Homélies
Liste des Homélies
TOUSSAINT 2021
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
A l’écoute de cet évangile, nous pourrions faire un petit exercice. Si je faisais moi-même une liste des béatitudes qu’est ce j’y inscrirai ? Est-ce que je mettrai heureux les pauvres de cœur, ou bien heureux ceux sont contents d’eux-mêmes, heureux ceux qui brillent aux yeux des autres ou encore ceux qui rient toujours à la place d’heureux ceux qui pleurent… heureux ceux qui savent tenir leur position et imposer leur point de vue à la place de heureux les doux ou heureux les miséricordieux. Heureux si je ne suis pas trop dérangé quand je partage ma foi, si je reste bien avec tout le monde, à la place de heureux si l’on vous insulte si l’on vous persécute à cause de mon nom… Ce petit exercice pourrait nous aider à regarder en face qu’en bien des situations, nous pouvons nous surprendre à désirer un bonheur qui n’est pas celui que Jésus nous propose aujourd’hui. Jésus vient questionner notre appétit de bonheur en proposant une autre échelle de mesure. La mesure de Jésus n’est pas la réussite ou le succès en ce monde, mais ce qui peut durer dans la lumière de Dieu. Qu’est-ce qui a du poids, de la valeur à ses yeux, une valeur qui ne passera pas ? La pauvreté de cœur, la douceur, la justice, la miséricorde, la pureté de cœur, la paix, la fidélité dans l’épreuve… Oui, mais ici, il nous faut faire attention… Ce serait une erreur de voir en ces valeurs une nouvelle liste de bonnes œuvres à accomplir…. Non lorsque Jésus nous dit « heureux les miséricordieux » ou « heureux les cœurs », il ne nous donne pas un commandement. Il nous révèle un bonheur qui est déjà là offert, en même temps qu’il est encore devant nous. Il est déjà là : il nous suffit d’ouvrir les yeux pour le reconnaitre à l’œuvre chez les autres, les saints de la porte d’à côté ou bien en nous-mêmes. Ce bonheur est en nos vies comme une petite musique qui murmure : « va de ce côté et tu vas vivre pleinement ». Comme une source qui ne demande qu’à être canalisée pour devenir plus abondante, il coule déjà dans nos vies : c’est le bonheur de l’humilité du cœur, de la pureté, de la miséricorde, de la paix, de la justice que nous goûtons à certains moments, soit que nous en sommes les bénéficiaires, soit qu’il jaillisse en nous… Dieu notre Père et notre créateur a mis en nous ses enfants, créés à son image, le goût de ce bonheur qu’il désire nous partager dans l’éternité.
Et en même temps, ce bonheur est encore à venir comme le souligne bon nombre de verbes de notre évangile qui sont au futur. Les larmes ne seront pleinement essuyées que dans l’au-delà. La soif de justice et de paix ne sera vraiment étanchée que dans la vie reçue de Dieu, Bon et Juste, le Tout miséricordieux. Là où tous les amis du Seigneur nous devancent et se réjouissent. Notre monde, comme notre propre cœur est encore en travail d’enfantement. Jour après jour dans la prière du « notre Père », nous demandons « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Oui il nous faut demander que la vie du ciel, faite de justice, de miséricorde, de pureté et de paix, selon la volonté du Père, vienne irriguer et renouveler la vie sur cette terre. Cette fête de la Toussaint veut fortifier notre espérance. Le mal, la division, l’orgueil, la violence sous toutes ses formes n’auront pas le dernier mot. Elle veut aussi nous renouveler dans la force d’avancer sur le chemin de la foi, en nous souvenant que « le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le trône et à l’Agneau » pour reprendre les mots de l’Apocalypse. Il n’est pas en notre pouvoir. Oui, vivant en ce monde encore aux prises avec le mal, en en subissant chacun plus ou moins les conséquences, nous tournons nos regards vers Jésus, l’Agneau Vainqueur. Lui, le pleinement pauvre de coeur, doux, miséricordieux, juste, fidèle, pacifique, a vraiment vaincu le mal à sa racine. Son sang versé pour nous par amour nous lave de nos péchés. Lui Seul peut nous sauver, et donner sa pleine mesure à ce bonheur des béatitudes goûté déjà et espéré dans le monde à venir. En rendant grâce maintenant pour la mort et la résurrection de Jésus, nous accueillons sa vie. Aujourd’hui elle nous sauve et lave. Faisons-lui toute la place…
Année B - 31 dimanche du Temps Ordinaire - 31 Octobre 2021
Dt 6 2-6 ; Heb 7 23-28 ; Mc 12 28-34
Homélie par F.Hubert
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu »
Je trouve extraordinaire que Dieu nous demande de l’aimer,
que l’Ecriture nous demande d’aimer Dieu,
- et pas seulement dans le NT, avec Jésus,
mais déjà dans la Torah d’Israël, dans la Loi de la Première Alliance.
Certes, il nous dit : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu »
- et il faut voir de quelle crainte il s’agit -
mais il nous dit aussi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ».
Aimer Dieu, cela veut dire quoi ?
Comment aimer Dieu ?
Est-ce possible ? Aimer Dieu, que nous ne voyons pas ?
qui nous peut nous paraître si loin, absent même ?…
Pourtant, il est celui qui vient vers nous, qui nous parle,
qui fait alliance, une alliance qui jamais ne se reprend,
mais se renouvelle, au fur et à mesure de nos réponses, pourtant si souvent négatives.
La Bible nous révèle que des hommes se sont levés,
un peuple s’est levé, malgré ses faiblesses et ses infidélités,
pour témoigner que Dieu s’est fait proche, qu’il a parlé, qu’il s’est engagé dans son histoire, qu’il fait alliance, qu’il sauve l’opprimé, le faible, le pécheur,
que jamais il ne se lasse de revenir, de créer du nouveau, de l’inespéré, d’ouvrir des chemins, de se donner lui-même.
Ses entrailles sont celles d’une mère,
et son bras est fort pour libérer et conduire jusqu’en Terre Promise,
laquelle n’est autre que lui-même.
