Homélies
Liste des Homélies
Année B - 26 dimanche du Temps Ordinaire - 26 septembre 2021
Nbr 11 25-29 ; Jacq 5 1-6 ; Mc 9 38-48
Après l’événement de Césarée, où Pierre pour la première fois, au nom des Douze, a confessé Jésus comme le Christ, le Messie Fils de Dieu, annoncé dans les Écritures, le Seigneur s’est consacré principalement à l’instruction de ses disciples. Cheminant avec eux vers Jérusalem, vers la Pâque, à trois reprises il leur a dit que le Fils de l’homme devait souffrir, être mis à mort et le troisième jour ressusciter. Mais ils ne pouvaient pas pleinement comprendre ces paroles avant sa Résurrection. Au gré des circonstances et aussi des personnes rencontrées sur leur route, il a instruit ses disciples de toutes manières, donnant un enseignement qui peut nous paraître certes quelque peu disparate, d’après l’écho que nous en donne l’évangile de saint Marc entendu actuellement.
De l’Évangile qui vient d’être proclamé, je retiens un double message. D’abord cette parole d’une étonnante de largeur de vue : Qui n’est pas contre nous est pour nous. Jean, l’Apôtre, voulait empêcher quelqu’un d’étranger au groupe des disciples d’opérer des exorcismes, de chasser les démons. Jésus réagit immédiatement : Ne l’empêchez pas. De même, au temps de l’Exode, quand Josué s’était opposé à ce que deux anciens d’Israël prophétisent dans le camp des hébreux, sous le prétexte qu’ils n’étaient pas avec les autres anciens dans la Tente de la Rencontre, Moïse l’avait repris et s’était écrié : Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout le peuple un peuple de prophètes (Nb 11,29). La leçon est claire : l’Église, dont la Tente de la Rencontre était la figure, n’a pas le monopole de l’Esprit. Le vent souffle où il veut. Il en est de même de l’Esprit (Jn 3,8), nous dit Jésus.
Qui n’est pas contre nous est pour nous. Toute parole de vérité, d’où qu’elle vienne, appartient au Christ. Tout acte de bonté, d’où qu’il vienne, peut concourir à l’avènement du Royaume. Tout verre d ‘eau fraiche donné ou reçu ne perdra pas sa récompense. Ce verre d’eau fraiche est de quelque manière signe de la présence du Christ parmi nous. Si nous en avions davantage conscience, cela changerait sans doute bien des choses en nos vies, dans les événements qu’il nous est donné de vivre, dans les relations humaines que nous avons à tisser.
Qui n’est pas contre nous et pour nous. Si autrui n’a pas le cœur fermé, il peut et pourra s’ouvrir au Christ et à son message. Comme ce scribe, appartenant pourtant à un groupe d’adversaires de Jésus, qui au terme du ministère du Seigneur, l’interroge sur le premier commandement. Il s’en suit un dialogue de confiance que Jésus conclut par ces mots : Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu (Mc 12, 34).
L’autre enseignement que je retiens ce matin est d’une extrême radicalité : Si ta main t’entraîne au péché, te scandalise, te fait chuter, coupe-là. Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le (Mc 9, 43-47). Mais la main, le pied, l’œil sont des parties de notre être, créées par Dieu pour accomplir nos tâches en ce monde et entrer en relation. Pourtant Jésus poursuit : Il vaut mieux entrer dans le Royaume manchot, estropié, borgne, que d’être jeté dans la géhenne avec ses deux mains, ses deux pieds, ses deux yeux.
C’est déjà très exactement ce que Jésus avait dit aux foules après Césarée : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive (Mc 8,34). En détaillant ce même commandement, Jésus ne fait que lui donner plus de forces.
Couper, arracher… Bien sûr, il s’agit de métaphores, mais elles sont significatives et nous invitent à les traduire dans notre vie. Y-a-t-il en nous des réalités, même bonnes en elles-mêmes, qui peuvent nous entraîner au péché, et nous détourner du Christ ? Quelles réalités, A chacun de les repérer. Peut-être des possessions que nous avons ou pourrions acquérir ? Peut-être telle situation avantageuse à laquelle nous pourrions prétendre ? Peut-être telle relation séduisante ?... Chacun de nous doit au moins à certains moments opérer un discernement de cette sorte, pour sa vie dans le Christ. Il doit aussi se faire conseiller pour ne pas retrancher dans la précipitation ce qu’ensuite il regretterait.
La lettre de saint Jacques pour sa part évoque des riches qui se sont enfermés dans leurs richesses uniquement préoccupés à les agrandir et à en jouir, oubliant ceux qui ont oeuvré pour eux, en ne payant pas même leurs salaires. Une situation qui peut toujours être d’actualité et que le pape François dénonce régulièrement.
Nous avons entendu deux paroles du Seigneur, l’une très ouverte concernant notre relation à autrui, l’autre très exigeante pour nous-mêmes. A les garder ensemble, à les mettre en pratique nous pouvons espérer être cette maison qui tient bon, quand la pluie vient, quand le vent souffle, quand les torrents surgissent. Car elle est fondée sur le Roc (cf Mt 17,25). Elle est bâtie sur le Christ.
25e dimanche Temps Ordinaire (B) (19/09/2021)
(Sg 2, 12.17-20 – Ps 53 – Jc 3, 16-4, 3 – Mc 9, 30-37)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs,
Peut-être qu’à l’écoute de la première lecture de cette eucharistie, tirée du livre de la Sagesse, un des livres les plus récents de l’Ancien Testament, vous vous serez posé la question : « Tiens, est-ce du Christ qu’il parle ? » tant la proximité avec la Passion du Christ est grande alors que ce texte a été écrit peut-être seulement une soixantaine d’années avant le Christ.
On a l’impression de suivre la Passion du Christ de façon presque chronologique.
Attirons le juste dans un piège car il nous contrarie n’est-il pas proche des conciliabules des opposants au Christ furieux d’avoir été contestés publiquement ?
Il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et nous accuse d’infidélité à notre éducation ne rejoint-il pas les reproches du Christ à certain de ses coreligionnaires ?
Si le juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera et l’arrachera aux mains de ses adversaires ne croirait-on pas entendre les ennemis du Christ au pied de la croix ?
Et de même : Soumettons-le à des outrages et des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience.
Et enfin Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un interviendra pour lui.
