Homélies
Liste des Homélies
Année A - Dimanche du Christ Roi de l'univers - 22 Nov. 2020
Ez 34, 11-12. 15-17. Ps 22. lC0 15, 20-26.28. Mt 25, 31-46
Homélie du F.Antoine
Cette page d'évangile nous offre une fresque grandiose où Matthieu développe à
la fois l'affirmation de la divinité de Jésus et celle .de la réalité de son humanité.
En même temps, il nous révèle à quel point...tous.. nous sommes liés à sa présence divine ...à travers ceux qui nous entourent (comme dans les plus simples démarches de notre vie.)
L'évangile commence par cette annonce« Quand le Fils de l'homme viendra et siègera sur son trône de gloire, il séparera les hommes, les uns des autres. »....
Nous connaissons la puissance du mal dans le monde d'aujourd'hui,, ces guerres continuelles qui ravagent tant de pays, ces esprits asphyxiés à coup d'images et de discours mensongers ...comment alors ne pas désirer que vienne dans toute sa gloire le Fils de l'homme et qu'il vienne pour juger à l'image du berger qui sépare les brebis des boucs.
Ce jugement est annoncé par celui que le texte nomme maintenant le Roi... et ce
· qui est particulièrement étonnant ce sont les critères de ce jugement: Ces critères
concernent la nourriture, la boisson, l'accueil, le vêtement, la santé, la détention !.. autrement dit des réalités très simples que l'on trouve dans toutes les civilisations humaines....et c'est sur le partage de ces réalités que nous serons jugés. Car ce jugement devant Dieu concernera nos gestes d'amour les plus humbles envers ceux qui dans l'épreuve ont croisé notre chemin, et en même temps il nous révèle, la réalité dans notre existence quotidienne, banale, de l'immense valeur de nos relations humaines dont nous n'avons pas forcement conscience car c'est bien dans notre relation à l'autre que se joue le destin éternel et divin de ceux que le Roi appelle les
Justes.
Le pape François a écrit que,« Cette page d'évangile, peut être considérée comme
· le testament de Jésus, car dans ce monde malheureusement atteint par le virus de l'indifférence, elle nous invite, nous éduque, à développer l'attention à l'autre. »
L'attention à l'autre ... mais qui est cet autre?
Le Christ-Roi nous le précise: cet autre ...c'est d'abord celui qui a faim, qui était nu, malade... mais cet autre... ne serait-il pas aussi ce ROI qui siège sur un trône de gloire? Ce même Roi qui dit« j'avais faim, j'avais soif et vous ne m'avez rien donné, rien à manger, rien à boire, vous ne m'avez ni accueilli ni soigné. »
Ainsi, dans ce monde atteint par le virus de l'indifférence, nous sommes appelés à rester en éveil, à changer notre regard sur ceux avec qui nous avons l'habitude de vivre et peut-être c'est eux avec qui nous avons le plus de difficultés, car une accoutumance s'installe et nous ne voyons pas qu'ils sont dans l'épreuve.
Dans cette page d'évangile le Seigneur nous appelle à nous laisser guider par la véritable royauté qui est celle de l'amour de notre prochain à l'imitation du Christ-Roi.
Année B -1er dimanche de l’Avent - 29 novembre 2020
Is 63,16 -64.7 ; 1Co 1 3-9 ; Mc 13 33-37
Homélie du F.Hubert
Une nouvelle année liturgique nous est offerte : sera-t-elle vraiment nouvelle ?
Oui, si nous faisons déjà de ce jour un jour nouveau !
Christ est le « Jour nouveau » !
Le Christ, Roi de l’univers, dont la fête a clôturé l’année écoulée en l’ouvrant sur l’avenir, ne cesse de venir.
« Le jour nouveau se lève » : qui sera éveillé pour être réveillé par lui ?
« Les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d'une oreille attentive
ce que la voix divine nous » enseigne quotidiennement, nous dit saint Benoît dans le Prologue de la Règle.
Je vous propose de prier les uns pour les autres, pour qu’en chacun de nous et en Eglise,
le désir grandisse de la rencontre du Christ, notre Sauveur, notre Dieu de vie et d’amour.
Ne restons pas endormis, sourds et aveugles :
Qohélet disait : « Rien de nouveau sous le soleil ».
« Chaque jour, je commence » disaient au contraire les anciens moines.
Oui, chaque jour est nouveau.
Nous sommes des êtres de rencontre, et chaque rencontre est unique et nouvelle.
Sans cesse nous sommes appelés à de nouvelles rencontres, à des rencontres neuves.
Ah ! Si tu déchirais les cieux et descendais !
Oui, Dieu est venu à nous, parmi nous.
Il est venu vers nous, il est en nous, et nous avons le pouvoir de le rencontrer.
Il n’a de cesse de nous unir à lui.
Sa venue dans la gloire, sa venue pour chacun dans le passage de la mort, nul n’en sait le jour ;
mais sa venue aujourd’hui est certaine :
à travers le prochain, dans l’intime de notre être, dans les sacrements.
En toi, Seigneur, brûle sans cesse
Un grand désir de partager
Ta joie de Dieu.
Ne laisse pas nos cœurs manquer
Le rendez-vous que ta promesse
Nous a donnés.
Comment préparer notre rencontre définitive, sinon dans l’aujourd’hui ?