Les dieux des nations, les idoles, très présents dans la Bible,
je n’ai jamais vu nulle part qu’il soit demandé de les aimer.
Ils sont mortifères.
Si le Dieu d’Israël, « le Seigneur », demande d’être aimé, c’est qu’il est le Vivant,
tellement vivant qu’il donne la vie à d’autres,
qu’il aime ceux qui sont sortis de lui,
et qu’il désire recevoir d’eux l’amour déposé en eux.
Il est tellement vivant qu’il peut traverser la haine et la mort, en continuant d’aimer.
Oui, aimer, Dieu sait faire.
Comme toujours, il nous faut regarder Jésus, qui est le visage du Père.
Dieu nous semble absent ?
C’est que nous ne savons pas le voir où il est :
il est le Très-Bas. Jamais il ne nous surplombe.
Il est le Serviteur, toujours plus bas que celui qu’il aime.
Après s’être révélé peu à peu dans l’histoire d’Israël,
il s’est révélé définitivement en son Fils, devenu notre frère,
lavant les pieds de tous ceux qui ont besoin d’être lavés.
Si nous le cherchons en-haut,
c’est entre terre et ciel que nous le trouverons,
cloué, pendu sur deux poutres de bois, prenant sur lui tout le mal du monde.
Comme nous le dit la lettre aux Hébreux, il s’est offert lui-même, une fois pour toutes.
Il est en lui-même et l’amour de Dieu pour l’homme
et l’amour de l’homme pour Dieu.
Alors, comment aimer Dieu ?
D’abord d’un immense amour de reconnaissance,
pour tout ce que je viens déjà de dire :
il nous a désirés, façonnés à son image, appelés, sauvés,
il a donné sa vie pour nous en son Fils,
il nous appelle à vivre en lui, de lui ;
il nous donne son propre Esprit.
Comment aimer Dieu ?
En vivant de cet Esprit qui habite en nous
et intercède pour nous en gémissements inexprimables.
N’oublions pas notre baptême, notre confirmation, et l’eucharistie :
c’est Dieu, chaque fois, qui se donne à nous.
N’oublions pas que Jésus nous donne l’eucharistie pour nous communiquer son Esprit
afin que nous vivions comme il a vécu.
Et là, nous retrouvons le deuxième commandement qui est égal au premier.
Lui qui a lavé les pieds de ses disciples, il ne cesse de nous dire :
« C’est un exemple que je vous ai donné
afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Nous pouvons aimer Dieu en nous laissant saisir et mouvoir par son Esprit,
et dans l’élan du cœur, le cœur à cœur,
et dans le concret de nos actes.
Ces deux voies sont inséparables.
L’intimité du cœur et l’amour des frères.
Nous entendions hier, de Madeleine Delbrêl :
« C'est seulement à travers les autres que nous pouvons rendre amour pour amour à Dieu. »
La grande voie pour aimer Dieu, c’est d’aimer nos frères ;
Et Madeleine d’ajouter :
« Le danger, c'est que le deuxième commandement devienne le premier. La preuve de contrôle, c'est d'aimer chaque homme, … c'est d'aimer Dieu dans chaque homme, sans préférence, sans catégories, sans exception » et « c'est dans la prière, dans la prière seulement, que le Christ se révélera à nous dans « chacun » ».
« Celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, dit st Jean,
est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas ».
« Tout ce que vous aurez fait au plus petit de mes frères, nous dit Jésus,
c’est à moi que vous l’aurez fait ».
Ne cessons pas d’apprendre de Jésus comment aimer le Père, notre Père, et comment aimer nos frères et sœurs, tous, sans exclusion aucune.
Ecoutons encore Madeleine Delbrêl :
« Ce n'est pas notre amour [notre amour humain] que nous avons à donner :
c'est l'amour de Dieu. »
Le chemin est sans fin, mais nous ne sommes pas seuls : l’Esprit nous est donné, il nous habite.
Année B – 30° dimanche du Temps Ordinaire – 24 octobre 2021
Jér317-9 ; Héb 5 1-6 ; Mc 10 46-52 ;
Homélie du F.Damase
L’évangile de Marc est construit selon un cheminement de Jésus entre Nazareth et Jérusalem ! Aujourd’hui, Jésus arrive à Jéricho (c’est-à-dire à moins 256 m sous la mer et Jésus s’approche à 25 km de Jérusalem où il montera jusqu’à 790 m au-dessus du niveau de la mer). Jéricho est donc pour Jésus un lieu charnière !
A la sortie de la ville, il rencontre un mendiant, aveugle, donc chassé du centre-ville.
Ce mendiant porte un nom Bartimé – le « fils de l’Honoré », lui le « déshonneur de sa famille ». Mais cet homme aveugle, assis sur le bord de la route, écoute et réfléchit. Il entend une foule qui passe, c’est Jésus de Nazareth lui dit-on.
Immédiatement, il se met à crier ce qui jaillit de son cœur : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ». En ce fils de Nazareth, l’aveugle a vu le Fils de David – l’envoyé de Dieu pour sauver son peuple !
La foule - choquée par cette relecture rapide de la promesse des prophètes, mais dangereuse face à l’occupant romain – essaye de le faire taire, mais lui crie plus fort « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi » !
Jésus s’entend appelé par son nom, par son vrai nom, (nous sommes aux 2/3 de l’évangile de Marc et c’est la seule fois que Marc mentionne cette identité de Jésus), Jésus réagit immédiatement : « Appelez-le » !
La foule – tout aussi instantanément réagit et fièremen dit : « Confiance, lève-toi, il t’appelle » !
« L’aveugle jette son manteau, bondit et courre vers Jésus » - En jetant son manteau, l’homme abandonne tout ce qu’il possède, - car selon la Bible, il est interdit de confisquer le manteau du pauvre, car c’est sa seule richesse. L’aveugle traverse les barrières de la foule et des disciples. Il coure vers Jésus, vers celui dont il a entendu la voix l’appeler, il se laisse guider par son oreille !
