vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 15 avril 2022 — Vendredi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année C - VENDREDI SAINT 15.04.2022

Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Chaque vendredi saint, nous entendons le récit de la passion de Jésus selon St Jean. A la différence des évangélistes Mt, Mc et Lc, St Jn souligne davantage combien Jésus reste maitre de son destin alors même qu’il est ligoté et maltraité. Il répond au Grand Prêtre, puis il interpelle le soldat qui le gifle. Il questionne Pilate et l’invite à se positionner sur son identité de « roi des juifs » : « dis-tu cela de toi-même ? » Peu à peu, Jésus semble même prendre l’ascendant sur Pilate lorsqu’il affirme que sa royauté n’est pas de ce monde. Ou encore, quand il lui rétorque qu’il n’aurait sur lui aucun pouvoir s’il ne l’avait reçu d’en haut… Jésus ne subit en rien sa passion. Jusqu’au « tout est accompli », lui l’humilié et le condamné domine la situation. De cette manière, l’évangéliste Jean met en lumière le mystère de Jésus, lui, un homme fragile est uni de manière unique à Dieu le Père, à Dieu son Père. Au cœur de sa passion, Jésus poursuit la mission reçue : « la coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ». Jusqu’au bout, il rend témoignage à la vérité… une vérité que nous n’avons pas fini de comprendre et de connaitre. Vérité de l’homme, vérité de Dieu qui rejaillissent l’une sur l’autre. Jésus obéit à son Père et par là il donne à notre humanité une dignité sans pareil. Et lorsqu’il se laisse bafouer et finalement tuer, Jésus révèle l’humilité fondamentale de Dieu.

Cette célébration nous place au cœur de ce mystère de grandeur humaine et d’humilité divine, révélé en Jésus. C’est pourquoi en ce jour particulièrement, la liturgie nous entraine à prier avec une grande confiance pour présenter à notre Père toutes les intentions de notre humanité. C’est pourquoi, elle nous entraine à vénérer avec amour la croix sur laquelle a resplendi la lumière de ce mystère.

Homélie du 14 avril 2022 — Jeudi Saint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année C - JEUDI SAINT - 14.04.2022

Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs, Que serait une vie sans signe, sans symbole ? Serait-elle encore vraiment humaine ? Oui, notre existence humaine est ponctuée de signes, de symboles qui nous permettent de nous relier les uns aux autres, mais aussi de nous ouvrir à d’autres réalités plus grandes… je pense par exemple, au drapeau ou à l’hymne de chaque pays qui rassemble un peuple et qui véhicule dans le même temps des valeurs autour desquelles les habitants de ce pays se reconnaissent… Les textes que nous venons d’entendre et la liturgie que nous vivons ce soir nous offrent beaucoup de signes par lesquels nous sommes reliés, unis les uns aux autres, et dans lesquels nous nous reconnaissons portés par plus grand que nous et porteurs d’un mystère plus grand que nous, le dessein d’amour de Dieu pour l’humanité.

Dans le livre de l’Exode, le sang mis sur les linteaux des portes est un signe. Et de manière un peu étonnante, il est un signe non pour les hommes mais pour Dieu. En voyant ce signe, Dieu préservera son peuple du fléau destiné aux premiers nés des Égyptiens…Le peuple juif est alors invité à faire mémoire d’âge en âge et jusqu’aujourd’hui, de ce geste sauveur de Dieu, expression de son amour bienveillant. C’est la célébration du repas pascal où, avec les pains sans levain, l’agneau pascal immolé est mangé en famille.

Du dernier repas que Jésus prend avec ses disciples, la tradition apostolique a retenu deux signes forts que Jésus a posés : le signe du pain et du vin offert en partage à ses disciples, et le signe du lavement des pieds. Deux signes, deux gestes forts qui expriment son offrande volontaire et qui ouvrent solennellement l’heure de la passion. Le signe du pain et du vin s’inscrit dans la continuité du repas pascal juif pour mettre en lumière l’alliance nouvelle que Dieu établit avec son peuple en Jésus. C’est lui, le pain azyme, c’est lui l’Agneau pascal qui s’immole pour préserver son peuple de la mort et lui ouvrir le chemin de la vie. Le signe du lavement des pieds révèle la profondeur du don de Jésus en faveur de ses amis. Comme un esclave, lui le Maitre et le Seigneur lave ses disciples. Il les purifie, anticipant son abaissement jusqu’au sang versé qui purifiera à jamais son peuple de ses péchés. Tous peuvent désormais avoir part avec lui dans la Vie.

