Homélies
Liste des Homélies
année C - Baptême du Christ - (09/01/2022)
(Is 40, 1-5.9-11 – Ps 103 – Tt 2, 11-14 ; 3, 4-7 – Lc 3, 15-16.21-22)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs,
Avec la fête du Baptême du Seigneur, du Christ, se termine le temps de Noël. Celui-ci couvre finalement la vie de Jésus de Nazareth à partir de sa naissance à Bethléem jusqu’au seuil de sa vie publique, le Baptême au Jourdain.
L’évangile de ce jour, pris dans l’évangile selon saint Luc, évangile qui accompagnera les dimanches du temps ordinaire de cette année, ne nous décrit pas le déroulement du baptême du Christ en tant que tel mais bien l’avant et l’après.
L’avant pour signaler l’attente de la venue du Messie qui animait le peuple venu auprès de Jean le Baptiste, que certains pensaient être le Christ. Jean est alors très ferme. Ce n’est pas lui le Messie. « Il vient celui qui est plus fort et qui baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »
L’après baptême, pour montrer Jésus en prière, l’Esprit Saint qui descend sur lui et la voix du Père qui le proclame comme son Fils bien-aimé qui le remplit de joie. Nous est ainsi révélée l’intimité profonde de la relation entre Jésus et son Père. Une intimité d’amour et de joie. Peut-être oublions-nous souvent cette joie qui habite le Père.
Jean le Baptiste nous parle de celui qui vient et qui est plus fort que lui. Cette phrase fait écho à la prophétie d’Isaïe de la première lecture qui est digne du temps de l’Avent. « Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. »
Mais quelle est cette puissance ? C’est de rassembler et de faire paître son troupeau comme un berger. C’est de rassembler les agneaux, de les porter sur son cœur, de mener les brebis qui allaitent. Est-ce une vision d’un Dieu mièvre, doucereux, pire, romantique ? Nous pensons souvent que l’Ancien Testament est la révélation d’un Dieu juge, vengeur, dont la fureur ravage tout et du coup, un texte comme celui d’aujourd’hui nous prend tellement à contrepied que nous peinons à le prendre au sérieux. Pourtant, ce passage d’Isaïe lu aujourd’hui nous montre que, déjà dans l’Ancien Testament, le Dieu juge n’est pas la révélation ultime de Dieu, ou plutôt que la justice de Dieu ne se fait pas à notre manière mais qu’elle nous rend juste, qu’elle nous console comme l’écrit le texte d’Isaïe.
Alors le psaume chanté nous rappelle que ce Dieu de tendresse et de miséricorde est aussi le Dieu créateur. Et créateur d’une profusion inimaginable pour l’esprit humain. Et que cette création est maintenue par la volonté-même de Dieu, par sa sagesse.
Et parmi le créé, il y a l’eau. Le rite d’aspersion du début de la messe nous a rappelé notre baptême. Cette eau créée pour féconder la terre, par laquelle les prophètes ont annoncé la nouvelle Alliance, eau sanctifiée lorsque le Christ a été baptisé au Jourdain, cette eau est le signe de notre Salut selon la seconde lecture tirée de l’épître de saint Paul à Tite.
Le baptême nous a en effet fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Le même Esprit descendu sur le Christ après son baptême au Jourdain.
Frères et sœurs, le jeu des trois lectures de ce dimanche peut nous permettre de saisir, dès le début de la vie publique du Christ, l’ensemble du projet de Dieu pour l’humanité. L’expression de cette tendresse, de cette miséricorde qui n’a rien de romantique mais qui est au contraire grandiose dans son déroulement.
La Parole de Dieu a créé l’univers et tout ce qu’il contient. Cette Parole, selon la volonté du Père, après avoir parlé par les prophètes au peuple d’Israël, s’est fait homme en Jésus, le Christ. Celui-ci s’est donné pour nous, pour nous racheter de toutes nos fautes, c’est-à-dire pour faire en sorte que nos fautes ne nous coupent plus de Dieu, que les conséquences mortelles du mal ne puissent plus nous atteindre de façon définitive. Et, c’est là où le génie spirituel de saint Paul se déploie dans toute sa vigueur : si nous sommes sauvés, ce n’est pas à cause de la justice de nos propres actes, ce n’est pas à cause d’actes que nous aurions posés et qui nous mériteraient le salut, mais c’est par pure gratuité de Dieu, par pure miséricorde.
Ainsi, toute notre perception de la religion, peut-être, sans doute celle que nous avons reçue ou que nous concevons de façon spontanée est inversée.
Il ne s’agit pas de mériter son Salut comme on l’a si souvent dit, mais d’accueillir ce Salut réalisé par le Christ et qui nous est offert gratuitement, sans mérite de notre part. Et c’est ensuite qu’il s’agit alors de renoncer aux convoitises de ce monde qui sont finalement si mièvres, justement, si négligeables par rapport à la grâce de Dieu, au don qui nous est offert de la vie divine. Alors, nous pouvons devenir un peuple ardent à faire le bien, même si, de fait, la perfection ne fait pas encore partie de notre réalité humaine. Ce n’est pas le problème. Le problème c’est de se laisser saisir par l’Esprit, par le Christ et de proclamer à notre monde qu’il n’a pas sa fin en soi mais qu’il est profondément aimé et sauvé.
Mais attention, le baptême ce n’est pas qu’une affaire entre Dieu, le Christ, et nous. C’est un peuple qui se fait baptiser par Jean et c’est comme membre de ce peuple que Jésus se fait baptiser. Ainsi, notre baptême est aussi l’entrée dans un peuple, l’Eglise, c’est la solidarité, et plus encore la communion avec les disciples du Christ qui est alors inaugurée. Par notre baptême, nous devenons responsables, co-responsables de l’Eglise, peuple de Dieu.
