Homélies
Liste des Homélies
Ann&e C - 14e dimanche ordinaire (C) (03/07/2022)
(Is 66, 10-14c – Ps 65 – Ga 6, 14-18 – Lc 10, 1-2.17-20)
Homélie du F. Jean-Louis
Frères et sœurs,
L’évangile de ce dimanche d’été nous met d’emblée dans la saison qui est la nôtre actuellement : « la saison des moissons ». Peut-être, sans doute, avez-vous eu l’occasion de voir ces derniers temps dans les environs ou plus loin, des champs en plein moisson. Evidemment, il n’y a plus, comme au temps du Christ, des ouvriers en nombre pour faire la récolte mais l’ambiance de travail laborieux demeure malgré la mécanisation.
Et tout l’évangile de ce jour montre bien que l’annonce du Royaume est vécue par le Christ lui-même comme une urgence mais aussi comme un travail qui exige de ne pas perdre de temps. « Ne saluez personne en chemin » dit le Christ. Il ne s’agit pas d’être grossier ni de mépriser les gens mais, dans le monde oriental, les salutations pouvaient être interminables. Or, pour le Christ, il y a urgence. Les envoyés doivent également ne pas se préoccuper de nourriture ni de vêtement. Leur souci exclusif doit être d’annoncer que, selon les mots du Christ : « Le règne de Dieu s’est approché. »
Et déjà du temps du Christ, il y a des réussites et des échecs possibles, en tout cas envisagés, les villes où les disciples ne seront pas accueillis et malgré tout, la Bonne nouvelle « Le règne de Dieu s’est approché » y est quand même proclamée. Aux gens d’entendre ou non, avec les risques que la surdité ou le refus d’écouter entraîne.
Apparemment, dans le récit d’aujourd’hui, c’est la réussite qui domine et elle est exprimée de façon claire et ferme. Il y a la joie des disciples bien sûr, mais aussi l’expression de la réussite de l’annonce par la chute de Satan. Nous savons que, plus tard, Satan essaiera de se venger et que la prédication du Christ rencontrera nombre d’obstacles allant jusqu’à l’échec apparent de la croix qui débouchera finalement sur la victoire définitive de la Résurrection du Christ. Il est intéressant d’ailleurs de voir que là où les disciples se réjouissent de voir les démons soumis à leur pouvoir, le Christ leur recommande plutôt de se réjouir, non pas de la soumission des esprits mais du fait que leurs noms soient inscrits dans les cieux. Ce qui est bien plus important.
Mais le Christ est très conscient de l’immensité de la tâche et d’ailleurs, l’évangile se fait peut-être l’écho de la prise de conscience par la communauté issue de la prédication de saint Luc que l’annonce de l’évangile dans l’Empire romain voire au-delà est vraiment une tâche infinie, toujours à reprendre. Il me semble qu’on sent bien, dans les paroles du Christ, une certaine urgence.
Frères et sœurs, traditionnellement, l’Eglise a compris cette demande du Christ « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » comme une prière pour demander à Dieu des prêtres, des religieux, des religieuses. Et ce n’est pas faux. Mais le risque de cette vision restrictive du mot ouvrier de la moisson n’a-t-il pas été de conduire à la démobilisation d’un grand nombre de chrétiens par rapport à l’annonce de l’évangile. Pire, dans nos pays occidentaux où l’on prie depuis plus de 50 ans pour avoir des ouvriers pour la moisson, entendez essentiellement des prêtres, le doute ne s’est-il pas introduit sur l’efficacité de cette prière, voire sur la surdité de Dieu à nos prières ? Car, et c’est bien visible, le nombre de séminaristes est loin d’être en croissance chez nous.
Pourtant, est-ce si sûr que notre prière ait été vaine, est-ce si sûr que Dieu ne nous a pas écoutés ? Il y a des milliers de diacres et leurs épouses, qui ont entendu un appel de l’Église, de Dieu. Il y a des milliers et des milliers de baptisés hommes et sans doute surtout femmes, qui se sont levés pour servir l’Église, leurs frères et sœurs en humanité et donc Dieu depuis des années et ils ont donc ainsi participé concrètement à la moisson du Seigneur.
Frères et sœurs, par notre baptême, nous sommes tous et toutes appelés quel que soit notre âge, notre condition, à répondre à cet appel du Seigneur. Prier pour que d’autres le fasse, c’est bien, prier pour avoir la force de l’Esprit pour nous mettre nous-mêmes au travail, c’est sans doute mieux.
Concrètement, cela signifie être à l’écoute des besoins de notre Eglise locale, participer aux formations qui existent pour approfondir sa foi, sa connaissance vivante de la Parole de Dieu, de la Bible, et pourquoi pas se former à l’écoute afin de pouvoir rendre service à nos frères et sœurs en chemin vers le Christ.
Le pape François a insisté et insiste pour une participation active de tous les baptisés à la vie de l’Eglise et il souhaite que des ministères nouveaux soient créés pour des laïcs. Lui-même a eu l’audace de nommer des laïcs à des postes importants à Rome. Il me semble que tous, à notre niveau, nous avons à répondre à cet appel qui est sans doute un appel du Christ : prendre part à la vie missionnaire, évangélisatrice de l’Eglise.
Et si ce qu’on appelle la crise des vocations était justement un appel de Dieu à tous les baptisés à se mettre en marche, dépassant une attitude simplement consommatrice pour devenir acteur, actrice de la vie de l’Église aujourd’hui et demain.
Frères et sœurs, si vous êtes ici ce dimanche, si vous vous êtes donné la peine de venir à cette messe en ce temps de vacances, c’est certainement parce que le message du Christ vous a touchés, qu’il compte pour vous. Peut-être que plusieurs d’entre vous sont déjà bien engagés dans la vie de l’Eglise mais ils peuvent peut-être inciter des proches à faire de même, témoigner de la joie à servir dans l’Eglise, même s’il y a des difficultés mais où n’y en a-t’il pas ?
L’enjeu est de faire connaître au monde la merveille de la promesse que faisait déjà en son temps le prophète Isaïe : « Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle… avec elle, soyez pleins d’allégresse… vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire. »
Oui, au-delà de la gloire de Jérusalem, c’est la Gloire de Dieu qui nous est promise et cela vaut la peine que nous nous bougions un peu, que nous devenions nous-mêmes ces ouvriers que le Christ attend. AMEN
année C - SACRE COEUR - 24 Juin 2022
Ez 34,11-16; Rm 5, 5b-11 ; Lc 15, 3-7
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
« Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? » chantons-nous dans une hymne… « Comment mesurer l’amour qu’il nous porte ? » Les textes entendus ce jour voudraient nous faire entrer plus avant dans la compréhension, mais aussi dans l’accueil de son amour pour nous. Chaque lecture nous fait pressentir un aspect de son amour immense.
