vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 23 août 2020 — 21e dim. ordinaire — Frère Bernard
Cycle : Année A
Info :

Année A - 21ème dimanche du T.O., 23 août 2020

Is 22 19-23 ; Rom 11 33-36 ; Mt 16 13-20

Homélie du F.Bernard

Texte :

Deux paroles décisives pour la foi : d’abord celle de l’apôtre à Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », puis en réponse celle de Jésus à l’apôtre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ».

La scène se passe à Césarée de Philippe. La confession de Pierre qui y est faite est l’aboutissement d’une première partie du ministère de Jésus, comme d’une première partie de l’évangile, car la question sous-jacente à tous les récits évangéliques, avant Césarée de Philippe, est bien : qui est Jésus. « Pour les gens qu’est le Fils de l’homme ? Pour vous qui suis-je ? » demande Jésus.

Qui est cet homme qui parle avec une telle autorité, non pas comme les scribes et les pharisiens, et qui revendique le pouvoir de remettre les péchés ? Qui est cet homme qui accomplit de tels signes, guérissant les malades et chassant les démons, et qui renouvelle la « merveille de jadis » (Ps 76, 12), au temps de l’exode, multipliant les pains et marchant sur la mer de Tibériade déchainée ?

Alors Simon-Pierre, à Césarée de Philippe, au nom des Douze, confesse : « Tu es le Christ, le Messie », celui qu’annonçaient les Écritures, celui qui vient proclamer la proximité du Royaume. C’est la confession de Pierre, telle qu’on trouve dans l’évangile de Marc, l’évangile premier, l’évangile le plus proche de l’évènement de Césarée de Philippe.

Mais la confession de Pierre dans l’évangile de Matthieu : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » est plus développée ; elle est sans doute, dans sa formulation, marquée par la foi pascale de l’évangéliste, qui écrit bien après la mort et la Résurrection du Seigneur. Toutefois il faut affirmer la continuité profonde de la foi de Pierre à Césarée, à celle de l’évangéliste Matthieu, et à la nôtre qui tout à l’heure proclamerons le credo. Ce n’est pas la chair ni le sang, ni aucun raisonnement humain, qui ont permis à Simon Pierre de confesser le Christ, mais bien le Père de Jésus, car « Nul ne connaît le Fils sinon le Père, comme nul ne connait le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler (Mt 11, 27).

Après Césarée de Philippe, peut commencer la deuxième partie de l’Évangile, celle où Pierre et les disciples auront à apprendre comment Jésus assumera sa mission de Messie… Il l’assumera par sa Passion et sa mort sur la croix, annoncées à trois reprises, en accomplissement de la figure du Serviteur de Dieu qu’avaient dessiné les Écritures, en triomphant de la mort par sa mort même. Il faudra certes du temps à Pierre et aux disciples pour accepter le passage nécessaire du Seigneur par sa mort. Il faudra Pâques et Pentecôte, pour que les disciples deviennent témoins de la Résurrection de leur Seigneur et l’annoncent à la face du monde.

Ici à Césarée de Philippe, Jésus confirme déjà solennellement Simon, fils de Yonas, dans sa mission d’apôtre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Pierre (Petros) sera la pierre (petra) sur laquelle Jésus édifiera son Église. Dans la Bible le Dieu d’Israël est souvent appelé le Rocher ; ainsi dans le refrain du Psaume 61 : « Lui seul est mon rocher, mon salut, ma citadelle. Je reste inébranlable ». Dans le même sens Paul dira que le rocher auquel s’abreuvait le peuple au désert était le Christ (1Cor 10,4).

Ainsi le Christ est le Rocher, et l’apôtre la pierre, la pierre de fondation solidement fixée sur le roc, et en solidarité avec elle, les douze assises de la Ville portant les noms des douze apôtres de L’Agneau (Ap 21, 14).

Pierre reçoit les clés du royaume, pas de petites clés comme celles que nous mettons dans nos poches, mais des clés pesantes, à l’instar de la clé de la Maison de David, que le Seigneur a déposée sur les épaules du maître du palais, Éliakim. Nos églises anciennes aimaient la représenter aux côtés de Pierre pour l’identifier. On la trouve également au portail de notre monastère.

La clé déposée sue les épaules de Pierre, c’est aussi la croix du Christ. Elle est l’insigne de son pouvoir, de son pouvoir d’ouvrir et de fermer, de lier et de délier, de mettre chaque personne, chaque chose, à sa vraie place, car tout est lié, aimait à dire le pape François dans son encyclique Laudato si. C’est aussi le pouvoir d’absoudre du péché et d’exercer la miséricorde au nom du Christ. Ce pouvoir des clés est confié ici à Pierre en premier et comme en avance. Il le sera confié en communion avec lui également à tous les apôtres au soir de Pâques (Jn 20, 23).

Chaque fois que nous célébrons l’eucharistie, nous prions pour le pape, notre évêque, les évêques. Y sommes-nous attentifs ? Ce devoir de prière est essentiel, car nous devons par notre prière les aider à accomplir pleinement la mission qu’ils ont reçue de confirmer leurs frères et sœurs dans la foi.

Nous n’avons pas fait encore écho à la deuxième lecture de ce jour (Rm 11, 33-36). Elle achevait, en forme de louange, la réflexion de Paul sur le mystère d’Israël. Dimanche dernier, il y disait sa certitude que tout Israël sera sauvé et reconnaîtra le Christ. Nous pouvons reprendre cette même louange en conclusion de ce que la liturgie de ce jour nous a fait percevoir du mystère du Christ et de l’Église : « Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu. Tout est de Lui, et par Lui et pour Lui. A Lui la Gloire pour l’éternité. Amen ».

Homélie du 16 août 2020 — 20e dim. ordinaire — Frère Ghislain
Cycle : Année A
Info :

Année A - 20e dimanche - 16 aout 2020

Isaïe 56, 1.6-7 ; Romains 11, 13-15.29-32 ; Matthieu 15, 21-28

Homélie de F.Ghislain

Texte :

Hier, nous fêtions l’Assomption de la sainte Vierge Marie ; aujourd’hui la liturgie de ce 20e dimanche après la Pentecôte, nous présente une femme cananéenne qui arrache au Christ, semble-t-il, la guérison de sa fille.