Frères et sœurs, nous le savons bien, notre monde souffre de ne chercher à se construire que par ses propres forces. Pour beaucoup, cela aboutit finalement à la prise de conscience du néant de ces efforts. Nous ne sommes pas à la hauteur de l’idéal que nous nous fixons et cela nous déprime. Il me semble que nous avons un message libérateur à offrir. Plutôt que de s’épuiser à viser un toujours plus, une performance sans cesse supérieure, il s’agit d’accueillir une force, un amour, une grâce qui fera de nous des hommes et des femmes libres. Tout un programme ! C’est un chemin qui nous est ouvert par cette fête du Baptême du Christ, c’est un enseignement que nous entendrons décliner tout au long des dimanches de cette année liturgique.
AMEN
Année C - SAINTE MARIE MERE DE DIEU - 01.01.2022
Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21
Homélie du Père Abbé Luc
« C’est l’œuvre de Dieu », ainsi s’exprime St Paul, lorsqu’il conclue la petite profession de foi que nous avons entendue dans la seconde lecture… Il est bon, frères et sœurs, au début de cette année nouvelle de nous remettre devant l’œuvre de Dieu, devant son projet sur l’humanité, son projet sur nous qui avançons dans le temps. Que veut Dieu pour nous ? Comment nous accorder à ce projet pour être pleinement heureux ?
Que veut Dieu pour nous ? Quel est son projet ? A travers la première lecture, nous pouvons entendre tout d’abord qu’il veut notre bien. Depuis le commencement, depuis que l’être humain existe, il veut nous offrir ses bénédictions, c’est-à-dire nous tenir sous son regard d’amour et de paix. Et « quand le temps fut advenu, pour l’amour de chacun » comme nous le chanterons, son projet s’est manifesté clairement lorsqu’il a envoyé son Fils, né d’une femme, Marie. Alors nous avons compris, avec Paul et les premiers témoins du Christ, que Dieu voulait faire de nous ses fils et filles, qu’il nous adoptait en Jésus. Le projet de Dieu, son œuvre, c’est que nous puissions vivre avec lui, une relation filiale de confiance. Et depuis notre baptême, Dieu Lui-même nous offre la capacité et la possibilité de vivre cette relation filiale en nous donnant son Esprit Saint qui murmure en nous « Père ». Il nous est bon, frères et sœurs, de nous remettre devant ce projet de Dieu pour chacun de nous et pour notre humanité entière : vivre cette familiarité heureuse avec notre Père des Cieux, avec notre Créateur, en Jésus, ce qui nous conduit à chercher inséparablement à vivre une fraternité heureuse et confiante avec tous les autres filles et fils de Dieu.
Comment durant l’année qui vient nous accorder à ce projet ? Ici, nous pouvons regarder Marie, celle qui a été une pièce maitresse de ce projet. Marie a accueilli ce projet dans un clair-obscur, le clair obscur de la foi. Les évangiles nous laissent bien entendre qu’il n’y a pas eu pour elle de révélation fulgurante. Elle a avancé comme à tâtons, dans la foi. On nous dit aujourd’hui que devant les paroles des bergers, elle “retenait tous ces évènements et les méditait dans son coeur”. Autrement dit, elle accueille ces évènements de la naissance de ce fils venu en elle de manière si mystérieuse, en se faisant toute écoute pour tenter de saisir le sens. Sa vie nous montre que cela ne lui a pas été simple d’emblée. Elle a dû cheminer, avancer dans le temps pour comprendre, et surtout pour être là envers et contre tout, comme le montre sa presence à la Croix. Oui, avec Marie, nous pouvons apprendre ce qu’est marcher dans la foi. Ce n’est pas d’abord chercher les certitudes intellectuelles, puis ensuite avancer. Non, c’est marcher dans un pas à pas en acceptant de poser un pas dans une semi obscurité, puis un autre et un autre. Notre seule boussole est la Parole du Seigneur recueillie chaque jour à travers la liturgie, la prière personnelle, la lectio divina. En elle, nous pouvons méditer le projet de Dieu, mieux le comprendre, le décrypter, pour le reconnaitre à l’oeuvre dans notre vie. Avec Marie qui écoute les bergers, nous pouvons aussi apprendre à décrypter ce projet, en écoutant nos frères et soeurs qui marchent à nos côtés. Ce qu’ils disent, ce qu’ils vivent peut être une belle lumière offerte. Sans le savoir toujours, nous nous aidons mutuellement à nous comprendre comme des fils et filles de Dieu d’un même Père. Nous nous soutenons sur le chemin de la foi, au gré des joies et des épreuves.
En cette eucharistie, recueillons la Parole et le Pain pour avancer avec confiance dans l’année nouvelle. Dieu est avec nous, et il nous donne pour compagne de marche Marie la croyante, sa Mère, et la Mère des filles et fils adoptifs que nous sommes.
Année C - SAINTE FAMILLE - 26 DECEMBRE 2021
1 Sam 1 20-28 ; 1 Jn 3 1-24 ; Luc 2 41-52
Homélie du F.Hubert
« Ton père », « Mon Père » :
l’évangile de ce jour culmine dans le rapport entre ces deux petites phrases.