Avec le prophète Ezéchiel, nous pouvons mieux comprendre combien, lorsque Dieu aime, il n’aime pas en gros, mais toujours en détail, pour reprendre l’expression de M. Delbrêl. Le prophète Ezéchiel interpelle vigoureusement les responsables du peuple d’Israël à qui il reproche d’être « des bergers pour eux-mêmes ». Ils délaissent le soin des brebis pour ne s’intéresser qu’à leurs propres intérêts. Il leur annonce alors que Dieu va lui-même s’occuper de ses brebis. Il va les rassembler des pays où elles ont été dispersées. En cet oracle, nous découvrons alors la manière avec laquelle Dieu aime non en gros, mais en détail. Tel un bon pasteur, il prend soin de chaque brebis. « La brebis perdue, je la chercherai, celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est vigoureuse, je la ferai paitre selon le droit »… A chacune de ses brebis, Dieu donne selon ses besoins. Si les mauvais bergers sont bergers pour eux-mêmes, notre Dieu est berger pour nous, pour que nous vivions et retrouvions la santé et la force…
Avec Paul qui médite sur le sens profond de la mort de Jésus, nous pouvons mieux mesurer la totale gratuité de l’amour de Dieu pour nous. Sur la croix, Jésus s’est donné totalement. Il a accepté de mourir de manière injuste pour les impies que nous étions et qui le faisaient souffrir. Il n’y a aucune commune mesure entre l’amour que Dieu nous porte et notre mérite. Si Dieu nous a aimés, ce n’est en rien en raison d’une quelconque justice de notre part. Il nous a aimé totalement gratuitement. Nous n’y sommes pour rien. « Il n’a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » avait dit Jésus. Son amour a été jusque-là : nous considérer pour ses amis, alors que nous étions pécheurs, alors que tous l’abandonneraient, que l’un le livrerait et l’autre le renierait. La gratuité de l’amour de Dieu se manifeste jusque dans son regard sur nous. Alors que nous sommes pécheurs, il nous considère déjà amis. Il n’a qu’un désir : nous faire entrer dans son amitié. Si, par la foi, nous consentons à nous laisser aimer par lui, son amour nous rend juste. Et nous devenons capable d’aimer à notre tour….
Avec l’évangile et la parabole de la brebis perdue et retrouvée, Jésus veut nous faire entrer dans la joie communicative de l’amour de Dieu. Quand Dieu aime, il nous communique sa joie d’aimer… Alors que les scribes et les pharisiens récriminent contre Jésus qui fait bon accueil aux pécheurs en prenant leur repas avec eux, Jésus les interpelle : « si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une… ? » A ces hommes qui juge de travers la joie de Jésus et celles des publicains attablés autour de lui, Jésus propose de se souvenir des joies familières qu’ils ont éprouvés un jour en retrouvant ce qu’ils avaient perdu… Si perdre une brebis, une pièce d’argent et les retrouver donne une grande joie humaine, combien plus grande est la joie de Dieu lorsqu’il retrouve un fils qui était perdu et qui se convertit. C’est la joie de l’amour divin qui ne veut perdre aucun de ses enfants. Une joie toujours en creux, en attente de notre retour et du jour où tous seront réunis dans son amour… Une joie à laquelle nous sommes associés en nous réjouissant déjà avec ceux qui font l’expérience de cet amour gratuit… Une joie aussi en creux dans l’attente que le plus grand nombre découvre l’Amour dont chacun est aimé…
En cette fête du Cœur du Christ, avec gratitude ouvrons-nous à l’amour infini de Dieu pour nous, et réjouissons-nous pour tous ceux qui un jour en font l’expérience. Et pour ne jamais être pour les autres un obstacle dans la découverte de l’amour de Dieu, souvenons-nous que nous sommes toujours nous aussi des brebis plus ou moins égarées. Avec le psalmiste, nous pouvons prier : « Je m’égare brebis perdu, viens chercher ton serviteur, je n’oublie pas tes volontés » (Ps 118, 176)…
Année C - Corps et Sang du Christ – 19 juin 2022 –
Gen 14 18-20 - 1 Co 11 23-26 - Luc 9 10-17
Homélie du F.Damase
Ce dimanche que l’Eglise appelle « Fête du Corps et du Sang du Christ » – s’appelait autrefois « Fête–Dieu » et l’on processionnait le Saint Sacrement en divers reposoirs – s’il y a une différence d’appellation, il y a sans doute aussi une différence de sens et d’objectif, pour nous chrétiens, aujourd’hui ?
Regardons les textes que l’Eglise nous propose de méditer – que nous disent-ils de cette fête ?
Tout d’abord l’Evangile est étonnant : Pourquoi une multiplication des pains ? « Jésus parlait aux foules du règne de Dieu et guérissait ceux qui en avaient besoin » - Jésus instruit la foule sur le désir de Dieu pour l’humanité et il guérit les malades ! Ainsi Jésus accomplit la mission salvifique pour laquelle il a été envoyé !
Le temps passe, le soir approche ! Les apôtres portent le souci des gens ; ils s’approchent de Jésus et lui glissent « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres – ici nous sommes dans un endroit désert ». Les apôtres voient bien qu’en ce désert, il est impossible de se nourrir ! Alors, ils manifestent une prévoyance toute humaine : renvoyer la foule !
La réponse de Jésus est déconcertante : « Donnez-leur vous–mêmes à manger ». « Comment faire ? » s’interrogent les apôtres. « Nous n’avons que cinq pains et deux poissons. A moins d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple » ! – Les apôtres sont simples, ils envisagent une solution facile, quand on habite un village ; mais ici dans ce désert avec « une foule d’environ cinq mille hommes » ! Que faire ?
« Jésus prit les cinq pains et deux poissons, et levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples ». Immédiatement nous reconnaissons les mots de la dernière Cène cités dans le même ordre : bénir le pain, le rompre et le donner – Ces mots se retrouvent dans la 2° lecture de ce jour, tirée de la lettre aux Corinthiens où Paul raconte l’institution de l’Eucharistie par Jésus le soir du Jeudi saint – Un récit que les apôtres ont raconté de nombreuses fois depuis la Cène. Donc Luc lui-même, en racontant cette multiplication des pains dans le désert, avait bien l’intention de montrer que ce miracle des pains est une annonce de l’Eucharistie chrétienne.
