Homélies
Liste des Homélies
Année B - TRANSFIGURATION -06 août 2021
2 P 1, 16-19 ; Mc 9, 2-10
Homélie du P.Abbé Luc
Mot d’entrée
Frères et sœurs,
Les différentes fêtes chrétiennes qui émaillent notre année liturgique sont comme des cols sur une route, depuis lesquels on peut admirer le paysage, en regardant le chemin parcouru et celui encore à faire. Depuis ces cols, on voit bien mieux, tout s’éclaire… la fête de la transfiguration qui nous rassemble aujourd’hui est un de ces cols remarquables. Sur notre route de chrétien, elle nous rappelle que nous sommes faits pour la lumière, pour la lumière offerte par notre Dieu qui n’est que lumière. Elle nous rappelle qu’à la suite du Christ transfiguré aujourd’hui et défiguré demain, nous pouvons oser nous engager sur un chemin qui nous fera traverser la croix et la mort, parce que la lumière de la résurrection nous attend… Entrons avec confiance en cette eucharistie de lumière, avec humilité en reconnaissant que nous sommes pécheurs…
Homélie
Comme je le disais au début de la célébration, cette fête de la Transfiguration est un col d’où nous pouvons contempler beaucoup de choses dont notre regard est invité à se remplir. Et aujourd’hui, nos regards sont attirés par le Christ, resplendissant de lumière, d’une blancheur exceptionnelle… Son mystère s’offre à notre contemplation. Pour l’approcher, je m’appuierai sur les trois titres attribués à Jésus : rabbi, fils bien-aimé, fils de l’homme, trois titres qui nous disent qui est Jésus et ce qu’il vient changer dans nos vies.
Rabbi. C’est avec ce titre familier que Pierre, interloqué par la vision, ouvre la bouche. Dans les péricopes qui précèdent et dont nous avions un écho hier en Mt, Pierre s’était opposé à son Rabbi, en refusant ses paroles par lesquelles il annonçait sa passion à venir. Et il s’était fait vertement remettre en place : « passe derrière moi Satan ». Aujourd’hui il découvre un aspect inattendu de son Rabbi, si agréable qu’il aimerait bien le retenir et l’organiser en un séjour qui dure. Mais la voix qui vient du ciel, l’invite à écouter encore plus profondément son Rabbi… « écoutez-le ». Plus qu’à ses yeux, Pierre est invité à faire confiance à ses oreilles. Sur le chemin encore à parcourir, il lui faut écouter, la vision sera pour plus tard. Avec Pierre, nous voilà nous aussi convier à écouter, et à écouter encore, à laisser la Parole du Christ vraiment nous habiter et nous mettre en marche.
Fils-bien aimé. Depuis la nuée qui survient, une voix se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le ». Par cette manifestation de la gloire divine, retentit la voix du Père. Le mystère de la filiation divine de Jésus est entrevu. Mystère que les prophètes avaient entrevu dans la figure du serviteur souffrant. Bien aimé est Jésus, uni à son Père par un amour unique que peu à peu les disciples vont mieux découvrir, pour l’approcher de manière plus précise après sa résurrection. Et en Jésus le Fils Bien Aimé, se dessine notre propre filiation adoptive. Comme le suggérait l’oraison du début de la messe, il nous est annoncé notre merveilleuse adoption… Jésus, le Fils du Père qui a pris notre condition humaine, vient la transfigurer de l’intérieur, et nous offrir à tous de devenir des fils bien aimés du Père.
Fils de l’homme. Ce titre que Jésus s’attribue volontiers, et qu’il emprunte au prophète Daniel, porte nos regards vers sa venue dans la gloire. L’éclat de gloire entrevu en cette fête n’est qu’une ébauche de la gloire inaugurée par sa résurrection, gloire qui enveloppe déjà son corps humain et qui enveloppera toute notre humanité à la fin des temps. « Il laisse transparaitre en sa chair la clarté dont resplendira le corps de son Eglise » chanterons-nous dans la préface. Dans quelques instants, en recevant dans le pain eucharistique, le corps ressuscité et glorieux du Christ, nous nous offrirons par notre foi à l’œuvre de transfiguration que le Seigneur désire pour nous. Nous prierons au terme de cette célébration : « transforme-nous Seigneur par cette nourriture venue de toi, qu’elle nous fasse ressembler davantage à celui dont tu as révélé la splendeur dans le mystère de la transfiguration.
Année B - 16e dimanche Temps Ordinaire (B) (18/07/2021)
(Jr 23, 1-6 – Ps 22 – Ep 2, 13-18 – Mc 6, 30-34)
Homélie du F.Jean Louis
Frères et sœurs,
Les lectures de ce dimanche, cela ne vous aura sans doute pas échappé, évoquent la figure du berger, du pasteur, et le psaume chanté en constitue un sommet en montrant comment notre berger c’est Dieu lui-même.
C’est sans doute une figure pastorale qui peut bien convenir à cette période de vacances. Qui de nous n’a en tête ces images de Provence avec des troupeaux menés par un berger à l’accent méridional ? Image romantique, dépassée face aux défis de notre temps ? Un regard plus attentif sur nos textes d’aujourd’hui peut sans doute nous en apprendre bien plus.
