Homélies
Liste des Homélies
Année B - Dimanche de la Sainte Famille (27/12/2020)
(Genèse 15,1-6 ; Hébreux 11 ; Luc 2,22-40)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Les textes de la liturgie pour ce dimanche de la Sainte Famille mettent en avant 2 familles assez peu ordinaires, choisies par Dieu pour accueillir des évènements extraordinaires : celle d’Abraham, de Sarah et d’Isaac d’une part : un couple de vieillards donnant naissance à un enfant avec la promesse faite par Dieu d’une descendance innombrable, comme les étoiles du ciel ou les grains de sable du bord de la mer. Et puis Marie, Joseph et Jésus d’autre part : un jeune couple, tout juste fiancé n’ayant donc pas consommé encore l’union du mariage, qui va accueillir une naissance miraculeuse déjouant toutes les lois naturelles de l’engendrement : un garçon, Jésus, qui sera un signe de contradiction, provoquant la chute et le relèvement de beaucoup en Israël.
Plutôt que de me livrer à un commentaire biblique de ces 2 grands textes des Ecritures, je vous propose pour cette homélie de méditer sur la réalité de la famille chrétienne aujourd’hui, telle que la présente le cardinal Mario Grech, évêque de Malte, dans une interview qu’il a accordée récemment à un journal italien à un père jésuite et un laïc, père de famille, à l’occasion de la pandémie Covid’19 . Nous avons lu et apprécié cette interview en l’écoutant au réfectoire, dont une grande partie, sur la fin aborde la question de la famille. Et Il ne m’a pas semblé inutile pour les frères d’en réentendre des extraits, et pour vous chers amis voisins et hôtes de vous faire connaître cette réflexion.
Une question était ainsi posée : « peut-on dire qu’avec le confinement lié à l’épidémie, la maison soit devenue église, y compris au sens liturgique ? » Mgr Grech répond que cela lui a paru très clair : « nombre de familles se sont révélées de leur propre initiative, créatives dans l’amour, par la façon dont les parents accompagnaient les plus petits aux formes de scolarisation à domicile, l’aide aux personnes âgées et contre la solitude, dans la création d’espaces de prière, jusqu’à la disponibilité envers les pauvres ». Et il évoque alors une nouvelle ecclésiologie qui émerge de l’expérience forcée du confinement. « Là, réside l’avenir de l’Eglise, en réhabilitant l’église domestique.
Une Eglise-famille, composée de plusieurs églises-familles. C’est le présupposé valable de la nouvelle évangélisation. L’église domestique est la clé qui nous ouvre un horizon d’espérance. Et le cardinal renvoie à l’expérience des communautés chrétiennes des 3 premiers siècles, quand les fidèles se réunissaient dans leurs maisons avec un cadre familial. « La théologie et la valeur de la pastorale dans la famille, en tant qu’église domestique ont connu un tournant négatif au 4ème siècle, avec la sacralisation des prêtres et des évêques, au détriment du sacerdoce commun des baptisés qui commença à perdre de sa valeur. Plus l’institutionnalisation de l’Eglise a été mise en œuvre, plus la nature et le charisme de la famille, en tant qu’église domestique se sont épuisés. » Et le cardinal pointe ici le danger et le risque du cléricalisme. En fait, ce n’est pas la famille qui doit être l’auxiliaire de l’Eglise, mais c’est l’Eglise qui est l’auxiliaire de la famille, et c’est à la famille qu’il faudrait redonner une dimension sacrée et cultuelle.
A la question qui lui est posée : mais qui sont alors les ministres de cette église-famille ? Mgr Grech répond : « les parents, en vertu de leur sacrement du mariage sont ces ministres du culte qui, pendant la liturgie domestique, rompent le pain de la Parole, prient avec Elle, et ainsi favorisent la transmission de la foi à leurs enfants. » Et cela, sans aucunement discréditer la liturgie de la communauté paroissiale, car il y a passage et renvoi mutuel entre les 2 formes de liturgie. Il ne s’agit pas d’opposer frontalement liturgie cléricale et liturgie familiale.
Le cardinal termine sa réflexion sur l’importance prophétique et missionnaire de la famille pour toute l’Eglise et pour le monde. « Beaucoup de chrétiens ne sont toujours pas convaincus du charisme évangélisateur de la famille. Ils ne croient pas que la famille ait une créativité missionnaire. Il y a encore beaucoup à découvrir et à intégrer. »
Comme l’a souligné le pape François, Dieu a confié aux époux et à la famille, non pas le soin d’une intimité comme une fin en soi, mais l’émouvant projet de rendre le monde domestique. « La famille est appelée à laisser ses empreintes dans la société où elle est insérée, afin de développer d’autres formes de fécondité qui sont comme la prolongation de l’amour qui l’anime. »
Frères et sœurs, ces propos pourront paraître à certains comme trop beaux et inaccessibles. Ils s’appuient néanmoins sur des témoignages réels, signes d’espérance et vécus dans la foi. Cette foi en Dieu qui rejoint alors celles d’Abraham et de Sara, et de la Vierge Marie et de Joseph, qui nous sont donnés en modèles d’abandon et de confiance à la grâce.
Oui, que la grâce de Noël repose sur toutes les familles aimées de Dieu, qu’elle apporte la joie et la paix dans les cœurs de chacun de leurs membres !
