Homélies
Liste des Homélies
Année A - Fête du Corps et du Sang du Christ – Dimanche 14 juin 2020
1ère lecture : Dt 8, 2-3.14b-16a
Psaume : Ps 147, 12-13, 14-15, 19-20
2ème lecture : 1Co 10, 16-17
Evangile : Jn 6, 51-58
Après la Fête de la Sainte-Trinité, l’Eglise nous donne de célébrer la fête du Corps et du Sang du Christ avant celle du Sacré-Coeur de Jésus. Fêtes théologiques, fêtes d’idées, qui tranchent en quelque façon dans le tissu dynamique de l’année liturgique consacrée à la célébration du Salut que Dieu a réalisé et réalise pour nous au fil de nos vies humaines.
Et pourtant avec cette fête du Corps et du Sang du Christ, la liturgie nous offre à travers les textes bibliques qu’elle nous donne à entendre, une vision très dynamique de l’Eucharistie que nous célébrons comme Mystère du Salut.
Que ce soit dans la 1ère lecture à propos de la manne et de l’eau du rocher, dans la Lettre de Paul ou dans le chapitre 6 de Jean, nulle part nous ne trouvons l’idée d’une « adoration du Saint Sacrement ». Le pain et le vin de l’Eucharistie, le Corps et le Sang du Christ livrés pour nous, ne sont pas d’abord là pour être regardés, adorés, mais pour être partagés et consommés et parfaire en nous ce que nous sommes déjà, le Corps du Christ, Eglise engagé au cœur de ce monde.
Ce peut être l’occasion de reprendre conscience de ce que nous faisons au cours de l’Eucharistie, mieux, de ce qui nous est donné dans l’Eucharistie : la présence du Seigneur au milieu de nous, la présence du Seigneur en nous, la présence du Seigneur qui nous appelle à vivre de la charité donnée par son Esprit, au service de tous dans ce monde-ci, dans l’espérance du monde à venir.
Reprenons-en les étapes au fil du rite liturgique.
En ce Dimanche, répondant à l’appel du Seigneur, nous nous sommes rassemblés dans cette église et cette assemblée que nous formons est déjà signe de la présence du Christ au milieu de nous ; « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » nous rappelle l’évangile de Matthieu (18,20) ; dans la diversité de ce que nous sommes, de nos grâces particulières, de nos ministères particuliers, nous formons déjà le Corps du Christ et le Christ est là, notre Tête, Présence réelle au milieu de nous. L’avons-nous seulement remarqué dans les premiers mots de la célébration ?!
Ensuite nous avons écouté ensemble les textes des Ecritures ; proclamés, ils sont devenus, pour chacun et pour tous, la Parole de Dieu, vivante aujourd’hui pour illuminer nos vies. Présence encore du Verbe, du Christ, au milieu de nous, et qui devait faire bruler en nous le feu de l’Esprit vivifiant, comme pour les disciples sur le chemin d’Emmaüs… si nos oreilles et nos yeux se sont ouverts pour le reconnaître par la foi !
Dans un instant, nous allons entrer dans la Grande Prière d’action de grâces, qui est « mémorial de la Mort et de la Résurrection du Christ ».
Le Christ à la dernière Cène, à travers le partage du pain et du vin a signifié le don de sa chair et de son sang, qui va avoir lieu dans sa Pâque et cette anticipation va rendre les disciples partie prenante des événements sauveurs. Pour nous, l’anticipation fait place au « mémorial », à la réactualisation, mais par ce rite nous serons, nous aussi, intégrés au don de sa vie que le Christ nous a faite. Par le don de son Corps et de son Sang, le Christ aujourd’hui veut nous livrer son Esprit et faire de nous ses frères, « fils de Dieu », qui peuvent oser dire ensemble, uns dans le Christ, la prière reçue de lui : « Abba ! », notre Père.
Ainsi par la manducation du Corps et du Sang du Christ, serons-nous vivifiés à nouveau comme fils, frères, enracinés davantage, célébration après célébration, dans son Corps, qui est son Eglise, envoyés dans le monde pour annoncer l’Evangile à toutes les nations, et d’abord au plus proches, au plus pauvres, à tous ceux qui marchent à l’aveugle vers le Salut promis et déjà donné.
C’est cela le Mystère du Corps et du Sang du Christ qui est notre vie !
Mais cette efficacité du sacrement eucharistique n’est pas magique : elle ne se fait que par notre adhésion libre au don de lui-même que nous fait le Christ en nous livrant sa vie. « Nous mangeons de ce pain-là ». Ce que fait Jésus à la Pâque devient notre art de vivre, notre raison de vivre. Mais si nous célébrons l’Eucharistie, c’est parce que ce choix de l’amour ne vient pas de nous-mêmes : nous ne pouvons produire ce pain-là car il ne vient pas de la terre. Dans le langage biblique (celui du Deutéronome comme celui de l’évangile Jean), on dit qu’il « vient du ciel », c’est-à-dire de cette Présence inaccessible pour nos sens qui nous enveloppe, nous habite et nous fait exister.
De la foi en cet « ailleurs » et en cet « autrement » naît l’espérance.
Et nous voici alors, en mesure d’incarner l’amour qui nous fait véritablement exister, vivre. Le pain et le vin que nous recevons, Corps et Sang du Christ, nous permettent de devenir le pain que nous pouvons à notre tour donner. Ainsi le « pain du ciel » peut devenir pain de la terre pour tous les hommes.
Qu’il en soit ainsi !
Année A - Trinité - 7 juin 2020
Ex 34 4-9; 2 Co 13 11-13 ; Jn 3 16-19
Homélie du F.Hubert
Dieu est amour, nous dit st Jean.
On peut formuler autrement : Dieu est don, il n’est que don.
De façon surabondante. Sans rien retenir. Toujours plus. Toujours davantage.
Au risque de se perdre. Au risque de tout perdre.
Lui, « la source de la vie, il a fait le monde pour que toute créature soit comblée de ses bénédictions et que beaucoup se réjouissent de sa lumière. » Et comme « l’homme s’est détourné de lui, il ne l’a pas abandonné au pouvoir de la mort ».