Arrivé près de Jésus, Jésus le questionne : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
- Surprise Dieu attend que je lui demande quelque chose…
« Rabbouni que je vois » ! Non pas Rabbi (« Maitre » ou « Monsieur le professeur »), mais le cri du cœur aimant, comme Marie-Madeleine au matin de Pâques dans le jardin de la Résurrection !
« Rabbouni, Que je vois » - non pas « que je vois ma copine » - mais « que je te vois avec mon cœur, toi mon Sauveur » !
Jésus a très bien compris ce cri et lui réponds dans le même registre : « Va, Ta foi t’a sauvé » !
« Va » - Je t’envoie comme mon messager, pour annoncer la « Bonne Nouvelle de ma Résurrection » !
« Aussitôt, l’homme se mit à voir » Jésus dans toute sa réalité ! L’homme découvre en Jésus le Fils de l’Homme – Dieu fait homme – Dieu qui s’humilie au point de devenir un homme comme les autres qui obéit au Père et qui aime tous les hommes, ses frères ».
« Et il suivait Jésus sur la route » - avec Jésus, il monte vers Jérusalem – il monte vers sa Passion, sa mort, et sa Résurrection » !
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » - Question que Jésus nous pose aujourd’hui !
Quel est mon désir pour marcher -aujourd'hui - à la suite de Jésus et monter à Jérusalem avec Lui
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18 octobre 2021 – saint Luc – fête du Père Abbé
2 Tim 4 9-17 ; Lc 10 1-9
Homélie du père Abbé – Luc Cornuau
« Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups »
Jésus ne cherche pas à convaincre ses disciples de la nécessité de la mission, en leur faisant miroiter des facilités, ou des avantages. Non, il les met d’emblée devant le caractère abrupt ce qu’ils vont vivre : ils seront même des agneaux au milieu des loups – rien de facile – une situation qui appellera une vigilance continuelle, une situation qui les met d’emblée en position d’infériorité et de faiblesse.
Premier trait du disciple missionnaire - Le disciple ne va pas témoigner à partir de sa force, mais de sa faiblesse. Comment recevons-nous cette invitation ? Est-ce bien ainsi que nous désirons témoigner ?
Au milieu des loups, l’agneau un jour risque fort de se faire manger. Quand Jésus invite ses disciples, à considérer cette issue, il les engage à prendre le chemin qui est le sien. Il est l’Agneau par excellence, l’Agneau de Dieu qui se tient au cœur de la violence des hommes. Il la subit et va en mourir. A l’avance, il consent à être mangé. Il se donne pour nous donner la vie.
Agneau au milieu des loups, nous ne pouvons l’être alors que toujours plus uni à Jésus .. Ancré en Lui, nous pouvons accepter de nous donner, d’être mangé, de mourir pour Lui de mille manières en renonçant à nous-même.
C’est un deuxième trait du disciple missionnaire. Il témoigne en entrant dans le don de lui-même uni à Jésus, en acceptant de mourir avec Lui et pour Lui.
Nous pouvons nous sentir bien faibles et petits devant cet appel… Demandons la grâce de comprendre que là est notre force. Regardons Jésus et notre faiblesse, et demandons lui la force qui ne peut venir que de Lui, l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, comme chaque Eucharistie nous invite à le faire…
Année B - 29° dimanche du temps Ordinaire - 17 octobre 2021
Esaïe 53, 10-11 / ps 32; Hébreux 4, 14-16; Marc 10, 35-45
Homélie du F.Basile
Frères et Soeurs, la parole de Jésus qui nous arrive ce matin est abrupte et sans compromis. Cette recherche des premières places, ce désir de faire carrière, fut-ce dans l’Eglise Jésus les refuse net. Les 2 disciples qui ont fait une telle demande, ce sont Jacques et Jean ; c’est bien dans leur tempérament de battants ; on les surnommait « fils du tonnerre », et cette demande rend jaloux les autres, bien sûr. Alors Jésus s’adresse à tous, mais à nous aussi qui avons souvent ce même désir d’être bien placé, cette soif de pouvoir et d’autorité sur les autres.
« Dans le monde,¬ nous dit Jésus, les grands font sentir leur pouvoir : parmi vous il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous. »
C’est une parole que nous aurons toujours du mal à entendre et à mettre en pratique : comment exercer l’autorité comme un service et non pas comme un pouvoir sur les autres ? Quand on regarde l’histoire de l’Eglise, on est parfois effrayé par ces contre-témoignages, ces abus d’autorité et de pouvoir, ce cléricalisme que le pape François a dénoncé dans sa Lettre au Peuple de Dieu ; durant ces 20 siècles d’histoire, il y a comme un non-respect de la parole du Christ, car si l’Evangile est clair, l’organisation hiérarchique de l’Eglise, qui s’est mise en place peu à peu, s’en est très souvent écarté. Comme on comprend la réaction de François d’Assise pour revenir à la pauvreté de l’Evangile ! Le Concile Vatican 2, il y a presque 60 ans, a initié une vraie révolution dans l’Eglise, pour que le signe qu’elle donne au monde ne soit plus celui d’une organisation puissante et riche, mais servante et pauvre, au service des hommes ; nous savons comme ce fut difficile de faire passer cette vision dans les faits et dans les structures : le pape François l’a bien compris pour la réforme de la Curie.
Le rapport de la CIASE sur les abus sexuels dans l’Eglise Catholique en France, rendu public le 6 octobre, n’a pas fini d’ébranler notre foi, notre confiance dans l’Eglise et dans les prêtres, serviteurs de l’Eglise ; justement certains n’ont plus été serviteurs, parce qu’ils ont abusé de leur pouvoir sur les petits, sur les personnes vulnérables.
Il ne s’agit pas de tirer à boulets rouges sur les autres, mais de prendre la mesure de cette conversion difficile qui nous concerne tous. Dans ce domaine, la lumière nous vient de l’Evangile, du Christ lui-même, le Serviteur par excellence : lui qui nous dit aujourd’hui : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir et donner ma vie en rançon pour la multitude. » Le Fils de l’homme, c’est lui, mais une figure bien différente de celle évoquée par le prophète Daniel ; Jésus se reconnaît plutôt dans le Serviteur souffrant d’Esaïe, la 1° lecture de ce dimanche : il est tout le contraire d’un Messie triomphant, d’un Roi libérateur dont Jacques et Jean auraient bien voulu être les 1° ministres.
