Homélies
Liste des Homélies
Année - ASSOMPTION - 15-08-2024
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10ab ; 1 Co 15, 20-27a; Lc 1, 39-56
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et soeurs,
Il n’est pas facile de se tenir sous une forte lumière, et nos yeux supportent mal de fixer en face le soleil. Ils sont aveuglés…Le soleil, ce compagnon de nos journées, celui sans lequel il n’y aurait pas de vie, nous devons accepter de ne pas le regarder en face…Nous jouissons de sa lumière, mais devant lui, il nous faut baisser les yeux…
Aujourd’hui, l’Eglise propose à nos regards, de contempler : « une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous ses pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles ». Une femme qui brille de l’éclat de tous les astres à la fois. Marie élevée dans la Gloire de son Fils ressuscité, est là qui brille de toute la lumière divine…Elle n’est pas Dieu, mais elle est toute entière prise dans sa lumière, sertie dans la lumière de la Gloire divine, comme une perle rare…Or, nos yeux de la foi ne craignent pas de regarder cette Dame si belle, comme dira Bernadette à Lourdes. Cette femme revêtue de lumière n’aveugle pas. Elle ne repousse pas, ni n’oblige de baisser les yeux devant elle…Non, les croyants que nous sommes, gens de toute condition, pécheurs en chemin, nous aimons nous tourner vers elle avec confiance, sans peur, avec la confiance de l’enfant de Dieu.
Oui, la gloire de Marie que nous célébrons aujourd’hui, comme le fruit d’une grâce particulière n’écrase pas. Au contraire, elle rassure, elle réconforte, elle encourage sur la route. Mais quel est donc le secret de la gloire de Marie ?
Nous venons de l’entendre dans l’évangile dans le beau chant que Marie entonne en réponse à la salutation d’Elisabeth, quand elle affirme : « Il élève les humbles ». La Gloire de Marie n’est pas à comprendre à la manière d’une gloire humaine. Elle n’est pas résultat d’une puissance affirmée ou le fruit d’exploits réalisés. Non, c’est la Gloire d’une femme humble. Une humble servante sur laquelle les yeux de Dieu se sont penchés. Une femme qui n’a rien à faire valoir sinon sa disponibilité étonnée et sa foi fidèle à la parole entendue de la part de l’ange Gabriel…Humblement, elle s’est laissée conduire et traverser en tout son être de chair, par cette mission unique d’être la mère du Messie, le fils du Dieu Vivant. Et c’est cette humilité-là, que Dieu s’est plu à couronner. Il a voulu élever son humble servante et lui donner de ne pas connaître la corruption de la mort, pour qu’elle partage sa lumière bienheureuse dès maintenant…
La gloire de Marie que nous célébrons aujourd’hui nous montre ce qui a vraiment du poids aux yeux de Dieu. En hébreu, le mot gloire se traduit littéralement « poids ». La gloire c’est ce qui a du poids. Et qu’est ce qui a du poids aux yeux de Dieu, ce qu’il regarde : c’est l’humilité, l’offrande de soi, l’écoute et l’obéissance. Voilà la Gloire de Marie : elle a été toute disponible, toute à l’écoute durant sa vie, toute abandonnée au dessein du Père et au service de son Fils, Jésus…Cette gloire-là ne fait pas de l’ombre à la Gloire de Dieu. Non elle nous donne au contraire d’en approcher le mystère. Elle nous redit que la Gloire de Dieu est bien loin de nos gloires humaines enveloppées dans leurs richesses et leurs honneurs de toute sorte…Elle nous aide à convertir nos regards. Elle nous aide à laisser de côté nos peurs pour grandir dans la confiance en ce qui surgit petitement, imprévu.
Que Marie dans la Gloire du Ciel, comme nous le prions dans l’oraison initiale, une Gloire qui n’est pas de notre terre, mais qui n’est pas loin de notre terre, et de nos chemins humains, nous aide à ajuster nos lunettes, et nos cœurs…Faisons mémoire en cette eucharistie, de ce mystère de Gloire dans lequel le Christ mort et ressuscité nous introduit. En Lui, nous rendons grâce d’en avoir déjà un avant-goût.
Année B - 19 ème dim. Temps ordinaire - 11 aout 2024
1 Roi 19 4-8 ; Eph 4.30-5.2 ; Jn 6 41-51 ;
Homélie du F. Vincent
Les textes bibliques de ce dimanche nous parlent de la nourriture que Dieu nous donne. La première lecture nous rapporte le témoignage du prophète Élie. Son grand souci était de ramener le peuple d’Israël à la fidélité au vrai Dieu. Il n’a jamais cessé de dénoncer ceux qui se vautraient dans le péché. Se sentant menacé, il a dû s’enfuir dans le désert. Il pensait en finir avec cette vie. Mais Dieu ne l’a pas abandonné. Il lui a envoyé le pain qui lui donnera les forces nécessaires pour continuer sa longue marche.
Nous aussi, nous connaissons parfois des périodes difficiles. Mais notre Dieu ne nous abandonne pas. Il nous donne le pain dont nous avons be-soin pour continuer notre route. Chacun de nous peut penser à une parole d’encouragement, une rencontre qui nous a fait du bien, un geste d’amitié. Mais le seul vrai pain, nous le trouvons dans l’assemblée du dimanche. C’est Jésus lui-même qui se donne. Il est le vrai pain de la route par sa Parole et par son Eucharistie. Nous chrétiens, nous avons tous besoin de cette nourriture que Dieu nous donne pour continuer notre marche.
C’est ce message que nous trouvons dans l’Évangile de ce jour. Saint Jean a longuement médité sur les paroles de Jésus. Ce qui le fait souffrir c’est la désaffection des communautés chrétiennes vis-à-vis de l’Eucharistie. Et aujourd’hui, il voudrait nous ramener à l’essentiel. Le Christ se présente à tous comme “le Pain descendu du ciel”. Il est le plus beau cadeau que Dieu ait pu faire à l’humanité. C’est Jésus qui se donne à nous pour que nous puissions vivre éternellement. C’est un cadeau imprévu et inattendu. Nous n’avons rien fait pour le mériter. Il s’agit d’un don gratuit de Dieu. Mais pour l’accueillir en vérité, un acte de foi est absolument nécessaire.
