherchions.
La perle de grand prix, c’est, pour lui, chacun de nous, c’est l’humanité dans sa totalité.
Il vent tout ce qu’il possède, c’est-à-dire lui-même.
Il nous livre son Fils – et qu’a-t-il de plus précieux que son Fils ?
« Vous avez été achetés à grand prix », dit Paul ;
« Tu as tellement aimé le monde, Père très saint, que tu as envoyé ton propre Fils
pour qu’il soit notre Sauveur. » disons-nous dans la PE IV.
« Tu es mon Fils bien-aimé en qui j’ai toute ma joie » :
cette parole du Père, lors du baptême de Jésus,
il la dit sur chacun de nous.
Il nous aime et nous veut resplendissant de sa gloire.
Mais le trésor est caché dans le champ, enfoui dans la terre,
la perle précieuse est au cœur d’une huitre dont la beauté n’a rien d’attirant.
Dieu vient nous sortir de la terre, nous extraire de nos gangues
en prenant sur lui ce qui cache, ce qui défigure, notre beauté, celle qui vient de lui.
Lors de son agonie, c’est le désir de cette perle qu’est l’humanité
qui a permis à Jésus de dire « oui ».
Il n’a pas dit « oui » à la souffrance, à l’atrocité, à la mort :
il a dit « oui » au projet du Père ,qui était aussi le sien,
de recueillir toute l’humanité pour la présenter au Père,
lavée de toutes ses scories, revêtue de sa grâce et de sa gloire.
Cela ne pouvait se faire qu’en prenant sur lui l’entièreté absolue du mal.
Il désirait tellement que l’humanité – perle précieuse – soit resplendissante de gloire,
que, non seulement il a tout vendu –
lui qui était de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu –
mais il a pris sur lui toutes les abominations qui la défiguraient et la défigurent encore.
« Le Messie fonde l'alliance nouvelle en prenant sur lui le mal. …
Il ne fait pas crédit à l'accusateur, contre le Créateur. Il lui dit simplement : « Tu veux ma vie, prends-la, je la donne tout entière. » Et la mort corporelle [de Jésus] va priver le mal de sa victoire. L'accusateur ne peut utiliser la vie qui se livre tout entière à la mort, par amour », écrit Jean-François Bouthors
Il écrit encore : « Le salut ne s'approche pas pour des hommes qui seraient déjà sortis des ténèbres, pour d'hypothétiques justes, pour l'élite méritante. … Il vient dans la nuit, dans la mort. … Là où l'on trouve l'inhumain. Dans le monde où sont inextricablement mêlés l'humain et l'inhumain, pour que la lumière éclaire toute chose et que l'homme puisse réconcilier ses deux parts, humaine et inhumaine. »
« L'inhumain ayant ainsi culminé dans la mise à mort, sans que l'amour défaille, il est ainsi révélé, manifesté, qu'il n'est rien qui ne puisse être ressaisi par l'amour. »
« Le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu » dit st Pierre dans sa 1er épitre (1P 3, 18).
« Jésus a tout donné pour racheter l’humanité aimée du Père. » commente notre évêque.
C’est ce mystère d’amour, cette victoire de la vie sur la mort, du divin et de l’humain sur l’inhumain, de notre beauté précieuse sur la défiguration du mal,
que nous célébrons dans le mystère de l’eucharistie.
Ce mystère ne s’adresse pas à une élite mais au peuple des pécheurs,
à nous tous, à l’humanité entière.
Nous croyons en Jésus ressuscité, revêtu de gloire,
nous croyons en notre propre résurrection à venir, mais aussi, pour une part, déjà présente,
parce que Jésus a pris sur lui nos défigurations pour les enlever.
« Jésus, Dieu sauve » est avec nous et fait de nous des fils.
DEDICACE DE NOTRE EGLISE
25 juillet 2020
1R 8, 23-22, 27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19
Homélie du Père Abbé Luc
« Approchez-vous de lui : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu »… Approchez-vous…c’est que nous faisons, frères et sœurs, chaque fois que nous entrons dans une église. Nous nous approchons du Christ, dont l’autel traditionnellement en pierre, est le symbole. Devant l’autel, nous nous inclinons. Avec l’encens, nous le vénérons, car nous voulons honorer à travers lui, le Christ la Pierre vivante, un moment rejetée au temps de la passion, et devenue la pierre d’angle. Oui le Christ est le Roc, le centre et le fondement de notre rassemblement dans une église.
St Pierre poursuit l’image de la pierre, en affirmant : « vous aussi comme pierres vivantes, entrez dans la demeure spirituelle ». Celui à qui Jésus a dit : « tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise », ne craint pas de nous associer à sa vocation pour devenir avec lui, des pierres de l’édifice spirituel. Et c’est ce qui se réalise lorsque nous prenons part à la liturgie de l’Eglise. En nous rassemblant pour la messe dominicale, ou pour les moines, à heures régulières tous les jours de la semaine, nous « entrons » dans la demeure spirituelle que Dieu désire construire. En participant aux prières, en chantant, en écoutant la Parole de Dieu, unis à tous les autres chrétiens, peu à peu s’édifie ce Temple spirituel que nous sommes chacun et tous ensemble. Nous nous ouvrons à l’œuvre de Dieu qui veut nous voir grandir dans la confiance, dans la joie et dans paix. Nous le laissons tisser entre nous des liens d’amour fraternel toujours plus profonds sous son regard de Père.