« Veiller » est le mot de ce jour et de tout le temps de l’Avent.
Veiller, c’est demeurer éveillé, être attentif, aux aguets,
dans l’attente d’un évènement, de quelqu’un, d’une parole...
C’est aussi « veiller sur » : sur soi-même, sur ses pensées, sur ses désirs, ses actions ;
sur nos frères et sœurs, sur la création, sur la vie.
Veiller même sur la présence de Dieu en nous ! N’est-elle pas comme le souffle d’un fin murmure ?
Gardons-nous de l’étouffer, prenons-en soin comme de notre trésor le plus précieux !
« Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi » écrivait Etty Hillesum dans les camps de la mort.
Nous espérons et croyons en la venue du Seigneur lors de l’accomplissement de toutes choses,
mais il vient d’abord aujourd’hui. C’est là la nouveauté de chaque instant.
A tout instant présent, le Christ vient à nous et nous pouvons l’accueillir,
nous laisser accueillir par lui, le rencontrer.
Sans cesse, il déchire les cieux et il vient.
Nous le rencontrons dans la prière assurément, car il nous habite et son Esprit est la source de notre vie.
Mais aussi dans notre frère, notre prochain,
comme nous le proclamait l’évangile de dimanche dernier.
Cette rencontre-là est le critère de vérité de notre prière.
« Il nous a donné tout pouvoir et il a fixé à chacun son travail » :
ne manquons pas le rendez-vous : avec lui, avec notre frère.
Veillons et tenons-nous éveillés les uns les autres.
L’oraison nous indique que le chemin de la rencontre est la pratique de la justice.
Mais si nous errons hors de ses chemins, la bonté de Dieu va encore au-delà, lui qui justifie le pécheur :
si nous n’écoutons pas la question :
« Que fais-tu, de ton frère ? »,
si nous nous égarons vivant sans nous occuper du projet de Dieu qui est la vie de l’homme,
alors il part lui-même à notre recherche, jusqu’à ce qu’il nous ait trouvé, et nous ramène sur ses épaules.
Le Seigneur vient dans nos tréfonds de misère ou d’indifférence.
Oui, « il est descendu » !
Nous avons cette chance indicible d’avoir reçu la révélation du Verbe fait chair,
nous ne pouvons qu’être en mission : disciples missionnaires.
Aucun don de grâce ne nous manque.
« La charité du Christ nous presse ! »
« Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice. »
Année A - 33ème Dimanche du Temps Ordinaire – 15 novembre 2020
Prov 31, 10-31; 1 Thess 5, 1-6 ; Mt 25, 14-30
Homélie de F.Damase.
C’est surprenant, mais Dieu aime le rendement ! Non seulement du cinq pour cinq, ou du deux pour deux, comme dans l’Evangile d’aujourd’hui, mais il attend davantage…. du trente, soixante et même cent pour un, réclamé au grain jeté en terre ? Et ce pourcentage est largement dépassé avec le figuier ou la vigne !
Oui, Dieu aime le rendement. Un rendement qui n'a rien à voir avec la Bourse ! Et nous aurions bien tort d'en être scandalisés, car cette exigence n'est que le reflet de la loi qui régit le monde dans lequel nous vivons. Les physiciens nous ont habitués, à concevoir un univers en continuelle expansion. Et il suffit d'observer le grain de blé pour s'apercevoir que cette loi est celle qui suscite la vie. L'être humain lui-même n'y échappe pas, puisque, à l'origine des millions de cellules de notre corps, on trouve deux minuscules cellules.
Et cette logique de la vie s'étend bien au-delà du monde naturel, pour toucher tous les domaines de l'existence humaine. Elle gouverne non seulement la croissance physique des personnes, mais aussi celle des groupes et des communautés, des cultures et des civilisations. Cette loi de la vie nous concerne tous.
Mais Jésus va encore plus loin, car Il nous révèle, dans l’Evangile, que cette loi doit aussi féconder notre vie spirituelle, notre quête intérieure, pour qu'advienne Son Royaume ! Là encore, rien n'est acquis, figé une fois pour toutes. Nous sommes appelés à grandir ou à mourir, à naître de nouveau ou à disparaître !
En effet, le risque, qui nous guette, ressemble fort à celui qui menace le serviteur qui a enfoui son talent dans la terre et l'a rendu sans aucun fruit. Comme ce serviteur mauvais et paresseux, nous avons la tentation, de céder à la peur et de creuser un trou. Car, contrairement à ce que nous pourrions croire, la logique de la vie n'est pas aussi naturelle, ni aussi évidente que nous le pensons. Choisir la vie n'est pas facile ! Choisir la vie est un risque !
En effet, l'obstacle fondamental qui nous empêche de choisir la vie, Jésus le démasque, en reprenant les arguments que le mauvais serviteur utilise pour se justifier. Le drame de ce serviteur, c'est qu'il n'a pas compris que le Royaume de Dieu, n'est pas celui d'un autre, mais que c'est aussi le sien ! En s'enfermant dans cette logique de rivalité entre Dieu et l'homme, il s'est privé lui-même de la vie. En voulant protéger ce qu'il croyait avoir, en voulant garder, il a tout perdu ! En se repliant sur lui-même, il a choisi la mort !
