Homélies
Liste des Homélies
Année C – 2° Dimanche de Pâques – 24 Avril 2022
Act 5 12-16 ; Ap 1 9-19 ; Jn 20 19-31 ;
Homélie du F. Damase
En ce dimanche Octave de Pâques,
je voudrais axer cette homélie sur les deux derniers versets,
que nous venons d’entendre,
Les voici :
« Il y a encore beaucoup d’autres signes
que Jésus a faits en présence des disciples
et qui ne sont pas écrits dans ce livre.
Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez
que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu,
et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom » !
Voici donc une conclusion du 4° évangile en « bonne et due forme ».
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Tout d’abord, on peut remarquer que Jean est le seul évangéliste
qui s’est expliqué sur l’intention de son œuvre dans une conclusion.
Il indique ainsi le but à la fois théologique et pastoral de son Evangile.
De plus, remarquez que nous sommes au chapitre 20,
et qu’ il y aura encore un dernier chapitre 21 !
Nous avons ici la conclusion primitive de l’évangile de Jean
et les derniers rédacteurs ont tenu à la respecter.
Cela nous montre que l’évangile n’a pas été composé d’un seul trait,
il a connu des étapes rédactionnelles successives,
et les auteurs veulent que leurs lecteurs, et
nous-mêmes au 21° siècle , nous le sachions et en tenions compte ;
le chapitre 21 est une nouvelle conclusion à cet évangile, rédigée plus tard.
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Voyons maintenant quels sont ces « autres signes » dont parle notre texte ?
Ce mot « signe » se réfère à l’ensemble des actes effectués par le « Jésus terrestre ».
Mais d’habitude, Jean réserve le mot signe aux récits de miracles ?
En fait, il veut nous faire saisir ici
que toute l’histoire racontée dans l’évangile est comme un signe
conduisant à la découverte de la véritable identité du Christ,
et donc à la foi.
Ce caractère de « signe » de l‘histoire racontée
est clairement affirmé au dernier verset :
« Ces signes ont été écrits pour que vous croyiez » !
Un autre terme est à souligner :
« ces signes ne sont pas écrits dans ce livre ».
Jean appelle son évangile « un livre » :
C’est la seule attestation de ce terme dans le Nouveau Testament !
Ainsi pour Jean, à côté des Ecritures existantes lorsqu’il écrit,
(c’est-à-dire ce que nous appelons l’Ancien testament),
est en train de naitre une nouvelle Ecriture,
destinée à devenir le livre de foi des chrétiens :
le Nouveau Testament.
Jusque- là les paroles et les gestes de Jésus ont été transmis oralement
et voici qu’ils sont mis par écrit ;
Jean nous transmet un texte donc, écrit dans le passé,
mais dont la lecture reste proposée aujourd’hui à tout lecteur.
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Relisons maintenant le dernier verset :
« ces signes ont été écrits pour que vous croyiez
que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu,
et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom »
Tout d’abord, il précise le but pratique de l’évangile :
il vise à susciter la foi des croyants
En second lieu, il précise l’objet de la foi des croyants :
Jésus est le Christ, le Fils de Dieu.
Dieu lui-même qui s’est manifesté aux hommes.
En troisième lieu, Jésus Fils de Dieu est le « Sauveur des hommes ».
Il conduit les hommes à la vraie vie –
Une vie contre laquelle la mort ne saurait prévaloir !
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En Conclusion – ces deux versets sont primordiaux pour notre vie chrétienne d’aujourd’hui
Les Evangiles sont le « livre de foi » des chrétiens ;
L’histoire de Jésus est racontée pour appeler à la foi
C’est un Nouveau Testament, c’est-à-dire une nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes
Ce récit a un caractère de signe –
il renvoie au miracle véritable : le Mystère de l’Incarnation,
la pleine révélation de Dieu dans le Visage de Jésus terrestre !
Ainsi, nous sommes interpellés aujourd’hui par le projet de Dieu pour nous, les hommes !
665 mots
Année C - Dimanche de Pâques - 17 avril 2022
Ac 10 34-43 ;Col 3 1-4 ; Jn20 1-9
Homélie du P .Benoit Andreu moine de Fleury
« Christ est ressuscité ! il est vraiment ressuscité ! » Depuis la nuit dernière, avec cette exclamation, avec nos alléluia, le point d’exclamation est devenu la ponctuation normale et joyeuse de nos rencontres.
Pourtant l’évangile ne semble pas aller à si vive allure : à l’aube de Pâque, le tombeau vide est d’abord un grand point d’interrogation. Il est même une question dramatique pour Marie-Madeleine : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Les disciples, à leur tour, courent vers le tombeau vide, ils courent vers sa question à laquelle seul Jean, pas même Pierre, entrevoit une réponse : « Il vit et il crut ». Mais cela même n’a pas suffi à écarter tout désarroi. Aussitôt après le récit que nous venons d’entendre, l’évangile nous montre Marie en larmes, désemparée, près de la tombe ; puis, au soir, les disciples enfermés, toutes portes closes, dans leur peur.
Ce cheminement désemparé des disciples nous interroge : à quel moment la résurrection du Christ devient-elle pour moi, réellement, une bonne nouvelle ? Quand devient-elle cette vie qui tire ma vie des larmes et de la peur ?
