Homélies
Liste des Homélies
HOMELIE du 17ème dimanche du TO (Année C) – 24 juillet 2022
(Genèse 18, 20-32 ; Colossiens 2, 12-14 ; Luc 11,1-13)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Les textes de la liturgie de ce dimanche nous invitent à parler de la prière. Mais plutôt que d’un discours ou d’un traité sur la prière, puissent-ils susciter et entretenir en nous le goût et le désir de prier, en sachant bien que nous ne pouvons qu’accueillir la prière que comme un don et une grâce venus de l’Esprit Saint. Ainsi que se termine notre passage d’évangile avec la recommandation de Jésus à ses disciples : « si vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père qui est aux cieux donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
La 1ere lecture est un exemple de prière d’intercession, sous la forme d’un marchandage d’un homme avec Dieu dans une mentalité très proche-orientale. Abraham entreprend une démarche de sauvetage en faveur d’un membre de sa famille, Loth, qu’il considère comme un juste, mais qui habite une ville de pêcheurs et il a l’audace de rappeler à Dieu ses devoirs de pardon et de miséricorde. « Faire mourir le juste avec le coupable, loin de toi d’agir ainsi, toi qui juge selon le Droit ». Comme le fera aussi Moïse, un autre grand modèle de priant de la Bible, intercédant pour son peuple après le péché du veau d’or, Abraham est le modèle de priant même pour les païens de Sodome et Gomorrhe qui ont gravement péché. Ce qui est conforme à sa vocation. Abraham est porteur d’une bénédiction au profit de toutes les familles de la terre. Avec lui, la prière s’élargit à la dimension de l’humanité toute entière, ce qui vaut bien sûr pour nous aussi, quand nous prions.
Le psaume chanté en répons est lui, un modèle de prière d’actions de grâces : « de tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce. Tu as entendu les paroles de ma bouche. Je rends grâce pour ton amour et ta vérité, car tu élèves au-dessus de tout ton nom et ta parole. Je te chante en présence des anges, vers ton temple sacré, je me prosterne. »
Le passage de la lettre de Saint Paul aux Colossiens, en seconde lecture, même s’il n’est pas une prière peut être entendu comme une louange et une action de grâce aussi pour le salut apporté par le Christ sur la Croix. Dieu nous a donné la vie avec le Christ. Il a pardonné toutes nos fautes. Il a effacé et annulé le bille de la dette qui nous accablait, en le clouant sur le bois de la Croix. Victoire définitive de l’Amour sur la haine, de la Vie sur la mort. Confession du Mystère pascal qui doit accompagner en profondeur chacune de nos prières personnelles et communautaires, si elles sont chrétiennes, christiennes.
Avec l’Evangile, nous retournons à l’école avec Jésus comme éducateur. Nous sommes des apprentis, à l’écoute non plus d’un prophète, comme Jean-Baptiste, mais d’un maître priant lui-même, aux yeux de ses disciples. Jésus accepte de livrer le contenu de sa prière. Pour l’évangéliste Luc, elle tient en 5 formulations sur le Nom, le Règne, le Don du pain quotidien, le Pardon des offenses, l’éloignement de la Tentation.
Jésus n’a pas inventé les mots de cette prière. Ils viennent tout droit de la liturgie juive, et plus profondèment des Ecritures. Ils portent le poids de la Révélation progressive de Dieu à son peuple. A commencer par le premier : père, Notre Père. Déjà Isaïe proclamait : « c’est Toi, Seigneur, qui est notre Père, notre Rédempteur depuis toujours ». Et cette paternité de Dieu est attestée à bien d’autres endroits de l’Ancien Testament.
Le nom de Père est inséparable de sa Sainteté. Dire que Dieu est Saint, 3 fois Saint, c’est dire qu’il est l’au-delà de tout. Nous ne pouvons rien ajouter au Mystère de sa Personne, car le nom représente la Personne. Que ton nom soit sanctifié équivaut à dire : fais-toi reconnaître comme Dieu.
Dire ensuite que son Règne vienne, c’est reconnaître Dieu comme Roi, roi de l’Univers : et nous, ses créatures, nous reconnaitre comme les ouvriers de ce Règne. Nous attendons avec impatience et dans le labeur que se réalise la bienheureuse espérance de l’avènement définitif de cette Royauté déjà à l’œuvre , sous l’action de l’Esprit Saint.
Les 3 autres demandes (4 chez Saint Matthieu) concernent notre vie quotidienne. Donne-nous, pardonne-nous, ne nous laisse pas entrer en tentation. La demande du don du pain chaque jour renvoie à l’expérience de la manne au désert. Celle du pardon des offenses à l’expérience de l’inlassable miséricorde de Dieu envers les pêcheurs. Celle de la tentation à la menace très réelle du Malin toujours prêt à vouloir nous faire tomber et nous faire douter de l’Amour de notre Dieu, à nous décourager.
La prière du Notre Père est ainsi tout à la fois action de grâces et demandes. Il en est de même de la prière des Psaumes, ce livre de louanges et de cris de supplications qui accompagne nos offices et notre liturgie. Notons pour terminer comme pour commencer que cette prière si personnelle est prononcée à la 1ère personne du pluriel, en « nous ». C’est à un groupe de disciples que Jésus apprend à prier. Le « je » des Psaumes est toujours celui d’un « je communautaire ».
Cela signifie que lorsque nous prions nous ne sommes jamais seuls, isolés dans des bulles. Nous prions en communion avec des frères, en solidarité avec l’humanité, avec l’Eglise mélangée de saints et de pêcheurs.
Frères et sœurs, ne rabâchons pas cette prière si essentielle à notre foi chrétienne. Que la célébration de l’eucharistie qui nous la fait réciter avant la communion soit pour nous aujourd’hui l’occasion de vivifier notre proximité avec Jésus qui nous l’a enseignée. Et le rejoindre ainsi dans Sa proximité avec Son Père où il désire nous entraîner.
Année C - 16e DIMANCHE T. O. 17-07-2022
Gen 18 1-10 ; Col 124-28 ; Luc 10 38-42
Homélie du F.Hubert
Depuis le début de son pontificat, le pape François ne cesse de nous inviter à « prendre soin » : prendre soin de tous – des plus fragiles en particulier –
mais de tous, et jusqu’à la création tout entière.
