vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 02 novembre 2020 — Défunts — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

COMMEMORATION DES FIDELES DEFUNTS 2020

Rm 14, 7-9. 10b-12 ; Jn 6, 37-40

Texte :

« Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur »… Il y a quelques années, cette phrase me gênait. Quelque chose en moi ne supportait pas cette idée d’appartenir à un autre, de ne pas m’appartenir à moi-même… Velléité de d’indépendance encore un peu puérile ou illusion de jeunesse… ? J’oubliais que créature sortie de rien et appelée à retourner à la poussière, je ne suis rien hors de Celui qui m’a façonné dans le sein de ma mère… Car avant moi, on ne parlait pas de moi, et après mon passage, mon souvenir sera vite oublié. Mystère de ma vie, mystère de notre vie qui éclot un jour pour se faner un peu plus tard… Et pour quoi tout cela ? Pour qui ? Pour le Seigneur, nous assure Paul. Ce que confirme Jésus : « telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour »… Oui telle est la bonne nouvelle de notre foi : le Père nous a confiés au Fils…nous sommes en de bonnes mains. Mystère du dessein de Dieu vis-à-vis des toutes petites créatures insignifiantes que nous sommes. Comme nous le chantons aux vêpres avec Paul : Dans son dessein d’amour éternel sur la création et sur l’humanité, « Dieu nous a choisis avant la création du monde pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard, il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ »… Appartenir au Seigneur dans notre vie comme dans notre mort, loin d’être un asservissement qui entraverait notre liberté, c’est la possibilité d’entrer dans un accomplissement de notre humanité en Jésus. Avec lui, en lui, et par lui, comme nous le chantons en chaque eucharistie, il nous est donné dès maintenant, de laisser grandir l’amour et la vie qui ne passeront jamais. Le Seigneur Jésus nous guide et nous entraine sur ce chemin d’amour et de vie.

En cette eucharistie, comme d’ailleurs en chaque prière que nous présentons pour d’autres personnes vivantes ou mortes, nous demandons au Père qu’il achève son œuvre de vie pour tous les défunts…

Homélie du 01 novembre 2020 — Toussaint — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

TOUSSAINT 2020

Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

En ces temps où beaucoup de choses sont incertaines, où les projets sont remis en cause, où la violence rôde, et où sur le plan international semble prévaloir le droit du plus fort, l’évangile que nous venons d’entendre nous apporte une lumière réconfortante. Il vient redonner de la perspective à notre réalité humaine. Qu’est-ce qui ne fait que passer ? Qu’est-ce qui demeure pour toujours ? Jésus nous dit avec force que les larmes et les persécutions passeront. Mais que la pauvreté de cœur, on pourrait dire aussi l’humilité, la douceur, la miséricorde, la pureté, la paix, la justice…ces réalités ne passeront pas. Car elles portent en elle les valeurs du Royaume que Jésus a inauguré. Humilité, douceur, miséricorde, pureté, paix et justice ne passeront pas car elles sont les pierres de fondation du Royaume qui vient. La vie éternelle resplendira de tout leur éclat et de leur magnifique beauté. Oui frères et sœurs, nous pouvons recueillir de cet évangile cette lumière réconfortante, et à un double titre : une lumière qui nous console et une lumière qui nous appelle.

Les paroles de Jésus sont pour nous une consolation. Elles viennent par leur douce et forte clarté percer le brouillard dans lequel nous tiennent les épreuves que nous connaissons aujourd’hui. Si l’abattement nous gagne face au non-sens de cette vie aux horizons soudainement très limités, elles nous disent, si nous l’avions oublié, que la vie humaine n’est qu’un bref pèlerinage. Nous sommes des pèlerins de passage. Les joies mitigées de ce monde ne sont que les prémices de la joie que nous partagerons pour toujours avec Dieu et avec tous nos proches qui nous ont précédés. Si le découragement nous guette face aux épreuves, les paroles de Jésus nous font pressentir que les tribulations rencontrées ne sont pas le dernier mot de notre existence humaine. Ne pensons pas que nous sommes impuissants face au mal ou aux échecs. Notre vie humaine porte en elle des valeurs qui révèleront un jour tout leur poids d’éternité.

Les paroles de Jésus sont aussi un appel. Un auteur juif, A Chouraqui, dans une traduction originale des évangiles, a traduit le mot « heureux » des béatitudes, par « en marche ». Toute sa traduction de ce passage évangélique mériterait d’être commentée à partir des notes qu’il en donne. Ce matin, je voudrais juste retenir ce « en marche » dont André Chouraqui précise que le mot hébreu que Jésus a prononcé « implique non pas l’idée d’un vague bonheur d’essence hédoniste, mais celle d’une rectitude, celle de l’homme en marche sur une route qui va droit vers le Seigneur » (cf note en Mt 5, 3 dans un Pacte Neuf, Brepols 1984, p 24). « En marche » : oui dans l’assurance du bonheur promis en Dieu, ne craignons pas de nous mettre en marche en cultivant la pauvreté de cœur, l’humilité, la douceur, la miséricorde… Par son Esprit Saint, le Seigneur a mis en nous les germes de la Vie nouvelle, celle qui n’est pas fondée sur la force, le prestige ou la richesse. Oui, il nous revient de nous mettre « en marche », pour déployer toutes ces vertus de paix, de justice, de pureté qui sont déposées en nous comme un trésor caché. Elles ne demandent qu’à éclore. Oui, là où nous sommes, dans la simplicité de nos existences quotidiennes, chacun de nous peut se mettre en marche pour ne pas laisser les forces de paralysie gagner son cœur et engourdir sa volonté. Durant ce temps de confinement qui va peut-être dégager plus de temps, chacun pourrait essayer de se donner un temps de recueillement à l’écart… Recueillement pour s’asseoir avec soi-même sous le regard de Dieu… S’asseoir pour chercher et mieux retrouver le goût et la force de l’humilité, de la paix, de la douceur, de la justice… S’asseoir pour lire la Bible, pour la méditer et écouter ce que le Seigneur veut nous dire aujourd’hui… S’asseoir pour prier. S’asseoir, mais pour mieux se mettre en marche, pour mieux être vigilant dans l’attention à ce que l’on vit, et dans l’attention aux autres. Se mettre en marche par l’attention aux proches, aux frères de communauté, à son voisin de palier…ce proche devant lequel je passe si souvent… Se mettre en marche par l’attention à telle ou telle personne qui aura besoin d’un soutien, d’un courrier, d’un téléphone, d’un service….

