Homélies
Liste des Homélies
Année C 22e Dim Ord
Si 3/17-18,20,28-29,He 12/18-19,22-24a, Lc 14/1,7-14
Homélie du F. Cyprien
„ Accomplis toute chose dans l’humilité… Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser“.
En effet quiconque s’élève sera abaissé; qui s’abaisse sera élevé“.
L’humilité n’a pas forcément bonne presse, reconnaissons quand même que nous préférons dialoguer et négocier avec des gens „qui ne la ramènent pas „ comme on dit. Les orgueilleux, les dominateurs, ceux qui ont raison et le font sentir très fort sont parfois des malades qui n’ont pas fait l’effort de s’analyser, de chercher ce qui les font être ainsi… „La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui“. Ont-ils peur de mieux se connaitre? mais comment faire sortir le mal si on ne le démasque pas?
Quand nous sommes venus à Dieu, c’est-à-dire quand on a accès à l’amitié avec le Seigneur, la lettre aux Hébreux dit que nous nous sommes approchés du ciel, des anges, des saints, de ceux qui ont été amenés à la perfection.
Pour se libérer du mal qui nous habite tous, ne faut-il pas nous replacer dans le plan de Dieu, en vérité prendre la place qui est la nôtre et quelle est cette place ? la dernière ! …sauf que…
on ne pourra plus jamais la prendre. Jésus l’a prise… seul lui pouvait la prendre, justement pour nous montrer le chemin, Lui qui de condition divine n’a pas revendiqué le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est abaissé, prenant la condition de serviteur.
Quand Jésus propose la parabole des invités qui choisissent les premières places, il semble énoncer un conseil de bon sens, une manière de bonne éducation : la vie quotidienne est remplie de situations où ce bon sens peut être mis en application. Le respect des gens qui nous entourent nous donne l’occasion de nous effacer … donner leur place à celles et ceux qui méritent autant que nous les égards dont nous pouvons être l’objet.
Mais pourquoi Jésus parle-t-il ainsi? Pas simplement pour nous éduquer à de bonnes manières, bien sûr ! La fin de l’Evangile nous donne une clé de son propos : „Heureux seras-tu, parce que ceux que tu as invités n’ont rien à te donner en retour…“
Jésus nous renvoie à la fin des temps, à la résurrection des justes, non pas un sprint final où il y aurait des gagnants et des perdants. Il veut dire que cette résurrection des justes est l’aboutissement d’une attitude qui a reflété ce que Dieu aura toujours fait pour chacun d’entre nous : la grâce de Dieu est gratuite; l’honneur, les premières places sont acquises a priori par celles et ceux qui n’ont rien à rendre en retour, le Fils de l’Homme n’est pas venu pour les bien-portants mais pour les malades, pour les pauvres qui ne peuvent rien donner …
L’humilité ? …c’est reconnaitre que nous devons tout au Créateur; nous devons tout à Celui qui est venu pour nous sauver, et pas pour nous juger; serait-ce si difficile de reconnaitre notre dette infinie et rester à notre place les uns par rapport aux autres dans une attitude de dépendance mutuelle radicale…?
Le mal de ce monde est le mal de l’égoïsme, de l’indifférence face aux injustices. L’argent ne fait pas le bonheur, tout le monde le dit et le sait : bien peu distribuent cet argent en aumônes, beaucoup de riches en distribuent une partie…pour la bonne conscience ! Mais quand on est riche, on devient aveugle. Laissez l’argent entrer en quantité dans votre compte en banque et l’aveuglement, le mal entrent en vous en même temps.
La crise du climat, l‘urgence d’une écologie intégrale pour notre terre, c’est la chance d’une prise de conscience radicale… Pour les chrétiens c’est encore plus le moment de prendre la dernière place avec le Christ „pour sauver les âmes“, comme on disait naguère, pour aider nos frères et soeurs humains à vivre davantage dans le service mutuel et l’attention à l’autre,… donner humblement l’exemple.
Ce qui est rassurant, c’est que les chrétiens, Dieu merci, ne sont pas les seuls à vouloir changer le monde…
„Quiconque s’élève sera abaissé; qui s’abaisse sera élevé“: mot que nous connaissons bien, mais qu’il nous faut vivre en vérité…
Remarquons encore une fois que c’est ce qu’a vécu Jésus. Au moment des tentations au désert, Jésus a été tenté de s’élever et il a répondu en prenant la place de celui qui écoute la Parole, de celui qui obéit… Bien sûr c’est à la Pâque que l’abaissement et l’élévation ont connu leur plein accomplissement. Oui, f et s, accéder pour nous à la condition divine ne peut être reçu que comme un don, le contraire du geste d‘Adam et Eve, eux auxquels le serpent avait dit : „Vous serez comme des dieux“…
Prenons et mangeons le pain que Dieu nous donne, prenons le pain de la Parole, recevons de Dieu le don ineffable de la présence du Christ dans nos vies… Heureux serons-nous si notre dimanche reste illuminé par les paroles que nous avons entendues, par la communion à Jésus mort et ressuscité.
Bon dimanche, frères et soeurs.
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ASSOMPTION 2022
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-27a; Lc 1, 39-56
Homélie du Père Abbé Luc
Ces jours-ci, comme chaque année, se déroule à Lourdes, le pèlerinage national à Marie. Pour cette édition 2022, il a pour thème : « avec Marie, devenons témoins de l’espérance » … Oui, frères et sœurs, cette fête de l’Assomption voudrait nous conforter dans l’espérance pour la partager à notre monde qui en a tant besoin. Que veut dire, devenir avec Marie témoins de l’espérance ? Et quelle est notre espérance ? En regardant Marie en ce jour de fête, nous espérons que le mal et la mort n’auront jamais le dernier mot, nous espérons que notre vie terrestre sera toute entière glorifiée dans la vie divine, et nous espérons que notre corps et notre âme seront définitivement unis.
Je voudrais reprendre ces trois points.