Sans en avoir conscience, nous nous protégeons, nous aussi, contre Dieu. Nous avons toujours peur qu'Il nous demande trop ! Comme si Dieu était l'ennemi de notre vie, l'ennemi de la vie, alors qu'Il est Lui-même la Vie !
La logique de la vie est bien sûr déconcertante ! Car c'est la logique du grain qui meurt, du levain enfoui dans la pâte, du grain qui pourrit dans la terre. C'est la logique de la Croix, dans laquelle la plus antique Tradition a reconnu l'arbre de Vie ! Notre Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants !
Osons croire, nous aussi, en Celui qui, aujourd'hui encore, nous ouvre les chemins de la vie et du vrai bonheur ! Des chemins où le grain doit mourir pour porter du fruit, un fruit qui demeure !
577 mots
HOMELIE 32ème Dimanche TO-Année A - 08 novembre 2020
(Sagesse 6,12-16; 1 Thess. 4,13-18; Matthieu 25,1-13)
Homéliedu F.Guillaume
Frères et sœurs,
Cette parabole bien connue des dix jeunes filles invitées à des noces et allant à la rencontre de l'époux en pleine nuit, avec leurs lampes, nous est proposée par l'Eglise, alors que nous approchons de la fin d'une Année liturgique.
Tout comme la parabole des talents que nous entendrons dimanche prochain, ou celle de ces invités à une autre noce qu'un roi a du mal à rassembler pour faire la fête, et parmi lesquels il se trouve un homme qui n'a pas revêtu le vêtement de noce, ces textes nous situent dans la perspective du Royaume des Cieux. Ils sont des avertissements avant un Jugement final, un jugement Dernier, sans recours possible.
Nous sont-ils lors adressés pour susciter en nous la peur, la culpabilité et nous donner une image d'un Dieu redoutable, qui nous paraîtrait injuste, avec nos catégories de justice humaine. Oui, c'est une lecture possible, et elle a eu cours dans la prédication de l'Eglise à bien des époques. Mais c'est une lecture à un premier degré, et nous devons apprendre à lire les paraboles de l'évangile à un niveau plus profond, plus spirituel. C'est tout l'enjeu d'une bonne cornp éhension de cette parabole des dix vierges ou jeunes filles, dont 5 étaient sensées (ou sages) et 5 étaient folles selon une fidèle traduction du terme grec (morai). Oui, folles, ce qui est bien plus fort que simplement étourdies ou sottes. Le fou, dans la Bible ne désigne pas seulement le sot qui n'a pas d'intelligence, mais d'abord l'impie qui s'oppose à la Loi de Dieu et qui va jusqu'à dire en son cœur: il n'y a pas de Dieu.
L'évangèliste Matthieu applique ce terme de fou ou d'insensé à l'homme qui bâtit sa maison sur le sable, c'est-à-dire celui qui écoute bien les paroles de Jésus, sans les mettre en pratique. Un peu aussi comme ces graines semées au bord du chemin ou dans les rocailles ou dans les épines et qui, sans racines ou étouffées, sont incapables de porter du fruit.
Loin donc d'être« étourdies», les 5 vierges« folles » sont en réalité« insensées» devant Dieu. Ce n'est pas leur manque d'attention qui se trouve mis en cause, mais bien leur attitude spirituelle.
Quelle est donc alors l'attitude de 5 autres, « sages » ou « sensées » ? Le même qualificatif (fronimai) renvoie à cet homme« avisé »quia bâti sa maison sur le roc, parce qu'il a écouté les paroles de Jésus et il les a mises en pratique. Plus qu'une simple sagesse humaine, faite de prudence et de prévoyance (on pourrait même faire appel au principe de précaution, mis en avant aujourd'hui), c'est d'une certaine intelligence du mystère de
Dieu dont il s'agit là. Les 5 vierges sages sont plus que des filles intelligentes et futées: elles possèdent en même temps cette suprême ouverture du cœur au Royaume de Jésus. Toutes ces jeunes filles avaient emporté des lampes, mais c'est l'huile qui fait défaut à 5 d'entre elles. Qu'est-ce donc que cette huile ? Une interprétation spirituelle peut y voir cette réserve de vie intérieure qui doit accompagner la veille, voire même le sommeil. Car la parabole ne reproche pas aux jeunes filles fatiguées de s'être endormies. Les 10 ont failli à ce niveau de vigilance. Mais la vigilance demandée par l'Evangile n'est pas de l'ordre de la performance physiologique ou corporelle. Elle réside dans l'attitude spirituelle de celui ou celle qui se tient prêt, et qui en prend les moyens. Prêt pour l'arrivée de l'époux qui peut survenir à tout moment: vous ne savez ni le jour, ni l'heure. Tout comme l'épouse du Cantique peut s'écrier:« je dors, mais mon cœur veille».
Les vierges folles, elles, n'ont pas su être prêtes. Pourtant, comme les autres, elles se sont donné de la peine, mais trop tard ! Comme les autres, elles ont fini par rallumer leurs lampes, mais trop tard ! Comme les autres, elles sont arrivées à la porte de la salle des noces, mais trop tard !