Les évangiles le disent bien : le véritable tournant pascal, pour les disciples, n’est pas la découverte du tombeau vide, mais la rencontre du Seigneur ressuscité. Car si Jésus ressuscité ne venait à notre rencontre, sa résurrection serait certainement une échappée glorieuse loin de la tombe, mais finalement, aussi, loin de nous-même. Si Jésus ressuscité ne venait à notre rencontre, nous n’aurions pas trop d’une vie pour pleurer, avec Marie-Madeleine, devant le tombeau vide, devant l’absence terrible de celui qui nous a aimé, puis s’en est allé.
Oh certes, nous n’aurions pas tout perdu. Nous garderions son souvenir, nous garderions ses paroles ; nous garderions de la Pâque le signe d’un Amour qui s’est donné jusqu’au bout et nous appelle à faire de même, d’une vie plus forte que la mort. Bref, nous garderions de la vie de Jésus un enseignement profond, une morale et une doctrine magnifiques. Magnifiques, certes, mais devant lesquelles nous resterions bien seuls. Seuls devant des exigences qui, de toute évidence, dépassent et notre esprit et notre bonne volonté. Un christianisme qui ne serait qu’une morale et une doctrine, un savoir et un devoir, est un tombeau vide devant lequel nous ne pouvons connaître que les larmes et la peur, à moins, et c’est pire, de s’y installer, de refermer sur nous-même la pierre du tombeau, sur nos idées et sur notre bonne conscience, au lieu de nous élancer depuis son ouverture pascale vers le Christ vivant, débordement toujours inouï de sens et de vie et d’amour, qui dépasse tout ce que nous croyons savoir et savoir faire.
Nous sommes appelés à vivre de la rencontre vivante, à ciel ouvert, du Seigneur ressuscité, de cet amour qui nous rejoint sans que nous l’ayions mérité ni même vraiment compris (il suffit de voir qui nous avons été au Vendredi Saint). Vers le tombeau vide, oui peut-être, il nous faut courir comme les disciples, avec quelque angoisse ; mais le Seigneur ressuscité, lui, vient à notre rencontre, et cette rencontre pascale nous dit que toujours « il nous a aimé le premier », que toujours il nous aimera le premier, aussi loin de lui nous en irions-nous.
Mais où rencontrer, aujourd’hui, le Seigneur ressuscité ? Depuis l’Ascension, le temps de ses apparitions est passé ; nous ne le rencontrerons pas comme Marie au jardin ou comme les disciples sur la route ou à la maison. Ou plutôt, si, nous pouvons le rencontrer en chacun des ces lieux, et même en chacun de nos lieux, mais différemment. La grâce pascale s’épanouit pour nous, non pas quand le Seigneur se « rend présent » comme s’il était absent, mais quand notre foi discerne qu’il était et qu’il est déjà là, vivant au plus secret de nous-même, vivant au plus vrai de nos rencontres. En tous ces lieux où nos existences se tissent dans la charité nous rencontrons le Seigneur ressuscité, et nous en sommes pour les autres la présence vivante. Cette grâce du Christ vivant en nous, cette grâce de nous donner les uns aux autres le Christ, est le don de l’Esprit. Le mystère pascal ne s’épanouit qu’à la Pentecôte.
« Christ est ressuscité ! il est vraiment ressuscité ! », c’est pourquoi dès aujourd’hui nous devons oser prier : « Viens Esprit créateur ! », viens ouvrir notre regard, viens nous tirer de nos tombeaux et nous ouvrir à la rencontre du Christ à jamais vivant, du Christ notre vie !
Année C - VIGILE PASCALE 16.04.2022
Rm 6, 3-11 ; Lc 24,1-12
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs, Le récit que nous venons d’entendre a quelque chose de rassurant, pour les croyants en chemin que nous sommes. L’évangile transmis pour faire connaitre la bonne nouvelle de la résurrection du Christ, et pour aider les hommes à croire en Jésus vivant, ne cache pas la difficulté à croire des apôtres et des disciples de Jésus, qui seront ses principaux messagers. Ils ont buté sur les propos des femmes qui leur semblèrent délirants. Ils ont douté, ils ont peiné à reconnaitre Celui qu’ils devaient annoncer ensuite. Voilà qui est rassurant, si nous pouvions craindre que l’évangile nous vendrait du rêve à bon compte. Le message qu’il porte rencontre de la résistance même chez ceux-là qui en sont les premiers témoins. Aussi ne soyons pas surpris si l’annonce de la résurrection de Jésus rencontre aussi en nous de la résistance. Car ce message vient nous chercher au plus intime de notre désir de vivre, mais aussi de nos doutes sur la possibilité effective de vivre dans l’au-delà, placés que nous sommes tous face à l’énigme de la mort. Cet homme Jésus qui est mort est-il vraiment vivant ? Et si oui qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela change quelque chose dans mon existence présente ?
Il est intéressant que cette célébration pascale, le sommet de l’annonce de la foi chrétienne, nous remette face à ces questions. Comme chrétiens, nous sommes toujours des mal-croyants appelés à grandir dans notre foi. « On devient lentement chrétien », disait notre Père Denis, avant de poursuivre quelques années avant de nous quitter à l’âge de 100 ans : « j’espère mourir chrétien ». En cette célébration, chacun de nous, moines, prêtres, laïcs, nous accueillons pour devenir davantage chrétien, la foi que l’Eglise nous transmet à travers les textes, les prières et les gestes, à travers le sacrement de l’eucharistie. Tout parle du Christ ressuscité, tout veut nous en découvrir le mystère. Celui-ci est en germe depuis les origines de la création du monde, et il est à l’œuvre aujourd’hui encore.