En fêtant aujourd’hui tous les saints du ciel, venons puiser la joie et l’espérance dans la vie du Christ ressuscité, pour mettre nos pas dans ceux de tous ces hommes et ces femmes connus et inconnus qui se sont mis en marche.

Homélie du 25 octobre 2020 — 30e dim. ordinaire — Frère Bernard
Cycle : Année A
Info :

Année A - 30ème dimanche du T.O., 25 octobre 2020

Ex 22 20-26 ; 1 Thess 1 5-10 ; Mt 22 34-40

Homélie du F.Bernard

Texte :

Dans cette partie de l’évangile de Matthieu que nous entendons ces derniers dimanches, Jésus est à Jérusalem au terme de son voyage depuis la Galilée. La Pâque de son sacrifice est proche. Les controverses où l’on veut enfermer Jésus se multiplient. Elles viennent de groupes divers, grand prêtres et anciens du peuple, pharisiens, sadducéens. Ici, c’est un docteur de la Loi qui pose à Jésus la question pour le mettre à l’épreuve : Dans la Loi quel est le grand commandement ?

A vrai dire, on ne voit pas très bien où est le piège. Tout Juif aurait sans doute spontanément répondu comme Jésus, en citant le Shema Israël : Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. Ce verset du Deutéronome (Dt 6, 4), tout Juif fidèle aujourd’hui se doit de le réciter trois fois par jour, et il en était sans doute déjà le cas au temps de Jésus.

Quant au deuxième commandement, l’amour du prochain, sans doute venait-il aussi naturellement à l’esprit, tant il avait été inculqué abondamment par les prophètes. C’est l’amour que je veux, non les sacrifices, avait dit le Seigneur par l’intermédiaire du prophète Osée (Os 6,6).

Mais il est vrai que les spécialistes de la Loi avaient dénombré 613 commandements à observer, les mitsvot. Dans ce fatras d’observances, on se perdait, on s’affrontait, on pouvait perdre de vue l’essentiel, comme ce prêtre et ce lévite qui, descendant de Jérusalem à Jéricho, avaient rencontré sur leur route un blessé à demi-mort et avaient passé outre sans s’arrêter, pour ne pas contracter une impureté qui les aurait empêchés d’accomplir leur service au Temple.

Mais revenons aux paroles de Jésus. Elles sont toute simples. Elles redisent le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain. De ce double commandement, nous dit Jésus, dépend toute la Loi ainsi que les prophètes. Et d’abord le Shema Israël que nous avons déjà mentionné : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Mais comment ? En gardant les commandements, les lois et les coutumes (Dt 6,1), que le Seigneur a enseignés à Moïse, et en les mettant en pratique ; en entrant dans l’alliance par laquelle Dieu s‘est réservé un peuple consacré. Tout le Deutéronome est comme un commentaire du Décalogue, cette Thorah initiale des deux tables où sont inscrits les commandements envers Dieu et le prochain.

Puis : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19, 18). Ce commandement du Lévitique prescrit de porter attention au petit, au pauvre, à l’orphelin, à l’étranger résidant dans le pays, à cause de la sainteté de Dieu : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint (Lv 19,2), parole que Jésus reprend dans le SM : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Mt 5, 48). La première lecture entendue, tirée du livre de l’Exode (Ex 22, 20-26), en était la parfaite illustration.

Écoutant ces textes scripturaires, au ton déjà tellement évangélique, où l’amour de Dieu et celui du prochain sont étroitement mêlés, on ne peut que dire du peuple de la première alliance qui vit de telles Écritures qu’il n’est pas loin du Royaume de Dieu, comme ce scribe de l’évangile selon Marc qui lui aussi avait interrogé Jésus sur le plus grand commandement (Mc 12,34).

Alors la question se pose : qu’apporte de plus Jésus ? qu’apporte l’Évangile pour que notre justice dépasse celle des scribes et des pharisiens

(Mt 5, 20) ? Disons d’abord que l’Évangile pousse jusqu’à l’extrême l’exigence de ces deux commandements. Le prochain à aimer n’est pas seulement le membre de ma famille, ou le voisin de mon village, ou même l’étranger dans mon pays, mais tout homme, absolument tout homme, y compris mon ennemi, y compris l’ennemi de Dieu, l’impie, que des psaumes invitent à haïr (Ps 139, 21-22). Dans la lettre aux Éphésiens, saint Paul parle du mur de la haine qui séparait Israël des païens, ce mur de la haine qui était matérialisé au Temple de Jérusalem, par la séparation entre le parvis d’Israël et celui des païens. Le franchir pour un païen pouvait entraîner sa mort. En sa Pâque, Jésus a aboli ce mur de la haine.