Le mal et la mort n’auront jamais le dernier mot. Notre foi au Christ ressuscité nous assure de cette vérité, lui qui, lors de son retour, anéantira son dernier ennemi qu’est la mort. L’assomption de Marie nous le confirme. Comme la lecture de l’apocalypse le décrit de manière imagée, la femme, figure de Marie, a été fortement associée et éprouvée dans cette lutte contre le dragon figure du mal et de la mort. Ainsi Marie, au pied de la croix, a-t-elle pu être fortement déchirée devant la mort de son fils. Lui le Messie annoncé, semblait submergé par la mort. Marie a tenu bon, elle est restée debout. Etre avec elle témoin de l’espérance, n’est-ce pas nous aussi tenir bon, debout lorsque les puissances de mort et les sirènes destructrices semblent crier plus fort ? La parole de Mgr Saliège donnée courageusement à temps et à contre temps, le 13 août 1942, pour s’insurger contre la violence faite aux juifs, est un beau témoignage d’espérance. Il nous laisse un bel exemple de cette détermination face aux forces du mal qui défigurent n’importe quel être humain. Ou que nous soyons, lorsque nous nous positionnons aux côtés de celui qui est maltraité, méprisé, abandonné ou simplement laissé dans l’oubli comme un frère malade ou un ancien tout proche, nous témoignons que le mal et la mort n’auront jamais le dernier mot.
En regardant Marie, nous espérons que notre vie humaine dans sa simplicité sera glorifiée dans la vie divine. Avec elle, nous parviendrons à la gloire de la résurrection comme nous le demanderons dans l’oraison finale. Ce mot de gloire sonne peut-être étrangement à nos oreilles tant nous en pressentons la forte ambigüité. Si ce mot peut évoquer un resplendissement, ou un grand éclat de lumière en Dieu, sans bien savoir, nous pressentons qu’il s’agit de bien autre chose que nos succès ou nos grandeurs humaines. La gloire promise vient plutôt renverser l’ordre établi de nos hiérarchies de valeurs. « Il renverse les puissants de leur trône il élève les humbles, il renvoie les riches les mains vides et comble de biens les affamés… » avons-nous entendu dans l’évangile. Comme le suggère l’étymologie du mot gloire en hébreu, la gloire désigne ce qui a du poids…ce qui pèse… Qu’est-ce qui pèsera vraiment devant Dieu ? Tout l’évangile nous le dit : l’amour donné, les biens partagés et non pas jalousement conservés, une vie offerte. Ainsi Marie n’a rien fait d’éclatant. Sa vie a été la plus ordinaire qui soit, celle d’une mère de famille. Mais sa vie a eu le poids de l’amour et de la fidélité à la parole entendue. Elle ne s’est jamais départie de son oui initial donné à la parole de l’ange. Avec Marie, nous devenons témoin d’espérance lorsque nous donnons du poids au quotidien le plus ordinaire, lorsque nous soignons nos relations, nos gestes de tous les jours. Par ce soin, par cet amour par cette patience offerte, nous pressentons que rien de l’ordinaire des jours ne sera perdu parce qu’il est chargé d’amour…
Enfin, avec Marie, nous espérons que notre âme et notre corps seront unis dans la vie à venir. Dans la grâce de Jésus Ressuscité, Marie n’a pas connu la corruption du tombeau. « Commencement et image de ce que deviendra l’Eglise en sa plénitude », comme nous le chanterons, nous entrevoyons avec les yeux de la foi la profonde unité de notre être dans la vie à venir. Cette espérance est une précieuse lumière contre toutes les méprises vis-à-vis de notre être humain, profondément uni âme, corps et esprit. Elle nous redit la beauté incomparable de toute personne humaine depuis sa conception jusqu’à son dernier souffle. Entre l’écueil du mépris du corps et celui de l’oubli de l’âme, cette espérance nous redit combien l’unité de notre personne humaine sans cesse recherchée dès ici bas est promise à une plénitude. Avec Marie qui en son corps a été temple, demeure du Verbe, le Dieu Très Haut, nous pouvons devenir témoin de l’espérance que nos corps eux-mêmes temple de l’Esprit Saint, sont promis au partage de la vie divine. Dans notre manière de prendre soin de notre corps, nous manifestons sa noble destinée. Il ne s’agit pas de l’idolâtrer comme s’il était sa propre fin, mais en prendre soin pour tendre de tout notre être vers les réalités d’En Haut. Et lorsque notre corps peu à peu est dessaisi de sa propre vitalité, offrons-le. Nous serons témoins d’espérance lorsque nous résistons à l’amertume ou au découragement face à la maladie ou la perte de nos facultés, au dépit qui enferme sur soi. Avec tout notre être grandissons dans le désir d’être tout à Dieu….
Comme nous le prierons dans quelques instants, « que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire, pour que nous obtenions un jour l’héritage promis, avec tes élus, en premier lieu la bienheureuse Vierge Marie… »
Année C - 20e dimanche ordinaire (C) (14/08/2022)
(Jr 66, 4-6.8-10 – Ps 39 – He 12, 1-4 – Lc 12, 49-53)
Homélie du F. Jean-Louis
Frères et sœurs,
Il me semble que la première lecture et l’évangile de ce dimanche peuvent légitimement nous prendre à rebrousse-poil. En ce temps de vacances, nous aimerions pouvoir nous déconnecter des fracas de guerres et de violences que l’actualité nous déverse. Nous aimerions pouvoir souffler face à tous ces drames qui déchirent notre humanité.
Et voilà que la première lecture nous ramène en plein siège de ville. Ce n’est pas celui de Kiev ou de Marioupol, c’est celui de Jérusalem par le roi de Babylone, en 588 avant Jésus Christ. Le roi judéen Sédécias, après avoir fait allégeance par serment au roi de Babylone Nabucodonosor, s’est révolté contre lui. La riposte ne s’est pas fait attendre et même le secours des Egyptiens, alors alliés des Judéens, n’a pas réussi à desserrer l’étau qui entoure la ville sainte. En fait, Jérémie, le prophète, avait dénoncé la révolte de Sédécias car elle trahissait un serment fait au roi de Babylone et cette trahison ne pouvait, pour le prophète, plaire au Seigneur. Ainsi, Jérémie prônait-il la capitulation, ce qui exaspérait bien sûr les chefs de l’armée. Ils sont près d’avoir sa peau puisque même le roi ne peut s’opposer à eux et les laisse s’emparer du prophète pour le mettre dans une citerne, sorte d’oubliette, où il n’aurait plus qu’à mourir. Mais, alors que Jérémie est près de mourir, coup de théâtre : un Ethiopien, donc un étranger, va trouver le roi et obtient de lui sa libération. Et Jérémie sera ainsi sauvé au dernier moment.