AMEN
Année B - Messe du Jour de NOËL Vendredi 25 décembre202-
Is 52/7-10, Heb 1/1-6, Jn 1/1-18.
Homélie du F.Cyprien
Chers frères et sœurs -
Noël : nous fêtons la naissance de Jésus, un anniversaire, un événement concret, heureux, précis. Mais notre foi en fait une célébration, une fête bien sûr … fête devenue populaire, tellement que certains ont oublié qu’il s’agissait d’un peu plus que de la naissance de Jésus à Bethléem…
Saint Irénée écrit que « les prophètes annonçaient que Dieu serait vu des hommes, selon ce que Jésus lui-même avait dit : Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu ».
Dieu qui avait parlé autrefois par les prophètes, avait promis qu’il prendrait lui-même soin de son peuple, qu’il serait l’Emmanuel, « Dieu avec nous ».
…Alors Dieu est venu ! il est venu sous la forme du petit enfant de Marie, épouse de Joseph et je voudrais vous suggérer que ce Jésus, parole vivante pour le monde doit encore, aujourd’hui et chaque jour, être accueilli par nous comme le petit enfant de la crèche.
Nous croyons « à ce Dieu singulier à qui il a plu de se rendre aussi vulnérable que ce petit enfant qui s’abandonne entièrement à nos soins » : c’est l’expression d’une mère, une maman qui est aussi pasteure de l’Eglise protestante unie de France ; elle continue : « Alors oui, si Dieu arrive au monde comme un nouveau-né, son projet ne peut pas être de nous préserver du risque et de l‘inquiétude. Avec l’Evangile comme avec toute naissance, commence l’irréductible in-tranquillité. »
Petit enfant, tout petit, fragile et affamé de soins : Dieu est là et …qu’est-ce que nous en faisons ?
Nous savons que la Parole que nous entendons, que Dieu nous souffle au fond de notre cœur, cette parole est fragile ; elle a besoin de soins de notre part, pour qu’elle ne s’envole pas comme une vapeur, une fumée balayée par le vent…
Nous connaissons ces moments où nous nous attendrissons devant la fragilité du bébé, le caractère attirant de son être, de ses mimiques ; mais la tendresse a un temps, les mères savent mieux que les autres que cette petite personne demandera, exigera même tellement de dévouement et de sacrifices.
N’avons-nous pas conscience qu’en célébrant cette naissance avec toutes les naissances du monde, nous sommes responsables du devenir de l’humanité… ? C’est bien pourquoi Dieu a voulu vivre avec nous comme l’un de nous.
« Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous…»
Gloire du Fils unique, dit saint Jean, gloire qui triomphe dans sa résurrection, mais déjà présente au bébé dans les bras de sa mère, Lui l’Emmanuel, « Dieu-avec-nous ».
La rencontre de toute personne, de tout enfant à quelque âge qu’il soit, cette rencontre n’est jamais prévisible, cette rencontre va nous surprendre et nous déplacer : à chacun de nous de nous laisser conduire pour répondre aux besoins et aux demandes qui nous viennent de cet enfant, de cette personne : « Ce que vous aurez fait aux plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait ».
Aujourd’hui c’est Noël : ce sera toujours le moment d’honorer les enfants, surtout les plus pauvres, les plus meurtris, c’est à eux que nous renvoie la crèche, l’adoration émerveillée des bergers, la recherche courageuse et patiente des mages.
Acte de foi de nous chrétiens, vigilance et espérance qui ont pu être celles du temps de l’Avent, attention à tous les instants où Dieu peut se manifester à nous, puisqu’il est avec nous pour toujours… Attention au présent, là où nous pouvons le rencontrer …et …où nous pouvons le manquer, Dieu qui a besoin de nos soins, de notre attention, de notre amour.
Dieu, nous l’avons cherché dans nos rêves de puissance et de grandeur. Il a épousé la réalité de notre fragilité, de notre faiblesse. Dieu s’est fait petit pour nous dire la grandeur de son amour. Il est la paix et le bonheur que nous cherchons, Lui, Jésus, l’enfant de la crèche, l’avenir de l’homme.
Chers f.et S., si la veille sanitaire obligée nous restreint les rencontres, que celles-ci, par la grâce du moment, nous permettent quand même de Le rencontrer de toutes les manières possibles, Lui le petit enfant de Bethléem : Il est la Bonne Nouvelle pour toujours : Bonne journée de fête à tous ! Amen.
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NOEL 2020 - Messe de Minuit -
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Depuis quelques semaines, nous lisons au réfectoire un livre assez passionnant sur De Gaulle. Deux chapitres ont ces titres évocateurs « du libérateur au sauveur » et « le nouveau Messie », titres qui ne sont pas sans résonance avec les textes entendus en cette nuit. L’auteur n’hésite pas à utiliser ce vocabulaire religieux pour désigner aussi bien les prétentions d’un homme à redresser la France, jusqu’à identifier son sort à celui de l’Etat, que les projections idéalisées portées sur lui par le peuple français durant la seconde guerre mondiale et après. Il est intéressant de noter qu’à ce moment critique de notre histoire où tous avaient été humiliés par la défaite subie en 1940, une forte attente s’est manifestée d’avoir un sauveur, un chef qui rassemble, et derrière lequel on puisse marcher. Les paroles du prophète Isaïe peuvent nous donner à entendre en creux cette même espérance. Le prophète annonce au peuple juif éprouvé et humilié par ses ennemis, qu’une grande lumière va se lever à travers la naissance d’un enfant royal dont le pouvoir s’étendra afin que la paix soit sans fin… L’histoire des peuples se présente souvent comme une alternance de périodes d’humiliations qui suscitent une attente en un sauveur, en un homme qui va rétablir la paix, l’unité, la sécurité politique. En bonne part, De Gaulle a tenu ce rôle avec toutes les ambiguïtés du jeu politique, à ce moment précis de notre histoire.