Ensuite l’Évangile conjoint radicalement les deux commandements en sorte qu’ils n’en font vraiment plus qu’un. Le second commandement est semblable au premier nous a dit Jésus. En Jésus-Christ, le Verbe de Dieu s’est fait homme et désormais ce qui est fait au plus petit des frères de Jésus, c’est au Fils de l’homme lui-même que cela est fait (Mt 25).

Enfin ce double commandement, qui n’en fait plus qu’un, ce commandement de l’Amour ne nous est plus seulement commandé, il nous est donné : Je vous donne un commandement nouveau, nous a dit Jésus vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés (Jn 13, 34). Avec Jésus la mesure de l’amour n’est plus nous-mêmes, mais Jésus lui-même, ou l’Esprit de Jésus. Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour (Jn 15, 9).

Homélie du 18 octobre 2020 — 29e dim. ordinaire — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Année A - 29° Dimanche TO - 18.10.2020

Is 45, 1.4-6 ; Ps 95 ; 1 Th 1, 1-5b ; Mt 22, 15-21

Texte :

Frères et sœurs,

L’évangile que nous venons d’entendre a fait couler beaucoup d’encre. Il est devenu un point d’appui dans la doctrine de l’Eglise pour asseoir la distinction entre les pouvoirs temporel et spirituel. Distinction toujours délicate pour qui s’engage de plus en plus dans la vie de la cité tout en voulant vivre pleinement sa vie de chrétien. Il mérite de s’y arrêter car tous, même les moines, nous sommes présents à la vie de notre monde, ne serait-ce qu’à travers notre bulletin de vote, ou plus simplement à travers les paroles et les réflexions partagées. Les textes, mais aussi les oraisons de ce 29° dimanche peuvent nous éclairer.

Les pharisiens viennent tendre un piège à Jésus le prophète de Dieu. Ils voudraient l’entrainer à se situer soit comme un collaborateur de l’occupant romain, en payant l’impôt, soit comme un rebelle à l’ordre établi en refusant de le faire. Collaborateur ou rebelle. Jésus n’entre pas dans cette alternative. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Par cette réponse, Jésus suggère qu’il faut tenir deux services, mais deux services qui ne sont pas du même ordre. Service de César pour ce qui lui revient dans la gestion de la vie publique et économique. Service de Dieu qui seul est Dieu et qui peut même utiliser les actions d’un souverain pour son dessein de salut, comme le suggérait la première lecture tirée du livre d’Isaïe. Deux services de César et de Dieu qui ne s’opposent pas, mais qui sont nécessaires l’un à l’autre parce qu’ils s’éclairent l’un et l’autre. Notre actualité montre combien cette dialectique entre les domaines temporel et spirituel peut se révéler féconde. Dans les affaires récentes de pédocriminalité ou d’abus de toute sorte, l’Eglise qui veut se vouer toute entière au service de Dieu, a mesuré qu’elle avait failli par manque de rigueur humaine. Elle a besoin de la compétence de la justice humaine et d’une objectivité externe pour qualifier et rectifier ce qui, en son sein, a entrainé de graves dommages. Les procédures actuelles qui confient les affaires à l’examen de la justice civile, se fondent sur la confiance faite en un regard humain qui apporte son juste concours et sa compétence. A l’inverse, les recherches autour de la bioéthique et des questions sur le début et la fin de vie, montrent que le politique peut patiner et risquer d’être toujours aux mains d’intérêts immédiats et particuliers qui font perdre le sens de la vie humaine. En faisant appel aux différentes religions et philosophies, le politique mesure combien il n’est pas tout puissant ni omniscient en ces domaines si vitaux. L’Eglise est consciente alors de porter un trésor qu’elle reçoit de Dieu comme une Bonne Nouvelle pour l’homme. Dans la lumière de l’Amour de Dieu, l’être humain se révèle être très digne, si digne qu’on ne peut le manipuler ou le réduire à un objet fabriqué. Encore moins le détruire.

Ainsi nous mesurons combien le service de César, on dirait aujourd’hui dans nos états démocratiques, le service de la cité, et le service de Dieu ont besoin l’un de l’autre. A la fois, il faut les distinguer pour éviter que le pouvoir civil soit sacralisé et que le pouvoir religieux prenne en charge les affaires de la cité, et à la fois, on ne peut les séparer hermétiquement. A chacun de nous, citoyen et chrétien, il revient de se situer dans la justesse. Il nous faut cultiver le sens du discernement en nous remettant à l’écoute de l’évangile. A sa lumière, l’être humain apparait dans son humble grandeur, et notre Dieu dans sa grandeur très humble. Ce travail de discernement nous invite à ne pas avoir peur de la réflexion humaine qui cherche la vérité et la justice. Les bonnes et vraies questions ne doivent pas nous faire peur. Car notre Dieu n’est jamais en dehors de ce qui est vraiment humain. Par ailleurs, ce travail de discernement nous engage à aller puiser la force et la lumière aux sources de notre relation avec Dieu, dans la prière, la méditation, la liturgie. Nous demandions au début de la messe « la grâce de vouloir ce que Dieu veut, et de le servir avec un cœur sans partage ». Cette prière nous redit que servir Dieu est un don de Dieu, un don à demander avec confiance et à rechercher sans cesse. Ce don va nous accorder à Dieu et à son projet d’amour pour les hommes. Laissés à nous-mêmes, nous en sommes incapables. Aussi une bonne part de notre responsabilité de chrétien n’est-elle pas finalement de toujours commencer par demander, par ouvrir les mains et notre cœur à notre Dieu qui désire nous donner sa vie…. C’est ce que nous faisons maintenant comme en chaque eucharistie.