Dans l’évangile, l’annonce de sa Passion par le Christ est on ne peut plus sobre : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront. »
La suite de l’évangile nous dit que les disciples n’ont rien compris à ces paroles du Christ et, de fait, ils n’ont absolument rien compris à rien puisqu’alors que le Christ annonce à quel point il sera abaissé, les disciples, eux, discutent pour savoir qui sera le plus grand.
Frères et sœurs ces deux textes ne pourraient-ils pas nous éclairer sur cette question qui peut nous travailler, parfois fortement : qui est le Dieu de Jésus Christ qui est le Dieu proclamé par les chrétiens ?
Dans ces deux textes, il me semble qu’on y trouve à la fois la vision très humaine, spontanée de l’homme sur Dieu et à la fois la réponse de Dieu qui dit qui il est. Et il faut reconnaître que le fossé entre les deux visions est de taille !
Dans la première lecture, ceux qui veulent attirer le juste dans un piège prétendent s’appuyer sur Dieu en le mettant à l’épreuve. Si le juste est vraiment juste, s’il est assisté de Dieu, Dieu l’arrachera à la main de ses adversaires et, de fait, il y a des textes bibliques pour appuyer cette vision. Mais il y a d’autres textes qui parlent aussi de la souffrance du juste, du juste persécuté, du Serviteur souffrant. Par exemple le prophète Isaïe. D’une manière générale, la Bible se méfie d’une vision d’un Dieu magicien venant combler toutes nos insuffisances, nos limites. D’un Dieu que nous mettrions au service de nous-mêmes pour une vie sans souci.
Quant à l’évangile, si le Christ fait une nouvelle annonce de sa Passion, le texte nous dit bien à quel point les disciples sont à distance du Christ comme Pierre, dans l’évangile de dimanche dernier qui reprochait au Christ d’avoir annoncé sa souffrance et sa mort. Ce n’était pas pensable pour Pierre que le Messie meure ainsi.
Les évangiles, et en particulier celui de saint Marc, n’ont rien d’un texte de propagande ecclésiastique. Les disciples du Christ n’y sont pas vraiment représentés comme des héros. Alors que le Christ parle de sa souffrance, les disciples discutent pour savoir qui est le plus grand. Derrière cette discussion se cache peut-être aussi une vision de Dieu, de sa grandeur, de sa puissance. Se trouver dans le groupe des Douze, c’est peut-être profiter de la puissance de Dieu telle que l’homme se l’imagine trop facilement : Celui qui peut tout et qui fera partager sa puissance à ses proches. Souvenez-vous Jacques et Jean : « Nous aimerions siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche » et le refus du Christ d’attribuer ces places à qui que ce soit. C’est au Père de les attribuer.
Le Christ rappelle alors aux Douze la grandeur selon Dieu : « le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous. » Et c’est ce que lui, le Christ, le Verbe de Dieu, le Fils du Père, a vécu jusqu’à l’extrême.
Frères et sœurs, nous risquons toujours de rêver d’un Dieu qui viendrait magiquement nous aider pour nous éviter tout combat, tout souci voire toute défaite. Nous risquons d’affubler Dieu d’une toute-puissance qui n’est pas celle du Dieu de Jésus Christ mais de celle d’idole païenne qu’on mettrait à notre service et si ça ne marche pas, on change de dieu.
Face aux défis que rencontre l’Eglise aujourd’hui, nous pouvons en arriver à douter de Dieu si notre foi se limite à voir se réaliser ce que nous souhaitons, même si ça peut paraître très bon.
Certes Dieu sauve, il nous a sauvés en Jésus-Christ, mais ce Salut doit s’actualiser dans une vie où nous avons à faire l’expérience de la nécessité dans laquelle nous sommes d’être aidés et sauvés par Dieu. Il ne s’agit pas de rêver d’être inaccessibles à tout mal à toute peine, mais il s’agit de faire confiance à un Dieu qui n’a pas hésité à traverser la faiblesse et la souffrance humaine sans demander l’aide de 12 légions d’anges pour le libérer. Il s’agit de se faire disciple d’un Dieu qui a accepté les outrages, les tourments sans réclamer vengeance à son Père. C’est ce Christ que le Père a ressuscité.
Tout un programme. Peut-être celui de l’enfance spirituelle.
AMEN
Année B - 24e dimanche TO – 12 septembre 2021
Is 50, 5-9a ; Jc 2, 14-18, Mc 8, 27-35
Homélie du F.Hubert
« Jésus interrogeait ses disciples » :
moment charnière et décisif dans la vie publique de Jésus.
Qui est Jésus ? C’est la grande question que Marc adresse à ses lecteurs.
Entre l’affirmation de foi qu’il pose dès son premier verset :
« Commencement de l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu »,
et la proclamation au pied de la croix
par le centurion païen qui a présidé à la crucifixion :
« Vraiment, cet homme était Fils de Dieu »,
tout le récit de Marc nous sollicite sans cesse : « Qui est celui-là ? »
Qui est-il, celui qui chasse les esprits impurs, guérit le lépreux,
pardonne ses péchés au paralytique,
mange avec les publicains et les pécheurs, guérit le jour du sabbat,
celui que sa parenté cherche en se disant : « Il a perdu la tête ! »,
celui qui commande avec autorité au vent et à la mer,
et délivre le possédé gérasénien, en pays païen ?
Qui est-il ?
Aujourd’hui, c’est Jésus lui-même qui pose la question.
« Au dire des gens, qui suis-je ? » - « Pour vous, qui suis-je ? »
Question cruciale qui concerne tout l’être de Jésus, toute sa mission,
toute son œuvre de salut…
Pierre répond : « Tu es le Christ ».
Comme il nous était dit cette nuit, Pierre a répondu « avec le qualificatif le plus fort et le plus élevé dont il disposait, mais c'est justement ce qualificatif messianique qui est à l'origine d'idées parfaitement erronées. »
C’est pourquoi Jésus défend vivement aux disciples de parler de lui à personne.
Il ne reprend pas le titre de Messie, trop ambigu, mais celui de Fils de l’homme.
Dieu se fait homme, avec toutes les conséquences que cela a,
pour se révéler comme Dieu, comme Sauveur.
Jésus est la révélation même du mystère de Dieu,
du mystère de l’amour qui s’offre, qui se donne, qui se vide de lui-même pour l’aimé.
Et quand l’aimé est blessé par le mal, par la souffrance, par le péché,
il prend tout cela sur lui pour le recréer, sanctifié et bienheureux.
