Homélies
Liste des Homélies
Année B – 23° dim du Temps Ordinaire – 5 septembre 2021
Is 35 4-7 ; Jacq 2 1-5 ; Mc 7 31-37
Homélie du F.Damase
L’Evangile nous raconte une histoire banale : Jésus circule au Nord de la Galilée. On lui amène un sourd –muet et on lui demande de le guérir. Jésus le guérit en le touchant et en lui disant Ephata. Et il recommande le silence. Les gens n’obéissent pas ! Qu’y a-t-il d’extraordinaire dans ce miracle – Qu’est-ce que Jésus veut nous dire aujourd’hui ?
Tout d’abord, Jésus circule dans le nord de la Galilée – dans un pays païen. Une région qui ne croit pas en Jésus, Envoyé de Dieu ! Or on lui demande d’agir !
Le nom et l’âge de l’homme sont inconnus ; nous pouvons supposer que c’est un adulte – nous savons qu’il est sourd et parle difficilement ! Les gens demandent à Jésus d’imposer les mains : geste de l’homme pour transmettre une puissance qui n’est pas en lui. Donc on peut constater une contradiction entre l’agnosticisme de ces gens et leur désir !
La réaction de Jésus est étonnante.
D’abord, il écoute la demande, mais il commence par s’écarter de la foule. D’une certaine façon, il nous dit « je ne suis pas un gourou, un guérisseur professionnel » ! Ensuite, il touche les endroits malades ; et nous savons : il peut contracter la maladie (hier comme aujourd’hui) ! Il touche les oreilles insensibles et la langue paralysée, avec sa salive (ce qu’il y a de plus intime après le sang) !
Et étonnant, il lève les yeux au ciel. Il signifie cette alliance entre son Père et lui ! Ensuite il pousse un gémissement : il anticipe, en quelque sorte, sa passion et sa mort. Et comme les femmes découvriront le tombeau ouvert le matin de Pâque : il dit à l’homme « Ouvre-toi » - « Ressuscite » - « Ephata » ! Et les oreilles et la langue de l’homme s’ouvrent à l’Autre et aux Autres ; il entend correctement et il parle correctement !
Et aussitôt, au cas où nous n’aurions pas compris, Marc ajoute : « Jésus leur recommanda de ne dire la chose à personne » ! Jésus n’est pas un charlatan ; il commande le silence, pas de Pub ! Les gens comme les disciples ne comprennent pas. Ils proclament ce qui doit demeurer caché ! Inintelligence des apôtres, comme au Jour de la Résurrection, ils font corps avec les incrédules !
Et cependant, « ils étaient frappés au-delà de toute mesure » - avec les prophètes et les Sages d’Israël, ils disent « il a bien fait toutes choses – il fait entendre les sourds et parler les muets » !
Et nous, nous pouvons dire avec eux : Jésus ouvre nos oreilles et notre bouche pour écouter son Evangile et proclamer la Bonne Nouvelle du Salut à tous les hommes !
Permettez-moi une suggestion pour notre prochain confinement ou quand votre curé est indisponible !
Aujourd’hui Jésus ne viendrait-il pas nous dire : Pourquoi ne pas nous réunir en famille (base de la communauté chrétienne), pour écouter les textes du dimanche et en parler entre nous. (Qu’est-ce que cela veut dire ? qu’est-ce que cela change dans notre vie) –
Dans des villages en Afrique, en Asie, le prêtre passe une fois tous les deux ans et pourtant les chrétiens demeurent vivants et priants – chaque communauté se réunit pour prier et discuter sur l’évangile !
« Je vous ai donné tout ce qu’il faut
pour écouter ma parole
pour annoncer la Bonne Nouvelle de ma Résurrection ».
603 mots
Année B - 21° dimanche ord -22 août 2021
Josué 24, 1…18 / ps 33 / Ephésiens 5, 21-32/ Jean 6, 60-69
Homélie du F.Basile
Frères et Sœurs, laissons-nous atteindre par la question de Jésus : « Voulez-vous partir vous aussi ? » Le Christ la pose à chacun d’entre nous, dans le concret de nos vies, de nos engagements, de nos histoires familiales. « Est-ce que je peux encore compter sur toi ? » « Vas-tu me laisser tomber ? » Dans cette question, c’est la fidélité qui est en jeu, et derrière la fidélité, il y a la parole donnée, la foi et l’amour.
Il nous faut d’abord resituer cette parole dans son contexte. Nous sommes à la fin du chapitre 6 de l’évangile de Jean, au cours duquel un drame se joue. Cela avait si bien commencé au bord du lac avec ce grand signe messianique de la multiplication des pains, mais bien vite Jésus s’est rendu compte que les gens n’avaient pas compris la portée de son geste, et il va leur parler longuement dans la synagogue de Capharnaüm ; mais lorsqu’il leur dit que c’est lui le pain vivant descendu du ciel, et qu’il faut manger sa chair et boire son sang, cela ne passe plus, et il se produit un mouvement dans la foule : ceux qui se détachent du groupe, essayant d’entraîner les autres, avec des petites phrases du genre : « Mais il est fou, ce type-là ! vous n’allez pas continuer à l’écouter ! »
Jésus s’en rend parfaitement compte et il leur dit : « Cela vous scandalise ». Alors il fait appel à leur foi, sachant qu’il y en a qui ne croient pas. Enfin il se tourne vers les Douze et leur pose la question: « Voulez-vous partir vous aussi ? » J’aime ce « voulez-vous », car Jésus ne force personne à le suivre, et j’aime la réponse de Pierre, en forme de question : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? » Comme toujours, c’est lui qui répond le premier et il s’engage au nom des Douze.