N’est-ce pas dans un semblable contexte d’oppression, lié à l’occupation romaine, que va naitre Jésus et que peuvent être entendues les paroles de l’ange aux bergers : « Je vous annonce une bonne nouvelle, aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ (le Messie), le Seigneur ». Aussi lorsque Jésus annoncera le Royaume de Dieu, nous savons combien ses auditeurs auront du mal à sortir d’une vision messianique trop politique. La soif d’une justice et d’une paix immédiates était si forte que leurs espoirs ont été déçus. Celui en qui on pouvait vraisemblablement reconnaitre le Messie, le Sauveur d’Israël, n’a pas libéré le peuple de l’occupation romaine. Car Jésus est venu rassembler le peuple de Dieu, non en vue d’une libération politique ou matérielle, mais nous assure Paul en la seconde lecture, « pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien ». Jésus se révèle être un sauveur d’une autre nature. Il ne vient pas résoudre les difficultés politiques d’un moment, ni garantir la sécurité ou l’abondance, pas même la paix politique. Il vient renouveler son peuple de l’intérieur, en le libérant des entraves du mal et du péché, et en lui donnant une nouvelle capacité de faire le bien. Il ne vient pas nous sauver sans nous, mais il nous associe très étroitement à son règne de justice et de paix en nous rendant pleinement acteurs. Telle est la grâce d’une vie nouvelle dans le bien, la justice et l’amour que Jésus a proposé et que les premiers chrétiens ont expérimentée. Une vie nouvelle fondée sur leur foi en Jésus le Messie, mort et ressuscité pour nous, et vivifiée par les eaux du baptême et le repas eucharistique. Ainsi à travers la vie de l’Eglise, à travers les sacrements, cette grâce de vie nouvelle s’est transmise de générations en générations, jusqu’à nous, appelés nous aussi à devenir d’ardents artisans de son Royaume.
En cette fête de Noël, apparait dans toute sa profondeur ce mystère de grâce à l’œuvre. Nous contemplons combien est grand l’engagement de Dieu à notre égard : pour faire de nous des hommes et des femmes nouveaux, notre Dieu invisible s’est rendu visible, en notre chair il a assumé notre condition finie et fragile jusqu’à la mort. Et nous rendons grâce pour « l’échange merveilleux où nous sommes régénérés ». Car, comme nous le chanterons dans quelques instants : « lorsque le Fils de Dieu prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse : il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels ».
Faire mémoire ce soir de la venue du Messie Sauveur, Dieu fait homme, c’est nous disposer à accueillir encore son salut. Dieu veut nous sauver aujourd’hui, éclairer les zones d’ombre de nos vies. Il veut nous fortifier en ces temps d’épreuve liés à l’épidémie, où nous nous sentons plus fragiles afin de nous rendre plus vivants et heureux dans l’amour et dans le don de nous-mêmes. Avec nous, incluons tous ceux qui peinent à trouver les chemins de la lumière et de la vie. Confions à l’Enfant de la Crèche tant de visages en souffrance qui attendent que se lève pour eux la lumière.
Année B - 4ème dim. de l’Avent, - 20 décembre 2020
2 Sam 7 1-16 ; Rom 16 25-27 ; Lc 1 26-38
Homélie de F.Bernard
Après les lointains oracles messianiques, après les paroles des prophètes, après la grande voix d’Isaïe, après la prédication du Précurseur, chargé de désigner Celui qui vient, en ce quatrième dimanche de l’Avent, l’Église oriente notre regard sur une jeune fille d’une humble bourgade de Galilée, Nazareth. Et le nom de la jeune fille est Marie.
Elle nous fait contempler cette scène où l’Ange de Dieu vient visiter la Vierge Marie et lui dit : Tu vas concevoir et enfanter un fils. En cet instant précis tous les oracles, toutes les prophéties, convergent et prennent sens. La parole de l’Ange, sous l’action de l’Esprit-Saint fait naître en Marie la Vie. Pas n’importe quelle vie, mais la vie même de Dieu, la Vie qui est Dieu.
Cette scène de l’Annonciation, nous sommes invités ce dimanche à l’éclairer par un autre événement décisif de l’histoire d’Israël, rapporté dans la première lecture de ce jour, la prophétie de Nathan.
De quoi s’agit-il ? C’est au temps de David. Jusqu’alors tout avait réussi à l’oint du Seigneur : il avait triomphé de tous ses ennemis ; il avait conquis la royauté sur les douze tribus d’Israël ; Il s’était doté d’une capitale, Jérusalem ; enfin il s’était bâti une résidence royale, une maison de cèdre.