La 1° lecture tirée de la Genèse, fait allusion à ce personnage mystérieux qu’est Melchisédech, Roi et Prêtre, étranger à Israël, ami d’Abraham, auquel il offre du pain et du vin, en rite d’alliance. Les premiers chrétiens ont vu en Melchisédech la préfiguration de Jésus, Roi et Prêtre de la nouvelle Alliance. Son nom est d’ailleurs inscrit dans la 1° prière Eucharistique. Il témoigne de l’universalisme du dessein de Dieu qui conduit au Christ non seulement Israël, mais aussi toutes les nations.
Et l‘évangéliste note à la fin de notre passage :« Tous mangèrent à leur faim et l’on ramassa les morceaux qui restaient : cela remplit 12 paniers » ! La profusion du don de Dieu est totale, elle nourrit le corps et le cœur de l’homme et chaque apôtre repart avec une corbeille pleine de morceaux pour nourrir tous les hommes affamés de pain comme de Dieu, hier, aujourd’hui et peut-être encore demain !
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En Conclusion, à cette relecture des textes de cette fête du Corps et du Sang du Christ, le peuple chrétien n’est-il pas invité, comme Jésus dans l’Evangile à commencer par nourrir avec du pain et du poisson – c’est à dire avec un repas substantiel, les hommes, les femmes et les enfants affamés de notre temps, reconnaissant que Dieu fait alliance avec chacun d’eux, dans toute son humanité – sans aucune exclusion, ni préférence de sa part ! Ensuite, seulement, l’Eglise pourra leur distribuer l’Eucharistie ! C’est tout le message du Pape François qui envoie l’Eglise aux périphéries ou bien nous demande d’accueillir les migrants !
670 mots
Année C - Fête de la trinité - 12 juin 2022
Prov 8 22-31 ; Ro 5 1-5; Jn 16 12-15
Homélie du F.Benoit Andreu de Fleury
« Au nom du Père et du Fils, et du Saint Esprit. » Cette très simple invocation de la Trinité est comme la porte d’entrée la vie chrétienne. C’est « au nom du Père et du Fils, et du Saint Esprit » que nous sommes avons été baptisés, et plusieurs fois par jour, c’est par ces paroles encore, associées au signe de la croix, que nous entrons dans la prière. La Trinité est une porte. Alors en ce dimanche demandons au Seigneur la grâce d’entrer encore une fois, très simplement, par cette porte, de voir quel espace, quelle vie nous ouvre la confession du Père, du Fils et de l’Esprit Saint comme un seul Dieu, un seul Amour.
Nous croyons en Dieu, le Père. Le Père, c’est la « source ». Source de la vie divine, mais encore source de notre vie et de toute vie. Oui, notre vie a une source, et cette source est amour, un amour éternel, et donc inconditionnel. C’est déjà beaucoup dire. Car la précarité de nos histoires peut parfois nous donner le sentiment d’avoir été comme « jetés » dans la vie, de nous trouver là on ne sait trop pourquoi, résultante improbable de causes obscures, fragiles, indifférentes. Qui de nous n’a été traversé, plus ou moins consciemment, par ces questions : « Suis-je l’objet d’un désir ? Est-ce que je compte vraiment pour quelqu’un, qui m’attend, qui m’espère pour ce que je suis ? ou suis-je seulement toléré, voire oublié, sur la scène indifférente du monde ? » L’amour du Père, à chaque instant, nous désire, nous engendre et nous porte tel que nous sommes, car il est à chaque instant la source de notre vie.
Nous croyons en Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu. Le Fils, c’est la Parole. Parole reçue du Père, parole d’Amour. Nos vies, nous le savons bien, sont souvent en quête d’une parole : parole que nous n’avons pas entendue et qui nous manque, parole encore que nous ne savons pas dire ou que nous retenons. Jésus est la parole qui nous rend un visage en interrogeant notre désir « Qui cherches-tu ? », en nous rendant notre dignité « tes péchés sont pardonnés », en nous appelant « Viens suis-moi », en nous fortifiant « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Mais Jésus est encore la parole que nous retenions, captive, au-dedans de nous, dans la déréliction où il faudrait oser crier « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », dans la confiance « Père, en tes mains, je remets mon esprit », dans la louange « Père, je te rends grâce car tu m’as écouté, je sais que tu m’écoutes toujours. » Le Fils est cette Parole qui brise les silences qui nous accablent, le mutisme où nous nous enfermons ; cette Parole nous recrée car elle est un seul amour avec l’amour qui nous a créés.
Nous croyons en l’Esprit saint, qui est Seigneur et qui donne la vie. L’Esprit, c’est le Souffle. Souffle de vie bien sûr : de même qu’il y a un souffle biologique qui permet à nos corps d’être vivants, de même l’Esprit est ce souffle venant de Dieu qui nous donne de vivre de la vie divine, de cet amour qu’il est éternellement avec le Père et le Fils : « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ». Mais le souffle c’est encore ce qui fait vibrer nos cordes vocales, ce qui nous permet parler. Car la parole de Dieu n’est pas seulement vocation à entrer par nos oreilles, elle doit aussi sortir de notre bouche, se dire en toute notre vie. Et il ne s’agit pas de faire le perroquet, de répéter une leçon, d’appliquer des recettes. Toujours, la parole qui nous a transformés, qui nous a recréés, prendra sur nos lèvres un ton singulier. Un même souffle traverse nos bouches, et pourtant nous savons bien que la voix de chacun est unique, reconnaissable entre toutes ; de même, le souffle divin qui habite notre cœur doit rejaillir dans la vie de chacun de façon singulière, selon ce qui le rend absolument irremplaçable, comme personne. La parole de Dieu n’accomplit sa mission qu’au moment où l’Esprit la fait rejaillir sur nos lèvres, en toute notre vie, comme notre parole, et pas simplement comme la parole d’un autre, serait-il Dieu. En chacun, l’amour de Dieu cherche des chemins singuliers, nouveaux, pour se dire et se donner.
Le Père, le Fils et l’Esprit Saint ; la Source, la Parole et le Souffle ; la Source qui crée et qui désire ; la Parole qui considère et qui libère ; le Souffle qui anime et fait toute chose nouvelle. Prions pour accueillir chaque jour la grâce de cet unique Amour.