Frères et Sœurs, quelle va être notre réponse à nous ? Peut-être avez-vous pris le temps, durant ces vacances, de vous poser de vraies questions, celles qui touchent au sens de la vie ? Si vous tenez à venir chaque dimanche vous rassembler autour de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie, ce n’est pas en consommateur, c’est pour redire votre foi, votre engagement personnel ou communautaire, car on n’est jamais chrétien tout seul ; allons-nous répondre comme Pierre : « Seigneur, vers qui aller ? C’est toi qui as les paroles de la vie éternelle. »
Jésus réveille notre foi quand il nous dit : « Voulez-vous partir vous aussi ? » et sur la foi, je voudrais rappeler 3 choses :
1- c’est une relation vivante : la foi n’est pas d’abord une croyance, c’est une confiance faite à quelqu’un, un attachement à une personne (Jésus Christ), une relation vivante, d’où l’importance de connaître Celui qui nous appelle, d’écouter Celui qui nous parle, d’être en relation avec lui dans la prière.
2- ensuite la foi, c’est une alliance : toute la Bible nous raconte cette alliance de Dieu avec l’humanité, une histoire mouvementée qui trouve son aboutissement en Jésus Christ, une histoire qui continue avec chacun d’entre nous. Et le mariage entre un homme et une femme est une alliance justement avec un anneau au doigt pour la signifier. Qui dit alliance, dit engagement de part et d’autre : c’est un choix que l’on fait et il faut s’y tenir.
Dans la 1° lecture, nous avions une célébration de l’Alliance à l’arrivée en terre promise, et Josué posait la question : « Qui voulez-vous servir ? Les idoles, les dieux des Amorites, ou bien le Seigneur, l’Unique, Celui qui vous a libérés de l’esclavage. »
Dieu fait alliance avec un peuple : entrer dans son Alliance, c’est être relié à une communauté, à l’Eglise. La foi ne se vit jamais seul. Peut-on rompre cette alliance ? Toute l’histoire du salut est une histoire de fidélité et d’infidélité. Dieu a tenu bon. Ne nous étonnons pas que dans nos vies il y ait des des infidélités, des échecs et des recommencements.
3- Ce qui est sûr et c’est mon 3° point : la foi est une réponse libre et aimante. Dieu ne nous force jamais. Son alliance n’est pas un contrat d’asservissement : il veut que nous vivions. Réponse libre.
Je donne, je redonne ma parole à Celui qui m’a aimé et jamais ne me forcera. C’est là le plus beau de la foi et de l’amour : un choix libre. La liberté, çà ne veut pas dire que je peux faire n’importe quoi, mais que je choisis librement qui je veux servir, qui je veux aimer.
Dans le passé, hélas, on a parfois forcé des gens à se convertir, cela ne veut rien dire : Dieu n’a pas besoin d’esclaves, il veut être aimé et servi par des hommes et des femmes libres. Comme l’a si bien dit Charles Péguy à propos de saint Louis dans le Mystère des Saints Innocents :
« Quand on a connu d’être aimé par des hommes libres, dit Dieu, les prosternements d’esclaves ne vous disent plus rien.
Quand on a vu saint Louis à genoux, on n’a plus envie de voir ces esclaves couchés par terre…
Etre aimé librement, rien ne pèse ce poids, rien ne pèse ce prix. »
Quand Dieu nous appelle à la foi, il nous laisse toujours libres de la réponse, de la décision de nous engager. Et c’est l’Esprit Saint qui nous fera découvrir le « maintenant » de cette décision. Nous rappelant les paroles de Jésus, il nous donne la pleine liberté du présent et nous ouvre à l’avenir.
« Seigneur, à qui irions-nous ?
Tu as les paroles de la vie éternelle. »
ASSOMPTION 2021
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-27a; Lc 1, 39-56
Frères et sœurs,
Au début de cette célébration, je soulignais que cette fête de Marie entrée dans sa gloire intervenait dans le contexte de notre histoire humaine chargée de nuages. Est-elle le signe d’une lumière au-delà des nuages, dont on aperçoit de temps en temps une éclaircie ou bien ne fait-elle pas plutôt signe d’une lumière qui nous accompagne même sous les nuages, au cœur de nos obscurités ? Oui, cette fête de Marie voudrait raviver notre foi en la bonté du dessein de Dieu sur notre humanité, sur chacune de nos vies. A travers Marie, c’est toute notre humanité qui est bénie par Dieu, c’est toute notre humanité qui est guidée dans le mystère pascal du Christ.
A travers Marie, toute notre humanité est bénie par Dieu… Lorsqu’Elisabeth lance à Marie : « tu es bénie entre toute les femmes », elle ouvre les yeux sur la grâce dont est porteuse sa cousine. Elisabeth perçoit que Dieu l’a comblée de bénédictions en la faisant devenir la mère du Sauveur. « D’où met-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Avec le temps, l’Eglise dans sa méditation du mystère de la foi va prendre toute la mesure de la grandeur de la bénédiction de Dieu en Marie. Elle est la toute pleine de grâce, préservée du péché dès sa conception. Et au terme de sa vie, elle est la toute bénie, préservée de la dégradation du tombeau, et associée en son corps à la gloire de son Fils. Lorsque nous récitons le « je vous salue Marie », il est bon de laisser résonner ces paroles d’Elisabeth « tu es bénie entre toutes les femmes ». En redisant ces paroles, nous pouvons dire à Dieu notre louange, notre reconnaissance pour la magnificence de ses dons en Marie. Et dans le même temps, nous pouvons apprendre à ouvrir les yeux sur toutes les bénédictions que Dieu nous offre. Si, à la différence de Marie, nous sommes blessés par le péché subi et commis, avec elle, nous sommes appelés à retrouver le sens juste et ordonné des choses de la vie. Marie nous rappelle que la vie est pleine des bénédictions de Dieu, bénédictions que le mal ne peut effacer, ni détruire. En son Assomption, elle nous laisse entrevoir que la bénédiction de Dieu gratifie nos corps fragiles d’un honneur immense qui se révèlera lorsque nos corps seront ressaisis dans la résurrection finale.