Alors, il ne faut pas que les disciples parlent de lui avant de l’avoir suivi jusqu’à Jérusalem, avoir été confrontés à leur faiblesse, à la passion de leur maître,
avoir reçu l’Esprit pour comprendre son mystère de mort et de résurrection,
le mystère du don total dans la faiblesse, la défiguration absolues.
« Je ne connais plus le Christ à la manière humaine », dit Paul.
Oui, Jésus est le Christ, mais de quelle manière ?
Le serviteur souffrant d’Isaïe en manifestait déjà les traits et le chemin :
« Je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient.
Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.
Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours. »
Cela nous est si difficile à accepter ! Pour notre Sauveur et pour nous-mêmes.
Mourir pour vivre… Vivre en donnant la vie…
Il n’y a pas de vie sans mort à soi-même ;
parce que c’est en mourant à lui-même, en se donnant sans mesure
que Dieu est le Vivant, même au sein de la Trinité.
En morigénant Jésus, Pierre joue le rôle du Satan,
il est occasion de chute pour Jésus lui-même dont le combat n’est pas feint.
Il tente Jésus d’accaparer la vie pour lui-même
au lieu de la perdre, pour que ceux qu’il aime aient la vie.
Alors Jésus repousse vivement Pierre comme il a repoussé Satan au désert.
Il faut que l’amour aille jusqu’au bout de l’amour.
Frères et sœurs, comment connaître le Christ,
comment témoigner de lui, annoncer sa Bonne Nouvelle,
si nous n’entrons nous-mêmes dans le mystère de sa mort et de sa résurrection,
de notre mort et de notre résurrection ?
Si nous annonçons le Christ selon les critères du monde,
nous annonçons un faux messie, nous manifestons un visage erroné de Dieu.
Si nous recevions l’« aujourd’hui » de notre monde tel qu’il est, de notre Eglise telle qu’elle est, comme un temps de grâce pour écouter davantage la Parole de Dieu, regarder davantage le Christ, non tel que nous l’imaginons, mais tel que l’Evangile nous le révèle,
nous progresserions dans notre expérience chrétienne,
nous pourrions mieux témoigner de celui qui est descendu aux enfers
pour nous faire asseoir avec lui dans les cieux.
Il a fallu du temps, beaucoup de temps, aux disciples pour comprendre le mystère de Jésus.
Il aura fallu le don de l’Esprit pour qu’ils commencent à comprendre et qu’ils puissent témoigner.
A l’Ascension, ils demandent encore à Jésus :
« Est-ce maintenant que tu vas rétablir le royaume pour Israël ? »
Que cela nous rassure sur notre propre lenteur à entrer dans le mystère du Christ,
mais que cela ne nous endorme pas !
L’Esprit nous est donné, et pas moins qu’aux apôtres ! Ecoutons-le.
Laissons-le graver l’Evangile dans nos cœurs, dans nos vies.
Notre plus grand désir, notre plus grande soif,
ne devraient-ils pas de connaître davantage le Christ, de témoigner de lui de façon juste.
Puisse le Christ être notre amour !
Année B – 23° dim du Temps Ordinaire – 5 septembre 2021
Is 35 4-7 ; Jacq 2 1-5 ; Mc 7 31-37
Homélie du F.Damase
L’Evangile nous raconte une histoire banale : Jésus circule au Nord de la Galilée. On lui amène un sourd –muet et on lui demande de le guérir. Jésus le guérit en le touchant et en lui disant Ephata. Et il recommande le silence. Les gens n’obéissent pas ! Qu’y a-t-il d’extraordinaire dans ce miracle – Qu’est-ce que Jésus veut nous dire aujourd’hui ?
Tout d’abord, Jésus circule dans le nord de la Galilée – dans un pays païen. Une région qui ne croit pas en Jésus, Envoyé de Dieu ! Or on lui demande d’agir !
Le nom et l’âge de l’homme sont inconnus ; nous pouvons supposer que c’est un adulte – nous savons qu’il est sourd et parle difficilement ! Les gens demandent à Jésus d’imposer les mains : geste de l’homme pour transmettre une puissance qui n’est pas en lui. Donc on peut constater une contradiction entre l’agnosticisme de ces gens et leur désir !
La réaction de Jésus est étonnante.
D’abord, il écoute la demande, mais il commence par s’écarter de la foule. D’une certaine façon, il nous dit « je ne suis pas un gourou, un guérisseur professionnel » ! Ensuite, il touche les endroits malades ; et nous savons : il peut contracter la maladie (hier comme aujourd’hui) ! Il touche les oreilles insensibles et la langue paralysée, avec sa salive (ce qu’il y a de plus intime après le sang) !
Et étonnant, il lève les yeux au ciel. Il signifie cette alliance entre son Père et lui ! Ensuite il pousse un gémissement : il anticipe, en quelque sorte, sa passion et sa mort. Et comme les femmes découvriront le tombeau ouvert le matin de Pâque : il dit à l’homme « Ouvre-toi » - « Ressuscite » - « Ephata » ! Et les oreilles et la langue de l’homme s’ouvrent à l’Autre et aux Autres ; il entend correctement et il parle correctement !
Et aussitôt, au cas où nous n’aurions pas compris, Marc ajoute : « Jésus leur recommanda de ne dire la chose à personne » ! Jésus n’est pas un charlatan ; il commande le silence, pas de Pub ! Les gens comme les disciples ne comprennent pas. Ils proclament ce qui doit demeurer caché ! Inintelligence des apôtres, comme au Jour de la Résurrection, ils font corps avec les incrédules !
Et cependant, « ils étaient frappés au-delà de toute mesure » - avec les prophètes et les Sages d’Israël, ils disent « il a bien fait toutes choses – il fait entendre les sourds et parler les muets » !
Et nous, nous pouvons dire avec eux : Jésus ouvre nos oreilles et notre bouche pour écouter son Evangile et proclamer la Bonne Nouvelle du Salut à tous les hommes !
Permettez-moi une suggestion pour notre prochain confinement ou quand votre curé est indisponible !
Aujourd’hui Jésus ne viendrait-il pas nous dire : Pourquoi ne pas nous réunir en famille (base de la communauté chrétienne), pour écouter les textes du dimanche et en parler entre nous. (Qu’est-ce que cela veut dire ? qu’est-ce que cela change dans notre vie) –
Dans des villages en Afrique, en Asie, le prêtre passe une fois tous les deux ans et pourtant les chrétiens demeurent vivants et priants – chaque communauté se réunit pour prier et discuter sur l’évangile !