Année C - PENTECÔTE 05 Juin 2022
Ac 2,1-11; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16. 23-26
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Qui est l’Esprit Saint ? Qui est-il pour nous ? La réponse n’est pas facile à donner, moins facile que pour Jésus le Christ, ou Dieu le Père. Les lectures que nous venons d’entendre nous offrent quelques repères, fruits de l’expérience des apôtres, de Paul et de l’enseignement de Jésus. Il est bon de nous mettre à l’écoute de ses témoignages et cette intelligence que les premiers disciples ont eu de l’Esprit Saint, afin de mieux percevoir son œuvre dans nos vies.
Au jour de la Pentecôte, le groupe des apôtres et des femmes a fait une expérience forte de la présence de l’Esprit Saint. Une expérience qui les a dépassés eux-mêmes par sa soudaineté et par sa force. D’une manière inattendue, ces hommes, qui jusqu’alors étaient repliés sur leur peur, se sont retrouvés remplis d’audace, à tel point qu’on a cru qu’ils étaient ivres. Le témoignage qu’ils nous laissent est que, pour eux, l’Esprit Saint a été cette force, autant lumière qu’élan de vie pour annoncer la résurrection de Jésus. Et nous ? Peut-être avons-nous déjà perçu et vécu une expérience semblable, de nous retrouver en situation de faire et de dire des choses dont nous ne serions jamais cru capables ? Ce passage de l’Esprit Saint dans nos vies laisse toujours une trace de joie, de paix, de plus grande assurance pour être là où nous sommes témoins et serviteurs de la Bonne Nouvelle de Jésus Vivant.
Dans l’épitre aux Romains, Paul témoigne d’une autre expérience de l’Esprit Saint : celle d’une présence plus discrète qui habite en nous et qui conduit notre vie en toutes ses dimensions. Pour faire contraste, Paul met en parallèle alors deux dynamismes qui peuvent nous animer : celui de la chair qui conduit à la mort, et celui de l’Esprit Saint qui conduit à la vie. La vie selon la chair dont parle ici Paul n’est pas la vie corporelle avec ses besoins légitimes. Mais elle est plutôt cette manière de vivre et de penser totalement centrée sur soi et sur ses désirs insatiables, sans autre horizon que soi. A l’inverse, la vie selon l’Esprit oriente notre vie et tourne notre coeur et notre esprit vers Dieu et vers les autres. « C’est en lui, l’Esprit, que nous crions « abba », c’est-à-dire « Père » dit Paul. En nous apprenant à dire « Père », l’Esprit Saint nous révèle alors notre identité profonde d’enfants de Dieu. Et dire « Père », c’est aussi inséparablement pouvoir dire « frère-sœur » à tout homme et femme rencontrés. Ici l’expérience de Paul, nous invite à être attentif à la secrète présence de l’Esprit en nos cœurs qui peut changer notre manière d’être. Dès lors, quelle place lui donnons-nous ? L’oublions-nous en restant centrés sur nous-mêmes dans le seul souci de soi ou bien sommes-nous dociles à sa voix qui nous incline à nous tourner vers Dieu et vers les autres ?
Dans son enseignement, Jésus nous révèle un autre aspect de la présence de l’Esprit : à nos côtés, il est le Défenseur. « Le Défenseur, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout de ce que je vous ai dit »… Le mot Défenseur laisse entendre qu’il peut y avoir des attaquants, des opposants… A quel type d’attaquant ou d’opposant pense Jésus ? Le contexte de la proximité de la Passion dans lequel ses paroles de Jésus sont placées, fait penser à l’hostilité forte que lui-même et les disciples vont devoir affronter. Mais cette hostilité qui conduira Jésus à la mort, et plus tard les disciples à la persécution, peut être aussi comprise comme l’hostilité générale à la parole de Jésus. Hostilité qui fait que la parole de Jésus n’est pas comprise, qu’elle est rejetée parce qu’on ne reconnait pas en elle une parole de vie, une parole qui peut donner la vie. Dans ce cadre plus large, l’Esprit Saint est le Défenseur qui permet aux disciples de Jésus de se souvenir de sa Parole, et de la garder comme une Parole vivante. En effet sans l’Esprit Saint, le risque est grand d’oublier le sens profond de la Parole de Jésus, et de la réduire par exemple à un enseignement moral, à des préceptes vis-à-vis desquels il faudrait être quitte et en règle. L’Esprit Saint est ici notre Défenseur contre cette tentation très réductrice. Il est en nous cette présence au service de la juste compréhension de la Parole de Jésus. L’Esprit Défenseur se fait alors Serviteur de notre relation avec Jésus et avec notre Père, à l’écoute de leur commun désir de faire en nous leur demeure, comme l’assure Jésus, lui-même. Dans cette lumière, pensons-nous assez à demander l’aide de l’Esprit Saint, par exemple lorsque nous prions, lorsque nous lisons la bible ou lorsque nous nous préparons à la messe ?
Oui, comme nous le demanderons dans quelques instants, en cette eucharistie « que l’Esprit Saint nous fasse entrer plus avant dans l’intelligence du sacrifice que nous célébrons, et nous ouvre à la vérité toute entière ».
Année C - ASCENSION DU SEIGNEUR - 26 mai 2022
(Ac 1, 1-11; He 9,24-28 - 10,19-23; Lc 24, 46-53)
Homélie du Père Abbé Luc
Depuis Pâques, nous n’avons pas cessé de chanter la résurrection de Jésus et d’accueillir le mystère de sa proximité. Lui le Vivant marche à nos côtés, il est avec nous comme il l’a promis. En ce jour, de l’Ascension, nous ne célébrons pas un départ qui entrainerait l’absence de Jésus. Non, dans la lumière de sa résurrection, nous accueillons le mystère de sa seigneurie. Jésus est Seigneur. Ressuscité en son corps, il est habité par la plénitude de la Gloire de Dieu qu’il partage à égalité avec son Père. C’est ce que veut signifier l’expression que nous chanterons dans quelques instants, en confessant notre foi : « il monta au ciel, il est assis à la droite du Père ». Ainsi en confessant Jésus, vivant, assis à la droite du Père en son corps glorifié, nous contemplons le fruit plénier de sa résurrection. Durant quarante jours, les disciples ont vécu une sorte d’apprentissage de la foi. Ils ont connu une réelle proximité avec Jésus vivant, mais non dans l’évidence. A travers les apparitions de Jésus, ils ont appris à exercer leur regard de foi, pour voir plus loin ou plus intérieurement que l’apparence, sa présence. Lorsque St Luc dit dans la première lecture entendue : « tandis que les Apôtres regardaient Jésus, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux », il signifie le saut définitif de la foi que les Apôtres ont dû faire. Enlevé par la nuée, manifestation divine de la gloire de Dieu, ils ont reconnu Jésus le Vivant habité tout entier en son corps, en toute sa personne, par la Gloire divine. « Dieu l’a fait Christ et Seigneur » dira Paul…
Frères et sœurs, que retenir de cette contemplation pour notre vie de croyant ? Peut-être nous faut-il retenir, comme nous le chanterons dans quelques instants, « qu’il est grand le mystère de la foi »… En regardant Jésus, un homme de notre condition, mort et ressuscité, Seigneur, assis à la droite de Dieu, nous ne sommes pas invités à nous gargariser de belles images ou de belles formules. Non, nous balbutions pour mieux accueillir la lumière dont nous pressentons qu’elle apporte la vraie vie à nos existences. La vraie vie, pour aujourd’hui et pour demain.