Homélie du 11 octobre 2020 — 28e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

Année A - 28e dimanche - [2020]

Isaïe 25, 6-10a Phil. 4, 12-14 et 19-29 Mt. 22, 1-14

Homélie duF.Ghislain

Texte :

Dans une première lecture, nous avons entendu une impressionnante promesse de bonheur. Positivement un festin abondant et succulent ; négativement une consolation définitive de toutes les morts et de tous les deuils. La fin du texte et le psaume qui a suivi reconnaissent cette promesse et chantent leur action de grâces. Dans l’évangile, la promesse est réaffirmée : il s’agit bien du Royaume des cieux préparé par le même Dieu, mais l’accueil qui en est fait n’est pas total : nombreux semblent être ceux qui ne sont pas intéressés et si, devant leur défection, l’invitation est étendue plus largement, il y a encore des gens qui ne l’accueillent pas comme il faut.

Que pouvons-nous faire de ces textes aujourd’hui ? Comment vont-ils nous aider à vivre en ce temps de pandémie qui limite nos activités, nos déplacements, entrave nos économies collectives et personnelles, nous laisse inquiets sur l’avenir proche, - tout cela sur le fond d’une situation mondiale violente ?

La première réponse est que, dans l’ignorance de ce qui va se passer et dans l’impuissance de faire face et de conjurer totalement les menaces, la victoire de notre foi est dans notre espérance : ce que disent nos textes est vrai : il y aura une libération totale, complète, dont la résurrection de Jésus-Christ et l’envoi de l’Esprit Saint dans le monde à la Pentecôte sont les garants. Il ne faut pas craindre de prendre le temps de méditer en profondeur les promesses qui nous ont été faites. Celles-ci se réaliseront, elles le commencent peut-être déjà. Les souffrances et les combats ne sont pas définitivement vains. Nous ne vivons pas sur l’arrière-plan de films d’épouvante, mais sur celui de la transfiguration de la terre et de la vie. Il faut prendre le temps de laisser les promesses résonner en nous et créer en notre cœur des forces vives.

Une seconde réponse, plus concrète et plus immédiate celle-ci, nous est donnée par saint Paul dans la seconde lecture. « Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance ». Il ne s’agit pas ici d’une attitude stoïque, mais d’un art de faire face avec douceur et force dans les situations concrètes. Saint Paul en voit la source, écrit-il, « en celui qui me donne la force » ; c’est-à-dire Jésus ressuscité. Dans les situations d’urgence, on croise parfois des gens lumineux et tranquilles, qui savent économiser leurs gestes et leurs paroles et qui aident les autres à tenir le coup. Ils n’anticipent pas les difficultés à venir mais font face à celles du présent. Parce qu’ils font confiance, ils engendrent un peu de vie là où il n’y aurait apparemment que la mort. Pourquoi ne serions-nous pas une de ces personnes qui, appuyées sur le Christ, font face ? Mais d’autre part saint Paul ne refuse pas l’aide des autres quand il en a besoin ; il constate des solidarités à son sujet, il en remercie et il en profite. S’il faut savoir donner, il faut aussi apprendre à recevoir. Ainsi les quatre versets qui nous ont été lus nous disent-ils comment nous situer en temps de pandémie, là où nous sommes, et contribuer plutôt à l’apaisement qu’à l’inquiétude, à l’efficacité qu’à l’agitation ou le découragement. Remercions Dieu de ce que, dans la situation troublée et incertaine qui est la nôtre, il se trouve beaucoup de justes qui assurent autant que faire se peut le modeste triomphe de la vie, et essayons, là où nous sommes , de rejoindre leurs rangs.

Homélie du 27 septembre 2020 — 26e dim. ordinaire — Frère Matthieu
Cycle : Année A
Info :



Année A - 26ème Dimanche du temps ordinaire -27 septembre 2020

Ezéchiel 18, 25-28 ; Philippiens 2, 1-11 ; Matthieu 21, 28-32

Homélie du F.Matthieu

Texte :



La brève histoire racontée par Jésus dans notre évangile fait partie de sa grande confrontation en plusieurs étapes avec les principaux responsables religieux de son peuple. C’est comme d’ultimes appels à un changement d’attitude envers lui, qui incarne la Parole de Dieu et vient annoncer le salut.

Mais aujourd’hui surtout, c’est nous que Jésus interpelle : votre vie est-elle bien en accord avec ce que vous prétendez être, des chrétiens adultes en chemin pour célébrer votre Seigneur et travailler à sa vigne ?

Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.” Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.

Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur !” et il n’y alla pas.

Une première remarque s’impose, s’il est clair que le premier fils est seul à avoir fait la volonté du Père, il est tout aussi clair qu’il a commencé par dire « non » !

Il y a dans l’évangile de saint Luc une autre parabole qui parle aussi d’un homme qui a deux fils (Lc 15, 11-32) : un fils cadet qui dit non à l’amour de son père en s’en allant au loin pour y mener une vie de désordre, mais qui finalement va se repentir et revenir vers son Père ; et un fils aîné qui, d’une certaine façon a toujours dit “oui, Seigneur !”, mais pour s’enfermer dans le refus de sa condition, dans l’aigreur et le ressentiment vis-à-vis de son Père et de tous.