Deux femmes du Moyen Orient, l’une fille d’Israël, l’autre de Syrie, Tir ou Sidon. Deux femmes qui ont porté un enfant, l’ont mis au monde, nourri, sevré ; en même temps, elles ont assuré le quotidien de la vie : la cuisine, le ménage, la lessive, les réparations, sans doute aussi le jardin autour de la maison. Elles ont été fidèles à leur religion, l’une priant à la synagogue et, aux temps prescrits, montant au Temple de Jérusalem, l’autre allant aux sanctuaires de son pays, vénérant le Baal, l’Astarté

La première vit dans la proximité d’un Mystère. Son enfant lui a été annoncé par un ange, sa naissance a été entourée d’anges au Ciel, de bergers dans la boue tout occupés de leurs bêtes.

Ensuite, comment ont-ils vécu ensemble cette femme et son enfant ? Une fois, il a pris ses distances et s’est trouvé au Temple sans prévenir ses parents et ses explications sont restées obscures. Un beau jour il est parti rejoindre en Judée le prophète Jean-Baptiste et il a commencé lui-même un ministère prophétique auquel rien, semble-t-il, ne le préparait. D’après ce que nous savons par les évangiles, chaque fois que leurs chemins à elle et à lui se sont croisés, une fois à Cana, une autre fois quand elle a suivi sa famille inquiète, Jésus a gardé les distances ; il n’a rien dit ou fait pour se rapprocher d’elle ou l’intégrer dans ce qu’il faisait. A la fin, elle a été au lieu de sa mort infâme, et il a enfin pris la parole pour lui indiquer qui prendrait soin d’elle désormais. Puis il est mort : on raconte qu’il a été vu ensuite vivant, mais c’est à d’autres femmes et à des disciples qu’il est apparu ; à elle, on ne sait pas. Elle a tenu tout le temps : avant, pendant, après.

La cananéenne a vécu des circonstances sortant moins de l’ordinaire : l’histoire que nous connaissons d’elle tourne autour de sa fille possédée par un démon qui la rend malade, ou épileptique ou quoi que ce soit. Et désormais, elle vit pour la délivrance de sa fille. Sans doute est-elle allée la demander dans les sanctuaires de ses dieux. Peut-être a-t-elle consulté des guérisseurs, des médecins, des exorcistes. Elle a tout essayé sans succès. Un jour est passé dans sa région un prophète du pays voisin, Israël, dont la réputation de puissance contre les démons et les maladies avait passé la frontière. Elle y va, dominant sa crainte de l’inconnu, d’une hostilité peut-être entre les deux pays Israël et la Syrie…Elle approche et formule sa demande. Le prophète ne lui répond pas. La regarde-t-elle ? Elle répète, elle insiste. Les disciples excédés demandent à Jésus de la renvoyer : que le bruit cesse, et Jésus leur répond que sa mission de salut ne concerne qu’Israel. Loin de s’éloigner, la femme qui a entendu s’approche d’autant plus de Jésus, se prosterne, répète une fois encore sa requête et le prophète d’Israël répond, méprisant, presque insultant : Israel est un fils, il a droit à sa nourriture, à ce qu’on s’occupe de lui. Tyr et Sidon sont des chiots errants, ils ne peuvent prétendre à rien. Sans broncher, la femme continue, et c’est Jésus, finalement qui capitule, émerveillé. Il fait son premier miracle en terre païenne, sa mission s’élargit à tous les hommes.

Marie, la cananéenne. Deux femmes qui sont allées au bout de la foi. Mais où est la troisième ?

Ne serait-elle pas ici, frères et sœurs ? Il y a parmi nous des femmes qui sont mères, elles savent ce que c’est que porter un enfant, voire plusieurs ; elles savent le prix de l’éducation, à mener ensemble avec le souci de la maison, l’activité professionnelle l’équilibre du ménage. Parfois, n’est-il pas vrai ? on est au bout du rouleau, on ne sait à quel saint se vouer. Et ce qui est vrai d’une mère l’est aussi d’une femme célibataire : les soucis sont différents, la pression est la même. Et pour les hommes en va-t-il autrement ? Qu’en sera-t-il, par exemple, à la rentrée : de mon emploi, de mon embauche, de mon entreprise et de ceux qui y travaillent, de ma famille, finalement ?

Ne fait-on pas alors ce qu’ont fait les deux femmes ? Avec les paroles des psaumes on crie vers Dieu: « sors de ton silence » (Ps. 82 ; 1) « Ne reste pas muet, ne sois pas sourd » (Ps. 28, 1-2). On obéit à l’injonction de saint Luc dans son évangile :« Il faut toujours prier et ne jamais cesser » (Lc. 18, 1). On essaie de se convaincre de la parole de Jérémie : « Il est bon d’attendre en silence le salut de Dieu » (Lam.). Parfois, on perçoit au fond du cœur le frémissement imperceptible de la petite espérance, ou dans l’épaisseur de la nuit une étincelle de lumière qui éclaire à peine mais ne s’éteint pas. Et Jésus admire…

Laissez moi conclure avec quelques versets d’une des hymnes que nous avons chantée hier, que nous pouvons adresser aux deux femmes !

Femme guidée par Dieu au désert de l’épreuve / Où manque à notre espoir la force d’un appui / Tu nous vois chancelants sous le poids de la Croix / Ta foi inébranlable soutient notre faiblesse/ Et nous conduit.

Homélie du 09 août 2020 — 19e dim. ordinaire — Frère Jean-Louis
Cycle : Année A
Info :

Année A - 19e dimanche TEMPS ORDINAIRE (A) (09/08/2020)

(1R 19, 9a.11-13a – Ps 84 – Rm 9, 1-5 – Mt 14, 22–33)

Homélie du F.Jean-Louis

Texte :

Frères et sœurs,

En plein cœur de l’été, les lectures de ce dimanche nous offrent un bel enseignement pour renouveler notre regard sur Dieu.

Particulièrement la première lecture, tirée du premier livre des Rois qui raconte ici l’expérience d’Elie au mont Horeb, la montagne de Dieu, là où Dieu a donné sa Loi à son peuple.

Ce texte est très intéressant car il peut nous faire prendre conscience de la vision qui nous habite peut-être d’un Dieu tout-puissant qui se révèlerait dans les forces de la nature. Les religions des peuples entourant Israël se situaient dans cette vision.

L’ouragan, le tremblement de terre, le feu sont des puissances telles qu’elles peuvent nous paraître dire qui est Dieu, combien grande est sa puissance. Et pourtant, déjà dans le Premier Testament, il nous est dit que ce n’est peut-être pas si évident que ça.

Et, surprise, c’est dans le murmure d’une brise légère (certains traduisent « la voix d’un fin silence ») que Dieu se révèle au prophète Elie.