Les extraits du psaume 39 qui suivent la première lecture semblent exprimer ce qu’a pu être la prière de Jérémie tant les conditions sont proches : « Le Seigneur m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue. Dans ma bouche il a mis un chant nouveau. » On peut aisément s’imaginer le soulagement de Jérémie qui échappe à la mort et sa reconnaissance envers son Dieu.
Le passage de l’évangile de Luc nous présente, lui, Jésus, dont la parole, loin de faire consensus, est cause de divisions voire de conflits. La prédication du Christ n’a rien d’une aventure tranquille telle que nous pourrions la rêver. Vie sans souci, efficacité évidente, voire écrasante de sa prédication, succès miraculeux. N’est-ce pas de cela que nous rêvons (avec énormément de bonne volonté) pour le témoignage de l’Eglise, pour notre témoignage : une parole dont la force amènerait la conversion sans hésitation de ceux qui l’entendraient ? Eh bien, force est de constater que la vision que l’évangéliste Luc a de Jésus est plus proche de Jérémie que d’un super-prophète bien dans nos rêves de maîtrise, de toute-puissance.
Jésus est bien le nouveau Jérémie, repoussé par ceux-là même à qui il vient annoncer le Royaume de Dieu. Sa parole est contredite, mal comprise, rejetée finalement. Et cela aboutira à sa mise à mort sans échapper, lui, au dernier moment. Il lui faudra traverser la mort pour pouvoir la vaincre définitivement.
Oui, la Parole du Christ n’est pas consensuelle. Elle a pu et elle peut encore amener division voire rejet entre ceux qui l’accueillent et ceux qui voudront la refuser. Et cela a dû être douloureux pour le Christ. Les pharisiens, ces amoureux de la Loi, de la Bible, eux qui passaient des heures à la méditer, n’ont pas reconnu cette Parole du Dieu unique dans l’enseignement du Christ, lui qui venait apporter l’interprétation ultime de la Loi et des Prophètes. Il y aura division entre les auditeurs, il y aura surtout rejet du Christ.
Et comme l’a écrit l’auteur de l’épître aux Hébreux à des chrétiens persécutés : le Christ a bien renoncé à la joie qui lui était proposée pour endurer la croix en méprisant la honte de ce supplice, supplice d’esclave révolté à l’époque. Et cela lui a valu de siéger à la droite du trône de Dieu. Lui, la Parole de Dieu, le Fils du Père a enduré tout cela de la part des pécheurs.
Frères et sœurs, en plein cœur de cet été, alors que nous aspirons à un peu de douceur de vivre et d’oubli des troubles de notre monde, que peuvent nous apporter ces textes ? Que peuvent-ils nous enseigner ?
Il me semble qu’il ne faut pas rêver d’une vie chrétienne authentique sans souci, sans exigence, sans conflit ni opposition. Déjà à l’égard de nous-mêmes, vivre selon l’évangile dans les relations de tous les jours implique un réel effort pour nous laisser ajuster à ce en quoi nous croyons. Peut-on être authentiquement chrétiens et ne pas se préoccuper du sort des plus pauvres ? Peut-on être chrétien et rejeter ceux et celles qui ne pensent pas comme nous ? Peut-on être chrétien et ne pas se poser de questions sur l’usage de notre argent, de nos biens ? Peut-on être chrétien et prôner un gaspillage sans fin ou un pillage de notre planète à notre profit. Je pourrais allonger la liste. La foi au Christ doit être un feu qui brûle nos évidences trop humaines.
Mais il faut accepter aussi que le fait de croire au Christ entraîne des oppositions de toutes sortes. Au fait, pourquoi ces oppositions ? Le message du Christ, dans sa radicalité, peut faire peur, choquer, gêner les certitudes bien, trop bien établies. L’enseignement du Christ peut être très dérangeant. Son attitude d’attention aux plus pauvres, aux gens méprisés de son temps peut contredire la vision d’un Dieu censé défendre l’ordre de la société. Le Christ a contredit ceux qui se pensaient établis dans la vraie religion de leur temps.
Frères et sœurs, il me semble qu’il y a toujours à se réenraciner dans l’enseignement du Christ mais aussi dans les exemples de sa vie. Méditons, comme dit l’auteur de la lettre aux Hébreux, l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité et nous ne serons pas accablés par le découragement. Revisitons l’histoire de notre Église et sachons y reconnaître à la fois les pauvretés, voire les scandales, mais aussi la Grâce de Dieu toujours à l’œuvre et qui a fait qu’aujourd’hui encore l’évangile peut être proclamé en vérité. Nous pourrons être alors encouragés. Comptons sur l’Esprit Saint pour cela. Il ne sera pas de trop pour nous aider. Notre monde a besoin d’une bonne nouvelle, de la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité. AMEN
Fête de la Transfiguration - 6 août 2022
Daniel 7, 9…14 / ps 96 / Luc 9, 28b-36
Homélie du F. Basile
La Transfiguration, qu’est-ce que c’est ? sinon la gloire d’un visage. Toute la gloire de Dieu sur le visage du Christ. St Luc décrit à sa manière ce moment unique dans la vie de Jésus ; à la différence de Marc et Matthieu, il n’utilise pas le mot de « transfiguration » Il écrit : « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre » et il ajoute en parlant des 3 disciples : « ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés »
La gloire d’un visage. Ces 2 mots pourraient nous suffire pour entrer dans le mystère de la Transfiguration, si nous pouvions y mettre tout ce qu’ils cachent. Le mystère même de Dieu qui se révèle aux hommes dans toute sa beauté.