« Ton père et moi », « Mon Père »
Jésus a eu des parents ; Marie et Joseph sont vraiment, humainement, ses parents,
qui l’ont accueilli, aimé, élevé, formé à sa vie d’homme, et je dirais même à sa vie de fils de Dieu,
dans la tradition séculaire de la vie juive, de l’Alliance avec Abraham et Moïse…
Mais Marie et Joseph, comme tous parents mais bien davantage, ne sont pas sa Source :
Jésus à une autre Source.
Marie et Joseph le savent :
« L’Esprit saint viendra sur toi… C’est pourquoi celui qui va naître sera appelé Fils de Dieu » - « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ».
Mais il leur faut toute leur vie, comme pour nous, pour entrer dans le mystère.
« Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » « Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. »
Leu vie a été une « vie bouleversée » :
Voilà une jeune femme, promise en mariage, visitée par un ange de Dieu, appelée à concevoir mystérieusement le Fils de Dieu, par la puissance de l’Esprit.
Un jeune homme, bouleversé que sa promise soit enceinte sans qu’il l’ait connue,
puis instruit lui aussi par l’ange de Dieu du mystère qui s’accomplit,
non sans son oui à lui, parallèle à celui de sa promise.
Voilà ensuite Joseph et Marie sur les routes pour le recensement,
contraints à accueillir le nouveau-né, « leur » nouveau-né, dans une étable,
puis obligés de s’expatrier en Egypte pour fuir Hérode.
Au Temple, les paroles mystérieuses de Siméon sonnent comme un énigme.
Et voilà que lorsque Jésus a 12 ans, il leur échappe…
Cet enfant qui leur était confié, sur lequel ils avaient à veiller,
qu’ils avaient à éduquer sur son chemin d’homme.
Trois jours d’inquiétude, d’angoisse !
St Luc n’a pas écrit son évangile pour nous raconter une belle histoire,
mais pour témoigner de la venue de Dieu parmi nous, et nous annoncer le mystère de notre salut.
« Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ?
Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! »
Joseph, Marie sont bien les parents de Jésus.
Dans un sermon, st Augustin disait :
« Ce que le Saint-Esprit a opéré, il l'a fait pour les deux ensemble. Car Joseph était, « un homme juste ». Ils étaient justes, mari et femme. L'Esprit Saint a reposé dans leur commune justice, et leur a donné un fils à tous deux. »
En Joseph, Jésus a eu un vrai père humain qui l’a élevé, fait grandir, l’a entouré de tendresse et d’amour,
en qui il a pu avoir toute confiance pour grandir en humanité, sous le regard de Dieu et des hommes.
Vérité de l’Incarnation. « Ton père et moi »….
Seulement, la vérité de Jésus ne s’arrête pas là.
Venu avec eux pour la fête de la Pâque, il leur fausse compagnie,
il reste à Jérusalem à leur insu.
St Luc ne nous parle pas là de la fugue d’un adolescent,
mais de sa filiation plus profonde, cachée, sa filiation divine,
et déjà de sa Pâque, de son chemin pascal.
« Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
Premières paroles de Jésus rapportées par st Luc ;
les dernières, après la promesse au bon larron, seront :
« Père, entre tes mains, je remets mon esprit. »
Le Père est sa demeure propre ; toute son œuvre est de nous y introduire avec lui.
Il fallait que Jésus nous le révèle, qu’il le révèle à Marie, sa mère, et à Joseph, son père en humanité.
A l’Annonciation et tout au long des jours, Marie a dit oui à l’imprévu de Dieu dans sa vie.
Joseph, de son côté, a fait confiance à l’annonce de l’ange.
Ils se sont fait confiance l’un à l’autre en faisant confiance à Dieu.
L’un et l’autre, dans un même amour, ont dit oui à l’imprévu, à ce qui humainement était inimaginable.
Les bergers à Bethléem, Siméon au Temple ont eu des paroles de lumière et de feu, éclairantes et brûlantes,
A Jérusalem, c’est Jésus lui-même qui lève un peu le voile sur son propre mystère.
Au moment de passer de l’enfance à l’âge adulte,
ce n’est plus par des tiers qu’il se manifeste, mais par lui-même.
Il nous signifie là que toute sa vie est une Pâque, un exode vers le Père,
et que sa maison, son lieu de vie, c’est le Père lui-même.
« Ne savez-vous pas que c’est chez mon Père que je dois être ? »
Vies bouleversées !
Que Marie et Joseph nous apprennent jour après jour, de plus en plus profondément,
qui est Jésus, leur enfant,
quelle est notre propre origine et vers qui nous allons,
quelle est notre demeure, quel est le visage de Celui qui est notre Source et notre But ultime.
« Mes bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père :
pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. »
f. Hubert
Année C - Jour de NOEL - 25 décembre 2021
Esaïe 52, 7-10 / ps 97 ; Hébreux 1, 1-6 ; Jean 1, 1-18
Homélie du F.Basile
Frères et sœurs, quel contraste entre l’évangile de cette nuit, la naissance de Jésus à Bethléem racontée par st Luc, et le début de l’évangile de st Jean, un texte fascinant que nous venons d’entendre. Il a même été chanté ! C’est pourtant le même mystère exprimé cette fois en quelques mots : « Le Verbe s’est fait chair : il a habité parmi nous». Il n’y avait que lui pour nous dire les choses ainsi.