Mais l’arche d’alliance, lieu de la présence de Dieu, du Seigneur, à son peuple, depuis l’exode, habite toujours sous la tente, comme au temps du désert. Regrettable négligence ou bien pressentiment que le Dieu Très-Haut ne peut pas habiter dans des maisons faites de mains d’homme (Ac 7, 48).
En tout cas, le Seigneur répond au projet de David, par l’intermédiaire de son prophète. Il entend garder l’initiative. Ce n’est pas à David de bâtir une maison au Seigneur, c’est le Seigneur lui-même qui lui bâtira une maison. Mais quelle maison, pour qui sera-t-elle bâtie, et avec quels matériaux ? Car la réponse n’est pas évidente. Cette maison, construite par Dieu, sera de fait la maison de David et de sa descendance, sa lignée, mais ce sera aussi la maison de Dieu, car la prophétie annonce ce descendant de David dont Dieu sera le Père et lui le Fils, et dont le règne n’aura pas de fin.
C’est cela même que l’Ange annonce à Marie. Elle va accueillir en son sein la promesse, elle sera la demeure du Fils du Très-Haut qui va naître d’elle, elle sera la véritable Arche d’alliance, comme la liturgie aimera l’appeler.
En continuité avec la Vierge Marie prononçant son fiat, le peuple chrétien, en ces jours qui précèdent Noël, se prépare à accueillir à nouveau son Seigneur, à le laisser s’incarner en lui, lui l’Emmanuel, le Dieu avec nous pour toujours jusqu’à la fin des siècles (Mt 28, 20).
Le vrai temple de Dieu, ce ne peut être le temple de Jérusalem réservé au seul peuple Israël, en sorte que tout étranger qui s’y aventurait était passible de mort. C’et le peuple croyant, c’est l’Église, c’est-elle la maison de prière pour tous les peuples (Is 56, 7), assurée de la présence de son Dieu en elle jusqu’à la fin des siècles. (cf la deuxième lecture, Rm 16, 25-27).
Certes le temple de Jérusalem aura bien été bâti, non par David, mais par son fils Salomon, puis il sera détruit sous Nabuchodonosor, reconstruit sous Zorobabel, magnifiquement décoré au temps du roi Hérode, pour être définitivement détruit par les Romains lors de la première guerre juive en l’an 70 de notre ère. Une histoire tragique. Il ne pouvait en être autrement. Ce temple de pierre ne pouvait être que le signe d’une autre présence de Dieu à son peuple, manifestée en la mort et la résurrection de son Fils, comme Jésus lui-même l’aura annoncé : Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai (Jn 2, 19).
Nos églises elles-mêmes, si belles soient-elles, si vénérables soient-elles, ne sont rien, sinon des musées, si elles ne sont pas des maisons de vraies communautés croyantes, des lieux de vraie prière où l’on vient de fait adorer le Père en Esprit et Vérité.
En ce moment de l’Annonciation où Marie reçoit en elle le germe de Dieu, elle seule le sait. Pas même Joseph qui lui a été accordé en mariage. Noël est encore devant nous. La liturgie entretient notre espérance. Elle le fait en particulier avec les mots de l’hymne que nous aimons chanter en Avent :
Comme va l’espérance, sans crainte de l’hiver,
L’homme attend le jour où tu viendras.
Dans un trop long désert, il découvre la nuit, la nuit qui t’enfantera…
Lieu caché, le lieu où tu viendras :
Dans la ville captive, le Roi va revenir,
Et du sein de la nuit, la Vierge t’enfantera.
Année B,- 2ème dimanche de l’Avent – 6 décembre 2020
Isaïe 40,1-5.9-11 ;
Psaume 84;
2 Pierre 3,8-14 ;
Marc 1,1-8
Homélie de F.Matthieu
« Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. »
Il est plutôt rare dans la liturgie de nos dimanches que la première lecture, tirée du Premier Testament, soit aussi explicitement liée à l’évangile du jour ; ici par une longue citation, dont va nous être donné un accomplissement en la personne de Jean le Baptiste avec son baptême, son appel à la conversion pour tout le peuple d’Israël, et plus encore son annonce de celui qui vient :
« Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ;
« lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Et ceci nous est présenté comme le « commencement », la racine de « l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu » : La Bonne nouvelle.
Bonne nouvelle en effet pour le peuple de Jérusalem en exil sur une terre étrangère, éprouvé en raison de ses infidélités ! Isaïe lui annonce que le Seigneur lui-même va venir conduire les siens sur le chemin du “retour”. Les événements désastreux ont laissé, dans le pays détruit, un désert matériel certes, mais surtout spirituel. Il s’agit de rétablir la “communication” entre Dieu et son peuple.
Bonne nouvelle aussi pour les auditeurs du Baptiste ! L’occupation romaine et la décadence religieuse ont créé une situation désespérante. Jean annonce que ce « désert » se transformera en “route” pour le Seigneur dont la venue est déjà là.
Bonne nouvelle qui nous parvient aujourd’hui avec une étonnante actualité !