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique.
Il a envoyé son Fils dans le monde pour que le monde soit sauvé. »
Plus l’homme s’est éloigné de lui, plus il s’est engagé à sa recherche, jusqu’à prendre sur lui tout son mal, pour l’en libérer et déployer en lui la vie divine.
Nous avons l’immense grâce, l’immense responsabilité, de connaître
le Dieu qui s’est révélé dans son long cheminement avec les hommes,
depuis le souffle insufflé en Adam jusqu’au don de l’Esprit,
fruit de l’Incarnation de Dieu en Jésus de Nazareth.
Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, c’est la fête de Dieu – comme chacun de nous a sa propre fête chaque année. Le jour de la fête d’un frère de communauté, d’un parent, d’un ami, d’un proche, nous regardons cet autre avec bienveillance et gratitude, voire émerveillement, plus que les autres jours de l’année, même lorsque la relation est moins facile.
Est-ce incongru de nous demander si, en ce jour de sa fête, nous regardons Dieu avec bienveillance, avec gratitude et émerveillement ?
Nous disons facilement : « Dieu est amour », mais comment regardons-nous Dieu ?
Quel regard portons-nous sur lui ? Quel regard croyons-nous qu’il porte sur nous ?
Est-ce le Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité déjà révélé dans le livre de l’Exode ?
Est-ce le Dieu qui nous examine, pèse nos actes, nous juge, nous punit peut-être, maintenant ou plus tard ?
Dans son livre Le Dieu des abîmes, A l’écoute des âmes brisées, Isabelle Le Bourgeois, ancienne aumônière de prison et psychanalyste, pose cette question :
Est-ce plus facile de penser un Dieu qui nous en voudrait, qui chercherait à nous faire tomber,
que de le penser accueillant, bienveillant et doux ?
Je finis par penser que la gratuité de l'amour est plus difficilement accessible que sa valeur marchande.
Contemplons le Christ en qui Dieu s’est révélé de façon définitive :
Jésus, Homme-Dieu, n’est pas un homme qui s’est fait Dieu, mais Dieu qui s’est fait homme.
Dieu ne s’est pas élevé, il s’est abaissé. Jésus a vécu dans notre chair ce que Dieu est dans sa divinité.
Le serpent avait fait surgir dans le cœur de l’homme et de la femme le désir d’être comme Dieu.
La tentation de l’homme est de s’élever par lui-même jusqu’à Dieu : ainsi la tour de Babel, ainsi le roi de Tyr ou le pharaon en Ezékiel : Il a haussé sa taille, son cœur s’est élevé avec orgueil.
Notre Dieu Trinité existe et agit tout à l’inverse :
Le vrai Dieu, dont nous avons reçu la révélation, est celui qui « s'est anéanti, prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes, il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort de la croix. Dieu a fait la paix par le sang de la Croix du Christ, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. »
Dans le Christ, c’est Dieu tout entier qui s’est abaissé : « Qui me voit voit le Père ».
Comme le Père s’est vidé de lui-même, se vide constamment de lui-même, pour se donner à son Fils,
Dieu Trinité s’est vidé de lui-même pour se donner à ses créatures.
Oui, Jésus, Homme-Dieu, n’est pas un homme qui s’est fait Dieu, mais Dieu qui s’est fait homme.
Non seulement il s’est fait homme, mais il est mort, il est descendu aux enfers. « Il n’avait plus figure humaine », dit Isaïe.
Il a tout lâché, tout perdu, tout remis. « Il ne s'est pas seulement trouvé avec les justes, il a rencontré toutes les figures humaines, des plus affreuses aux plus belles, il a séjourné avec toute l'humanité sans exception. Les abîmes ont été réellement visités par Dieu », dit encore sr Isabelle.
Dieu Père, Fils et Esprit, est don, il se vide constamment de lui-même pour que l’autre existe, pour que l’autre soit aimé.
C’est vrai dans l’intime de son mystère, vrai dans l’acte créateur, vrai dans l’acte rédempteur.
Isabelle Parmentier nous avait parlé d’une enseignante agacée par le Jésus de l’évangile de Jean qui se dit « la lumière du monde, la porte, le chemin, la vérité, la vie »… Peut-être n’avait-elle pas perçu que cet évangile commence par : « le Verbe s’est fait chair » et se poursuit par le lavement des pieds : le Maître aux pieds de ses disciples, plus bas que ses disciples, plus bas que nous.
« Le seul Dieu supportable est celui qui descend, en bas » écrit Maurice Bellet.
Dieu n’est pas ce Dieu dominateur qui nous examine et épluche chacun de nos actes,
il est celui qui se met à nos pieds pour nous faire vivre, et se donner à nous.
Il nous offre sa grâce, son amour et sa communion, comme dit st Paul.
Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, est pour toujours avec nous.
Il n'y a pas de position de surplomb chez ce Dieu-là, il n'y a que l'être avec.
Accueillons ce Dieu qui est avec nous, où que nous soyons.
« Père, je leur ai fait connaître ton nom, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux,
et que moi aussi, je sois en eux. »
« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ,
l’amour de Dieu
et la communion du Saint-Esprit
soient avec nous tous ! »
Année A - PENTECÔTE 31 mai 2020
Ac 2,1-11; 1 Co 12, 3b7.12-13 ; Jn 20, 19-23
Homélie du P.Abbé Luc
Frères,
Que serions-nous sans l’Esprit Saint ? Que serait l’Eglise sans ce précieux soutien ? Comme le suggèrent les textes entendus, elle ne serait pas universelle, elle ne serait pas unie dans une même foi, elle ne pourrait être servante du pardon de Dieu. Elle ne serait qu’une organisation parmi d’autres, une ONG de bienfaisance au mieux. Elle ne serait pas ce quelque chose d’indéfinissable, d’inclassable qui lui a permis de traverser toutes les vicissitudes de l’histoire. Avec l’Esprit Saint, ce qu’elle est la déborde elle-même, la dépasse, lui reste incompréhensible à ses propres yeux…comme quelque chose de toujours nouveau à accueillir.