Pour aujourd’hui, cette lumière nous apporte la paix. Nos existences sont souvent alourdies non seulement par les difficultés inévitables que nous rencontrons, mais encore par les blessures que laissent dans notre histoire, le péché, la morsure du mal sous toutes ses formes. C’est là que l’auteur de la lettre aux Hébreux nous invite à nous appuyer avec assurance sur notre foi en la résurrection de Jésus et en son ascension auprès du Père. En effet, tel un Grand Prêtre, Jésus par son sang versé, a accompli la purification de tous les péchés. « Entré dans le ciel même », il intercède pour nous « devant la face de Dieu ». Aussi pouvons-nous nous avancer « vers Dieu avec un cœur sincère, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure »… Ce que nous ne pouvons accomplir par nos propres forces, à savoir la purification de notre péché et de notre conscience, Jésus l’a fait une fois pour toute. Oui, cultivons en nous cette foi. Tournons-nous avec confiance vers Jésus qui est auprès de son Père comme notre ambassadeur, notre intercesseur, jamais comme un accusateur.
La montée de Jésus auprès de son Père apporte une autre lumière pour notre vie, pour demain…Une lumière d’espérance : celle de rejoindre un jour Jésus. Comme nous le prierons, nous croyons que « Jésus, ayant pris notre nature avec sa faiblesse, la fit entrer dans la gloire, près de Dieu ». Désormais, nous croyons qu’entre la terre et le ciel, entre la vie dans l’histoire et celle au-delà de l’histoire, il y a un lien fort, un chemin, celui ouvert par Jésus, le chemin qu’il est lui-même. Que cette espérance soit comme un aimant qui tire vers le haut, vers le meilleur, vers l’amour qui ne passera pas, toutes nos activités présentes. Tout ce que nous faisons est déjà plein de ce germe d’éternité qui ne demande qu’à pousser et éclore pour notre plus grande joie.
En célébrant maintenant le mystère de la mort et de la résurrection, laissons-nous vivifier et fortifier dans la paix et dans l’espérance. Jésus, Vivant, le Seigneur nous donne la Vie.
Année C - 6e dimanche de Pâques - 22 mai 2022
Act 15 1-29 ; Ap 21 10-23 ; Jn 1423-29
Homélie du F.Hubert
Départ de Jésus lors de l’Ascension, séparation d’avec les siens lors de la Passion.
Frères et sœurs, l’évangile de ce dimanche qui précède l’Ascension, n’est pas le récit d’une apparition du Ressuscité, mais un extrait de la parole de Jésus, avant sa Pâque, par laquelle il prépare ses disciples au bouleversement qu’elle va provoquer en eux.
L’heure est grave. Il va les quitter. Il va souffrir, mourir de mort violente, rejeté par ceux-là mêmes qui ont pour charge de tenir l’Alliance. L’incompréhension et l’inquiétude saisissent les disciples. Leurs questions manifestent leur trouble. Qu’en est-il donc de la mission messianique de leur Maître ? Ne doit-il pas se manifester à l’humanité entière ?
Jude se fait le porte-parole :
« Seigneur, comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ? »
A cela, Jésus répond : « Si quelqu’un m’aime… »
Sa manifestation n’est ni réservée aux seuls disciples, ni imposée à tous de façon impérieuse.
Il s’agit d’amour, de don et d’accueil, de foi en la Parole vivante.
Jésus n’impose sa victoire à personne, mais tout être qui aime reçoit la promesse de rencontrer le Vivant. S’il le veut, tout homme peut, devenir disciple du Fils et avoir part à sa vie.
Jésus ne reprend pas le mot “manifestation” mais celui de “venue” qui aboutit à une “demeure”. Cette venue est pour le quotidien de la vie humaine, elle est d’ordre spirituel, se réalise dans le présent de la foi et consiste dans une parfaite communion entre le Père, le Fils et le disciple. Nouvelle présence de Jésus pour les siens, non plus “avec”, à côté, mais “en” eux… Présence invisible, mais présence de feu, brûlant le cœur.
Jésus est notre Chemin vers le Père, mais le Père et le Fils viennent aussi dans nos cœurs de disciples. Jésus est le nouveau Temple, mais le croyant lui-même devient aussi la demeure de Dieu. L’Incarnation du Verbe, chantée par le Prologue, parvient à son but : la divinisation de l’homme.
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole.
Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. »
Voilà la réponse à la question de Jude.
Quelle est cette parole ou ces paroles de Jésus ?
Ce ne peut être que le commandement de l’amour : ”aimez-vous les uns les autres”,
“mettez-vous au service les uns des autres”. Jésus en a donné l’exemple en lavant les pieds de ses disciples. Être fidèle à sa parole, qui est celle du Père, c’est se mettre au service très concret de ses frères. Si qqn m’aime, il se mettra au service de ses frères ; mon Père l’aimera, nous viendrons demeurer en lui. Celui qui ne m’aime pas ne se mettra pas au service des autres… L’Esprit que le Père enverra en mon nom, vous enseignera à aimer, il vous fera souvenir du commandement d’amour.
« Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. »
Jésus, homme, va enfin rencontrer le Père ! Son humanité – prémices de la nôtre – va entrer dans la gloire du Père, dans la plénitude indicible de l’Amour. Si les disciples l’aimaient, ils se réjouiraient pour lui. Ils se réjouiraient pour eux aussi, car un jour viendra leur tour. Jésus va leur préparer une place, et là où il est, ils seront eux aussi.