Le premier mot du 4° évangile m’attire : « Au commencement », car il reprend le premier mot de la Bible, le début de la Genèse. Mais de quel commencement s’agit-il, car il remonte bien plus loin que la création, il remonte en Dieu même, comme si en Dieu il pouvait y avoir un commencement. Ne sommes-nous pas ici devant l’intraduisible ? Le mystère caché en Dieu, la Parole tournée vers Dieu et par laquelle tout a été fait, parole créatrice, nous a rappelé la lettre aux Hébreux, cette parole, elle est Lumière et Vie, elle va se communiquer aux hommes, venir chez les hommes avec tous les risques de n’être pas reçue, ni reconnue : il y a comme un crescendo dans cette venue de Dieu parmi les hommes jusqu’à cet événement inouï que st Jean exprime dans cette phrase qui apparaît scandaleuse pour les juifs comme pour les grecs, scandaleuse aujourd’hui pour les musulmans.
Notre foi chrétienne tient dans ces 3 mots : « La Parole s’est faite chair. » Mystère de l’Incarnation, naissance de Dieu dans notre humanité, Dieu s’est fait homme. Le mystère de Noël., c’est l’humanité de Dieu. St Jean nous dit : « Dieu, personne ne l’a jamais vu », mais le Fils prend notre humanité pour nous le faire connaître. Il y a là un paradoxe étonnant entre l’homme et Dieu. Dieu nous parle par son Fils devenu l’un d’entre nous, et nous pouvons non seulement l’entendre, mais le voir et le toucher.
Dans un de ses livres, Christian Bobin écrit : « Je cherche l’humain : c’est pour voir Dieu. » L’évangile lui répond : Depuis que Jésus est venu dans notre humanité, nous pouvons voir Dieu, le reconnaître en tout homme rencontré, celui qui a faim, celui qui est malade ou en prison. Mais est-ce si évident ? C’est la foi qui nous le dit.
La clé n’est-elle pas dans ces 3 mots de l’évangile : « Nous avons vu sa Gloire ». Cela nous renvoie au psaume 84 « La Gloire habitera notre terre » Ce rapprochement est étonnant : dans l’évangile, Jean écrit : « Il a habité parmi nous, et nous avons vu sa Gloire ». C’est une expérience qu’il nous est donné de faire puisque Dieu vient habiter parmi nous. Apprendre à voir la Gloire de Dieu dans nos vies, dans nos relations humaines pour en être témoins et la porter aux autres, n’est-ce pas cela une des grâces de Noël, un chemin de lumière comme le Père Abbé le disait cette nuit en évoquant la belle crèche du frère Barnabé, un chemin qui monte de marche en marche vers l’enfant Jésus.
Il faut peut-être un cœur d’enfant pour voir la lumière. Ce n’est pas une lumière clinquante ou brillante, c’est une lumière douce, intérieure : c’est la Gloire de Dieu qui apparaît sur un visage d’enfant, sur le visage de nos frères, expérience d’un monde nouveau transfiguré, source d’espérance, espace de confiance.
Quelqu’un m’avait écrit un jour : « Sa Lumière, c’est dans nos ombres qu’elle donne toute sa pleine clarté. Sa Présence, c’est sa discrétion qui nous envahit pourtant. Sa Tendresse, c’est dans nos solitudes qu’elle accompagne et réchauffe. Sa Fidélité, c’est dans nos abandons qu’elle pardonne. » Il y a un avant et un après. « Nous avons vu sa Gloire. »
A Noël tout peut recommencer dans nos vies si nous laissons la lumière de Dieu, sa Gloire, nous pénétrer, donner dans nos ombres sa pleine clarté. Gloire à Dieu au plus haut des cieux, mais aussi dans le cœur de chacun d’entre nous.
Frère Basile
Année C - Vigiles de NOEL - 24 décembre 2021
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Homélie du Père Abbé
Frères et sœurs,
Au début des vigiles, nous sommes venus nous recueillir quelques instants devant la crèche, belle icône du mystère de la nativité que nous célébrons en cette nuit. Son réalisateur, F. Barnabé, qui vient du monastère de Thien An au Vietnam, a voulu souligner qu’avec la naissance de Jésus, il y a un avant et un après. Jésus se trouve au milieu de l’espace, il le coupe en deux. Sur la gauche, le sol est jonché de feuilles mortes, rien ne pousse…C’est l’image de la domination du péché et de la mort depuis Adam. Sur la droite, au contraire, des mousses vertes et des petits arbres poussent, à l’instar de celui qui surgit depuis la souche sur laquelle se tient l’enfant nouveau-né. C’est l’image de la vie qui renait avec la venue de Jésus. Il est le nouvel Adam qui détruit notre péché et nous libère de l’emprise de la mort.
Oui, avec Jésus, notre histoire humaine connait un avant et un après radical. La vie quotidienne en porte la marque lorsque nous comptons les années, en années avant le Christ et en années après le Christ. Plus profondément, notre regard de foi voit dans l’évènement Jésus, dans sa naissance, sa mort et sa résurrection comme un basculement dans la destinée humaine. Avec Lui, nous croyons que Dieu s’est proche en Jésus, de telle manière que la vie humaine en a retiré une infinie noblesse comme nous le chanterons dans la préface, et une puissante espérance.