A travers Marie, toute notre humanité est guidée dans le mystère pascal du Christ. Lorsque nous contemplons aujourd’hui Marie qui partage, en son corps, la gloire de Jésus son Fils, nous admirons la première d’entre nous qui a pleinement accompli le mystère pascal, le passage de la mort à la vie. Elle est passée de la mort à la vie parce que Jésus son Fils lui a ouvert le chemin. Première sauvée, elle est la première qui a fait tout le chemin. Elle n’a pas connu la croix, comme Jésus, mais elle y a été associée de près. On peut dire que depuis son « oui » à la parole de l’ange, « que tout se passe pour moi selon ta parole », elle a pris un chemin d’obéissance difficile sans savoir où il la conduirait. Marie est entrée dans le propre mystère d’abaissement de son fils, en consentant à une destinée dont elle ne maitrisait rien. Sa seule assurance était sa confiance dans la parole entendue et répondue. Et elle a accompagné Jésus dans sa croissance humaine, puis dans son ministère. Comme l’évangile nous le laisse voir, elle n’a pas toujours compris. Mais elle était là auprès de son fils, et elle est restée fidèle jusqu’à la croix. Humble servante d’un dessein en bonne part incompréhensible. Avec Marie, nous pouvons apprendre ce consentement à ce que nous ne comprenons pas toujours, dans la fidélité à la parole entendue. C’est le mystère pascal, ce passage de la mort à la vie. Nos existences entrent dans une forme de mort lorsque l’on renonce à certaines facilités, lorsqu’on accepte de ne pas tout maitriser, lorsqu’on consent à l’impuissance. Nous apprenons alors à accueillir, à recueillir la Vie qui vient du Christ. En christianisme, on pourrait dire « une vie en cache toujours une Autre », notre vie marquée par la mort cache toujours la Vie qui surgit de la mort. C’est cette Vie qui a emporté Marie vers la Gloire, préfiguration de celle que l’Eglise recevra. Comme nous le prierons dans la préface : « élevée dans la gloire du ciel, Marie est la parfaite image de l’Eglise à venir, aurore de l’Eglise triomphante… »
En nous confiant à la prière de Marie qui intercède pour nous « maintenant et à l’heure de notre mort », rendons grâce avec joie maintenant pour la mort et la résurrection de Jésus, passage libérateur déjà réalisé pour Marie, et en train de faire son œuvre pour chacun de nous.
Année B - TRANSFIGURATION -06 août 2021
2 P 1, 16-19 ; Mc 9, 2-10
Homélie du P.Abbé Luc
Mot d’entrée
Frères et sœurs,
Les différentes fêtes chrétiennes qui émaillent notre année liturgique sont comme des cols sur une route, depuis lesquels on peut admirer le paysage, en regardant le chemin parcouru et celui encore à faire. Depuis ces cols, on voit bien mieux, tout s’éclaire… la fête de la transfiguration qui nous rassemble aujourd’hui est un de ces cols remarquables. Sur notre route de chrétien, elle nous rappelle que nous sommes faits pour la lumière, pour la lumière offerte par notre Dieu qui n’est que lumière. Elle nous rappelle qu’à la suite du Christ transfiguré aujourd’hui et défiguré demain, nous pouvons oser nous engager sur un chemin qui nous fera traverser la croix et la mort, parce que la lumière de la résurrection nous attend… Entrons avec confiance en cette eucharistie de lumière, avec humilité en reconnaissant que nous sommes pécheurs…
Homélie
Comme je le disais au début de la célébration, cette fête de la Transfiguration est un col d’où nous pouvons contempler beaucoup de choses dont notre regard est invité à se remplir. Et aujourd’hui, nos regards sont attirés par le Christ, resplendissant de lumière, d’une blancheur exceptionnelle… Son mystère s’offre à notre contemplation. Pour l’approcher, je m’appuierai sur les trois titres attribués à Jésus : rabbi, fils bien-aimé, fils de l’homme, trois titres qui nous disent qui est Jésus et ce qu’il vient changer dans nos vies.
Rabbi. C’est avec ce titre familier que Pierre, interloqué par la vision, ouvre la bouche. Dans les péricopes qui précèdent et dont nous avions un écho hier en Mt, Pierre s’était opposé à son Rabbi, en refusant ses paroles par lesquelles il annonçait sa passion à venir. Et il s’était fait vertement remettre en place : « passe derrière moi Satan ». Aujourd’hui il découvre un aspect inattendu de son Rabbi, si agréable qu’il aimerait bien le retenir et l’organiser en un séjour qui dure. Mais la voix qui vient du ciel, l’invite à écouter encore plus profondément son Rabbi… « écoutez-le ». Plus qu’à ses yeux, Pierre est invité à faire confiance à ses oreilles. Sur le chemin encore à parcourir, il lui faut écouter, la vision sera pour plus tard. Avec Pierre, nous voilà nous aussi convier à écouter, et à écouter encore, à laisser la Parole du Christ vraiment nous habiter et nous mettre en marche.
Fils-bien aimé. Depuis la nuée qui survient, une voix se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le ». Par cette manifestation de la gloire divine, retentit la voix du Père. Le mystère de la filiation divine de Jésus est entrevu. Mystère que les prophètes avaient entrevu dans la figure du serviteur souffrant. Bien aimé est Jésus, uni à son Père par un amour unique que peu à peu les disciples vont mieux découvrir, pour l’approcher de manière plus précise après sa résurrection. Et en Jésus le Fils Bien Aimé, se dessine notre propre filiation adoptive. Comme le suggérait l’oraison du début de la messe, il nous est annoncé notre merveilleuse adoption… Jésus, le Fils du Père qui a pris notre condition humaine, vient la transfigurer de l’intérieur, et nous offrir à tous de devenir des fils bien aimés du Père.