Prendre soin de nous-mêmes, prendre soin du Christ, en nous et dans les autres.
J’avais été étonné de son homélie du 19 mars 2013, lors de son installation comme évêque de Rome :
il invitait les chrétiens, et même tous les hommes, à être « gardien » à l’exemple de st Joseph
dont c’était la fête :
« garder les dons de Dieu »,.
« avoir soin de tous, disait-il, de chaque personne, avec amour,
spécialement des plus fragiles qui souvent sont dans la périphérie de notre cœur. »
Au fil des ans, il n’a cessé d’insister sur ce thème : prendre soin,
et j’ai compris combien c’était évangélique,
combien c’est ce que Dieu fait pour nous, jusqu’à nous envoyer son Fils pour prendre soin de nous.
Marthe, qui nous est présentée par st Luc ce matin comme un contre-modèle,
est bien « sainte Marthe »,
et il ne faut sûrement pas l’enfermer dans le récit que nous venons d’entendre,
mais telle que ce récit nous la présente, elle est la figure de celle qui se replie sur elle-même :
elle met, à ce moment-là, et sa sœur et Jésus, à la périphérie de son cœur, de son souci.
Elle n’est plus disponible, elle n’écoute plus le désir de l’autre.
De quoi Jésus a-t-il besoin ? De quoi Marie a-t-elle besoin ?
Enfermée dans son souci, ses comparaisons, sa jalousie,
elle en oublie où est la Source qui la visite.
Elle se détourne de la joie d’accueillir Jésus, de l’avoir chez elle.
Certes, il faut offrir un repas à Jésus et sans doute à ses disciples, et Jésus ne boude pas les fêtes, mais la fête, c’est d’abord la rencontre.
Et Jésus, Parole de Dieu, nous apporte un au-delà absolu de notre vie quotidienne :
laisserons-nous passer un tel don ?
Marthe, à ce moment de sa vie, ne regarde plus, n’écoute plus.
Elle murmure, elle compare, elle se plaint.
Pourrait-on dire aussi que Marie ne se préoccupe pas de Marthe,
que peut-être elle est « dans sa bulle »,
indifférente à ce qui se passe autour d’elle, indifférente au travail de sa sœur ?
Mais st Luc nous dit qu’elle était « assise aux pieds du Seigneur et écoutait sa parole » :
c’est l’attitude du disciple – qui, du reste, était à l’époque réservée aux hommes –
elle était ouverte, accueillante,
recevant comme une bénédiction la présence et la parole vivifiante de Jésus.
« L’homme n’a pas besoin seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
Quand la Parole se fait chair et est là au milieu de nous,
qu’y a-t-il de plus nécessaire, de plus fructueux et de plus heureux, que de l’écouter ?
Jésus est là aujourd’hui au milieu de nous,
et la liturgie, vient de nous rappeler le pape dans une très belle lettre
que je vous conseille de lire et de méditer, n’a d’autre but que cette rencontre avec Lui, vivant.
« La liturgie nous garantit la possibilité [de la rencontre du Verbe fait chair], écrit-il.
Nous avons besoin de pouvoir entendre sa voix, de manger son Corps et de boire son Sang.
Nous avons besoin de Lui.
Dans l’Eucharistie et dans tous les Sacrements,
nous avons la garantie de pouvoir rencontrer le Seigneur Jésus
et d’être atteints par la puissance de son Mystère Pascal.
Dans la dernière Cène, Dieu va jusqu’à désirer être mangé par nous. »
Marthe voulait nourrir Jésus, mais le désir de Jésus est bien plus grand :
il veut se donner lui-même à manger.
« J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous. »
C’est lui la Pâque, et nous la recevons aujourd’hui dans cette eucharistie.
Ne manquons pas d’entrer dans le mystère pascal, de recevoir le Christ pour devenir Lui.
L’homme a besoin aussi de la parole des autres, de leur présence aimante et attentive.
On nous rappelait cette semaine en communauté, qu’un bébé nourri correctement
mais sans amour, sans relation, sans parole aimante, est voué à la mort.
Marie a besoin de la parole de son Maître et Ami.
Jésus lui aussi a besoin d’être accueilli dans la spécificité de ce qu’il apporte, lui, la Parole de Dieu,
et si personne ne la reçoit, que lui importe d’être nourri matériellement l
Il nous était dit aussi : les relations, c’est l’espace même de notre existence humaine.
Comment vivons-nous nos relations ?
Quelle place donnons-nous à l’autre, à ses attentes, à ses désirs, à son chemin d’humanisation ?
Lors de l’enterrement de sa mère, une jeune femme témoignait :
« Tu te mettais sur « pause » pour accueillir l’autre et lui être ainsi pleinement disponible,
car rien n’était alors plus important…
Tu nous as appris que l’Amour ne se dose pas, mais se donne, et se donne encore… »
« Il franchit ton seuil comme une promesse l’hôte que tu reçois sans le reconnaître.
Ouvre ta maison, c’est lui qui t’invite au festin de l’Esprit ».
Je termine en reprenant une phrase du père abbé lundi dernier lors de la St Benoît :
« Tout ce que nous vivons n’a de sens que si nous le vivons en présence du Seigneur et pour lui. »
Que ste Marie et ste Marthe nous conduisent à la vraie rencontre du Christ !