« Je vous ai donné tout ce qu’il faut
pour écouter ma parole
pour annoncer la Bonne Nouvelle de ma Résurrection ».
603 mots
Année B - 21° dimanche ord -22 août 2021
Josué 24, 1…18 / ps 33 / Ephésiens 5, 21-32/ Jean 6, 60-69
Homélie du F.Basile
Frères et Sœurs, laissons-nous atteindre par la question de Jésus : « Voulez-vous partir vous aussi ? » Le Christ la pose à chacun d’entre nous, dans le concret de nos vies, de nos engagements, de nos histoires familiales. « Est-ce que je peux encore compter sur toi ? » « Vas-tu me laisser tomber ? » Dans cette question, c’est la fidélité qui est en jeu, et derrière la fidélité, il y a la parole donnée, la foi et l’amour.
Il nous faut d’abord resituer cette parole dans son contexte. Nous sommes à la fin du chapitre 6 de l’évangile de Jean, au cours duquel un drame se joue. Cela avait si bien commencé au bord du lac avec ce grand signe messianique de la multiplication des pains, mais bien vite Jésus s’est rendu compte que les gens n’avaient pas compris la portée de son geste, et il va leur parler longuement dans la synagogue de Capharnaüm ; mais lorsqu’il leur dit que c’est lui le pain vivant descendu du ciel, et qu’il faut manger sa chair et boire son sang, cela ne passe plus, et il se produit un mouvement dans la foule : ceux qui se détachent du groupe, essayant d’entraîner les autres, avec des petites phrases du genre : « Mais il est fou, ce type-là ! vous n’allez pas continuer à l’écouter ! »
Jésus s’en rend parfaitement compte et il leur dit : « Cela vous scandalise ». Alors il fait appel à leur foi, sachant qu’il y en a qui ne croient pas. Enfin il se tourne vers les Douze et leur pose la question: « Voulez-vous partir vous aussi ? » J’aime ce « voulez-vous », car Jésus ne force personne à le suivre, et j’aime la réponse de Pierre, en forme de question : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? » Comme toujours, c’est lui qui répond le premier et il s’engage au nom des Douze.
Frères et Sœurs, quelle va être notre réponse à nous ? Peut-être avez-vous pris le temps, durant ces vacances, de vous poser de vraies questions, celles qui touchent au sens de la vie ? Si vous tenez à venir chaque dimanche vous rassembler autour de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie, ce n’est pas en consommateur, c’est pour redire votre foi, votre engagement personnel ou communautaire, car on n’est jamais chrétien tout seul ; allons-nous répondre comme Pierre : « Seigneur, vers qui aller ? C’est toi qui as les paroles de la vie éternelle. »
Jésus réveille notre foi quand il nous dit : « Voulez-vous partir vous aussi ? » et sur la foi, je voudrais rappeler 3 choses :
1- c’est une relation vivante : la foi n’est pas d’abord une croyance, c’est une confiance faite à quelqu’un, un attachement à une personne (Jésus Christ), une relation vivante, d’où l’importance de connaître Celui qui nous appelle, d’écouter Celui qui nous parle, d’être en relation avec lui dans la prière.
2- ensuite la foi, c’est une alliance : toute la Bible nous raconte cette alliance de Dieu avec l’humanité, une histoire mouvementée qui trouve son aboutissement en Jésus Christ, une histoire qui continue avec chacun d’entre nous. Et le mariage entre un homme et une femme est une alliance justement avec un anneau au doigt pour la signifier. Qui dit alliance, dit engagement de part et d’autre : c’est un choix que l’on fait et il faut s’y tenir.
Dans la 1° lecture, nous avions une célébration de l’Alliance à l’arrivée en terre promise, et Josué posait la question : « Qui voulez-vous servir ? Les idoles, les dieux des Amorites, ou bien le Seigneur, l’Unique, Celui qui vous a libérés de l’esclavage. »
Dieu fait alliance avec un peuple : entrer dans son Alliance, c’est être relié à une communauté, à l’Eglise. La foi ne se vit jamais seul. Peut-on rompre cette alliance ? Toute l’histoire du salut est une histoire de fidélité et d’infidélité. Dieu a tenu bon. Ne nous étonnons pas que dans nos vies il y ait des des infidélités, des échecs et des recommencements.
3- Ce qui est sûr et c’est mon 3° point : la foi est une réponse libre et aimante. Dieu ne nous force jamais. Son alliance n’est pas un contrat d’asservissement : il veut que nous vivions. Réponse libre.
Je donne, je redonne ma parole à Celui qui m’a aimé et jamais ne me forcera. C’est là le plus beau de la foi et de l’amour : un choix libre. La liberté, çà ne veut pas dire que je peux faire n’importe quoi, mais que je choisis librement qui je veux servir, qui je veux aimer.
Dans le passé, hélas, on a parfois forcé des gens à se convertir, cela ne veut rien dire : Dieu n’a pas besoin d’esclaves, il veut être aimé et servi par des hommes et des femmes libres. Comme l’a si bien dit Charles Péguy à propos de saint Louis dans le Mystère des Saints Innocents :
« Quand on a connu d’être aimé par des hommes libres, dit Dieu, les prosternements d’esclaves ne vous disent plus rien.
Quand on a vu saint Louis à genoux, on n’a plus envie de voir ces esclaves couchés par terre…
Etre aimé librement, rien ne pèse ce poids, rien ne pèse ce prix. »
Quand Dieu nous appelle à la foi, il nous laisse toujours libres de la réponse, de la décision de nous engager. Et c’est l’Esprit Saint qui nous fera découvrir le « maintenant » de cette décision. Nous rappelant les paroles de Jésus, il nous donne la pleine liberté du présent et nous ouvre à l’avenir.
« Seigneur, à qui irions-nous ?
Tu as les paroles de la vie éternelle. »
ASSOMPTION 2021
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab; 1 Co 15, 20-27a; Lc 1, 39-56
Frères et sœurs,
Au début de cette célébration, je soulignais que cette fête de Marie entrée dans sa gloire intervenait dans le contexte de notre histoire humaine chargée de nuages. Est-elle le signe d’une lumière au-delà des nuages, dont on aperçoit de temps en temps une éclaircie ou bien ne fait-elle pas plutôt signe d’une lumière qui nous accompagne même sous les nuages, au cœur de nos obscurités ? Oui, cette fête de Marie voudrait raviver notre foi en la bonté du dessein de Dieu sur notre humanité, sur chacune de nos vies. A travers Marie, c’est toute notre humanité qui est bénie par Dieu, c’est toute notre humanité qui est guidée dans le mystère pascal du Christ.