Ainsi les lectures entendues nous ont fait toucher du doigt, dans la continuité de la foi du peuple juif, que notre existence humaine est une œuvre bonne, et même très bonne. Oui, elle est accompagnée depuis les origines par la Parole aimante et vivifiante de Dieu. L’homme n’est pas seul, abandonné à lui-même. La résurrection du Christ vient affermir cette conviction. Elle nous offre la certitude : Dieu qui n’a pas abandonné Jésus à la mort, n’abandonnera pas l’humanité à la mort. Nous avons entendu le témoignage des amis de Dieu, Abraham, Isaac, Moïse, Isaïe le prophète, Baruch et Ezéchiel prophètes du temps de l’exil. Ils témoignent de leur confiance en Dieu qui a fait un pacte, une alliance avec l’humanité pour lui partager sa vie. Cette Alliance souvent malmenée par les infidélités du peuple trouve dans la résurrection du Christ comme un sceau indélébile. En Jésus, mort et ressuscité, l’Alliance ne sera jamais rompue. Une relation profonde est possible entre Dieu et l’humanité dès cette terre et jusque dans l’éternité. C’est la fonction du baptême chrétien de nous y introduire en nous faisant vivre déjà de la vie des enfants de Dieu. Uni au Christ, consacré à Lui d’une manière spéciale, nous expérimentons, déjà comme un cadeau, une vie nouvelle à l’œuvre en nous, cette vie qui ne cessera jamais. Cette vie ne demande qu’à se déployer en nous, et elle requiert notre engagement. Dans quelques instants, nous le rappellerons en renouvelant nos promesses baptismales. Et enfin, lorsque nous recevrons sous le signe du pain et du vin, le corps et le sang du Christ, nous nous unirons de manière particulière au Christ Vivant, pour devenir communauté de frères, appelée à partager à notre tour la vie qu’il nous offre.
Oui frères et sœurs, nous croyants toujours mal-croyants, toute la célébration que nous vivons nous parle du Christ Vivant. Christ vivant et Christ vivifiant, qui nous rend plus vivant, dès cette terre et pour l’éternité. Laissons-le agir en nous. Il ne fera rien sans libre consentement. Réjouissons-nous qu’Il nous soit donné de faire un pas de plus à sa suite, sous la conduite de sa lumière.
Année C - VENDREDI SAINT 15.04.2022
Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42
Homélie du Père Abbé Luc
Chaque vendredi saint, nous entendons le récit de la passion de Jésus selon St Jean. A la différence des évangélistes Mt, Mc et Lc, St Jn souligne davantage combien Jésus reste maitre de son destin alors même qu’il est ligoté et maltraité. Il répond au Grand Prêtre, puis il interpelle le soldat qui le gifle. Il questionne Pilate et l’invite à se positionner sur son identité de « roi des juifs » : « dis-tu cela de toi-même ? » Peu à peu, Jésus semble même prendre l’ascendant sur Pilate lorsqu’il affirme que sa royauté n’est pas de ce monde. Ou encore, quand il lui rétorque qu’il n’aurait sur lui aucun pouvoir s’il ne l’avait reçu d’en haut… Jésus ne subit en rien sa passion. Jusqu’au « tout est accompli », lui l’humilié et le condamné domine la situation. De cette manière, l’évangéliste Jean met en lumière le mystère de Jésus, lui, un homme fragile est uni de manière unique à Dieu le Père, à Dieu son Père. Au cœur de sa passion, Jésus poursuit la mission reçue : « la coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ». Jusqu’au bout, il rend témoignage à la vérité… une vérité que nous n’avons pas fini de comprendre et de connaitre. Vérité de l’homme, vérité de Dieu qui rejaillissent l’une sur l’autre. Jésus obéit à son Père et par là il donne à notre humanité une dignité sans pareil. Et lorsqu’il se laisse bafouer et finalement tuer, Jésus révèle l’humilité fondamentale de Dieu.
Cette célébration nous place au cœur de ce mystère de grandeur humaine et d’humilité divine, révélé en Jésus. C’est pourquoi en ce jour particulièrement, la liturgie nous entraine à prier avec une grande confiance pour présenter à notre Père toutes les intentions de notre humanité. C’est pourquoi, elle nous entraine à vénérer avec amour la croix sur laquelle a resplendi la lumière de ce mystère.
Année C - JEUDI SAINT - 14.04.2022
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs, Que serait une vie sans signe, sans symbole ? Serait-elle encore vraiment humaine ? Oui, notre existence humaine est ponctuée de signes, de symboles qui nous permettent de nous relier les uns aux autres, mais aussi de nous ouvrir à d’autres réalités plus grandes… je pense par exemple, au drapeau ou à l’hymne de chaque pays qui rassemble un peuple et qui véhicule dans le même temps des valeurs autour desquelles les habitants de ce pays se reconnaissent… Les textes que nous venons d’entendre et la liturgie que nous vivons ce soir nous offrent beaucoup de signes par lesquels nous sommes reliés, unis les uns aux autres, et dans lesquels nous nous reconnaissons portés par plus grand que nous et porteurs d’un mystère plus grand que nous, le dessein d’amour de Dieu pour l’humanité.