SAINT BENOIT 2022
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Il nous est bon de réentendre en ce jour de la St Benoit les béatitudes. Cet évangile peut tous nous aider à remettre nos horloges à l’heure du bonheur selon Dieu. Jésus nous redit, si nous sommes tentés de chercher le bonheur uniquement en ce monde, que le bonheur est devant nous. C’est une bonne nouvelle qui est source d’espérance Elle est aussi une invitation à un changement continuel de regard. Spontanément en effet, nous pensons que sont heureux ceux qui sont sûr d’eux-mêmes, forts de leurs compétences et de leurs convictions, ceux qui savent s’affirmer. Jésus nous révèle que le bonheur appartient à ceux qui sont pauvres de cœur, aux doux, à ceux qui ne s’appuient pas sur eux-mêmes. Spontanément, nous pensons que sont heureux ceux qui rient tout le temps ou qui ne perdent jamais la face. Jésus proclame heureux ceux qui pleurent parce que leurs larmes disent la fugacité du monde qui passent. Leurs larmes ne sont pas perdues devant Dieu, il les consolera. Spontanément nous pensons trouver le bonheur lorsque nous cherchons à éviter les conflits, ou à faire en sorte qu’il n’y ait pas de vagues, au prix parfois de compromissions plus ou moins avouées. Jésus proclame heureux à l’inverse, les assoiffés de justice, les artisans de paix, les persécutés pour la justice, ceux qui ne lâchent pas le morceau au nom de la vérité. Spontanément nous cherchons à éviter les personnes de mauvaises réputations, celles qui ont des comportements hors normes voire très déviants ou coupables. Jésus vient libérer notre étroitesse de cœur en proclamant heureux avant tout les miséricordieux, les cœurs qui savent rejoindre la misère, les cœurs dont la pureté échappent à leur propre yeux…. En nous entrainant dans ce continuel déplacement du regard, du cœur, Jésus nous ouvre le chemin du bonheur, le sien… ce bonheur qui déjà aperçu, goûté ici-bas, donnera toute sa mesure dans le Royaume.
Avec sa règle, St Benoit nous aide nous moines, à ne pas nous tromper de bonheur. Elle vient sans cesse questionner notre tendance à nous installer dans le confort, dans nos succès, ou dans nos sécurités. Elle nous entraine sur la voie de l’amour qui celle d’une rencontre, la rencontre avec le Christ toujours préféré, honoré par la première place donnée à la prière, et servi dans l’attention portée au frère. Sur ce chemin de bonheur là, il ne nous faut pas être surpris s’il n’y a pas trop de tranquillités. Ce bonheur-là est dérangeant par nature, puisqu’il vient élargir notre cœur. Il vient déployer nos capacités à aimer et à nous donner. La cloche qui appelle vient souvent nous déranger dans nos activités. Elle nous rend cet immense service de nous rappeler que tout ce que nous faisons n’a de sens que si nous le vivons en présence du Seigneur et pour lui. Le frère qui demande quelque chose nous rend ce service de nous sortir de nous-mêmes, de l’illusion d’être le centre du monde. Jour après jour, nous sommes entrainés sur ce chemin du bonheur qui, aussitôt aperçu nous échappe. Car il demande d’être cherché encore, pour être sans cesse accueilli comme un cadeau, jamais comme une conquête, encore moins comme un dû. Honnêtement, il nous faut le reconnaitre, ce n’est pas toujours facile et même exigeant. Quand viennent les contrariétés, les oppositions, les échecs, ne nous décourageons pas parce que nous ne trouvons pas le bonheur dans une vie calme. Tournons-nous avec foi vers le Christ qui peut seul nous révéler le prix de la patience, de la douceur et de l’humilité. Nous qui sommes renés en Lui par notre baptême, il nous offre déjà sa grâce et sa force. En cette eucharistie, confions-lui tous nos soucis et demandons-lui la grâce de savoir les porter avec lui, pour lui.
Année C - 15eme T Ord C - 10juillet 2022
Dt 30/10-14, Col 1/15-20, Lc 10/25-37
Homélie du F. Cyprien
« … cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces »
« … Jésus dit au Docteur de la Loi : Fais cela et tu vivras.
« Les paraboles ne nous disent pas ce qu’est le Royaume : elles nous orientent vers des images que nous avons parfois du mal à accorder, vers …ce à quoi le Royaume de Dieu est semblable : « Le Royaume de Dieu est semblable à…
Images déroutantes, par exemple : les ouvriers de la 11e heure, ceux qui viennent travailler en fin de journée, les convives recrutés dans la rue pour le festin des noces, l’homme qui va vendre tout ce qu’il possède pour acheter une perle…tout ce qu’il possède… !
Cette fois-ci c’est la parabole du Bon samaritain, un bon samaritain, expression que beaucoup emploient maintenant sans savoir d’où elle vient… Un samaritain est mis en exemple : et pour un « bon » juif, le samaritain est un idolâtre, un hérétique, une personne peu fréquentable…surtout à ne pas fréquenter !
En saint Luc il y a un autre samaritain, un lépreux, celui qui des neuf autres lépreux guéris par Jésus est le seul à venir Le remercier d’avoir été guéri…
Dans cette parabole aujourd’hui le samaritain fait quelque chose de très bien… en opposition au prêtre et au lévite qui se dépêchent d’aller à leurs occupations, sans se soucier du malheureux, blessé au bord de la route.
Je note que le docteur de la Loi qui parle avec Jésus veut le mettre à l’épreuve et montrer aussi qu’il est un homme droit : il pose une bonne question : « Et qui donc est mon prochain ? ». Il avait déjà bien répondu à propos du premier commandement (« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu…tu aimeras ton prochain ») ; il a besoin d’en savoir plus. Et Jésus dans sa bonté le met sur le chemin…
Et il répond comme à son habitude …en racontant une histoire, celle du voyageur tombé aux mains des brigands
.
L’avantage de la parabole, de l’histoire racontée, c’est qu’elle nous met dans une situation bien réelle, non pas d’abord pour comprendre, comme serait une réponse satisfaisante de Jésus à une bonne question du docteur de la Loi ! …
Il est normal de chercher à savoir ce qu’il faut faire. Mais la parabole, l’histoire racontée évoque une situation concrète ; elle nous oblige à nous imaginer nous-mêmes dans une situation semblable.
Et Jésus fait comprendre ainsi qu’il ne s’agit plus de savoir qui est mon prochain, mais de voir, de regarder les autres, de les regarder comme ceux ou celles qui peuvent avoir besoin que je m’occupe d’eux.
Mon prochain c’est une personne vivante, parfois en grand danger, à moitié morte cette fois-ci, qui a besoin qu’on s’occupe d’elle et que le hasard met sur mon chemin.