Et de tout cela, l’église de pierre de granit ou de calcaire qui nous accueille pour quelques heures est le témoin. Mais peut-être est-elle encore davantage. On pourrait se demander : pour construire le temple spirituel, a-t-on besoin d’édifice de pierres ? Dans un monastère, nous faisons l’expérience quotidienne de l’importance d’avoir une église où se rassembler. Elle est ce lieu central vers lequel nous convergeons pour nous extraire des activités, afin de nous remettre en présence de Celui qui nous appelle à le louer. De même que les moines revêtent la coule, l’habit de prière qui les aide à s’unifier pour mieux habiter les temps de célébration, de même l’église est comme un vêtement dans lequel toute communauté chrétienne va s’unifier dans la prière et à se laisser habiter par l’Esprit de Dieu. Le bâtiment de pierre qui nous enveloppe nous façonne. Il nous modèle en personne et en communauté de prière. A côté du vêtement, une autre image pourrait élargir encore la compréhension du mystère que nous vivons en entrant dans une église de pierre… C’est l’image d’un moule, d’un moule à pain… Le boulanger qui a pétrit la pâte, la met dans un moule avant de la mettre au four. Ainsi aura-t-on les différentes formes et tailles de pains voulues… Comme notre église, nos églises sont en grande majorité en forme de croix, croix latine allongée en occident, croix grecque aux 4 côtés égaux en orient. En entrant dans une église en forme de croix, nous pouvons nous souvenir que nous sommes invités à entrer dans le mystère de la croix et de la résurrection du Christ. L’assemblée réunie dans cette église ne cesse de dire merci à Dieu en chaque eucharistie pour ce qu’il a fait en Jésus mort et ressuscité pour nous. Nous disons merci, nous rendons grâce, mais nous sommes aussi invités à nous unir à Jésus dans le don de notre vie. Avec Lui, nous apprenons à mourir, pour vivre de sa vie. C’est en ce sens que nos églises sont comme un moule qui nous façonne avec Jésus, pour être avec lui un peuple qui s’offre par amour. Là nous apprenons peu à peu le vrai sens de la mort tournée vers la vie. La mort : allons-nous sans cesse la subir ou bien allons-nous l’offrir ? Allons-nous toujours la fuir ou bien allons-nous demander la grâce de la traverser avec Jésus ? Sous ces différentes facettes depuis les contrariétés jusqu’aux souffrances les plus aigües, la mort vient à notre rencontre quotidiennement. Dans nos églises, il nous est possible de venir déposer le fardeau, et de le donner à Jésus. En chaque eucharistie, Jésus prend nos fardeaux dans sa mort offerte, et nous aide à les porter avec lui en sa résurrection à l’œuvre. Oui, comme un moule, nos églises voudraient nous apprendre à devenir offrande en tout notre être…donné par amour du Christ et des autres. Car là est la vraie vie. C’est la grâce que nous pouvons demander en ce jour, comme nous y entrainera dans quelques instants la prière sur les offrandes : « nous te prions de nous transformer en offrandes qui te soient agréables »…
Année A - 16ème dimanche ordinaire - 19 Juillet 2020
Sg 12,13.16-19; Rm 8,26-27; Mt 13,24-43
Homélie du F.Damase
Cet Evangile nous rapporte trois paraboles, je voudrais relire avec vous la première, celle du bon grain et de l’ivraie ; car elle traite d’une question qui nous travaille tous : la présence du mal dans le monde et la nécessité de l’espérance !
1) Ce monde est-il absurde ? Si Dieu est bon et tout puissant - Pourquoi tant de souffrance, de violence, d’injustice ? Jésus nous donne une réponse, sur l’origine et la présence du mal dans le monde, sur la victoire définitive du Royaume !
Pour expliquer l’origine du mal dans le monde, Jésus reprend l’enseignement de la Genèse sur la création. Tout ce que Dieu a fait est bon. Le mal ne vient pas de Dieu, le semeur n’a semé que du bon grain.
Mais Jésus ajoute une précision importante : le mal ne vient pas du cœur de l’homme. Le mal existe avant l’homme : l’homme lui-même est victime de celui que Jésus appelle l’Ennemi, le Mauvais, le démon.
A la racine de nos faiblesses, de nos péchés, il y a une puissance qui agit en nous - elle est en nous, mais elle n’est pas nous-mêmes, nous ne savons pas d’où nous viennent ces « mauvaises idées ».
Jésus ne dit-il pas que c’est : « pendant que les gens dorment, que l’ennemi survient ». Le blé est semé en plein jour, l’ivraie est semée en cachette, en profitant d’un moment d’inconscience, d’inattention !
N’est-ce pas une expérience que nous faisons très souvent ? Le mal s’infiltre sournoisement dans notre vie, à notre insu : nous ne nous en apercevons qu’après ….
Jésus insiste : le pécheur est d’abord une victime - l’ivraie est semé pendant la nuit ! Le cœur de l’homme est BON - Dieu a inscrit en lui ce désir du bien….