Dans le livre de l’Exode, le sang mis sur les linteaux des portes est un signe. Et de manière un peu étonnante, il est un signe non pour les hommes mais pour Dieu. En voyant ce signe, Dieu préservera son peuple du fléau destiné aux premiers nés des Égyptiens…Le peuple juif est alors invité à faire mémoire d’âge en âge et jusqu’aujourd’hui, de ce geste sauveur de Dieu, expression de son amour bienveillant. C’est la célébration du repas pascal où, avec les pains sans levain, l’agneau pascal immolé est mangé en famille.
Du dernier repas que Jésus prend avec ses disciples, la tradition apostolique a retenu deux signes forts que Jésus a posés : le signe du pain et du vin offert en partage à ses disciples, et le signe du lavement des pieds. Deux signes, deux gestes forts qui expriment son offrande volontaire et qui ouvrent solennellement l’heure de la passion. Le signe du pain et du vin s’inscrit dans la continuité du repas pascal juif pour mettre en lumière l’alliance nouvelle que Dieu établit avec son peuple en Jésus. C’est lui, le pain azyme, c’est lui l’Agneau pascal qui s’immole pour préserver son peuple de la mort et lui ouvrir le chemin de la vie. Le signe du lavement des pieds révèle la profondeur du don de Jésus en faveur de ses amis. Comme un esclave, lui le Maitre et le Seigneur lave ses disciples. Il les purifie, anticipant son abaissement jusqu’au sang versé qui purifiera à jamais son peuple de ses péchés. Tous peuvent désormais avoir part avec lui dans la Vie.
Signe et mémoire… Ces signes, Jésus ne les accomplit pas seulement en son temps, il invite ses disciples à en faire mémoire. Une mémoire qui est plus qu’un souvenir. On parlera alors volontiers de mémorial. En effet, comme pour le peuple juif célébrant le repas pascal, en mémoire de la sortie d’Egypte , pour nous chrétiens, le signe non seulement rappelle le souvenir de l’évènement passé, mais il manifeste que Dieu ne cesse d’agir aujourd’hui au milieu de son peuple comme il a agi autrefois. Le signe devient mémorial, c’est-à-dire célébration actuelle de l’œuvre de salut que Dieu réalise pour nous maintenant. Comme nous le prierons au début de la prière eucharistique : « chaque fois qu’est célébré ce sacrifice en mémorial, c’est l’œuvre de notre rédemption qui s’accomplit ». Profondément, le signe, qu’on appellera pour cela « sacrement », nous introduit dans l’aujourd’hui du salut. D’une manière unique dans l’année liturgique, la prière eucharistique met cela en lumière en précisant : « la veille du jour où il devait souffrir pour notre salut et celui de tous les hommes, c’est-à-dire aujourd’hui… » Oui le jour où Jésus prit son dernier repas, et ce jour où nous en faisons mémoire ce 14 avril 2022, ne sont qu’un même jour, c’est l’aujourd’hui de Dieu qui ne cesse d’être présent aux hommes pour les introduire dans sa vie.
Signe et mémoire… Quand Jésus dit à ses disciples : « faites cela en mémoire de moi » ou encore « c’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous », il fait de nous des acteurs de l’aujourd’hui du salut de Dieu. En refaisant les gestes de Jésus, désormais nous sommes tous étroitement associés à l’œuvre de Dieu. Lorsque nous célébrons l’eucharistie, chacun en vertu de notre sacerdoce commun de baptisé, il nous revient d’entrer dans l’offrande de nous même avec Jésus. En apportant le pain et le vin, nous nous offrons nous-mêmes, notre travail, nos activités, nos difficultés, notre péché, pour qu’à travers nous, le Seigneur agisse et renouvelle ce monde. Avec Jésus, nous mourons à notre autonomie suffisante pour devenir des vivants par Lui, en Lui et avec Lui. De même, à travers le signe du lavement des pieds, ce sont chacune de nos actions au service des autres qui deviennent instrument de l’œuvre de miséricorde du Seigneur en faveur de son peuple. L’humble geste du frère qui lave son frère ancien alité, le beau dévouement de la mère de famille qui prépare la cuisine et met la table, l’écoute offerte à celui qui est seul, la patience donnée pour accompagner l’étranger dans ses démarches administratives, la disponibilité pour faire les courses de son voisin… : nos vies quotidiennes sont remplies d’appels et de réponses, au service du frère et de la sœur dans le besoin. Pour eux, nous sommes alors à notre insu des serviteurs, des signes de la miséricorde de Dieu qu’il a lui-même répandu en notre cœur.
En ce soir, réjouissons-nous en célébrant l’eucharistie, mémorial des merveilles que Dieu a faites et qu’il continue de faire pour nous en Jésus mort et ressuscité, afin que nous soyons nous-mêmes instruments des merveilles qu’il désire faire pour tous les hommes et les femmes auprès desquels il nous envoie.