On a dit que le hasard ici-bas est la façon pour Dieu de se promener incognito… (j’aime bien cette manière de dire) … Dieu fait advenir des choses et , pour ainsi dire, il ne signe pas…Il nous laisse le temps, à nous, l’opportunité de faire ce que nous pourrions et pouvons faire…
« Et qui donc est mon prochain » … « Qui donc est ton prochain » ou plutôt : « De qui es-tu le prochain ? » Cette question est celle que le Seigneur nous posera sans cesse et jusqu’à la fin de notre vie.
Je me rappelle un prêtre qui se mourait dans sa chambre et ne pouvait plus rien faire : il avait demandé à ses supérieurs de laisser entrer chez lui toutes les personnes qui voulaient encore le voir, car, disait-il, « c’est la seule et dernière chose que je peux encore faire, les recevoir ».
Souci envers tous ceux qui peuvent devenir mon prochain et cela jusqu’à la fin de ma vie… parce que je ne rencontrerai jamais le Seigneur Jésus que dans ceux qu’il m’envoie pour les aimer, les servir.
Le Samaritain de l’histoire a été vraiment le Bon Samaritain, comme Dieu seul est bon, comme Dieu nous demande d’être bons. La tradition a d’ailleurs donné au Christ le titre de Bon Samaritain pour l’humanité à sauver (voir le rapprochement à faire entre la pitié éprouvée par le samaritain à la vue du blessé et Jésus qui, plusieurs fois dans l’Evangile, a eu le cœur saisi de pitié pour les foules..).
Chers frères et sœurs, remercions Dieu de nous parler aussi simplement de ce peut être notre vie de chrétiens, notre vie avec la foi en la présence du Christ, le Christ en tout être humain, avec l’espérance que sa grâce nous fera sortir davantage de notre égoïsme et avec la Charité que lui-même nous a enseignée par le don même de sa vie.
Oui, bénissons le Seigneur par la célébration de cette Eucharistie.
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Ann&e C - 14e dimanche ordinaire (C) (03/07/2022)
(Is 66, 10-14c – Ps 65 – Ga 6, 14-18 – Lc 10, 1-2.17-20)
Homélie du F. Jean-Louis
Frères et sœurs,
L’évangile de ce dimanche d’été nous met d’emblée dans la saison qui est la nôtre actuellement : « la saison des moissons ». Peut-être, sans doute, avez-vous eu l’occasion de voir ces derniers temps dans les environs ou plus loin, des champs en plein moisson. Evidemment, il n’y a plus, comme au temps du Christ, des ouvriers en nombre pour faire la récolte mais l’ambiance de travail laborieux demeure malgré la mécanisation.
Et tout l’évangile de ce jour montre bien que l’annonce du Royaume est vécue par le Christ lui-même comme une urgence mais aussi comme un travail qui exige de ne pas perdre de temps. « Ne saluez personne en chemin » dit le Christ. Il ne s’agit pas d’être grossier ni de mépriser les gens mais, dans le monde oriental, les salutations pouvaient être interminables. Or, pour le Christ, il y a urgence. Les envoyés doivent également ne pas se préoccuper de nourriture ni de vêtement. Leur souci exclusif doit être d’annoncer que, selon les mots du Christ : « Le règne de Dieu s’est approché. »
Et déjà du temps du Christ, il y a des réussites et des échecs possibles, en tout cas envisagés, les villes où les disciples ne seront pas accueillis et malgré tout, la Bonne nouvelle « Le règne de Dieu s’est approché » y est quand même proclamée. Aux gens d’entendre ou non, avec les risques que la surdité ou le refus d’écouter entraîne.
Apparemment, dans le récit d’aujourd’hui, c’est la réussite qui domine et elle est exprimée de façon claire et ferme. Il y a la joie des disciples bien sûr, mais aussi l’expression de la réussite de l’annonce par la chute de Satan. Nous savons que, plus tard, Satan essaiera de se venger et que la prédication du Christ rencontrera nombre d’obstacles allant jusqu’à l’échec apparent de la croix qui débouchera finalement sur la victoire définitive de la Résurrection du Christ. Il est intéressant d’ailleurs de voir que là où les disciples se réjouissent de voir les démons soumis à leur pouvoir, le Christ leur recommande plutôt de se réjouir, non pas de la soumission des esprits mais du fait que leurs noms soient inscrits dans les cieux. Ce qui est bien plus important.
Mais le Christ est très conscient de l’immensité de la tâche et d’ailleurs, l’évangile se fait peut-être l’écho de la prise de conscience par la communauté issue de la prédication de saint Luc que l’annonce de l’évangile dans l’Empire romain voire au-delà est vraiment une tâche infinie, toujours à reprendre. Il me semble qu’on sent bien, dans les paroles du Christ, une certaine urgence.
Frères et sœurs, traditionnellement, l’Eglise a compris cette demande du Christ « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » comme une prière pour demander à Dieu des prêtres, des religieux, des religieuses. Et ce n’est pas faux. Mais le risque de cette vision restrictive du mot ouvrier de la moisson n’a-t-il pas été de conduire à la démobilisation d’un grand nombre de chrétiens par rapport à l’annonce de l’évangile. Pire, dans nos pays occidentaux où l’on prie depuis plus de 50 ans pour avoir des ouvriers pour la moisson, entendez essentiellement des prêtres, le doute ne s’est-il pas introduit sur l’efficacité de cette prière, voire sur la surdité de Dieu à nos prières ? Car, et c’est bien visible, le nombre de séminaristes est loin d’être en croissance chez nous.
Pourtant, est-ce si sûr que notre prière ait été vaine, est-ce si sûr que Dieu ne nous a pas écoutés ? Il y a des milliers de diacres et leurs épouses, qui ont entendu un appel de l’Église, de Dieu. Il y a des milliers et des milliers de baptisés hommes et sans doute surtout femmes, qui se sont levés pour servir l’Église, leurs frères et sœurs en humanité et donc Dieu depuis des années et ils ont donc ainsi participé concrètement à la moisson du Seigneur.
Frères et sœurs, par notre baptême, nous sommes tous et toutes appelés quel que soit notre âge, notre condition, à répondre à cet appel du Seigneur. Prier pour que d’autres le fasse, c’est bien, prier pour avoir la force de l’Esprit pour nous mettre nous-mêmes au travail, c’est sans doute mieux.