Ne sommes-nous pas dans le « désert », spirituel plus encore que matériel, nous aussi ; ne sommes-nous pas nous aussi en exil, trop souvent coupés de la communication avec notre Dieu
Déserts d’humanité. Déserts de dignité pour des hommes et des femmes traités comme des objets et victimes d’intérêts face auxquels une vie humaine ne pèse pas lourd ! Déserts de solitude. Déserts d’amour. Déserts de pauvreté matérielle et morale. Déserts de foi…
Dans cette “tour de Babel” où les hommes ne se comprennent plus et ne se supportent plus, dans cet « exil » où nous sommes enfermés bien souvent, aujourd’hui, la Parole de Dieu se fait à nouveau entendre. Sur notre monde et sur nous, résonne l’appel de l’Évangile : tracer des voies où l’humain puisse marcher à la rencontre de lui-même, des autres et de son Dieu.
Jean proposait un « baptême de conversion ».
Un baptême, c'est-à-dire une mort à une façon de vivre et de penser et une naissance à une vie nouvelle. Conversion signifie changement d'optique, retournement, rénovation. Il s'agit de sortir du passé pour s'ouvrir au nouveau qui se présente. Jean-Baptiste est la figure de cet appel qui nous vient de notre avenir. L'évangile précise sa manière de se vêtir et de se nourrir pour montrer comme un signe son « dépouillement » : on ne peut accueillir celui qui vient que si l'on a les mains vides. Nous aussi, nous avons à faire le vide pour faire place à la nouvelle humanité, celle qui vient avec Jésus, vrai homme et vrai Dieu.
Car Jésus, lui, nous a donné son « baptême dans l’Esprit-Saint ».
La vie que Dieu a semée dans nos cœurs ne mourra plus jamais. A la première occasion favorable, elle se révèle à nouveau et peut s’épanouir.
Et ici, il faut revenir à la prophétie d’Isaïe, qui nous annonce un ultime accomplissement : c’est le Seigneur lui-même qui vient à nos devants et qui réalise notre salut :
« Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : ‘Voici votre Dieu !’ Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur. »
Oui, se convertir, c’est d’abord et surtout, se disposer à l’accueil du Seigneur qui vient nous sauver ; se rendre disponible dans l’attente de l’accomplissement du dessein d’amour, qui est « le travail » et « l’ouvrage » de notre Dieu.
L’Avent est un temps de conversion, d’attente, mais c’est d’abord le Seigneur qui vient ; lui seul peut accomplir en nous, toute chose nouvelle dans le don sans cesse renouvelé de son Esprit-Saint. Amen.
Année paire - Immaculée conception - 8 décembre 2020
Homélie du F.Cyprien
B 2020 8 décembre Immaculée Conception
= “Comblée de grâce” : cette grâce faite à Marie est la grâce que Jésus est venu apporter, offrir à tous les hommes, c’est la même…
C’est la 2e lecture : « le Père de NSJC nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en JC »,
…et il a commencé par Marie sa mère.
Et saint Paul reprend encore une fois : « Grâce dont il nous a comblés en son Fils bien aimé ».
= Ēve a été la mère de tous les vivants, la mère de tous les enfants des hommes ; Marie est la mère et la sœur de tous les enfants de Dieu.
=> Dans le dessein de Dieu, il n’y a pas de différence entre la grâce faite d’avance à Marie et la grâce faite à tout être qui met sa foi en son Fils Jésus : c’est Dieu qui se donne et veut se donner totalement lui-même à tous.
On dit Marie préservée d’avance et on parle aussi de privilège, mais ce sont nos catégories : cela appartient au temps des hommes. Le Magnificat ne parle pas de privilège, il est seulement un chant d’action de grâce d’un cœur habité par Dieu.
= Grâce, oui mais avec le fait que Dieu veut se donner totalement et …plus il se donne, plus aussi il demande.
Pour Marie, ce fut la Croix : « Au pied de la Croix se tenait, Marie sa mère … »
Parce que…
Parce que la grâce n’est pas la paix… La grâce est « l’une des astuces de Dieu qui fait dire Oui sans qu’on sache à quoi l’on acquiesce ». (Marion Muller-Collard)
On ne peut que consentir et Marie a consenti à Dieu, « à ce que la nature humaine reçoive en elle tout l’éclat de sa beauté », la beauté de Dieu lui-même…
« Marie plus jeune que le péché »
Prémice du monde à venir,
Idéal de sainteté, parce la vie de Dieu en elle ne l’a jamais quittée.
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Année A - Dimanche du Christ Roi de l'univers - 22 Nov. 2020
Ez 34, 11-12. 15-17. Ps 22. lC0 15, 20-26.28. Mt 25, 31-46
Homélie du F.Antoine
Cette page d'évangile nous offre une fresque grandiose où Matthieu développe à
la fois l'affirmation de la divinité de Jésus et celle .de la réalité de son humanité.
En même temps, il nous révèle à quel point...tous.. nous sommes liés à sa présence divine ...à travers ceux qui nous entourent (comme dans les plus simples démarches de notre vie.)
L'évangile commence par cette annonce« Quand le Fils de l'homme viendra et siègera sur son trône de gloire, il séparera les hommes, les uns des autres. »....
Nous connaissons la puissance du mal dans le monde d'aujourd'hui,, ces guerres continuelles qui ravagent tant de pays, ces esprits asphyxiés à coup d'images et de discours mensongers ...comment alors ne pas désirer que vienne dans toute sa gloire le Fils de l'homme et qu'il vienne pour juger à l'image du berger qui sépare les brebis des boucs.