La première lecture nous parle de mauvais pasteurs qui ont laissé périr et se disperser les brebis du Seigneur. En fait, dans l’Ancien Testament, les pasteurs, ce sont les rois et les gouvernants du peuple. Un des livres de la Bible, le Livre des Rois, nous raconte comment la plupart des rois ont été infidèles à la mission de service du peuple que leur avait confiée le Seigneur, le Dieu d’Israël. Et cela a abouti à la catastrophe. Jérusalem a été prise par les Babyloniens et les Judéens ont été déportés à Babylone. Tous les piliers de la foi du peuple juif ont disparu : la terre (ils sont déportés loin d’elle), le Temple (il a été détruit lors du siège de la ville) et le roi (désormais prisonnier du roi de Babylone). Dans la logique du temps, le peuple de Juda aurait dû, en exil, adopter les dieux des vainqueurs. Et c’est tout le contraire qui se passe. A ce peuple perdu, désemparé, Jérémie annonce que si le peuple a été chassé de sa terre, c’est à cause des actes mauvais de ses dirigeants. Mais Dieu va rassembler un reste fidèle dont il sera lui-même le pasteur, le berger. Et même, il suscitera de nouveaux pasteurs qui conduiront le peuple. Mais Jérémie annonce aussi que Dieu va susciter un Germe juste pour David, c’est-à-dire qu’il annonce la venue d’un Messie qui agira avec intelligence et exercera le droit et la justice. Ce sera un roi-Messie qui sauvera Juda.
Le psaume chanté a développé comment le Seigneur lui-même est berger de chacun de nous. Il ne nous fait manquer de rien, nous fait revivre et nous conduit par un juste chemin. C’est très beau mais le psaume n’est pas naïf, il tient compte que le croyant, que nous-mêmes, pouvons passer parfois par les ravins de la mort et là, Dieu nous guide et nous rassure. Et il fait de même devant nos ennemis. Invitation à faire confiance au Seigneur quoi qu’il arrive. Avoir confiance au Seigneur, ce n’est pas espérer ne pas avoir de souci, de crise, d’ennui, mais c’est avoir l’assurance que, même dans les crises, le Seigneur est là et il nous guide. Il est berger jusqu’au bout. L’évangile nous montre le Christ prenant soin à la fois de ses disciples mais aussi du peuple sans berger, sans guide, et il les enseigne. Il aviat le projet de se retirer à l’écart, mais devant les foules, il accepte de les enseigner longuement, entièrement donné aux autres.
Quant à la Lettre de saint Paul aux Ephésiens, elle nous rappelle que la mort du Christ a rapproché Juifs et païens, à l’époque, opposés par une haine assez radicale. Le Christ a réconcilié par sa mort obéissante Juifs et païens avec Dieu car tous s’étaient éloignés de Dieu, en fait. La bonne nouvelle, c’est que la façon dont Dieu s’est fait en Jésus pasteur de l’humanité, c’est de nous offrir un accès désormais possible auprès du Père. Rien que ça !
Frères et sœurs, il pourrait être tentant, à l’écoute de ces textes, de dire : « Fort bien, ça concerne les évêques, les prêtres, les diacres le pape, les chefs d’Etats. C’est à eux de se retrousser les manches. Moi, cela ne me concerne pas, n’étant pas pasteur au sens où les lectures de ce dimanche l’entendent. »
Vraiment ? Ce serait oublier que la liturgie dit que baptême a fait de nous tous des prêtres, des prophètes et des rois au sens biblique.
Prêtres, car notre mission de chrétiens est de prier au nom de l’humanité toute entière, d’offrir notre prière, nos demandes, nos remerciements à Dieu comme les prêtres de l’Ancien Testament offraient des sacrifices d’animaux au Temple. Mais nous avons à le faire au nom de l’humanité entière. Ce peut être dynamisant pour nous de nous rappeler que la participation à la messe du dimanche n’est pas seulement pour notre profit personnel, fût-il spirituel mais pour le genre humain tout entier. C’est un des aspects essentiels de notre service de l’humanité. Ne l’oublions pas trop vite.
Prophètes car, par notre baptême, notre mission est d’annoncer cette incroyable nouvelle : le Christ, par sa mort et sa résurrection, donne accès auprès du Père à toute l’humanité.
Roi, car nous avons, comme les rois d’Israël, à être pasteurs de nos semblables non pas en exerçant un pouvoir totalitaire (tentation constante des rois d’Israël), mais en aidant nos proches et moins proches à garder le cap dans les soucis de la vie, à aider nos contemporains à mieux vivre, mais aussi à gérer les biens que Dieu donne à l’humanité tout entière, et cela dans la justice et non pas dans l’accaparement à notre profit. Cela suppose déjà de réformer notre propre vie.
Frères et sœurs, les lectures de ce dimanche, loin d’être champêtres, sont un incroyable programme pour les disciples du Christ, du moins ceux qui se veulent tels.
Quelle que soit notre responsabilité, notre situation, ressourçons-nous dans les textes de ce dimanche afin de voir comment Dieu, comment le Christ sont pasteurs non pas en dominant, en surplombant mais en accompagnant. Nous pourrons ainsi nous en inspirer…
Alors, nous rendrons présent le Christ dans notre monde. A nous d’en trouver, dans la prière et avec l’aide de l’Esprit Saint, les moyens concrets.
Ne craignons pas de chercher….
AMEN
SAINT BENOIT - 11 juillet 2021
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Luc
Frères et sœurs,
Dans les lectures entendues, il est beaucoup question de bonheur, d’être heureux… Il peut paraitre étonnant qu’un tel choix de lectures ait été fait pour la fête de St Benoit, la fête d’un moine qui a eu une vie forte et austère… Beaucoup en effet s’étonnent et nous posent souvent la question : peut-on être heureux dans la vie monastique ? Est-ce que vous êtes heureux ? Mais finalement c’est quoi le bonheur que promet Jésus, à nous les moines, mais aussi à tous les chrétiens ?
De l’évangile, je retiens trois pistes sur lesquels chercher et nous avancer dans la quête du bonheur qui nous taraude… le bonheur n’est pas comme un bien de consommation qui nous comblerait dans l’immédiat, il ne se fera pas sans les autres, le bonheur n’exclue pas la souffrance.