Fils de l’homme. Ce titre que Jésus s’attribue volontiers, et qu’il emprunte au prophète Daniel, porte nos regards vers sa venue dans la gloire. L’éclat de gloire entrevu en cette fête n’est qu’une ébauche de la gloire inaugurée par sa résurrection, gloire qui enveloppe déjà son corps humain et qui enveloppera toute notre humanité à la fin des temps. « Il laisse transparaitre en sa chair la clarté dont resplendira le corps de son Eglise » chanterons-nous dans la préface. Dans quelques instants, en recevant dans le pain eucharistique, le corps ressuscité et glorieux du Christ, nous nous offrirons par notre foi à l’œuvre de transfiguration que le Seigneur désire pour nous. Nous prierons au terme de cette célébration : « transforme-nous Seigneur par cette nourriture venue de toi, qu’elle nous fasse ressembler davantage à celui dont tu as révélé la splendeur dans le mystère de la transfiguration.
Année B - 16e dimanche Temps Ordinaire (B) (18/07/2021)
(Jr 23, 1-6 – Ps 22 – Ep 2, 13-18 – Mc 6, 30-34)
Homélie du F.Jean Louis
Frères et sœurs,
Les lectures de ce dimanche, cela ne vous aura sans doute pas échappé, évoquent la figure du berger, du pasteur, et le psaume chanté en constitue un sommet en montrant comment notre berger c’est Dieu lui-même.
C’est sans doute une figure pastorale qui peut bien convenir à cette période de vacances. Qui de nous n’a en tête ces images de Provence avec des troupeaux menés par un berger à l’accent méridional ? Image romantique, dépassée face aux défis de notre temps ? Un regard plus attentif sur nos textes d’aujourd’hui peut sans doute nous en apprendre bien plus.
La première lecture nous parle de mauvais pasteurs qui ont laissé périr et se disperser les brebis du Seigneur. En fait, dans l’Ancien Testament, les pasteurs, ce sont les rois et les gouvernants du peuple. Un des livres de la Bible, le Livre des Rois, nous raconte comment la plupart des rois ont été infidèles à la mission de service du peuple que leur avait confiée le Seigneur, le Dieu d’Israël. Et cela a abouti à la catastrophe. Jérusalem a été prise par les Babyloniens et les Judéens ont été déportés à Babylone. Tous les piliers de la foi du peuple juif ont disparu : la terre (ils sont déportés loin d’elle), le Temple (il a été détruit lors du siège de la ville) et le roi (désormais prisonnier du roi de Babylone). Dans la logique du temps, le peuple de Juda aurait dû, en exil, adopter les dieux des vainqueurs. Et c’est tout le contraire qui se passe. A ce peuple perdu, désemparé, Jérémie annonce que si le peuple a été chassé de sa terre, c’est à cause des actes mauvais de ses dirigeants. Mais Dieu va rassembler un reste fidèle dont il sera lui-même le pasteur, le berger. Et même, il suscitera de nouveaux pasteurs qui conduiront le peuple. Mais Jérémie annonce aussi que Dieu va susciter un Germe juste pour David, c’est-à-dire qu’il annonce la venue d’un Messie qui agira avec intelligence et exercera le droit et la justice. Ce sera un roi-Messie qui sauvera Juda.
Le psaume chanté a développé comment le Seigneur lui-même est berger de chacun de nous. Il ne nous fait manquer de rien, nous fait revivre et nous conduit par un juste chemin. C’est très beau mais le psaume n’est pas naïf, il tient compte que le croyant, que nous-mêmes, pouvons passer parfois par les ravins de la mort et là, Dieu nous guide et nous rassure. Et il fait de même devant nos ennemis. Invitation à faire confiance au Seigneur quoi qu’il arrive. Avoir confiance au Seigneur, ce n’est pas espérer ne pas avoir de souci, de crise, d’ennui, mais c’est avoir l’assurance que, même dans les crises, le Seigneur est là et il nous guide. Il est berger jusqu’au bout. L’évangile nous montre le Christ prenant soin à la fois de ses disciples mais aussi du peuple sans berger, sans guide, et il les enseigne. Il aviat le projet de se retirer à l’écart, mais devant les foules, il accepte de les enseigner longuement, entièrement donné aux autres.
Quant à la Lettre de saint Paul aux Ephésiens, elle nous rappelle que la mort du Christ a rapproché Juifs et païens, à l’époque, opposés par une haine assez radicale. Le Christ a réconcilié par sa mort obéissante Juifs et païens avec Dieu car tous s’étaient éloignés de Dieu, en fait. La bonne nouvelle, c’est que la façon dont Dieu s’est fait en Jésus pasteur de l’humanité, c’est de nous offrir un accès désormais possible auprès du Père. Rien que ça !
Frères et sœurs, il pourrait être tentant, à l’écoute de ces textes, de dire : « Fort bien, ça concerne les évêques, les prêtres, les diacres le pape, les chefs d’Etats. C’est à eux de se retrousser les manches. Moi, cela ne me concerne pas, n’étant pas pasteur au sens où les lectures de ce dimanche l’entendent. »
Vraiment ? Ce serait oublier que la liturgie dit que baptême a fait de nous tous des prêtres, des prophètes et des rois au sens biblique.
Prêtres, car notre mission de chrétiens est de prier au nom de l’humanité toute entière, d’offrir notre prière, nos demandes, nos remerciements à Dieu comme les prêtres de l’Ancien Testament offraient des sacrifices d’animaux au Temple. Mais nous avons à le faire au nom de l’humanité entière. Ce peut être dynamisant pour nous de nous rappeler que la participation à la messe du dimanche n’est pas seulement pour notre profit personnel, fût-il spirituel mais pour le genre humain tout entier. C’est un des aspects essentiels de notre service de l’humanité. Ne l’oublions pas trop vite.