Je ne voudrais pas en dire trop ; l’évangile est sobre. Il nous dit que cela se passe sur la montagne. Est-ce le jour, est-ce la nuit ? Combien de temps cela dure –t-il ? Pour Pierre, c’est bien trop court, il aurait voulu dresser 3 tentes, mais il ne savait pas ce qu’il disait. Au cœur de cette théophanie, il y a la nuée, l’Esprit Saint qui les couvre de son ombre, et puis la voix du Père qui s’adresse aux disciples, qui s’adresse à nous : « Voici mon Fils, celui que j’ai choisi, dit st Luc, mon bien-aimé, disent Marc et Matthieu. Et tous les 3 reprennent : « Ecoutez-le »
Il ne s’agit plus de voir, mais d’écouter. Ecouter une parole, et Jésus est bien cette parole de Dieu qui se fait chair parmi nous. Ecouter un visage. C’est l’œil qui écoute.
La gloire d’un visage, c’est donc pour nous aussi. Laisser l’Esprit dans la prière, mais aussi dans la rencontre de l’autre, nous transfigurer, changer notre visage. Pour qu’à notre tour nous puissions redonner à tout homme, à toute femme, son vrai visage. Demandons-le les uns pour les autres.
Accueil de la messe de la Fête de la Transfiguration du Seigneur - Samedi 6 août 2022
La grâce de Jésus, le Christ, notre Seigneur …
F et S, tout jubile aujourd’hui, oui, tout nous est donné en ce jour de fête de la Transfiguration du Seigneur : la grâce et la gloire, la lumière et la joie.
Nous pouvons nous unir à beaucoup de communautés qui célèbrent cette fête, commune à toutes les Eglises, Grandchamp, Pomeyrol, Bose, Taizé, je pense aussi au Foyer de Chauveroche, jour anniversaire de la chapelle de la Transfiguration et de l’Unité. Nous prenons dans notre prière tout spécialement nos sœurs de Venière qui élisent leur abbesse aujourd’hui et le P. Luc y est allé.
F et S, c’est en regardant le Christ Transfiguré, son visage rayonnant de la lumière divine, que nous pourrons peu à peu nous rapprocher entre chrétiens baptisés, et faire tomber tous les murs de séparation. Au moment de célébrer le mystère de l’eucharistie, pour que la louange et la jubilation puissent monter de nos cœurs vers Dieu, laissons-nous réconcilier, laissons-nous transfigurer en reconnaissant que nous avons péché.
Année C – 18° dimanche du Temps Ordinaire – 31 juillet 2022
Qo 1, 2 ; 2, 21-23 ; Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc ; Col 3, 1-5.9-11 ; Lc 12, 13-21) –
Homélie du F. Damase
Les textes de ce jour nous invitent à prendre du recul et à regarder ce qui fait la trame de nos existences. Ce temps de vacances est propice au dépaysement, à la rencontre, aux découvertes, à la relecture. Bref, chacun de nous peut faire le point sur l’année écoulée et sur ce qui se profile à la rentrée. C’est un temps favorable pour regarder ce qui s’est passé dans nos vies, d’heureux et d’éprouvant.
« Vanité des vanités, tout est vanité » nous dit l’auteur du livre du Qohéleth. En regardant la réalité de notre vie terrestre, il y a bien des jours où nous avons l’impression que tout est vanité, que tout va mal : épreuves personnelles, toujours les mêmes difficultés qui reviennent ; maux de toutes sortes qui plombent notre société : chômage, exclusion, guerre en Ukraine … Oui, nos existences sont un combat. « Faites donc mourir en vous, nous dit Saint Paul, ce qui n’appartient qu’à la terre … et cette soif de posséder qui est une idolâtrie ».
Et l’évangile enfonce le clou ! Jésus nous invite au détachement par rapport aux richesses : Dans la parabole, l’homme riche ne pense qu’à augmenter ses rendements, agrandir ses entrepôts, accumuler ses richesses. Il ne vit que pour lui : mon blé, mes greniers, mes biens… et il se dit : « mange, bois, jouis de l’existence ». Mais Dieu le met en garde : « tu es fou ! »... Dans le cœur de ce riche, nulle place pour les réalités d’en haut… nulle place pour les autres, nulle place pour Dieu… La perspective de sa mort imminente révèle la vanité de son existence. Et Jésus nous dit : « La vie de quelqu’un ne dépend pas de ce qu’il possède… » Il s’agit « d’être riche en vue de Dieu ».
Avec le Christ ressuscité, nous avons l’assurance que le mal est vaincu à la racine et que le Royaume adviendra. « Frères, nous dit Saint Paul, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut ». « Alors quand paraîtra le Christ, votre vie, vous aussi vous paraîtrez avec lui, dans la gloire ». Par le baptême, chacun de nous est appelé à vivre selon l’Esprit de l’Evangile, à rayonner, chacun selon ses dons, de la tendresse et de la miséricorde de Dieu, de l’esprit de paix et de justice. C’est ainsi que « l’homme nouveau » se construit et se manifeste en chacun de nous et dans le corps de l’Eglise, car « le Christ est tout et en tous » nous dit saint Paul.
Reconnaître que tout vient de Dieu, à commencer par le don de la vie, c’est nous situer à notre place, c’est battre en brèche notre égoïsme, notre orgueil, nos désirs d’accumulation… A la suite de Jésus, nous voyons bien que le sens humain et chrétien de notre existence, c’est de partager les dons reçus, dans la joie de donner, de faire grandir, d’aider quelqu’un à sortir de l’épreuve.
Concrètement, pendant ces vacances, retrouvons notre place au sein de la création, remercions Dieu pour ce temps qu’Il nous a donné de vivre. Goûtons le changement de rythme, le repos bienfaisant, les rencontres familiales ou amicales, la joie de se retrouver entre générations et de resserrer les liens. Goûtons le plaisir des sens, le soleil, la nature… Ouvrons nos yeux, nos oreilles et notre cœur pour percevoir ce qui nous est donné, pour les beaux fruits du travail des hommes, pour nous en réjouir et rendre grâce à Dieu.
Chaque matin il est bon de confier au Seigneur la journée qui vient, avec les joies et les difficultés à affronter. Alors, avec le psalmiste, nous pouvons dire :
Rassasie nous de ton amour au matin,
Que nous passions nos jours dans la joie et les chants,
Ainsi nos journées seront bien pleines de Dieu et heureuses avec les autres !