Il nous est bon de nous arrêter sur ce mystère de vie qui constitue l’Eglise, et qui nous constitue comme communauté, cellule vivante de cette Eglise, et comme membre chacun pour notre part Temple de l’Esprit Saint. Dans notre culture de plus en plus rationnelle, qui aime tout maitriser, tout prévoir, tout mesurer, cela nous demande davantage d’effort pour accéder à ce mystère, pour percevoir et accueillir ce débordement de l’Esprit. Des textes entendus, je retiens 3 mots qui peuvent nous y aider : recevoir, émerveillement, envoyer.
Recevoir. « Recevez l’Esprit Saint » dit Jésus Ressuscité, en soufflant sur ses disciples. Au départ de l’Eglise, il y a ce don que ce groupe d’hommes verrouillés dans ses peurs et le sentiment d’échec ne pouvait produire par lui-même. Don discret de la force d’un souffle pour conduire à l’intimité du cœur pécheur, chez St Jean. Don puissant au bruit d’un « violent coup de vent » qui propulse les disciples sur la place publique chez St Luc. Don multiforme en manifestations variées qui fait de chacun un acteur utile à tous, chez Paul. Ces trois témoins, Jean, Luc et Paul, nous partagent à leur manière leur conviction que l’Eglise naissante s’est reçue d’un don. Pourrait-elle se glorifier d’être ce qu’elle est ? Nous avons tout reçu. C’est là notre identité la plus profonde. Aujourd’hui encore, nous nous recevons de « l’Esprit qui continue dans le cœur des croyants son œuvre d’amour ».
Emerveillement. N’est-ce pas la première vertu de ce don ? Il produit l’émerveillement. Devant les disciples emplis d’Esprit Saint, les juifs qui s’assemblent s’émerveillent. Ils s’émerveillent d’être rejoints dans leur grande diversité de langues et de culture par ces galiléens, peu cultivés. S’émerveiller, et dans l’Eglise, il y a matière. Que nous puissions nous rassembler tous dans une si grande diversité d’origine, de culture ; que nous puissions mettre en commun des dons si divers de service, de prédication, d’organisation, de dévouement ; que nous puissions, être témoin et serviteur de réconciliation à travers le pardon de Dieu offert qui guérit et sauve du désespoir…S’émerveiller d’abord…c’est un don de l’Esprit qu’il nous faut cultiver face au jugement, au dénigrement ou au découragement. Nous risquons sinon de ne plus être chrétien, et d’oublier que nous sommes chacun et tous ensemble l’œuvre de Dieu. « C’est toi qui donnes la vie, c’est toi qui sanctifie toutes choses, qui rassembles ton peuple… en une offrande pure » prierons-nous dans quelques instants...
Envoyer. Lorsque Jésus fait don de son Esprit, il nous fait un grand honneur. Il nous prend très au sérieux, en nous associant étroitement à sa propre mission. Le don de l’Esprit nous rend responsable vis-à-vis de nos frères et du monde. Il nous entraine vers les autres pour leur partager notre joie. Il nous apprend à faire avec les autres, sans imposer, mais en nous accordant les uns aux autres. Il nous rend sensible aux fardeaux trop lourds que beaucoup peinent à porter, en étant à leur côté présence aimante. Dans notre vie monastique, nous touchons souvent du doigt cet envoi, non pas aux lointains abstraits, mais à nos frères, tout proche. Notre présence, notre ouverture, notre écoute…sont autant de manière par lesquelles nous sortons de nous-même, par lesquelles nous sommes envoyés et responsables les uns des autres…
Rendons grâce maintenant unis au Christ pour ce don si gracieusement offert aujourd’hui encore.
Année A - 7° dimanche de Pâques – 24 mai 2020
Ac 1 12-14 ; Ps 26 ; 1Pierre 4 13-16 ; Jn 17 1-11
Homélie du F.Damase
A quelques heures de sa passion, Jésus récapitule sa vie : accomplir l’œuvre du Père….que les hommes Le connaissent,…qu’ils entrent avec Lui dans une relation filiale. Souvenons-nous de la parole prononcée par Jésus : "Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne va au Père si ce n’est par moi" (Jn 14,6). Toute l’œuvre de Jésus, ses actes, ses paroles et jusqu’au silence du Vendredi Saint n’avaient qu’un seul objectif : placer les hommes sur le chemin de la vie en leur faisant connaître le Père. Voilà sa gloire et sa joie.
Frères et sœurs, la prière de Jésus nous offre un double enseignement.
En premier lieu, elle nous invite à faire sans cesse retour au Christ comme à celui en dehors duquel nous ne pourrons pas connaître la vie et le bonheur. En effet, il n’y a pas sous le ciel d’autre nom par lequel nous puissions être sauvés que celui de Jésus (cf. Ac 4,12). Fermement enracinés dans cette foi, nous fixons notre regard sur le visage du Christ, notre guide et notre pasteur. Nous nous ouvrons à la Parole de vie rapportée par ceux qui l’ont vu de leurs yeux, entendu de leurs oreilles, touché de leurs mains (cf.1 Jn 1,1). Nous contemplons en Jésus le visage du Père. Lui seul, venant du Père, pouvait nous le dévoiler (cf. Jn 14,9). Seigneur Jésus, c’est ta face que nous cherchons. Qu’en toi et par ton Esprit, nous entrions dans l’obéissance d’un cœur filial et devenions les enfants bien-aimés du Père.
En second lieu, la prière de Jésus nous ouvre l’espace de la mission. "Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens vers toi." En quelque sorte, Jésus part et nous laisse la place. Comme le Père l’a envoyé dans le monde, à son tour il nous envoie poursuivre la mission inaugurée par lui. Notre tâche ne diffère pas de la sienne : ouvrir les hommes à la paternité de Dieu et dans le même mouvement à la fraternité universelle. Comment pourrions-nous donner à Dieu le nom de Père sans voir en tout homme un frère !