Signe et mémoire… Ces signes, Jésus ne les accomplit pas seulement en son temps, il invite ses disciples à en faire mémoire. Une mémoire qui est plus qu’un souvenir. On parlera alors volontiers de mémorial. En effet, comme pour le peuple juif célébrant le repas pascal, en mémoire de la sortie d’Egypte , pour nous chrétiens, le signe non seulement rappelle le souvenir de l’évènement passé, mais il manifeste que Dieu ne cesse d’agir aujourd’hui au milieu de son peuple comme il a agi autrefois. Le signe devient mémorial, c’est-à-dire célébration actuelle de l’œuvre de salut que Dieu réalise pour nous maintenant. Comme nous le prierons au début de la prière eucharistique : « chaque fois qu’est célébré ce sacrifice en mémorial, c’est l’œuvre de notre rédemption qui s’accomplit ». Profondément, le signe, qu’on appellera pour cela « sacrement », nous introduit dans l’aujourd’hui du salut. D’une manière unique dans l’année liturgique, la prière eucharistique met cela en lumière en précisant : « la veille du jour où il devait souffrir pour notre salut et celui de tous les hommes, c’est-à-dire aujourd’hui… » Oui le jour où Jésus prit son dernier repas, et ce jour où nous en faisons mémoire ce 14 avril 2022, ne sont qu’un même jour, c’est l’aujourd’hui de Dieu qui ne cesse d’être présent aux hommes pour les introduire dans sa vie.

Signe et mémoire… Quand Jésus dit à ses disciples : « faites cela en mémoire de moi » ou encore « c’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous », il fait de nous des acteurs de l’aujourd’hui du salut de Dieu. En refaisant les gestes de Jésus, désormais nous sommes tous étroitement associés à l’œuvre de Dieu. Lorsque nous célébrons l’eucharistie, chacun en vertu de notre sacerdoce commun de baptisé, il nous revient d’entrer dans l’offrande de nous même avec Jésus. En apportant le pain et le vin, nous nous offrons nous-mêmes, notre travail, nos activités, nos difficultés, notre péché, pour qu’à travers nous, le Seigneur agisse et renouvelle ce monde. Avec Jésus, nous mourons à notre autonomie suffisante pour devenir des vivants par Lui, en Lui et avec Lui. De même, à travers le signe du lavement des pieds, ce sont chacune de nos actions au service des autres qui deviennent instrument de l’œuvre de miséricorde du Seigneur en faveur de son peuple. L’humble geste du frère qui lave son frère ancien alité, le beau dévouement de la mère de famille qui prépare la cuisine et met la table, l’écoute offerte à celui qui est seul, la patience donnée pour accompagner l’étranger dans ses démarches administratives, la disponibilité pour faire les courses de son voisin… : nos vies quotidiennes sont remplies d’appels et de réponses, au service du frère et de la sœur dans le besoin. Pour eux, nous sommes alors à notre insu des serviteurs, des signes de la miséricorde de Dieu qu’il a lui-même répandu en notre cœur.

En ce soir, réjouissons-nous en célébrant l’eucharistie, mémorial des merveilles que Dieu a faites et qu’il continue de faire pour nous en Jésus mort et ressuscité, afin que nous soyons nous-mêmes instruments des merveilles qu’il désire faire pour tous les hommes et les femmes auprès desquels il nous envoie.

Homélie du 10 avril 2022 — Dimanche des Rameaux — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Année C - RAMEAUX - 10.04.2022

Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22,14 – 23,56

Homélie du P. Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs, Après avoir entendu ce long récit de la passion, nous pouvons être comme abasourdis par la violence, la haine et le mensonge qui se sont ligués contre Jésus. Le mal fait beaucoup de bruit et il ne cède la place qu’au silence de la mort. Et pourtant, à travers tous les textes lus, se fait entendre autre chose, comme une petite voix, un murmure qui ne laisse pas le dernier mot à la sidération. C’est la voix du prophète : « le Seigneur m’a ouvert l’oreille, et moi je ne me suis pas révolté…j’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient…je sais que je ne serai pas confondu… » Nous pouvons entendre alors une préfiguration de la passion de Jésus qui ne subit pas le mal, mais qui l’assume pour lui ôter son pouvoir fatal. « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir…Ceci est mon corps donné pour vous… Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang répandu pour vous… » Jésus a consenti à se laisser prendre, maltraiter, outrager, blesser et finalement tuer. Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Ainsi au cœur du mal, il a comme inoculé l’amour, le pardon et la miséricorde. « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis… » Avec confiance, Jésus se remet dans les mains du Père qui le ressuscitera. Durant la semaine qui vient, méditons ce mystère de mort et de vie. Laissons-nous transformer par lui, afin que grandisse et fructifie en nous l’espérance que la vie du Ressuscité est plus forte que le mal et la mort.