Même si telle personne nous semble enfermée dans la violence ou la méchanceté, Il y a encore et toujours une lueur d’espoir - le cœur de l’homme est mêlé - Il n’y a pas « d’un côté des bons et de l’autre des méchants ». Mais « au milieu de l’ivraie, il y a du bon grain » ! le cœur de l’homme est mêlé
2) Cette parabole du bon grain et de l’ivraie souligne un autre enseignement tout aussi important, c’est la victoire définitive du bien
Le dialogue des serviteurs avec leur maître met en relief la prolifération de l’ivraie. Il y a tant de mauvaises herbes que les serviteurs demandent à leur maître si « par hasard », il ne se serait pas trompé de sac – si par hasard, il n’aurait pas lui-même semé de la mauvaise graine » ! Et le maître répond du tac au tac : « n’arrachez pas l’ivraie, il ne resterait plus rien dans le champ !
Ce jeu de question et de réponse - avec cette interdiction d’arracher l’ivraie, montre que le Maître est parfaitement conscient de la prolifération de l’ivraie dans son champ, de la prolifération du mal dans le monde.
Mais cela souligne aussi que le maître est absolument certain du résultat :
- un jour il y aura la moisson finale … un jour il y aura le tri, le jugement.
Le Maître est certain que l’ivraie (que le mal) n’arrivera pas à étouffer le bon grain.
Quand le monde semble complètement ivre, Jésus nous invite à l’espérance malgré tout !
Et sûrs de ce résultat final, chacun de nous essaye de travailler chaque jour, à ce monde nouveau,
- en faisant confiance à notre frère,
- et surtout en faisant confiance au Maître du champ, au Créateur !
597
Année A) - HOMELIE du 15ème dimanche TO - 12/08/2020
(Isaïe 55,10-11 ; Romains 8,18-23 ; Matth. 13,1-23)
Homelie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les différents textes de la liturgie de ce dimanche dégagent une ambiance assez écologique, du moins à un premier niveau d’écoute. Nombreux sont les éléments de la nature qui y sont mentionnés. La pluie et la neige dans la 1ère lecture, comme symboles de la fécondation et de la germination de la terre, dans laquelle la semence peut produire du blé qui donne le pain nécessaire à la nourriture de l’homme. Tout le Psaume 64 ensuite, chanté en répons, est une grande célébration de louange à Dieu, le Créateur qui lui-même visite la terre et l’abreuve de ruisseaux gorgés d’eau, la comblant de richesses : des moissons, des pâturages, des troupeaux. Tout exulte et chante !
L’évangile de la Parabole du Semeur, où Jésus enseigne les foules et ses disciples est en consonance avec ces 2 premiers textes. Nombreuses sont encore les images empruntées au monde de la nature dans ses différents aspects : minéral, avec les pierres d’un sol ingrat, végétal avec les ronces, les grains de plantes semés, les fruits, animal aussi avec les oiseaux du ciel, humain enfin avec le personnage central du semeur.
Quant à Saint Paul, dans la seconde lecture, il nous entraîne dans une grande contemplation de la création, en attente de la Révélation promise aux enfants de Dieu. Une création en gestation, en travail d’enfantement d’un monde nouveau : ciel nouveau, terre nouvelle où règneront la justice, la paix et l’harmonie. Mais pour l’heure, cette création est encore esclave et soumise au pouvoir du néant. Elle garde pourtant l’espérance de sa libération et de sa transfiguration acquise déjà dans la victoire pascale du Christ Rédempteur.
Que retenir alors des ces 4 très beaux textes de l’Ecriture ? Quelle application pouvons-nous en tirer pour notre vie de chrétien aujourd’hui ?
Il nous faut remarquer tout d’abord que chacun renvoie, à sa manière à l’écoute de la Parole de Dieu. Les images n’ont qu’une fonction : celle d’attirer l’attention des auditeurs sur une réalité qui les dépasse. Le message essentiel de la parabole est l’écoute et la compréhension de la Parole pour en vivre, la mettre en pratique et ainsi porter du fruit en abondance. Cela nécessite du temps et de la patience. Il est question dans ces textes de croissance, de résultat attendu, d’accomplissement d’un travail ou d’une mission. Mais de quelle croissance et de quel rendement s’agit-i ?
On parle beaucoup de croissance dans notre monde actuel. C’est un terme clé pour les économistes et les hommes politiques. On juge un pays par sa capacité de croissance, d’augmentation ou de diminution de son PIB. Après le choc de l’épidémie du Coronavirus que nous venons de vivre, et qui n’est pas achevée, il n’est plus question que de retour de la croissance, afin d’éviter une récession, source de tous les malheurs sociaux.
En psychologie aussi, on emploie volontiers ce vocabulaire de la croissance dans le sens du développement de son potentiel humain. L’enfant, l’adulte doit croître pour acquérir une pleine autonomie, exercer des responsabilités et assumer une vraie maturité.
L’évangile et l’enseignement de l’Eglise ne mésestiment pas les aspects positifs de ces points de vue. Mais la croissance et le progrès qu’ils visent sont d’une autre nature, plus théologique et spirituelle. Comme l’affirme Saint Paul dans une autre épitre, la Parole de Dieu semée dans le cœur du disciple l’invite à grandir à tous égards dans la connaissance de la tête du Corps, le Christ. Et c’est de lui que le Corps tout entier, coordonné et bien uni grâce aux articulations qui le desservent, selon une activité répartie à la mesure de chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour.