C’est ainsi que Jésus nous révèle qui il est, en vérité. Et cette révélation va provoquer une crise. Il y a ceux qui croient et ceux qui refusent de croire. Et dans notre monde d’aujourd’hui, ça n’a guère changé. Beaucoup se sont installés dans l’indifférence ou le refus. Ils ne voient en Jésus que le côté humain. Ils refusent de reconnaître sa divinité. Cet Évangile vient remettre en question ce que nous croyons savoir sur Jésus. Il n’est pas seule-ment l’homme de Nazareth ; il est le “pain du ciel”, la nourriture pour la route. Il nous dit qu’il faut le “manger”. Venir à lui, c’est croire en sa Parole, c’est s’en nourrir, c’est l’accueillir comme un don de Dieu.
Tout cela n’est possible qu’avec la foi. La tentation est grande de nous en tenir aux évidences. Aujourd’hui, le Christ vient nous appeler à une dé-marche de confiance. C’est une question de vie ou de mort. Nous sommes invités à choisir la vie qui vient de Dieu. Ses paroles viennent nous bousculer mais elles sont celles de la Vie éternelle. Chaque dimanche, le Seigneur vient nous nourrir de cette Parole et de son Eucharistie. C’est un don extraordinaire dont nous ne mesurons peut-être pas l’importance. Nous n’aurons jamais fini d’en découvrir la grandeur, à savoir que le Christ vient nous donner sa vie en se donnant Lui-même. Que Le Christ a livré son Corps et versé son sang pour nous et pour la multitude. La messe c’est Dieu qui vient à notre rencontre et qui nous attend. C’est un rendez-vous d’amour qui nous est offert à tous.
Dans sa lettre aux Éphésiens, saint Paul nous rappelle les dispositions à adopter pour accueillir ce don de Dieu. Il nous invite à vivre dans l’amour et l’unité. C’est une condition indispensable pour vivre l’Eucharistie en vérité. Nous ne pourrons vraiment témoigner de l’amour de Dieu que si nous en vivons. Notre référence c’est Dieu ; c’est Lui que nous devons imiter. C’est en lui seul que nous trouvons la joie et le bonheur, même dans les moments les plus difficiles.
En ce dimanche, nous sommes venus à Jésus. C’est lui qui nous accueille. Comme l’a écrit le pape François, il est “le visage de la miséricorde”. Alors oui, nous te prions : , Dieu notre Père, ouvre le cœur de tes enfants à celui que tu leur as donné comme “Pain vivant descendu du ciel”. Que grandisse en nous le désir de nous laisser attirer par toi. AMEN.
(Sources diverses)
Année B - 18e dimanche TO, dimanche 4 août 2024
– Ex 16, 2-4.12-15 ; Ep 4, 17.20-24 ; Jn 6, 24-35
Homélie du F. Charles Andreu
La satiété et la faim. Les lectures de ce dimanche, à travers l’image du pain, entendent évidemment susciter un discernement : quelle nourriture me fera vivre vraiment ? Mais plus radicalement encore, elles interrogent notre expérience de la satiété et de la faim.
La question est d’ordinaire vite résolue : la faim est mise du côté de la souffrance et de la peine, de ce manque que doit combler la satiété : être heureux, c’est être rassasié. Dieu n’est-il pas celui qui « comble de biens les affamés » ? Jésus ne promet-il pas : « Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim, celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif » ?
Pourtant, la Sagesse divine, au livre de Sirac, promettait exactement le contraire : « Ceux qui me mangent auront encore faim, ceux qui me boivent auront encore soif. » (Si 24,21) Ou encore, dans la première lecture, la satiété est le propre de l’esclavage d’Égypte, et c’est la faim que Dieu fait d’abord connaître au peuple qu’il a libéré.
Sommes-nous faits pour la satiété, ou pour la faim ?
L’expérience de la satiété est évidemment fondamentale. Elle porte bien au-delà du fait d’avoir le ventre plein. Car dès le premier instant de notre vie, la satiété est liée à la relation. Le nourrisson, incapable de se nourrir lui-même, fait l’expérience d’être nourri, d’être objet d’attention et de soin, et dès lors il apprend la confiance, il trouve la sécurité intérieure qui lui sera nécessaire toute la vie.
Nous l’oublions facilement ensuite, mais la satiété repose toujours sur un don, sur la grâce d’une altérité. Même à cuisiner les légumes de mon propre jardin, je n’ai pas fait tomber la pluie, ni inventé l’eau chaude : tout cela je l’ai reçu des autres, d’une culture, d’une société, de Dieu. L’auto-suffisance, l’auto-satisfaction sont toujours une illusion, un mensonge dont il faut se détromper pour entrer enfin dans l’action de grâce : la vie est un don.
Pourtant cette vie est encore traversée par la faim. Et la faim aussi est une bénédiction. Entendons-nous : il y a aujourd’hui encore des hommes et des femmes qui meurent de faim, de toutes sortes de faim, et c’est un scandale. Mais ce n’est pas la faim qui tue, c’est l’absence de nourriture, c’est l’égoïsme qui refuse de partager les biens, l’attention, l’affection. Au contraire, si j’ai de quoi me nourrir, c’est une très bonne chose d’avoir faim. Car aujourd’hui, on meurt aussi de ne plus avoir faim, de perdre cette ouverture, ce désir, cette espérance indispensables pour accueillir le don de la vie, le don de l’autre qui me fait vivre.
L’autre n’est d’ailleurs pas seulement celui qui me nourrit ou que je nourris, il est celui dont j’ai faim. Dès lors que je l’aime, il est mon « manque », ce que je ne peux ni posséder, ni me donner à moi-même. L’illusion la plus courante et la plus tenace sur l’amour, c’est de croire que je vais finir par rencontrer celui ou celle qui me comblera enfin ; illusion spirituelle, encore, de croire que Dieu va me combler, va rassasier en moi toute faim. Au contraire : l’amour est une satiété qui creuse la faim, car elle déploie le désir.