Jésus va souffrir et mourir, mais il ne va pas vers le néant : il va vers le Père, il retourne à Lui, dont il vient et qu’il aime.
Son obéissance n’est pas une obéissance d’esclave, de dominé, c’est une adhésion libre, d’amour libre et fervent.
Si Jn-Bp s’est réjoui à la voix de l’Époux, les disciples devraient se réjouir bien plus encore : l’Époux retourne au Père, pour le glorifier et être glorifié par lui, et il ouvre le chemin à une multitude de frères qui, en lui et par lui, glorifieront aussi le Père et recevront sa gloire.
« Ne soyez pas bouleversés ni effrayés.
Je m’en vais, et je reviens vers vous.… L’Esprit vous enseignera tout. »
C’est par l’Esprit que Jésus sera manifesté.
Par l’Esprit, ses paroles s’éclaireront et se dévoileront tjrs davantage.
L’Esprit est en nous une source infinie de vie, pour nous faire sortir vivants de toutes nos morts et de la mort !
Enfin, avant même que l’Esprit soit répandu, Jésus donne à ses disciples sa paix.
Il ne la leur souhaite pas, il la leur donne, tel un legs.
La paix qu’il donne est le fruit de sa victoire sur la mort.
Quand toutes ces choses arriveront, les disciples pourront croire, càd reconnaître le Vivant dans le Crucifié, le Vivant, un avec le Père et source de vie pour les siens.
Chaque jour nous apporte joies et épreuves, relations heureuses ou difficiles. Puissions-nous, dans l’Esprit, les aborder toutes et les gérer de telle manière que le monde sache que nous aimons le Père et son Fils, que nous aimons l’humanité rachetée par l’Agneau !
année C - 15mai 2022 - 5e dim Pâques
Ac 14/21b-27, Ap 21/1-5a, -Jn 13/31-33a, 34-35
Homélie du F.Cyprien
22 Ils y affermissaient le coeur des disciples et les engageaient à persévérer dans la foi: " Il nous faut, disaient-ils, passer par beaucoup de détresses, pour entrer dans le Royaume de Dieu. ".
1 Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle. 2 Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, ... 3 Et j'entendis, venant du trône, une voix forte qui disait: Voici la demeure de Dieu avec les hommes.
34Vous me chercherez et comme j'ai dit aux Juifs: "Là où je vais, vous ne pouvez venir ", à vous aussi maintenant je le dis. (Jean (TOB) 13) " Je vous donne un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres ».
*** Chers f et s., la première lecture, tirée comme tous ces dimanches, des Actes des apôtres nous raconte la première évangélisation des « nations », c’est-à-dire des païens, des non-juifs : affermir les disciples dans les communautés nouvelles c’est annoncer des épreuves, avec la certitude que Dieu accompagne la diffusion de la Bonne Nouvelle.
Annoncer et vivre l’Evangile n’est pas de tout repos : les épreuves font partie de toute vie et aussi de la vie chrétienne. L’épreuve qu’a été la Croix pour Jésus devrait rester présente aux esprits de tous les missionnaires et bien sûr de nous tous…
*** Dans la deuxième lecture, le livre de l’Apocalypse décrit la Nouvelle Jérusalem qui descend du ciel : au moment où Dieu fait toute chose nouvelle, ce qui advient est un don, le don du Ciel, le don de Dieu, œuvre totalement divine. Ce que nous vivons est provisoire. Dieu est capable de tout restaurer, de tout faire à neuf.
Nous faisons notre acte de foi en Celui qui ne nous éprouve pas pour le plaisir de nous laisser dans la détresse, mais parce qu’il nous prépare à accueillir le meilleur… Cela s’appelle l’espérance chrétienne : elle aussi est un don de Dieu.
*** Si l’on en vient à l’Evangile et à saint Jean, je dois dire mon étonnement, ma déception après avoir découvert que la lecture de ce jour a été abrégée, tronquée d’une petite incise : que dit Jésus en St Jean ?
"Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour peu de temps. Vous me chercherez et comme j'ai dit aux Juifs: "Là où je vais, vous ne pouvez venir ", à vous aussi maintenant je le dis ».
Le passage lu saute en effet la dernière phrase : Vous me chercherez et comme j'ai dit aux Juifs: "Là où je vais, vous ne pouvez venir "… Vous me chercherez...
Au moment de la Passion, les disciples sont à la même enseigne que les adversaires de Jésus… aux disciples pourtant Jésus donne à ce moment-là le commandement nouveau…
« Là où je vais, vous ne pouvez venir ». Ce n’est pas pour vous l’heure de la glorification, l’heure de votre résurrection. Alors, Vous me chercherez, mais aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés…
C’est l’absence toute proche de Jésus qui introduit le commandement de l’amour : nous devons nous témoigner de l’amour mutuel parce que cet amour les uns des autres est notre façon d’exprimer notre foi au Christ, notre façon de le garder présent, lui qui aura donné sa vie pour nous, nous qu’il a aimé et qu’il aime.
« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait »
« A ceci tous vous reconnaitront comme mes disciples, à cet amour que vous aurez les uns pour les autres » comme si nous disions : « A ceci vous vous reconnaitrez et on vous reconnaitra comme les disciples de Jésus ressuscité ».
Cet amour mutuel sera le signe visible de la présence invisible du Christ ressuscité : si nous ne nous aimons pas, la vie des chrétiens ne peut témoigner de rien ; si nous ne nous aimons pas, nous faisons comme si le Christ était mort et enterré. Point.
Finalement pour moi, pour nous …est-ce que le Christ est vraiment ressuscité … ? Il n’y a que Jésus mort et ressuscité qui nous sort de l’enfermement, du manque d’amour.
« Nous ne savons pas aimer Dieu parce que nous ne savons pas que Dieu nous aime. »… Jésus nous révèle l’amour de Dieu ; il nous laisse le commandement de l’amour mutuel avant de mourir, avant de retourner vers son Père : sa résurrection est le signe que nous pouvons aimer à notre tour comme Dieu nous aime… et l’Eucharistie nous fait entrer dans le Don du plus grand amour…
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
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4e dimanche de Pâques (C) (08/05/2022)
(Ac 13, 14.43-52 – Ps 99 – Ap 7, 9.14b-17 – Jn 10, 27-30)
Homélie du F.Jean Louis
Frères et sœurs,
Quatrième dimanche de Pâques, sous le thème du Bon Pasteur, dimanche traditionnellement consacré à la prière pour les vocations. Bien sûr, prière pour les vocations aux services de prêtres de diacres ou à la vie religieuse, mais aussi prière pour l’appel que Dieu fait à tout chrétien, toute chrétienne de vivre son baptême dans la vie de tous les jours afin de témoigner de ce que la résurrection du Christ peut apporter dans une vie d’homme de femme, dans la vie de notre monde.