Prophètes car, par notre baptême, notre mission est d’annoncer cette incroyable nouvelle : le Christ, par sa mort et sa résurrection, donne accès auprès du Père à toute l’humanité.
Roi, car nous avons, comme les rois d’Israël, à être pasteurs de nos semblables non pas en exerçant un pouvoir totalitaire (tentation constante des rois d’Israël), mais en aidant nos proches et moins proches à garder le cap dans les soucis de la vie, à aider nos contemporains à mieux vivre, mais aussi à gérer les biens que Dieu donne à l’humanité tout entière, et cela dans la justice et non pas dans l’accaparement à notre profit. Cela suppose déjà de réformer notre propre vie.
Frères et sœurs, les lectures de ce dimanche, loin d’être champêtres, sont un incroyable programme pour les disciples du Christ, du moins ceux qui se veulent tels.
Quelle que soit notre responsabilité, notre situation, ressourçons-nous dans les textes de ce dimanche afin de voir comment Dieu, comment le Christ sont pasteurs non pas en dominant, en surplombant mais en accompagnant. Nous pourrons ainsi nous en inspirer…
Alors, nous rendrons présent le Christ dans notre monde. A nous d’en trouver, dans la prière et avec l’aide de l’Esprit Saint, les moyens concrets.
Ne craignons pas de chercher….
AMEN
SAINT BENOIT - 11 juillet 2021
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Luc
Frères et sœurs,
Dans les lectures entendues, il est beaucoup question de bonheur, d’être heureux… Il peut paraitre étonnant qu’un tel choix de lectures ait été fait pour la fête de St Benoit, la fête d’un moine qui a eu une vie forte et austère… Beaucoup en effet s’étonnent et nous posent souvent la question : peut-on être heureux dans la vie monastique ? Est-ce que vous êtes heureux ? Mais finalement c’est quoi le bonheur que promet Jésus, à nous les moines, mais aussi à tous les chrétiens ?
De l’évangile, je retiens trois pistes sur lesquels chercher et nous avancer dans la quête du bonheur qui nous taraude… le bonheur n’est pas comme un bien de consommation qui nous comblerait dans l’immédiat, il ne se fera pas sans les autres, le bonheur n’exclue pas la souffrance.
Le bonheur n’est pas à la mesure d’un bien de consommation qui viendrait assouvir notre soif maintenant. Pour notre mentalité imprégnée par le « tout, tout de suite », marquée par une profonde impatience, Jésus nous invite à un changement de regard et d’attitude dans la quête du bonheur. Il nous déplace. Le bonheur que promet Jésus n’est de l’ordre d’un avoir à portée de main, mais une qualité d’être qui nous met en chemin. Comme en témoigne les verbes au présent et au futur, ce bonheur est déjà là et il est encore à venir. Le royaume des cieux est à eux…ils seront rassasiés… Il est déjà là pour ceux qui sont dans la reconnaissance foncière de leur pauvreté, « heureux les pauvres de cœur »…St Benoit dirait qu’il est déjà là chez ceux qui laissent l’humilité les façonner. En eux pas de division, ni de demi-mesure. Le royaume des cieux est à eux… comment comprendre ce royaume des cieux ? Je fais le rapprochement avec ce que dit St Benoit à propos des humbles, dans la règle, ils goûtent l’amour de Dieu qui chasse la crainte (RB 7,67). Le bonheur est encore à venir comme une promesse pour tous ceux qui se mettent en chemin, pour les doux, ceux qui pleurent, les affamés de justice, les miséricordieux et les artisans de paix. C’est un bonheur en creux, un bonheur que la douceur, la miséricorde, la quête de la justice et de la paix, les pleurs va creuser toujours un peu plus. Si nous nous mettons sur ce chemin nous promet Jésus, notre trésor ne sera pas ce que nous acquérons ou possédons, mais ce que nous devenons. Caché à nos propres yeux et à ceux des autres, ce que nous sommes devenus apparaitra dans la lumière de la vie à venir, lorsque toute chose sera reprise par le Christ dans sa gloire.
Une seconde piste que nous pouvons retenir pour approcher le mystère de bonheur dévoilé par Jésus, ce bonheur ne se fera pas sans les autres. Notre société de consommation tend à nous faire rechercher notre propre bonheur de façon souvent très individualiste, comme si la finalité première était l’accomplissement de soi par soi, par ses propres moyens. Jésus nous découvre que notre bonheur se déploie à la mesure que nous nous tournons vers les autres dans la recherche de la justice, de la paix, de la miséricorde. Dans nos relations avec les autres qui peuvent parfois être conflictuelles ou difficiles, le malheur est de nous replier sur nos peurs ou nos terrains acquis. Au contraire le bonheur va grandir à la mesure où nous nous exposons aux autres. St Benoit dans la règle nous invite à ce même décentrement lorsqu’il invite par exemple à ne pas se coucher sur une querelle mais à se réconcilier avant le coucher du soleil (RB 4, 73), ou encore quand il nous exhorte à ne pas rechercher d’abord son propre intérêt, mais celui d’autrui (RB 72, 7). St Paul dans la seconde lecture nous enseigne à nous revêtir « de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. » Loin d’entendre ces propos comme un commandement, il nous faut les entendre comme une invitation à reconnaitre que tout cela est déjà en nous, car nous sommes « sanctifiés, choisis, aimés par Dieu » dans le Christ… Oui, le bonheur ne demande qu’à grandir en nous : celui de nous tourner vers les autres dans la quête de paix, de justice et de miséricorde… Car le Seigneur par sa grâce en a déposé les germes en nous.