Le bonheur n’est pas à la mesure d’un bien de consommation qui viendrait assouvir notre soif maintenant. Pour notre mentalité imprégnée par le « tout, tout de suite », marquée par une profonde impatience, Jésus nous invite à un changement de regard et d’attitude dans la quête du bonheur. Il nous déplace. Le bonheur que promet Jésus n’est de l’ordre d’un avoir à portée de main, mais une qualité d’être qui nous met en chemin. Comme en témoigne les verbes au présent et au futur, ce bonheur est déjà là et il est encore à venir. Le royaume des cieux est à eux…ils seront rassasiés… Il est déjà là pour ceux qui sont dans la reconnaissance foncière de leur pauvreté, « heureux les pauvres de cœur »…St Benoit dirait qu’il est déjà là chez ceux qui laissent l’humilité les façonner. En eux pas de division, ni de demi-mesure. Le royaume des cieux est à eux… comment comprendre ce royaume des cieux ? Je fais le rapprochement avec ce que dit St Benoit à propos des humbles, dans la règle, ils goûtent l’amour de Dieu qui chasse la crainte (RB 7,67). Le bonheur est encore à venir comme une promesse pour tous ceux qui se mettent en chemin, pour les doux, ceux qui pleurent, les affamés de justice, les miséricordieux et les artisans de paix. C’est un bonheur en creux, un bonheur que la douceur, la miséricorde, la quête de la justice et de la paix, les pleurs va creuser toujours un peu plus. Si nous nous mettons sur ce chemin nous promet Jésus, notre trésor ne sera pas ce que nous acquérons ou possédons, mais ce que nous devenons. Caché à nos propres yeux et à ceux des autres, ce que nous sommes devenus apparaitra dans la lumière de la vie à venir, lorsque toute chose sera reprise par le Christ dans sa gloire.
Une seconde piste que nous pouvons retenir pour approcher le mystère de bonheur dévoilé par Jésus, ce bonheur ne se fera pas sans les autres. Notre société de consommation tend à nous faire rechercher notre propre bonheur de façon souvent très individualiste, comme si la finalité première était l’accomplissement de soi par soi, par ses propres moyens. Jésus nous découvre que notre bonheur se déploie à la mesure que nous nous tournons vers les autres dans la recherche de la justice, de la paix, de la miséricorde. Dans nos relations avec les autres qui peuvent parfois être conflictuelles ou difficiles, le malheur est de nous replier sur nos peurs ou nos terrains acquis. Au contraire le bonheur va grandir à la mesure où nous nous exposons aux autres. St Benoit dans la règle nous invite à ce même décentrement lorsqu’il invite par exemple à ne pas se coucher sur une querelle mais à se réconcilier avant le coucher du soleil (RB 4, 73), ou encore quand il nous exhorte à ne pas rechercher d’abord son propre intérêt, mais celui d’autrui (RB 72, 7). St Paul dans la seconde lecture nous enseigne à nous revêtir « de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. » Loin d’entendre ces propos comme un commandement, il nous faut les entendre comme une invitation à reconnaitre que tout cela est déjà en nous, car nous sommes « sanctifiés, choisis, aimés par Dieu » dans le Christ… Oui, le bonheur ne demande qu’à grandir en nous : celui de nous tourner vers les autres dans la quête de paix, de justice et de miséricorde… Car le Seigneur par sa grâce en a déposé les germes en nous.
Jésus nous laisse une troisième piste de compréhension pour entrer dans le bonheur : celle de ne pas exclure la souffrance de notre champ de vision et d’action. Il promet le bonheur à ceux qui pleurent, à ceux qui sont persécutés, maltraités, insultés à cause de son nom. Lorsque nous pensons bonheur, nous pensons spontanément « surtout pas de souffrance ». De manière mystérieuse, Jésus nous invite à regarder en face la souffrance, non pas à la rechercher, ni à l’exalter. Elle est là, et les disciples de Jésus la rencontreront. La refuser comme incompatible avec le bonheur promis nous fera passer à côté d’une joie, même « d’une allégresse » nous dit Jésus. Dans la foi, nous ne pouvons entrer sur ce chemin de bonheur qu’en regardant Jésus qui a voulu prendre de la chemin la passion pour aller vers la vie. St Benoit invite les moines à persévérer en partageant par la patience, les souffrances du Christ (RB Prol 50). Comme dans toute vie humaine, la vie monastique nous fait éprouver et vivre des choses difficiles, de notre fait ou du fait des autres…La souffrance est là, liée aux évènements, liée au péché, le sien propre, celui des autres. Va-t-on fuir parce que cela ne ressemble pas au bonheur désiré ? Souvenons-nous alors que Jésus qui a connu ce chemin est avec nous. Comme nous le ferons dans la prière sur les offrandes, demandons-lui de nous aider à nous renoncer à nous-mêmes pour servir le Christ, pour qu’ayant eu part à ses souffrances, nous goûtions à la joie éternelle…
Année B -14ème dim. du TO, 4Juillet 2021
Ez 2, 2-5 ; 2 Cor 12, 7-10 ; Mc 6, 1-6
Homélie du F.Bernard
L’Évangile que nous venons d’entendre est la suite de celui de dimanche dernier. Celui-ci rapportait deux expériences de foi, vécues l’une et l’autre dans des situations de grande détresse. Une femme atteinte de pertes de sang depuis douze ans, donc impure, intouchable dans la société d’alors, inapte à donner la vie, et un chef de synagogue dont la petite fille était à toute extrémité. L’une et l’autre, dans leur grande épreuve s’étaient tournés vers Jésus, comme vers celui-là seul qui pouvait les sauver. La femme, en dépit de son impureté, avait osé s’approcher dans la foule de Jésus pour toucher son vêtement. Quant à Jaïre, il avait supplié Jésus d’aller imposer les mains sur sa fille mourante. Celle-ci une fois morte, Jésus lui prendra la main pour lui rendre la vie.