La prière d’ouverture de la messe nous a déjà signifié le rôle du Christ, Pasteur par excellence. Il est entré victorieux dans le bonheur du ciel et c’est de là qu’il nous guide, nous qui sommes faibles et fragiles.
La seconde lecture, dont une partie est lue également à la fête de la Toussaint, nous décrit justement le Royaume en fête à la fin des temps. Plus de faim ni de soif, plus de chaleur accablante - et les gens du Moyen Orient savent ce que cela veut dire. Dieu qui siège sur le Trône établira sa demeure en chacun des élus. L’Agneau sera le Pasteur et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. Dieu ne veut plus qu’il y ait des larmes dans son peuple et c’est pour cela qu’il nous appelle et nous conduit comme Pasteur. C’est bien le rôle du Christ.
Cette vision est confirmée par l’évangile avec des paroles fortes.
Les brebis qui écoutent la voix du Christ, sont connues de lui et le suivent. Et le projet du Christ est bien de leur donner la vie éternelle. Elles ne peuvent être arrachées de la main du Christ. Et le garant de ce salut est le Père avec lequel le Christ fait UN. Affirmation inouïe.
Quant à la première lecture, elle nous rappelle un moment essentiel, décisif de l’annonce de l’évangile. Paul, comme les autres apôtres s’est mis en route avec Barnabé pour proclamer l’évangile et le salut en Jésus Christ et d’abord aux juifs d’Asie mineure. Mais devant l’opposition de certains, apparemment assez influents pour mobiliser des foules, ils décident de se tourner vers les nations païennes, ce qui n’était pas évident au départ. A partir de la relecture d’un passage prophétique tiré du Livre d’Isaïe (« J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre »), Paul et Barnabé comprennent que le message de l’évangile du Christ est destiné à toutes les nations et pas uniquement au peuple juif. C’est de cette décision que notre Eglise vit encore aujourd’hui. Mais ce passage nous montre aussi Paul et Barnabé comme pasteurs chargés d’annoncer la Parole. Elle nous les montre en bute aux oppositions qui peuvent surgir et qui surgissent encore aujourd’hui devant ceux qui ont décidé de se consacrer à l’annonce de l’évangile, qui ont décidé de suivre le Christ. Et les risques ne sont pas nuls. Celui qui vient en aide est alors l’Esprit Saint qui remplit de force et de joie les disciples. Et cette annonce consiste à faire connaître au monde entier qu’il est aimé et sauvé sans condition.
Frères et sœurs, à Pâques et durant ce temps pascal, nous célébrons la résurrection du Christ authentifiant la réalité de l’amour que le Christ à témoigné en acceptant de souffrir et de mourir sur la croix. C’est le Pasteur, le Berger, qui a été jusqu’à donner sa vie pour ses brebis. Durant tout le temps pascal résonne, avec la lecture du livre des Actes des Apôtres, la diffusion de ce message aux premiers temps de l’Eglise. Si nous sommes croyants aujourd’hui, c’est parce que ces hommes et ces femmes ont tenu à diffuser cette incroyable nouvelle : Dieu s’est fait l’un de nous et il a souffert pour notre salut, pour vaincre le mal et la mort.
Bien sûr, le mal, la violence et la mort sont toujours présents mais le passage est ouvert vers le Royaume qui nous a été décrit dans la seconde lecture, et une espérance nous est offerte. La mort n’est pas la fin de tout, la souffrance n’est pas l’horizon unique de nos vies. Nous ne sommes pas seuls dans la souffrance car nous croyons au Christ, Fils de Dieu et pleinement homme, qui a connu la souffrance humaine et pas qu’un peu. Nous croyons en un Dieu qui, en Jésus Christ, a fait l’expérience de la souffrance et de la mort humaines. Le chemin du Christ sera le nôtre, allant jusqu’à la vie sans fin. Bien sûr, pas de preuve scientifique expérimentale pour nous rassurer, mais la confiance en cette parole proclamée par les premiers disciples et apôtres du Christ, ces pasteurs qui ont tout donné pour transmettre la parole du vrai Pasteur et ce, malgré les obstacles de toutes sortes.
Mais puisque nous sommes baptisés, peut-être qu’à notre tour, nous avons à nous demander comment être nous aussi pasteurs de notre humanité à l’image, à l’imitation du Christ et des premiers chrétiens. Il y a bien sûr les évêques les prêtres les diacres, les religieuses et les religieux mais il me semble que tout chrétien et toute chrétienne, comme baptisé, a aussi à se sentir comme bergers, pasteurs de notre humanité parfois si troublée et désorientée. Il ne s’agit pas de se sentir chef, mais, comme le Christ, d’aider humblement nos frères et sœurs en humanité, dans un infini respect de leur liberté, à cheminer dans une vie humaine qui a du sens. Aujourd’hui, tant de personnes trouvent que leur vie n’a pas de sens !