Une infinie noblesse. Tel un ferment qui ne cesse de travailler la pâte humaine en son développement historique, désormais est à l’œuvre une compréhension toujours plus vive de la dignité de l’être humain et de sa grandeur. Depuis que Dieu a pris visage d’homme, le visage humain supporte de moins en moins d’être maltraité, bafoué, humilié. Si malheureusement cela arrive encore en trop d’endroits de notre terre, la conscience se diffuse toujours plus indignée et vigoureuse qu’il ne peut en être ainsi…
Depuis la venue de Jésus, la vie humaine est désormais portée par une puissante espérance. Lorsque les anges disent aux bergers : « Aujourd’hui, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur », ils ouvrent grandes les portes de l’espérance. Car cet « aujourd’hui » qui a changé le cours de l’histoire, au temps de l’empereur Auguste et de Quirinius, ne cesse d’être actif en chaque époque de l’histoire. Jésus, le Fils de Dieu venu en notre chair, désormais ressuscité auprès de son Père, ne cesse d’être présent à la destinée humaine. Dans un « aujourd’hui », toujours nouveau, pour chaque génération qui veut bien l’accueillir, il vient encore comme le Sauveur. Son « aujourd’hui » ne s’épuise pas. Nos liturgies aiment en témoigner en célébrant la mémoire du mystère de la mort et de la résurrection du Christ comme un unique évènement, un unique « aujourd’hui » dont le pouvoir agissant se renouvelle en chaque eucharistie. Oui, frères et sœurs, « l’aujourd’hui » de Dieu est encore à l’œuvre dans notre présent. « Aujourd’hui nous est né un sauveur ».
A quel signe allons-nous le reconnaitre dans notre quotidien souvent très absorbant ? Comment accueillir sa douce lumière aux milieux des vents contraires, ou des évènements apparemment hostiles ? F. Barnabé a dessiné un chemin de lumière qui monte de marche en marche vers l’enfant de la crèche. Belle image de notre cheminement humain. Demandons à notre Sauveur la grâce de reconnaitre la lumière qui nous sera utile aujourd’hui, celle qui nous sauve du faux-pas. Et puis allons vers la marche suivante où une autre lumière sera offerte, ce sera « l’aujourd’hui » de demain. A chaque marche, à chaque jour, nous est offert l’aujourd’hui du salut. Il sera tantôt don de la lumière pour décider, tantôt don de la paix pour demeurer ferme dans l’épreuve, tantôt don de l’amour pour oser la rencontre, tantôt don de la vérité pour tenir face au mensonge… De marche en marche, nous accueillerons le salut apporté par Jésus. Nous grandirons dans la connaissance de Lui, Jésus, qui va venir pour donner à notre humanité et à notre histoire, son plein accomplissement. Ainsi se réalisera la bienheureuse espérance qu’il a semée en nos cœurs, en nous prenant dans sa Vie.
année C - 19 décembre 2021 – 4ème dimanche de l'Avent "C"
Mi 5, 1-4; He 10, 5-10; Lc 1, 39-45 -
Homélie du F.Damase
Les textes de ce dimanche nous permettent d’entrer dans le mystère de Noël.
Dans la première lecture, le prophète Michée s'adresse à un peuple humilié par ses ennemis. Michée lui annonce le salut. Ce salut ne viendra pas d'une grande nation, mais d’un petit village de Juda, Bethléem « De toi, je ferai sortir celui qui doit gouverner Israël ». Dieu donne sa force à ceux qui sont petits et méprisés. Avec eux, il peut réaliser de grandes choses : « Il sera leur berger et ils vivront en sécurité, il sera la Paix » !
La lettre aux Hébreux nous apporte quelques précisions sur ce roi dont nous allons fêter la naissance. Ce roi nous rejoint dans un monde blessé par la violence, la haine, la misère, la pandémie. Dieu vient pour s'offrir lui-même. « Il n’a pas besoin de sacrifices, ni d’offrandes ; voici que je viens pour faire ta volonté » dit-il à son Père. Dieu visite le monde, pour sauver les hommes de leur brutalité.
Dans l’Evangile, nous trouvons Marie qui visite Elisabeth. Marie vient de dire OUI à l'ange Gabriel qui lui annonçait le projet de Dieu. Quand elle apprend que Élisabeth, sa vieille cousine stérile, est enceinte, aussitôt elle part la rencontrer. Elle entreprend une longue marche de qq 150 Kms entre la Galilée et la Judée.
Marie, comme toute juive pieuse, écoute la parole de Dieu et la met en pratique. Cette parole l'a poussée à partir, pour se mettre au service d’Élisabeth, sa cousine. Cette légèreté qui habite Marie lui vient de l'accueil de l'Esprit Saint qui est comme un feu dévorant, qu'elle ne peut garder pour elle.
Dieu visite Marie. Marie visite Elisabeth. C'est en Marie et par elle que Dieu visite l'humanité, son peuple. En ce jour, nous pouvons nous associer à l'émerveillement et à l'action de grâces d'Élisabeth : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi » ? Oui, Marie vient visiter chacun de nous avec Jésus.
À l'approche de Noël, elle nous invite à accueillir le Fils de Dieu et à faire « tout ce qu'il nous dira ». Le pape François nous appelle souvent à aller vers les autres ; nous sommes tous frères et sœurs, les uns des autres, nous dit-il dans Fratelli Tutti. Nos visites peuvent et doivent devenir des « visitations ». Le message de Noël c'est précisément que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres, aux malades, aux prisonniers, aux personnes seules, aux migrants. Noël c'est Jésus, qui vient nous visiter pour sauver l'humanité, pour sauver tous les hommes et toutes les femmes.