Aussi la tentation est-elle grande de fuir l’amour véritable dans ses succédanés, de se ruer sur les piteux mate-faim de jouissances grossières, ou sur les coupe-faim du moralisme et de l’idéologie. Tentation encore de s’amputer de tout amour irréductible aux seuls devoirs de la charité, ou de le refouler. Certains détachements, loin d’être l’expression d’une liberté, ne sont qu’une défense contre le risque de la relation et de la faim. C’est tellement facile d’aimer son détachement ; c’est tellement plus difficile d’aimer quelqu’un. Accepter le lien, et donc aussi accepter le manque, est la seule vraie liberté, si du moins j’accepte encore que ce lien soit toujours retravaillé, élaboré, si j’accepte que la faim me travaille et me change.
La satiété et la faim. L’eucharistie est ce pain qui rassasie notre foi en éveillant notre faim, faim de voir face à face celui que nous rencontrons sous le signe du sacrement. Que le Seigneur comble notre attente ; qu’il creuse notre faim.
Année B -28 Juillet 2024 - 17e dim Ordinaire
2R 4/42-44, Eph 4/1-6, Jn 6/1-15.
Homélie du F. Cyprien
« Vingt pains… d’orge et de blé nouveau… Cinq pains d’orge… et deux petits poissons », Cent personnes pour Elisée, une grande foule avec Jésus et ses disciples
Il y a un parallèle évident entre les deux lectures, entre le miracle accompli par le prophète Elisée et celui de Jésus pour la foule qui le suivait…
… « Comment pourrais-je en distribuer à cent personnes ?... » « Qu’est-ce que cela pour tant de gens ? »
…Une insistance = la disproportion entre le nombre de gens et les provisions apportées, le pain disponible…
Et pourtant, comme il est écrit dans le livre des Rois, et le Seigneur l’avait dit : « On mangea et il y eut des restes » … Jésus le demanda aussi, on ramassa les restes quand tous furent rassasiés : « Ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge qui étaient restés ».
Au départ, à la vue de la situation, c’est l’impossible qui se présente …impossible de subvenir aux besoins d’une foule… et pourtant, Elisée commande de distribuer les vingt pains d’orge et Jésus met à l’épreuve le disciple qui pense devoir aller acheter du pain.
Est-ce que cette situation ne se reproduit pas souvent dans nos vies, dans le quotidien du monde ? Est-ce que le fait d’être désarmé devant les impasses arrive seulement aux autres et jamais à nous-mêmes ?
Nous connaissons cela : avouons que souvent nous ne nous souvenons plus de la manière dont nous nous sommes sortis des impasses.
Alors Dieu ne ferait-il pas parfois des miracles, non pas pour s’imposer, mais peut-être pour nous faciliter la vie, pour que nous avancions avec un peu plus de confiance et de sérénité ?
En fait Dieu ne va pas nous faciliter la vie simplement pour nous faire plaisir : il y a des domaines où nous savons fort bien que notre responsabilité est en jeu…
Comment ne pas lutter contre la faim dans le monde, contre le commerce des armes, contre toute forme de violence. Il ya des scandales dont nous sommes tous effectivement un peu ou vraiment responsables…
Les miracles sont, comme les paraboles, l’expression d’une volonté divine : cette volonté divine c’est de nous donner une part dans le gouvernement du monde et des choses.
Comme si Dieu nous disait : je veux bien vous aider, mais aidez-moi aussi. Souvenez-vous : après la guérison d’un homme paralysé : « Voyant cela, les foules furent saisies de crainte et rendirent gloire à Dieu qui a donné une telle autorité aux hommes. »
C’est saint Matthieu qui rapporte cela : il met à égalité Jésus et ses disciples à qui Il a dit ailleurs : « Si vous aviez la foi, vous diriez à cette montagne, change de place et elle vous obéirait».
J’ai le souvenir d’une catastrophe à Paris : une rame de métro ou train de banlieue, rame mal aiguillée, rame folle qui n’avait pu éviter le choc dans la station finale et les voitures s’étaient écrasées dans la gare les unes contre les autres : une journée après, les centres de transfusion du sang appelaient à ne plus venir ; ils avaient été débordés par les dons de sang spontanés suite à la nouvelle de l’accident. « Aide-toi, le Ciel t’aidera ».
La vie des saints ou plutôt l’histoire sainte que nous tissons tous avec la grâce de Dieu est pleine d’événements que nous ne pouvons pas expliquer et qui montrent que nous ne sommes jamais vraiment les maitres : cela est bon de nous le rappeler. « Aide-toi, le Ciel t’aidera » est un acte de foi autant qu’un proverbe de sagesse populaire.
Chers f. et soeurs, vivons en étant sûrs que Dieu et sa grâce nous accompagne : Jésus est venu nous le dire Lui-même : La vie est plus que la nourriture, le corps est plus que le vêtement »,… Ne vous souciez pas de ce que vous ne pouvez pas changer… le temps qui passe par exemple… et beaucoup d’autres choses, mais changez ce que vous pouvez changez, changez votre cœur, changez vos manques de foi en confiance, changez votre dureté de cœur en tendresse les plus nécessiteux. Comme au début du Carême entendons sans cesse cet appel : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile ». Dieu est capablr de nous convertir… Il est capable de faire avec nous et pour nous des miracles. Bon dimanche, fr. et srs…
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DEDICACE DE NOTRE EGLISE ; 25 juillet 2024
1 R 8, 23-22, 27-30 ; 1 P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19
Homélie du Père Abbé
Depuis que cette église a été consacrée en 1871, elle a bien changé dans son aménagement intérieur. Les croix de consécration qui sont sur les piliers et que des couronnes de feuillage honorent aujourd’hui en témoignent. Celles qui sont dans la nef sont anormalement basses. Elles signalent ainsi que le plancher a été relevé d’un mètre environ ; et disposé avec des petites marches pour faciliter la vue. A la différence de la disposition ancienne où le chœur des moines était surélevé, la disposition actuelle a permis aux fidèles d’être sur le même niveau afin d’être mieux associés à l’action liturgique. Ainsi a été mieux signifiée combien notre assemblée de prière est une et appelée à le devenir toujours plus. Entre l’église de 1871 et la nôtre, les aménagements faits nous rappellent que le bâtiment église est au service de la communauté qui s’y rassemble, à l’écoute de la compréhension qu’elle a d’elle-même. Après la vision très hiérarchique et pyramidale de l’Eglise qui était celle du 19°s, nous avons redécouvert avec le concile Vatican II, la nature de l’Eglise avant tout comme peuple de Dieu, formé de tous les baptisés, qui sont, pour reprendre les mots de l’apôtre Pierre, « une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte ». Souligner ainsi l’évolution de notre église nous fait entrevoir combien le bâtiment église joue son rôle pour contribuer à l’édification progressive de l’assemblée des fidèles qui s’y rassemble.