A travers Marie, toute notre humanité est bénie par Dieu… Lorsqu’Elisabeth lance à Marie : « tu es bénie entre toute les femmes », elle ouvre les yeux sur la grâce dont est porteuse sa cousine. Elisabeth perçoit que Dieu l’a comblée de bénédictions en la faisant devenir la mère du Sauveur. « D’où met-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Avec le temps, l’Eglise dans sa méditation du mystère de la foi va prendre toute la mesure de la grandeur de la bénédiction de Dieu en Marie. Elle est la toute pleine de grâce, préservée du péché dès sa conception. Et au terme de sa vie, elle est la toute bénie, préservée de la dégradation du tombeau, et associée en son corps à la gloire de son Fils. Lorsque nous récitons le « je vous salue Marie », il est bon de laisser résonner ces paroles d’Elisabeth « tu es bénie entre toutes les femmes ». En redisant ces paroles, nous pouvons dire à Dieu notre louange, notre reconnaissance pour la magnificence de ses dons en Marie. Et dans le même temps, nous pouvons apprendre à ouvrir les yeux sur toutes les bénédictions que Dieu nous offre. Si, à la différence de Marie, nous sommes blessés par le péché subi et commis, avec elle, nous sommes appelés à retrouver le sens juste et ordonné des choses de la vie. Marie nous rappelle que la vie est pleine des bénédictions de Dieu, bénédictions que le mal ne peut effacer, ni détruire. En son Assomption, elle nous laisse entrevoir que la bénédiction de Dieu gratifie nos corps fragiles d’un honneur immense qui se révèlera lorsque nos corps seront ressaisis dans la résurrection finale.
A travers Marie, toute notre humanité est guidée dans le mystère pascal du Christ. Lorsque nous contemplons aujourd’hui Marie qui partage, en son corps, la gloire de Jésus son Fils, nous admirons la première d’entre nous qui a pleinement accompli le mystère pascal, le passage de la mort à la vie. Elle est passée de la mort à la vie parce que Jésus son Fils lui a ouvert le chemin. Première sauvée, elle est la première qui a fait tout le chemin. Elle n’a pas connu la croix, comme Jésus, mais elle y a été associée de près. On peut dire que depuis son « oui » à la parole de l’ange, « que tout se passe pour moi selon ta parole », elle a pris un chemin d’obéissance difficile sans savoir où il la conduirait. Marie est entrée dans le propre mystère d’abaissement de son fils, en consentant à une destinée dont elle ne maitrisait rien. Sa seule assurance était sa confiance dans la parole entendue et répondue. Et elle a accompagné Jésus dans sa croissance humaine, puis dans son ministère. Comme l’évangile nous le laisse voir, elle n’a pas toujours compris. Mais elle était là auprès de son fils, et elle est restée fidèle jusqu’à la croix. Humble servante d’un dessein en bonne part incompréhensible. Avec Marie, nous pouvons apprendre ce consentement à ce que nous ne comprenons pas toujours, dans la fidélité à la parole entendue. C’est le mystère pascal, ce passage de la mort à la vie. Nos existences entrent dans une forme de mort lorsque l’on renonce à certaines facilités, lorsqu’on accepte de ne pas tout maitriser, lorsqu’on consent à l’impuissance. Nous apprenons alors à accueillir, à recueillir la Vie qui vient du Christ. En christianisme, on pourrait dire « une vie en cache toujours une Autre », notre vie marquée par la mort cache toujours la Vie qui surgit de la mort. C’est cette Vie qui a emporté Marie vers la Gloire, préfiguration de celle que l’Eglise recevra. Comme nous le prierons dans la préface : « élevée dans la gloire du ciel, Marie est la parfaite image de l’Eglise à venir, aurore de l’Eglise triomphante… »
En nous confiant à la prière de Marie qui intercède pour nous « maintenant et à l’heure de notre mort », rendons grâce avec joie maintenant pour la mort et la résurrection de Jésus, passage libérateur déjà réalisé pour Marie, et en train de faire son œuvre pour chacun de nous.
Année B - TRANSFIGURATION -06 août 2021
2 P 1, 16-19 ; Mc 9, 2-10
Homélie du P.Abbé Luc
Mot d’entrée
Frères et sœurs,
Les différentes fêtes chrétiennes qui émaillent notre année liturgique sont comme des cols sur une route, depuis lesquels on peut admirer le paysage, en regardant le chemin parcouru et celui encore à faire. Depuis ces cols, on voit bien mieux, tout s’éclaire… la fête de la transfiguration qui nous rassemble aujourd’hui est un de ces cols remarquables. Sur notre route de chrétien, elle nous rappelle que nous sommes faits pour la lumière, pour la lumière offerte par notre Dieu qui n’est que lumière. Elle nous rappelle qu’à la suite du Christ transfiguré aujourd’hui et défiguré demain, nous pouvons oser nous engager sur un chemin qui nous fera traverser la croix et la mort, parce que la lumière de la résurrection nous attend… Entrons avec confiance en cette eucharistie de lumière, avec humilité en reconnaissant que nous sommes pécheurs…
Homélie
Comme je le disais au début de la célébration, cette fête de la Transfiguration est un col d’où nous pouvons contempler beaucoup de choses dont notre regard est invité à se remplir. Et aujourd’hui, nos regards sont attirés par le Christ, resplendissant de lumière, d’une blancheur exceptionnelle… Son mystère s’offre à notre contemplation. Pour l’approcher, je m’appuierai sur les trois titres attribués à Jésus : rabbi, fils bien-aimé, fils de l’homme, trois titres qui nous disent qui est Jésus et ce qu’il vient changer dans nos vies.