Le Pape François dans son Encyclique « Laudato Si » insiste sur le fait que dans la création tout est donné, tout est lié, tout est fragile. Le respect et l’amour que nous devons avoir vis-à-vis des éléments de la nature sont inséparables du respect et de l’amour que nous devons nous porter les uns aux autres, et surtout aux plus pauvres. Message d’une écologie intégrale pour tout homme de bonne volonté, en accord avec l’enseignement en paraboles de Jésus aux foules et à ses disciples. Actualiser la parabole du semeur, c’est alors entendre et comprendre l’appel de Jésus à être une bonne terre, disponible à faire la volonté de Dieu et à porter du fruit. C’est entendre et comprendre l’invitation à la confiance en la fructification finale de l’évangélisation, en dépit des échecs rencontrés sur des terrains ingrats, hostiles ou indifférents à l’annonce de la Parole.
Disponibilité, confiance, patience, liberté aussi, dans ce travail de collaboration. Car le semeur n’est pas seul. Chacun de nous agit, selon les dons que le Seigneur lui a accordés. L’un plante, un autre arrose, mais c’est Dieu qui fait croître. Celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien, Dieu seul compte, lui qui fait croître. Et chacun recevra son salaire (30,60, 100) à la mesure de son propre travail. Car nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu, et nous sommes le champ que Dieu cultive, la maison qu’IL construit.
AMEN
11 Juillet 2020 - SAINT BENOIT 2020
Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du P.abbé Luc
« Si tu creuses comme un chercheur de trésor alors tu comprendras la crainte du Seigneur, tu découvriras la connaissance de Dieu ». En cette fête de St Benoit, il est heureux frères et sœurs d’entendre ce conseil du sage du livre des Proverbes… S’il raisonne aux oreilles des humains de tous les temps, il intéresse en premier chef les moines. Etre des chercheurs, chercheurs de Dieu, chercheurs de vérité, de paix, de sagesse, d’amour… Telle est la voie dans laquelle St Benoit nous entraine, pour mieux suivre le Christ qui nous appelle. Cette voie nous engage doublement : il s’agit de creuser, mais aussi de nous laisser creuser, pour finalement découvrir que tout est don, cadeau, grâce. A la lumière des lectures entendues, je voudrais reprendre ces trois points : creuser, nous laisser creuser, cadeau…
Le sage du livre des Proverbes insiste fortement sur notre engagement dans la recherche de Dieu. Par quatre fois, il utilise la conjonction « si » : « si tu fais appel à l’intelligence, si tu invoques la raison, si tu la recherches comme l’argent, si tu creuses comme un chercheur de trésor »… L’insistance est sans équivoque. Il nous faut nous mettre à l’œuvre. Nous appliquer avec notre intelligence, utiliser tous les moyens à portée de notre raison, nous donner avec générosité comme on cherche de l’argent ou de l’or, creuser, fouiller notre terre, notre humanité qui recèle bien des possibilités de relation avec Dieu et les autres qui sont peut-être encore trop cachées ou trop endormies. Entendons dans ces paroles un appel à redonner du poids à la réflexion et à l’attention à ce que nous vivons pour y découvrir des chemins de rencontre et de connaissance de notre Dieu. St Benoit nous invite nous les moines à consacrer une bonne part de notre temps à la lectio divina pour lire, méditer et prier les Ecritures, pour étudier réfléchir sur le mystère de la foi. Sous la lumière de la Parole de Dieu, nous voulons entrer dans une meilleure intelligence de notre relation avec le Seigneur. Qui est-il ? De quel amour il m’aime…Qui suis-je à ses yeux ? Qu’est-ce que l’humanité sous son regard ? Par là aussi, nous grandissons dans une meilleure connaissance de nous-mêmes et des autres. « Chaque matin, le moine retourne à son jardin. Chaque matin, le moine retourne son jardin, et c’est de l’or à la fin » nous glisse malicieusement notre f. Yves.
Creuser comme un chercheur de trésor, mais aussi nous laisser creuser… Dans la recherche de Dieu, Jésus nous découvre que le bonheur et la voie vers le Royaume passe aussi par ce que nous ne choisissons pas : les larmes, la persécution pour la justice, les contradictions à cause du nom de Jésus. La vie apporte son lot d’épreuves, de contraintes et d’obstacles qui nous creusent à nos dépends. St Benoit évoque sur le chemin de l’humilité les possibles humiliations ou injustices qui ne manquent jamais. Nous aimerions bien nous en passer, mais elles sont là. Si la tentation est grande de les interpréter comme des punitions de Dieu, nous avons entendu cela à propos de la crise du Coronavirus, Jésus ne se situe pas sur ce registre. Il nous propose d’en faire un creuset, un chemin d’attente et d’accueil de la vie plus profonde du Royaume. Ces épreuves nous rappellent que nous ne sommes ici-bas qu’en chemin. Le but est devant nous dans le Royaume offert à tous les enfants de Dieu. Connaitre ce but ne va pas enlever la dureté du chemin, mais il nous donne de marcher autrement, davantage dans la confiance, dans l’abandon entre les mains d’un Père qui nous aime et qui est avec nous dans nos épreuves. En nous disant « heureux » lorsque nous pleurons, que nous sommes persécutés ou dans la contradiction pour l’évangile, Jésus veut nourrir notre espérance : ce qui nous creuse est davantage porteur d’avenir que ce qui nous remplit.