653 mots
DEDICACE DE NOTRE EGLISE - 25 juillet 2022
1R 8, 23-22, 27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19
Homélie du Père Abbé Luc
En ce jour de la dédicace de notre église, il n’est pas surprenant que les lectures choisies spécialement nous parle de bâtir et de construction, de pierres. L’un, Salomon, bâtit le temple du Seigneur, tandis que Jésus promet à Pierre qu’il bâtira son Eglise en la fondant sur lui. Et dans la seconde lecture, Pierre lui-même exhorte sa communauté à l’approcher de la Pierre Vivante et précieuse qu’est le Christ pour entrer dans la construction de la demeurer spirituelle. De l’église bâtiment à l’église assemblée, demeure spirituelle, il y a plus qu’une image, il y a un mouvement de vie. Le bâtiment fait de main d’hommes s’offre comme l’écrin d’une construction spirituelle, œuvre du Christ, sous la conduite de l’Esprit.
En fêtant la dédicace de cette église, nous pouvons rendre grâce pour le mystérieux et profond travail, par lequel le Christ agit et dans le lequel il nous associe étroitement. Pour nous, cette œuvre de Dieu, est toujours d’abord un don, avant d’être une exigence, et un envoi.
Un don. Dans sa lettre apostolique Desiderio desideravi, le pape François souligne en parlant de l’eucharistie : « la disproportion entre l’immensité du don et la petitesse du destinataire est infinie, et ne peut manquer de nous surprendre. Néanmoins, par la miséricorde du Seigneur, le don est confié aux apôtres afin qu’il soit apporté à tout homme et à toute femme » (3). L’eucharistie, centre et sommet de la vie chrétienne, atteste que tout est don de la part de Dieu qui nous a tout donné en Jésus son Fils. Dans l’eucharistie, nous sommes entrainés à rendre grâce pour la merveille réalisée en Jésus mort et ressuscité, prémice de notre propre résurrection. De même que l’autel est le centre de nos églises, de même l’eucharistie est le centre vital, la source jaillissante vers laquelle nous sommes invités à venir puiser, là tout est donné : la parole qui éclaire, le pain et le vin qui vivifient, la communion fraternelle qui console et l’assurance pour témoigner. Jour après jour, nous pouvons revenir prendre appui sur le Christ, pour tout recevoir de lui, et peu à peu mieux comprendre et vivre de sa vie à Lui…
L’œuvre de Dieu qui nous rassemble dans nos églises de pierre est encore exigence, ou appel…C’est l’exigence de consentir à être là, et bien là pour nous livrer par l’écoute, par notre présence active à l’œuvre de l’Esprit. Pour nous moines, St Benoit résume cette exigence : « que votre esprit concorde avec votre voix » (RB 19, 7). Notre principale ascèse est surtout celle de l’attention, une attention qui consent à s’ouvrir à la beauté des chants, à la singularité des paroles dites, au silence, ou encore à la simplicité des gestes. Rien de ce qui se passe dans l’action liturgique, à la messe, à l’office ou dans la célébration des sacrements n’est anodin. Une richesse de sens et de symboles se déploie qui requiert notre réceptivité. C’est un appel et une exigence que nous recevons toujours comme une grâce. Cette grâce est manifesté et offerte généreusement dans la salutation initiale : « le Seigneur soit avec vous », « la grâce de Notre Seigneur, l’amour de Dieu le père et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous » … Une grâce que nous, les moines, demandons aussi au début de chaque office : « Dieu vient à mon aide… »
L’œuvre de Dieu est enfin toujours un envoi… Chacune de nos eucharisties se concluent avec cette adresse : « Allez dans la paix du Christ »… Le Seigneur nous dit : « Allez soyez des porteurs de la paix du Christ dont vous avez été gratifiés… Témoignez de cette paix par toute votre vie. Ainsi, vous poursuivrez au-delà des murs l’œuvre de communion qui a commencé. La nouvelle traduction liturgique a remis en valeur une autre formule que nous n’utilisons pas encore… « Allez porter l’Evangile du Seigneur »… Elle exprime bien le dynamisme missionnaire dans lequel nous fait entrer chaque eucharistie. L’œuvre de Dieu initiée durant la célébration se poursuit dans la vie quotidienne.
En cette eucharistie, laissons-nous façonner par le Christ, prêtons-nous à son œuvre…
HOMELIE du 17ème dimanche du TO (Année C) – 24 juillet 2022
(Genèse 18, 20-32 ; Colossiens 2, 12-14 ; Luc 11,1-13)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Les textes de la liturgie de ce dimanche nous invitent à parler de la prière. Mais plutôt que d’un discours ou d’un traité sur la prière, puissent-ils susciter et entretenir en nous le goût et le désir de prier, en sachant bien que nous ne pouvons qu’accueillir la prière que comme un don et une grâce venus de l’Esprit Saint. Ainsi que se termine notre passage d’évangile avec la recommandation de Jésus à ses disciples : « si vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père qui est aux cieux donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
La 1ere lecture est un exemple de prière d’intercession, sous la forme d’un marchandage d’un homme avec Dieu dans une mentalité très proche-orientale. Abraham entreprend une démarche de sauvetage en faveur d’un membre de sa famille, Loth, qu’il considère comme un juste, mais qui habite une ville de pêcheurs et il a l’audace de rappeler à Dieu ses devoirs de pardon et de miséricorde. « Faire mourir le juste avec le coupable, loin de toi d’agir ainsi, toi qui juge selon le Droit ». Comme le fera aussi Moïse, un autre grand modèle de priant de la Bible, intercédant pour son peuple après le péché du veau d’or, Abraham est le modèle de priant même pour les païens de Sodome et Gomorrhe qui ont gravement péché. Ce qui est conforme à sa vocation. Abraham est porteur d’une bénédiction au profit de toutes les familles de la terre. Avec lui, la prière s’élargit à la dimension de l’humanité toute entière, ce qui vaut bien sûr pour nous aussi, quand nous prions.