Concrètement, cela signifie être à l’écoute des besoins de notre Eglise locale, participer aux formations qui existent pour approfondir sa foi, sa connaissance vivante de la Parole de Dieu, de la Bible, et pourquoi pas se former à l’écoute afin de pouvoir rendre service à nos frères et sœurs en chemin vers le Christ.
Le pape François a insisté et insiste pour une participation active de tous les baptisés à la vie de l’Eglise et il souhaite que des ministères nouveaux soient créés pour des laïcs. Lui-même a eu l’audace de nommer des laïcs à des postes importants à Rome. Il me semble que tous, à notre niveau, nous avons à répondre à cet appel qui est sans doute un appel du Christ : prendre part à la vie missionnaire, évangélisatrice de l’Eglise.
Et si ce qu’on appelle la crise des vocations était justement un appel de Dieu à tous les baptisés à se mettre en marche, dépassant une attitude simplement consommatrice pour devenir acteur, actrice de la vie de l’Église aujourd’hui et demain.
Frères et sœurs, si vous êtes ici ce dimanche, si vous vous êtes donné la peine de venir à cette messe en ce temps de vacances, c’est certainement parce que le message du Christ vous a touchés, qu’il compte pour vous. Peut-être que plusieurs d’entre vous sont déjà bien engagés dans la vie de l’Eglise mais ils peuvent peut-être inciter des proches à faire de même, témoigner de la joie à servir dans l’Eglise, même s’il y a des difficultés mais où n’y en a-t’il pas ?
L’enjeu est de faire connaître au monde la merveille de la promesse que faisait déjà en son temps le prophète Isaïe : « Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle… avec elle, soyez pleins d’allégresse… vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire. »
Oui, au-delà de la gloire de Jérusalem, c’est la Gloire de Dieu qui nous est promise et cela vaut la peine que nous nous bougions un peu, que nous devenions nous-mêmes ces ouvriers que le Christ attend. AMEN
année C - SACRE COEUR - 24 Juin 2022
Ez 34,11-16; Rm 5, 5b-11 ; Lc 15, 3-7
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
« Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? » chantons-nous dans une hymne… « Comment mesurer l’amour qu’il nous porte ? » Les textes entendus ce jour voudraient nous faire entrer plus avant dans la compréhension, mais aussi dans l’accueil de son amour pour nous. Chaque lecture nous fait pressentir un aspect de son amour immense.
Avec le prophète Ezéchiel, nous pouvons mieux comprendre combien, lorsque Dieu aime, il n’aime pas en gros, mais toujours en détail, pour reprendre l’expression de M. Delbrêl. Le prophète Ezéchiel interpelle vigoureusement les responsables du peuple d’Israël à qui il reproche d’être « des bergers pour eux-mêmes ». Ils délaissent le soin des brebis pour ne s’intéresser qu’à leurs propres intérêts. Il leur annonce alors que Dieu va lui-même s’occuper de ses brebis. Il va les rassembler des pays où elles ont été dispersées. En cet oracle, nous découvrons alors la manière avec laquelle Dieu aime non en gros, mais en détail. Tel un bon pasteur, il prend soin de chaque brebis. « La brebis perdue, je la chercherai, celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est vigoureuse, je la ferai paitre selon le droit »… A chacune de ses brebis, Dieu donne selon ses besoins. Si les mauvais bergers sont bergers pour eux-mêmes, notre Dieu est berger pour nous, pour que nous vivions et retrouvions la santé et la force…
Avec Paul qui médite sur le sens profond de la mort de Jésus, nous pouvons mieux mesurer la totale gratuité de l’amour de Dieu pour nous. Sur la croix, Jésus s’est donné totalement. Il a accepté de mourir de manière injuste pour les impies que nous étions et qui le faisaient souffrir. Il n’y a aucune commune mesure entre l’amour que Dieu nous porte et notre mérite. Si Dieu nous a aimés, ce n’est en rien en raison d’une quelconque justice de notre part. Il nous a aimé totalement gratuitement. Nous n’y sommes pour rien. « Il n’a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » avait dit Jésus. Son amour a été jusque-là : nous considérer pour ses amis, alors que nous étions pécheurs, alors que tous l’abandonneraient, que l’un le livrerait et l’autre le renierait. La gratuité de l’amour de Dieu se manifeste jusque dans son regard sur nous. Alors que nous sommes pécheurs, il nous considère déjà amis. Il n’a qu’un désir : nous faire entrer dans son amitié. Si, par la foi, nous consentons à nous laisser aimer par lui, son amour nous rend juste. Et nous devenons capable d’aimer à notre tour….
Avec l’évangile et la parabole de la brebis perdue et retrouvée, Jésus veut nous faire entrer dans la joie communicative de l’amour de Dieu. Quand Dieu aime, il nous communique sa joie d’aimer… Alors que les scribes et les pharisiens récriminent contre Jésus qui fait bon accueil aux pécheurs en prenant leur repas avec eux, Jésus les interpelle : « si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une… ? » A ces hommes qui juge de travers la joie de Jésus et celles des publicains attablés autour de lui, Jésus propose de se souvenir des joies familières qu’ils ont éprouvés un jour en retrouvant ce qu’ils avaient perdu… Si perdre une brebis, une pièce d’argent et les retrouver donne une grande joie humaine, combien plus grande est la joie de Dieu lorsqu’il retrouve un fils qui était perdu et qui se convertit. C’est la joie de l’amour divin qui ne veut perdre aucun de ses enfants. Une joie toujours en creux, en attente de notre retour et du jour où tous seront réunis dans son amour… Une joie à laquelle nous sommes associés en nous réjouissant déjà avec ceux qui font l’expérience de cet amour gratuit… Une joie aussi en creux dans l’attente que le plus grand nombre découvre l’Amour dont chacun est aimé…
En cette fête du Cœur du Christ, avec gratitude ouvrons-nous à l’amour infini de Dieu pour nous, et réjouissons-nous pour tous ceux qui un jour en font l’expérience. Et pour ne jamais être pour les autres un obstacle dans la découverte de l’amour de Dieu, souvenons-nous que nous sommes toujours nous aussi des brebis plus ou moins égarées. Avec le psalmiste, nous pouvons prier : « Je m’égare brebis perdu, viens chercher ton serviteur, je n’oublie pas tes volontés » (Ps 118, 176)…
Année C - Corps et Sang du Christ – 19 juin 2022 –
Gen 14 18-20 - 1 Co 11 23-26 - Luc 9 10-17
Homélie du F.Damase
Ce dimanche que l’Eglise appelle « Fête du Corps et du Sang du Christ » – s’appelait autrefois « Fête–Dieu » et l’on processionnait le Saint Sacrement en divers reposoirs – s’il y a une différence d’appellation, il y a sans doute aussi une différence de sens et d’objectif, pour nous chrétiens, aujourd’hui ?