Jadis, au peuple conduit par Moïse, Dieu s’était révélé dans un orage violent, avec un déchaînement des forces de la nature qui avait effrayé les Hébreux. Ici, il ne s’agit plus de montrer le Dieu d’Israël à l’égal voire surpassant les dieux païens mais de montrer qu’il est radicalement autre. Il se révèle dans une brise légère, dans presque rien. Et c’est ce Dieu là qu’Elie rencontre.

Avouons qu’après près de 2000 ans de christianisme, il nous arrive encore bien souvent de croire que la Toute-puissance de notre Dieu est à l’égal des forces de la nature, quitte à être troublés ou plus encore, lorsque ce Dieu ne répond pas à nos demandes, à nos espérances immédiates. Comment Dieu peut-il permettre la pandémie actuelle s’il est vraiment tout–puissant ?

La Bible ne donne pas de réponse intellectuelle à cette question mais, comme souvent, une réponse existentielle. Elie, fait l’expérience que Dieu est ailleurs de tout ce qui évoque spontanément la puissance pour nous. Il est dans une brise légère, dans la fragilité, dans la douceur mais qui fait du bien. C’est, il me semble, ce qu’évoque cette expression « brise légère ». Un vent doux qui rafraîchit.

Le psaume qui suit évoque de même un Dieu de paix, d’amour, de justice qui donne ses bienfaits.

Quant à l’évangile, il nous révèle Jésus qui ne se manifeste pas dans la tempête mais en vainquant la tempête et en calmant les eaux. Ce qui renvoie au ps. 106 : « Dans leur angoisse, ils (les marins pris dans la tempête) ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse, réduisant la tempête au silence, faisant taire les vagues. »

Pour les Juifs, c’est une caractéristique de Dieu que de dominer le chaos des mers.

Mais ce passage nous révèle aussi Jésus qui sauve Pierre dans une situation critique. Situation critique d’ailleurs plus par manque de foi que par les éléments eux-mêmes. Il demandait à Jésus une preuve que c’était bien lui, mais il peine à y croire et s’enfonce… Il a dû sans doute passer d’une vision magique de Jésus à la foi.

Là aussi, l’évangile nous montre des apôtres qui doivent opérer un déplacement du regard qu’ils ont sur le Christ. Du prophète, ils constatent qu’il est le Fils de Dieu car il domine les éléments. Il ne se manifeste pas dans la tempête mais en calmant la tempête.

Que tirer aujourd’hui pour nous de ces passages ? Je vous propose quelques axes de réflexion tout en étant bien conscient qu’il peut y en avoir d’autres.

D’abord, nous avons toujours à corriger notre vision de Dieu et il nous faut être très prudents lorsque nous parlons de Dieu. Evitons de transformer notre vision de Dieu en dogme que tout le monde serait tenu de croire. La Bible nous montre différentes images de Dieu. Mieux, elle nous fait évoluer dans notre regard. Du Dieu tout-puissant, à la manière païenne qui se révèle dans les forces de la nature, elle nous fait passer à la vision d’un Dieu qui se révèle dans la douceur, la fragilité et cela culminera dans le Christ en croix dont les théologiens aujourd’hui n’hésitent pas à dire qu’il nous révèle l’amour du Père, et même la fragilité du Père. C’est le même Christ qui calme la tempête et qui agonise sur la croix renonçant à utiliser sa puissance à son profit.

Frères et sœurs, il est essentiel de voir la Bible comme une lente découverte du visage de Dieu (et du visage de l’homme) qui se fait peu à peu. Et ce que l’Ancien comme le Nouveau Testament nous révèlent, c’est que, finalement, la toute-puissance de Dieu n’est pas là où nous pensons spontanément qu’elle est.

Le pape François l’a très bien résumé dans une formule que je trouve, pour ma part fulgurante, : la Toute-puissance de Dieu, c’est sa miséricorde.

En sommes-nous vraiment convaincus du fond du cœur ? Il me semble que nous avons à méditer les Écritures afin de voir combien cette phrase du pape François, traduisant certainement une expérience personnelle, est aussi le reflet de l’enseignement biblique.

Prenons le temps de scruter la Parole de Dieu et de voir comment elle nous fait cheminer d’une vision d’un Dieu qui comblerait nos insuffisances, et qui est finalement décevant, à un Dieu dont la toute-puissance se manifeste dans sa miséricorde, sa capacité à nous accompagner dans les crises de nos vies, de notre monde.

Cette miséricorde, nous la retrouvons dans le passage de l’épitre aux Romains qui est un bon antidote à tout antijudaïsme et à tout antisémitisme : « Ils sont israélites, ils ont l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né. »

Avec de telles paroles, il ne nous est plus possible comme chrétiens d’être antisémite.

Convertissons-nous à la miséricorde toute puissante de notre Dieu.

AMEN

Homélie du 02 août 2020 — 18e dim. ordinaire — Frère Matthieu
Cycle : Année A
Info :

18ème Dimanche du T.O. Année A - Dimanche 2 août 2020

1ère lecture : Is 55, 1-3

2ème lecture : Ro 8, 35-39

Psaume : 144

Evangile : Mt 14, 13-21

Homélie du F.Matthieu

Texte :

Jésus vient de recevoir l’annonce de la mort de Jean-Baptiste ; il sait que Jean et lui ont destin lié depuis son Baptême, dont a été dit "qu'il accomplissait toute justice" ; il sait que Jean était le nouvel Elie venu préparer les chemins du Seigneur ; Jean, mort, il sait donc qu'il se trouve désormais en première ligne, qu'il doit prendre définitivement le relais...

Il voulait se mettre un peu à l’écart, avoir du temps pour que rien ne vienne perturber son intimité avec le Père et sa prière dans ce moment décisif.

Mais les foules en décident autrement ; elles aussi ont appris la mort de Jean et elles savent qu’elles n’ont désormais plus que Jésus... et elles n’hésitent pas... Et ce sont ces foules, qui le précèdent au désert, qui vont lui donner, selon Matthieu, les réponses que la mort de Jean appelait, qui vont lui révéler son être véritable : le visage de Dieu pour tous les hommes.

A la vue des foules, Jésus est "saisi de compassion", et l’évangéliste emploie ici un terme que la Bible ne réserve qu’à Dieu seul, à un Dieu qui se révèle maternel, dont les entrailles sont remuées au plus profond de lui... Oui, le cœur de Dieu se laisse toujours déranger, toujours toucher, c’est le visage de Dieu.

Peut-être attend-il même que nous le dérangions, sans calculer d’avance la faisabilité de nos requêtes, sans souci de l’encombrement… ou de la banalité de nos besoins et de nos demandes. Car Dieu a son point faible, il ne renvoie jamais personne.

Et ici, Jésus guérit tous les malades qui sont là.