C'est en lui que nous trouvons la joie, la paix et l'amour. Noël c'est faire mémoire du don de Dieu. C'est de cette grande espérance dont nous avons à témoigner dans le monde d'aujourd'hui. En ce jour, nous pouvons rendre grâce au Christ notre Sauveur : « Toi qui es lumière, toi qui es amour, Tu mets à la place de nos ténèbres ton esprit d'amour de tous et de chacun ; tu es notre Paix, notre Joie ». – 514 mots
Année C - 3+dimanche de l'Avent - 12 décembre 2021
Homélie du F.Benoit Andreu de Fleury
« Que devons-nous faire ? », c’est la question qui revient trois fois dans l’évangile de ce dimanche : question des foules, des publicains et des soldats qui viennent auprès de Jean chercher remède à leur perplexité — « Que devons-nous faire ? » c’est une question qu’on posera encore à Jésus, la question du jeune-homme riche en particulier, et c’est très surprenant : lui qui, depuis sa jeunesse, a observé tous les commandements, lui dont on pourrait penser qu’il est un expert, qu’il sait parfaitement ce qu’il faut faire ou ne pas faire, lui aussi vient demander, désemparé : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » — « Que devons-nous faire ? », c’est une question qui revient souvent dans nos vies, aux moments décisifs bien sûr, mais aussi quotidiennement, simplement parce que nous cherchons à faire le bien, parce que nous cherchons à faire la volonté de Dieu, mais sans trop savoir comment.
Certes, devant cette question nous ne sommes pas seuls. L’évangile nous montre les foules se rassembler, et venir demander conseil à Jean Baptiste, et ces foules étaient aussi porteuses de lois, de traditions censées aider au discernement. Oui, nous ne sommes pas seuls, mais le danger serait de croire que la réponse existe, en dehors de nous, toute faite, et pourquoi pas universelle, immuable, éternelle, sainte. Alors on s’enquiert de règles morales rigides, de recettes, ou encore de maîtres censés savoir. « Que devons-nous faire ? » l’angoisse d’avoir à relever personnellement ce défi est certainement à l’origine des légalismes, des cléricalismes qui confient à d’autres, purement et simplement, le soin de répondre à notre place.
Or ce n’est jamais ainsi que fonctionne une loi de vie. Écoutons le décalogue : « Honore ton père et ta mère ; tu ne tueras pas ; tu ne commettras pas l’adultère ». Fort bien, mais concrètement : jusqu’où ira le soin de parents âgés ? comment réagir aux débordements de la violence ou du désir ? comment cultiver la paix et la fidélité ? comment aimer en vérité ? La loi ne le dit pas, car cela dépend trop de la singularité des situations, des personnes, de leur faiblesse, de leur génie aussi. La loi parle et la loi se tait, et ce jeu de parole et de silence crée l’espace d’un véritable discernement personnel, le cadre où il pourra se mener avec justesse. Alors le jeune-homme riche avait raison de se demander encore : « Que devons-nous faire ? »
Mais, pour en revenir au thème de ce dimanche, cette triple question d’un évangile bien austère peut-elle vraiment nous donner la joie ? Nous savons bien le désarrois dans lequel elle peut plonger, nous connaissons le découragement de ne pas savoir que faire, ou sinon de ne pas savoir le faire, peinant au double labeur de notre liberté et de notre faiblesse. Allons-nous repartir, tout tristes, comme le jeune-homme riche ? « Qui nous fera voir le bonheur ? »
Jean Baptiste nous montre Jésus : « Il vient, celui qui est plus grand que moi. » En quoi Jésus est-il plus grand que Jean ? Parce qu’il donne de meilleurs conseils ? Là n’est peut-être pas l’essentiel. Quand Jésus rencontre le jeune-homme riche, il ne lui donne pas seulement un conseil de pauvreté plus radical que celui de Jean aux publicains, il lui dit encore ce que Jean ne dit à personne dans l’évangile : « Suis-moi ». Il ne s’agit pas simplement de faire ceci ou cela, mais d’être avec Jésus. De même, la dernière parole du Christ ressuscité n’est pas un conseil, c’est une promesse : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Or cette proximité, cette présence du Christ, du Dieu vivant, auprès de nous, en nous, est source de paix et de joie. Écoutons encore Sophonie : « Pousse des cris de joie, fille de Sion, car le Seigneur ton Dieu est en toi » ; Écoutons Paul : « Soyez dans la joie, le Seigneur est proche. »
Chers frères et sœurs, au seul jeu des « Que devons-nous faire ? », des « Qu’avons-nous pu faire ? », nous aurons souvent le sentiment que notre existence est un bricolage hasardeux, un édifice fragile, précaire, qui prend l’eau et le vent, et que nous construisons en nous donnant régulièrement des coups de marteau sur les doigts, ou sur les doigts des autres. Il y aurait de quoi être découragé, triste. Mais la joie de l’Avent, c’est de savoir que le Seigneur estime assez cette pauvre demeure de notre cœur et de notre vie pour venir l’habiter, pour en faire une crèche. Il ne vient pas d’abord la rafistoler, en faire un palais ; c’est un enfant : il vient s’y reposer, la remplir de sa présence, telle qu’elle est. Puissions-nous à notre tour nous arrêter un peu, nous reposer en sa présence, y trouver la lumière, la paix et la joie.
La grâce de Jésus, le Christ, notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint, soit toujours avec vous…
Chers frères et sœurs, au cœur de l’Avent, la liturgie de ce dimanche nous invite à la joie : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie » venons-nous de chanter.
Cet appel, évidemment, nous projette vers la joie de Noël, que nous attendons en veillant dans la prière ; mais elle nous rappelle aussi que déjà, dès maintenant, le Seigneur est proche, qu’il est présent : présent en chacun de nous, présent dans notre assemblée réunie en son nom, présent dans sa parole que nous écouterons, présent dans le sacrement de son corps et de son sang qui tissera notre unité. Oui, l’Avent est ce temps où l’Église célèbre « la présence au milieu de nous de celui qui doit venir », c’est un temps de joie.