Le parallèle est éclairant : tout être humain est ainsi fait que sa première réponse à l’appel de son Seigneur et Père est toujours négative explicitement ou en secret : faite d’arrogance, mais surtout de crainte et de peur, d’incapacité à reconnaître que l’appel à servir dans le champ ou la vigne, est un signe de l’amour total de son Père : « tout ce qui est à moi est à toi ! »

Que nous commencions par dire “non” aux invitations de Dieu, n’est pas sans importance : il signe notre condition humaine marquée d’emblée par la peur, qui va devenir péché, si elle n’est pas reconnue et assumée.

Et la formule-clef de notre Evangile est celle que Jésus adresse dans sa conclusion aux chefs des prêtres et aux anciens : « Mais vous, vous ne vous êtes même pas repentis pour croire à la Parole (cette Parole de conversion que proclamait Jean, le Baptiste). »

« Se repentir pour croire à la Parole du salut ! »

C’est ce qui fait prendre au sérieux la condition humaine de pécheur, c’est celle qui peut mettre en chemin à la suite de Jésus sur le chemin de la conversion.

Se repentir, ce n’est pas avoir du remords, ce qui ne serait que négatif et malsain ; une attitude qui ne construit rien et qui ronge de l’intérieur.

Il faut se repentir pour connaître son péché, en sortir et croire à l’amour du Père qui nous appelle à sa vigne.

Se repentir, c’est accepter de remettre en cause sa manière de voir et ses attitudes. Un point de départ indispensable pour entendre la Parole et y croire, se mettre en chemin et découvrir les horizons jusqu’alors insoupçonnés de la joie et de la fête, à travers le chemin de la conversion.

Le repentir selon l’Evangile est un fruit de l’amour. C’est la prise de conscience que quelque chose ne va pas dans ma relation à l’Autre (le Seigneur) et aux autres et vouloir en changer.

Le fils qui dit « Je ne veux pas. » est certes un contestataire. Il veut faire sa vie tout seul. Mais au plus profond de lui-même il peut entendre l’amour de son père. Sous son attitude désinvolte et immature, il y a un cœur qui réagit : « Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla… »

Alors que l’autre fils, celui qui dit “Oui, Seigneur” et ne fait rien, est en réalité enfermé depuis toujours en lui-même et n’arrive pas à sortir de cet aveuglement qui lui cache l’amour de son Père … Mais lui aussi peut faire le chemin !

Une seconde remarque s’impose : ceux que Jésus nous donne en modèles du repentir et de la foi en la Parole qui appelle, ce sont « les publicains et les prostituées qui nous précèdent dans le royaume de Dieu ». N’allons surtout pas imaginer que, repentis et croyants, ils sont devenus des « convertis », des « saints », et qu’il s’agit pour nous de les imiter – serait-ce d’ailleurs si facile ?!

Non, mais ils ont fait et font ce qui est toujours à faire, pour tous les pécheurs, que nous sommes avec eux, ils ont pris le chemin du repentir, étapes après étapes, ils essaient de revenir, ils essaient de garder ouvertes leurs oreilles et leurs cœurs à la Parole du Père, qui ne cesse de les appeler à aller à sa vigne, quelque soient l’heure nous disait l’évangile de Dimanche dernier…

Oui, le disciple de Jésus est un pécheur, qui, toujours, cherche à se repentir, qui cherche à croire en Jésus qui le précède et l’accompagne sur son chemin, dans les bons et les mauvais jours, dans le désert ou les frais pâturages …

Une seule exigence, marcher, reprendre la marche … écouter la Parole, réouvrir son cœur … entendre et réentendre l’appel du Père dont l’amour est tout puissant et dont la volonté tenace est de nous sauver.

« Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne. » Ce n’est pas un travail forcé, mais une invitation : Viens à la vigne ! Viens à la fête ! « Entre dans la joie de ton Maître ! »

Il ne m’est demandé que d’ouvrir mon cœur, me rendre disponible et me mettre, et me remettre en route, aujourd’hui, car aujourd’hui, « le Père t’aime et il t’appelle. » ; aujourd’hui, « écouteras-tu sa Voix ? »

Homélie du 20 septembre 2020 — 25e dim. ordinaire — Frère Hubert
Cycle : Année A
Info :

Année A - 25e DIMANCHE T. O. - 20 septembre 2020

Matthieu 20, 1-16

Homélie du F.Hubert

Texte :

Dans sa Règle des moines, st Benoît, quand il parle de l’ordre en communauté, dit : « on gardera les rangs comme ils sont établis par le temps de l'entrée en religion… Celui qui arrive au monastère à la deuxième heure du jour se considérera comme plus jeune que celui qui est arrivé à la première heure, quel que soit son âge ou sa dignité ». Est-il en contradiction avec notre évangile. Non, il refuse que prévale la loi du plus fort. St Benoît refuse que l’âge, le rang social, les capacités intellectuelles ou manuelles, les convenances sociales, déterminent l’ordre en communauté. Et il ajoute : ils feront ce qui est écrit : « Prévenez-vous d'honneurs mutuels ».

Quand il parle de l’appel en conseil, il veut que l’abbé convoque toute la communauté, car

« souvent le Seigneur révèle à un inférieur ce qui vaut le mieux. » L’inférieur, c’est ici le dernier arrivé.

Dans cette célébration, quel que soit notre âge, la Parole de Dieu vient de nous être adressée.

Dieu nous parle à chacun, nous fait don de sa Parole.

Tout à l’heure, que nous ayons 20, 50, 90 ans,

nous allons recevoir dans notre corps le Corps du Christ pour être rempli de son Esprit vivifiant.

Dieu ne se donne pas plus à l’un qu’à l’autre. Il se donne totalement. Si nous savons le don de Dieu !