Puis, comme le soir vient, et que les disciples suggèrent de renvoyer cette foule affamée et trop nombreuse, Jésus prend l’initiative de les nourrir, et c’est la multiplication des pains qui est au cœur de notre évangile.

Jésus, toujours à l’image du Père, se laisse fléchir par nos faims en tout genre et nos infirmités infinies. Jusqu’au soir, il ne comptera pas sa peine pour nous entendre, pour nous relever, pour nous guérir. Il arrive que les Apôtres s’impatientent, et rêvent de congédier tout le monde. Pour lui, rien n’y fait ! Pour lui, c’est toujours le moment, c’est le cœur de Dieu qui se révèle encore !

Et quand vient le soir, celui du jour ou de la vie, soyons-en assurés, notre ultime faim ne le laissera pas indifférent. Il en sera ému, incroyablement bouleversé. Oui, pour chacun alors, au soir venu, et en abondance il rompra le pain, celui de la vie éternelle. Et tous alors mangeront à leur faim.

En faisant ces gestes, Jésus renouvelle les miracles que la Bible attribuait au prophète Elisée dans le second Livre des Rois... Jésus est ainsi présenté comme le nouvel Elisée, et comme tel, il est confirmé dans sa mission de poursuivre l’œuvre de Dieu qu’avait inauguré Jean Le Baptiste.

Mais en réalisant cette multiplication des pains, Jésus se révèle bien plus qu’un prophète : "ordonnant à la foule de s'asseoir sur l’herbe" - en ce lieu désertique ! - comme Dieu au Psaume 144, Jésus donne à son peuple "la nourriture au temps voulu" Il veut "rassasier avec bonté tout ce qui vit"...

Les disciples lui apporte "cinq pains et deux poissons" : le signe est à déchiffrer, il s’agit de la nourriture du festin messianique des derniers temps, celui qu’annonçait le livre d’Isaïe dans la première lecture ; et la surabondance de nourriture - il va rester douze paniers, de quoi nourrir encore toutes les tribus d’Israël ! - et la satisfaction de tous dont la faim est apaisée, disent bien qu’il s'agit du repas du Royaume, que Jésus nous a présenté dans ses paraboles.

Ainsi Jésus nous est révélé comme le Messie-Roi qui invite au festin du Royaume de Dieu ; il pose les gestes même de Dieu, lui qui préside à ce festin...

Mais l’évangéliste veut nous dire plus encore, et en un sens, mieux encore...

Insensiblement, le récit oublie les poissons, pour ne garder que les pains... et les gestes, et les paroles de Jésus, reprennent exactement ceux et celles qui furent les siens au soir de son Dernier Repas, nous les transmettant à travers les disciples, jusqu’à nos eucharisties.

Ainsi, c’est bien à nous que cette page d’évangile s’adresse aussi, c’est bien à nous qu’est rappelé que l’assemblée, à laquelle Dieu nous invite, dimanche après dimanche, est le repas, déjà messianique où il se donne.

Le pain, celui de la Parole, comme celui de la Table eucharistique, nous est toujours offert et avec lui, et par lui, l’inlassable miséricorde qui guérit tous ceux qui viennent à lui comme des pauvres, abandonnés dans la main de Dieu.

Allons à la rencontre de cette Miséricorde du Seigneur, qui est son vrai visage, et qui nous est offerte encore une fois aujourd’hui en cette célébration !

Homélie du 26 juillet 2020 — 17e dim. ordinaire — Frère Hubert
Cycle : Année A
Info :

17e DIMANCHE TO – ANNEE A 26 JUILLET 2020

1 ROi 3 5-12 ; Rom 8 28-30 ; Mt 13 44-52

Texte :

Le royaume des Cieux est comparable à un trésor…

Notre compréhension spontanée de ces deux petites paraboles,

est que, nous autres hommes, nous autres chrétiens, il nous faut tout vendre,

tout quitter, tout perdre, pour acquérir le trésor et la perle, d’une valeur inestimable.

Et c’est bien la vérité.

Ainsi l’a entendu saint Antoine le grand, le père de monachisme :

« Si tu veux être parfait, va, vend tout ce que tu as, donne-le aux pauvres,

et tu auras un trésor dans le ciel ».

Et Antoine est parti vivre au désert, lui qui avait des biens non négligeables.

Mais je voudrais prendre ces paraboles dans l’autre sens.

D’abord, s’il est dit que le royaume des Cieux est comparable à un trésor,

il n’est pas dit qu’il est comparable à une perle mais à un négociant en recherche de perles fines.

Et dans la parabole du trésor, il s’agit bien d’un homme qui découvre le trésor.

Dans bien des paraboles, l’homme mis en scène représente Dieu lui-même,

et c’est dans ce sens que je voudrais lire aujourd’hui ces paraboles.

L’humanité est pour Dieu, le trésor caché et la perle de grand prix.

Il la recherche, il la désire, il veut l’acquérir, dans la plénitude de sa richesse et de sa beauté.

Dieu a créé l’homme pour qu’il soit sa joie.

Il nous aime avant que nous l’aimions,

nous désire avant que nous le désirions,

nous cherche avant que nous le cherchions.

La perle de grand prix, c’est, pour lui, chacun de nous, c’est l’humanité dans sa totalité.

Il vent tout ce qu’il possède, c’est-à-dire lui-même.

Il nous livre son Fils – et qu’a-t-il de plus précieux que son Fils ?

« Vous avez été achetés à grand prix », dit Paul ;

« Tu as tellement aimé le monde, Père très saint, que tu as envoyé ton propre Fils

pour qu’il soit notre Sauveur. » disons-nous dans la PE IV.

« Tu es mon Fils bien-aimé en qui j’ai toute ma joie » :

cette parole du Père, lors du baptême de Jésus,

il la dit sur chacun de nous.

Il nous aime et nous veut resplendissant de sa gloire.

Mais le trésor est caché dans le champ, enfoui dans la terre,

la perle précieuse est au cœur d’une huitre dont la beauté n’a rien d’attirant.

Dieu vient nous sortir de la terre, nous extraire de nos gangues

en prenant sur lui ce qui cache, ce qui défigure, notre beauté, celle qui vient de lui.

Lors de son agonie, c’est le désir de cette perle qu’est l’humanité

qui a permis à Jésus de dire « oui ».

Il n’a pas dit « oui » à la souffrance, à l’atrocité, à la mort :

il a dit « oui » au projet du Père ,qui était aussi le sien,

de recueillir toute l’humanité pour la présenter au Père,

lavée de toutes ses scories, revêtue de sa grâce et de sa gloire.