Voilà ce que Jésus veut nous dire. Ce n'est pas nous qui choisissons ou maîtrisons l'heure de sa Venue. Il nous renvoie alors au sérieux de notre liberté humaine et à notre responsabilité. Ce n'est pas pour rire que nous avons été aimés par lui et qu'il nous sauvera. Selon la perspective biblique, les « folles » ne sont rejetées hors de !a sa!!e des noces que parce que d'abord, elles ont rejeté Dieu. Le jugement rendu par Dieu ne fait que traduire ce qu'elles ont mérité par leur propre comportement. Et les pharisiens du temps de Jésus qui écoutaient ces paroles ont dû très bien comprendre. Les chrétiens que nous sommes aujourd'hui sont tout autant appelés à les comprendre. Car, à travers ces 10 jeunes filles, il nous faut voir la figure de l'église, sortant à la rencontre de son Epoux, le
Christ. Et c'est donc bien de nous, de chacun d'entre nous qu'il s'agit maintenant. Suis-je prêt? Est-ce que je veille ? Et comment ? Avec quelle huile ?
Ma communauté, ma paroisse, mon église sont-elles prêtes ? Veillent-elles? Et comment? Avec quelle huile ?
J
COMMEMORATION DES FIDELES DEFUNTS 2020
Rm 14, 7-9. 10b-12 ; Jn 6, 37-40
« Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur »… Il y a quelques années, cette phrase me gênait. Quelque chose en moi ne supportait pas cette idée d’appartenir à un autre, de ne pas m’appartenir à moi-même… Velléité de d’indépendance encore un peu puérile ou illusion de jeunesse… ? J’oubliais que créature sortie de rien et appelée à retourner à la poussière, je ne suis rien hors de Celui qui m’a façonné dans le sein de ma mère… Car avant moi, on ne parlait pas de moi, et après mon passage, mon souvenir sera vite oublié. Mystère de ma vie, mystère de notre vie qui éclot un jour pour se faner un peu plus tard… Et pour quoi tout cela ? Pour qui ? Pour le Seigneur, nous assure Paul. Ce que confirme Jésus : « telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour »… Oui telle est la bonne nouvelle de notre foi : le Père nous a confiés au Fils…nous sommes en de bonnes mains. Mystère du dessein de Dieu vis-à-vis des toutes petites créatures insignifiantes que nous sommes. Comme nous le chantons aux vêpres avec Paul : Dans son dessein d’amour éternel sur la création et sur l’humanité, « Dieu nous a choisis avant la création du monde pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard, il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ »… Appartenir au Seigneur dans notre vie comme dans notre mort, loin d’être un asservissement qui entraverait notre liberté, c’est la possibilité d’entrer dans un accomplissement de notre humanité en Jésus. Avec lui, en lui, et par lui, comme nous le chantons en chaque eucharistie, il nous est donné dès maintenant, de laisser grandir l’amour et la vie qui ne passeront jamais. Le Seigneur Jésus nous guide et nous entraine sur ce chemin d’amour et de vie.
En cette eucharistie, comme d’ailleurs en chaque prière que nous présentons pour d’autres personnes vivantes ou mortes, nous demandons au Père qu’il achève son œuvre de vie pour tous les défunts…
TOUSSAINT 2020
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
En ces temps où beaucoup de choses sont incertaines, où les projets sont remis en cause, où la violence rôde, et où sur le plan international semble prévaloir le droit du plus fort, l’évangile que nous venons d’entendre nous apporte une lumière réconfortante. Il vient redonner de la perspective à notre réalité humaine. Qu’est-ce qui ne fait que passer ? Qu’est-ce qui demeure pour toujours ? Jésus nous dit avec force que les larmes et les persécutions passeront. Mais que la pauvreté de cœur, on pourrait dire aussi l’humilité, la douceur, la miséricorde, la pureté, la paix, la justice…ces réalités ne passeront pas. Car elles portent en elle les valeurs du Royaume que Jésus a inauguré. Humilité, douceur, miséricorde, pureté, paix et justice ne passeront pas car elles sont les pierres de fondation du Royaume qui vient. La vie éternelle resplendira de tout leur éclat et de leur magnifique beauté. Oui frères et sœurs, nous pouvons recueillir de cet évangile cette lumière réconfortante, et à un double titre : une lumière qui nous console et une lumière qui nous appelle.
Les paroles de Jésus sont pour nous une consolation. Elles viennent par leur douce et forte clarté percer le brouillard dans lequel nous tiennent les épreuves que nous connaissons aujourd’hui. Si l’abattement nous gagne face au non-sens de cette vie aux horizons soudainement très limités, elles nous disent, si nous l’avions oublié, que la vie humaine n’est qu’un bref pèlerinage. Nous sommes des pèlerins de passage. Les joies mitigées de ce monde ne sont que les prémices de la joie que nous partagerons pour toujours avec Dieu et avec tous nos proches qui nous ont précédés. Si le découragement nous guette face aux épreuves, les paroles de Jésus nous font pressentir que les tribulations rencontrées ne sont pas le dernier mot de notre existence humaine. Ne pensons pas que nous sommes impuissants face au mal ou aux échecs. Notre vie humaine porte en elle des valeurs qui révèleront un jour tout leur poids d’éternité.