Mais si nous nous comparons aux autres, si nous nous croyons plus méritants que nos voisins,

si nous estimons avoir un droit quelconque à ce don que Dieu nous fait, alors tout est par terre.

Nous rejoignons le pharisien qui se glorifiait de sa conduite et méprisait le publicain

dont la prière était accueillie par Dieu. Et c’est le publicain qui rentra chez lui justifié.

Jésus a été confronté à la résistance de ceux qui, dans son peuple,

mettaient leur énergie et leur confiance dans l’observance de la Loi et des préceptes de la tradition,

et critiquaient Jésus pour son accueil des publicains, des pécheurs et des païens.

Lorsque, plus tard, Matthieu rédige son évangile, ce sont les judéo-chrétiens

qui récriminent contre l’arrivée massive de païens dans les communautés chrétiennes.

Le Royaume n’est pas plus offert aux seconds qu’aux premiers, mais, offert comme un don,

il ne peut être reçu que par ceux qui l’accueillent comme un don, totalement immérité,

dans l’émerveillement et la reconnaissance.

Il faut des cœurs dépossédés d’eux-mêmes, pour le recevoir,

des cœurs humbles, solidaires de tous, qui ne se prévalent d’aucun droit.

Saint Paul proclamera avec vigueur la gratuité du salut.

Heureux les pauvres de cœur : le royaume des cieux est à eux !

Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu !

Pauvres ouvriers de la première heure :

ils n’étaient ni pauvres ni purs de cœur, puisqu’ils récriminaient !

Jésus les invite à une double conversion :

S’ouvrir à la gratuité du don de Dieu pour eux-mêmes,

s’ouvrir à la multitude des autres que Dieu veut combler pareillement.

Ceux qui récriminent n’ont rien compris encore.

Ils sont comme Jonas, fâché à mort que Dieu veuille pardonner à ces païens de Ninivites,

qui ne connaissaient même pas la Loi.

Notre parabole ne nous parle pas de justice sociale :

elle est une fenêtre, un dévoilement, sur le Royaume des cieux.

Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre,

autant mes pensées sont élevées au-dessus de vos pensées.

Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. (Mt 21,31)

En Jésus Christ, vous êtes tous fils de Dieu par la foi….

Vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni Juif ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre,…

tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. (Ga)

Nous sommes bien aveugles et nous nous faisons illusion,

si nous croyons avoir des droits sur Dieu et des droits comparativement aux autres.

Notre regard devient alors mauvais, alors que Dieu est bon.

« Que le méchant abandonne son chemin,

qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde,

vers notre Dieu qui est riche en pardon.

Car mes pensées ne sont pas vos pensées. »

F. Damase nous disait dimanche dernier :

« Trop petit est le nombre des chrétiens, qui ont conscience d'être des pécheurs pardonnés. »

Nous pourrions aussi voir dans le denier reçu le don sans mesure qu’est le par-don de nos péchés.

Quel que soit notre itinéraire, qui d’entre nous est plus digne qu’un autre d’être pardonné par Dieu ?

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».

Qui que nous soyons, Dieu nous libère du mal, dans son amour en excès.

Reprocherons-nous à Dieu de pardonner à ceux que,

contrairement à sa demande, nous jugeons pécheurs ?

Le denier qu’est le Corps du Christ va être déposé tout à l’heure dans nos mains :

ce sera la « communion » ;

saurons-nous être en communion, avec Lui, avec nos frères et sœurs ?

Homélie du 13 septembre 2020 — 24e dim. ordinaire — Frère Damase
Cycle : Année A
Info :

Année A –24° dim du T Ord – 13 sept 2020

Si 27.30-28.7 ; Ro 14 7-9 ; Mt 18 21-35 –

Homélie du F.Damase

Texte :

L’évangile de ce dimanche nous entraînent au cœur de notre relation avec Dieu, à travers un "fait ordinaire" : la question de Pierre à Jésus. Jusqu’où peut aller le pardon ? A première vue, la réponse paraît simple : il faut toujours pardonner, il faut tout pardonner, il n'y a aucune limite au pardon. Jésus va nous expliquer le pourquoi de son attitude, à l'égard de chacun d'entre nous.

1 Comme nous, Pierre désire savoir jusqu'où il doit aller dans le pardon pour être un vrai disciple de Jésus. Comme nous, Pierre demande le montant de la créance qu'il peut accorder à celui qui l’a offensé.

Jésus va inverser les rôles. Avant de se considérer comme créancier, le disciple doit d'abord se considérer comme débiteur, d'une dette énorme, vis-à-vis de Dieu. De plus, Dieu ne cesse jamais d'être pardon parce qu'il n'est que tendresse et amour. Ainsi pardonné, le débiteur retrouve la liberté et la vie.

2 La parabole se poursuit. Comment, après une telle remise de dette, oser se montrer soi-même créancier impitoyable envers le modeste débiteur qu'est le frère qui nous a offensé ? La clé de la compréhension est de l'ordre de la foi, de ma relation avec Dieu.

Si le pardon est si difficile entre frères, c'est que nous ne mesurons pas l'ampleur du pardon de Dieu à notre égard. Au fond, nous ne prêtons pas attention au fait que Dieu nous pardonne.

3 Trop petit est le nombre des chrétiens, qui ont conscience d'être des pécheurs pardonnés. Trop grand est le nombre des chrétiens qui confondent le sens du péché et la culpabilité ; ainsi ils vivent mal leur relation à Dieu. On est coupable devant un juge dont on attend une condamnation. On est pécheur devant Dieu dont on sait que l'on obtiendra toujours le pardon, parce qu'il est amour, et que l’amour ne condamne pas.