Cela ne pouvait se faire qu’en prenant sur lui l’entièreté absolue du mal.

Il désirait tellement que l’humanité – perle précieuse – soit resplendissante de gloire,

que, non seulement il a tout vendu –

lui qui était de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu –

mais il a pris sur lui toutes les abominations qui la défiguraient et la défigurent encore.

« Le Messie fonde l'alliance nouvelle en prenant sur lui le mal. …

Il ne fait pas crédit à l'accusateur, contre le Créateur. Il lui dit simplement : « Tu veux ma vie, prends-la, je la donne tout entière. » Et la mort corporelle [de Jésus] va priver le mal de sa victoire. L'accusateur ne peut utiliser la vie qui se livre tout entière à la mort, par amour », écrit Jean-François Bouthors

Il écrit encore : « Le salut ne s'approche pas pour des hommes qui seraient déjà sortis des ténèbres, pour d'hypothétiques justes, pour l'élite méritante. … Il vient dans la nuit, dans la mort. … Là où l'on trouve l'inhumain. Dans le monde où sont inextricablement mêlés l'humain et l'inhumain, pour que la lumière éclaire toute chose et que l'homme puisse réconcilier ses deux parts, humaine et inhumaine. »

« L'inhumain ayant ainsi culminé dans la mise à mort, sans que l'amour défaille, il est ainsi révélé, manifesté, qu'il n'est rien qui ne puisse être ressaisi par l'amour. »

« Le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu » dit st Pierre dans sa 1er épitre (1P 3, 18).

« Jésus a tout donné pour racheter l’humanité aimée du Père. » commente notre évêque.

C’est ce mystère d’amour, cette victoire de la vie sur la mort, du divin et de l’humain sur l’inhumain, de notre beauté précieuse sur la défiguration du mal,

que nous célébrons dans le mystère de l’eucharistie.

Ce mystère ne s’adresse pas à une élite mais au peuple des pécheurs,

à nous tous, à l’humanité entière.

Nous croyons en Jésus ressuscité, revêtu de gloire,

nous croyons en notre propre résurrection à venir, mais aussi, pour une part, déjà présente,

parce que Jésus a pris sur lui nos défigurations pour les enlever.

« Jésus, Dieu sauve » est avec nous et fait de nous des fils.

Homélie du 25 juillet 2020 — Dédicace de notre église — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

DEDICACE DE NOTRE EGLISE

25 juillet 2020

1R 8, 23-22, 27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :



« Approchez-vous de lui : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu »… Approchez-vous…c’est que nous faisons, frères et sœurs, chaque fois que nous entrons dans une église. Nous nous approchons du Christ, dont l’autel traditionnellement en pierre, est le symbole. Devant l’autel, nous nous inclinons. Avec l’encens, nous le vénérons, car nous voulons honorer à travers lui, le Christ la Pierre vivante, un moment rejetée au temps de la passion, et devenue la pierre d’angle. Oui le Christ est le Roc, le centre et le fondement de notre rassemblement dans une église.

St Pierre poursuit l’image de la pierre, en affirmant : « vous aussi comme pierres vivantes, entrez dans la demeure spirituelle ». Celui à qui Jésus a dit : « tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise », ne craint pas de nous associer à sa vocation pour devenir avec lui, des pierres de l’édifice spirituel. Et c’est ce qui se réalise lorsque nous prenons part à la liturgie de l’Eglise. En nous rassemblant pour la messe dominicale, ou pour les moines, à heures régulières tous les jours de la semaine, nous « entrons » dans la demeure spirituelle que Dieu désire construire. En participant aux prières, en chantant, en écoutant la Parole de Dieu, unis à tous les autres chrétiens, peu à peu s’édifie ce Temple spirituel que nous sommes chacun et tous ensemble. Nous nous ouvrons à l’œuvre de Dieu qui veut nous voir grandir dans la confiance, dans la joie et dans paix. Nous le laissons tisser entre nous des liens d’amour fraternel toujours plus profonds sous son regard de Père.

Et de tout cela, l’église de pierre de granit ou de calcaire qui nous accueille pour quelques heures est le témoin. Mais peut-être est-elle encore davantage. On pourrait se demander : pour construire le temple spirituel, a-t-on besoin d’édifice de pierres ? Dans un monastère, nous faisons l’expérience quotidienne de l’importance d’avoir une église où se rassembler. Elle est ce lieu central vers lequel nous convergeons pour nous extraire des activités, afin de nous remettre en présence de Celui qui nous appelle à le louer. De même que les moines revêtent la coule, l’habit de prière qui les aide à s’unifier pour mieux habiter les temps de célébration, de même l’église est comme un vêtement dans lequel toute communauté chrétienne va s’unifier dans la prière et à se laisser habiter par l’Esprit de Dieu. Le bâtiment de pierre qui nous enveloppe nous façonne. Il nous modèle en personne et en communauté de prière. A côté du vêtement, une autre image pourrait élargir encore la compréhension du mystère que nous vivons en entrant dans une église de pierre… C’est l’image d’un moule, d’un moule à pain… Le boulanger qui a pétrit la pâte, la met dans un moule avant de la mettre au four. Ainsi aura-t-on les différentes formes et tailles de pains voulues… Comme notre église, nos églises sont en grande majorité en forme de croix, croix latine allongée en occident, croix grecque aux 4 côtés égaux en orient. En entrant dans une église en forme de croix, nous pouvons nous souvenir que nous sommes invités à entrer dans le mystère de la croix et de la résurrection du Christ. L’assemblée réunie dans cette église ne cesse de dire merci à Dieu en chaque eucharistie pour ce qu’il a fait en Jésus mort et ressuscité pour nous. Nous disons merci, nous rendons grâce, mais nous sommes aussi invités à nous unir à Jésus dans le don de notre vie. Avec Lui, nous apprenons à mourir, pour vivre de sa vie. C’est en ce sens que nos églises sont comme un moule qui nous façonne avec Jésus, pour être avec lui un peuple qui s’offre par amour. Là nous apprenons peu à peu le vrai sens de la mort tournée vers la vie. La mort : allons-nous sans cesse la subir ou bien allons-nous l’offrir ? Allons-nous toujours la fuir ou bien allons-nous demander la grâce de la traverser avec Jésus ? Sous ces différentes facettes depuis les contrariétés jusqu’aux souffrances les plus aigües, la mort vient à notre rencontre quotidiennement. Dans nos églises, il nous est possible de venir déposer le fardeau, et de le donner à Jésus. En chaque eucharistie, Jésus prend nos fardeaux dans sa mort offerte, et nous aide à les porter avec lui en sa résurrection à l’œuvre. Oui, comme un moule, nos églises voudraient nous apprendre à devenir offrande en tout notre être…donné par amour du Christ et des autres. Car là est la vraie vie. C’est la grâce que nous pouvons demander en ce jour, comme nous y entrainera dans quelques instants la prière sur les offrandes : « nous te prions de nous transformer en offrandes qui te soient agréables »…

Homélie du 19 juillet 2020 — 16e dim. ordinaire — Frère Damase
Cycle : Année A
Info :

Année A - 16ème dimanche ordinaire - 19 Juillet 2020

Sg 12,13.16-19; Rm 8,26-27; Mt 13,24-43

Homélie du F.Damase

Texte :

Cet Evangile nous rapporte trois paraboles, je voudrais relire avec vous la première, celle du bon grain et de l’ivraie ; car elle traite d’une question qui nous travaille tous : la présence du mal dans le monde et la nécessité de l’espérance !