Année C - RAMEAUX - 10.04.2022
Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22,14 – 23,56
Homélie du P. Abbé Luc
Frères et sœurs, Après avoir entendu ce long récit de la passion, nous pouvons être comme abasourdis par la violence, la haine et le mensonge qui se sont ligués contre Jésus. Le mal fait beaucoup de bruit et il ne cède la place qu’au silence de la mort. Et pourtant, à travers tous les textes lus, se fait entendre autre chose, comme une petite voix, un murmure qui ne laisse pas le dernier mot à la sidération. C’est la voix du prophète : « le Seigneur m’a ouvert l’oreille, et moi je ne me suis pas révolté…j’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient…je sais que je ne serai pas confondu… » Nous pouvons entendre alors une préfiguration de la passion de Jésus qui ne subit pas le mal, mais qui l’assume pour lui ôter son pouvoir fatal. « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir…Ceci est mon corps donné pour vous… Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang répandu pour vous… » Jésus a consenti à se laisser prendre, maltraiter, outrager, blesser et finalement tuer. Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Ainsi au cœur du mal, il a comme inoculé l’amour, le pardon et la miséricorde. « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis… » Avec confiance, Jésus se remet dans les mains du Père qui le ressuscitera. Durant la semaine qui vient, méditons ce mystère de mort et de vie. Laissons-nous transformer par lui, afin que grandisse et fructifie en nous l’espérance que la vie du Ressuscité est plus forte que le mal et la mort.
OBLATION REGULIERE DE F. GUY EYSSERIC - 4° Dim de Carême - 27.03.2022
(Jos 5, 10-12 ; 2 Co 5, 17-21; Lc 15, 1-3, 11-32)
Homélie du Père Abbé Luc
Frère Guy,
Au début de cette eucharistie, alors tu feras dans quelques instants ton oblation régulière, nous avons demandé pour toi au Seigneur que la grâce de ton baptême s’épanouisse dans toute sa plénitude, à l’école de St Benoit… Depuis que le Christ a merveilleusement réconcilié le genre humain avec son Père, tel est notre but, quel que soit nos vocations : donner à notre existence de fils et fille de Dieu toute sa plénitude. Quel que soit notre âge, l’appel demeure : devenir davantage des fils et filles de notre Père des Cieux, et inséparablement devenir davantage des frères et sœurs en Christ…
L’évangile que nous avons entendu, se présente comme une magnifique parabole de ce chemin de croissance filiale et fraternelle sous le regard de tendresse de notre Père des Cieux. Sous le regard de notre Père des Cieux, devenir fils, devenir frère.
Sous le regard de notre Père des Cieux. Au cœur de cette parabole, le père est le principal protagoniste. De bout en bout, il est celui qui donne : il partage ses biens au fils qui veut partir, il l’accueille à son retour dans un débordement de tendresse, pour lui redonner sa dignité de fils…Le père donne aussi au fils resté, en lui partageant tout ce qu’il est et tout ce qu’il a… Le père est aussi celui qui espère toujours. Sa longue attente patiente manifeste la profondeur de son amour. De même, il espère en son fils resté. Il sort pour le supplier afin qu’il entre dans sa joie et celle de toute la maison. F. Guy, en choisissant la vie monastique, tu as reconnu cet amour du Père, comme un amour qui te précède et qui désire te faire vivre. St Benoit présente sa règle comme « l’instruction d’un père qui nous aime… qui daigne nous compter au nombre de ses fils » (Prol 1, 5). Ensemble, nous voilà placés sous cette lumière d’un père qui nous attend patiemment (Prol 37) parce qu’il est bon (RB 7, 37), et qu’il désire nous ouvrir peu à peu à la vie de son amour, « cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte » (RB 7, 67).
Devenir fils... Le fils qui part a peut-être pensé que devenir pleinement soi-même consistait à couper tout lien de dépendance pour s’assumer sans rien devoir à personne. Mais cette voie menée dans une vie de plaisir s’avère être une impasse. Et au cœur de sa vie de misère, ses yeux s’ouvrent. Dans sa déchéance, il prend conscience de sa dignité perdue de fils, réduit qu’il est à être moins bien nourri que les ouvriers de son père. Il prend le chemin du retour vers son père, n’estimant rien devoir demander, sinon le statut d’un ouvrier. Et il fait l’expérience qu’être fils ne se mérite pas. C’est un don gratuit, le don gratuit de l’amour surabondant d’un père qui l’attend. Le vêtement, la bague au doigt, les chaussures, et le festin lui redonnent sa dignité, fruit d’un amour qui n’a jamais fait défaut. Paradoxalement, le fils resté à la maison, et jaloux de son frère qui revient, se révèle lui aussi pas vraiment fils. Il regrette de n’avoir pas eu un chevreau pour festoyer avec ses amis, mais il n’a pas vu que « tout ce qui était à son Père était à lui ». Il a vécu à côté de son père, mais sans accueillir vraiment sa vie partagée. Il n’a pas encore pris toute la mesure de sa dignité de fils. F. Guy, cette parabole nous fait pressentir combien devenir fils est un chemin. St Benoit invite le moine, à écouter, et à revenir par son obéissance laborieuse vers celui dont il s’est éloigné par une désobéissance paresseuse. Il nous laisse entendre que nous sommes tous des fils partis, qui se sont éloignés de leur père. En nous, nous portons « les marques de l’errance » pour reprendre les mots d’une hymne. Laissés à nous-mêmes, nous sommes souvent enclins à prendre des chemins de facilité. Comme le fils resté, nous aussi sommes capable d’obéir en apparence, mais sans vraiment entrer dans l’intimité de notre père, dans l’intelligence de son vouloir. Devenir fils à la suite de St Benoit, par le chemin de l’obéissance et de la conversion, est d’abord un mouvement de confiance et d’abandon à l’amour de notre Père qui nous aime. C’est aussi prendre tous les moyens qui nous sont offerts pour mieux connaitre et aimer notre Père des Cieux à travers notre application dans la liturgie, préférée entre toutes les activités, mais aussi travers la lectio, cette lente recherche d’une connaissance plus vraie, plus aimante de notre Dieu. Ainsi peu à peu accueillir notre être filial, devenir fils…