Premier ministre : voyez comme ce mot est ambigu : nous pensons spontanément à nos ministres d’état avec leur voiture, leur escorte officielle, alors que ce mot ministre qui vient du latin veut dire « serviteur ». Cela vaut aussi pour les ministres du culte. « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous. »
Il y a dans le 4° évangile un geste très beau et très parlant, quand Jésus au cours du dernier repas avant sa mort, s’agenouille devant chacun de ses disciples, et se met à lui laver les pieds : c’est le geste de l’esclave, c’est le geste par excellence du serviteur ; un geste dont nous avons encore à redécouvrir la portée symbolique : il est fondateur de l’Eglise, de relations nouvelles entre les membres de l’Eglise, où le plus grand devient vraiment le serviteur du plus petit, du plus pauvre.
Rappelez-vous ce que dit Jésus à ses disciples après leur avoir lavé les pieds : « Si moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » Et il ajoute : « Si vous savez cela, heureux êtes-vous pourvu que vous le mettiez en pratique. » Voilà donc le chemin du vrai bonheur, il s’appelle « service » : ce n’est pourtant pas un chemin bordé de roses. Mais ils sont nombreux ceux qui pourraient témoigner que cet appel à servir et à donner sa vie, cet appel que Jésus nous fait entendre aujourd’hui, est source d’amour et de joie.
Connaissez-vous le poème du poète indien Rabindranath Tagore ; il tient sur 3 lignes. Ecoutez-le :
« Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie.
Je m’éveillai et je vis que la vie n’était que service.
Je servis et je compris que le service était la joie. »
Il manque sans doute à ce poème la dimension de souffrance qui fait partie de toute vie humaine, la dimension pascale que Jésus ne cache pas à ses disciples : « Ma coupe, vous la boirez » et dans la nuit de Gethsémani, Jésus priera son Père : « Père, s’il est possible, que cette coupe s’éloigne de moi ; cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » Et dans la 1° lecture d’Esaïe, il nous était dit : « Par suite de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé » Alors gardons nos yeux fixés sur Jésus serviteur.
Au Foyer spirituel de Chauveroche, la Croix, sculptée par notre frère Symphorien, nous montre le Christ Serviteur. Croix glorieuse pourtant, mais le Christ Ressuscité porte l’étole en travers comme la portent les diacres dans la liturgie. Il nous est dit par là quelque chose d’étonnant, et c’est une parole de Jésus : dans le Royaume, c’est le Christ lui-même qui nous servira, parce que nous l’aurons servi ici-bas dans les pauvres et dans nos frères.
Au seuil d’une semaine missionnaire, retenons bien ceci : si nous voulons être disciples - missionnaires, soyons vraiment témoins du Dieu serviteur, et laissons Jésus nous apprendre à être serviteurs de nos frères, à nous abaisser devant eux : par ce chemin synodal qui s’ouvre aujourd’hui dans les diocèses, ayons à cœur de retrouver une Eglise de l’écoute et du service.
Accueil
F et S, celui qui nous rassemble ce matin, c’est le Christ Seigneur, mais il est aussi celui qui prend pour nous la tenue de serviteur. Il nous offre son amour pour l’annoncer au monde, pour nous mettre à notre tour au service de nos frères.
L’ordination aujourd’hui de 2 diacres permanents à Montréal dans notre diocèse et dans le diocèse de Troyes est un beau signe de l’Eglise, servante des hommes.
Le Pape François, vous le savez, vient d’inviter toute l’Eglise à se mettre en route sur un chemin de synodalité, c’est-à-dire à marcher ensemble, à mieux nous écouter pour marcher d’un même pas.
Après toutes les révélations de ces jours-ci sur les abus sexuels dans l’Eglise, nous sentons combien il est urgent de transformer nos relations dans l’Eglise, et d’abord de nous transformer nous-mêmes pour être comme Jésus serviteurs.
Reconnaissons notre péché et tournons-nous vers notre Dieu pour obtenir miséricorde.
Je confesse à Dieu tout-puissant…
HOMELIE du 28ème dimanche TO (Année B) – 10/10/2021
(Sagesse 7,7-11 ; Hébreux 4,12-13 ; Marc 10, 17-30)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Le passage de l’Evangile selon St Marc que nous venons d’entendre dans sa version liturgique longue, fort heureusement, comporte une inclusion. Au début, un homme tombe aux genoux de Jésus et lui demande : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » Et en finale, Jésus déclare : « nul n’aura tout quitté à cause de moi et de l’évangile, sans qu’il ne reçoive le centuple en ce temps déjà, et dans le monde à venir, la vie éternelle ».
La vie éternelle, est donc la trame essentielle de ce récit. Le détachement des richesses pour y parvenir n’est qu’un moyen : ce n’est pas une fin en soi. Ce qui importe avant tout, c’est le désir de vie, de vie pour toujours.
Le dialogue entre l’homme riche et Jésus est confiant. Jésus est à l’écoute : il perçoit la bonne volonté de son interlocuteur, et il valide son bien-faire dans l’observance de tous les commandements de la Loi, depuis sa jeunesse. Mais Jésus n’est pas ici un maître de doctrine : il ne se contente pas de dire ce qu’il faut faire pour être en règle. Les commandements de Dieu sont une étape, ils ne sont qu’une étape. Cet homme vient de croiser la chance de sa vie. Jésus a posé son regard sur lui, et il l’aime, comme le souligne St Marc, il l’appelle à le suivre. Tout comme Jésus avait posé son regard sur André et Pierre, de pauvres pécheurs au bord d’un lac, sur Nathanaël sous son figuier, sur Matthieu et Zachée de riches collecteurs d’impôts. Mais à la différence de ces derniers, l’homme de notre évangile prend conscience que ses richesses le retiennent, comme s’il était ficelé. Il en est dépendant, addict (dirait-on aujourd’hui), comme un drogué. Ce n’est pas lui qui possède des richesses, ce sont les richesses qui le possèdent. Il n’est pas un homme libre. Et il s’en va tout triste. Sa tristesse résonne comme un aveu : Jésus ne peut que constater : « il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ». Il doit admettre que certains préfèrent leurs comptes en banque à l’amour qu’il leur propose. La suite du Christ nécessite une liberté d’esprit et de cœur que tous n’ont pas. Et cela est très déconcertant pour les disciples.