Toucher Jésus pour être sauvé, pour avoir part à sa résurrection, c’est cela même que nous faisons en chaque eucharistie. Mais nous faisons plus encore, nous mangeons le corps du Seigneur pour devenir son Corps.
Aujourd’hui l’Évangile nous parle de manque de foi, plus précisément de non foi, apistia, de la part de ceux qui devraient être les plus proches de Jésus, les gens de son village qui l’ont vu grandir et fréquentent sa famille. Ceux-ci pensent bien le connaître, ils reconnaissent sa sagesse, ils ont entendu parler de ses miracles, accomplis ailleurs à Capharnaüm. Mais ici à Nazareth Jésus ne peut en accomplir aucun, car Jésus n’est pas un thaumaturge ; il ne peut accomplir son œuvre de salut que là où il trouve la foi.
La foi et l’incroyance. La foi des uns et l’incroyance des autres. Et entre les deux, la foi hésitante, lente à venir des disciples. Malgré tout, au fils de leur compagnonnage avec Jésus, celle-ci progresse, jusqu’à être confessée par Pierre, au nom de Douze, qui proclame : Tu es le Christ. Jusqu’au bout, jusqu’à Pâques, et même quand Jésus reverra ses disciples après Pâques, il leur reprochera leur incrédulité. Mais c’est pourtant à eux qu’il confiera la mission d’annoncer l’Évangile à toute la création (Mc 16, 15).
La foi et l’incroyance. La première lecture rapportait l’envoi en mission du prophète Ézéchiel auprès d’Israël, qualifié de peuple rebelle, au visage dur et au cœur obstiné (Ez 2, 3-4). La deuxième lecture, quant à elle, évoquait l’écharde dans la chair qui avait tant fait souffrir Paul au cours de son ministère (2 Cor 12, 7). Quelle écharde ? Peut-être L’Apôtre parlait-il de l’opposition systématique à sa prédication qu’il avait rencontrée de la part de ses frères de race, jusqu’à être qualifié par eux de peste, suscitant le désordre chez les Juifs du monde entier (Ac 24,5). L’incrédulité d’Israël fut pour Paul une cause de grande tristesse, de douleur incessante, jusqu’à vouloir être maudit, disait-il, séparé du Christ, s’il pouvait par-là convertir ses frères de race (Rm 9, 1-3).
La foi et l’incroyance. Cette dualité nous concerne tous bien certainement, déjà par le fait que nous connaissons tous, autour de nous, parmi nos proches, des situations d’incroyance. Faut-il se contenter de parler de cœur ouvert au mystère de Dieu pour les uns, de cœur endurci pour les autres ? Certes non ! car il y a des chrétiens trop assurés dans leur foi, comme s’ils la possédaient, et des incroyants humbles et sincères qui voudraient bien accéder à la lumière. Paul, évoquant l’incrédulité présente d’Israël, disait son espérance qu’au terme de l’histoire tout Israël reconnaîtrait le Christ et serait sauvé, et concluait sa méditation par cette réflexion : les décrets de Dieu sont insondables et ses voies incompréhensibles (Rm 11, 33).
Quant à nous, si la foi nous est donnée en partage, ce n’est pas parce que nous serions meilleurs : nous la recevons comme un don de Dieu, dont nous avons à rendre grâce. Mais ce don s’accompagne d’exigences. Celle de conformer nos vies, nos comportements avec cette foi. Celle encore d’entretenir la foi reçue par la prière, l’étude, les sacrements, comme un don à recevoir à nouveau chaque jour, à l’instar de la manne du désert que les Hébreux devaient recueillir chaque jour et dont ils ne pouvaient faire provision. L’exigence enfin d’être les témoins de Jésus-Christ, sans arrogance certes, mais humblement et avec assurance, sachant que c’est sans la faiblesse du témoin que la Puissance de Dieu peut donner toute sa mesure (2 Cor 12, 9-10).
Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 14) avait dit Jésus à ceux qui étaient venus l’écouter sur la montagne. Si les chrétiens n’apportent pas la lumière de la foi au monde, qui le fera ?
B - 29juin 2021 -Solennité des saints Pierre et Paul,
Ac 12 1-11 ; 2 Tim 4 6-8, 17-18 ; Mt 16 13-19
Homélie du F.Bernard
La liturgie célèbre rarement deux saints ensemble. Elle ne le fait en principe que lorsque ces deux saints ont eu un parcours de vie très semblable, en sorte que spontanément nous les associons. Ainsi Cyrille et Méthode, ces deux frères qui ensemble ont évangélisé la Moravie, ou encore les deux frères médecins, Côme et Damien, ou encore les deux apôtres Philippe et Jacques le mineur, dont nous ne savons pas grand-chose.
Mais Pierre et Paul… Apparemment tout les distingue. Pierre a été appelé au début du ministère de Jésus, et Paul ne l’a pas connu selon la chair (2 Cor 5,16). Pierre est le premier à avoir confessé la foi au Christ, au nom des Douze, et Paul a d’abord persécuté l’Église. Pierre s’est adressé avant tout aux fils d’Israël, et Paul a fait connaître aux nations l’Évangile du salut. Pierre, plus porté à s’adapter aux personnes, aux circonstances, Paul, plus intransigeant dans sa ligne de conduite doctrinale.
On pourrait continuer à les distinguer, voire les opposer. Mais le plus important est de se rappeler, à leur propos, cette parole de l’Apôtre : Il y a dans l’Église, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous (1 Cor 12, 4-6).