Devenir frère… Le fils parti ne s’est pas soucié de son frère resté. Ce n’est qu’à son retour qu’il peut mesurer à travers son opposition qu’il a blessé son frère ainé. Et le frère resté, qui ne comprend pas l’amour débordant du père, se ferme à son frère cadet qu’il réduit à n’être qu’un jouisseur dispendieux. Les deux frères se sont manqués. Ils ne pourront se reconnaitre que dans l’amour du Père accueille de nouveau en profondeur par chacun d’eux. La vie monastique, f. Guy, voudrait nous apprendre à ne pas nous manquer, à nous reconnaitre vraiment comme des frères, parce que fils d’un même Père des cieux. Souvent, nous sommes aveugles, et nous nous arrêtons à ce que l’un reçoit et l’autre non, à ce que l’un fait et que je ne peux faire... La jalousie, l’envie, les indélicatesses, les manques d’attention nous donnent la mesure du chantier que représente la vie fraternelle. Nous n’avons pas fini de progresser. St Benoit nous invite à entrer dans un amour fraternel fait de respect et de bienveillance lorsqu’il nous exhorte à nous prévenir d’honneur mutuels, mais aussi à supporter nos infirmités morales et physiques, c’est-à-dire en acceptant de ne pas tout comprendre de l’autre et à le porter. Il nous entraine même plus loin lorsqu’il nous demande de nous obéir mutuellement à l’envi (RB 72)….
F. Guy avec toi ce matin nous rendons grâce d’avoir été appelés à vivre notre baptême dans la vie monastique et, à cette école, d’apprendre à devenir sous le regard de notre Père des Cieux à devenir des fils et des frères. Nous le prions qu’Il nous donne son Esprit et qu’Il nous conduise tous ensemble à la vie éternelle.
ANNONCIATION DU SEIGNEUR -25.03.2022
Is 7 10-14 ; Heb 10 4-10 ; Luc1 26-38;
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Homélie du Père Abbé Luc
Frères et Sœurs,
« Le Verbe s’est fait chair ». Le Fils de Dieu est devenu pleinement homme. Fondement de notre foi chrétienne dans lequel nous confessons la proximité de Dieu avec notre humanité, on devrait dire la profonde intimité que Dieu tisse avec l’homme. Oui, depuis ce jour de la conception de Jésus dans le sein de Marie, Dieu prend au sérieux notre vie d’homme, notre vie dans la chair, dans une histoire et une culture. Jésus, le Fils de Dieu a accepté d’embrasser la condition limitée d’un homme, en assumant les étapes de sa croissance, en consentant à sa condition fragile exposée à la faim, à la soif, et finalement à la souffrance. Il a épousé la culture de son peuple, en s’inscrivant dans son histoire, en prenant place dans la lignée de David. Oui, Lui, le Fils de Dieu a pris au sérieux notre condition humaine en la faisant vraiment sienne. Pourquoi ? Pour nous apprendre à être vraiment des hommes, et pour nous partager en échange sa vie divine.
Jésus s’est révélé un maitre à part au milieu de son peuple. Il avait une autorité pour donner une parole de vie aux hommes et aux femmes de son époque. En prêchant la venue du Royaume tant espéré par son peuple, un Royaume de justice et de paix, il a révélé que la venue de ce Royaume était inséparable d’une nouvelle manière de devenir homme… Devenir pleinement humain en le suivant lui par une vie selon la justice et la vérité. Devenir humain par une vie filiale avec notre Père des Cieux et une vie d’amour avec nos frères et sœurs. Mais plus encore, devenir par l’acceptation et par l’offrande de notre finitude et de notre mort. Finalement, Jésus nous a appris à devenir pleinement humain non tant par son enseignement, que par son existence toute tournée vers ses frères et vers son Père jusque dans la mort. A ce moment absurde, il a consenti à s’offrir. Comme le dit l’épitre aux Hébreux, « nous sommes sanctifiés par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toute »… Être homme, c’est pouvoir comme Jésus faire confiance à notre Père jusqu’au dernier souffle, en s’abandonnant entre ses mains à l’impossible,
L’épitre aux hébreux, dit que par l’offrande de Jésus-Christ, nous sommes sanctifiés… La Bonne nouvelle de l’Evangile est en effet que notre devenir pleinement humain, s’il requiert de notre part un effort, est avant tout un don, un pur cadeau que nous recevons de la Croix de Jésus accomplie par sa Résurrection. Jésus a ouvert pour nous et à notre profit un chemin vers la vie éternelle, en franchissant l’impasse de la mort pour ressusciter. L’humanité qu’il a assumée s’en trouve pleinement accomplie et renouvelée. En remettant notre foi à Jésus, en nous greffant sur Lui par le baptême, en nous recevant de son corps et de son sang au cours de chaque eucharistie, nous fortifions en nous cet homme nouveau en train de s’accomplir… Un homme qui est déjà habité par la vie divine de l’Esprit, en marche vers sa transfiguration en Dieu, dans lequel il prendra part pleinement à la vie divine….