Rabbi. C’est avec ce titre familier que Pierre, interloqué par la vision, ouvre la bouche. Dans les péricopes qui précèdent et dont nous avions un écho hier en Mt, Pierre s’était opposé à son Rabbi, en refusant ses paroles par lesquelles il annonçait sa passion à venir. Et il s’était fait vertement remettre en place : « passe derrière moi Satan ». Aujourd’hui il découvre un aspect inattendu de son Rabbi, si agréable qu’il aimerait bien le retenir et l’organiser en un séjour qui dure. Mais la voix qui vient du ciel, l’invite à écouter encore plus profondément son Rabbi… « écoutez-le ». Plus qu’à ses yeux, Pierre est invité à faire confiance à ses oreilles. Sur le chemin encore à parcourir, il lui faut écouter, la vision sera pour plus tard. Avec Pierre, nous voilà nous aussi convier à écouter, et à écouter encore, à laisser la Parole du Christ vraiment nous habiter et nous mettre en marche.
Fils-bien aimé. Depuis la nuée qui survient, une voix se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le ». Par cette manifestation de la gloire divine, retentit la voix du Père. Le mystère de la filiation divine de Jésus est entrevu. Mystère que les prophètes avaient entrevu dans la figure du serviteur souffrant. Bien aimé est Jésus, uni à son Père par un amour unique que peu à peu les disciples vont mieux découvrir, pour l’approcher de manière plus précise après sa résurrection. Et en Jésus le Fils Bien Aimé, se dessine notre propre filiation adoptive. Comme le suggérait l’oraison du début de la messe, il nous est annoncé notre merveilleuse adoption… Jésus, le Fils du Père qui a pris notre condition humaine, vient la transfigurer de l’intérieur, et nous offrir à tous de devenir des fils bien aimés du Père.
Fils de l’homme. Ce titre que Jésus s’attribue volontiers, et qu’il emprunte au prophète Daniel, porte nos regards vers sa venue dans la gloire. L’éclat de gloire entrevu en cette fête n’est qu’une ébauche de la gloire inaugurée par sa résurrection, gloire qui enveloppe déjà son corps humain et qui enveloppera toute notre humanité à la fin des temps. « Il laisse transparaitre en sa chair la clarté dont resplendira le corps de son Eglise » chanterons-nous dans la préface. Dans quelques instants, en recevant dans le pain eucharistique, le corps ressuscité et glorieux du Christ, nous nous offrirons par notre foi à l’œuvre de transfiguration que le Seigneur désire pour nous. Nous prierons au terme de cette célébration : « transforme-nous Seigneur par cette nourriture venue de toi, qu’elle nous fasse ressembler davantage à celui dont tu as révélé la splendeur dans le mystère de la transfiguration.
Année B - 16e dimanche Temps Ordinaire (B) (18/07/2021)
(Jr 23, 1-6 – Ps 22 – Ep 2, 13-18 – Mc 6, 30-34)
Homélie du F.Jean Louis
Frères et sœurs,
Les lectures de ce dimanche, cela ne vous aura sans doute pas échappé, évoquent la figure du berger, du pasteur, et le psaume chanté en constitue un sommet en montrant comment notre berger c’est Dieu lui-même.
C’est sans doute une figure pastorale qui peut bien convenir à cette période de vacances. Qui de nous n’a en tête ces images de Provence avec des troupeaux menés par un berger à l’accent méridional ? Image romantique, dépassée face aux défis de notre temps ? Un regard plus attentif sur nos textes d’aujourd’hui peut sans doute nous en apprendre bien plus.
La première lecture nous parle de mauvais pasteurs qui ont laissé périr et se disperser les brebis du Seigneur. En fait, dans l’Ancien Testament, les pasteurs, ce sont les rois et les gouvernants du peuple. Un des livres de la Bible, le Livre des Rois, nous raconte comment la plupart des rois ont été infidèles à la mission de service du peuple que leur avait confiée le Seigneur, le Dieu d’Israël. Et cela a abouti à la catastrophe. Jérusalem a été prise par les Babyloniens et les Judéens ont été déportés à Babylone. Tous les piliers de la foi du peuple juif ont disparu : la terre (ils sont déportés loin d’elle), le Temple (il a été détruit lors du siège de la ville) et le roi (désormais prisonnier du roi de Babylone). Dans la logique du temps, le peuple de Juda aurait dû, en exil, adopter les dieux des vainqueurs. Et c’est tout le contraire qui se passe. A ce peuple perdu, désemparé, Jérémie annonce que si le peuple a été chassé de sa terre, c’est à cause des actes mauvais de ses dirigeants. Mais Dieu va rassembler un reste fidèle dont il sera lui-même le pasteur, le berger. Et même, il suscitera de nouveaux pasteurs qui conduiront le peuple. Mais Jérémie annonce aussi que Dieu va susciter un Germe juste pour David, c’est-à-dire qu’il annonce la venue d’un Messie qui agira avec intelligence et exercera le droit et la justice. Ce sera un roi-Messie qui sauvera Juda.
Le psaume chanté a développé comment le Seigneur lui-même est berger de chacun de nous. Il ne nous fait manquer de rien, nous fait revivre et nous conduit par un juste chemin. C’est très beau mais le psaume n’est pas naïf, il tient compte que le croyant, que nous-mêmes, pouvons passer parfois par les ravins de la mort et là, Dieu nous guide et nous rassure. Et il fait de même devant nos ennemis. Invitation à faire confiance au Seigneur quoi qu’il arrive. Avoir confiance au Seigneur, ce n’est pas espérer ne pas avoir de souci, de crise, d’ennui, mais c’est avoir l’assurance que, même dans les crises, le Seigneur est là et il nous guide. Il est berger jusqu’au bout. L’évangile nous montre le Christ prenant soin à la fois de ses disciples mais aussi du peuple sans berger, sans guide, et il les enseigne. Il aviat le projet de se retirer à l’écart, mais devant les foules, il accepte de les enseigner longuement, entièrement donné aux autres.
Quant à la Lettre de saint Paul aux Ephésiens, elle nous rappelle que la mort du Christ a rapproché Juifs et païens, à l’époque, opposés par une haine assez radicale. Le Christ a réconcilié par sa mort obéissante Juifs et païens avec Dieu car tous s’étaient éloignés de Dieu, en fait. La bonne nouvelle, c’est que la façon dont Dieu s’est fait en Jésus pasteur de l’humanité, c’est de nous offrir un accès désormais possible auprès du Père. Rien que ça !
Frères et sœurs, il pourrait être tentant, à l’écoute de ces textes, de dire : « Fort bien, ça concerne les évêques, les prêtres, les diacres le pape, les chefs d’Etats. C’est à eux de se retrousser les manches. Moi, cela ne me concerne pas, n’étant pas pasteur au sens où les lectures de ce dimanche l’entendent. »
Vraiment ? Ce serait oublier que la liturgie dit que baptême a fait de nous tous des prêtres, des prophètes et des rois au sens biblique.