Le chemin qu’il nous propose est toujours le même, aujourd’hui, demain comme hier : c’est le Christ Jésus. C’est sa parole annoncée de telle sorte qu’elle ait quelque chance d’être entendue. C’est la qualité de notre vie entre disciples, mais aussi avec toute personne, surtout avec l’homme blessé. N’est-il pas vrai d’ailleurs que c’est en se faisant notre frère, compagnon de nos peines, de nos espoirs, de nos joies, que Jésus nous a révélé le Père des miséricordes et nous conduit à lui ? Ce qu’il a fait nous est une précieuse indication pour notre propre service de l’Évangile en ce monde.
Jésus part et nous laisse la place. Il ne nous abandonne pas. Sa prière, quelques heures avant sa passion, est imprégnée de sa préoccupation pour ses disciples : "Je prie pour eux… pour ceux que tu m’as donnés." Il sait qu’ils seront en butte aux contradictions du monde comme lui-même l’a été. Il prie aussi pour ceux qui sur leur témoignage croiront en lui.
Cette prière, Christ la continue dans l’éternité. Aujourd’hui encore, il prie pour chacun de nous, ouvriers et missionnaires de l’Évangile. Il prie pour ceux qui, grâce à nous, s’éveilleront au don de Dieu. Et surtout, il nous fait le don de l’Esprit Saint, premier acteur de la mission. L’Esprit qui donne force, audace et inventivité aux serviteurs de l’Évangile. L’Esprit qui dispose les cœurs à s’ouvrir à la Parole de vie et de vérité.
Viens Esprit Saint, nous t’attendons
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Année A - ASCENSION DU SEIGNEUR -21 mai 2020
Ac 1, 1-11; Ep 1, 17-23; Mt 28, 16-20
Homélie du P.Abbé Luc
Frères,
En ce jour, où nous fêtons l’Ascension du Seigneur, que retenir pour nous aujourd’hui dans notre vie de chrétien, de moine ? Je crois que cette fête peut nous ancrer dans une intelligence toujours plus large du mystère du Christ, soutenir notre espérance, et nous fortifier dans la confiance. Je vais reprendre ces trois points.
Cette fête de l’Ascension élargit notre intelligence du mystère de Jésus. Jésus qui monte au ciel, ne fait pas que retourner là où il était auparavant auprès de son Père. En son humanité glorifiée par sa résurrection, il a reçu de son Père la Seigneurie sur tout l’univers créé. Paul perçoit combien la présence de Jésus assis à la droite du Père, est l’attestation de sa Seigneurie sur toute chose, au ciel comme sur la terre. Il est « au-dessus de tout », car Dieu « a tout mis sous ses pieds ». Les églises byzantines se font l’écho de cette conviction, lorsque souvent elles représentent au sommet de la coupole centrale, une image du Christ pantocrator, tout puissant qui règne sur notre monde. Cette vision du Christ Seigneur de tout le créé loin de nous faire peur peut nous aider à prendre de la hauteur vis-à-vis du monde dans lequel nous vivons. Ce monde n’est pas abandonné à son triste sort. Il est porté et aspiré par Celui qui l’a fait à l’origine, qui l’a sauvé par sa croix et qui l’a recréé par sa résurrection. Le Christ ressuscité, assis à la droite de Dieu, c’est-dire participant pleinement à sa puissance vivifiante, est le « roi de la terre…il règne », comme nous l’avons chanté avec le psalmiste. Dans notre lectio, dans nos lectures, cultivons cette intelligence et cette lumière de la foi portée sur notre monde.
Cette fête de l’Ascension veut aussi nous fortifier dans l’espérance, l’espérance de rejoindre Jésus. Comme nous l’avons prié au début de la célébration : « l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire : nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c’est là que nous vivons en espérance »…En quelques mots, tout est dit. Toute la geste de Jésus, depuis son incarnation jusqu’à son Ascension est de s’unir à lui toute l’humanité et chacun en particulier. Tout ce qu’il a vécu, il l’a vécu pour nous, afin que nous vivions par Lui éternellement. L’image du Corps, dont il est la Tête et nous les membres, exprime merveilleusement cette unité de destin dans laquelle Jésus nous entraine désormais. En choisissant de lui remettre notre vie, par la foi et le baptême, nous consentons à être unis à Lui. Dès lors, ce qu’il a vécu en sa chair, nous le vivons nous aussi, faisant de toute notre vie et de notre mort une offrande. Et ce qu’il est aujourd’hui dans sa chair glorifiée, nous le serons, nous aussi. C’est là notre espérance que chaque eucharistie et chaque office célébré veulent célébrer et soutenir.
Mais cette fête voudrait aussi fortifier notre confiance pour le chemin encore à vivre. Le Christ, Tête déjà dans les cieux, ne cesse de donner la vie à son corps, par son Esprit. Il lui donne déjà de prendre part à son énergie. Paul, avec des mots forts, évoque « la puissance incomparable que Dieu déploie pour nous les croyants, c’est l’énergie, la force et la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ ». Peut-être est-ce une autre manière d’exprimer la promesse que Jésus a faite aux disciples : « et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Jésus vivant auprès du Père, loin d’être absent, continue de partager son énergie divine à son Corps qu’est l’Eglise, à travers les sacrements et toute la vie ecclésiale de prière et de communion. Cette conviction de foi vient rencontrer les difficultés actuelles qui mettent en évidence la faiblesse de notre Eglise. Que nous dit ce regard de foi face au péché et aux disfonctionnements que nous déplorons ? Que Dieu ne cesse d’espérer en nous et qu’il n’a qu’un désir : nous donner sa vie en plénitude. Si nous-mêmes tombons, si nous sommes scandalisés par la mauvaise image que nous pouvons donner au monde, gardons confiance en la vie offerte par le Christ notre Tête. S’il a voulu nous adjoindre à lui, comme les membres de son corps, n’est-ce pas pour guérir nos maladies et fortifier notre faiblesse ? Il revient à notre Eglise, et chacun de nous d’être responsable de faire fructifier les dons offerts, de ne pas gaspiller la vie donnée en abondance…Tant d’autres membres du Corps, à côté de nous, cherchent cette vie et l’attendent.