Si l'on considère Dieu comme un juge qui nous condamne, nous serons nous-mêmes des juges qui condamneront les coupables qui nous ont offensés. Au contraire, si nous considérons Dieu comme amour et pardon des pécheurs que nous sommes, comment ne pas être nous-mêmes,..amour qui relève, pardonne, rend la vie et la liberté ?

4 Etre capable de pardonner aux autres, c'est reconnaître le pardon que nous avons déjà reçu de Dieu. C'est permettre au pardon de Dieu de prendre toute sa dimension en nous et vis-à-vis de nos frères.

Quand nous prions le "Notre Père", nous ne demandons pas à Dieu de nous pardonner en récompense du pardon que nous accordons aux autres. Nous lui disons notre désir de partager son pardon avec tous nos frères.

5 Je ne suis jamais seul à seul avec mon frère. Dieu est notre Père commun. Mon frère est avec Dieu. C'est pourquoi les deux premiers commandements ne font qu'un.

Nous sommes toujours trois dans l'amour et le pardon : Dieu, mon frère et moi. Nul ne peut vivre en autarcie. Je dois prendre conscience que nous sommes liés par Dieu et en Dieu

Puisque nous partageons ensemble cet amour que Dieu nous porte, je ne puis que le traduire dans mon attitude l'un envers l'autre. Là est le réalisme de la vie spirituelle. - (530 mots)

Homélie du 06 septembre 2020 — 23e dim. ordinaire — Frère Antoine
Cycle : Année A
Info :

année A - 23ème Dimanche ordinaire - 6 Septembre 2020

Ez 33/7-9 ; Ps 94 Rm 13/8-10 ; Mt 18/15-20

Homélie du fr. Antoine

Texte :

Frs et Srs, l'Evg de ce Dimanche est particulièrement encourageant... du début à la fin, le récit nous révèle un Christ qui espère en l'homme, un Christ qui croit en l'homme, et donc un Christ qui croit en nous et en notre capacité de grandir et d'aimer.

Et en même temps, cet Evg nous montre que Jésus ne se fait pas d'illusion sur ce que nous sommes ... Le texte commence par... « si ton frère a commis un péché » Quel frère? un frère de sang? un frère d'une communauté ? … ce manque de précision ne nous donne-t-il pas un avertissement discret.. sur nos attitudes.. nos comportements personnels.. qui pourraient bien nous mettre, un jour, dans la même situation que ce frère... nous sommes invités à l'humilité.

« Si ton frère a commis un péché ... ». C'est-à-dire s'il a commis un ou des actes en rupture

avec sa foi, avec lui-même, avec les autres,... et bien... « Va lui parler»

Parler et Ecouter ... mots essentiels de ce qui est une correction fraternelle proposée par Jésus aux disciples afin de montrer comment vivre tous ensemble sous le regard de Dieu.

Correction fraternelle qui n'est pas un jugement mais une quête de réconciliation, pleine d'une bienveillance qui provoque une source de rencontres...d'abord seul à seul, puis à plusieurs et enfin avec l'Eglise.

Le Seigneur Jésus, par ce climat de bienveillance fraternelle nous invite ainsi à conduire vers la vie.. toute personne que nous connaissons bien et qui a pris un chemin dangereux.

Il est évident que chacun est libre de refuser.. nous n'avons pas à faire le bonheur des autres malgré eux. Mais quand l'enjeu est important .. que l'aide de l'Eglise a été sollicitée et que..« le frère -refuse encore- d'écouter l'Eglise, et soit considéré comme un païen, un publicain» il nous reste alors à prendre acte douloureusement de la liberté de son choix, de la liberté de ses ruptures répétées et de les respecter.

N'oublions pas que nous faisons tous l'expérience qu'il nous faut du temps pour réparer nos erreurs...peut être encore plus de temps pour arriver à les reconnaître. Il y a des fardeaux qui exigent d'être aidé et d'accepter d'être éclairé par d'autres. Notre vie est constituée de relations dont certaines n'ont pas été choisies et une existence lisse et unie en permanence, n'existe nulle part..

Mais, heureusement, cet Evg s'achève sur une immense espérance, il nous dit avec force

qu'au milieu de nos relations difficiles, nous ne sommes 'jamais' seul. « Quand deux ou trois

sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux

Ce rappel de Jésus veut dire que nous sommes tous liés par l'amour avec le Christ et par conséquent.. tous liés entre nous.et appelés à grandir en humanité... car sur le chemin du pardon, seul le christ marchant à nos côtés peut nous ouvrir un avenir de patience, d'espérance et de compréhension ... car l'autre.. les autres.. resteront toujours, à la fois un mystère pour nous, mais aussi.. un frère...une sœur en humanité.

Homélie du 30 août 2020 — 22e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - Homélie du 22° dimanche du TO - (30 août 2020)

(Jérémie 20,7-9 ; Romains 12,1-2 ; Matthieu 16, 21-27)

Homélie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

La liturgie de ce dimanche met en avant 3 serviteurs de Dieu, Jérémie, Paul et Jésus, tous trois, témoins de la Parole de Dieu et messagers de son Alliance avec les hommes.

Chacun de ces serviteurs a été le sujet d’une vocation, qui lui a valu bien des contradictions, des persécutions, des menaces de mort, jusqu’au martyre de la foi et de l’amour. Que retenir de leur message et de leurs vies entièrement données au Seigneur ? Quelle invitation pour nous, chrétiens du XXI° siècle ?