Prêtres, car notre mission de chrétiens est de prier au nom de l’humanité toute entière, d’offrir notre prière, nos demandes, nos remerciements à Dieu comme les prêtres de l’Ancien Testament offraient des sacrifices d’animaux au Temple. Mais nous avons à le faire au nom de l’humanité entière. Ce peut être dynamisant pour nous de nous rappeler que la participation à la messe du dimanche n’est pas seulement pour notre profit personnel, fût-il spirituel mais pour le genre humain tout entier. C’est un des aspects essentiels de notre service de l’humanité. Ne l’oublions pas trop vite.
Prophètes car, par notre baptême, notre mission est d’annoncer cette incroyable nouvelle : le Christ, par sa mort et sa résurrection, donne accès auprès du Père à toute l’humanité.
Roi, car nous avons, comme les rois d’Israël, à être pasteurs de nos semblables non pas en exerçant un pouvoir totalitaire (tentation constante des rois d’Israël), mais en aidant nos proches et moins proches à garder le cap dans les soucis de la vie, à aider nos contemporains à mieux vivre, mais aussi à gérer les biens que Dieu donne à l’humanité tout entière, et cela dans la justice et non pas dans l’accaparement à notre profit. Cela suppose déjà de réformer notre propre vie.
Frères et sœurs, les lectures de ce dimanche, loin d’être champêtres, sont un incroyable programme pour les disciples du Christ, du moins ceux qui se veulent tels.
Quelle que soit notre responsabilité, notre situation, ressourçons-nous dans les textes de ce dimanche afin de voir comment Dieu, comment le Christ sont pasteurs non pas en dominant, en surplombant mais en accompagnant. Nous pourrons ainsi nous en inspirer…
Alors, nous rendrons présent le Christ dans notre monde. A nous d’en trouver, dans la prière et avec l’aide de l’Esprit Saint, les moyens concrets.
Ne craignons pas de chercher….
AMEN
SAINT BENOIT - 11 juillet 2021
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Luc
Frères et sœurs,
Dans les lectures entendues, il est beaucoup question de bonheur, d’être heureux… Il peut paraitre étonnant qu’un tel choix de lectures ait été fait pour la fête de St Benoit, la fête d’un moine qui a eu une vie forte et austère… Beaucoup en effet s’étonnent et nous posent souvent la question : peut-on être heureux dans la vie monastique ? Est-ce que vous êtes heureux ? Mais finalement c’est quoi le bonheur que promet Jésus, à nous les moines, mais aussi à tous les chrétiens ?
De l’évangile, je retiens trois pistes sur lesquels chercher et nous avancer dans la quête du bonheur qui nous taraude… le bonheur n’est pas comme un bien de consommation qui nous comblerait dans l’immédiat, il ne se fera pas sans les autres, le bonheur n’exclue pas la souffrance.
Le bonheur n’est pas à la mesure d’un bien de consommation qui viendrait assouvir notre soif maintenant. Pour notre mentalité imprégnée par le « tout, tout de suite », marquée par une profonde impatience, Jésus nous invite à un changement de regard et d’attitude dans la quête du bonheur. Il nous déplace. Le bonheur que promet Jésus n’est de l’ordre d’un avoir à portée de main, mais une qualité d’être qui nous met en chemin. Comme en témoigne les verbes au présent et au futur, ce bonheur est déjà là et il est encore à venir. Le royaume des cieux est à eux…ils seront rassasiés… Il est déjà là pour ceux qui sont dans la reconnaissance foncière de leur pauvreté, « heureux les pauvres de cœur »…St Benoit dirait qu’il est déjà là chez ceux qui laissent l’humilité les façonner. En eux pas de division, ni de demi-mesure. Le royaume des cieux est à eux… comment comprendre ce royaume des cieux ? Je fais le rapprochement avec ce que dit St Benoit à propos des humbles, dans la règle, ils goûtent l’amour de Dieu qui chasse la crainte (RB 7,67). Le bonheur est encore à venir comme une promesse pour tous ceux qui se mettent en chemin, pour les doux, ceux qui pleurent, les affamés de justice, les miséricordieux et les artisans de paix. C’est un bonheur en creux, un bonheur que la douceur, la miséricorde, la quête de la justice et de la paix, les pleurs va creuser toujours un peu plus. Si nous nous mettons sur ce chemin nous promet Jésus, notre trésor ne sera pas ce que nous acquérons ou possédons, mais ce que nous devenons. Caché à nos propres yeux et à ceux des autres, ce que nous sommes devenus apparaitra dans la lumière de la vie à venir, lorsque toute chose sera reprise par le Christ dans sa gloire.
Une seconde piste que nous pouvons retenir pour approcher le mystère de bonheur dévoilé par Jésus, ce bonheur ne se fera pas sans les autres. Notre société de consommation tend à nous faire rechercher notre propre bonheur de façon souvent très individualiste, comme si la finalité première était l’accomplissement de soi par soi, par ses propres moyens. Jésus nous découvre que notre bonheur se déploie à la mesure que nous nous tournons vers les autres dans la recherche de la justice, de la paix, de la miséricorde. Dans nos relations avec les autres qui peuvent parfois être conflictuelles ou difficiles, le malheur est de nous replier sur nos peurs ou nos terrains acquis. Au contraire le bonheur va grandir à la mesure où nous nous exposons aux autres. St Benoit dans la règle nous invite à ce même décentrement lorsqu’il invite par exemple à ne pas se coucher sur une querelle mais à se réconcilier avant le coucher du soleil (RB 4, 73), ou encore quand il nous exhorte à ne pas rechercher d’abord son propre intérêt, mais celui d’autrui (RB 72, 7). St Paul dans la seconde lecture nous enseigne à nous revêtir « de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. » Loin d’entendre ces propos comme un commandement, il nous faut les entendre comme une invitation à reconnaitre que tout cela est déjà en nous, car nous sommes « sanctifiés, choisis, aimés par Dieu » dans le Christ… Oui, le bonheur ne demande qu’à grandir en nous : celui de nous tourner vers les autres dans la quête de paix, de justice et de miséricorde… Car le Seigneur par sa grâce en a déposé les germes en nous.