Ce jugement est annoncé par celui que le texte nomme maintenant le Roi... et ce
· qui est particulièrement étonnant ce sont les critères de ce jugement: Ces critères
concernent la nourriture, la boisson, l'accueil, le vêtement, la santé, la détention !.. autrement dit des réalités très simples que l'on trouve dans toutes les civilisations humaines....et c'est sur le partage de ces réalités que nous serons jugés. Car ce jugement devant Dieu concernera nos gestes d'amour les plus humbles envers ceux qui dans l'épreuve ont croisé notre chemin, et en même temps il nous révèle, la réalité dans notre existence quotidienne, banale, de l'immense valeur de nos relations humaines dont nous n'avons pas forcement conscience car c'est bien dans notre relation à l'autre que se joue le destin éternel et divin de ceux que le Roi appelle les
Justes.
Le pape François a écrit que,« Cette page d'évangile, peut être considérée comme
· le testament de Jésus, car dans ce monde malheureusement atteint par le virus de l'indifférence, elle nous invite, nous éduque, à développer l'attention à l'autre. »
L'attention à l'autre ... mais qui est cet autre?
Le Christ-Roi nous le précise: cet autre ...c'est d'abord celui qui a faim, qui était nu, malade... mais cet autre... ne serait-il pas aussi ce ROI qui siège sur un trône de gloire? Ce même Roi qui dit« j'avais faim, j'avais soif et vous ne m'avez rien donné, rien à manger, rien à boire, vous ne m'avez ni accueilli ni soigné. »
Ainsi, dans ce monde atteint par le virus de l'indifférence, nous sommes appelés à rester en éveil, à changer notre regard sur ceux avec qui nous avons l'habitude de vivre et peut-être c'est eux avec qui nous avons le plus de difficultés, car une accoutumance s'installe et nous ne voyons pas qu'ils sont dans l'épreuve.
Dans cette page d'évangile le Seigneur nous appelle à nous laisser guider par la véritable royauté qui est celle de l'amour de notre prochain à l'imitation du Christ-Roi.
Année B -1er dimanche de l’Avent - 29 novembre 2020
Is 63,16 -64.7 ; 1Co 1 3-9 ; Mc 13 33-37
Homélie du F.Hubert
Une nouvelle année liturgique nous est offerte : sera-t-elle vraiment nouvelle ?
Oui, si nous faisons déjà de ce jour un jour nouveau !
Christ est le « Jour nouveau » !
Le Christ, Roi de l’univers, dont la fête a clôturé l’année écoulée en l’ouvrant sur l’avenir, ne cesse de venir.
« Le jour nouveau se lève » : qui sera éveillé pour être réveillé par lui ?
« Les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d'une oreille attentive
ce que la voix divine nous » enseigne quotidiennement, nous dit saint Benoît dans le Prologue de la Règle.
Je vous propose de prier les uns pour les autres, pour qu’en chacun de nous et en Eglise,
le désir grandisse de la rencontre du Christ, notre Sauveur, notre Dieu de vie et d’amour.
Ne restons pas endormis, sourds et aveugles :
Qohélet disait : « Rien de nouveau sous le soleil ».
« Chaque jour, je commence » disaient au contraire les anciens moines.
Oui, chaque jour est nouveau.
Nous sommes des êtres de rencontre, et chaque rencontre est unique et nouvelle.
Sans cesse nous sommes appelés à de nouvelles rencontres, à des rencontres neuves.
Ah ! Si tu déchirais les cieux et descendais !
Oui, Dieu est venu à nous, parmi nous.
Il est venu vers nous, il est en nous, et nous avons le pouvoir de le rencontrer.
Il n’a de cesse de nous unir à lui.
Sa venue dans la gloire, sa venue pour chacun dans le passage de la mort, nul n’en sait le jour ;
mais sa venue aujourd’hui est certaine :
à travers le prochain, dans l’intime de notre être, dans les sacrements.
En toi, Seigneur, brûle sans cesse
Un grand désir de partager
Ta joie de Dieu.
Ne laisse pas nos cœurs manquer
Le rendez-vous que ta promesse
Nous a donnés.
Comment préparer notre rencontre définitive, sinon dans l’aujourd’hui ?
« Veiller » est le mot de ce jour et de tout le temps de l’Avent.
Veiller, c’est demeurer éveillé, être attentif, aux aguets,
dans l’attente d’un évènement, de quelqu’un, d’une parole...
C’est aussi « veiller sur » : sur soi-même, sur ses pensées, sur ses désirs, ses actions ;
sur nos frères et sœurs, sur la création, sur la vie.
Veiller même sur la présence de Dieu en nous ! N’est-elle pas comme le souffle d’un fin murmure ?
Gardons-nous de l’étouffer, prenons-en soin comme de notre trésor le plus précieux !
« Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi » écrivait Etty Hillesum dans les camps de la mort.
Nous espérons et croyons en la venue du Seigneur lors de l’accomplissement de toutes choses,
mais il vient d’abord aujourd’hui. C’est là la nouveauté de chaque instant.
A tout instant présent, le Christ vient à nous et nous pouvons l’accueillir,
nous laisser accueillir par lui, le rencontrer.