Regardons les textes que l’Eglise nous propose de méditer – que nous disent-ils de cette fête ?
Tout d’abord l’Evangile est étonnant : Pourquoi une multiplication des pains ? « Jésus parlait aux foules du règne de Dieu et guérissait ceux qui en avaient besoin » - Jésus instruit la foule sur le désir de Dieu pour l’humanité et il guérit les malades ! Ainsi Jésus accomplit la mission salvifique pour laquelle il a été envoyé !
Le temps passe, le soir approche ! Les apôtres portent le souci des gens ; ils s’approchent de Jésus et lui glissent « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres – ici nous sommes dans un endroit désert ». Les apôtres voient bien qu’en ce désert, il est impossible de se nourrir ! Alors, ils manifestent une prévoyance toute humaine : renvoyer la foule !
La réponse de Jésus est déconcertante : « Donnez-leur vous–mêmes à manger ». « Comment faire ? » s’interrogent les apôtres. « Nous n’avons que cinq pains et deux poissons. A moins d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple » ! – Les apôtres sont simples, ils envisagent une solution facile, quand on habite un village ; mais ici dans ce désert avec « une foule d’environ cinq mille hommes » ! Que faire ?
« Jésus prit les cinq pains et deux poissons, et levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples ». Immédiatement nous reconnaissons les mots de la dernière Cène cités dans le même ordre : bénir le pain, le rompre et le donner – Ces mots se retrouvent dans la 2° lecture de ce jour, tirée de la lettre aux Corinthiens où Paul raconte l’institution de l’Eucharistie par Jésus le soir du Jeudi saint – Un récit que les apôtres ont raconté de nombreuses fois depuis la Cène. Donc Luc lui-même, en racontant cette multiplication des pains dans le désert, avait bien l’intention de montrer que ce miracle des pains est une annonce de l’Eucharistie chrétienne.
La 1° lecture tirée de la Genèse, fait allusion à ce personnage mystérieux qu’est Melchisédech, Roi et Prêtre, étranger à Israël, ami d’Abraham, auquel il offre du pain et du vin, en rite d’alliance. Les premiers chrétiens ont vu en Melchisédech la préfiguration de Jésus, Roi et Prêtre de la nouvelle Alliance. Son nom est d’ailleurs inscrit dans la 1° prière Eucharistique. Il témoigne de l’universalisme du dessein de Dieu qui conduit au Christ non seulement Israël, mais aussi toutes les nations.
Et l‘évangéliste note à la fin de notre passage :« Tous mangèrent à leur faim et l’on ramassa les morceaux qui restaient : cela remplit 12 paniers » ! La profusion du don de Dieu est totale, elle nourrit le corps et le cœur de l’homme et chaque apôtre repart avec une corbeille pleine de morceaux pour nourrir tous les hommes affamés de pain comme de Dieu, hier, aujourd’hui et peut-être encore demain !
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En Conclusion, à cette relecture des textes de cette fête du Corps et du Sang du Christ, le peuple chrétien n’est-il pas invité, comme Jésus dans l’Evangile à commencer par nourrir avec du pain et du poisson – c’est à dire avec un repas substantiel, les hommes, les femmes et les enfants affamés de notre temps, reconnaissant que Dieu fait alliance avec chacun d’eux, dans toute son humanité – sans aucune exclusion, ni préférence de sa part ! Ensuite, seulement, l’Eglise pourra leur distribuer l’Eucharistie ! C’est tout le message du Pape François qui envoie l’Eglise aux périphéries ou bien nous demande d’accueillir les migrants !
670 mots
Année C - Fête de la trinité - 12 juin 2022
Prov 8 22-31 ; Ro 5 1-5; Jn 16 12-15
Homélie du F.Benoit Andreu de Fleury
« Au nom du Père et du Fils, et du Saint Esprit. » Cette très simple invocation de la Trinité est comme la porte d’entrée la vie chrétienne. C’est « au nom du Père et du Fils, et du Saint Esprit » que nous sommes avons été baptisés, et plusieurs fois par jour, c’est par ces paroles encore, associées au signe de la croix, que nous entrons dans la prière. La Trinité est une porte. Alors en ce dimanche demandons au Seigneur la grâce d’entrer encore une fois, très simplement, par cette porte, de voir quel espace, quelle vie nous ouvre la confession du Père, du Fils et de l’Esprit Saint comme un seul Dieu, un seul Amour.
Nous croyons en Dieu, le Père. Le Père, c’est la « source ». Source de la vie divine, mais encore source de notre vie et de toute vie. Oui, notre vie a une source, et cette source est amour, un amour éternel, et donc inconditionnel. C’est déjà beaucoup dire. Car la précarité de nos histoires peut parfois nous donner le sentiment d’avoir été comme « jetés » dans la vie, de nous trouver là on ne sait trop pourquoi, résultante improbable de causes obscures, fragiles, indifférentes. Qui de nous n’a été traversé, plus ou moins consciemment, par ces questions : « Suis-je l’objet d’un désir ? Est-ce que je compte vraiment pour quelqu’un, qui m’attend, qui m’espère pour ce que je suis ? ou suis-je seulement toléré, voire oublié, sur la scène indifférente du monde ? » L’amour du Père, à chaque instant, nous désire, nous engendre et nous porte tel que nous sommes, car il est à chaque instant la source de notre vie.