Les paroles de Jésus sont aussi un appel. Un auteur juif, A Chouraqui, dans une traduction originale des évangiles, a traduit le mot « heureux » des béatitudes, par « en marche ». Toute sa traduction de ce passage évangélique mériterait d’être commentée à partir des notes qu’il en donne. Ce matin, je voudrais juste retenir ce « en marche » dont André Chouraqui précise que le mot hébreu que Jésus a prononcé « implique non pas l’idée d’un vague bonheur d’essence hédoniste, mais celle d’une rectitude, celle de l’homme en marche sur une route qui va droit vers le Seigneur » (cf note en Mt 5, 3 dans un Pacte Neuf, Brepols 1984, p 24). « En marche » : oui dans l’assurance du bonheur promis en Dieu, ne craignons pas de nous mettre en marche en cultivant la pauvreté de cœur, l’humilité, la douceur, la miséricorde… Par son Esprit Saint, le Seigneur a mis en nous les germes de la Vie nouvelle, celle qui n’est pas fondée sur la force, le prestige ou la richesse. Oui, il nous revient de nous mettre « en marche », pour déployer toutes ces vertus de paix, de justice, de pureté qui sont déposées en nous comme un trésor caché. Elles ne demandent qu’à éclore. Oui, là où nous sommes, dans la simplicité de nos existences quotidiennes, chacun de nous peut se mettre en marche pour ne pas laisser les forces de paralysie gagner son cœur et engourdir sa volonté. Durant ce temps de confinement qui va peut-être dégager plus de temps, chacun pourrait essayer de se donner un temps de recueillement à l’écart… Recueillement pour s’asseoir avec soi-même sous le regard de Dieu… S’asseoir pour chercher et mieux retrouver le goût et la force de l’humilité, de la paix, de la douceur, de la justice… S’asseoir pour lire la Bible, pour la méditer et écouter ce que le Seigneur veut nous dire aujourd’hui… S’asseoir pour prier. S’asseoir, mais pour mieux se mettre en marche, pour mieux être vigilant dans l’attention à ce que l’on vit, et dans l’attention aux autres. Se mettre en marche par l’attention aux proches, aux frères de communauté, à son voisin de palier…ce proche devant lequel je passe si souvent… Se mettre en marche par l’attention à telle ou telle personne qui aura besoin d’un soutien, d’un courrier, d’un téléphone, d’un service….
En fêtant aujourd’hui tous les saints du ciel, venons puiser la joie et l’espérance dans la vie du Christ ressuscité, pour mettre nos pas dans ceux de tous ces hommes et ces femmes connus et inconnus qui se sont mis en marche.
Année A - 30ème dimanche du T.O., 25 octobre 2020
Ex 22 20-26 ; 1 Thess 1 5-10 ; Mt 22 34-40
Homélie du F.Bernard
Dans cette partie de l’évangile de Matthieu que nous entendons ces derniers dimanches, Jésus est à Jérusalem au terme de son voyage depuis la Galilée. La Pâque de son sacrifice est proche. Les controverses où l’on veut enfermer Jésus se multiplient. Elles viennent de groupes divers, grand prêtres et anciens du peuple, pharisiens, sadducéens. Ici, c’est un docteur de la Loi qui pose à Jésus la question pour le mettre à l’épreuve : Dans la Loi quel est le grand commandement ?
A vrai dire, on ne voit pas très bien où est le piège. Tout Juif aurait sans doute spontanément répondu comme Jésus, en citant le Shema Israël : Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. Ce verset du Deutéronome (Dt 6, 4), tout Juif fidèle aujourd’hui se doit de le réciter trois fois par jour, et il en était sans doute déjà le cas au temps de Jésus.
Quant au deuxième commandement, l’amour du prochain, sans doute venait-il aussi naturellement à l’esprit, tant il avait été inculqué abondamment par les prophètes. C’est l’amour que je veux, non les sacrifices, avait dit le Seigneur par l’intermédiaire du prophète Osée (Os 6,6).
Mais il est vrai que les spécialistes de la Loi avaient dénombré 613 commandements à observer, les mitsvot. Dans ce fatras d’observances, on se perdait, on s’affrontait, on pouvait perdre de vue l’essentiel, comme ce prêtre et ce lévite qui, descendant de Jérusalem à Jéricho, avaient rencontré sur leur route un blessé à demi-mort et avaient passé outre sans s’arrêter, pour ne pas contracter une impureté qui les aurait empêchés d’accomplir leur service au Temple.
Mais revenons aux paroles de Jésus. Elles sont toute simples. Elles redisent le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain. De ce double commandement, nous dit Jésus, dépend toute la Loi ainsi que les prophètes. Et d’abord le Shema Israël que nous avons déjà mentionné : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Mais comment ? En gardant les commandements, les lois et les coutumes (Dt 6,1), que le Seigneur a enseignés à Moïse, et en les mettant en pratique ; en entrant dans l’alliance par laquelle Dieu s‘est réservé un peuple consacré. Tout le Deutéronome est comme un commentaire du Décalogue, cette Thorah initiale des deux tables où sont inscrits les commandements envers Dieu et le prochain.
Puis : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19, 18). Ce commandement du Lévitique prescrit de porter attention au petit, au pauvre, à l’orphelin, à l’étranger résidant dans le pays, à cause de la sainteté de Dieu : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint (Lv 19,2), parole que Jésus reprend dans le SM : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait (Mt 5, 48). La première lecture entendue, tirée du livre de l’Exode (Ex 22, 20-26), en était la parfaite illustration.