Jésus nous laisse une troisième piste de compréhension pour entrer dans le bonheur : celle de ne pas exclure la souffrance de notre champ de vision et d’action. Il promet le bonheur à ceux qui pleurent, à ceux qui sont persécutés, maltraités, insultés à cause de son nom. Lorsque nous pensons bonheur, nous pensons spontanément « surtout pas de souffrance ». De manière mystérieuse, Jésus nous invite à regarder en face la souffrance, non pas à la rechercher, ni à l’exalter. Elle est là, et les disciples de Jésus la rencontreront. La refuser comme incompatible avec le bonheur promis nous fera passer à côté d’une joie, même « d’une allégresse » nous dit Jésus. Dans la foi, nous ne pouvons entrer sur ce chemin de bonheur qu’en regardant Jésus qui a voulu prendre de la chemin la passion pour aller vers la vie. St Benoit invite les moines à persévérer en partageant par la patience, les souffrances du Christ (RB Prol 50). Comme dans toute vie humaine, la vie monastique nous fait éprouver et vivre des choses difficiles, de notre fait ou du fait des autres…La souffrance est là, liée aux évènements, liée au péché, le sien propre, celui des autres. Va-t-on fuir parce que cela ne ressemble pas au bonheur désiré ? Souvenons-nous alors que Jésus qui a connu ce chemin est avec nous. Comme nous le ferons dans la prière sur les offrandes, demandons-lui de nous aider à nous renoncer à nous-mêmes pour servir le Christ, pour qu’ayant eu part à ses souffrances, nous goûtions à la joie éternelle…
Année B -14ème dim. du TO, 4Juillet 2021
Ez 2, 2-5 ; 2 Cor 12, 7-10 ; Mc 6, 1-6
Homélie du F.Bernard
L’Évangile que nous venons d’entendre est la suite de celui de dimanche dernier. Celui-ci rapportait deux expériences de foi, vécues l’une et l’autre dans des situations de grande détresse. Une femme atteinte de pertes de sang depuis douze ans, donc impure, intouchable dans la société d’alors, inapte à donner la vie, et un chef de synagogue dont la petite fille était à toute extrémité. L’une et l’autre, dans leur grande épreuve s’étaient tournés vers Jésus, comme vers celui-là seul qui pouvait les sauver. La femme, en dépit de son impureté, avait osé s’approcher dans la foule de Jésus pour toucher son vêtement. Quant à Jaïre, il avait supplié Jésus d’aller imposer les mains sur sa fille mourante. Celle-ci une fois morte, Jésus lui prendra la main pour lui rendre la vie.
Toucher Jésus pour être sauvé, pour avoir part à sa résurrection, c’est cela même que nous faisons en chaque eucharistie. Mais nous faisons plus encore, nous mangeons le corps du Seigneur pour devenir son Corps.
Aujourd’hui l’Évangile nous parle de manque de foi, plus précisément de non foi, apistia, de la part de ceux qui devraient être les plus proches de Jésus, les gens de son village qui l’ont vu grandir et fréquentent sa famille. Ceux-ci pensent bien le connaître, ils reconnaissent sa sagesse, ils ont entendu parler de ses miracles, accomplis ailleurs à Capharnaüm. Mais ici à Nazareth Jésus ne peut en accomplir aucun, car Jésus n’est pas un thaumaturge ; il ne peut accomplir son œuvre de salut que là où il trouve la foi.
La foi et l’incroyance. La foi des uns et l’incroyance des autres. Et entre les deux, la foi hésitante, lente à venir des disciples. Malgré tout, au fils de leur compagnonnage avec Jésus, celle-ci progresse, jusqu’à être confessée par Pierre, au nom de Douze, qui proclame : Tu es le Christ. Jusqu’au bout, jusqu’à Pâques, et même quand Jésus reverra ses disciples après Pâques, il leur reprochera leur incrédulité. Mais c’est pourtant à eux qu’il confiera la mission d’annoncer l’Évangile à toute la création (Mc 16, 15).
La foi et l’incroyance. La première lecture rapportait l’envoi en mission du prophète Ézéchiel auprès d’Israël, qualifié de peuple rebelle, au visage dur et au cœur obstiné (Ez 2, 3-4). La deuxième lecture, quant à elle, évoquait l’écharde dans la chair qui avait tant fait souffrir Paul au cours de son ministère (2 Cor 12, 7). Quelle écharde ? Peut-être L’Apôtre parlait-il de l’opposition systématique à sa prédication qu’il avait rencontrée de la part de ses frères de race, jusqu’à être qualifié par eux de peste, suscitant le désordre chez les Juifs du monde entier (Ac 24,5). L’incrédulité d’Israël fut pour Paul une cause de grande tristesse, de douleur incessante, jusqu’à vouloir être maudit, disait-il, séparé du Christ, s’il pouvait par-là convertir ses frères de race (Rm 9, 1-3).
La foi et l’incroyance. Cette dualité nous concerne tous bien certainement, déjà par le fait que nous connaissons tous, autour de nous, parmi nos proches, des situations d’incroyance. Faut-il se contenter de parler de cœur ouvert au mystère de Dieu pour les uns, de cœur endurci pour les autres ? Certes non ! car il y a des chrétiens trop assurés dans leur foi, comme s’ils la possédaient, et des incroyants humbles et sincères qui voudraient bien accéder à la lumière. Paul, évoquant l’incrédulité présente d’Israël, disait son espérance qu’au terme de l’histoire tout Israël reconnaîtrait le Christ et serait sauvé, et concluait sa méditation par cette réflexion : les décrets de Dieu sont insondables et ses voies incompréhensibles (Rm 11, 33).