Nous croyons en Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu. Le Fils, c’est la Parole. Parole reçue du Père, parole d’Amour. Nos vies, nous le savons bien, sont souvent en quête d’une parole : parole que nous n’avons pas entendue et qui nous manque, parole encore que nous ne savons pas dire ou que nous retenons. Jésus est la parole qui nous rend un visage en interrogeant notre désir « Qui cherches-tu ? », en nous rendant notre dignité « tes péchés sont pardonnés », en nous appelant « Viens suis-moi », en nous fortifiant « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Mais Jésus est encore la parole que nous retenions, captive, au-dedans de nous, dans la déréliction où il faudrait oser crier « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », dans la confiance « Père, en tes mains, je remets mon esprit », dans la louange « Père, je te rends grâce car tu m’as écouté, je sais que tu m’écoutes toujours. » Le Fils est cette Parole qui brise les silences qui nous accablent, le mutisme où nous nous enfermons ; cette Parole nous recrée car elle est un seul amour avec l’amour qui nous a créés.
Nous croyons en l’Esprit saint, qui est Seigneur et qui donne la vie. L’Esprit, c’est le Souffle. Souffle de vie bien sûr : de même qu’il y a un souffle biologique qui permet à nos corps d’être vivants, de même l’Esprit est ce souffle venant de Dieu qui nous donne de vivre de la vie divine, de cet amour qu’il est éternellement avec le Père et le Fils : « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ». Mais le souffle c’est encore ce qui fait vibrer nos cordes vocales, ce qui nous permet parler. Car la parole de Dieu n’est pas seulement vocation à entrer par nos oreilles, elle doit aussi sortir de notre bouche, se dire en toute notre vie. Et il ne s’agit pas de faire le perroquet, de répéter une leçon, d’appliquer des recettes. Toujours, la parole qui nous a transformés, qui nous a recréés, prendra sur nos lèvres un ton singulier. Un même souffle traverse nos bouches, et pourtant nous savons bien que la voix de chacun est unique, reconnaissable entre toutes ; de même, le souffle divin qui habite notre cœur doit rejaillir dans la vie de chacun de façon singulière, selon ce qui le rend absolument irremplaçable, comme personne. La parole de Dieu n’accomplit sa mission qu’au moment où l’Esprit la fait rejaillir sur nos lèvres, en toute notre vie, comme notre parole, et pas simplement comme la parole d’un autre, serait-il Dieu. En chacun, l’amour de Dieu cherche des chemins singuliers, nouveaux, pour se dire et se donner.
Le Père, le Fils et l’Esprit Saint ; la Source, la Parole et le Souffle ; la Source qui crée et qui désire ; la Parole qui considère et qui libère ; le Souffle qui anime et fait toute chose nouvelle. Prions pour accueillir chaque jour la grâce de cet unique Amour.
Année C - PENTECÔTE 05 Juin 2022
Ac 2,1-11; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16. 23-26
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Qui est l’Esprit Saint ? Qui est-il pour nous ? La réponse n’est pas facile à donner, moins facile que pour Jésus le Christ, ou Dieu le Père. Les lectures que nous venons d’entendre nous offrent quelques repères, fruits de l’expérience des apôtres, de Paul et de l’enseignement de Jésus. Il est bon de nous mettre à l’écoute de ses témoignages et cette intelligence que les premiers disciples ont eu de l’Esprit Saint, afin de mieux percevoir son œuvre dans nos vies.
Au jour de la Pentecôte, le groupe des apôtres et des femmes a fait une expérience forte de la présence de l’Esprit Saint. Une expérience qui les a dépassés eux-mêmes par sa soudaineté et par sa force. D’une manière inattendue, ces hommes, qui jusqu’alors étaient repliés sur leur peur, se sont retrouvés remplis d’audace, à tel point qu’on a cru qu’ils étaient ivres. Le témoignage qu’ils nous laissent est que, pour eux, l’Esprit Saint a été cette force, autant lumière qu’élan de vie pour annoncer la résurrection de Jésus. Et nous ? Peut-être avons-nous déjà perçu et vécu une expérience semblable, de nous retrouver en situation de faire et de dire des choses dont nous ne serions jamais cru capables ? Ce passage de l’Esprit Saint dans nos vies laisse toujours une trace de joie, de paix, de plus grande assurance pour être là où nous sommes témoins et serviteurs de la Bonne Nouvelle de Jésus Vivant.
Dans l’épitre aux Romains, Paul témoigne d’une autre expérience de l’Esprit Saint : celle d’une présence plus discrète qui habite en nous et qui conduit notre vie en toutes ses dimensions. Pour faire contraste, Paul met en parallèle alors deux dynamismes qui peuvent nous animer : celui de la chair qui conduit à la mort, et celui de l’Esprit Saint qui conduit à la vie. La vie selon la chair dont parle ici Paul n’est pas la vie corporelle avec ses besoins légitimes. Mais elle est plutôt cette manière de vivre et de penser totalement centrée sur soi et sur ses désirs insatiables, sans autre horizon que soi. A l’inverse, la vie selon l’Esprit oriente notre vie et tourne notre coeur et notre esprit vers Dieu et vers les autres. « C’est en lui, l’Esprit, que nous crions « abba », c’est-à-dire « Père » dit Paul. En nous apprenant à dire « Père », l’Esprit Saint nous révèle alors notre identité profonde d’enfants de Dieu. Et dire « Père », c’est aussi inséparablement pouvoir dire « frère-sœur » à tout homme et femme rencontrés. Ici l’expérience de Paul, nous invite à être attentif à la secrète présence de l’Esprit en nos cœurs qui peut changer notre manière d’être. Dès lors, quelle place lui donnons-nous ? L’oublions-nous en restant centrés sur nous-mêmes dans le seul souci de soi ou bien sommes-nous dociles à sa voix qui nous incline à nous tourner vers Dieu et vers les autres ?