En effet, comme le suggère l’apôtre Pierre, à chaque fois que nous entrons dans une église pour y prier et pour y célébrer avec d’autres, nous sommes invités à « entrer dans la construction de la demeure spirituelle ». C’est cette oeuvre qu’il importe désormais de réussir : la construction de la demeure spirituelle. Comment comprendre cette expression ? L’apôtre Pierre précise qu’il s’agit de devenir « le sacerdoce saint et de présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ ». Tous les fidèles sont ici concernés, pas seulement les prêtres. Tous participent à ce sacerdoce saint qui est d’offrir des sacrifices spirituels. Concrètement nous offrons des sacrifices spirituels par toute notre manière intérieure et extérieure d’être sous le regard de Dieu qui est là, et en étant attentifs à nos frères qui sont là. Depuis le premier signe de la croix, lorsque nous nous signons avec l’eau bénite, ou lorsque s’ouvre toute célébration liturgique, jusqu’à la dernière bénédiction qui conclue en général nos prières, nous offrons des sacrifices spirituels. Par nos paroles prononcées, par les élans intérieurs, par nos inclinations, par nos positions debout ou à genoux, par tous ces gestes qui nous associent à l’action qui se déroule qu’elle soit la prière de l’office ou la messe, par notre manière de recevoir la communion, nous exerçons chacun à notre place de fidèles ou de ministres notre vocation sacerdotale. Souvent nous vivons peut-être trop ces rites de manière machinale sans trop y penser. La fête de ce jour est là comme pour nous en refaire prendre conscience. Ce bâtiment église nous convoque à une œuvre spirituelle en chacun de nos gestes et en chacune de nos paroles. Rien d’extraordinaire en tout cela, mais une forme d’engagement à être présent en tout ce que nous faisons et disons. Certes nous savons tous d’expérience que parfois nous sommes bien attentifs et parfois très peu voire pas du tout. Le Seigneur n’attend pas notre parfaite disponibilité pour faire son œuvre. Il nous devance toujours pour nous offrir comme une grâce, sa parole, sa vie et son alliance scellée dans la mort et la résurrection de Jésus. Car une des manières de vivre notre sacerdoce baptismal, et non des moindres, n’est pas tant de faire beaucoup de choses, que d’accueillir ce que l’Eglise nous propose, d’entrer dans ce don de vie que le Seigneur veut nous faire….de nous laisser faire par Lui. Pour reprendre un autre mot de l’apôtre Pierre, il s’agit de nous « approcher du Seigneur Jésus »… Nous approcher, nous rendre proche de Lui qui est au milieu de nous dès lors que deux ou trois sont réunis en son nom…
En cette eucharistie, c’est ce qu’il nous est donné de faire.
Réjouissons d’être associés à si grand mystère. Entrons dans la construction de la demeure spirituelle que le Seigneur ne cesse d’édifier, au cœur de notre communauté monastique, mais aussi toujours inséparablement au cœur de son Eglise que nous formons tous.
Année B - HOMELIE du 16ème dimanche du TO - 21 juillet 2024
(Jér. 23,1-6 ; Eph. 2,13-18 ; Marc 6,30-34)
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs Dimanche dernier, dans un passage de l’évangile selon St Marc, précédent celui que nous venons d’entendre, Jésus avait inauguré l’envoi en mission de ses disciples, 2 par 2. Il les exhortait à ne rien emporter avec eux, ni pain, ni sac, ni argent. Il leur demandait seulement de proclamer la Bonne Nouvelle, en invitant leurs auditeurs à la conversion, tout en chassant les démons et en guérissant les malades avec des onctions d’huile.
Aujourd’hui, nous assistons au retour de cette première mission. Les apôtres font un rapport à leur Maître de ce qu’ils ont fait et enseigné. Cela apparaît plutôt comme une réussite et une bonne performance. On s’attendrait alors que leur maître les félicite et les encourage à continuer. Mais non. Jésus se préoccupe avant tout de leur état physique, de leur fatigue. Il sait par expérience ce qu’il en coûte d’efforts pour annoncer l’Evangile. Lui-même a connu la faim, la soif, la fatigue des longues marches à travers la Galilée, la Judée et la Samarie. Il connaît le prix du repos, le bienfait de se mettre à l’écart, dans des endroits déserts, loin des foules avant de reprendre la route. Il sait qu’il faut prendre le temps de s’alimenter, alors même qu’il avait demandé de ne pas prendre de provision de pain, et de compter sur la générosité de ceux qui les accueilleraient.
Un apôtre doit donc veiller à son corps, être en bonne santé. Vous le savez sans doute : la langue anglaise dispose de 2 mots pour exprimer le soin à apporter à une personne. « Cure » vise le soin médical, thérapeutique, en vue de la guérison d’un malade, et c’est de ce soin qu’ont fait preuve avec succès Jésus et ses disciples, mais il y a aussi le « Care » qui est le soin attentif et attentionné à la personne, malade ou non, et c’est également de ce soin-là que fait preuve Jésus à l’égard de ses proches. Un soin que chacun est invité à porter à soi-même : « take care of yourself » comme on se le souhaite couramment.