Année A - 5° dimanchede Pâque - 10 mai 2020
Ac 6 1-7 ; 1° Pierre 2 4-9 ; Jn 14 1-12
Homélie de F.Bernard
Durant le temps pascal nous apprenons la vie chrétienne, tâche jamais achevée que nous reprenons chaque année.
Apprendre la vie chrétienne, c’est passer d’une connaissance du Christ selon la chair, à une connaissance selon l’Esprit, du Christ et de toutes choses en Christ. C’est, pour reprendre les mots de saint Paul, accéder à une vie nouvelle, devenir une créature nouvelle, où l’être ancien disparaît pour faire place à l‘être nouveau (cf. 2 Cor 5, 16-17).
Les disciples de Jésus avaient connu leur Maître et l’avaient suivi durant sa vie publique, l’avaient confessé comme le Messie qui devait venir, comme celui qui avait les paroles de la vie éternelle. Pourtant ils ont dû se faire à l’idée de son départ, son départ par sa Passion et sa mort pour le retrouver vivant le troisième jour, puis son départ vers la maison du Père au jour de l’Ascension, pour recevoir le don de l’Esprit au jour de la Pentecôte.
Mais nous, comme l’apôtre Paul, nous n’avons pas connu le Christ selon la chair. Cependant nous devons accomplir une démarche semblable pour accéder nous aussi à la connaissance du Christ dans l’Esprit.
A entendre les Évangiles nous prenons conscience que Jésus a préparé ses disciples à son départ, par étapes et avec ménagement. Je m’en vais, leur dit-il, et je vous préparerai une place dans la maison de mon Père. Puis je reviendrai vous prendre avec moi, afin que là où je suis vous soyez vous aussi.
Jésus a multiplié pour eux les images et les comparaisons, pour faire pressentir le mystère de sa personne, le mystère de Dieu. Il s’était déjà donné comme le Pasteur des brebis et aussi la Porte de la bergerie. Maintenant il se désigne comme le Chemin qui conduit au Père, et aussi comme le terme du chemin : Je suis la Vérité et la Vie. Je suis dans le Père et le Père est en moi. Ainsi le vieux rêve de l’homme, le rêve de toujours, voir Dieu, commence à trouver son accomplissement en Jésus : Qui me voit, voit le Père.
Je m’en vais et je reviendrai. Par ces paroles Jésus avait annoncé sa Passion et sa Résurrection, mais aussi ce temps si particulier que nous vivons liturgiquement entre Pâques et Ascension, entre son 1er départ et le second. A lire le récit des Actes des Apôtres en son début, on a l’impression que tout se passe comme avant : le Ressuscité s’est entretenu avec les disciples du Royaume, il a partagé avec eux des repas. En fait il n’en était pas ainsi. Manifesté à ses disciples, dès qu’il était pleinement reconnu par eux, Jésus disparaissait à leurs yeux, car la figure terrestre du Seigneur devait disparaître afin que nul puisse confondre cette figure avec Dieu même. Au terme du temps, quand Jésus paraîtra dans sa Gloire, la Gloire même du Père rayonnant en lui, alors plus aucun malentendu ne sera possible.
Durant ces jours qui nous précèdent des solennités d’Ascension et de Pentecôte, nous entendrons les ultimes paroles de Jésus dans le discours après la Cène, son testament spirituel. Alors Jésus parlera aux disciples non plus en figures mais en toute clarté, annonçant à cinq reprise Celui qui sera cette autre Présence auprès des disciples, après son départ, cet autre Paraclet, l’Esprit Saint qui procède du Père et est envoyé par le Fils. C’est Lui qui conduira les disciples à la vérité tout entière. C’est en Lui qu’ils accèderont à la connaissance spirituelle du Christ et de tout. C’est de Lui que nous recevons notre identité de fils du Père, et le prions en Esprit et vérité.
Les deux premières lectures de ce dimanche nous font connaître quelque chose de la vie de l’Esprit, dans la 1ère génération chrétienne. D’abord l‘institution des sept diacres. Ils furent choisis, pour la présence de l’Esprit en eux et pour leur sagesse., en vue d’un ministère non pas jugé secondaire et dévalué par rapport à celui des Douze -servir les membres de la communauté en leurs besoins premiers- mais pour que dans ce service fraternel le Christ soit reconnu et servi.
Puis l’Apôtre Pierre exhortant ses correspondants à être des pierres vivantes de l’édifice spirituel en construction, l’Église, dont la pierre de fondation est le Christ lui-même. Alors ils pourront offrir des sacrifices spirituels à la gloire du Père et pour le salut du monde.
Notre tâche est définie : connaître dans l’Esprit l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance. Entrer ainsi dans toute la plénitude de Dieu.
Année A - 4e dimanche après Pâques (2020, communauté seule)
Actes 2, 36-41 ; I Pierre 2,20-25 ; Jean 10, 1-11
Homélie du F.Ghislain
Dans l’évangile, Jésus nous a dit, une fois de plus : « Je suis la porte ». Toute porte libère un passage, elle ouvre sur une route à prendre, sur un espace à occuper. Pour nous, moines, la route est un chemin vers Dieu, l’espace où entrer est Dieu lui-même. La phrase de saint Benoît a touché nos cœurs : « chercher Dieu » dans cet espace physique et dans cette communauté humaine. Nous écoutons en ce moment au réfectoire les propos monastiques du cardinal Hume, tout à fait classiques mais qui peuvent nous toucher nous aussi. Il disait : « la vie monastique est avant tout une quête de Dieu…la finalité de tout est la quête de Dieu… L’intimité avec Dieu, c’est ce à quoi tout le reste nous mène et dont tout devrait déborder… »
Ces propos répétés me rappellent ce que nous disait le père abbé Fulbert, à trois jours de sa mort à Noël 1948 : « Restez recueillis en Dieu » ; ou encore ils font écho à une résolution écrite par le père abbé Placide sur un papier retrouvé après sa mort en 1952 : « élans secrets d’amour qui montent vers Dieu, tel qu’il est en Lui-même. Dieu aimé pour lui-même ». Le cardinal Hume parlait « d’instinct monastique », ce qui rappelle la formule de saint Thomas parlant de « l’instinct intérieur de la foi ». Chacun de nous l’a reçu, cet instinct, autrement il ne serait pas ici. Intérieur et invisible (saint Augustin disait : plus intime à nous que nous-mêmes) il nous maintient attachés les uns aux autres. En ce temps de virus, on peut dire qu’il nous a contaminés, il nous contamine ; loin de chercher un vaccin, nous sommes invités à le laisser peu à peu nous coloniser totalement, afin qu’il soit le lien indestructible de notre être ensemble : « la quête de Dieu en communauté », dit encore Basil Hume.