Oui ce matin, nous rendons grâce à Dieu qui a pris au sérieux notre vie humaine pour nous entrainer dans sa propre vie. Frères et sœurs, il nous reste à nous de prendre au sérieux le don que Dieu nous fait en Jésus, pour laisser dès maintenant nous laisser enseigner par lui et transformer par sa vie divine qu’il nous offre.
Année C - 3e dimanche de Carême - 20 mars 2022
Ex 3 1-15 ; 1Co 10 1-12 ; Lc 13 1-9 ;
Homélie du f. Hubert
« J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris, je connais ses souffrances. »
Frères et sœurs, Dieu voit la misère de son peuple en Ukraine, et il en souffre.
Il souffre chaque fois que l’homme se fait du mal à lui-même,
chaque fois que les hommes se défigurent et se détruisent les uns les autres.
Dieu voit aussi la misère de son peuple en Russie, victime du mensonge et de la dictature du pouvoir,
la misère de son peuple au Soudan, en Birmanie, à Madagascar, en bien d’autres lieux ;
il voit la misère de son peuple dévoré par le dieu argent,
la misère de son peuple, où qu’il soit, asservi de tant et de tant de manières…
« Je suis descendu pour le délivrer. »
Est-ce vrai que Dieu nous délivre ?
Nous voudrions bien qu’intervienne, qu’il arrête la guerre, les guerres.
Mais intervient-il dans l’histoire ?
Est-il ce dieu tout-puissant de nos imaginaires
qui tire les ficelles de nos vies et qu’il faut supplier pour que sa bonté nous advienne ?
Que veut dire prier Dieu pour la paix ?
Sans lui, nous ne pouvons rien faire,
mais lui n’agira pas sans nous.
« C’est du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses » :
prier pour que l’Esprit change les cœurs, nos cœurs, nous convertisse, est une exigence évangélique.
Nous voudrions que Dieu arrête la guerre,
mais sommes-nous prêts à ne pas guerroyer pour défendre nos droits,
pour augmenter nos possessions et notre pouvoir, quels qu’ils soient ?
Sommes-nous prêts à nous dépouiller de nous-mêmes pour que la paix advienne,
pour que nos relations humaines soient honorées plus que nos avoirs et nos gains ?
Sommes-nous prêts à nous dépouiller pour partager, pour que d’autres vivent dans la dignité ?
Sommes-nous assez humbles pour recevoir des autres,
assez respectueux pour ne pas leur extorquer leurs biens, bafouer leur dignité ?
La prière sert-elle à quelque chose, ou nous donne-t-elle seulement bonne conscience ?
Oui, la prière est la meilleure des choses
si en elle notre désir s’accorde au désir de Dieu, si elle est le creuset de notre conversion,
si elle détruit nos propres peurs, nos propres barricades,
si elle nous ouvre aux autres et à notre propre vérité d’enfants de Dieu,
tous sauvés et vivifiés par un Dieu fait homme qui se livre entre nos mains.
La prière est vraie si, le plus honnêtement possible, nous demandons l’Esprit saint pour nous-mêmes, et pour ceux qui font la guerre, et pour ceux qui la subissent.
Lui seul peut ouvrir des chemins inespérés en ouvrant les cœurs, et d’abord les nôtres.
Nous ne nous convertirons pas sans l’Esprit saint, et l’Esprit est la respiration de la prière.
Le drame de l’Ukraine peut nous réveiller de nos endormissements, de nos endurcissements,
dus à notre égoïsme,
mais faut-il attendre un tel drame pour nous convertir ?
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
Il y a urgence. En tout temps.
Comme nos cœurs sont lents à croire, à se laisser toucher par l’amour !
Dieu intervient dans l’histoire, dans nos histoires, mais il intervient comme un pauvre.
Il vient recevoir nos coups, nos meurtres, nos blessures,
tous nos mépris, nos orgueils mortifères.
Il les reçoit et ne les rend pas. Il encaisse, il bénit, il nous bénit.
Prier, sans nous convertir pour marcher comme lui a marché, n’est que vanité.
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
La conversion est urgente pour tous.
Même s’il y a des agresseurs et des agressés,
il n’y a pas les bons ukrainiens d’un côté, et les mauvais russes de l’autre,
les bonnes nations de l’Ouest et les mauvaises de l’Est, ou inversement.
Chaque homme est bon, chaque homme est blessé par le mal.
Les lignes de fractures passent non à l’extérieur mais à l’intérieur chacun de nous,
comme aussi à l’intérieur de chaque peuple.
Prions pour nous convertir, pour que l’Esprit nous donne d’être artisans de justice et de paix.
Dieu voit notre figuier qui ne porte pas de fruit, ou même qu’il en porte de mauvais.
Alors, il vient bêcher autour, mettre du fumier.