Jérémie, d’abord, dans la 1ère lecture, a été choisi par Dieu dès le sein de sa mère pour un ministère de prophète, en une période de crise et de décadence de la royauté en Israël. Il nous livre dans ses « confessions » le déchirement intérieur qui l’habite. Dieu lui a donné l’ordre de prédire la catastrophe de l’exil, dans l’espoir d’obtenir in extremis la conversion du roi et du peuple. Mais sa parole n’est pas reçue, elle est tournée en dérision par de faux prophètes qui cherchent à le faire taire. Jérémie est un prophète souffrant, très seul. Il ne cache pas qu’il lui arrive d’avoir peur, d’être découragé, mais il sent brûler à l’intérieur de lui un feu dévorant auquel il ne peut pas résister. Dieu lui donnera la force et le courage de continuer, malgré les persécutions. Rien ne peut empêcher la Parole de Dieu de se faire entendre. Jérémie, en sa passion et par ses plaintes (ne disons pas trop vite ses jérémiades), Jérémie annonce déjà la Passion et la Résurrection du Christ.

Qu’en est-il de nous aujourd’hui ? Où sont les prophètes qui osent annoncer à temps et à contre-temps le message de Vérité et d’Amour qui sont au cœur de l’Alliance de Dieu avec l’humanité ? Avons-nous ce courage de témoigner, et nous arrive-t-il de ressentir à l’intérieur de nous-mêmes un peu de cette vive flamme d’amour qui a consumé tant de saints, amis du Seigneur ? Avons-nous été séduits par lui, et nous sommes-nous laissés séduire par un amour si étrange ?

Saint Paul, lui, certainement, a bien été l’un de ces serviteurs brûlant d’annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile aux nations païennes. Converti par le Christ, il exhorte ses frères avec passion, par la tendresse de Dieu à une transformation en profondeur de leur manière de vivre et de penser. Dans les 11 premiers chapitres de sa lettre à l’église de Rome, il a exposé le contenu de la foi et le plan de salut de Dieu envers les hommes, depuis la création d’Adam jusqu’au Christ, en passant par Abraham el la Loi de Moïse. En cohérence avec tout ce qu’il vient d’écrire sur la Révélation, il en appelle maintenant à la seule réponse possible du croyant : accorder sa vie, en présentant son corps, sa personne tout entière, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu. Oui, sacrifier son corps, sa personne, au sens étymologique du terme : sacrum facere : faire sacré, rendre sacré. Le même Paul dira dans une autre lettre aux Corinthiens : « ne savez-vous pas que votre corps est le Temple de l’Esprit Saint qui est en vous et qui vous vient de Dieu ? »

Sacrifier son corps, sa personne, en ce sens, ce n’est nullement le détruire, mais au contraire glorifier Dieu par lui, avec lui. C’est la juste manière de rendre un culte à Dieu. Le Psaume 39 le chantait déjà : « tu ne voulais ni offrande, ni sacrifice d’animaux, tu as ouvert mes oreilles. Tu ne demandais ni holocauste, ni victime, alors, j’ai dit : voici, je viens »

Ce sacrifice spirituel s’accompagne d’une transformation en profondeur de la part de celui qui s’engage. Une transformation qui renouvelle sa façon de voir et de penser les choses, car les pensées de Dieu ne sont pas toujours les pensées des hommes.

Ce texte de Paul est d’une grande actualité pour le discernement de la volonté de Dieu que nous avons à rechercher et à faire personnellement et en église, en ce temps où l’on parle de changement d’époque plutôt que d’époque de changements. Par exemple, l’encyclique Laudato Si’ du pape François invite à changer de paradigme pour passer d’une vision trop technico-scientifique du monde à une vision d’écologie intégrale, davantage respectueuse des êtres vivants, dans la nature et dans la société humaine.

Quant à la page d’évangile lue aujourd’hui, elle est en grande consonnance avec les 2 premiers textes. Jésus après avoir accueilli la confession de Pierre à Césarée, dimanche dernier : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » présente aujourd’hui son programme à venir : monter à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, être tué, et le 3ème jour, ressusciter. Programme à l’opposé de celui que l’on pouvait attendre d’un Messie libérateur, Puissant et Triomphant. Pierre a des raisons de s’insurger et de s’opposer. Mais en le faisant, il se rend coupable d’un premier reniement (le pus grave peut-être) qui est le refus de suivre Jésus dans sa souffrance. Jésus affronte ce 1er reniement de Pierre comme une véritable tentation qu’il repousse avec force comme il l’avait fait par 3 fois au désert : « Passe derrière moi, Satan, tu es pour moi une occasion de chute, tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».

On rejoint alors ce que disait St Paul aux romains, on rejoint l’expérience de Jérémie. Pour rester fidèle au plan de Dieu il nous faut parfois accepter de transformer nos idées, laisser l’Esprit Saint nous bouleverser, nous surprendre. C’est tout l’enjeu de notre salut, engagé dans une conversion. Jésus le savait mieux que personne en prenant chair de la Vierge Marie. Lui, le Verbe éternel a renoncé au rang qui l’égalait à Dieu. Il a pris le chemin d’humilité, de douceur, de bonté, de pardon qui l’ont conduit à la Croix. Il « fallait » qu’il montre à ses disciples ce chemin et qu’il le suive jusqu’au bout. Le plan de salut de Dieu ne s’accommode pas d’un Messie Triomphant, mais d’un Messie Crucifié et Ressuscité. Et le cœur de ce plan, c’est l’Amour dont Jésus a aimé ses disciples et nous avec eux, jusqu’à l’extrême. Il le confie en testament au soir du Jeudi Saint, lors du dernier repas : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».