Pierre et Paul se sont croisés à plusieurs reprises, à Jérusalem, à Antioche, peut-être à Corinthe, à Rome. Avec des tempéraments et des parcours si différents, il était inévitable qu’ils fussent parfois en désaccord, même gravement. On sait qu’à Antioche, Paul a reproché à Pierre d’avoir dissimulé sa foi chrétienne derrière son appartenance juive, de n’avoir pas marché droit selon la vérité de l’Évangile (Gal 2,14) : reproche grave, très grave certes. Mais peut-être les tergiversations de Pierre ont elles pondéré les intransigeances doctrinales de Paul qui auraient pu entraîner l’Église primitive dans un schisme entre judéo-chrétiens et pagano-chrétiens ?
Mais l’essentiel est ailleurs, dans le fait que leur parcours à l’un et à l’autre a abouti à Rome, où il aura été donné à l’un et à l’autre d’y donner le témoignage suprême du martyre. Ainsi ont-ils été unis définitivement dans cette charité, cet Amour de Dieu, qu’ils voulaient annoncer l’un et l’autre.
Avec le martyre, c’est leur complémentarité même dans le ministère, celui de l’institution et celui du charisme, qui nous les fait rassembler conjointement en ce jour, comme les deux colonnes de l’Église, cette Église de Rome, chargée de présider à la charité sur toutes les églises, et de reconnaître la diversité des esprits venant de dieu, en vue de concourir à l’unité.
En ce jour nous prenons dans notre prière les cent trente prêtres qui ont été ordonnés ces derniers jours en France. Qu’ils soient dans la diversité des ministères qui leur seront confiés de vrais témoins fidèles de Jésus-Christ !
Année B - Dimanche 20 juin 2021 –12e dimanche ordinaire
Job 38, 1.8-11; Psaume 106; 2 Co 5, 14-17; Marc 4, 35-41
Homélie du F.Damase
Rembrandt avait 27 ans quand il a peint en 1633, son unique marine. Elle représente cette scène du Christ dans la tempête. On y voit Jésus et ses disciples, dans un bateau dressé sur une mer en furie, debout comme un cheval qui se cabre.
Pas de meilleure façon d’entrer dans ce récit que de nous demander ce que nous aurions fait, embarqués ce soir-là avec eux, perdus au milieu de l’abîme. Réveille-toi, Seigneur, Pourquoi dors-tu ?
Qui de nous, Frères et Sœurs, à l’heure de l’épreuve, n’a pas crié vers Dieu sa détresse, sa révolte ? Qui n’a pas connu aussi cette étrange paix qui vient après l’épreuve, et parfois plus étrangement, qui vient pendant l’épreuve et la résout mystérieusement ? Le vent tomba et il se fit un grand calme.
Ce grand calme, cette nuit-là, c’est Jésus dans la barque, qui se réveille, se lève, menace le vent, dompte la mer et à l’heure des ténèbres, franchit l’abîme et passe de l’autre côté de la mer. De quel sommeil Jésus dort-il ? Pour quel passage ?
Il est clair que ce récit préfigure la passion du Christ, quand Jésus s’endormira dans la mort, et se réveillera au matin de Pâques, Homme debout, vainqueur de l’abîme. Comment quelqu’un qui dort, comment quelqu’un qui meurt peut-il nous sauver ?
Même énigme pour les disciples et pour nous. C’est bien notre foi au Christ mort et ressuscité, que ce récit interroge. Notre foi, frères et sœurs, court toujours le risque de rêver d’un Dieu qui écarterait devant nous les obstacles, nous épargnerait l’épreuve. Ce n’est pas le choix de Dieu. Jésus n’a pas évité le combat, allant même au-devant de sa propre mort, comme ce soir-là, il va au-devant de la mer à l’heure la plus difficile.
Non, Jésus n’a pas contourné l’obstacle, la mort il l’a traversée comme il a traversé la mer. Et nous, ce n’est pas en abandonnant Jésus, en quittant la barque que nous pourrons être sauvés mais en liant notre destin au sien, en demeurant avec Jésus dans la barque. Le pire danger ce n’est pas la tempête, c’est de ne pas être avec Jésus dans la tempête, ce n’est pas l’épreuve, c’est de ne pas être avec Jésus dans l’épreuve.
Quand Marc rédige son évangile, dans les années 60-70, l’église de Rome est persécutée et on peut penser qu’il veut par ce récit l’encourager dans l’épreuve, l’appeler à mettre sa confiance dans son Seigneur ressuscité. La barque de l’église aujourd’hui semble tout autant menacée et nous chrétiens, nous nous sentons souvent cruellement faibles.
Réentendons la question du Christ : Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? Non pas Pourquoi n’avez-vous pas la foi ? Mais pourquoi n’avez-vous pas encore la foi ? PAS ENCORE. Magnifique expression qui nous donne notre chance, qui nous donne de la marge, qui laisse place pour nous A TOUS LES POSSIBLES ET LIBERE NOTRE DESIR d’embarquer avec Jésus, de passer avec lui sur l’autre rive, vers notre port d’attache, puisqu’Il le veut et puisqu’Il est avec nous. Sur son ordre, passons avec Lui, trépassons avec Lui, le Christ, notre Pâque. Sans rien craindre. Puisque sa Présence, seule, dans les intempéries de nos vies et celles de l’histoire, puisque sa présence est le lest, la sécurité, ici-bas, de notre traversée.
552 mots
B - 11° dimanche Ordinaire - 13 juin 2021
Ez 17 22-24 ; Co 5 6-10 ; Mc 4 26-34
Homélie du F.Vincent
Le Seigneur aujourd’hui nous parle du Règne de Dieu et il nous en parle en paraboles.