Homélie du 27 mars 2022 — 4e dim. du Carême — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

OBLATION REGULIERE DE F. GUY EYSSERIC - 4° Dim de Carême - 27.03.2022

(Jos 5, 10-12 ; 2 Co 5, 17-21; Lc 15, 1-3, 11-32)

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frère Guy,

Au début de cette eucharistie, alors tu feras dans quelques instants ton oblation régulière, nous avons demandé pour toi au Seigneur que la grâce de ton baptême s’épanouisse dans toute sa plénitude, à l’école de St Benoit… Depuis que le Christ a merveilleusement réconcilié le genre humain avec son Père, tel est notre but, quel que soit nos vocations : donner à notre existence de fils et fille de Dieu toute sa plénitude. Quel que soit notre âge, l’appel demeure : devenir davantage des fils et filles de notre Père des Cieux, et inséparablement devenir davantage des frères et sœurs en Christ…

L’évangile que nous avons entendu, se présente comme une magnifique parabole de ce chemin de croissance filiale et fraternelle sous le regard de tendresse de notre Père des Cieux. Sous le regard de notre Père des Cieux, devenir fils, devenir frère.

Sous le regard de notre Père des Cieux. Au cœur de cette parabole, le père est le principal protagoniste. De bout en bout, il est celui qui donne : il partage ses biens au fils qui veut partir, il l’accueille à son retour dans un débordement de tendresse, pour lui redonner sa dignité de fils…Le père donne aussi au fils resté, en lui partageant tout ce qu’il est et tout ce qu’il a… Le père est aussi celui qui espère toujours. Sa longue attente patiente manifeste la profondeur de son amour. De même, il espère en son fils resté. Il sort pour le supplier afin qu’il entre dans sa joie et celle de toute la maison. F. Guy, en choisissant la vie monastique, tu as reconnu cet amour du Père, comme un amour qui te précède et qui désire te faire vivre. St Benoit présente sa règle comme « l’instruction d’un père qui nous aime… qui daigne nous compter au nombre de ses fils » (Prol 1, 5). Ensemble, nous voilà placés sous cette lumière d’un père qui nous attend patiemment (Prol 37) parce qu’il est bon (RB 7, 37), et qu’il désire nous ouvrir peu à peu à la vie de son amour, « cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte » (RB 7, 67).

Devenir fils... Le fils qui part a peut-être pensé que devenir pleinement soi-même consistait à couper tout lien de dépendance pour s’assumer sans rien devoir à personne. Mais cette voie menée dans une vie de plaisir s’avère être une impasse. Et au cœur de sa vie de misère, ses yeux s’ouvrent. Dans sa déchéance, il prend conscience de sa dignité perdue de fils, réduit qu’il est à être moins bien nourri que les ouvriers de son père. Il prend le chemin du retour vers son père, n’estimant rien devoir demander, sinon le statut d’un ouvrier. Et il fait l’expérience qu’être fils ne se mérite pas. C’est un don gratuit, le don gratuit de l’amour surabondant d’un père qui l’attend. Le vêtement, la bague au doigt, les chaussures, et le festin lui redonnent sa dignité, fruit d’un amour qui n’a jamais fait défaut. Paradoxalement, le fils resté à la maison, et jaloux de son frère qui revient, se révèle lui aussi pas vraiment fils. Il regrette de n’avoir pas eu un chevreau pour festoyer avec ses amis, mais il n’a pas vu que « tout ce qui était à son Père était à lui ». Il a vécu à côté de son père, mais sans accueillir vraiment sa vie partagée. Il n’a pas encore pris toute la mesure de sa dignité de fils. F. Guy, cette parabole nous fait pressentir combien devenir fils est un chemin. St Benoit invite le moine, à écouter, et à revenir par son obéissance laborieuse vers celui dont il s’est éloigné par une désobéissance paresseuse. Il nous laisse entendre que nous sommes tous des fils partis, qui se sont éloignés de leur père. En nous, nous portons « les marques de l’errance » pour reprendre les mots d’une hymne. Laissés à nous-mêmes, nous sommes souvent enclins à prendre des chemins de facilité. Comme le fils resté, nous aussi sommes capable d’obéir en apparence, mais sans vraiment entrer dans l’intimité de notre père, dans l’intelligence de son vouloir. Devenir fils à la suite de St Benoit, par le chemin de l’obéissance et de la conversion, est d’abord un mouvement de confiance et d’abandon à l’amour de notre Père qui nous aime. C’est aussi prendre tous les moyens qui nous sont offerts pour mieux connaitre et aimer notre Père des Cieux à travers notre application dans la liturgie, préférée entre toutes les activités, mais aussi travers la lectio, cette lente recherche d’une connaissance plus vraie, plus aimante de notre Dieu. Ainsi peu à peu accueillir notre être filial, devenir fils…