Si la 1ère partie de notre page d’évangile concerne la relation de Jésus à ses apôtres, la 2nde partie, elle, met en avant la foule. Une foule de gens qui cherchent à approcher Jésus pour le voir, pour l’écouter, pour le toucher. Ce sont des gens affamés, fatigués aussi d’une autre manière, dans l’attente de soin et de pain. L’évangéliste Saint Marc nous dit alors que Jésus fut saisi de compassion envers eux. Un terme très fort en grec « splangma », qui serait mieux traduit par « il fut remué jusqu’aux entrailles », comme le sentiment d’une mère devant la souffrance de son enfant malade. C’est le mot de la miséricorde, dans ce qu’elle a de plus profond et de révélateur de l’Amour de Dieu pour nous. On le trouve dans la parabole du Bon Samaritain qui fut, lui aussi, touché de compassion devant la détresse d’un homme à demi-mort, abandonné au bord de la route par des bandits, tandis qu’un prêtre et un lévite étaient passés sans lui prêter attention, sans cure, sans care, sans cœur…
Face à la détresse de cette foule, comparée à un troupeau de brebis sans berger, la réponse de Jésus sera de lui proposer d’abord un enseignement, et même un long enseignement. Ce ne sera qu’ensuite qu’il pourvoira à leur restauration, par la multiplication des pains. Un épisode que nous aurons dimanche prochain, rapporté dans le IV° évangile.
Saint Marc veut nous faire comprendre ainsi qu’il n’y a pas d’évangélisation sans enseignement, et sans une écoute préalable et longue de la Parole de Jésus. Les apôtres à leur retour de mission rapporte à Jésus ce qu’ils ont fait et ce qu’ils ont enseigné. L’ évangile de Marc ne nous rapporte pas le contenu de ces longs discours, comme on en trouve chez les autres évangélistes : Matthieu, Luc et Jean. Le message de Marc se résume en peu de mots : « Le Royaume de Dieu est arrivé. Il est tout proche de vous. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle »
Frères et sœurs, ce message et cet appel à la conversion, dans un esprit de foi, sont toujours d’actualité et ils nous concernent chacun personnellement et en église. Les moines, en adoptant la Règle de Saint Benoît en font même l’objet d’un vœu qui les engage jour après jour. Mais ne nous faut-il pas aussi entendre les appels de notre Pape François qu’il adresse à tout homme de bonne volonté, pour une « conversion écologique », dans la mesure où notre terre, notre maison commune est en danger et menacée par une grave crise. Il nous est bon et profitable alors de relire et de méditer l’encyclique : « Laudato Si’ », comme nous le faisons en communauté, ces derniers jours, chaque matin, au chapitre. Et c’est une bonne lecture d’été que nous ne saurions que vous conseiller.
Frères et sœurs, à la différence de Jésus, je ne vais pas trop prolonger cette homélie. Certes, nous aurions pu nous pencher aussi sur les 2 premières lectures. Elles sont en consonance avec l’évangile, dans leurs appels et leur espoir d’une conversion et d’une réconciliation dans le droit, la justice et la paix. Et cela, dans une perspective messianique, en Jésus-Christ.
« Voici venir des jours, où je susciterai pour David un germe juste : il règnera en vrai Roi, il agira avec intelligence, il exercera le droit et la justice » annonce le prophète Jérémie : et Saint Paul de renchérir : « dans le Christ, vous qui étiez autrefois loin, vous êtes devenus proche par son Sang. C’est lui, le Christ, qui est notre paix ; il a détruit le mur de la haine. Il nous a réconciliés avec Dieu, les uns et les autres, en un seul Corps, par le moyen de la Croix. »
Nourris ainsi par la Parole de Dieu, accueillie dans les Saintes Ecritures, nous pouvons nous approcher de la Table de l’Eucharistie et partager le Pain de la Vie et la Coupe du Salut, en faisant mémoire de la Passion et de la Résurrection de Notre Seigneur et Sauveur.
Rendons grâces à Dieu, en ce dimanche où Il nous conduit par un juste chemin pour l’honneur de Son Nom : et que cette grâce et ce bonheur nous accompagnent tous les jours de notre vie. AMEN -
Année B - HOMÉLIE 15e DIMANCHE du Tps Ord. 14 JUILLET 2024
Amos 7, 12-15 ; Eph 1, 3-14 ; Mc 6, 7-13
Homélie de F. Hubert
Ton appel les a lancés par les routes et les chemins ;
porteurs de ta parole, sans autre appui que ton amour.
Envoyés en mission, à la suite des Douze,
sans rien prendre pour la route,
nous sommes envoyés comme des pauvres, démunis,
mais avec l’appui de l’amour du Seigneur.
Nous n’avons aucun « avoir » à offrir.
Ce que nous avons à offrir, c’est le don de Dieu.
Ce don, il faut d’abord le recevoir nous-mêmes.
L’accueillir, et ensuite le partager.
En le partageant, il s’enrichit, il s’approfondit, il se multiplie.
Quel est-il ?
C’est que nous sommes bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, dans le Christ,
que nous sommes choisis pour être saints et immaculés dans l’amour, grâce à son amour.
Jésus nous envoie sans moyens humains, sans moyens de puissance,
car son amour s’offre, il ne s’impose pas.
En Jésus, le Père nous offre la dignité des fils de Dieu, égaux en dignité,
il nous offre la fraternité de ceux qu’il engendre à sa vie,
et la liberté de ceux qui sont libérés du mal et vivifiés par l’Esprit.
A l’infirme de la Belle Porte du Temple, Pierre déclare :
De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne :
au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche.
Le trésor que nous portons, dit Paul, nous le portons comme dans des vases d’argile ;
ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous.
Pourtant, ce don gratuit de Dieu, il se reçoit et s’annonce par le don de nous-mêmes.
C’est en vivant à l’image du Christ que nous annonçons le Christ et son Père.
Tout notre être est engagé dans la mission que nous recevons.
Jésus nous envoie chasser les démons et guérir les malades.
Nous voudrions bien engendrer un monde où le mal n’ait plus droit de cité.
Dieu nous le promet dans le monde nouveau, à venir :
Il ne se fera plus aucun mal sur ma montagne sainte.
Mais aujourd’hui, le mal est présent,
et c’est dans le combat contre le mal que le bien se manifeste,
dans le pardon, la réconciliation, le don de la vie, le don de soi.
Il se manifeste dans la vie du Fils unique, donnée au monde dans l’Incarnation,
dans son affrontement du mal jusqu’à la croix,
dans la victoire de l’amour fidèle éclatant dans la Résurrection.
Vivre de ce bien unique et l’annoncer est la mission des disciples-missionnaires.