La première des deux paraboles, qui nous est racontée ce matin, nous montre un homme qui jette en terre la semence… Qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit jusqu’à la moisson. On pourrait dire de façon un peu triviale : « Patience, ne nous affolons pas ! » Si nous, nous vivons dans le temps, avec ces alternances, le Règne de Dieu, lui, ne connait pas ce rythme : c’est sans cesse qu’il est à l’œuvre. Et donc, l’installation du règne en nous et autour de nous, n’est pas d’abord le fruit de nos efforts, C’est celui d’une parole jetée en terre, dite dans le monde, parole qui continue d’agir et de faire agir. Et puisque c’est Dieu qui donne la croissance, notre action doit d’abord être celle de la confiance, de l’abandon et de la foi. Foi et confiance, parce que comme le dit la parabole, les semailles aboutiront à la moisson, le Règne parviendra à maturité ! Bien souvent, nous nous interrogeons sur l’état de notre monde, l’état de notre Église ou même l’état de notre vie, mais nous oublions peut-être un peu rapidement que nous n’en sommes encore qu’au temps des semailles, au temps de la lente croissance et nous ne pouvons donc pas encore estimer la moisson. Par contre ce qui doit nous aider à vivre, et à agir, c’est que la moisson est sûre et certaine. Ainsi, que nous dormions ou que nous nous levions, le Règne de Dieu est là dans nos vies et s’y développe.
Ce Règne, qui est tout proche, il ne s’abat pas sur nous comme un jugement, comme une fin du monde, Cette présence du règne de Dieu, n’est pas plus éclatante que cette naissance dans une étable, que ce corps meurtri sur une croix, que ce tombeau retrouvé vide par un petit groupe de femmes. Non, Dieu entre dans nos vies, dans notre temps, dans notre croissance, avec respect, avec patience, avec confiance.
Cette parabole n’a pas pour but de nous dire comment nous devons faire pour accueillir le Royaume mais plutôt comment ce Royaume agit, grandit en nous. Et peut- être, aussi que c’est en prenant le temps de nous mettre à l’écoute de l’œuvre de Dieu en nous et autour de nous, que nous accueillerons davantage cette croissance, ce dynamisme qui nous conduiront de l’herbe à l’épi avec du blé plein l’épi.
Dans la seconde parabole, il n’y a, là encore, rien d’éclatant dans cette graine de moutarde, la plus petite de toutes les semences, « elle est si petite ! » Mais un nouvelle fois, Jésus nous appelle à nous en remettre à cette force de croissance qui nous échappe et qui nous dépasse. Là où, dans la 1ère parabole, la semence poussait dans le temps, cette fois-ci c’est l’espace qui est pris dans cette dynamique du règne : cette plante née de la plus petite de toutes les semences, étend de longues branches si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leurs nids à son ombre. Cette image fait référence à la prophétie d’Ezéchiel que nous avons entendue en première lecture : l’arbre où les oiseaux font leur nid, c’est le roi qui guide et protège son peuple. Ainsi, à partir d’une simple graine de moutarde, Jésus annonce l’accomplissement de la promesse, la certitude que Dieu mène à son achèvement ce qu’il a commencé, et bien au-delà de ce à quoi nous nous attendions !
Cette semence, c’est la Parole de Dieu qui nous rejoint dans nos vies et qui frappe à notre porte pour transformer nos cœurs.
Cette semence, c’est tous ces petits gestes du quotidien qui font l’histoire de nos vies.
Cette semence, enfin, c’est aussi notre prière, notre humble prière ici, et qui pourtant franchit les frontières, que nous dormions ou que nous nous levions.
Et finalement, croyons-le, espérons-le, voulons-le, cette semence c’est notre parole, notre façon d’être à chacun d’entre nous, habités, animés par la puissance d’un amour : aimés de Dieu, aimés en Dieu.
(Sources diverses)
++++++++++++
B - SACRE-CŒUR - 21-06-2021 - f. Hubert
Os 11 1-4 ; Ep 3 8-12 - Jn 19 31-37
Homélie du F. Prieur Hubert
Le premier chapitre du dernier livre de notre f. Ghislain a pour titre :
« L’amour désarmé ». C’est à la lumière de ces deux mots que je voudrais contempler le Christ, offert à nos regards aujourd’hui sur la croix.
Quand il vient à nous, Dieu vient, fragile, sans rien pour le défendre, le protéger, sinon les bras de Marie et de Joseph ; il vient désarmé, posé dans une mangeoire, comme du pain à manger pour donner la vie, à Bethléem, la « maison du pain ».
Il est Dieu, livré aux mains des hommes qui lui « ont fait tout ce qu’ils ont voulu » ;
devant Pilate, il est silencieux, ne cherchant pas à se défendre ;
et, nu sur la croix, sans plus personne pour le protéger, il est Dieu, désarmé,
exposé pour toujours au rejet et à la violence :
il les assume sans les rendre.
Jésus, Dieu, jeté hors de la terre et du ciel,
continuant de donner la paix et la bénédiction.
« Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils sont transpercé » :
Nous l’avons transpercé.
Nous l’avons transpercé d’un coup de lance, sur sa croix ;
nous l’avons transpercé en toute femme, en tout homme, en tout enfant, méprisé,
agressé, tué, de génération en génération, en quelque lieu que ce soit.
Nous le transperçons en tous ceux qui sont exclus de notre abondance.
Nous l’avons transpercé, et le transperçons encore, et nous devrions en être condamnés.
Notre délivrance, la délivrance du monde,
c’est que son amour est tel qu’il nous aime encore, jusque dans notre rejet.
Il nous attire à lui et nous revêt de sa bénédiction.
« Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »
De son cœur ouvert, jaillit l’eau vive qui nous lave et nous désaltère.
De son cœur ouvert, jaillit le sang qui nous donne vie,
le sang de l’alliance qui fait de nous tous un seul corps avec lui.
De son cœur ouvert il fait notre refuge.
Vais-je les livrer au châtiment ? dit Dieu.
Non ! Mon cœur se retourne contre moi ; mes entrailles frémissent.
Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël,
car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint,
et je ne viens pas pour exterminer.