1) Ce monde est-il absurde ? Si Dieu est bon et tout puissant - Pourquoi tant de souffrance, de violence, d’injustice ? Jésus nous donne une réponse, sur l’origine et la présence du mal dans le monde, sur la victoire définitive du Royaume !

Pour expliquer l’origine du mal dans le monde, Jésus reprend l’enseignement de la Genèse sur la création. Tout ce que Dieu a fait est bon. Le mal ne vient pas de Dieu, le semeur n’a semé que du bon grain.

Mais Jésus ajoute une précision importante : le mal ne vient pas du cœur de l’homme. Le mal existe avant l’homme : l’homme lui-même est victime de celui que Jésus appelle l’Ennemi, le Mauvais, le démon.

A la racine de nos faiblesses, de nos péchés, il y a une puissance qui agit en nous - elle est en nous, mais elle n’est pas nous-mêmes, nous ne savons pas d’où nous viennent ces « mauvaises idées ».

Jésus ne dit-il pas que c’est : « pendant que les gens dorment, que l’ennemi survient ». Le blé est semé en plein jour, l’ivraie est semée en cachette, en profitant d’un moment d’inconscience, d’inattention !

N’est-ce pas une expérience que nous faisons très souvent ? Le mal s’infiltre sournoisement dans notre vie, à notre insu : nous ne nous en apercevons qu’après ….

Jésus insiste : le pécheur est d’abord une victime - l’ivraie est semé pendant la nuit ! Le cœur de l’homme est BON - Dieu a inscrit en lui ce désir du bien….

Même si telle personne nous semble enfermée dans la violence ou la méchanceté, Il y a encore et toujours une lueur d’espoir - le cœur de l’homme est mêlé - Il n’y a pas « d’un côté des bons et de l’autre des méchants ». Mais « au milieu de l’ivraie, il y a du bon grain » ! le cœur de l’homme est mêlé

2) Cette parabole du bon grain et de l’ivraie souligne un autre enseignement tout aussi important, c’est la victoire définitive du bien

Le dialogue des serviteurs avec leur maître met en relief la prolifération de l’ivraie. Il y a tant de mauvaises herbes que les serviteurs demandent à leur maître si « par hasard », il ne se serait pas trompé de sac – si par hasard, il n’aurait pas lui-même semé de la mauvaise graine » ! Et le maître répond du tac au tac : « n’arrachez pas l’ivraie, il ne resterait plus rien dans le champ !

Ce jeu de question et de réponse - avec cette interdiction d’arracher l’ivraie, montre que le Maître est parfaitement conscient de la prolifération de l’ivraie dans son champ, de la prolifération du mal dans le monde.

Mais cela souligne aussi que le maître est absolument certain du résultat :

- un jour il y aura la moisson finale … un jour il y aura le tri, le jugement.

Le Maître est certain que l’ivraie (que le mal) n’arrivera pas à étouffer le bon grain.

Quand le monde semble complètement ivre, Jésus nous invite à l’espérance malgré tout !

Et sûrs de ce résultat final, chacun de nous essaye de travailler chaque jour, à ce monde nouveau,

- en faisant confiance à notre frère,

- et surtout en faisant confiance au Maître du champ, au Créateur !

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Homélie du 12 juillet 2020 — 15e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A) - HOMELIE du 15ème dimanche TO - 12/08/2020

(Isaïe 55,10-11 ; Romains 8,18-23 ; Matth. 13,1-23)

Homelie du F.Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Les différents textes de la liturgie de ce dimanche dégagent une ambiance assez écologique, du moins à un premier niveau d’écoute. Nombreux sont les éléments de la nature qui y sont mentionnés. La pluie et la neige dans la 1ère lecture, comme symboles de la fécondation et de la germination de la terre, dans laquelle la semence peut produire du blé qui donne le pain nécessaire à la nourriture de l’homme. Tout le Psaume 64 ensuite, chanté en répons, est une grande célébration de louange à Dieu, le Créateur qui lui-même visite la terre et l’abreuve de ruisseaux gorgés d’eau, la comblant de richesses : des moissons, des pâturages, des troupeaux. Tout exulte et chante !

L’évangile de la Parabole du Semeur, où Jésus enseigne les foules et ses disciples est en consonance avec ces 2 premiers textes. Nombreuses sont encore les images empruntées au monde de la nature dans ses différents aspects : minéral, avec les pierres d’un sol ingrat, végétal avec les ronces, les grains de plantes semés, les fruits, animal aussi avec les oiseaux du ciel, humain enfin avec le personnage central du semeur.

Quant à Saint Paul, dans la seconde lecture, il nous entraîne dans une grande contemplation de la création, en attente de la Révélation promise aux enfants de Dieu. Une création en gestation, en travail d’enfantement d’un monde nouveau : ciel nouveau, terre nouvelle où règneront la justice, la paix et l’harmonie. Mais pour l’heure, cette création est encore esclave et soumise au pouvoir du néant. Elle garde pourtant l’espérance de sa libération et de sa transfiguration acquise déjà dans la victoire pascale du Christ Rédempteur.

Que retenir alors des ces 4 très beaux textes de l’Ecriture ? Quelle application pouvons-nous en tirer pour notre vie de chrétien aujourd’hui ?

Il nous faut remarquer tout d’abord que chacun renvoie, à sa manière à l’écoute de la Parole de Dieu. Les images n’ont qu’une fonction : celle d’attirer l’attention des auditeurs sur une réalité qui les dépasse. Le message essentiel de la parabole est l’écoute et la compréhension de la Parole pour en vivre, la mettre en pratique et ainsi porter du fruit en abondance. Cela nécessite du temps et de la patience. Il est question dans ces textes de croissance, de résultat attendu, d’accomplissement d’un travail ou d’une mission. Mais de quelle croissance et de quel rendement s’agit-i ?