C’est ce que St Marc, dans la seconde partie de cet épisode veut mettre en relief, en insistant sur cette difficulté du détachement, voire même son impossibilité à vue humaine, à vue religieuse aussi.
Traditionnellement pour les juifs du temps de Jésus, les richesses étaient considérées comme cadeau de Dieu, des bénédictions. Rien de mal à cela. Mais Jésus insiste : « il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu ». Il reprend là l’image d’un dicton qui circulait à l’époque et que l’on retrouve dans le Talmud de Babylone qui parlait, lui, d’un éléphant passant par le trou d’une aiguille.
Pourquoi cette difficulté ? Peut-être parce que ces richesses que nous possédons et qui nous possèdent sont ce que nous n’arrivons pas à partager avec les plus pauvres, peut-être aussi parce qu’elles entretiennent en nous l’illusion de l’auto-suffisance, et qu’elles nous dispensent d’avoir à dépendre des autres, à penser que nous n’avons rien à recevoir d’eux. Tout cela est très incompréhensible pour les disciples. « Mais alors qui peut être sauvé ? » demandent-ils à Jésus. Et la réponse n’a pas de quoi les rassurer immédiatement : « pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu. Car tout est possible à Dieu ». Le propos de Jésus n’est pas de décourager. Il vise à faire prendre conscience que le salut ne dépend pas de nous, de nos efforts. On ne fait pas son salut par soi-même. Dieu seul a le moyen et le désir de nous sauver. Lui seul peut et veut nous libérer de ces attaches qui nous éloignent de lui.
Jésus propose donc à ses disciples un renversement de perspective. Le salut ne se mérite pas. Il ne peut que se recevoir dans l’action de grâce. Mais pour cela, il faut avoir un cœur libre, il faut quitter tout ce qui nous entrave et nous retient.
Les disciples, tout comme les pharisiens, les scribes et les docteurs de la Loi, comme St Paul avant sa conversion, tous étaient dans la logique du mérite. Et nous-mêmes, ne le sommes-nous pas toujours plus ou moins encore ? Mais l’Evangile promet ici bien plus que tout ce que nous n’aurons jamais sacrifié : le centuple de tout, le trésor dans le Ciel. Jésus promet enfin et surtout la vie éternelle, comme un don gratuit, et non pas comme une récompense.
Cet enseignement qui sera repris par Saint Paul sous une forme plus théologique dans ses lettres, n’a rien perdu de sa force et de son actualité. Puissions-nous l’accueillir avec joie dans l’action de grâce et dans l’eucharistie de ce dimanche.
AMEN
Année B 27e dim ord. - 3 octobre 2021
Gen 2/18-24, Heb 2/9-1 1, Mc 10/2-16.
Homéliedu F.Cyprien
" C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse a écrit pour vous ce commandement
" Laissez les enfants venir à moi, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux.
F. et S. Depuis les Déclarations des Droits de l’homme, l’humanité a fait quelques progrès dans le respect des personnes… remarquons que les droits sont aussi des devoirs, droits et devoirs de chacun envers tous les autres. Oui, effectivement il faut affirmer et réaffirmer ces droits …
Par contre il nous faut préciser que les lois civiles, les lois édictées par les hommes, ces lois disent le droit bien…Elles disent le droit mais elles ne disent pas toujours le Bien.
Exemple très actuel : les nouvelles lois votées récemment (bioéthique, la PMA !) disent un droit, mais pas le Bien…
Les lois des hommes disent le Droit, elles ne disent pas ce qui est Bien, ce qui est Bon… Il n’y a que la loi divine qui dit le Bien… Il est d’ailleurs nécessaire que les Etats prévoient la clause de conscience… l’objection de conscience, par ex. avait été finalement mise en place au temps du service militaire obligatoire…).
Revenons aux pharisiens face à Jésus : ils restent dans une casuistique … qui les rassure peut-être, mais qui surtout les enferme. Ils peinent à comprendre ce Jésus qui ne répond jamais aussi clairement qu’ils le voudraient.
« Est-il permis ? Est-ce bien défendu de … », les réponses de Jésus sont rarement données pour rassurer, et toujours pour aller au-delà de nos raisons, de nos sentiments : Pour la femme qu’on veut lapider: « Que celui qui est sans péché lui jette le première pierre » : Dieu condamne le péché mais peut-être pas le pécheur… ?
« Faut-il payer l’impôt à César ? ». Jésus ne répond jamais oui ou non…il oblige à reprendre la question…
Ce que je retiens de notre Evangile, c’est que Jésus renvoie cette fois à Dieu, au projet divin : « Au commencement il n'en était pas ainsi ». Au commencement…
« Les deux ne seront qu’une seule chair ». Jésus semble dire que c’est Dieu qui les unit : l’homme vit avec la femme, la femme vit avec l’homme,…et c’est Dieu qui les unit… « Il s’attachera à sa femme »…Ils s’attacheront l’un à l’autre. « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair ».
Comment un couple pourrait-il témoigner que Dieu est UN, s’ils se séparent après avoir été unis ? Ils ne sont plus deux mais une seule chair, cela est dit « au commencement », …comme ce qui fonde tout ce qui est de notre humanité.
Entrer dans le dessein de Dieu implique qu’on prenne les moyens d’y être fidèle…lutter contre la dureté de nos cœurs… Rien que cela !