Creuser, nous laisser creuser….tout est grâce, don… Dans la lumière du Christ, st Paul manifeste combien nous sommes précédés par notre Dieu qui est venu à nos devants. « Nous avons été choisis, sanctifiés….appelés »… Et en vertu de ce don premier, il nous est possible de vivre de manière nouvelle, de nous « revêtir de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience ». Ce manteau n’est pas le nôtre au départ, c’est celui du Christ. Mais il nous fait ce beau cadeau de nous permettre de le revêtir. Il nous permet ainsi que tout ce que nous disons et que nous faisons, nous puissions le dire et le faire au nom du Seigneur Jésus, pour rendre grâce au Père. En regardant nos vies, nous pouvons nous sentir maladroits ou bien impuissants à revêtir ce manteau, cet être nouveau dans le Christ. C’est vrai. Mais nous pouvons le désirer, le demander comme une grâce et nous disposer à le revêtir jour après jour…St Benoit dans sa règle nous offre bien des instruments ou des manières pour peu à peu laisser le Christ transformer nos manières d’agir… Avant tout demander dans la prière qu’il conduise à la perfection le bien que nous voulons faire… Se réconcilier avant le coucher du soleil, supporter patiemment nos infirmités physiques et morales, ne rien préférer à l’œuvre de Dieu…
Entrons dans l’action de grâce au Seigneur qui nous a appelés et qui nous guide par sa Parole et par ses amis les saints, pour être revêtu du Christ.
Année A - 14ème dim. du T.O., 5 juillet 2020
Zach9 9-10 ; Rom 8 9-13; Mt 11 25-30
Homélie du F.Bernard
L’Évangile que nous venons d’entendre évoque un moment bien important de la vie de Jésus, de son ministère en Galilée. Il vient de comparer sa génération, qui n’a pas accueilli son message de grâce, à des enfants boudeurs qui n’ont pas voulu entrer dans le jeu. Il s’est lamenté ensuite sur les villes du lac qui n’ont pas su reconnaître ses miracles : malheur à toi Chorazeïn, malheur à toi Bethsaïde, malheur à toi Capharnaüm. Et juste après cet évangile, la controverse avec les scribes et les pharisiens, sur le sabbat, reprendra de plus belle.
Pourtant malgré ces résistances évidentes à sa parole de salut, voici que Jésus exulte de joie et adresse sa louange à son Père : Je te bénis Père d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout-petits. En effet si Jésus a rencontré sur sa route bien des sages et des savants qui pensaient tout savoir sur Dieu, et n’étaient pas prêts à accueillir la nouveauté qu’il était venu apporter en sa personne, il a aussi accueilli des tout-petits qui sont devenus ses disciples. C’est à cause d’eux que Jésus proclame sa louange au Père, qui leur a confié les mystères du Royaume et leur a révélé qu’il était, lui-même, ce Fils bien aimé qu’ils devaient écouter.
Ils ont écouté le SM, ils ont entendu les béatitudes promises aux pauvres de cœur, aux doux et aux miséricordieux, aux affligés, aux affamés et assoiffés de justice, aux artisans de paix, aux cœurs purs. Ceux sont eux ces tout-petits, ces disciples du roi messianique annoncé par le prophète Zacharie, le roi de paix, doux et humble de cœur qui entrera dans sa ville, monté sur un ânon, le petit d’une ânesse.
Puis Jésus continue en levant un coin du voile sur sa relation à son Père. Si le Père est l’origine de tout, s’il a révélé le Fils bien aimé, lors du Baptême de Jésus et à la Transfiguration, tout, absolument tout, est confié au Fils, lui le révélateur du Père. Personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler. L’unique œuvre de Jésus-Christ, peut-on dire, est de nous faire connaître le Père et de nous apprendre à le prier comme notre Père, puisque nous sommes ses enfants à la suite du Christ.
On remarquera que l’Esprit Saint ici n’est pas nommé. Pourtant il est bien présent quand Jésus nous parle du Père. D’ailleurs dans le passage parallèle de l’évangile de Luc, en ce même endroit, il est bien dit que Jésus exulta sous l’action de l’Esprit Saint. Remarquons que dans l’évangile de Jean, où Jésus parle si souvent de son Père, l’annonce explicite de l’Esprit Saint n’intervient aussi qu’à la fin, dans le discours après la Cène. Mais l’Esprit Saint est bien là ; la deuxième lecture le disait, et c’est par Lui que dans le Christ nous nous adressons au Père.
Enfin Jésus continue en s’adressant plus particulièrement à ses disciples : Vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, venez à moi. Je vous procurerai le repos. De quel fardeau s’agit-il ? Celui de la vie qui pèse sur toutes nos épaules, et de plus en plus sans doute à mesure que nous avançons en âge : les soucis, les épreuves de toutes sortes, celles de nos proches ou bien les nôtres, la maladie, la vieillesse avec ses infirmités, la mort. Pas nécessaire d’allonger la liste. Nous connaissons tout cela.
A ce fardeau de la vie, s’ajoutait pour l’israélite fidèle, le fardeau des observances religieuses, les 613 commandements de la Loi mosaïque, qu’on n’avait jamais fini d’appliquer et qui ne procuraient pas le repos. Jésus nous dit : Prenez sur vous mon joug et vous trouverez le repos. Oui mon joug est facile à porter et mon fardeau léger.
Comment est-ce possible? Car Jésus nous a prévenu que les exigences de sa justice dépassaient celles des scribes et des pharisiens, sinon parce que Jésus porte avec nous et en nous la Loi de charité qu’il a posée sur nos épaules. Si le joug du Christ nous paraît parfois trop lourd, demandons-nous si nous le portons bien, si nous laissons suffisamment le Christ le porter en nous.