Dans son enseignement, Jésus nous révèle un autre aspect de la présence de l’Esprit : à nos côtés, il est le Défenseur. « Le Défenseur, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout de ce que je vous ai dit »… Le mot Défenseur laisse entendre qu’il peut y avoir des attaquants, des opposants… A quel type d’attaquant ou d’opposant pense Jésus ? Le contexte de la proximité de la Passion dans lequel ses paroles de Jésus sont placées, fait penser à l’hostilité forte que lui-même et les disciples vont devoir affronter. Mais cette hostilité qui conduira Jésus à la mort, et plus tard les disciples à la persécution, peut être aussi comprise comme l’hostilité générale à la parole de Jésus. Hostilité qui fait que la parole de Jésus n’est pas comprise, qu’elle est rejetée parce qu’on ne reconnait pas en elle une parole de vie, une parole qui peut donner la vie. Dans ce cadre plus large, l’Esprit Saint est le Défenseur qui permet aux disciples de Jésus de se souvenir de sa Parole, et de la garder comme une Parole vivante. En effet sans l’Esprit Saint, le risque est grand d’oublier le sens profond de la Parole de Jésus, et de la réduire par exemple à un enseignement moral, à des préceptes vis-à-vis desquels il faudrait être quitte et en règle. L’Esprit Saint est ici notre Défenseur contre cette tentation très réductrice. Il est en nous cette présence au service de la juste compréhension de la Parole de Jésus. L’Esprit Défenseur se fait alors Serviteur de notre relation avec Jésus et avec notre Père, à l’écoute de leur commun désir de faire en nous leur demeure, comme l’assure Jésus, lui-même. Dans cette lumière, pensons-nous assez à demander l’aide de l’Esprit Saint, par exemple lorsque nous prions, lorsque nous lisons la bible ou lorsque nous nous préparons à la messe ?
Oui, comme nous le demanderons dans quelques instants, en cette eucharistie « que l’Esprit Saint nous fasse entrer plus avant dans l’intelligence du sacrifice que nous célébrons, et nous ouvre à la vérité toute entière ».
Année C - ASCENSION DU SEIGNEUR - 26 mai 2022
(Ac 1, 1-11; He 9,24-28 - 10,19-23; Lc 24, 46-53)
Homélie du Père Abbé Luc
Depuis Pâques, nous n’avons pas cessé de chanter la résurrection de Jésus et d’accueillir le mystère de sa proximité. Lui le Vivant marche à nos côtés, il est avec nous comme il l’a promis. En ce jour, de l’Ascension, nous ne célébrons pas un départ qui entrainerait l’absence de Jésus. Non, dans la lumière de sa résurrection, nous accueillons le mystère de sa seigneurie. Jésus est Seigneur. Ressuscité en son corps, il est habité par la plénitude de la Gloire de Dieu qu’il partage à égalité avec son Père. C’est ce que veut signifier l’expression que nous chanterons dans quelques instants, en confessant notre foi : « il monta au ciel, il est assis à la droite du Père ». Ainsi en confessant Jésus, vivant, assis à la droite du Père en son corps glorifié, nous contemplons le fruit plénier de sa résurrection. Durant quarante jours, les disciples ont vécu une sorte d’apprentissage de la foi. Ils ont connu une réelle proximité avec Jésus vivant, mais non dans l’évidence. A travers les apparitions de Jésus, ils ont appris à exercer leur regard de foi, pour voir plus loin ou plus intérieurement que l’apparence, sa présence. Lorsque St Luc dit dans la première lecture entendue : « tandis que les Apôtres regardaient Jésus, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux », il signifie le saut définitif de la foi que les Apôtres ont dû faire. Enlevé par la nuée, manifestation divine de la gloire de Dieu, ils ont reconnu Jésus le Vivant habité tout entier en son corps, en toute sa personne, par la Gloire divine. « Dieu l’a fait Christ et Seigneur » dira Paul…
Frères et sœurs, que retenir de cette contemplation pour notre vie de croyant ? Peut-être nous faut-il retenir, comme nous le chanterons dans quelques instants, « qu’il est grand le mystère de la foi »… En regardant Jésus, un homme de notre condition, mort et ressuscité, Seigneur, assis à la droite de Dieu, nous ne sommes pas invités à nous gargariser de belles images ou de belles formules. Non, nous balbutions pour mieux accueillir la lumière dont nous pressentons qu’elle apporte la vraie vie à nos existences. La vraie vie, pour aujourd’hui et pour demain.
Pour aujourd’hui, cette lumière nous apporte la paix. Nos existences sont souvent alourdies non seulement par les difficultés inévitables que nous rencontrons, mais encore par les blessures que laissent dans notre histoire, le péché, la morsure du mal sous toutes ses formes. C’est là que l’auteur de la lettre aux Hébreux nous invite à nous appuyer avec assurance sur notre foi en la résurrection de Jésus et en son ascension auprès du Père. En effet, tel un Grand Prêtre, Jésus par son sang versé, a accompli la purification de tous les péchés. « Entré dans le ciel même », il intercède pour nous « devant la face de Dieu ». Aussi pouvons-nous nous avancer « vers Dieu avec un cœur sincère, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure »… Ce que nous ne pouvons accomplir par nos propres forces, à savoir la purification de notre péché et de notre conscience, Jésus l’a fait une fois pour toute. Oui, cultivons en nous cette foi. Tournons-nous avec confiance vers Jésus qui est auprès de son Père comme notre ambassadeur, notre intercesseur, jamais comme un accusateur.
La montée de Jésus auprès de son Père apporte une autre lumière pour notre vie, pour demain…Une lumière d’espérance : celle de rejoindre un jour Jésus. Comme nous le prierons, nous croyons que « Jésus, ayant pris notre nature avec sa faiblesse, la fit entrer dans la gloire, près de Dieu ». Désormais, nous croyons qu’entre la terre et le ciel, entre la vie dans l’histoire et celle au-delà de l’histoire, il y a un lien fort, un chemin, celui ouvert par Jésus, le chemin qu’il est lui-même. Que cette espérance soit comme un aimant qui tire vers le haut, vers le meilleur, vers l’amour qui ne passera pas, toutes nos activités présentes. Tout ce que nous faisons est déjà plein de ce germe d’éternité qui ne demande qu’à pousser et éclore pour notre plus grande joie.
En célébrant maintenant le mystère de la mort et de la résurrection, laissons-nous vivifier et fortifier dans la paix et dans l’espérance. Jésus, Vivant, le Seigneur nous donne la Vie.