Le psaume chanté en répons est lui, un modèle de prière d’actions de grâces : « de tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce. Tu as entendu les paroles de ma bouche. Je rends grâce pour ton amour et ta vérité, car tu élèves au-dessus de tout ton nom et ta parole. Je te chante en présence des anges, vers ton temple sacré, je me prosterne. »
Le passage de la lettre de Saint Paul aux Colossiens, en seconde lecture, même s’il n’est pas une prière peut être entendu comme une louange et une action de grâce aussi pour le salut apporté par le Christ sur la Croix. Dieu nous a donné la vie avec le Christ. Il a pardonné toutes nos fautes. Il a effacé et annulé le bille de la dette qui nous accablait, en le clouant sur le bois de la Croix. Victoire définitive de l’Amour sur la haine, de la Vie sur la mort. Confession du Mystère pascal qui doit accompagner en profondeur chacune de nos prières personnelles et communautaires, si elles sont chrétiennes, christiennes.
Avec l’Evangile, nous retournons à l’école avec Jésus comme éducateur. Nous sommes des apprentis, à l’écoute non plus d’un prophète, comme Jean-Baptiste, mais d’un maître priant lui-même, aux yeux de ses disciples. Jésus accepte de livrer le contenu de sa prière. Pour l’évangéliste Luc, elle tient en 5 formulations sur le Nom, le Règne, le Don du pain quotidien, le Pardon des offenses, l’éloignement de la Tentation.
Jésus n’a pas inventé les mots de cette prière. Ils viennent tout droit de la liturgie juive, et plus profondèment des Ecritures. Ils portent le poids de la Révélation progressive de Dieu à son peuple. A commencer par le premier : père, Notre Père. Déjà Isaïe proclamait : « c’est Toi, Seigneur, qui est notre Père, notre Rédempteur depuis toujours ». Et cette paternité de Dieu est attestée à bien d’autres endroits de l’Ancien Testament.
Le nom de Père est inséparable de sa Sainteté. Dire que Dieu est Saint, 3 fois Saint, c’est dire qu’il est l’au-delà de tout. Nous ne pouvons rien ajouter au Mystère de sa Personne, car le nom représente la Personne. Que ton nom soit sanctifié équivaut à dire : fais-toi reconnaître comme Dieu.
Dire ensuite que son Règne vienne, c’est reconnaître Dieu comme Roi, roi de l’Univers : et nous, ses créatures, nous reconnaitre comme les ouvriers de ce Règne. Nous attendons avec impatience et dans le labeur que se réalise la bienheureuse espérance de l’avènement définitif de cette Royauté déjà à l’œuvre , sous l’action de l’Esprit Saint.
Les 3 autres demandes (4 chez Saint Matthieu) concernent notre vie quotidienne. Donne-nous, pardonne-nous, ne nous laisse pas entrer en tentation. La demande du don du pain chaque jour renvoie à l’expérience de la manne au désert. Celle du pardon des offenses à l’expérience de l’inlassable miséricorde de Dieu envers les pêcheurs. Celle de la tentation à la menace très réelle du Malin toujours prêt à vouloir nous faire tomber et nous faire douter de l’Amour de notre Dieu, à nous décourager.
La prière du Notre Père est ainsi tout à la fois action de grâces et demandes. Il en est de même de la prière des Psaumes, ce livre de louanges et de cris de supplications qui accompagne nos offices et notre liturgie. Notons pour terminer comme pour commencer que cette prière si personnelle est prononcée à la 1ère personne du pluriel, en « nous ». C’est à un groupe de disciples que Jésus apprend à prier. Le « je » des Psaumes est toujours celui d’un « je communautaire ».
Cela signifie que lorsque nous prions nous ne sommes jamais seuls, isolés dans des bulles. Nous prions en communion avec des frères, en solidarité avec l’humanité, avec l’Eglise mélangée de saints et de pêcheurs.
Frères et sœurs, ne rabâchons pas cette prière si essentielle à notre foi chrétienne. Que la célébration de l’eucharistie qui nous la fait réciter avant la communion soit pour nous aujourd’hui l’occasion de vivifier notre proximité avec Jésus qui nous l’a enseignée. Et le rejoindre ainsi dans Sa proximité avec Son Père où il désire nous entraîner.
Année C - 16e DIMANCHE T. O. 17-07-2022
Gen 18 1-10 ; Col 124-28 ; Luc 10 38-42
Homélie du F.Hubert
Depuis le début de son pontificat, le pape François ne cesse de nous inviter à « prendre soin » : prendre soin de tous – des plus fragiles en particulier –
mais de tous, et jusqu’à la création tout entière.
Prendre soin de nous-mêmes, prendre soin du Christ, en nous et dans les autres.
J’avais été étonné de son homélie du 19 mars 2013, lors de son installation comme évêque de Rome :
il invitait les chrétiens, et même tous les hommes, à être « gardien » à l’exemple de st Joseph
dont c’était la fête :
« garder les dons de Dieu »,.
« avoir soin de tous, disait-il, de chaque personne, avec amour,
spécialement des plus fragiles qui souvent sont dans la périphérie de notre cœur. »
Au fil des ans, il n’a cessé d’insister sur ce thème : prendre soin,
et j’ai compris combien c’était évangélique,
combien c’est ce que Dieu fait pour nous, jusqu’à nous envoyer son Fils pour prendre soin de nous.
Marthe, qui nous est présentée par st Luc ce matin comme un contre-modèle,
est bien « sainte Marthe »,
et il ne faut sûrement pas l’enfermer dans le récit que nous venons d’entendre,
mais telle que ce récit nous la présente, elle est la figure de celle qui se replie sur elle-même :
elle met, à ce moment-là, et sa sœur et Jésus, à la périphérie de son cœur, de son souci.
Elle n’est plus disponible, elle n’écoute plus le désir de l’autre.
De quoi Jésus a-t-il besoin ? De quoi Marie a-t-elle besoin ?
Enfermée dans son souci, ses comparaisons, sa jalousie,
elle en oublie où est la Source qui la visite.
Elle se détourne de la joie d’accueillir Jésus, de l’avoir chez elle.
Certes, il faut offrir un repas à Jésus et sans doute à ses disciples, et Jésus ne boude pas les fêtes, mais la fête, c’est d’abord la rencontre.