Alors demandons au Seigneur la grâce d’être nous-mêmes présents à la présence du Seigneur ; préparons-nous à célébrer le mystère de l’eucharistie, en reconnaissant que nous avons péché.
8 décembre 2021 -
Gen 3 9-20 ; Eph 1 3-12 ; Lc 1 26-38
Homélie du F.Cyprien
….(Eve et Marie dans l’histoire, la chute et le pardon)
" L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre » En fait dès avant l’Annonciation, l’Esprit était déjà venu sur Marie, depuis le commencement de sa vie, depuis sa conception : nous célébrons celle dont la vie a été seulement et simplement un acte d’obéissance à Dieu.
« Vivez sous l’emprise de l’Esprit », écrit saint Paul.
L’Eglise met « sur les autels », comme on dit, les personnes qui ont su vivre de plus en plus sous l’emprise de l’Esprit de Dieu : on peut dire que pour elles la grâce a été de plus en plus forte, parce qu’il s’agissait d’aller à l’encontre de l’emprise du mal.
Pour Marie la grâce a été la plus forte seulement parce que cette grâce était toujours ce qui la faisait agir. Il faudrait nous dire sans cesse que cette faveur que Dieu a accordé à la mère de Jésus, c’est la même grâce qu’il nous propose pour vivre aujourd’hui, grâce qui permet de rester dans la paix avec nous-même, avec les autres et de rester unis à ce Dieu et Père qui nous conduit à la vraie vie, la sienne.
« A la louange de sa gloire, de la grâce dont il nous a comblés en son Bien-aimé »
HOMELIE du 2ème dimanche de l’Avent (Année C) – 05/12/2021
(Baruch 5,1-9 ; Phil. 1,4-11 ; Luc 3,1-6)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Avec le temps de l’Avent, nous avons commencé dimanche dernier une nouvelle Année Liturgique, où nous serons accompagnés chaque dimanche par la lecture de passages de l’Evangile selon Saint Luc. A la suite des 2 premiers chapitres relatifs aux naissances et aux 1ères années de vie de Jésus et de Jean, son cousin, chapitres qui ont été écrits séparément et ajoutés, Saint Luc au chapitre 3 ouvre son récit sur la mission de Jean, et du même coup celle de Jésus en les situant dans l’histoire et la géographie de leur temps.
Avec précision, il nomme les personnages, païens et juifs, et les lieux, non pas dans une intention d’historien ou de géographe au sens moderne où nous les entendons, mais dans une intention de théologien de l’histoire du salut.
Tibère, empereur à Rome, Pilate, son préfet en Judée, une région agitée de l’Empire, Hérode Antipas et Philippe, son frère, tous deux fils d’Hérode le Grand, qui gouvernent les provinces du Nord, la Galilée. Et du côté religieux, Luc mentionne les noms des grand ’prêtres Hanne et Caïphe, et le prêtre Zacharie, qui officient au Temple de Jérusalem ces années-là. Nous retrouverons ces différents personnages au long de l’évangile et notamment lors des passions de Jean et de Jésus.
Et dans ce cadre ainsi défini, sur quel évènement Saint Luc veut-il attirer l’attention dans le passage que nous avons entendu ? Ecoutons bien : « la Parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie ». Littéralement, si vous me permettez de revenir au texte original en grec : « la Parole de Dieu arriva (ou advint) sur Jean ».. O logos tou theou egeneto epi Ioanen. Oui, la Parole de Dieu sur-vient, sur-prend un homme, réfugié dans un désert. Il s’agit bien d’une « emprise divine ». Ce terme d’emprise me semble convenir à l’évènement, associé inséparablement à celui de vocation et d’envoi en mission. Saint Luc reprend d’ailleurs les formules utilisées dans l’Ancien Testament pour qualifier les vocations des prophètes Jérémie et Osée. Il tient à montrer par là que Jean est choisi par Dieu pour être un authentique prophète et qu’il aura à délivrer à son Peuple un message divin : message de conversion et de baptême pour le pardon des péchés.
Arrêtons-nous sur cette notion d’emprise. On sait combien ce phénomène peut jouer dans les relations inter-personnelles ou sociales. Le dernier rapport de la CIASE l’a clairement désigné à propos des abus de pouvoir, abus spirituels et sexuels, en l’associant au cléricalisme dans l’Eglise. Mais on peut aussi parler de l’emprise des grandes entreprises sur l’économie mondiale, l’emprise des médias sur l’information, l’emprise de tel ou tel chef d’Etat pour imposer un régime totalitaire à la population de son pays. Toutes ces situations d’emprise sont bien connues et analysées, le plus souvent à propos de leurs effets négatifs aux plans psychologique et sociologique.
N’y a-t-il pas cependant des cas d’emprise positive, constructive, comme celle que relève notre passage d’évangile ou les récits de vocations prophétiquse ? Saint Paul lui-même ne déclare-t-il pas dans une des ses lettres avoir été « saisi » par le Christ, alors qu’il abusait de son pouvoir de pharisien en persécutant les premiers chrétiens. Sur le chemin de Damas, il fait l’expérience de cette emprise de Jésus, qui va le libérer de l’emprise de la chair, en le désarmant de son désir de contrôle et de domination, et il fait l’expérience d’une libération dans l’Esprit Saint. Désormais, Christ lui-même vit en Lui.
Les vocations de Jean, de Paul et de tant d’autres saints de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance nous renvoient à la nôtre. Par notre baptême, nous sommes tous appelés à devenir des prophètes, saisis par le Christ et par la Parole de Dieu qui nous est adressée. L’Eglise est ainsi un peuple de prophètes. L’Ecriture l’annonçait : un jour viendra, et il est venu pour nous avec Jésus, le Messie, où tous, dans le peuple, prophétiseront.