Seigneur Jésus, que ton amour nous désarme, dans nos cœurs et nos esprits,
pour t’accueillir toi, pour accueillir nos frères et sœurs, dans leurs diversité,
leurs richesses et leurs pauvretés, leurs agressivités.
Si ton Cœur ouvert fait de nous un seul corps avec toi,
allons-nous prendre les armes pour nous défendre ?
Cœur plus humain
Que fut jamais le cœur
D'un enfant de la terre,
Cœur plus ouvert
Qu'un ciel à l'infini,
Une mer sans rivage,
Tu t'es livré
De pleine grâce
Au repas de la Pâque.
L'Esprit, le sang et l'eau
Sont témoins de ton alliance d'amour.
Viens élargir en nous
La mesure et l'horizon de l'amour.
Dans la foi, donnons au Christ d’habiter dans nos cœurs,
pour que nous comprenions quelle est la largeur, la longueur,
la hauteur et la profondeur de l’Amour.
« Regardons celui que nous avons transpercé : approchons-nous du cœur de Dieu. »
Fête du Corps et du Sang du Christ - 6 juin 2021 Année B -
Exode 24, 3-8 / ps 115 ; Hébreux 9, 11-15 ; Marc 14, 12-16 + 22-26
Homélie du F.Basile
Frères et Sœurs, pourquoi fêter l’Eucharistie aujourd’hui d’une manière toute spéciale ? Nous la célébrons chaque dimanche, chaque jour même, mais cela nous renvoie toujours au premier jour, au jeudi saint, où Jésus, la veille de sa passion et de sa mort, accomplit ce geste et le confie à ses disciples, pendant le dernier repas qu’il prend avec eux. Dans l’évangile de Marc qui vient d’être proclamé, le commandement de le faire en mémoire de Lui, n’est même pas mentionné. Mais le geste et le sens que Jésus lui donne est très fort : en prenant le pain et en le partageant, il dit ‘Ceci est mon corps' ; en prenant la coupe et en la leur donnant, il dit ‘Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude’ ; ce geste et ces mots sont si forts que cela deviendra le sacrement par excellence, signe donné une fois pour toutes, mais qui rendra présente, à toutes les générations à venir, la Pâque du Christ, le sacrifice de sa vie, le mystère de sa mort et de sa Résurrection, le sacrement de la nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes.
Quel mystère et qui peut le comprendre ? Nos cœurs s’étonnent et voudraient mieux comprendre, chantons-nous dans une hymne du jeudi saint. Concrètement, à quel âge l’enfant peut-il faire sa première communion ? Dans une homélie, Christian de Chergé, le prieur des moines de Tibhirine en Algérie, rappelait qu’il l’avait faite à l’âge de 5 ans, malgré les réserves de son père, et sa mère disait : Il comprendra plus tard. Au lycée, Christian disait encore à son aumônier qu’il ne comprenait pas la messe. Et nous-mêmes, que dirions-nous ? Or Christian nous révèle ensuite qu’il a été conduit au cœur du mystère eucharistique par un musulman. Il commence à le comprendre vraiment par le don que son ami Mohamed a fait de sa vie pour lui, Christian : un événement qui l’a bouleversé et dont il fera souvent mémoire.
Pour nous, il est toujours bon de revenir au sens que Jésus donne à ce dernier repas ; à la messe nous refaisons le geste du Christ qui donne sens à l’offrande de sa vie. « Chaque eucharistie, disait Christian de Chergé, me le rend infiniment présent, dans la réalité de son Corps de gloire, où le don de sa vie a pris toute sa dimension pour moi et pour la multitude. », « pour moi et pour tous » dirait notre frère Ghislain.
Sang versé pour la multitude : la lettre aux Hébreux, 2° lecture, met en valeur le sang du Christ qui fait pour nous bien davantage que tous les sacrifices compliqués de la 1° alliance ; son propre sang nous purifie de tous nos actes de mort et nous permet de célébrer le Dieu vivant. Dans la 1° lecture, tirée de l’Exode, il nous a été rappelé l’alliance au Sinaï avec Moïse, la 1° alliance, et ce rapprochement est saisissant : car il s’agit bien d’un engagement pour la vie, d’un acte d’alliance avec Dieu, conclu par le sang répandu, et le sang, c’est la vie. Moïse, après avoir aspergé l’autel, asperge le peuple avec le même sang ; et il relie cela aux 10 commandements reçus et à l’engagement pris à les respecter : c’est une question de vie ou de mort.
Alors comment ne pas faire le lien avec le commandement nouveau de l’amour, que Jésus nous donne, et qui dans l’évangile de Jean prend justement la place de l’Eucharistie ? Jésus commence par laver les pieds de ses disciples. ‘Comprenez-vous ce que je fais ?’ leur demande Jésus. ‘Ce que j’ai fait, faites-le vous aussi.’ ‘Comme je vous ai aimés, vous devez vous aimer les uns les autres.’
Tout est donné, tout est lié. Dès lors, communier au Corps et au Sang du Christ, devient un geste d’amour qui nous engage : en devenant nous-mêmes le Corps du Christ, nous entrons dans le grand mouvement de charité qui a conduit le Christ à donner sa vie totalement ; avec lui nous communions à la volonté du Père, avec lui nous sommes unis à tous ceux qui peinent et qui offrent leur vie aujourd’hui. Le Christ est bien l’aîné d’une multitude de frères et l’Eucharistie nous met en communion avec tous.
F et S, c’est bien dommage que nous ne puissions plus actuellement communier au Sang du Christ d’une manière ou d’une autre, en raison des mesures sanitaires qui nous sont imposées. J’espère que bientôt nous pourrons le faire à nouveau.
Pour finir je voudrais citer une page brûlante du patriarche Athénagoras, et cela nous relie à toutes les Eglises d’Orient.