Ne laissons pas le fardeau de la vie, tous les poids qui pèsent sur nos épaules sans les laisser porter en nous par le Christ, car Il a pris sur lui nos infirmités et nos maladies. L’Évangile nous le dit (Mt 8,17) reprenant la prophétie d’Isaïe (Is 53,4). C’est ainsi que nous trouverons le repos. Gardons dans la mémoire du cœur les paroles si importantes de l’Évangile de ce jour.
Année A - 13e dimanche ordinaire
II Rois 4, 8-11 et 14-16a ; Rom. 6, 3-4 et 8-11 ; Mt. 10, 37-42
Homélie du F. Ghislain
Ce que je voudrais vous dire, frères et sœurs, est que nous devons lire cet évangile positivement : nous sommes dignes du Christ. Il faut nous en rendre compte, il faut en remercier et alors, aller plus loin. Ou, en termes négatifs, il ne faut pas devant cet évangile, être paralysés par notre indignité, ne pas savoir comment en sortir, et, finalement¸ laisser tout tomber.
En effet, qu’est-ce que cela veut dire concrètement : aimer ses parents ou ses enfants davantage qu’on n’aime le Christ ? Qu’est-ce que cela veut dire « prendre sa croix » ou « perdre sa vie »
Et d’abord : où est le Christ, où le trouver, où l’aimer plus que tout ? Dit autrement : où l’avons-nous rencontré pour l’aimer ainsi ?
J’aimerais pour essayer de répondre à cette question, la mettre en rapport avec un texte de la 1e lettre de saint Pierre : parlant de Jésus, elle écrit : « Lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore » (1, 8), et elle ajoute : « aussi tressaillez-vous d’une joie ineffable et glorieuse ». Comment peut-on l’aimer davantage que ceux qui nous sont le plus chers alors qu’on ne l’a pas vu ? comment y trouver une joie incomparable ? Cherchons encore dans l’Ecriture : vous connaissez la parole adressée à Paul sur le chemin de Damas : « Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ? », alors que Saoul « ne respirait toujours que menaces et meurtres contre les disciples (Act. 9, 1 et 2). Qui alors persécute Jésus, sinon celui qui persécute ceux qui croient en Lui ?
Dans la parabole du Jugement dernier, au chapitre 25 de l’évangile de saint Matthieu, nous entendons la même chose : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir » et de te faire ou non du bien ? (25, 37 et 44), et la réponse vient : « En vérité je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait [ou ne l’avez pas fait] à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez [ou ne l’avez pas] fait ».
Alors les choses s’éclairent : Nous avons un critère sûr pour ne pas nous tromper en ce qui concerne notre rapport avec Jésus. Il s’agit d’avoir avec les autres un rapport de préférence.
Le rapport avec les enfants. Il n’est pas si simple. Je vais essayer de le dire en rapportant une parole qui m’a été dite un jour par une mère de famille de six enfants : à chaque naissance, quand j’ai vu le petit qui était sorti de moi, j’ai compris qu’il ne m’appartenait pas. Elle comprenait qu’elle avait dans ce nouveau-né une personne : à accueillir, à découvrir certes, à éduquer c’est-à-dire à faire progressivement naître à sa vérité, à introduire dans un réseau de relations où il trouvera son humanité, à commencer à faire éclore en lui le fils de Dieu unique, commencé au baptême.
Puis, au fur et à mesure que l’enfant grandit , devient un jeune homme, puis un homme fait, l’accompagner dans son effort pour tracer sa voie, accepter qu’il s’en aille, parfois loin, qu’il s’oppose, qu’il oublie, être toujours là quand il a besoin, demeurer dans l’ombre…Prier pour lui, apprendre de lui, être patient. Il y a une phrase de saint Paul aux Galates qui est suggestive : « mes petits enfants que de nouveau j’enfante dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. Oh ! que je voudrais être auprès de vous en ce moment pour trouver le ton qui convient, car je ne sais comment m’y prendre avec vous » (4,19)
Et, du coup, s’éclaire aussi, le rapport avec les parents de la part des enfants adultes. On voudrait qu’un rapport d’amitié, une sorte d’égalité s’établisse, dans le respect certes de la vie qu’ils nous ont donnée…Mais ce n’est pas toujours cela : on peut avoir l’impression qu’ils interviennent trop ou pas assez. On découvre aussi leurs faiblesses et, au fur et à mesure que leur âge avance, leurs infirmités et leurs besoins. Prendre soin d’eux, les visiter, faire tout pour que leur fin de vie ne soit pas trop austère, qu’ils aient encore l’occasion de se sentir utiles et que leur mort soit douce.
Je pourrais continuer à commenter chacune des phrases de cet évangile, ou vous redire les mêmes choses en relisant dans cette perspective l’histoire d’Elisée et de la femme sunamite ; celle-ci commence par aimer Elisée plus qu’elle-même et Elisée prend la suite en lui donnant d’être mère. Ce que je voudrais vous suggérer, c’est ceci : comment nous y prenons-nous avec les autres, proches ou lointains, que Dieu a placés sur notre route : eux comme nous vont vers le Christ.