Les grandes certitudes idéologiques sont tombées, les puissances politiques ou technologiques montrent leurs limites, et, parfois, leur faillite. Nous le savons bien, l’avenir est incertain. Peut-être que, plutôt que de mettre notre confiance en un progrès indéfini du monde et de la société, progrès reposant uniquement sur le bien-être matériel ou la puissance technique, nous avons à faire découvrir une autre voie qui invite à l’ouverture aux autres, au respect du plus pauvre, du plus fragile (les étrangers, les jeunes, les personnes âgées). Peut-être avons-nous à témoigner d’une espérance qui s’appuie en fait sur une Parole qui a révolutionné le monde et qui nous ouvre sur un monde sans limite, sans limite d’amour. Et cette espérance, nous avons aujourd’hui à la vivre avec d’autres que les chrétiens et c’est sans doute la chance de découvrir que le Christ est présent partout où du bien se fait, partout où une personne vient en aide, gratuitement, à une autre. Nous avons à nous montrer, comme le Christ, bergers de notre humanité, nous avons aussi à apprendre des autres à être bergers, pasteurs…
C’est une tâche qui peut nous rendre vraiment heureux si nous osons nous y engager pleinement. Demandons l’aide de l’Esprit Saint pour cela. AMEN
Année C - 3° Dimanche de Pâques - 1° mai 2022
Actes 5,27…41 / ps 29 ; Apocalypse 5, 11-14; Jean 21, 1-19
Homélie du F.Basile
Frères et Soeurs, nous sommes à la fin du 4° évangile, un chapitre rajouté mais tellement précieux : c’est la 3° fois que Jésus ressuscité se montre à ses disciples, mais là ce n’est plus à Jérusalem, c’est en Galilée au bord du lac, là où l’aventure avait commencé ; et c’est là que tout recommence, que tout peut recommencer, et avec Jésus, c’est l’amour qui gagne. Voilà sans doute le sens de Pâques dans notre vie. En tout cas, c’est ce qui se passe dans le cœur de Pierre ce jour-là. « M’aimes-tu ? Suis-moi »
Mais Pierre n’est pas seul ; on nous dit qu’ils étaient sept, un chiffre qui exprime une plénitude ; ils sont tous nommés, sauf deux : n’est-ce pas pour que chacun de nous se retrouve dans l’un de ces deux disciples anonymes partis pêcher avec Pierre ? Ils n’ont rien pris cette nuit-là, mais le contraste n’en sera que plus fort, lorsque cet inconnu les appelle sur le rivage et leur dit : « Jetez le filet à droite et vous trouverez » Alors tout va changer, non seulement ils trouvent du poisson en abondance, mais surtout ils retrouvent celui qu’ils avaient perdu, ce Jésus qui les avait entraînés, 3 ans durant, sur les routes de Palestine et qui avait fini misérablement sur une croix, abandonné de tous ou presque, trahi par Pierre lui-même. Aussi quand le disciple bien-aimé s’écrie : « C’est le Seigneur ! », le cœur de Pierre en est retourné, il se jette à l’eau. Pourtant Jésus ne lui dit rien ; tout se passe presqu’en silence dans une intensité d’amour qui les bouleverse tous. « Aucun n’osait lui demander : ‘Qui es-tu ?’ car ils savaient bien que c’était le Seigneur. »
Mais le plus étonnant de cet évangile, c’est la suite, c’est l’entretien de Jésus avec Pierre ; il aurait pu lui dire : «Viens, je te pardonne » non, il lui pose une question où la confiance est en jeu : « Pierre, m’aimes-tu ? » Il y a des paroles de l’Evangile qui nous remettent debout, et celle-ci en est une. Je souhaite à chacune, à chacun de vous de l’entendre ce matin. Pourquoi Jésus pose-t-il la question 3 fois, jusqu’à contrister le cœur de son ami ? Mais c’est l’histoire de Pierre : 3 fois il avait trahi l’amour ; 3 fois, Jésus lui permet de redire son amour.
Vous savez que dans le texte original en grec, il y a 2 verbes différents pour dire « aimer » : agapein et philein, aimer, aimer vraiment : les 2 mots sont nécessaires pour dire l’amour avec tout un va et vient entre les 2 : agapein, c’est l’amour parfait, l’amour qui vient de Dieu, l’amour qui va jusqu’au bout en donnant sa vie, et puis philein, c’est l’amour d’amitié, un amour fort entre 2 êtres, un amour plein d’humanité et de tendresse. On a l’impression que Pierre dit à Jésus : « Je t’aime de toute mon amitié d’homme », mais il n’ose pas aller plus loin, et Jésus lui repose la question : « Pierre, m’aimes-tu maintenant de cet amour qui est capable d’aller jusqu’au bout en donnant sa vie ? » Et non seulement Jésus lui repose la question, mais il fait grandir cet amour : « Si tu m’aimes vraiment, pais mes brebis, prends soin de mon Eglise. » Oui, Jésus par cette triple question redonne à Pierre sa confiance. Tout peut recommencer. C’est cela Pâques, cette rencontre du Christ ressuscité, et là nous sommes tous concernés.
Si nous regardons nos vies d’hommes et de femmes d’aujourd’hui, nous savons qu’elles sont traversées de temps à autre par des trous noirs, des nuits sans étoiles, des brouillards – et les moines ne sont pas à l’abri de ces pannes – on le vit parfois sur le plan météo ; plus profondément on le vit quand dans une vie d’homme ou de femme, quelque chose se casse, un être cher disparaît, une relation d’amour se brise – la faute à qui, on ne sait pas très bien, mais aucun des 2 ne veut pardonner à l’autre et c’est l’échec : foyer brisé, situation bloquée… et voilà que tout va changer, on ne sait pas comment : la vie ordinaire avait repris, morose, triste ; et c’est là précisément que la résurrection de Jésus rejoint notre vie comme elle a rejoint au lever du jour les disciples rentrant de la pêche.
Ce n’est pas un coup de baguette magique ou un coup de chance comme on gagne au loto, c’est un acte de foi. Le chrétien, c’est celui qui croit à la résurrection de Jésus ; il croit qu’elle peut changer toute sa vie, elle est pour lui le signe que l’amour est plus fort que la mort, que le pardon est possible et que l’avenir est ouvert. C’est là qu’il nous faut accueillir la question de Jésus : « Pierre, m’aimes-tu ? » et lui répondre : « Je t’aime, tu le sais » ; c’est lui offrir comme Pierre toute notre vie avec ses échecs, ses ratés, ses trous noirs dans un geste de confiance qui appelle et suscite l’amour.
Jésus, à la réponse de Pierre, ose lui confier la charge de ses frères, la charge de la communauté, de l’Eglise. Quelle confiance Dieu fait ainsi à l’homme ou à la femme, à chacun de nous lorsqu’il lui confie une mission !
C’est vrai que nous ne savons pas aimer comme il faudrait, mais si nous le reconnaissons, et si nous essayons d’aimer, comme il est écrit sur la tombe de l’abbé Pierre : « Il a essayé d’aimer », alors nous pouvons dire au Seigneur : « Tu sais tout, tu sais combien je t’aime », et tout devient possible : le Christ ressuscité peut rejoindre nos vies. Il est là ce matin dans cet évangile proclamé, il est là dans notre communauté rassemblée pour rendre grâce : avec lui et dans l’Esprit, nous allons pouvoir chanter l’agapé de Dieu, l’amour du Père.
Frère Basile