[Cela me rappelle quelqu’un qui, avec son conjoint, avait la mission d’accompagner des jeunes dans la préparation au mariage ; cette personne m’avait expliqué l’enseignement prodigué ainsi par eux : « Fiancés, pas encore engagés, vous préparez votre avenir commun, vous avez à vous poser toutes les questions possibles entre vous pour mieux vous connaitre... vraiment toutes les questions… Une fois décidés, une fois engagés l’un envers l’autre, la seule question à vous poser … cette question sera et restera: « Comment faire pour vivre et rester ensemble ? ».]
Beaucoup d’engagements sont pris très vite (trop vite ?), pour un temps, le temps où la vie ensemble parait possible, vivable, supportable…
Il n’est pas aisé d’évoquer cela … impression d’aller à contre-courant de ce qui se vit souvent aujourd’hui, impression surtout de ne pas tenir compte de situations sans issue…
Oui, sans doute…
Mais notre Evangile, Parole de Dieu pour nous aujourd’hui !... cette Parole continue: «Des gens lui amenaient des enfants pour qu'il les touche, Jésus s'indigna et leur dit: " Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. "
Cela vous étonne qu’à la suite de questions d’adultes, l’Evangile nous tourne vers les enfants ? ces enfants qui sont toujours blessés quand leurs parents se disputent, quand, eux, les enfants sont les premiers témoins des mésententes…
Ils sont eux, les enfants, les signes vivants que l’homme et la femme ne sont plus deux mais une seule chair, enfants et fruits de leur union, …souvent, heureusement, fruit de leur amour !
Et nous semblons accepter des situations qu’aucun des enfants n’a jamais souhaitées, situation qui vient sur eux comme un tremblement de terre, une chose incompréhensible...
Chers frères et sœurs, voilà la façon dont Jésus s’y prend pour nous interpeler, pour nous dire, avec la fermeté de son cœur à lui, que … que nous manquons au plan de Dieu …à cause de la dureté de nos cœurs … voilà, nous ne faisons pas advenir son Règne.
Prenons-nous tous dans la prière, tous ensemble, adultes et enfants, car nous sommes pécheurs : nous sommes les enfants de ce Dieu qui n’a jamais voulu et ne voudra jamais nous abandonner. Le Christ est venu pour les malades que nous sommes. Aucun échec n’est irrémédiable, toute situation est digne de sa miséricorde. Au moins que les parents pensent à leurs enfants, ces enfants que Jésus a bénis et pris pour nos modèles….
« Laissez venir à moi les enfants, ne les empêchez pas »
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Année B - 26 dimanche du Temps Ordinaire - 26 septembre 2021
Nbr 11 25-29 ; Jacq 5 1-6 ; Mc 9 38-48
Après l’événement de Césarée, où Pierre pour la première fois, au nom des Douze, a confessé Jésus comme le Christ, le Messie Fils de Dieu, annoncé dans les Écritures, le Seigneur s’est consacré principalement à l’instruction de ses disciples. Cheminant avec eux vers Jérusalem, vers la Pâque, à trois reprises il leur a dit que le Fils de l’homme devait souffrir, être mis à mort et le troisième jour ressusciter. Mais ils ne pouvaient pas pleinement comprendre ces paroles avant sa Résurrection. Au gré des circonstances et aussi des personnes rencontrées sur leur route, il a instruit ses disciples de toutes manières, donnant un enseignement qui peut nous paraître certes quelque peu disparate, d’après l’écho que nous en donne l’évangile de saint Marc entendu actuellement.
De l’Évangile qui vient d’être proclamé, je retiens un double message. D’abord cette parole d’une étonnante de largeur de vue : Qui n’est pas contre nous est pour nous. Jean, l’Apôtre, voulait empêcher quelqu’un d’étranger au groupe des disciples d’opérer des exorcismes, de chasser les démons. Jésus réagit immédiatement : Ne l’empêchez pas. De même, au temps de l’Exode, quand Josué s’était opposé à ce que deux anciens d’Israël prophétisent dans le camp des hébreux, sous le prétexte qu’ils n’étaient pas avec les autres anciens dans la Tente de la Rencontre, Moïse l’avait repris et s’était écrié : Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout le peuple un peuple de prophètes (Nb 11,29). La leçon est claire : l’Église, dont la Tente de la Rencontre était la figure, n’a pas le monopole de l’Esprit. Le vent souffle où il veut. Il en est de même de l’Esprit (Jn 3,8), nous dit Jésus.
Qui n’est pas contre nous est pour nous. Toute parole de vérité, d’où qu’elle vienne, appartient au Christ. Tout acte de bonté, d’où qu’il vienne, peut concourir à l’avènement du Royaume. Tout verre d ‘eau fraiche donné ou reçu ne perdra pas sa récompense. Ce verre d’eau fraiche est de quelque manière signe de la présence du Christ parmi nous. Si nous en avions davantage conscience, cela changerait sans doute bien des choses en nos vies, dans les événements qu’il nous est donné de vivre, dans les relations humaines que nous avons à tisser.
Qui n’est pas contre nous et pour nous. Si autrui n’a pas le cœur fermé, il peut et pourra s’ouvrir au Christ et à son message. Comme ce scribe, appartenant pourtant à un groupe d’adversaires de Jésus, qui au terme du ministère du Seigneur, l’interroge sur le premier commandement. Il s’en suit un dialogue de confiance que Jésus conclut par ces mots : Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu (Mc 12, 34).
L’autre enseignement que je retiens ce matin est d’une extrême radicalité : Si ta main t’entraîne au péché, te scandalise, te fait chuter, coupe-là. Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le (Mc 9, 43-47). Mais la main, le pied, l’œil sont des parties de notre être, créées par Dieu pour accomplir nos tâches en ce monde et entrer en relation. Pourtant Jésus poursuit : Il vaut mieux entrer dans le Royaume manchot, estropié, borgne, que d’être jeté dans la géhenne avec ses deux mains, ses deux pieds, ses deux yeux.
C’est déjà très exactement ce que Jésus avait dit aux foules après Césarée : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive (Mc 8,34). En détaillant ce même commandement, Jésus ne fait que lui donner plus de forces.