Jésus nous laisse une troisième piste de compréhension pour entrer dans le bonheur : celle de ne pas exclure la souffrance de notre champ de vision et d’action. Il promet le bonheur à ceux qui pleurent, à ceux qui sont persécutés, maltraités, insultés à cause de son nom. Lorsque nous pensons bonheur, nous pensons spontanément « surtout pas de souffrance ». De manière mystérieuse, Jésus nous invite à regarder en face la souffrance, non pas à la rechercher, ni à l’exalter. Elle est là, et les disciples de Jésus la rencontreront. La refuser comme incompatible avec le bonheur promis nous fera passer à côté d’une joie, même « d’une allégresse » nous dit Jésus. Dans la foi, nous ne pouvons entrer sur ce chemin de bonheur qu’en regardant Jésus qui a voulu prendre de la chemin la passion pour aller vers la vie. St Benoit invite les moines à persévérer en partageant par la patience, les souffrances du Christ (RB Prol 50). Comme dans toute vie humaine, la vie monastique nous fait éprouver et vivre des choses difficiles, de notre fait ou du fait des autres…La souffrance est là, liée aux évènements, liée au péché, le sien propre, celui des autres. Va-t-on fuir parce que cela ne ressemble pas au bonheur désiré ? Souvenons-nous alors que Jésus qui a connu ce chemin est avec nous. Comme nous le ferons dans la prière sur les offrandes, demandons-lui de nous aider à nous renoncer à nous-mêmes pour servir le Christ, pour qu’ayant eu part à ses souffrances, nous goûtions à la joie éternelle…
Année B -14ème dim. du TO, 4Juillet 2021
Ez 2, 2-5 ; 2 Cor 12, 7-10 ; Mc 6, 1-6
Homélie du F.Bernard
L’Évangile que nous venons d’entendre est la suite de celui de dimanche dernier. Celui-ci rapportait deux expériences de foi, vécues l’une et l’autre dans des situations de grande détresse. Une femme atteinte de pertes de sang depuis douze ans, donc impure, intouchable dans la société d’alors, inapte à donner la vie, et un chef de synagogue dont la petite fille était à toute extrémité. L’une et l’autre, dans leur grande épreuve s’étaient tournés vers Jésus, comme vers celui-là seul qui pouvait les sauver. La femme, en dépit de son impureté, avait osé s’approcher dans la foule de Jésus pour toucher son vêtement. Quant à Jaïre, il avait supplié Jésus d’aller imposer les mains sur sa fille mourante. Celle-ci une fois morte, Jésus lui prendra la main pour lui rendre la vie.
Toucher Jésus pour être sauvé, pour avoir part à sa résurrection, c’est cela même que nous faisons en chaque eucharistie. Mais nous faisons plus encore, nous mangeons le corps du Seigneur pour devenir son Corps.
Aujourd’hui l’Évangile nous parle de manque de foi, plus précisément de non foi, apistia, de la part de ceux qui devraient être les plus proches de Jésus, les gens de son village qui l’ont vu grandir et fréquentent sa famille. Ceux-ci pensent bien le connaître, ils reconnaissent sa sagesse, ils ont entendu parler de ses miracles, accomplis ailleurs à Capharnaüm. Mais ici à Nazareth Jésus ne peut en accomplir aucun, car Jésus n’est pas un thaumaturge ; il ne peut accomplir son œuvre de salut que là où il trouve la foi.
La foi et l’incroyance. La foi des uns et l’incroyance des autres. Et entre les deux, la foi hésitante, lente à venir des disciples. Malgré tout, au fils de leur compagnonnage avec Jésus, celle-ci progresse, jusqu’à être confessée par Pierre, au nom de Douze, qui proclame : Tu es le Christ. Jusqu’au bout, jusqu’à Pâques, et même quand Jésus reverra ses disciples après Pâques, il leur reprochera leur incrédulité. Mais c’est pourtant à eux qu’il confiera la mission d’annoncer l’Évangile à toute la création (Mc 16, 15).
La foi et l’incroyance. La première lecture rapportait l’envoi en mission du prophète Ézéchiel auprès d’Israël, qualifié de peuple rebelle, au visage dur et au cœur obstiné (Ez 2, 3-4). La deuxième lecture, quant à elle, évoquait l’écharde dans la chair qui avait tant fait souffrir Paul au cours de son ministère (2 Cor 12, 7). Quelle écharde ? Peut-être L’Apôtre parlait-il de l’opposition systématique à sa prédication qu’il avait rencontrée de la part de ses frères de race, jusqu’à être qualifié par eux de peste, suscitant le désordre chez les Juifs du monde entier (Ac 24,5). L’incrédulité d’Israël fut pour Paul une cause de grande tristesse, de douleur incessante, jusqu’à vouloir être maudit, disait-il, séparé du Christ, s’il pouvait par-là convertir ses frères de race (Rm 9, 1-3).
La foi et l’incroyance. Cette dualité nous concerne tous bien certainement, déjà par le fait que nous connaissons tous, autour de nous, parmi nos proches, des situations d’incroyance. Faut-il se contenter de parler de cœur ouvert au mystère de Dieu pour les uns, de cœur endurci pour les autres ? Certes non ! car il y a des chrétiens trop assurés dans leur foi, comme s’ils la possédaient, et des incroyants humbles et sincères qui voudraient bien accéder à la lumière. Paul, évoquant l’incrédulité présente d’Israël, disait son espérance qu’au terme de l’histoire tout Israël reconnaîtrait le Christ et serait sauvé, et concluait sa méditation par cette réflexion : les décrets de Dieu sont insondables et ses voies incompréhensibles (Rm 11, 33).
Quant à nous, si la foi nous est donnée en partage, ce n’est pas parce que nous serions meilleurs : nous la recevons comme un don de Dieu, dont nous avons à rendre grâce. Mais ce don s’accompagne d’exigences. Celle de conformer nos vies, nos comportements avec cette foi. Celle encore d’entretenir la foi reçue par la prière, l’étude, les sacrements, comme un don à recevoir à nouveau chaque jour, à l’instar de la manne du désert que les Hébreux devaient recueillir chaque jour et dont ils ne pouvaient faire provision. L’exigence enfin d’être les témoins de Jésus-Christ, sans arrogance certes, mais humblement et avec assurance, sachant que c’est sans la faiblesse du témoin que la Puissance de Dieu peut donner toute sa mesure (2 Cor 12, 9-10).
Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 14) avait dit Jésus à ceux qui étaient venus l’écouter sur la montagne. Si les chrétiens n’apportent pas la lumière de la foi au monde, qui le fera ?