« L’Eucharistie, disait-il, déjà secrètement illumine le monde ; l’homme y retrouve sa filiation perdue et puise sa vie dans celle du Christ, l’ami secret qui partage avec lui le pain de la nécessité et le vin de la fête.
Le pain est son corps, et le vin est son sang, et dans cette unité plus rien ne nous sépare de rien ni de personne. Que peut-il y avoir de plus grand ? C’est la joie de Pâques, la joie de la transfiguration de l’univers. Désormais tout a un sens.
Et toi aussi, tu as un sens. Tu ne mourras pas. Même la souffrance, même la mort ont un sens et deviennent les chemins de la vie.
Il existe ici-bas un lieu où il n’y a plus de séparation, où il y a seulement le grand amour, la grande joie.
Ce lieu, c’est le saint Calice au cœur de l’Eglise. Et par là dans ton cœur… Voilà ce que devrait être le culte ! » Amen
(extrait des ‘Dialogues avec le Patriarche Athénagoras’
d’Olivier Clément page 276 sv)
Année B - PENTECÔTE -23 MAI 2021
Ac 2, 1-11; Ga 5, 16-25 ; Jn 15, 26...16,15
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et Sœurs, un mot revient plusieurs fois dans les textes entendus, c’est le mot « conduire ». Paul invite ses interlocuteurs les Galates, à « se laisser conduire par l’Esprit », ou « à marcher sous la conduite de l’Esprit Saint ». Et Jésus lui-même nous promet que l’Esprit Saint nous « conduira dans la vérité tout entière » … Qu’est-ce que cela veut dire : se laisser conduire par l’Esprit Saint ? Et qui est-il Celui-là sous la conduite duquel nous sommes conviés à marcher ?
Qui est-il ? Dans la première lecture, l’Esprit Saint se présente comme une force, sous l’image d’un fort vent violent et de flammes de feu donnés aux Apôtres. Loin d’effrayer ou de terroriser, il donne de l’assurance aux Douze apôtres pour aller à la rencontre des étrangers présents à Jérusalem en parlant leur langue… L’Esprit Saint se révèle alors comme une force irrésistible d’amour qui tourne vers les autres, une force puissante de communion. Il relie les hommes là tant de barrières culturelles ou sociales pourraient les séparer. Que veut-dire alors nous laisser conduire par l’Esprit Saint ? N’est-ce pas nous laisser entrainer à aller à la rencontre de l’autre, à apprendre son langage, à entrer dans son monde de pensée pour tisser un lien de solidarité, de communion, et avec des mots ou simplement par notre présence témoigner de l’Amour qui nous fait vivre… ?
Qui est-il encore l’Esprit Saint ? St Paul nous le fait découvrir à travers ce qu’il produit en nous. Il affirme ainsi que « le fruit de l’Esprit » est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maitrise de soi » … Pour prendre une image chimique, l’Esprit Saint est un « principe très actif » dans nos existences. Allons-nous le laisser agir ? Paul nous rappelle que les choses peuvent être parfois difficiles. Il y a en nous un combat, « un affrontement » entre deux tendances, celles de la chair et celle d’Esprit. Face aux tendances de la chair, laissée à elle-même, qui nous tire vers le bas, vers la division, la jouissance égoïste ou encore la haine, se joue un combat dans lequel l’Esprit Saint se manifeste comme notre « défenseur ». Là où les tendances de la chair entrainent à un repli sur soi, à la violence, et à des addictions mortifères, l’Esprit nous montre un chemin d’unification, de paix et de maitrise de soi. Entre les deux tendances, notre expérience humaine nous montre un jour ou l’autre que le combat peut être sévère. Laissés à nos seules forces nous risquons souvent de céder aux forces négatives et, à la longue, destructrices. Nous laisser conduire par l’Esprit va prendre alors la forme d’un apprentissage au gré de la vie quotidienne. A travers la prière qui permet de faire le point sous le regard de Dieu, à travers la rencontre avec quelqu’un avec qui on peut parler en vérité, à travers la méditation de la Bible qui nous redonne le cap, à travers les sacrements vécus en Eglise qui nous donnent la force, peu à peu notre désir devient plus vif et plus attentif. Peu à peu, nous apprenons à discerner les voies qui sont des impasses, et nous demandons à l’Esprit Saint sa force, sa lumière pour vivre selon son vouloir très bon pour l’homme...
Qui est-il encore l’Esprit Saint ? Jésus nous dit qu’il est celui qui nous conduira à la vérité tout entière… L’Esprit Saint est en nous comme un veilleur, comme un éveilleur qui nous incline à toujours chercher la Vérité. Notre foi est une lumière forte. En elle, nous regardons notre monde comme porté par les mains de Dieu et promis à la Vie avec Lui. Depuis la mort et la Résurrection de Jésus, nous croyons que tous les hommes sont aimés et sauvés des liens du mal et de la mort. Nous croyons, et nous continuons de chercher pour mieux comprendre ce que cela veut dire… Nous laisser conduire par l’Esprit Saint vers la Vérité tout entière, n’est-ce pas approfondir toujours la vérité de Dieu et de son mystère, mais aussi celle de son projet pour tous les hommes ? N’est-ce pas accepter de rester toujours ouvert, pour nous laisser surprendre ? Attitude d’ouverture confiante vis-à-vis de Dieu, et attitude d’ouverture bienveillante vis-à-vis de tout homme, temple de sa Présence… Les recherches actuelles vécues dans le dialogue interreligieux ou dans la quête de la fraternité universelle voulue par le pape François, sont des lieux à travers lesquels l’Esprit Saint nous conduit vers la Vérité toute entière.
Frères et Sœurs, rendons grâce en cette célébration d’être placés sous la bonne garde de l’Esprit Saint. Et unis à Jésus, offrons-nous davantage à son œuvre d’amour.