Couper, arracher… Bien sûr, il s’agit de métaphores, mais elles sont significatives et nous invitent à les traduire dans notre vie. Y-a-t-il en nous des réalités, même bonnes en elles-mêmes, qui peuvent nous entraîner au péché, et nous détourner du Christ ? Quelles réalités, A chacun de les repérer. Peut-être des possessions que nous avons ou pourrions acquérir ? Peut-être telle situation avantageuse à laquelle nous pourrions prétendre ? Peut-être telle relation séduisante ?... Chacun de nous doit au moins à certains moments opérer un discernement de cette sorte, pour sa vie dans le Christ. Il doit aussi se faire conseiller pour ne pas retrancher dans la précipitation ce qu’ensuite il regretterait.
La lettre de saint Jacques pour sa part évoque des riches qui se sont enfermés dans leurs richesses uniquement préoccupés à les agrandir et à en jouir, oubliant ceux qui ont oeuvré pour eux, en ne payant pas même leurs salaires. Une situation qui peut toujours être d’actualité et que le pape François dénonce régulièrement.
Nous avons entendu deux paroles du Seigneur, l’une très ouverte concernant notre relation à autrui, l’autre très exigeante pour nous-mêmes. A les garder ensemble, à les mettre en pratique nous pouvons espérer être cette maison qui tient bon, quand la pluie vient, quand le vent souffle, quand les torrents surgissent. Car elle est fondée sur le Roc (cf Mt 17,25). Elle est bâtie sur le Christ.
25e dimanche Temps Ordinaire (B) (19/09/2021)
(Sg 2, 12.17-20 – Ps 53 – Jc 3, 16-4, 3 – Mc 9, 30-37)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs,
Peut-être qu’à l’écoute de la première lecture de cette eucharistie, tirée du livre de la Sagesse, un des livres les plus récents de l’Ancien Testament, vous vous serez posé la question : « Tiens, est-ce du Christ qu’il parle ? » tant la proximité avec la Passion du Christ est grande alors que ce texte a été écrit peut-être seulement une soixantaine d’années avant le Christ.
On a l’impression de suivre la Passion du Christ de façon presque chronologique.
Attirons le juste dans un piège car il nous contrarie n’est-il pas proche des conciliabules des opposants au Christ furieux d’avoir été contestés publiquement ?
Il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et nous accuse d’infidélité à notre éducation ne rejoint-il pas les reproches du Christ à certain de ses coreligionnaires ?
Si le juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera et l’arrachera aux mains de ses adversaires ne croirait-on pas entendre les ennemis du Christ au pied de la croix ?
Et de même : Soumettons-le à des outrages et des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience.
Et enfin Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un interviendra pour lui.
Dans l’évangile, l’annonce de sa Passion par le Christ est on ne peut plus sobre : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront. »
La suite de l’évangile nous dit que les disciples n’ont rien compris à ces paroles du Christ et, de fait, ils n’ont absolument rien compris à rien puisqu’alors que le Christ annonce à quel point il sera abaissé, les disciples, eux, discutent pour savoir qui sera le plus grand.
Frères et sœurs ces deux textes ne pourraient-ils pas nous éclairer sur cette question qui peut nous travailler, parfois fortement : qui est le Dieu de Jésus Christ qui est le Dieu proclamé par les chrétiens ?
Dans ces deux textes, il me semble qu’on y trouve à la fois la vision très humaine, spontanée de l’homme sur Dieu et à la fois la réponse de Dieu qui dit qui il est. Et il faut reconnaître que le fossé entre les deux visions est de taille !
Dans la première lecture, ceux qui veulent attirer le juste dans un piège prétendent s’appuyer sur Dieu en le mettant à l’épreuve. Si le juste est vraiment juste, s’il est assisté de Dieu, Dieu l’arrachera à la main de ses adversaires et, de fait, il y a des textes bibliques pour appuyer cette vision. Mais il y a d’autres textes qui parlent aussi de la souffrance du juste, du juste persécuté, du Serviteur souffrant. Par exemple le prophète Isaïe. D’une manière générale, la Bible se méfie d’une vision d’un Dieu magicien venant combler toutes nos insuffisances, nos limites. D’un Dieu que nous mettrions au service de nous-mêmes pour une vie sans souci.
Quant à l’évangile, si le Christ fait une nouvelle annonce de sa Passion, le texte nous dit bien à quel point les disciples sont à distance du Christ comme Pierre, dans l’évangile de dimanche dernier qui reprochait au Christ d’avoir annoncé sa souffrance et sa mort. Ce n’était pas pensable pour Pierre que le Messie meure ainsi.
Les évangiles, et en particulier celui de saint Marc, n’ont rien d’un texte de propagande ecclésiastique. Les disciples du Christ n’y sont pas vraiment représentés comme des héros. Alors que le Christ parle de sa souffrance, les disciples discutent pour savoir qui est le plus grand. Derrière cette discussion se cache peut-être aussi une vision de Dieu, de sa grandeur, de sa puissance. Se trouver dans le groupe des Douze, c’est peut-être profiter de la puissance de Dieu telle que l’homme se l’imagine trop facilement : Celui qui peut tout et qui fera partager sa puissance à ses proches. Souvenez-vous Jacques et Jean : « Nous aimerions siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche » et le refus du Christ d’attribuer ces places à qui que ce soit. C’est au Père de les attribuer.
Le Christ rappelle alors aux Douze la grandeur selon Dieu : « le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous. » Et c’est ce que lui, le Christ, le Verbe de Dieu, le Fils du Père, a vécu jusqu’à l’extrême.
Frères et sœurs, nous risquons toujours de rêver d’un Dieu qui viendrait magiquement nous aider pour nous éviter tout combat, tout souci voire toute défaite. Nous risquons d’affubler Dieu d’une toute-puissance qui n’est pas celle du Dieu de Jésus Christ mais de celle d’idole païenne qu’on mettrait à notre service et si ça ne marche pas, on change de dieu.
Face aux défis que rencontre l’Eglise aujourd’hui, nous pouvons en arriver à douter de Dieu si notre foi se limite à voir se réaliser ce que nous souhaitons, même si ça peut paraître très bon.