Alors, à quel type de témoignage sommes-nous renvoyés, à quelle proclamation de conversion, en ces temps difficiles que traverse notre Eglise ?
Nous entendions en communauté, mercredi soir la belle parole du nouvel évêque de Meaux, le Père Guillaume Lelille, ordonné dimanche dernier, acceptant sa lourde charge avec confiance mais surtout avec beaucoup d’espérance et de joie. Oui, la parole d’Isaïe en ce temps d’Avent 2021 nous rejoint encore et nous envoie : voici que le Seigneur vient, préparons son chemin aplanissons nos collines et rendons droits les sentiers tortueux de nos vies. Et réjouissons-nous, parce que le Seigneur se souvient. Il veut nous sauver, il aime sa création et ses créatures : Il est un Dieu avec nous. Seigneur Emmanuel.
AMEN
année C 1er Dimanche de l'Avent - 28 novembre 2021
Jér 33/14-16, 1Th 3/12-4/2, Lc 21/25-28, 34-36
Homélie du F.Cyprien
« Redressez-vous et relevez la tête… »
«Restez éveillés pour vous tenir debout devant le Fils de l'homme. »
Chers frères et soeurs, le temps passe : l’Eglise commence une nouvelle année avec ces jours qui nous conduisent à Noël, ce temps appelé temps « de l’Avent ».
Je préférerais d’ailleurs qu’on l’appelle temps de l’Avènement, car ce n’est le temps avant Noël ; non, c’est bien le temps où l’on célèbre l’avènement, « Adventus », la venue promise du Seigneur.
Pour ce temps de l’Avènement, j’aimerais évoquer le temps qui passe… avec le temps qui reste, celui qui nous reste à chacun d’entre nous…, temps d’attente et d’espérance peut-être, en tout cas temps qui passe…de plus en plus vite !
Le temps passe et nous aussi, à l’opposé de ce Dieu « qui est, qui était et qui vient » comme nous le nommons, Dieu qui est toujours présent, éternellement présent !
Par contre, nous, nous sommes dans ce temps qui passe, dans ce temps qui surtout nous échappe
C’est vrai, le temps nous échappe : le passé, nous ne pouvons pas le changer et souvent il nous rattrape. Les souvenirs agréables se mélangent avec de plus tristes choses…, nous ne le savons que trop : certains réalisent avoir été victimes d’abuseurs, de criminels, après les longues années…
Notons que beaucoup d’autres personnes font partie de notre passé; nous recevons une partie de notre passé …des autres : ce n’est pas nous qui avons appris seuls la date de notre naissance !
Le passé nous échappe, oui, et… nous ignorons l’avenir… Concrètement, comme nous l’ignorons, nous le meublons, cet avenir, souvent assaisonné de peur et d’angoisse… Peur de la vie ou peur de la mort, peur de la souffrance…D’où probablement aussi tous les scénarios de fin du monde qui alimentent les imaginations depuis les apocalypses de la sainte Ecriture. Nous savons hélas que le mal commis conduit rarement au meilleur…
… « Entre le passé qui nous échappe et l’avenir que nous ignorons, il y a le présent où est notre devoir ». Notre devoir de chrétiens : nous préparer à la venue du Seigneur, son retour dans la Gloire…
Dans la spiritualité chrétienne a été développée l’exigence de la préparation à la mort sans négliger l’espérance qui doit habiter le cœur croyant. Nous ne connaissons pas le jour et l’heure de notre mort et…nous devons nous y préparer…
Nous y préparer ?… Pourquoi ? …parce que nous avons à honorer notre Dieu et Père, le Dieu des promesses, préparer la rencontre avec Celui qui vient : le Seigneur, Il a promis qu’il reviendrait, avec cet avertissement : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre » !
Nous nous préparons à la fin… parce qu’il y a urgence : Restez sobres et veillez, dit l’Evangile…
Dieu était, Il a montré au long des siècles sa patience, sa pitié pour les hommes.
Dieu est : sa présence nous oblige de même « à être », être là où il nous veut, dans ce présent que lui-même habite, dans ce présent que nous avons, nous, du mal à habiter.
Nous confessons enfin que Dieu vient, notre acte de foi consiste en ceci : c’est Lui qui vient ; il vient à notre rencontre, … non pas hier, non pas demain…Hier j’avais mis ma foi en Lui, demain j’espère croire encore en Lui, …mais c’est maintenant que Lui vient à ma rencontre, que je peux lui consacrer ma vie, consacrer ce que je suis en train de faire.
Cet acte de foi est aussi acte de confiance, acte d’amour qui nous fait Le rejoindre, lui le Dieu d’amour.
Chers f. et s., c’est ainsi que le temps de l’Avent devient le temps de nos vies, temps pour préparer Noël 2021 bien sûr, mais, comme tous les autres temps liturgiques, le temps à la fois de la rencontre de Dieu au présent, et le temps qui aide chacun à se préparer à la rencontre définitive.
Si des hommes défaillent « de frayeur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde », nous avons à nous redresser, à relever la tête, à nous tenir debout, à rester éveillés. La fin de toutes choses ne peut pas être une catastrophe pour les enfants de Dieu ; ce sera l’accomplissement des promesses, la venue pour nous du Christ vivant, vainqueur de toute mort.
Alors, oui ! vienne et dure le temps de l’Avent, de l’Avènement où nous disons sans cesse : « Amen, Viens, Seigneur Jésus ! ».
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