Chasser les esprits impurs, c’est d’abord travailler son cœur,
se laisser libérer du mal qui est présent en nous.
Car le grand danger, c’est de croire que le mal est en dehors de nous, chez les autres.
Chasser les démons, c’est offrir aux autres des chemins de libération, de vie,
de justice et de bonheur,
dans des actes simples de la vie quotidienne.
Entrer en relation, créer de la communion, de la fraternité,
c'est chasser les esprits qui rendent sourd, muet, qui divisent et isolent.
Tant de gens souffrent dans notre monde, d’isolement, d’indifférence, de rejet.
N’est-ce pas expulser les démons que de mettre le respect là où il y a le mépris,
la bienveillance là où il y a le dénigrement, la confiance là où il y a défiance,
des ouvertures là où il y a des murs, la bénédiction là où il y a rejet ?
En cette fête nationale française, la tâche est immense,
tant à l’intérieur du pays qu’à l’’extérieur.
Frères et sœurs, nous allons recevoir le Corps du Christ :
Nés de l’Esprit, recevons de Dieu notre dignité et notre liberté ;
membres du même Corps, mettons en œuvre notre fraternité,
Nous n’allons pas repartir de cette célébration avec sac et argent, tuniques et moyens humains,
mais avec l’appui du Christ ressuscité,
l’appui de l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts,
avec l’amour même de Dieu.
Porteurs de la parole, sans autre appui que cet amour, annonçons la joie au monde entier.
Béni soit Dieu qui nous a bénis pour que le monde soit béni !
SAINT BENOIT 11-07-2024
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs
Pour notre office monastique à la Pierre-qui-Vire, mais comme cela se fait aussi dans d’autres monastères, nous avons fait le choix de mettre la coule blanche tous les jours à la messe, et en plus pour les dimanches et jours de fêtes aux offices de laudes, de vêpres et de vigiles. Et la semaine de Pâques, nous sommes en blanc à tous les offices. Alors que les autres jours, nous sommes en noir, la couleur plus traditionnelle des moines bénédictins. Les gens nous demandent souvent, mais pourquoi ce changement ? Alors que le noir veut signifier la pénitence et tout le labeur spirituel de conversion que le moine choisit de vivre, le blanc lui rappelle ce vêtement qu’il a revêtu le jour son baptême en signe de la dignité nouvelle de fils de Dieu dont il est désormais porteur. Le vêtement blanc lui rappelle que déjà tout lui est donné et le noir qu’il doit cependant demeurer toujours vigilant et apporter sa collaboration pour que la vie du Christ devienne vraiment toute sa vie.
Il me semble cette pratique des deux vêtements représente comme une mise en œuvre rituelle de ce que nous avons entendu dans les différentes lectures. D’un côté dans la lecture du livre des Proverbes, nous entendions le conseil donné par le sage : si tu fais appel à l’intelligence, si tu recherches, si tu creuses…l’oreille attentive, le cœur incliné comme un chercheur de trésor…. C’est la partie laborieuse de notre vie chrétienne et monastique…c’est le vêtement noir. Et de l’autre côté, nous entendions st Paul affirmer comme une conviction bien établie : « Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience » … Paul met en évidence le cadeau immense que nous avons reçu de la part de Dieu qui nous a choisis et aimés, de manière totalement gratuite, au jour de notre baptême. C’est le vêtement blanc reçu comme un cadeau dont nous ne pouvons surtout pas nous enorgueillir d’y être pour quelque chose. Et St Paul poursuit en quelque sorte : ce vêtement revête-le vraiment. Laissez-le prendre tout son éclat, laissez vivre, osez vivre ces nouvelles qualités de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité de douceur et de patience, qui vous ont été données depuis votre baptême. Ailleurs, Paul osera même dire : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus » (Rm 13, 14) pour manifester que désormais nous sommes étroitement unis au Christ. Et n’avons-nous là pas la Bonne Nouvelle apportée par la vie chrétienne : tout est d’abord donné, et s’il a un labeur spirituel à vivre aujourd’hui, c’est de permettre à ce don immense qui nous est fait de se déployer. Dieu nous a tellement aimés qu’il nous rend capable d’aimer comme Lui, dans la douceur, la compassion, l’humilité, la patience… S’il y a un trésor à rechercher, c’est de creuser notre cœur pour permettre que jaillisse toujours davantage cette source vive que l’Esprit Saint a ouvert en nous…
Mais avouons-le, il n’est pas si facile de vivre cela. Car faire venir au jour, laisser vivre ce nouvel habit blanc fait de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience, mais aussi de pardon mutuel nous met souvent en porte à faux avec notre entourage. Pour les uns, nous serons des naïfs, pour d’autres de doux rêveurs qui ne sont pas réalistes, ou complètement inefficaces ou qui se font avoir…etc… Sans compter qu’en nous-mêmes, il y a toujours cette part sombre qui préfère, impatiente, ne pas entendre les appels ou user de la force par souci d’efficacité… C’est ici que nous pouvons entendre peut-être autrement les béatitudes qui ouvrent le grand discours de Jésus sur la montagne : « Heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, les miséricordieux, les artisans de paix, les persécutés… » Jésus ne propose pas un nouveau programme moral, ni une nouvelle loi. Non, il invite les disciples que nous sommes devenus, à ne pas avoir peur de ces qualités dont nous sommes porteurs dès maintenant par sa grâce. Jésus nous encourage à découvrir tout le bonheur qu’il y a dès maintenant à mettre en œuvre la paix, la douceur, la miséricorde, la justice, l’humilité, dans la conviction qu’ils portent en germe la lumière et la vie qui n’auront pas de fin.
Notre vie monastique s’offre comme une école concrète dans laquelle jour à après jour, nous apprenons à revêtir par-dessus l’autre le vêtement blanc…pour que notre vie de baptisé prenne pleinement sa dimension. Mais comme toute image, l’image du vêtement a ses limites. Le risque pourrait être de se contenter des apparences. Non, St Benoit nous engage à une vraie attention intérieure : nous confier à l’œuvre de la grâce pour descendre toujours plus profondément en notre cœur, en acceptant de regarder et traverser ses parts sombres en nous qu’on préfèrerait spontanément ignorer. Pour laisser advenir la tendresse, la compassion, la bonté, la douceur, la patience et le pardon mutuel.