Sans cesse, il déchire les cieux et il vient.
Nous le rencontrons dans la prière assurément, car il nous habite et son Esprit est la source de notre vie.
Mais aussi dans notre frère, notre prochain,
comme nous le proclamait l’évangile de dimanche dernier.
Cette rencontre-là est le critère de vérité de notre prière.
« Il nous a donné tout pouvoir et il a fixé à chacun son travail » :
ne manquons pas le rendez-vous : avec lui, avec notre frère.
Veillons et tenons-nous éveillés les uns les autres.
L’oraison nous indique que le chemin de la rencontre est la pratique de la justice.
Mais si nous errons hors de ses chemins, la bonté de Dieu va encore au-delà, lui qui justifie le pécheur :
si nous n’écoutons pas la question :
« Que fais-tu, de ton frère ? »,
si nous nous égarons vivant sans nous occuper du projet de Dieu qui est la vie de l’homme,
alors il part lui-même à notre recherche, jusqu’à ce qu’il nous ait trouvé, et nous ramène sur ses épaules.
Le Seigneur vient dans nos tréfonds de misère ou d’indifférence.
Oui, « il est descendu » !
Nous avons cette chance indicible d’avoir reçu la révélation du Verbe fait chair,
nous ne pouvons qu’être en mission : disciples missionnaires.
Aucun don de grâce ne nous manque.
« La charité du Christ nous presse ! »
« Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice. »
Année A - 33ème Dimanche du Temps Ordinaire – 15 novembre 2020
Prov 31, 10-31; 1 Thess 5, 1-6 ; Mt 25, 14-30
Homélie de F.Damase.
C’est surprenant, mais Dieu aime le rendement ! Non seulement du cinq pour cinq, ou du deux pour deux, comme dans l’Evangile d’aujourd’hui, mais il attend davantage…. du trente, soixante et même cent pour un, réclamé au grain jeté en terre ? Et ce pourcentage est largement dépassé avec le figuier ou la vigne !
Oui, Dieu aime le rendement. Un rendement qui n'a rien à voir avec la Bourse ! Et nous aurions bien tort d'en être scandalisés, car cette exigence n'est que le reflet de la loi qui régit le monde dans lequel nous vivons. Les physiciens nous ont habitués, à concevoir un univers en continuelle expansion. Et il suffit d'observer le grain de blé pour s'apercevoir que cette loi est celle qui suscite la vie. L'être humain lui-même n'y échappe pas, puisque, à l'origine des millions de cellules de notre corps, on trouve deux minuscules cellules.
Et cette logique de la vie s'étend bien au-delà du monde naturel, pour toucher tous les domaines de l'existence humaine. Elle gouverne non seulement la croissance physique des personnes, mais aussi celle des groupes et des communautés, des cultures et des civilisations. Cette loi de la vie nous concerne tous.
Mais Jésus va encore plus loin, car Il nous révèle, dans l’Evangile, que cette loi doit aussi féconder notre vie spirituelle, notre quête intérieure, pour qu'advienne Son Royaume ! Là encore, rien n'est acquis, figé une fois pour toutes. Nous sommes appelés à grandir ou à mourir, à naître de nouveau ou à disparaître !
En effet, le risque, qui nous guette, ressemble fort à celui qui menace le serviteur qui a enfoui son talent dans la terre et l'a rendu sans aucun fruit. Comme ce serviteur mauvais et paresseux, nous avons la tentation, de céder à la peur et de creuser un trou. Car, contrairement à ce que nous pourrions croire, la logique de la vie n'est pas aussi naturelle, ni aussi évidente que nous le pensons. Choisir la vie n'est pas facile ! Choisir la vie est un risque !
En effet, l'obstacle fondamental qui nous empêche de choisir la vie, Jésus le démasque, en reprenant les arguments que le mauvais serviteur utilise pour se justifier. Le drame de ce serviteur, c'est qu'il n'a pas compris que le Royaume de Dieu, n'est pas celui d'un autre, mais que c'est aussi le sien ! En s'enfermant dans cette logique de rivalité entre Dieu et l'homme, il s'est privé lui-même de la vie. En voulant protéger ce qu'il croyait avoir, en voulant garder, il a tout perdu ! En se repliant sur lui-même, il a choisi la mort !
Sans en avoir conscience, nous nous protégeons, nous aussi, contre Dieu. Nous avons toujours peur qu'Il nous demande trop ! Comme si Dieu était l'ennemi de notre vie, l'ennemi de la vie, alors qu'Il est Lui-même la Vie !
La logique de la vie est bien sûr déconcertante ! Car c'est la logique du grain qui meurt, du levain enfoui dans la pâte, du grain qui pourrit dans la terre. C'est la logique de la Croix, dans laquelle la plus antique Tradition a reconnu l'arbre de Vie ! Notre Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants !
Osons croire, nous aussi, en Celui qui, aujourd'hui encore, nous ouvre les chemins de la vie et du vrai bonheur ! Des chemins où le grain doit mourir pour porter du fruit, un fruit qui demeure !
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HOMELIE 32ème Dimanche TO-Année A - 08 novembre 2020
(Sagesse 6,12-16; 1 Thess. 4,13-18; Matthieu 25,1-13)
Homéliedu F.Guillaume
Frères et sœurs,
Cette parabole bien connue des dix jeunes filles invitées à des noces et allant à la rencontre de l'époux en pleine nuit, avec leurs lampes, nous est proposée par l'Eglise, alors que nous approchons de la fin d'une Année liturgique.