On parle beaucoup de croissance dans notre monde actuel. C’est un terme clé pour les économistes et les hommes politiques. On juge un pays par sa capacité de croissance, d’augmentation ou de diminution de son PIB. Après le choc de l’épidémie du Coronavirus que nous venons de vivre, et qui n’est pas achevée, il n’est plus question que de retour de la croissance, afin d’éviter une récession, source de tous les malheurs sociaux.

En psychologie aussi, on emploie volontiers ce vocabulaire de la croissance dans le sens du développement de son potentiel humain. L’enfant, l’adulte doit croître pour acquérir une pleine autonomie, exercer des responsabilités et assumer une vraie maturité.

L’évangile et l’enseignement de l’Eglise ne mésestiment pas les aspects positifs de ces points de vue. Mais la croissance et le progrès qu’ils visent sont d’une autre nature, plus théologique et spirituelle. Comme l’affirme Saint Paul dans une autre épitre, la Parole de Dieu semée dans le cœur du disciple l’invite à grandir à tous égards dans la connaissance de la tête du Corps, le Christ. Et c’est de lui que le Corps tout entier, coordonné et bien uni grâce aux articulations qui le desservent, selon une activité répartie à la mesure de chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour.

Le Pape François dans son Encyclique « Laudato Si » insiste sur le fait que dans la création tout est donné, tout est lié, tout est fragile. Le respect et l’amour que nous devons avoir vis-à-vis des éléments de la nature sont inséparables du respect et de l’amour que nous devons nous porter les uns aux autres, et surtout aux plus pauvres. Message d’une écologie intégrale pour tout homme de bonne volonté, en accord avec l’enseignement en paraboles de Jésus aux foules et à ses disciples. Actualiser la parabole du semeur, c’est alors entendre et comprendre l’appel de Jésus à être une bonne terre, disponible à faire la volonté de Dieu et à porter du fruit. C’est entendre et comprendre l’invitation à la confiance en la fructification finale de l’évangélisation, en dépit des échecs rencontrés sur des terrains ingrats, hostiles ou indifférents à l’annonce de la Parole.

Disponibilité, confiance, patience, liberté aussi, dans ce travail de collaboration. Car le semeur n’est pas seul. Chacun de nous agit, selon les dons que le Seigneur lui a accordés. L’un plante, un autre arrose, mais c’est Dieu qui fait croître. Celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien, Dieu seul compte, lui qui fait croître. Et chacun recevra son salaire (30,60, 100) à la mesure de son propre travail. Car nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu, et nous sommes le champ que Dieu cultive, la maison qu’IL construit.

AMEN

Homélie du 11 juillet 2020 — Saint Benoît — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

11 Juillet 2020 - SAINT BENOIT 2020

Pr 2, 1-9 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a

Homélie du P.abbé Luc

Texte :



« Si tu creuses comme un chercheur de trésor alors tu comprendras la crainte du Seigneur, tu découvriras la connaissance de Dieu ». En cette fête de St Benoit, il est heureux frères et sœurs d’entendre ce conseil du sage du livre des Proverbes… S’il raisonne aux oreilles des humains de tous les temps, il intéresse en premier chef les moines. Etre des chercheurs, chercheurs de Dieu, chercheurs de vérité, de paix, de sagesse, d’amour… Telle est la voie dans laquelle St Benoit nous entraine, pour mieux suivre le Christ qui nous appelle. Cette voie nous engage doublement : il s’agit de creuser, mais aussi de nous laisser creuser, pour finalement découvrir que tout est don, cadeau, grâce. A la lumière des lectures entendues, je voudrais reprendre ces trois points : creuser, nous laisser creuser, cadeau…

Le sage du livre des Proverbes insiste fortement sur notre engagement dans la recherche de Dieu. Par quatre fois, il utilise la conjonction « si » : « si tu fais appel à l’intelligence, si tu invoques la raison, si tu la recherches comme l’argent, si tu creuses comme un chercheur de trésor »… L’insistance est sans équivoque. Il nous faut nous mettre à l’œuvre. Nous appliquer avec notre intelligence, utiliser tous les moyens à portée de notre raison, nous donner avec générosité comme on cherche de l’argent ou de l’or, creuser, fouiller notre terre, notre humanité qui recèle bien des possibilités de relation avec Dieu et les autres qui sont peut-être encore trop cachées ou trop endormies. Entendons dans ces paroles un appel à redonner du poids à la réflexion et à l’attention à ce que nous vivons pour y découvrir des chemins de rencontre et de connaissance de notre Dieu. St Benoit nous invite nous les moines à consacrer une bonne part de notre temps à la lectio divina pour lire, méditer et prier les Ecritures, pour étudier réfléchir sur le mystère de la foi. Sous la lumière de la Parole de Dieu, nous voulons entrer dans une meilleure intelligence de notre relation avec le Seigneur. Qui est-il ? De quel amour il m’aime…Qui suis-je à ses yeux ? Qu’est-ce que l’humanité sous son regard ? Par là aussi, nous grandissons dans une meilleure connaissance de nous-mêmes et des autres. « Chaque matin, le moine retourne à son jardin. Chaque matin, le moine retourne son jardin, et c’est de l’or à la fin » nous glisse malicieusement notre f. Yves.

Creuser comme un chercheur de trésor, mais aussi nous laisser creuser… Dans la recherche de Dieu, Jésus nous découvre que le bonheur et la voie vers le Royaume passe aussi par ce que nous ne choisissons pas : les larmes, la persécution pour la justice, les contradictions à cause du nom de Jésus. La vie apporte son lot d’épreuves, de contraintes et d’obstacles qui nous creusent à nos dépends. St Benoit évoque sur le chemin de l’humilité les possibles humiliations ou injustices qui ne manquent jamais. Nous aimerions bien nous en passer, mais elles sont là. Si la tentation est grande de les interpréter comme des punitions de Dieu, nous avons entendu cela à propos de la crise du Coronavirus, Jésus ne se situe pas sur ce registre. Il nous propose d’en faire un creuset, un chemin d’attente et d’accueil de la vie plus profonde du Royaume. Ces épreuves nous rappellent que nous ne sommes ici-bas qu’en chemin. Le but est devant nous dans le Royaume offert à tous les enfants de Dieu. Connaitre ce but ne va pas enlever la dureté du chemin, mais il nous donne de marcher autrement, davantage dans la confiance, dans l’abandon entre les mains d’un Père qui nous aime et qui est avec nous dans nos épreuves. En nous disant « heureux » lorsque nous pleurons, que nous sommes persécutés ou dans la contradiction pour l’évangile, Jésus veut nourrir notre espérance : ce qui nous creuse est davantage porteur d’avenir que ce qui nous remplit.