Je suis la porte, il faut donc la passer. Mais il faut aussi penser ce passage afin de bien le prendre. Aujourd’hui, dans la seconde lecture, saint Pierre nous dit comment : « Il vous a laissé un modèle afin que vous suiviez ses traces ». Quelle trace ? Celle de celui qui a « supporté la souffrance pour avoir fait le bien ». De même que l’image de la porte nous ouvrait sur Dieu, de même elle nous indique la patience, la Passion du Christ. Et de même que ce texte pouvait évoquer en nous le « S’il cherche vraiment Dieu » de la Règle, de même il nous fait penser à la mystérieuse formule qui suit dans le texte du chapitre 58 : « s’il est soucieux d’opprobres ». Le père Adalbert adoucit le dernier mot en traduisant : « de pratiques d’humilité ». Quoi qu’il en soit, en reprenant l’expression du cardinal Hume, on pourrait dire : de même qu’il y a un instinct monastique qui nous pousse vers Dieu, de même il y en a un, - et c’est sans doute le même, - qui nous pousse vers l’humilité. C’est au niveau de cet instinct que nous pouvons entendre le père Muard : « pauvre, humble, mortifié ». Au réfectoire encore, nous avons entendu quelque chose de cela dans l’évocation du Père Ceyrac, particulièrement au moment où il retourne en Inde après les années passées au Cambodge. A ce moment-là, on pourrait dire qu’il est désormais « de trop » : on a du mal à lui trouver une chambre, ce n’est plus pour lui le temps des initiatives puissantes, il appartient à un passé dépassé, il n’a pas de futur. Plusieurs fois, à cette époque, il note comme à regret sur son carnet qu’il ne laisse rien derrière lui : pas, comme l’abbé Pierre, les fondations d’Emmaüs, pas comme Mère Teresa, une congrégation de sœurs de la Charité. Rien. Alors, un jour, il se lève, fait sa toilette, se coiffe soigneusement, puis il s’étend et il meurt, tout dispos pour passer par la porte, Jésus qu’il aimait. Pauvre, humble, mortifié.
Je crois que nous, ici à la Pierre qui Vire, cette trentaine d’hommes que nous sommes, en communion avec nos frères du Vietnam, de Madaga scar, du Burundi, nous vivons de ce double instinct, instinct de Dieu qui nous attire et nous pousse vers l’invisible, instinct d’humilité qui nous fait, comme dit un texte de saint Paul lu à Laudes la semaine dernière, chercher à « le connaître, la puissance de sa Résurrection, la communion à ses souffrances ». Pas plus que saint Paul, nous n’y sommes arrivés, mais « oubliant ce qui est en arrière et tendus vers l’avant, nous courons vers le but », la communion avec Dieu dans le Christ avec tous nos frères les hommes.
Ainsi soit-il
Année A - 3e dimanche de PÂQUES (26/04/2020)
(Ac 2, 14.22b-33 – Ps 15 – 1P 1, 17-21 – Lc 24, 13–35)
Il y a 15 jours, à la messe du jour de Pâques, frère Matthieu nous disait l’importance de la méditation de la Parole de Dieu pour fonder et affermir notre foi.
Ceux parmi nous qui ont eu cours d’exégèse avec lui au studium savent combien l’évangile d’aujourd’hui, Luc 24, lui tient à cœur comme modèle de lectio divina. Jésus ; le Dieu caché, enseigne qu’il se fait découvrir et reconnaître dans la méditation des Écritures. C’est la démarche pédagogique qu’effectue le Christ avec les deux disciples en route vers Emmaüs. Nous y sommes tous appelés.
Le Christ, en effet, enseigne aux deux disciples comment, à partir des Écritures (en partant de Moïse et de tous les prophètes), ils peuvent comprendre que le Christ devait souffrir pour entrer dans sa gloire, alors qu’ils sont déçus par les faits récents.
Ainsi, il est probable que le Christ, fidèle à la tradition rabbinique, a enfilé un collier de perles (c’est-à-dire un ensemble de passages bibliques) pour éclairer les deux disciples. Et cela a eu un résultat puisque les disciples reconnaissent que leur cœur était tout brûlant tandis que le Christ leur ouvrait les Écritures. Cette expérience du cœur brûlant pourrait faire référence à un texte de la tradition rabbinique où deux rabbis, enfermés dans une maison, enchaînent des colliers de citations bibliques. Les voisins, voyant la maison en feu arrivent en courant pour découvrir les deux rabbis occupés à leur partage mystique.
L’enfilement des citations produisait ce feu, signe de la présence de Dieu.
Qui de nous, en écoutant l’évangile d’aujourd’hui, n’a pas eu l’envie d’être présent, quand le Christ parlait, pour l’entendre ? Pour écouter quelles citations le Christ choisissait ? Mais est-ce essentiel ? Si saint Luc n’a pas cru bon de relever avec précision cet exercice de lectio divina christique, n’est-ce pas parce que, sous la mouvance de l’Esprit Saint habitant chaque baptisé, il est possible de faire cet exercice qui conviendra aux circonstances vécues par le croyant ? N’est-ce pas par respect de notre liberté que Dieu veut éviter qu’un texte contraignant, venant du Christ lui-même, paralyse l’action de l’Esprit en nous ? Action que Dieu veut sans doute chaque fois plus neuve. Ainsi, nous sommes tous invités à refaire nous-mêmes ce chemin de redécouverte du Christ ressuscité à partir de la Bible.