Écoutant ces textes scripturaires, au ton déjà tellement évangélique, où l’amour de Dieu et celui du prochain sont étroitement mêlés, on ne peut que dire du peuple de la première alliance qui vit de telles Écritures qu’il n’est pas loin du Royaume de Dieu, comme ce scribe de l’évangile selon Marc qui lui aussi avait interrogé Jésus sur le plus grand commandement (Mc 12,34).
Alors la question se pose : qu’apporte de plus Jésus ? qu’apporte l’Évangile pour que notre justice dépasse celle des scribes et des pharisiens
(Mt 5, 20) ? Disons d’abord que l’Évangile pousse jusqu’à l’extrême l’exigence de ces deux commandements. Le prochain à aimer n’est pas seulement le membre de ma famille, ou le voisin de mon village, ou même l’étranger dans mon pays, mais tout homme, absolument tout homme, y compris mon ennemi, y compris l’ennemi de Dieu, l’impie, que des psaumes invitent à haïr (Ps 139, 21-22). Dans la lettre aux Éphésiens, saint Paul parle du mur de la haine qui séparait Israël des païens, ce mur de la haine qui était matérialisé au Temple de Jérusalem, par la séparation entre le parvis d’Israël et celui des païens. Le franchir pour un païen pouvait entraîner sa mort. En sa Pâque, Jésus a aboli ce mur de la haine.
Ensuite l’Évangile conjoint radicalement les deux commandements en sorte qu’ils n’en font vraiment plus qu’un. Le second commandement est semblable au premier nous a dit Jésus. En Jésus-Christ, le Verbe de Dieu s’est fait homme et désormais ce qui est fait au plus petit des frères de Jésus, c’est au Fils de l’homme lui-même que cela est fait (Mt 25).
Enfin ce double commandement, qui n’en fait plus qu’un, ce commandement de l’Amour ne nous est plus seulement commandé, il nous est donné : Je vous donne un commandement nouveau, nous a dit Jésus vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés (Jn 13, 34). Avec Jésus la mesure de l’amour n’est plus nous-mêmes, mais Jésus lui-même, ou l’Esprit de Jésus. Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour (Jn 15, 9).
Année A - 29° Dimanche TO - 18.10.2020
Is 45, 1.4-6 ; Ps 95 ; 1 Th 1, 1-5b ; Mt 22, 15-21
Frères et sœurs,
L’évangile que nous venons d’entendre a fait couler beaucoup d’encre. Il est devenu un point d’appui dans la doctrine de l’Eglise pour asseoir la distinction entre les pouvoirs temporel et spirituel. Distinction toujours délicate pour qui s’engage de plus en plus dans la vie de la cité tout en voulant vivre pleinement sa vie de chrétien. Il mérite de s’y arrêter car tous, même les moines, nous sommes présents à la vie de notre monde, ne serait-ce qu’à travers notre bulletin de vote, ou plus simplement à travers les paroles et les réflexions partagées. Les textes, mais aussi les oraisons de ce 29° dimanche peuvent nous éclairer.
Les pharisiens viennent tendre un piège à Jésus le prophète de Dieu. Ils voudraient l’entrainer à se situer soit comme un collaborateur de l’occupant romain, en payant l’impôt, soit comme un rebelle à l’ordre établi en refusant de le faire. Collaborateur ou rebelle. Jésus n’entre pas dans cette alternative. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Par cette réponse, Jésus suggère qu’il faut tenir deux services, mais deux services qui ne sont pas du même ordre. Service de César pour ce qui lui revient dans la gestion de la vie publique et économique. Service de Dieu qui seul est Dieu et qui peut même utiliser les actions d’un souverain pour son dessein de salut, comme le suggérait la première lecture tirée du livre d’Isaïe. Deux services de César et de Dieu qui ne s’opposent pas, mais qui sont nécessaires l’un à l’autre parce qu’ils s’éclairent l’un et l’autre. Notre actualité montre combien cette dialectique entre les domaines temporel et spirituel peut se révéler féconde. Dans les affaires récentes de pédocriminalité ou d’abus de toute sorte, l’Eglise qui veut se vouer toute entière au service de Dieu, a mesuré qu’elle avait failli par manque de rigueur humaine. Elle a besoin de la compétence de la justice humaine et d’une objectivité externe pour qualifier et rectifier ce qui, en son sein, a entrainé de graves dommages. Les procédures actuelles qui confient les affaires à l’examen de la justice civile, se fondent sur la confiance faite en un regard humain qui apporte son juste concours et sa compétence. A l’inverse, les recherches autour de la bioéthique et des questions sur le début et la fin de vie, montrent que le politique peut patiner et risquer d’être toujours aux mains d’intérêts immédiats et particuliers qui font perdre le sens de la vie humaine. En faisant appel aux différentes religions et philosophies, le politique mesure combien il n’est pas tout puissant ni omniscient en ces domaines si vitaux. L’Eglise est consciente alors de porter un trésor qu’elle reçoit de Dieu comme une Bonne Nouvelle pour l’homme. Dans la lumière de l’Amour de Dieu, l’être humain se révèle être très digne, si digne qu’on ne peut le manipuler ou le réduire à un objet fabriqué. Encore moins le détruire.