Creuser, nous laisser creuser….tout est grâce, don… Dans la lumière du Christ, st Paul manifeste combien nous sommes précédés par notre Dieu qui est venu à nos devants. « Nous avons été choisis, sanctifiés….appelés »… Et en vertu de ce don premier, il nous est possible de vivre de manière nouvelle, de nous « revêtir de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience ». Ce manteau n’est pas le nôtre au départ, c’est celui du Christ. Mais il nous fait ce beau cadeau de nous permettre de le revêtir. Il nous permet ainsi que tout ce que nous disons et que nous faisons, nous puissions le dire et le faire au nom du Seigneur Jésus, pour rendre grâce au Père. En regardant nos vies, nous pouvons nous sentir maladroits ou bien impuissants à revêtir ce manteau, cet être nouveau dans le Christ. C’est vrai. Mais nous pouvons le désirer, le demander comme une grâce et nous disposer à le revêtir jour après jour…St Benoit dans sa règle nous offre bien des instruments ou des manières pour peu à peu laisser le Christ transformer nos manières d’agir… Avant tout demander dans la prière qu’il conduise à la perfection le bien que nous voulons faire… Se réconcilier avant le coucher du soleil, supporter patiemment nos infirmités physiques et morales, ne rien préférer à l’œuvre de Dieu…

Entrons dans l’action de grâce au Seigneur qui nous a appelés et qui nous guide par sa Parole et par ses amis les saints, pour être revêtu du Christ.

Homélie du 05 juillet 2020 — 14e dim. ordinaire — Frère Bernard
Cycle : Année A
Info :

Année A - 14ème dim. du T.O., 5 juillet 2020

Zach9 9-10 ; Rom 8 9-13; Mt 11 25-30

Homélie du F.Bernard

Texte :

L’Évangile que nous venons d’entendre évoque un moment bien important de la vie de Jésus, de son ministère en Galilée. Il vient de comparer sa génération, qui n’a pas accueilli son message de grâce, à des enfants boudeurs qui n’ont pas voulu entrer dans le jeu. Il s’est lamenté ensuite sur les villes du lac qui n’ont pas su reconnaître ses miracles : malheur à toi Chorazeïn, malheur à toi Bethsaïde, malheur à toi Capharnaüm. Et juste après cet évangile, la controverse avec les scribes et les pharisiens, sur le sabbat, reprendra de plus belle.

Pourtant malgré ces résistances évidentes à sa parole de salut, voici que Jésus exulte de joie et adresse sa louange à son Père : Je te bénis Père d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout-petits. En effet si Jésus a rencontré sur sa route bien des sages et des savants qui pensaient tout savoir sur Dieu, et n’étaient pas prêts à accueillir la nouveauté qu’il était venu apporter en sa personne, il a aussi accueilli des tout-petits qui sont devenus ses disciples. C’est à cause d’eux que Jésus proclame sa louange au Père, qui leur a confié les mystères du Royaume et leur a révélé qu’il était, lui-même, ce Fils bien aimé qu’ils devaient écouter.

Ils ont écouté le SM, ils ont entendu les béatitudes promises aux pauvres de cœur, aux doux et aux miséricordieux, aux affligés, aux affamés et assoiffés de justice, aux artisans de paix, aux cœurs purs. Ceux sont eux ces tout-petits, ces disciples du roi messianique annoncé par le prophète Zacharie, le roi de paix, doux et humble de cœur qui entrera dans sa ville, monté sur un ânon, le petit d’une ânesse.

Puis Jésus continue en levant un coin du voile sur sa relation à son Père. Si le Père est l’origine de tout, s’il a révélé le Fils bien aimé, lors du Baptême de Jésus et à la Transfiguration, tout, absolument tout, est confié au Fils, lui le révélateur du Père. Personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler. L’unique œuvre de Jésus-Christ, peut-on dire, est de nous faire connaître le Père et de nous apprendre à le prier comme notre Père, puisque nous sommes ses enfants à la suite du Christ.

On remarquera que l’Esprit Saint ici n’est pas nommé. Pourtant il est bien présent quand Jésus nous parle du Père. D’ailleurs dans le passage parallèle de l’évangile de Luc, en ce même endroit, il est bien dit que Jésus exulta sous l’action de l’Esprit Saint. Remarquons que dans l’évangile de Jean, où Jésus parle si souvent de son Père, l’annonce explicite de l’Esprit Saint n’intervient aussi qu’à la fin, dans le discours après la Cène. Mais l’Esprit Saint est bien là ; la deuxième lecture le disait, et c’est par Lui que dans le Christ nous nous adressons au Père.

Enfin Jésus continue en s’adressant plus particulièrement à ses disciples : Vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, venez à moi. Je vous procurerai le repos. De quel fardeau s’agit-il ? Celui de la vie qui pèse sur toutes nos épaules, et de plus en plus sans doute à mesure que nous avançons en âge : les soucis, les épreuves de toutes sortes, celles de nos proches ou bien les nôtres, la maladie, la vieillesse avec ses infirmités, la mort. Pas nécessaire d’allonger la liste. Nous connaissons tout cela.

A ce fardeau de la vie, s’ajoutait pour l’israélite fidèle, le fardeau des observances religieuses, les 613 commandements de la Loi mosaïque, qu’on n’avait jamais fini d’appliquer et qui ne procuraient pas le repos. Jésus nous dit : Prenez sur vous mon joug et vous trouverez le repos. Oui mon joug est facile à porter et mon fardeau léger.

Comment est-ce possible? Car Jésus nous a prévenu que les exigences de sa justice dépassaient celles des scribes et des pharisiens, sinon parce que Jésus porte avec nous et en nous la Loi de charité qu’il a posée sur nos épaules. Si le joug du Christ nous paraît parfois trop lourd, demandons-nous si nous le portons bien, si nous laissons suffisamment le Christ le porter en nous.

Ne laissons pas le fardeau de la vie, tous les poids qui pèsent sur nos épaules sans les laisser porter en nous par le Christ, car Il a pris sur lui nos infirmités et nos maladies. L’Évangile nous le dit (Mt 8,17) reprenant la prophétie d’Isaïe (Is 53,4). C’est ainsi que nous trouverons le repos. Gardons dans la mémoire du cœur les paroles si importantes de l’Évangile de ce jour.