Quant à nous, si la foi nous est donnée en partage, ce n’est pas parce que nous serions meilleurs : nous la recevons comme un don de Dieu, dont nous avons à rendre grâce. Mais ce don s’accompagne d’exigences. Celle de conformer nos vies, nos comportements avec cette foi. Celle encore d’entretenir la foi reçue par la prière, l’étude, les sacrements, comme un don à recevoir à nouveau chaque jour, à l’instar de la manne du désert que les Hébreux devaient recueillir chaque jour et dont ils ne pouvaient faire provision. L’exigence enfin d’être les témoins de Jésus-Christ, sans arrogance certes, mais humblement et avec assurance, sachant que c’est sans la faiblesse du témoin que la Puissance de Dieu peut donner toute sa mesure (2 Cor 12, 9-10).
Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 14) avait dit Jésus à ceux qui étaient venus l’écouter sur la montagne. Si les chrétiens n’apportent pas la lumière de la foi au monde, qui le fera ?
B - 29juin 2021 -Solennité des saints Pierre et Paul,
Ac 12 1-11 ; 2 Tim 4 6-8, 17-18 ; Mt 16 13-19
Homélie du F.Bernard
La liturgie célèbre rarement deux saints ensemble. Elle ne le fait en principe que lorsque ces deux saints ont eu un parcours de vie très semblable, en sorte que spontanément nous les associons. Ainsi Cyrille et Méthode, ces deux frères qui ensemble ont évangélisé la Moravie, ou encore les deux frères médecins, Côme et Damien, ou encore les deux apôtres Philippe et Jacques le mineur, dont nous ne savons pas grand-chose.
Mais Pierre et Paul… Apparemment tout les distingue. Pierre a été appelé au début du ministère de Jésus, et Paul ne l’a pas connu selon la chair (2 Cor 5,16). Pierre est le premier à avoir confessé la foi au Christ, au nom des Douze, et Paul a d’abord persécuté l’Église. Pierre s’est adressé avant tout aux fils d’Israël, et Paul a fait connaître aux nations l’Évangile du salut. Pierre, plus porté à s’adapter aux personnes, aux circonstances, Paul, plus intransigeant dans sa ligne de conduite doctrinale.
On pourrait continuer à les distinguer, voire les opposer. Mais le plus important est de se rappeler, à leur propos, cette parole de l’Apôtre : Il y a dans l’Église, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous (1 Cor 12, 4-6).
Pierre et Paul se sont croisés à plusieurs reprises, à Jérusalem, à Antioche, peut-être à Corinthe, à Rome. Avec des tempéraments et des parcours si différents, il était inévitable qu’ils fussent parfois en désaccord, même gravement. On sait qu’à Antioche, Paul a reproché à Pierre d’avoir dissimulé sa foi chrétienne derrière son appartenance juive, de n’avoir pas marché droit selon la vérité de l’Évangile (Gal 2,14) : reproche grave, très grave certes. Mais peut-être les tergiversations de Pierre ont elles pondéré les intransigeances doctrinales de Paul qui auraient pu entraîner l’Église primitive dans un schisme entre judéo-chrétiens et pagano-chrétiens ?
Mais l’essentiel est ailleurs, dans le fait que leur parcours à l’un et à l’autre a abouti à Rome, où il aura été donné à l’un et à l’autre d’y donner le témoignage suprême du martyre. Ainsi ont-ils été unis définitivement dans cette charité, cet Amour de Dieu, qu’ils voulaient annoncer l’un et l’autre.
Avec le martyre, c’est leur complémentarité même dans le ministère, celui de l’institution et celui du charisme, qui nous les fait rassembler conjointement en ce jour, comme les deux colonnes de l’Église, cette Église de Rome, chargée de présider à la charité sur toutes les églises, et de reconnaître la diversité des esprits venant de dieu, en vue de concourir à l’unité.
En ce jour nous prenons dans notre prière les cent trente prêtres qui ont été ordonnés ces derniers jours en France. Qu’ils soient dans la diversité des ministères qui leur seront confiés de vrais témoins fidèles de Jésus-Christ !
Année B - Dimanche 20 juin 2021 –12e dimanche ordinaire
Job 38, 1.8-11; Psaume 106; 2 Co 5, 14-17; Marc 4, 35-41
Homélie du F.Damase
Rembrandt avait 27 ans quand il a peint en 1633, son unique marine. Elle représente cette scène du Christ dans la tempête. On y voit Jésus et ses disciples, dans un bateau dressé sur une mer en furie, debout comme un cheval qui se cabre.
Pas de meilleure façon d’entrer dans ce récit que de nous demander ce que nous aurions fait, embarqués ce soir-là avec eux, perdus au milieu de l’abîme. Réveille-toi, Seigneur, Pourquoi dors-tu ?
Qui de nous, Frères et Sœurs, à l’heure de l’épreuve, n’a pas crié vers Dieu sa détresse, sa révolte ? Qui n’a pas connu aussi cette étrange paix qui vient après l’épreuve, et parfois plus étrangement, qui vient pendant l’épreuve et la résout mystérieusement ? Le vent tomba et il se fit un grand calme.
Ce grand calme, cette nuit-là, c’est Jésus dans la barque, qui se réveille, se lève, menace le vent, dompte la mer et à l’heure des ténèbres, franchit l’abîme et passe de l’autre côté de la mer. De quel sommeil Jésus dort-il ? Pour quel passage ?
Il est clair que ce récit préfigure la passion du Christ, quand Jésus s’endormira dans la mort, et se réveillera au matin de Pâques, Homme debout, vainqueur de l’abîme. Comment quelqu’un qui dort, comment quelqu’un qui meurt peut-il nous sauver ?
Même énigme pour les disciples et pour nous. C’est bien notre foi au Christ mort et ressuscité, que ce récit interroge. Notre foi, frères et sœurs, court toujours le risque de rêver d’un Dieu qui écarterait devant nous les obstacles, nous épargnerait l’épreuve. Ce n’est pas le choix de Dieu. Jésus n’a pas évité le combat, allant même au-devant de sa propre mort, comme ce soir-là, il va au-devant de la mer à l’heure la plus difficile.