Mais la liturgie nous offre des exemples, et c’est le cas de la première lecture de ce dimanche. Pierre, en effet, pour témoigner du Christ ressuscité, utilise bien le psaume 15, chanté ensuite, pour dire qu’il était dans le projet de Dieu de ne pas abandonner son fils à la mort. Ainsi l’Ancien Testament, ici, le psaume 15, nous parle déjà du Christ, de sa résurrection. Le Christ, nous est donc réellement déjà annoncé et nous avons les clés pour pouvoir le découvrir tout autant que les premiers disciples et peut-être plus qu’eux car nous avons toute une tradition d’interprétation derrière nous.
Ce que Pierre dit, n’est-il pas ce que le Christ a enseigné aux disciples d’Emmaüs ? Lorsque Pierre dit que David a vu d’avance la résurrection du Christ en citant le psaume « Il n’a pas été abandonné à la mort et sa chair n’a pas connu la corruption », ne reconnaît-il pas dans la Bible l’annonce de la résurrection du Christ ? N’interprète-t’il pas, à la suite du Christ, ce qui le concerne dans l’Ecriture ?
Il est intéressant de voir que dès que le Christ réalise la fraction, les disciples le reconnaissent mais qu’il disparaît alors à leurs yeux. C’est à ce moment qu’ils font mémoire de l’expérience de lectio qu’ils ont vécue et qu’ils comprennent que le Christ était avec eux et les accompagnait, puisque leur cœur était brûlant, signe de la présence de Dieu. Ils sont alors plein d’allant pour aller annoncer aux autres disciples leur expérience du ressuscité.
Quel enseignement pour nous, aujourd’hui ?
Le Christ montre bien aux deux disciples que la Bible parle de lui et qu’à partir de Moïse et des prophètes, il nous est donné de découvrir le projet de Salut de Dieu. Jésus de Nazareth a fait lui-même ce chemin, durant son ministère, et ça l’a conduit peu à peu à annoncer sa passion, sa mort et sa résurrection à ses disciples qui n’y comprenaient pas grand-chose. Dans le passage qui suit notre évangile d’aujourd’hui, le Christ, qui apparaît alors aux Onze, va reprendre cet enseignement pour leur montrer « ce qui a été écrit de lui dans la loi de Moïse, les Prophètes et les psaumes. »
Cet enseignement, notons-le, n’a pas suffi aux deux disciples d’Emmaüs pour reconnaître qui était ce compagnon de route imprévu. Ce n’est qu’à la fraction du pain qu’ils le reconnaîtront. Pourtant, ils réaliseront alors que leur cœur avait été préparé à cette découverte.
Cet évangile nous enseigne que la méditation des Ecritures, de toutes les Ecritures est à la fois un lieu de compagnonnage et de découverte du Christ. Si saint Luc en parle par deux fois à quelques versets de distance, c’est certainement qu’il en a perçu l’importance. Dans les Actes, Luc montrera Pierre à l’œuvre dans ce même travail de découverte du Christ dans la Bible. Pour nous qui sommes après la Résurrection, mais aussi après la Pentecôte, nous avons l’Esprit Saint en nous comme guide pour ce travail de recherche et de découverte. Saint luc nous apprend que cet exercice n’est pas sans lien avec la présence du Christ dans la fraction du pain.
Les médiévaux parleront de la manducation de la Parole de Dieu qui est du même ordre que la manducation du Corps du Christ.
Nous avons la chance de pouvoir vivre ces deux manducations. Qu’elles puissent nous donner un cœur brûlant dans notre vie de tous les jours.
Je crois que tous, nous avons entendu de la part d’hôtes la question suivante : « Comment connaître le Christ puisque nous ne le voyons pas ? » Oui, nous ne le voyons pas, mais nous pouvons le rencontrer dans la Loi, les Prophètes et les psaumes. C’est le Christ qui nous le dit aujourd’hui. C’est le même Verbe de Dieu qui parle dans les deux Testaments. AMEN
année A - 2ème Dimanche de Pâques, 19 Avril 2020
Ac 2. 42-47 1 P 1 .3-9 Jn 20. 19-31
Homélie du F.Antoine
•Thomas...un homme si proche de nous...si promp
t à douter...à vouloir des preuves concrètes à s'assurer par lui-même de la vérité. L'épreuve de thomas c'est d'abord l'histoire d'une Absence or l'absence a dans !'Ecriture une note péjorative:
A la Cène Judas s'absente ...au Golgotha les disciples ne sont plus qu'un et quand Marie de Magdala arrive au tombeau ...il n'y a plus personne. Cette absence ne nous pose-t-elle pas une question? ne nous renvoie-t-elle pas à l'absence de notre Foi...à l'absence de l'amour que Dieu attend de nous ?
• Mais l'Evg d'aujourd'hui nous invite à méditer sur cette expérience qui parcourt l'Evg de Jean: l'expérience de voir et de croire...au matin de Pâques, devant les bandelettes, Jean, le disciple bien aimé ...voit et croit. Marie de Magdala devant le tombeau ouvert entend une voix qui lui dit« Marie », elle se retourne elle voit.. elle croit et court annoncer la nouvelle ! Et en ce soir de Pâques, c'est Jésus qui montre aux disciples ses mains et son côté...lls voient et Ils croient, et à l'arrivée de Thomas ils lui crient joyeux,« Nous avons vu le Seigneur ! »
• Un Nous qui est pour la première fois le Nous de l'Eglise ! le Nous qui est exprime l'unité des disciples dans la Foi, le Nous de la bonne nouvelle qui accompagnera la prédiction de Pierre comme le témoignage d'Etienne dans son martyre, un Nous qui nous invite à vivre notre Foi personnelle ... avec et dans... la Foi de l'Eglise car c'est ensemble que nous disons: Notre Père donne...Nous ...Pardonne Nous...Délivre Nous...
• Et soudain face à l'unité des disciples dans la Foi, répond le Défi de Thomas« Si JE ne vois pas, si JE ne mets pas mon doigt, JE ne croirai pas ! »....Le JE d'un homme libre...mais le JE du doute, le JE de la méfiance qui bâtit sa certitude sur sa seule expérience personnelle ..