Et Jésus, Parole de Dieu, nous apporte un au-delà absolu de notre vie quotidienne :
laisserons-nous passer un tel don ?
Marthe, à ce moment de sa vie, ne regarde plus, n’écoute plus.
Elle murmure, elle compare, elle se plaint.
Pourrait-on dire aussi que Marie ne se préoccupe pas de Marthe,
que peut-être elle est « dans sa bulle »,
indifférente à ce qui se passe autour d’elle, indifférente au travail de sa sœur ?
Mais st Luc nous dit qu’elle était « assise aux pieds du Seigneur et écoutait sa parole » :
c’est l’attitude du disciple – qui, du reste, était à l’époque réservée aux hommes –
elle était ouverte, accueillante,
recevant comme une bénédiction la présence et la parole vivifiante de Jésus.
« L’homme n’a pas besoin seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
Quand la Parole se fait chair et est là au milieu de nous,
qu’y a-t-il de plus nécessaire, de plus fructueux et de plus heureux, que de l’écouter ?
Jésus est là aujourd’hui au milieu de nous,
et la liturgie, vient de nous rappeler le pape dans une très belle lettre
que je vous conseille de lire et de méditer, n’a d’autre but que cette rencontre avec Lui, vivant.
« La liturgie nous garantit la possibilité [de la rencontre du Verbe fait chair], écrit-il.
Nous avons besoin de pouvoir entendre sa voix, de manger son Corps et de boire son Sang.
Nous avons besoin de Lui.
Dans l’Eucharistie et dans tous les Sacrements,
nous avons la garantie de pouvoir rencontrer le Seigneur Jésus
et d’être atteints par la puissance de son Mystère Pascal.
Dans la dernière Cène, Dieu va jusqu’à désirer être mangé par nous. »
Marthe voulait nourrir Jésus, mais le désir de Jésus est bien plus grand :
il veut se donner lui-même à manger.
« J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous. »
C’est lui la Pâque, et nous la recevons aujourd’hui dans cette eucharistie.
Ne manquons pas d’entrer dans le mystère pascal, de recevoir le Christ pour devenir Lui.
L’homme a besoin aussi de la parole des autres, de leur présence aimante et attentive.
On nous rappelait cette semaine en communauté, qu’un bébé nourri correctement
mais sans amour, sans relation, sans parole aimante, est voué à la mort.
Marie a besoin de la parole de son Maître et Ami.
Jésus lui aussi a besoin d’être accueilli dans la spécificité de ce qu’il apporte, lui, la Parole de Dieu,
et si personne ne la reçoit, que lui importe d’être nourri matériellement l
Il nous était dit aussi : les relations, c’est l’espace même de notre existence humaine.
Comment vivons-nous nos relations ?
Quelle place donnons-nous à l’autre, à ses attentes, à ses désirs, à son chemin d’humanisation ?
Lors de l’enterrement de sa mère, une jeune femme témoignait :
« Tu te mettais sur « pause » pour accueillir l’autre et lui être ainsi pleinement disponible,
car rien n’était alors plus important…
Tu nous as appris que l’Amour ne se dose pas, mais se donne, et se donne encore… »
« Il franchit ton seuil comme une promesse l’hôte que tu reçois sans le reconnaître.
Ouvre ta maison, c’est lui qui t’invite au festin de l’Esprit ».
Je termine en reprenant une phrase du père abbé lundi dernier lors de la St Benoît :
« Tout ce que nous vivons n’a de sens que si nous le vivons en présence du Seigneur et pour lui. »
Que ste Marie et ste Marthe nous conduisent à la vraie rencontre du Christ !
SAINT BENOIT 2022
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Il nous est bon de réentendre en ce jour de la St Benoit les béatitudes. Cet évangile peut tous nous aider à remettre nos horloges à l’heure du bonheur selon Dieu. Jésus nous redit, si nous sommes tentés de chercher le bonheur uniquement en ce monde, que le bonheur est devant nous. C’est une bonne nouvelle qui est source d’espérance Elle est aussi une invitation à un changement continuel de regard. Spontanément en effet, nous pensons que sont heureux ceux qui sont sûr d’eux-mêmes, forts de leurs compétences et de leurs convictions, ceux qui savent s’affirmer. Jésus nous révèle que le bonheur appartient à ceux qui sont pauvres de cœur, aux doux, à ceux qui ne s’appuient pas sur eux-mêmes. Spontanément, nous pensons que sont heureux ceux qui rient tout le temps ou qui ne perdent jamais la face. Jésus proclame heureux ceux qui pleurent parce que leurs larmes disent la fugacité du monde qui passent. Leurs larmes ne sont pas perdues devant Dieu, il les consolera. Spontanément nous pensons trouver le bonheur lorsque nous cherchons à éviter les conflits, ou à faire en sorte qu’il n’y ait pas de vagues, au prix parfois de compromissions plus ou moins avouées. Jésus proclame heureux à l’inverse, les assoiffés de justice, les artisans de paix, les persécutés pour la justice, ceux qui ne lâchent pas le morceau au nom de la vérité. Spontanément nous cherchons à éviter les personnes de mauvaises réputations, celles qui ont des comportements hors normes voire très déviants ou coupables. Jésus vient libérer notre étroitesse de cœur en proclamant heureux avant tout les miséricordieux, les cœurs qui savent rejoindre la misère, les cœurs dont la pureté échappent à leur propre yeux…. En nous entrainant dans ce continuel déplacement du regard, du cœur, Jésus nous ouvre le chemin du bonheur, le sien… ce bonheur qui déjà aperçu, goûté ici-bas, donnera toute sa mesure dans le Royaume.