Ce matin, en confiant à l’intercession de Benoit notre persévérance, rendons grâce en cette eucharistie d’être associés à ce labeur de la vie chrétienne, qui fait de notre vie en la création présente la première étape du Royaume.
Année B - 14° dim du Temps Ordinaire - 7 juillet 2024
Ezékiel 2, 2-5 / ps 122
2 Corinthiens 12, 7-10
Marc 6, 1-6
Homélie du F. Basile
F et S, même si nous n’habitons pas Nazareth, c’est nous qui sommes aujourd’hui les auditeurs de Jésus, en pensant le connaître, comme de bons chrétiens. Peut-il encore nous surprendre ?
Aurons-nous la même réaction que les gens de Nazareth ? Ils étaient choqués, étonnés, dit st Marc ; à tout le moins déconcertés, jaloux peut-être. Bien sûr, Jésus avait été l’un des leurs ; ils connaissaient bien sa famille, ses frères, ses sœurs, ce qui veut dire sans doute ses cousins. D’où la question qu’ils se posent : « D’où cela lui vient-il ? cette sagesse, ces miracles ? » Puisse cette question être encore la nôtre aujourd’hui ? Elle revient tout au long de l’évangile de Marc : « Qui est-il celui-là ? » C’est la question essentielle dont la réponse ne nous est donnée qu’à la fin de l’évangile, lorsque Jésus est mort et que le centurion romain s’écrie : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ».
Cette réponse, nous croyons la connaître, parce qu’elle est dans nos catéchismes, parce que nous la récitons le dimanche dans la profession de foi, mais qu’est-ce que cela veut dire si nous n’avons pas vraiment accueilli le Christ dans notre vie ?
Celui qui a reconnu le Christ dans sa vie, celui-là est sur le chemin de la foi et il va trouver dans la lecture continue de l’Evangile une parole qui lui fera découvrir de plus en plus le mystère du Christ.
Le texte d’aujourd’hui nous parle de cet échec de Nazareth, et moi ce qui m’étonne, c’est l’étonnement de Jésus lui-même, devant leur manque de foi. Car là où il n’y a pas de foi, il n’y a pas de miracle possible. Manifestement, Jésus ne s’attendait pas à cette réaction, c’est ce qu’affirme Marc : « Il s‘étonna de leur manque de foi. » Nous pouvons être surpris que Jésus s’étonne : cela veut dire que pour lui, tout n’était pas écrit d’avance. Sa mission, il l’avait reçue du Père, et quand Luc nous dira que dans la synagogue de Nazareth, Jésus a ouvert le Livre et lu le passage d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi : Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres », là Jésus s’y retrouve tout à fait. Pourtant à Nazareth le message ne passe pas, les cœurs se ferment, ils ne veulent pas entendre et Jésus s’étonne : on pressent là déjà le mystère de la Croix, l’échec par excellence. Cet épisode préfigure aussi le sort des prophètes de tous les temps, affrontés à l’incroyance : c’est l’expérience d’Ezékiel, dans la 1° lecture, lorsqu’il s’adressait aux exilés de Babylone – ce sont des rebelles, lui dit le Seigneur - c’est aussi l’expérience de Paul lorsqu’il voit ses frères juifs rejeter la Bonne Nouvelle.
Je voudrais revenir sur cet échec de la mission, que Jésus lui-même a connu, Paul ensuite et tant d’autres, et qui touche certainement les prophètes et les missionnaires d’aujourd’hui, dans un contexte de plus en plus marqué par l’indifférence religieuse. Non pas revenir sur l’échec lui-même, mais sur ce mot que Paul utilise si souvent : la faiblesse et son opposé la force. Paul nous dit ce matin : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » Est-ce de l’esbrouffe, une pirouette de mots, un paradoxe de plus ? Je crois au contraire que c’est un secret de la mission, et peut-être de notre vie humaine tout court lorsque nous sommes secoués par l’épreuve ou inquiets de l’avenir de notre pays.
Paul avait du tempérament, nous le savons, c’était un homme fort : premier terrassement, sa rencontre du Christ sur le chemin de Damas et le voici aveugle, sans force, obligé de se laisser conduire. Mais il va traverser d’autres épreuves, connaître d’autres moments angoissants, stressants. Cette écharde dans la chair, dont il parle aujourd’hui, on n’a jamais su à quoi il faisait allusion, mais on sent que c’est très personnel ; il supplie le Seigneur de l’en délivrer, il n’est pas exaucé ; c’est alors qu’il reçoit cette parole unique qu’il nous laisse aujourd’hui : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Il y a là toute une théologie de la grâce et de la croix que nos frères protestants ont su mettre en valeur. Car c’est le renversement de tout triomphalisme, de toute prétention d’avoir raison, de tout orgueil spirituel. Ce n’est pas une parole magique, c’est un chemin spirituel de foi, d’humilité, de confiance qui conduit à l’action de grâces, parce que c’est là que Dieu se manifeste, là où ne l’attendait pas, non pas dans la réussite quand tout va bien mais dans la faiblesse, dans l’échec même. « Ma grâce te suffit. »
Je voudrais relier cette parole de Paul à une autre parole sur la grâce, que nous connaissons bien : « Tout est grâce ». Nous savons que Thérèse de Lisieux l’a dite juste avant de mourir, mais c’est l’écrivain Georges Bernanos qui la cite tout à la fin de son livre, le « Journal d’un curé de campagne », un livre qui peut nous parler aujourd’hui où l’indifférence est grande autour de nous.
Ce jeune curé de campagne, miné par la maladie, termine sa vie sur un échec, il meurt privé des sacrements et du pardon de Dieu, mais son ami, un ancien prêtre, est là qui nous rapporte ses dernières paroles : « Qu’est-ce que cela fait ? Tout est grâce. » Voilà comment Dieu rejoint les siens au plus noir de l’épreuve, quand tout semble perdu. Cela devrait nous donner une force que rien ne peut abattre. « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Oui, tout est grâce et je vous invite à retrouver dans votre vie la rencontre du Christ, le passage de Dieu, pour que dans cette eucharistie, nous puissions vraiment rendre grâce à notre Père par le Christ et dans l’Esprit.