C'est au chapitre 3 de la GN que l'on rencontre le premier emploi du JE... Adam est absent ( tiens, la première« absence» dans la 88 ! ) Dieu le cherche « JE t'ai entendu-dit Adam J'Al eu peur, JE me suis caché »...un JE qui s'inscrit dans le registre de la peur et du refus.... « Si JE ne vois pas...JE ne croirai pas ,, dit Thomas, et son Refus...sa Peur de manquer de certitude nous rappelle que la Foi à laquelle nous sommes tous appelés est un combat, un combat jamais gagné...un combat toujours à recommencer, et finalement, une
folle aventure à laquelle seul Dieu peut nous inviter.
• Cet Evg, nous rappelle qu'il est en chacun de nous un Thomas qui nous pousse à rester trop souvent ...Absent.
Absents aux rendez-vous de la Foi... Absents aux occasions d'aimer. Absents aux appels de celui qui nous a laissé la plus grande des Béatitudes :
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu» Oui, Heureux sommes-nous ... Quand nous dépassons l'apparence des évènements pour y découvrir la réalité de Dieu...Quand devant toute personne dans la souffrance, nous savons reconnaître en elle la marque des clous et la plaie sur le côté...Quand nous déverrouillons les portes closes de notre coeur pour les ouvrir au Christ ressuscité ..... Alors oui... heureux sommes nous!
Dimanche 12 avril 2020 / Dimanche de la Résurrection - Année A -
Actes des Apôtres 10,34 a + 37-43 - Colossiens 3,1-4 - Jean 20,1-9
Homélie du F.Matthieu
« Il vit et il crut. » Voilà ce que, la plupart du temps, on retient de cet évangile et la foi du disciple bien-aimé nous est donnée en exemple de ce que devrait être notre propre foi… Et nous voilà bien loin, peut-être, de la foi qui est la nôtre en ce matin de Pâques !
Qu’en est-il en effet de notre propre foi, celle de chacun d’entre nous, au-delà – ou en deçà – des alleluias et des professions de foi qui remplissent nos liturgies et nos célébrations…Oui, qu’en est-il de ma foi en la résurrection du Christ ? N’est-ce pas le jour ou jamais pour nous poser la question ?
Et l’Evangile de Jean, si nous l’avons écouté en son entier est sans doute bien fait pour nous aider dans ce questionnement personnel.
Car, il n’y est pas seulement question de la réaction de foi du disciple bien-aimé, mais aussi de celle des deux autres acteurs que Jean met en scène : Marie de Magdala et Pierre… il ne s’agit pas de n’importe qui… Marie Madeleine était au pied de la Croix, elle est reconnue par toute l’Eglise comme Apôtre des Apôtres, et Pierre est institué chef des apôtres, celui qui doit les confirmer dans la foi ?
Que nous dit notre Evangile ?
Marie vient au tombeau de grand matin, elle voit, mais seulement la pierre enlevée et elle s’enfuit, ou plutôt elle va trouver appui auprès de deux de ses frères… et elle leur dit tout simplement son affolement devant ce qu’elle comprend comme la disparition du corps de Jésus, le vol sans doute de son cadavre… elle semble loin de la foi en la résurrection de son Seigneur !
Quant à Pierre, il part en courant, il arrive au tombeau, il entre dans le sépulcre… vide… il voit le linceul resté là, il regarde le linceul et le linge qui avait recouvert la tête… il voit, mais de son constat minutieux de l’état des lieux, il ne semble rien tirer qui ait à voir avec la foi !
Et le verset qui clôt le récit… - mais que l’on n’a pas lu ! - nous dit simplement que les disciples retournèrent chez eux… et le disciple bien aimé aussi !
Nous voilà sans doute plus à l’aise pour avouer nos interrogations, nos perplexités face au mystère de la résurrection de Jésus.
Mais notre Evangile n’en reste pas là … n’en restons pas là, nous non plus…
Jean nous fait remarquer que ces interrogations des disciples ne restent pas dans le secret de leur cœur, tous, ils partagent : Marie va le dire aux disciples, et ils vont ensemble au tombeau… et ils regardent ensemble et ils cherchent ensemble… et la suite de l’Evangile nous dira que leur recherche se poursuit, que Marie reste au tombeau et se penche pour regarder… il continuent de chercher, ils sont en marche, ils sont en route… ils sont en quête de leur Seigneur et c’est bien là ce qui nous est simplement demandé aussi : être à l’écoute, en recherche, en chemin…
Et l’Evangile nous indique aussi et surtout le lieu essentiel de la recherche : les Ecritures, toutes les Ecritures… c’est là qu’il s’agit de voir – l’Evangile reprend le mot –, de voir qu’« il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » ! Oui, voilà bien l’essentiel : nous savons où chercher, que lire, relire et méditer : les textes de notre Bible ; il est grand temps – et ce n’est jamais complètement fait ! – de lui donner le pas sur toute autre lecture… si nous voulons être tout simplement disciples des Apôtres, disciples de Jésus !
Et dans cette quête de Dieu, la communauté devrait être le lieu primordial du partage, peut-être pas d’abord de notre foi, mais de nos questions, de la recherche de Jésus, de l’interprétation des Ecritures… c’est de là qu’il faut partir : il faut courir ensemble, regarder ensemble, chercher ensemble…
Oui, dans notre quête du Ressuscité, les Ecritures sont le lieu essentiel, indispensable où il faut chercher ensemble autant que possible.
Oui, alors, mais alors seulement, nous pourrons demeurer en chemin et faire, au jour que Dieu voudra, l’expérience personnelle de la venue de Jésus, le Ressuscité, à notre rencontre… au cœur de nos vies !
En cela aussi, il faut suivre Marie de Magdala, qui va reconnaître son Maître bien-aimé dans celui qu’elle croit d’abord être le jardinier !
En cela aussi, il faut suivre Pierre, qui fera l’expérience de la rencontre du Ressuscité, celui qu’il a renié et qui le remettra dans l’assurance, et de son pardon et de son secours, toujours offerts.
En cela aussi, il faut retrouver le disciple bien-aimé, et apprendre avec lui, à voir et à laisser la foi envahir notre cœur, car elle est un don gratuit de Dieu !
Amen.