Tout comme la parabole des talents que nous entendrons dimanche prochain, ou celle de ces invités à une autre noce qu'un roi a du mal à rassembler pour faire la fête, et parmi lesquels il se trouve un homme qui n'a pas revêtu le vêtement de noce, ces textes nous situent dans la perspective du Royaume des Cieux. Ils sont des avertissements avant un Jugement final, un jugement Dernier, sans recours possible.
Nous sont-ils lors adressés pour susciter en nous la peur, la culpabilité et nous donner une image d'un Dieu redoutable, qui nous paraîtrait injuste, avec nos catégories de justice humaine. Oui, c'est une lecture possible, et elle a eu cours dans la prédication de l'Eglise à bien des époques. Mais c'est une lecture à un premier degré, et nous devons apprendre à lire les paraboles de l'évangile à un niveau plus profond, plus spirituel. C'est tout l'enjeu d'une bonne cornp éhension de cette parabole des dix vierges ou jeunes filles, dont 5 étaient sensées (ou sages) et 5 étaient folles selon une fidèle traduction du terme grec (morai). Oui, folles, ce qui est bien plus fort que simplement étourdies ou sottes. Le fou, dans la Bible ne désigne pas seulement le sot qui n'a pas d'intelligence, mais d'abord l'impie qui s'oppose à la Loi de Dieu et qui va jusqu'à dire en son cœur: il n'y a pas de Dieu.
L'évangèliste Matthieu applique ce terme de fou ou d'insensé à l'homme qui bâtit sa maison sur le sable, c'est-à-dire celui qui écoute bien les paroles de Jésus, sans les mettre en pratique. Un peu aussi comme ces graines semées au bord du chemin ou dans les rocailles ou dans les épines et qui, sans racines ou étouffées, sont incapables de porter du fruit.
Loin donc d'être« étourdies», les 5 vierges« folles » sont en réalité« insensées» devant Dieu. Ce n'est pas leur manque d'attention qui se trouve mis en cause, mais bien leur attitude spirituelle.
Quelle est donc alors l'attitude de 5 autres, « sages » ou « sensées » ? Le même qualificatif (fronimai) renvoie à cet homme« avisé »quia bâti sa maison sur le roc, parce qu'il a écouté les paroles de Jésus et il les a mises en pratique. Plus qu'une simple sagesse humaine, faite de prudence et de prévoyance (on pourrait même faire appel au principe de précaution, mis en avant aujourd'hui), c'est d'une certaine intelligence du mystère de
Dieu dont il s'agit là. Les 5 vierges sages sont plus que des filles intelligentes et futées: elles possèdent en même temps cette suprême ouverture du cœur au Royaume de Jésus. Toutes ces jeunes filles avaient emporté des lampes, mais c'est l'huile qui fait défaut à 5 d'entre elles. Qu'est-ce donc que cette huile ? Une interprétation spirituelle peut y voir cette réserve de vie intérieure qui doit accompagner la veille, voire même le sommeil. Car la parabole ne reproche pas aux jeunes filles fatiguées de s'être endormies. Les 10 ont failli à ce niveau de vigilance. Mais la vigilance demandée par l'Evangile n'est pas de l'ordre de la performance physiologique ou corporelle. Elle réside dans l'attitude spirituelle de celui ou celle qui se tient prêt, et qui en prend les moyens. Prêt pour l'arrivée de l'époux qui peut survenir à tout moment: vous ne savez ni le jour, ni l'heure. Tout comme l'épouse du Cantique peut s'écrier:« je dors, mais mon cœur veille».
Les vierges folles, elles, n'ont pas su être prêtes. Pourtant, comme les autres, elles se sont donné de la peine, mais trop tard ! Comme les autres, elles ont fini par rallumer leurs lampes, mais trop tard ! Comme les autres, elles sont arrivées à la porte de la salle des noces, mais trop tard !
Voilà ce que Jésus veut nous dire. Ce n'est pas nous qui choisissons ou maîtrisons l'heure de sa Venue. Il nous renvoie alors au sérieux de notre liberté humaine et à notre responsabilité. Ce n'est pas pour rire que nous avons été aimés par lui et qu'il nous sauvera. Selon la perspective biblique, les « folles » ne sont rejetées hors de !a sa!!e des noces que parce que d'abord, elles ont rejeté Dieu. Le jugement rendu par Dieu ne fait que traduire ce qu'elles ont mérité par leur propre comportement. Et les pharisiens du temps de Jésus qui écoutaient ces paroles ont dû très bien comprendre. Les chrétiens que nous sommes aujourd'hui sont tout autant appelés à les comprendre. Car, à travers ces 10 jeunes filles, il nous faut voir la figure de l'église, sortant à la rencontre de son Epoux, le
Christ. Et c'est donc bien de nous, de chacun d'entre nous qu'il s'agit maintenant. Suis-je prêt? Est-ce que je veille ? Et comment ? Avec quelle huile ?
Ma communauté, ma paroisse, mon église sont-elles prêtes ? Veillent-elles? Et comment? Avec quelle huile ?
J