Frère Basile
Année B - 13e dimanche ordinaire - (30/06/2024)
(Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24 – Ps 29 – 2 Co 8, 7.9.13-15 – Mc 5, 21-43)
Homélie du F. Jean-Louis
Frères et sœurs,
Les lectures que nous venons d’entendre sont parcourues par la force impressionnante de la vie. Et il me semble bon de nous ressourcer dans ces textes en une époque où la mort semble triomphante au point peut-être de nous faire douter ou de nous rendre sceptiques.
D’emblée, la première lecture est claire et ferme : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants ; la puissance de la Mort ne règne pas sur la terre car la justice est immortelle. » Et le texte poursuit en affirmant que « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité », pour la vie éternelle et que c’est par jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde.
Bien sûr, la mort dont il s’agit peut-être entendue comme la mort physique mais, sans la mort physique, la vie ne serait pas possible, n’en déplaise aux transhumanistes d’aujourd’hui. Le renouvellement des générations est nécessaire à la permanence de la vie et je pense que l’auteur du Livre de la Sagesse en était bien conscient. Ainsi, la mort dont il s’agit ici peut surtout être entendue comme la mort spirituelle causée par le péché introduit dans le monde par le diable, selon le récit du début de la Genèse. Ce péché a introduit une rupture entre les êtres humains, une rupture, une méfiance de l’homme envers Dieu au point de rendre ce dernier responsable de la mort. Ce passage du Livre de la Sagesse nous rappelle que, face à la mort, la justice de Dieu est immortelle et que, pour le croyant, la mort physique n’est pas plongée dans le néant mais passage vers Dieu qui est la Vie. C’est le projet de Dieu : nous conduire à la vraie Vie par-delà la mort, et nous la faire connaître.
Ce projet, le Christ le réalise dans l’évangile de ce jour qui est un hymne à la vie. Cet évangile est bien dans la ligne de la première lecture. Il prend en compte le réel de la maladie et de la mort tout en nous montrant que le Christ est venu libérer l’humanité de ces malédictions. Mais ce qui est déterminant, dans les deux épisodes de cet évangile, c’est la foi. Foi de la femme victime de pertes de sang qui la rendent impure pour les rites religieux (c’est une forme de mort sociale) et foi du chef de synagogue se tournant vers le Christ, espérant pour sa fille quoiqu’il arrive.
La foi de ces deux personnes contraste avec l’attitude des gens qui les environnent : la foule, dont les disciples, évidemment totalement inconscients de ce qui s’est passé entre la femme et Jésus, et les gens de la maison de Jaïre qui ont perdu tout espoir à la mort de la jeune fille. Ainsi, la vie jaillira de la foi, guérison pour la femme, guérison reconnue par le Christ comme œuvre de la foi, et résurrection de la fille de Jaïre lui qui n’a pas craint mais cru, à la demande du Christ : « Ne crains pas, crois seulement. »
La foi, source de vie, la foi qui nous permet de ne pas voir Dieu comme l’auteur des drames qui peuvent nous toucher mais comme celui qui, par son Fils, fait jaillir la vie quand tout semble perdu.
La fin de la vie terrestre de Jésus prendra le même chemin que celui des deux acteurs de l’évangile de ce jour. Le Christ aura à être plongé dans la mort, abandonné de tous, ou presque, pour ressurgir vivant, au jour de Pâques, grâce à sa foi, sa confiance et sa fidélité au Père. La solidarité avec nous de Dieu en Jésus Christ est absolument totale. Ne l’oublions-nous pas parfois ?
« Ne crains pas, crois seulement », cette parole, le Christ ne l’a-t’il pas entendue à son tour lors de son « agonie » -comme nous disons- au jardin des Oliviers, à la veille de sa Passion ?
Cette vie, nous la retrouvons sous une autre forme dans la seconde lecture de ce jour. Paul invite la communauté et les autres Églises qu’il a fondées, à récolter de l’argent pour venir en aide à l’Église de Jérusalem. C’est sans doute très concret, mais ne s’agit-il pas de transmettre également un courant de vie à travers l’Église ? N’est-ce pas au nom de la foi commune que chaque communauté agit pour venir en aide aux autres ? Il s’agit d’un don source de vie.
Dieu veut la vie, évitons de le rendre responsable du mal et de la mort au risque de nous détourner de lui. La mort, réalité biologique incontournable, la seule certitude que nous ayons en notre vie, a été vaincue au matin de Pâques et si, dans sa dimension physique, elle demeure, sa signification en est complètement changée par la résurrection du Christ car elle est désormais passage vers Dieu, même si, bien sûr, et ce n’est pas à négliger, la douleur de la séparation, très vive et très compréhensible, demeure. Mais notre foi nous dit qu’elle n’aura qu’un temps.
Si, dans la foi, nous en sommes convaincus, si nous l’espérons, alors nous pouvons reprendre les versets du psaume chanté tout à l’heure : « Tu as changé mon deuil en une joie, mes habits funèbres en parure de joie. » Il ne s’agit pas de fuite, de déni de la mort, mais d’un saut dans la foi au-delà des apparences. C’est le message de ce dimanche, de tous les dimanches.
Frères et sœurs, Dieu nous appelle à la vie et chacun de nos actes peut être dans le sens de la vie si nous savons nous tourner vers lui et nous mettre à son écoute dans l’Esprit Saint. Sachons laisser de la place au Christ dans notre vie, dans les choix que nous y faisons. C’est la foi qui nous fera vivre en vérité, qui nous fera trouver les moyens concrets pour être à notre tour porteurs de vie à la suite du Christ.
Frères et sœurs, nous le savons, nous vivons et allons vivre ces jours et ces semaines qui viennent, des moments importants pour la vie de ce pays. Des choix nous sont proposés. Sachons poser un choix qui soit porteur de vie, pas que pour nous mais pour le bien commun de notre société. Nous avons là aussi à donner la vie. Au fond de notre cœur, si nous osons y descendre, nous trouverons les ressources pour un choix ouvert et généreux.
AMEN