Année A - 12e dimanche TEMPS ORDINAIRE (A) (21/06/2020)
(Jr 20, 10-13 – Ps 68 – Rm 5, 12-15 – Mt 10, 26–33)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs, nous sortons à peine du temps pascal et pourtant les lectures de ce dimanche nous ramènent quasiment en pleine passion du Christ. Toutes, en effet, font allusion à une menace, à un danger mortel dont seul le Seigneur peut délivrer.
Dans la première lecture, le prophète Jérémie, souvent décrit comme une figure, une annonce du Christ, se trouve en bien mauvaise posture. Dieu l’a envoyé annoncer aux habitants de Jérusalem que leurs infidélités étaient telles que le Seigneur allait les abandonner à l’invasion toute proche des Babyloniens. Il n’en fallait pas plus pour qu’ils soit accusé de trahison, de défaitisme et qu’il soit emprisonné et condamné à mort. Ainsi, c’est pour avoir déplu aux attentes du peuple que Jérémie se retrouve en prison. Mais il garde confiance en Dieu qui est avec lui. Dans un discours, il est vrai guerrier, il se confie au Seigneur qui voit combien lui, Jérémie, est fidèle et il sait qu’il sera secouru par le Seigneur car il lui a remis sa cause. Confiance du prophète contre toute évidence.
Le psaume 68 qui a été chanté est un psaume que nous chantons volontiers le vendredi saint tant il préfigure également la passion du Christ :
« C’est pour toi que j’endure l’insulte … je suis un étranger pour mes frères … l’amour de ta maison m’a perdu. »
Mais là aussi, il y a une espérance :
« Et moi, je te prie, Seigneur … dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi… par ta vérité, sauve-moi… »
Et le psaume se termine plein de confiance :
« Le Seigneur écoute les humbles, il n’oublie pas les siens emprisonnés. »
Ce psaume convient bien à la situation de Jérémie, et à celle du Christ durant sa Passion et on peut penser qu’il a pu monter à la mémoire, à la conscience du Christ durant l’agonie au Jardin des Oliviers ou sur son chemin vers le Golgotha.
Durant sa prédication, face au rejet de plus en plus menaçant de sa parole par les scribes et les chefs du peuple juif, Jésus manifeste sa confiance en son Père et encourage ses disciples sans doute désemparés. Il ne faut pas craindre ceux qui peuvent tuer le corps. Dieu est le plus fort et de loin. Et il ne peut pas ne pas se soucier de ses envoyés, lui qui veille sur les moineaux et compte les cheveux de nos têtes. Devant les menaces qui planent sur lui et sur ses disciples, Jésus rappelle que son Père est le maître de l’histoire, même si les évidences peuvent paraître, dans un premier temps, contraires.
La seconde lecture, quant à elle, nous situe dans le même cadre. Certes, le péché, et à sa suite, la mort, semblent dominer notre monde, semblent l’emporter sur tous les hommes. Mais si la mort atteint la multitude des hommes, la grâce, elle, est répandue beaucoup plus en abondance. C’est la grâce de la Vie, la grâce de la victoire sur la mort accomplie par un homme, Jésus Christ.
Frères et sœur, les lectures de ce jour transmettent toutes un même message : la violence, la mort, le mal paraissent l’emporter partout et en tout temps. Et pourtant nous est annoncée l’espérance de la victoire du Seigneur sur la mort, la violence et le mal. Et c’est le mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ, victoire sur la mort et sur le mal qui sont garants de cette victoire finale. Et ce, par-delà toutes les apparences de triomphe du mal qui peuvent nous accabler.
Combien ces paroles peuvent tomber à point pour nous aujourd’hui, alors que nous sommes en pleine incertitude sur l’avenir. Tout peut paraître sombre et c’est peut-être pour certains plus qu’une apparence. La pandémie, la crise économique, les violences policières, notre monde qui vacille sur des bases qu’il croyait solides… Ce n’est pas la peine d’en dire plus…
Pourtant, en chrétiens, nous ne pouvons pas ne pas entendre ce message qui date déjà du prophète Jérémie, près de 6 siècles avant le Christ, message continué par le Christ et surtout authentifié par sa mort et sa résurrection. Message dont se fait l’écho Paul.
Le mal, la mort, n’ont pas le dernier mot. Cela ne signifie pas que toute difficulté, toute détresse nous seront évitées par magie, mais cela signifie que si nous gardons confiance dans le Seigneur, quoi qu’il arrive, un chemin de vie nous est ouvert. Cette confiance, cette foi ne sont pas évidentes, c’est un saut dans l’inconnu. Mais c’est un saut qui peut nous sauver de la désespérance.
En Latin, le mot fides traduit les mots foi, confiance et fidélité et il me semble que c’est assez évocateur.
Avoir foi, c’est avoir confiance et qui dit confiance dit justement qu’il n’y a pas de certitude absolue. Lorsque nous faisons confiance à quelqu’un, nous ne sommes pas absolument certains que cette personne se montrera digne de la confiance que nous avons mise en lui. Mais nous espérons ne pas nous être trompés. Et puis, la confiance demande aussi une vraie fidélité. Lorsque nous faisons confiance, nous espérons dans la fidélité de la personne en qui nous nous confions et nous sommes nous-mêmes fidèles.
Avoir foi en Dieu ne garantit pas une vie sans souci, sans souffrance. Regardons le Christ, regardons le prophète Jérémie, le moins qu’on puisse dire est que leur vie a été mouvementée. Et pourtant, ils ont eu foi en Dieu.