Certes Dieu sauve, il nous a sauvés en Jésus-Christ, mais ce Salut doit s’actualiser dans une vie où nous avons à faire l’expérience de la nécessité dans laquelle nous sommes d’être aidés et sauvés par Dieu. Il ne s’agit pas de rêver d’être inaccessibles à tout mal à toute peine, mais il s’agit de faire confiance à un Dieu qui n’a pas hésité à traverser la faiblesse et la souffrance humaine sans demander l’aide de 12 légions d’anges pour le libérer. Il s’agit de se faire disciple d’un Dieu qui a accepté les outrages, les tourments sans réclamer vengeance à son Père. C’est ce Christ que le Père a ressuscité.
Tout un programme. Peut-être celui de l’enfance spirituelle.
AMEN
Année B - 24e dimanche TO – 12 septembre 2021
Is 50, 5-9a ; Jc 2, 14-18, Mc 8, 27-35
Homélie du F.Hubert
« Jésus interrogeait ses disciples » :
moment charnière et décisif dans la vie publique de Jésus.
Qui est Jésus ? C’est la grande question que Marc adresse à ses lecteurs.
Entre l’affirmation de foi qu’il pose dès son premier verset :
« Commencement de l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu »,
et la proclamation au pied de la croix
par le centurion païen qui a présidé à la crucifixion :
« Vraiment, cet homme était Fils de Dieu »,
tout le récit de Marc nous sollicite sans cesse : « Qui est celui-là ? »
Qui est-il, celui qui chasse les esprits impurs, guérit le lépreux,
pardonne ses péchés au paralytique,
mange avec les publicains et les pécheurs, guérit le jour du sabbat,
celui que sa parenté cherche en se disant : « Il a perdu la tête ! »,
celui qui commande avec autorité au vent et à la mer,
et délivre le possédé gérasénien, en pays païen ?
Qui est-il ?
Aujourd’hui, c’est Jésus lui-même qui pose la question.
« Au dire des gens, qui suis-je ? » - « Pour vous, qui suis-je ? »
Question cruciale qui concerne tout l’être de Jésus, toute sa mission,
toute son œuvre de salut…
Pierre répond : « Tu es le Christ ».
Comme il nous était dit cette nuit, Pierre a répondu « avec le qualificatif le plus fort et le plus élevé dont il disposait, mais c'est justement ce qualificatif messianique qui est à l'origine d'idées parfaitement erronées. »
C’est pourquoi Jésus défend vivement aux disciples de parler de lui à personne.
Il ne reprend pas le titre de Messie, trop ambigu, mais celui de Fils de l’homme.
Dieu se fait homme, avec toutes les conséquences que cela a,
pour se révéler comme Dieu, comme Sauveur.
Jésus est la révélation même du mystère de Dieu,
du mystère de l’amour qui s’offre, qui se donne, qui se vide de lui-même pour l’aimé.
Et quand l’aimé est blessé par le mal, par la souffrance, par le péché,
il prend tout cela sur lui pour le recréer, sanctifié et bienheureux.
Alors, il ne faut pas que les disciples parlent de lui avant de l’avoir suivi jusqu’à Jérusalem, avoir été confrontés à leur faiblesse, à la passion de leur maître,
avoir reçu l’Esprit pour comprendre son mystère de mort et de résurrection,
le mystère du don total dans la faiblesse, la défiguration absolues.
« Je ne connais plus le Christ à la manière humaine », dit Paul.
Oui, Jésus est le Christ, mais de quelle manière ?
Le serviteur souffrant d’Isaïe en manifestait déjà les traits et le chemin :
« Je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient.
Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.
Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours. »
Cela nous est si difficile à accepter ! Pour notre Sauveur et pour nous-mêmes.
Mourir pour vivre… Vivre en donnant la vie…
Il n’y a pas de vie sans mort à soi-même ;
parce que c’est en mourant à lui-même, en se donnant sans mesure
que Dieu est le Vivant, même au sein de la Trinité.
En morigénant Jésus, Pierre joue le rôle du Satan,
il est occasion de chute pour Jésus lui-même dont le combat n’est pas feint.
Il tente Jésus d’accaparer la vie pour lui-même
au lieu de la perdre, pour que ceux qu’il aime aient la vie.
Alors Jésus repousse vivement Pierre comme il a repoussé Satan au désert.
Il faut que l’amour aille jusqu’au bout de l’amour.
Frères et sœurs, comment connaître le Christ,
comment témoigner de lui, annoncer sa Bonne Nouvelle,
si nous n’entrons nous-mêmes dans le mystère de sa mort et de sa résurrection,
de notre mort et de notre résurrection ?
Si nous annonçons le Christ selon les critères du monde,
nous annonçons un faux messie, nous manifestons un visage erroné de Dieu.
Si nous recevions l’« aujourd’hui » de notre monde tel qu’il est, de notre Eglise telle qu’elle est, comme un temps de grâce pour écouter davantage la Parole de Dieu, regarder davantage le Christ, non tel que nous l’imaginons, mais tel que l’Evangile nous le révèle,
nous progresserions dans notre expérience chrétienne,
nous pourrions mieux témoigner de celui qui est descendu aux enfers
pour nous faire asseoir avec lui dans les cieux.
Il a fallu du temps, beaucoup de temps, aux disciples pour comprendre le mystère de Jésus.
Il aura fallu le don de l’Esprit pour qu’ils commencent à comprendre et qu’ils puissent témoigner.
A l’Ascension, ils demandent encore à Jésus :
« Est-ce maintenant que tu vas rétablir le royaume pour Israël ? »
Que cela nous rassure sur notre propre lenteur à entrer dans le mystère du Christ,
mais que cela ne nous endorme pas !
L’Esprit nous est donné, et pas moins qu’aux apôtres ! Ecoutons-le.
Laissons-le graver l’Evangile dans nos cœurs, dans nos vies.
Notre plus grand désir, notre plus grande soif,
ne devraient-ils pas de connaître davantage le Christ, de témoigner de lui de façon juste.
Puisse le Christ être notre amour !