Non, Jésus n’a pas contourné l’obstacle, la mort il l’a traversée comme il a traversé la mer. Et nous, ce n’est pas en abandonnant Jésus, en quittant la barque que nous pourrons être sauvés mais en liant notre destin au sien, en demeurant avec Jésus dans la barque. Le pire danger ce n’est pas la tempête, c’est de ne pas être avec Jésus dans la tempête, ce n’est pas l’épreuve, c’est de ne pas être avec Jésus dans l’épreuve.
Quand Marc rédige son évangile, dans les années 60-70, l’église de Rome est persécutée et on peut penser qu’il veut par ce récit l’encourager dans l’épreuve, l’appeler à mettre sa confiance dans son Seigneur ressuscité. La barque de l’église aujourd’hui semble tout autant menacée et nous chrétiens, nous nous sentons souvent cruellement faibles.
Réentendons la question du Christ : Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? Non pas Pourquoi n’avez-vous pas la foi ? Mais pourquoi n’avez-vous pas encore la foi ? PAS ENCORE. Magnifique expression qui nous donne notre chance, qui nous donne de la marge, qui laisse place pour nous A TOUS LES POSSIBLES ET LIBERE NOTRE DESIR d’embarquer avec Jésus, de passer avec lui sur l’autre rive, vers notre port d’attache, puisqu’Il le veut et puisqu’Il est avec nous. Sur son ordre, passons avec Lui, trépassons avec Lui, le Christ, notre Pâque. Sans rien craindre. Puisque sa Présence, seule, dans les intempéries de nos vies et celles de l’histoire, puisque sa présence est le lest, la sécurité, ici-bas, de notre traversée.
552 mots
B - 11° dimanche Ordinaire - 13 juin 2021
Ez 17 22-24 ; Co 5 6-10 ; Mc 4 26-34
Homélie du F.Vincent
Le Seigneur aujourd’hui nous parle du Règne de Dieu et il nous en parle en paraboles.
La première des deux paraboles, qui nous est racontée ce matin, nous montre un homme qui jette en terre la semence… Qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit jusqu’à la moisson. On pourrait dire de façon un peu triviale : « Patience, ne nous affolons pas ! » Si nous, nous vivons dans le temps, avec ces alternances, le Règne de Dieu, lui, ne connait pas ce rythme : c’est sans cesse qu’il est à l’œuvre. Et donc, l’installation du règne en nous et autour de nous, n’est pas d’abord le fruit de nos efforts, C’est celui d’une parole jetée en terre, dite dans le monde, parole qui continue d’agir et de faire agir. Et puisque c’est Dieu qui donne la croissance, notre action doit d’abord être celle de la confiance, de l’abandon et de la foi. Foi et confiance, parce que comme le dit la parabole, les semailles aboutiront à la moisson, le Règne parviendra à maturité ! Bien souvent, nous nous interrogeons sur l’état de notre monde, l’état de notre Église ou même l’état de notre vie, mais nous oublions peut-être un peu rapidement que nous n’en sommes encore qu’au temps des semailles, au temps de la lente croissance et nous ne pouvons donc pas encore estimer la moisson. Par contre ce qui doit nous aider à vivre, et à agir, c’est que la moisson est sûre et certaine. Ainsi, que nous dormions ou que nous nous levions, le Règne de Dieu est là dans nos vies et s’y développe.
Ce Règne, qui est tout proche, il ne s’abat pas sur nous comme un jugement, comme une fin du monde, Cette présence du règne de Dieu, n’est pas plus éclatante que cette naissance dans une étable, que ce corps meurtri sur une croix, que ce tombeau retrouvé vide par un petit groupe de femmes. Non, Dieu entre dans nos vies, dans notre temps, dans notre croissance, avec respect, avec patience, avec confiance.
Cette parabole n’a pas pour but de nous dire comment nous devons faire pour accueillir le Royaume mais plutôt comment ce Royaume agit, grandit en nous. Et peut- être, aussi que c’est en prenant le temps de nous mettre à l’écoute de l’œuvre de Dieu en nous et autour de nous, que nous accueillerons davantage cette croissance, ce dynamisme qui nous conduiront de l’herbe à l’épi avec du blé plein l’épi.
Dans la seconde parabole, il n’y a, là encore, rien d’éclatant dans cette graine de moutarde, la plus petite de toutes les semences, « elle est si petite ! » Mais un nouvelle fois, Jésus nous appelle à nous en remettre à cette force de croissance qui nous échappe et qui nous dépasse. Là où, dans la 1ère parabole, la semence poussait dans le temps, cette fois-ci c’est l’espace qui est pris dans cette dynamique du règne : cette plante née de la plus petite de toutes les semences, étend de longues branches si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leurs nids à son ombre. Cette image fait référence à la prophétie d’Ezéchiel que nous avons entendue en première lecture : l’arbre où les oiseaux font leur nid, c’est le roi qui guide et protège son peuple. Ainsi, à partir d’une simple graine de moutarde, Jésus annonce l’accomplissement de la promesse, la certitude que Dieu mène à son achèvement ce qu’il a commencé, et bien au-delà de ce à quoi nous nous attendions !
Cette semence, c’est la Parole de Dieu qui nous rejoint dans nos vies et qui frappe à notre porte pour transformer nos cœurs.
Cette semence, c’est tous ces petits gestes du quotidien qui font l’histoire de nos vies.
Cette semence, enfin, c’est aussi notre prière, notre humble prière ici, et qui pourtant franchit les frontières, que nous dormions ou que nous nous levions.
Et finalement, croyons-le, espérons-le, voulons-le, cette semence c’est notre parole, notre façon d’être à chacun d’entre nous, habités, animés par la puissance d’un amour : aimés de Dieu, aimés en Dieu.
(Sources diverses)
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