Avec sa règle, St Benoit nous aide nous moines, à ne pas nous tromper de bonheur. Elle vient sans cesse questionner notre tendance à nous installer dans le confort, dans nos succès, ou dans nos sécurités. Elle nous entraine sur la voie de l’amour qui celle d’une rencontre, la rencontre avec le Christ toujours préféré, honoré par la première place donnée à la prière, et servi dans l’attention portée au frère. Sur ce chemin de bonheur là, il ne nous faut pas être surpris s’il n’y a pas trop de tranquillités. Ce bonheur-là est dérangeant par nature, puisqu’il vient élargir notre cœur. Il vient déployer nos capacités à aimer et à nous donner. La cloche qui appelle vient souvent nous déranger dans nos activités. Elle nous rend cet immense service de nous rappeler que tout ce que nous faisons n’a de sens que si nous le vivons en présence du Seigneur et pour lui. Le frère qui demande quelque chose nous rend ce service de nous sortir de nous-mêmes, de l’illusion d’être le centre du monde. Jour après jour, nous sommes entrainés sur ce chemin du bonheur qui, aussitôt aperçu nous échappe. Car il demande d’être cherché encore, pour être sans cesse accueilli comme un cadeau, jamais comme une conquête, encore moins comme un dû. Honnêtement, il nous faut le reconnaitre, ce n’est pas toujours facile et même exigeant. Quand viennent les contrariétés, les oppositions, les échecs, ne nous décourageons pas parce que nous ne trouvons pas le bonheur dans une vie calme. Tournons-nous avec foi vers le Christ qui peut seul nous révéler le prix de la patience, de la douceur et de l’humilité. Nous qui sommes renés en Lui par notre baptême, il nous offre déjà sa grâce et sa force. En cette eucharistie, confions-lui tous nos soucis et demandons-lui la grâce de savoir les porter avec lui, pour lui.
Année C - 15eme T Ord C - 10juillet 2022
Dt 30/10-14, Col 1/15-20, Lc 10/25-37
Homélie du F. Cyprien
« … cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces »
« … Jésus dit au Docteur de la Loi : Fais cela et tu vivras.
« Les paraboles ne nous disent pas ce qu’est le Royaume : elles nous orientent vers des images que nous avons parfois du mal à accorder, vers …ce à quoi le Royaume de Dieu est semblable : « Le Royaume de Dieu est semblable à…
Images déroutantes, par exemple : les ouvriers de la 11e heure, ceux qui viennent travailler en fin de journée, les convives recrutés dans la rue pour le festin des noces, l’homme qui va vendre tout ce qu’il possède pour acheter une perle…tout ce qu’il possède… !
Cette fois-ci c’est la parabole du Bon samaritain, un bon samaritain, expression que beaucoup emploient maintenant sans savoir d’où elle vient… Un samaritain est mis en exemple : et pour un « bon » juif, le samaritain est un idolâtre, un hérétique, une personne peu fréquentable…surtout à ne pas fréquenter !
En saint Luc il y a un autre samaritain, un lépreux, celui qui des neuf autres lépreux guéris par Jésus est le seul à venir Le remercier d’avoir été guéri…
Dans cette parabole aujourd’hui le samaritain fait quelque chose de très bien… en opposition au prêtre et au lévite qui se dépêchent d’aller à leurs occupations, sans se soucier du malheureux, blessé au bord de la route.
Je note que le docteur de la Loi qui parle avec Jésus veut le mettre à l’épreuve et montrer aussi qu’il est un homme droit : il pose une bonne question : « Et qui donc est mon prochain ? ». Il avait déjà bien répondu à propos du premier commandement (« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu…tu aimeras ton prochain ») ; il a besoin d’en savoir plus. Et Jésus dans sa bonté le met sur le chemin…
Et il répond comme à son habitude …en racontant une histoire, celle du voyageur tombé aux mains des brigands
.
L’avantage de la parabole, de l’histoire racontée, c’est qu’elle nous met dans une situation bien réelle, non pas d’abord pour comprendre, comme serait une réponse satisfaisante de Jésus à une bonne question du docteur de la Loi ! …
Il est normal de chercher à savoir ce qu’il faut faire. Mais la parabole, l’histoire racontée évoque une situation concrète ; elle nous oblige à nous imaginer nous-mêmes dans une situation semblable.
Et Jésus fait comprendre ainsi qu’il ne s’agit plus de savoir qui est mon prochain, mais de voir, de regarder les autres, de les regarder comme ceux ou celles qui peuvent avoir besoin que je m’occupe d’eux.
Mon prochain c’est une personne vivante, parfois en grand danger, à moitié morte cette fois-ci, qui a besoin qu’on s’occupe d’elle et que le hasard met sur mon chemin.
On a dit que le hasard ici-bas est la façon pour Dieu de se promener incognito… (j’aime bien cette manière de dire) … Dieu fait advenir des choses et , pour ainsi dire, il ne signe pas…Il nous laisse le temps, à nous, l’opportunité de faire ce que nous pourrions et pouvons faire…
« Et qui donc est mon prochain » … « Qui donc est ton prochain » ou plutôt : « De qui es-tu le prochain ? » Cette question est celle que le Seigneur nous posera sans cesse et jusqu’à la fin de notre vie.
Je me rappelle un prêtre qui se mourait dans sa chambre et ne pouvait plus rien faire : il avait demandé à ses supérieurs de laisser entrer chez lui toutes les personnes qui voulaient encore le voir, car, disait-il, « c’est la seule et dernière chose que je peux encore faire, les recevoir ».
Souci envers tous ceux qui peuvent devenir mon prochain et cela jusqu’à la fin de ma vie… parce que je ne rencontrerai jamais le Seigneur Jésus que dans ceux qu’il m’envoie pour les aimer, les servir.
Le Samaritain de l’histoire a été vraiment le Bon Samaritain, comme Dieu seul est bon, comme Dieu nous demande d’être bons. La tradition a d’ailleurs donné au Christ le titre de Bon Samaritain pour l’humanité à sauver (voir le rapprochement à faire entre la pitié éprouvée par le samaritain à la vue du blessé et Jésus qui, plusieurs fois dans l’Evangile, a eu le cœur saisi de pitié pour les foules..).
Chers frères et sœurs, remercions Dieu de nous parler aussi simplement de ce peut être notre vie de chrétiens, notre vie avec la foi en la présence du Christ, le Christ en tout être humain, avec l’espérance que sa grâce nous fera sortir davantage de notre égoïsme et avec la Charité que lui-même nous a enseignée par le don même de sa vie.
Oui, bénissons le Seigneur par la célébration de cette Eucharistie.
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