Il livre sa vie, il verse son propre sang, pour que l’arbre mortifère de la croix devienne l’arbre de vie ;
il se donne en nourriture. Il patiente. Il espère.
Il se fait homme pour être la Parole de Dieu au cœur de l’homme
et la parole de l’homme au cœur de Dieu : un oui enfin, une alliance accomplie, jamais rompue.
Oui, Dieu a vu la misère de mon peuple et il est descendu,
mais il nous appelle, il compte sur nous, il nous honore comme vrais partenaires,
il ne nous délivre pas sans nous.
Il appelle Moïse, ce petit hébreu promis à la mort dès sa naissance,
sauvé des eaux par sa mère et par la fille de Pharaon,
traité comme le fils de Pharaon, formé à toute la sagesse de l’Egypte.
Ce Moïse, il a voulu de sa propre initiative, défendre son peuple opprimé, soumis à l’esclavage.
Mais ne se référant qu’à lui-même, c’est la violence qui l’a dominé et il est devenu assassin.
La peur l’ayant fait fuir au désert, il y perd toutes ses richesses et sa suprématie.
C’est là que Dieu le rencontre, sous la forme d’un buisson en feu qui ne se consume pas.
« Va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël.
Je suis qui je suis, et je serai avec toi. »
« C’est entre nos mains que « Dieu » a placé le sort de nos semblables »,
écrivent des chrétiens dans un texte publié cette semaine dans La Croix.
Acceptons-nous d’être envoyés pour libérer nos frères et sœurs,
en commençant par nous libérer de ce qui nous empêche d’être frères ?
Prions pour que nous nous laissions saisir par l’Esprit,
pour avoir la grâce et la force d’être artisans de justice et de paix ;
prions pour que ceux qui agressent les autres – et c’est parfois nous –
se convertissent au respect et à la paix.
Dans la communion des saints, chacun de nos comportements construit ou détruit le corps entier.
Viens, Esprit Saint !
ST JOSEPH - 19.03.2022
1 Sa 7, ; Rm 4, 13, 16-18,22 ; Mt 1, 16-24
Homélie du P.Abbé Luc
Frères et Sœurs,
Un mot revient dans les trois lectures que nous avons entendu, c’est le mot « père »… Un mot si chargé de sens pour notre vie humaine et pour notre foi chrétienne. Un mot que la figure de St Joseph éclaire d’une manière singulière.
Pour le roi David, comme pour tous les rois de toutes les époques, pouvoir engendrer, et notamment un fils qui puisse reprendre le trône à sa suite, était une question vitale. Par le prophète Nathan, Dieu révèle à David qu’effectivement il aura une descendance née de lui dont la royauté sera stable. Et Dieu lui promet qu’il entretiendra une relation privilégiée avec toute sa maison, et plus particulièrement avec un membre de sa descendance : je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils… Le vrai père de la descendance, c’est Dieu.
Dans sa lettre aux Romains, Paul élargit encore la notion de paternité… Si pour tout juif, Abraham est considéré comme le père du peuple juif, héritier des promesses, Paul invite à une compréhension plus profonde. La vraie paternité d’Abraham ne s’exerce pas tant sa descendance charnelle, qu’envers tous ceux qui comme lui deviennent croyants. Abraham se révèle vraiment père sa foi en Dieu. « Espérant contre toute espérance, il a cru, et ainsi il est devenu le père d’un grand nombre de peuples ». Croire en Dieu, lui faire confiance, nous place tous comme croyant sous la bénédiction de Dieu faite à Abraham. Nous devenons ses fils.
Joseph, époux de Marie est entrainé à entrer dans une paternité toute singulière. Par l’ange entendu dans le songe, il est invité à devenir vraiment père de l’enfant que porte son épouse, un enfant qui n’est pas de lui, mais engendré de l’Esprit Saint. Il va pleinement assurer son rôle de père nourricier et d’éducateur vis-à-vis de cet enfant qui non seulement n’est pas le sien, mais qui vient de Dieu. Joseph est père, mais il s’efface devant le vrai Père, celui qui est dans les Cieux. Par sa foi qui consent à cette destinée si peu confortable, il se met au service du Fils de Dieu, Jésus, le Seigneur qui sauvera son peuple de ses péchés. Il révèle combien la paternité n’est pas un pouvoir sur l’enfant, mais un service.
En ce matin, nous rendons grâce à Dieu, en faisant mémoire de la figure de Joseph. Il est une lumière pour nous : il nous montre que la paternité charnelle n’épuise pas le mystère de la transmission de la vie. Celle-ci se vit dans le service du dessein de Dieu notre Père. Lui seul est source de notre vie présente, mais aussi de notre vie dans la foi, préfiguration de la vie à venir, lorsque nous nous tiendrons dans sa présence de gloire. Comme fils et fille de Dieu, chacun à notre place, lorsque nous croyons en Dieu et au Christ, nous sommes instruments de la transmission de la vie divine. Lorsque nous donnons à la Parole de Dieu une place toujours plus grande pour guider notre vie, au service de nos frères et sœurs, nous exerçons une forme de paternité maternité. Que le Saint Esprit nous rende disponible à cette œuvre de fécondité dont le Seigneur est l’auteur et nous les instruments pour que sa Vie se transmette pour notre bonheur et celui de ceux auprès desquels il nous envoie.