Ainsi nous mesurons combien le service de César, on dirait aujourd’hui dans nos états démocratiques, le service de la cité, et le service de Dieu ont besoin l’un de l’autre. A la fois, il faut les distinguer pour éviter que le pouvoir civil soit sacralisé et que le pouvoir religieux prenne en charge les affaires de la cité, et à la fois, on ne peut les séparer hermétiquement. A chacun de nous, citoyen et chrétien, il revient de se situer dans la justesse. Il nous faut cultiver le sens du discernement en nous remettant à l’écoute de l’évangile. A sa lumière, l’être humain apparait dans son humble grandeur, et notre Dieu dans sa grandeur très humble. Ce travail de discernement nous invite à ne pas avoir peur de la réflexion humaine qui cherche la vérité et la justice. Les bonnes et vraies questions ne doivent pas nous faire peur. Car notre Dieu n’est jamais en dehors de ce qui est vraiment humain. Par ailleurs, ce travail de discernement nous engage à aller puiser la force et la lumière aux sources de notre relation avec Dieu, dans la prière, la méditation, la liturgie. Nous demandions au début de la messe « la grâce de vouloir ce que Dieu veut, et de le servir avec un cœur sans partage ». Cette prière nous redit que servir Dieu est un don de Dieu, un don à demander avec confiance et à rechercher sans cesse. Ce don va nous accorder à Dieu et à son projet d’amour pour les hommes. Laissés à nous-mêmes, nous en sommes incapables. Aussi une bonne part de notre responsabilité de chrétien n’est-elle pas finalement de toujours commencer par demander, par ouvrir les mains et notre cœur à notre Dieu qui désire nous donner sa vie…. C’est ce que nous faisons maintenant comme en chaque eucharistie.
Année A - 28e dimanche - [2020]
Isaïe 25, 6-10a Phil. 4, 12-14 et 19-29 Mt. 22, 1-14
Homélie duF.Ghislain
Dans une première lecture, nous avons entendu une impressionnante promesse de bonheur. Positivement un festin abondant et succulent ; négativement une consolation définitive de toutes les morts et de tous les deuils. La fin du texte et le psaume qui a suivi reconnaissent cette promesse et chantent leur action de grâces. Dans l’évangile, la promesse est réaffirmée : il s’agit bien du Royaume des cieux préparé par le même Dieu, mais l’accueil qui en est fait n’est pas total : nombreux semblent être ceux qui ne sont pas intéressés et si, devant leur défection, l’invitation est étendue plus largement, il y a encore des gens qui ne l’accueillent pas comme il faut.
Que pouvons-nous faire de ces textes aujourd’hui ? Comment vont-ils nous aider à vivre en ce temps de pandémie qui limite nos activités, nos déplacements, entrave nos économies collectives et personnelles, nous laisse inquiets sur l’avenir proche, - tout cela sur le fond d’une situation mondiale violente ?
La première réponse est que, dans l’ignorance de ce qui va se passer et dans l’impuissance de faire face et de conjurer totalement les menaces, la victoire de notre foi est dans notre espérance : ce que disent nos textes est vrai : il y aura une libération totale, complète, dont la résurrection de Jésus-Christ et l’envoi de l’Esprit Saint dans le monde à la Pentecôte sont les garants. Il ne faut pas craindre de prendre le temps de méditer en profondeur les promesses qui nous ont été faites. Celles-ci se réaliseront, elles le commencent peut-être déjà. Les souffrances et les combats ne sont pas définitivement vains. Nous ne vivons pas sur l’arrière-plan de films d’épouvante, mais sur celui de la transfiguration de la terre et de la vie. Il faut prendre le temps de laisser les promesses résonner en nous et créer en notre cœur des forces vives.
Une seconde réponse, plus concrète et plus immédiate celle-ci, nous est donnée par saint Paul dans la seconde lecture. « Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance ». Il ne s’agit pas ici d’une attitude stoïque, mais d’un art de faire face avec douceur et force dans les situations concrètes. Saint Paul en voit la source, écrit-il, « en celui qui me donne la force » ; c’est-à-dire Jésus ressuscité. Dans les situations d’urgence, on croise parfois des gens lumineux et tranquilles, qui savent économiser leurs gestes et leurs paroles et qui aident les autres à tenir le coup. Ils n’anticipent pas les difficultés à venir mais font face à celles du présent. Parce qu’ils font confiance, ils engendrent un peu de vie là où il n’y aurait apparemment que la mort. Pourquoi ne serions-nous pas une de ces personnes qui, appuyées sur le Christ, font face ? Mais d’autre part saint Paul ne refuse pas l’aide des autres quand il en a besoin ; il constate des solidarités à son sujet, il en remercie et il en profite. S’il faut savoir donner, il faut aussi apprendre à recevoir. Ainsi les quatre versets qui nous ont été lus nous disent-ils comment nous situer en temps de pandémie, là où nous sommes, et contribuer plutôt à l’apaisement qu’à l’inquiétude, à l’efficacité qu’à l’agitation ou le découragement. Remercions Dieu de ce que, dans la situation troublée et incertaine qui est la nôtre, il se trouve beaucoup de justes qui assurent autant que faire se peut le modeste triomphe de la vie, et essayons, là où nous sommes , de rejoindre leurs rangs.
Année A - 26ème Dimanche du temps ordinaire -27 septembre 2020
Ezéchiel 18, 25-28 ; Philippiens 2, 1-11 ; Matthieu 21, 28-32
Homélie du F.Matthieu
La brève histoire racontée par Jésus dans notre évangile fait partie de sa grande confrontation en plusieurs étapes avec les principaux responsables religieux de son peuple. C’est comme d’ultimes appels à un changement d’attitude envers lui, qui incarne la Parole de Dieu et vient annoncer le salut.