Si nous nous mettons vraiment à l’écoute de la Parole de Dieu, il me semble qu’il importe de croire fermement que le Seigneur ne nous laisse pas tomber, qu’il ne nous abandonne pas malgré les apparences. Cela demande de savoir aussi regarder notre passé, faire mémoire des interventions de Dieu, du Christ, dans nos vies. Alors, nous pouvons regarder vers l’avant avec confiance. C’est ce qu’a fait le Christ, confiant dans ce que la Bible disait de la fidélité de Dieu.
Frères et sœurs, dans un monde inquiet, renouvelons notre foi, notre confiance et notre fidélité envers Dieu, à la suite du Christ, et nous pourrons aider nos contemporains à regarder l’avenir dans la paix. C’est un beau service à rendre à l’humanité. AMEN
Année A - SACRE-COEUR -19 Juin 2020
Dt 7, 6-11 ; 1 Jn 4, 7-16 ; Mt 11, 25-30
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs, En préparant mon chapitre d’hier matin sur le P. Muard, je trouvais dans les volumes scannés par les frères du Barroux, un assez long enseignement sur le Sacré Cœur. Donné dans le cadre d’une prédication, le P. Muard voulait y présenter la grandeur infinie de l’Amour divin manifesté dans le Cœur de Jésus. Dans un langage enflammé très emphatique, il passait en revue les différents moments de la vie du Christ et de sa passion comme autant de témoignages de cet amour.
S’appuyant sur les écrits des saints, son objectif était d’entrainer les fidèles à découvrir et à grandir dans l’amour du Christ, en regardant son Cœur très aimant. Un moyen très concret était assurément pour lui, de faire partie d’une confrérie du Sacré-Cœur, une sorte de mouvement spirituel dans lequel on se soutient dans la prière. En lisant ces lignes, je me disais que nous peinerions à entendre aujourd’hui un tel enseignement. Et pourtant, il est indéniable que s’y expriment des convictions de foi que nous pouvons faire nôtres sans difficulté. On peut aussi y entendre la belle ferveur du P. Muard, ami intime du Christ. La question que nous pose ce genre de texte est peut-être celle-ci : comment entrer dans une relation plus vivante et plus aimante avec le Christ, cela avec notre sensibilité d’homme du XXI° ? Le risque serait au nom d’une certaine rationalité et d’un désir légitime de ne pas errer dans un sentimentalisme désuet ou vide, de ne pas donner toute sa place à la dimension cordiale de notre relation avec le Christ. Ce dernier n’est pas un concept, ni le principe d’un système intellectuel performant, ni seulement un maitre de sagesse, il est une Personne avec laquelle chaque chrétien est invité à nouer une relation unique. Dire que Dieu est Amour, dire que Jésus, le Christ nous a révélé cet Amour divin, par son Cœur transpercé, est relativement facile à dire. Mais nous ne pourrons le comprendre vraiment qu’en acceptant d’entrer nous-mêmes dans l’amour, dans une relation aimante avec le Christ, de laquelle découlera un amour toujours délicat avec nos frères. « On ne voit bien qu’avec le cœur, dit le renard au petit Prince, l’essentiel est invisible aux yeux ». On ne peut entrer dans le mystère du Dieu Amour en restant à l’extérieur. St Jean nous invite à « demeurer dans l’amour ». Et c’est possible. Quand Jésus dans l’évangile nous dit qu’il est « doux et humble de cœur », nous appelant à devenir ses disciples, il nous introduit dans cette familiarité cordiale. Il semble vouloir nous rassurer si l’exigence de le suivre, énoncée quelques chapitres auparavant dans le discours sur la montagne, pouvait nous effrayer. Car le Christ ne se présente pas comme un maitre exigeant qui veut s’imposer à nous. Son objectif n’est pas d’avoir des disciples qui seraient à ses ordres, au doigt et à l’œil…comme on fait marcher une armée pour la bataille. Si à sa suite, le Christ nous entraine dans un combat contre le mal et toutes les formes qu’il peut prendre, il ne le fait qu’en nous aimant et en suscitant notre amour. Son amour nourrit notre amour pour Lui et pour nos frères. Il devient notre propre énergie.
N’est-ce pas vers cette source de l’Amour que veut-nous ramener cette fête du Sacré Cœur ? Ne veut-elle pas nous assurer que si nous sommes tellement aimés, nous pouvons avoir confiance que les balbutiements de notre amour serons accueillis par Celui qui nous attire à Lui ? Sur le chemin de la foi, nous sommes appelés à grandir dans cette familiarité avec le Christ. Avec Lui, nous pouvons parler de tout, tout lui confier, tout lui demander. Le cardinal B. Hume passait du temps à regarder le Christ en croix. Là, aux moments décisifs de sa fin de vie, il a trouvé la force et l’espérance pour traverser l’épreuve de la souffrance et de la maladie. Dans nos journées, recherchons cette attention personnelle à la présence du Christ vivant à nos côtés. Sachons parfois nous arrêter quelques instants entre nos activités pour les remettre sous sa lumière. Dans le petit Prince que je citais plus haut, le renard ajoute : « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante ». Nous pouvons demander cette grâce d’une présence renouvelée au Christ, comme l’oraison après la communion nous y entrainera : « Brûle-nous d’une charité qui nous attire toujours vers le Christ, et nous apprenne à le reconnaitre en nos frères ».