Mais aujourd’hui surtout, c’est nous que Jésus interpelle : votre vie est-elle bien en accord avec ce que vous prétendez être, des chrétiens adultes en chemin pour célébrer votre Seigneur et travailler à sa vigne ?
Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.” Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur !” et il n’y alla pas.
Une première remarque s’impose, s’il est clair que le premier fils est seul à avoir fait la volonté du Père, il est tout aussi clair qu’il a commencé par dire « non » !
Il y a dans l’évangile de saint Luc une autre parabole qui parle aussi d’un homme qui a deux fils (Lc 15, 11-32) : un fils cadet qui dit non à l’amour de son père en s’en allant au loin pour y mener une vie de désordre, mais qui finalement va se repentir et revenir vers son Père ; et un fils aîné qui, d’une certaine façon a toujours dit “oui, Seigneur !”, mais pour s’enfermer dans le refus de sa condition, dans l’aigreur et le ressentiment vis-à-vis de son Père et de tous.
Le parallèle est éclairant : tout être humain est ainsi fait que sa première réponse à l’appel de son Seigneur et Père est toujours négative explicitement ou en secret : faite d’arrogance, mais surtout de crainte et de peur, d’incapacité à reconnaître que l’appel à servir dans le champ ou la vigne, est un signe de l’amour total de son Père : « tout ce qui est à moi est à toi ! »
Que nous commencions par dire “non” aux invitations de Dieu, n’est pas sans importance : il signe notre condition humaine marquée d’emblée par la peur, qui va devenir péché, si elle n’est pas reconnue et assumée.
Et la formule-clef de notre Evangile est celle que Jésus adresse dans sa conclusion aux chefs des prêtres et aux anciens : « Mais vous, vous ne vous êtes même pas repentis pour croire à la Parole (cette Parole de conversion que proclamait Jean, le Baptiste). »
« Se repentir pour croire à la Parole du salut ! »
C’est ce qui fait prendre au sérieux la condition humaine de pécheur, c’est celle qui peut mettre en chemin à la suite de Jésus sur le chemin de la conversion.
Se repentir, ce n’est pas avoir du remords, ce qui ne serait que négatif et malsain ; une attitude qui ne construit rien et qui ronge de l’intérieur.
Il faut se repentir pour connaître son péché, en sortir et croire à l’amour du Père qui nous appelle à sa vigne.
Se repentir, c’est accepter de remettre en cause sa manière de voir et ses attitudes. Un point de départ indispensable pour entendre la Parole et y croire, se mettre en chemin et découvrir les horizons jusqu’alors insoupçonnés de la joie et de la fête, à travers le chemin de la conversion.
Le repentir selon l’Evangile est un fruit de l’amour. C’est la prise de conscience que quelque chose ne va pas dans ma relation à l’Autre (le Seigneur) et aux autres et vouloir en changer.
Le fils qui dit « Je ne veux pas. » est certes un contestataire. Il veut faire sa vie tout seul. Mais au plus profond de lui-même il peut entendre l’amour de son père. Sous son attitude désinvolte et immature, il y a un cœur qui réagit : « Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla… »
Alors que l’autre fils, celui qui dit “Oui, Seigneur” et ne fait rien, est en réalité enfermé depuis toujours en lui-même et n’arrive pas à sortir de cet aveuglement qui lui cache l’amour de son Père … Mais lui aussi peut faire le chemin !
Une seconde remarque s’impose : ceux que Jésus nous donne en modèles du repentir et de la foi en la Parole qui appelle, ce sont « les publicains et les prostituées qui nous précèdent dans le royaume de Dieu ». N’allons surtout pas imaginer que, repentis et croyants, ils sont devenus des « convertis », des « saints », et qu’il s’agit pour nous de les imiter – serait-ce d’ailleurs si facile ?!
Non, mais ils ont fait et font ce qui est toujours à faire, pour tous les pécheurs, que nous sommes avec eux, ils ont pris le chemin du repentir, étapes après étapes, ils essaient de revenir, ils essaient de garder ouvertes leurs oreilles et leurs cœurs à la Parole du Père, qui ne cesse de les appeler à aller à sa vigne, quelque soient l’heure nous disait l’évangile de Dimanche dernier…
Oui, le disciple de Jésus est un pécheur, qui, toujours, cherche à se repentir, qui cherche à croire en Jésus qui le précède et l’accompagne sur son chemin, dans les bons et les mauvais jours, dans le désert ou les frais pâturages …
Une seule exigence, marcher, reprendre la marche … écouter la Parole, réouvrir son cœur … entendre et réentendre l’appel du Père dont l’amour est tout puissant et dont la volonté tenace est de nous sauver.
« Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne. » Ce n’est pas un travail forcé, mais une invitation : Viens à la vigne ! Viens à la fête ! « Entre dans la joie de ton Maître ! »
Il ne m’est demandé que d’ouvrir mon cœur, me rendre disponible et me mettre, et me remettre en route, aujourd’hui, car aujourd’hui, « le Père t’aime et il t’appelle. » ; aujourd’hui, « écouteras-tu sa Voix ? »