Devenir frère… Le fils parti ne s’est pas soucié de son frère resté. Ce n’est qu’à son retour qu’il peut mesurer à travers son opposition qu’il a blessé son frère ainé. Et le frère resté, qui ne comprend pas l’amour débordant du père, se ferme à son frère cadet qu’il réduit à n’être qu’un jouisseur dispendieux. Les deux frères se sont manqués. Ils ne pourront se reconnaitre que dans l’amour du Père accueille de nouveau en profondeur par chacun d’eux. La vie monastique, f. Guy, voudrait nous apprendre à ne pas nous manquer, à nous reconnaitre vraiment comme des frères, parce que fils d’un même Père des cieux. Souvent, nous sommes aveugles, et nous nous arrêtons à ce que l’un reçoit et l’autre non, à ce que l’un fait et que je ne peux faire... La jalousie, l’envie, les indélicatesses, les manques d’attention nous donnent la mesure du chantier que représente la vie fraternelle. Nous n’avons pas fini de progresser. St Benoit nous invite à entrer dans un amour fraternel fait de respect et de bienveillance lorsqu’il nous exhorte à nous prévenir d’honneur mutuels, mais aussi à supporter nos infirmités morales et physiques, c’est-à-dire en acceptant de ne pas tout comprendre de l’autre et à le porter. Il nous entraine même plus loin lorsqu’il nous demande de nous obéir mutuellement à l’envi (RB 72)….

F. Guy avec toi ce matin nous rendons grâce d’avoir été appelés à vivre notre baptême dans la vie monastique et, à cette école, d’apprendre à devenir sous le regard de notre Père des Cieux à devenir des fils et des frères. Nous le prions qu’Il nous donne son Esprit et qu’Il nous conduise tous ensemble à la vie éternelle.

Homélie du 25 mars 2022 — Annonciation — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

ANNONCIATION DU SEIGNEUR -25.03.2022

Is 7 10-14 ; Heb 10 4-10 ; Luc1 26-38;

4

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et Sœurs,

« Le Verbe s’est fait chair ». Le Fils de Dieu est devenu pleinement homme. Fondement de notre foi chrétienne dans lequel nous confessons la proximité de Dieu avec notre humanité, on devrait dire la profonde intimité que Dieu tisse avec l’homme. Oui, depuis ce jour de la conception de Jésus dans le sein de Marie, Dieu prend au sérieux notre vie d’homme, notre vie dans la chair, dans une histoire et une culture. Jésus, le Fils de Dieu a accepté d’embrasser la condition limitée d’un homme, en assumant les étapes de sa croissance, en consentant à sa condition fragile exposée à la faim, à la soif, et finalement à la souffrance. Il a épousé la culture de son peuple, en s’inscrivant dans son histoire, en prenant place dans la lignée de David. Oui, Lui, le Fils de Dieu a pris au sérieux notre condition humaine en la faisant vraiment sienne. Pourquoi ? Pour nous apprendre à être vraiment des hommes, et pour nous partager en échange sa vie divine.

Jésus s’est révélé un maitre à part au milieu de son peuple. Il avait une autorité pour donner une parole de vie aux hommes et aux femmes de son époque. En prêchant la venue du Royaume tant espéré par son peuple, un Royaume de justice et de paix, il a révélé que la venue de ce Royaume était inséparable d’une nouvelle manière de devenir homme… Devenir pleinement humain en le suivant lui par une vie selon la justice et la vérité. Devenir humain par une vie filiale avec notre Père des Cieux et une vie d’amour avec nos frères et sœurs. Mais plus encore, devenir par l’acceptation et par l’offrande de notre finitude et de notre mort. Finalement, Jésus nous a appris à devenir pleinement humain non tant par son enseignement, que par son existence toute tournée vers ses frères et vers son Père jusque dans la mort. A ce moment absurde, il a consenti à s’offrir. Comme le dit l’épitre aux Hébreux, « nous sommes sanctifiés par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toute »… Être homme, c’est pouvoir comme Jésus faire confiance à notre Père jusqu’au dernier souffle, en s’abandonnant entre ses mains à l’impossible,

L’épitre aux hébreux, dit que par l’offrande de Jésus-Christ, nous sommes sanctifiés… La Bonne nouvelle de l’Evangile est en effet que notre devenir pleinement humain, s’il requiert de notre part un effort, est avant tout un don, un pur cadeau que nous recevons de la Croix de Jésus accomplie par sa Résurrection. Jésus a ouvert pour nous et à notre profit un chemin vers la vie éternelle, en franchissant l’impasse de la mort pour ressusciter. L’humanité qu’il a assumée s’en trouve pleinement accomplie et renouvelée. En remettant notre foi à Jésus, en nous greffant sur Lui par le baptême, en nous recevant de son corps et de son sang au cours de chaque eucharistie, nous fortifions en nous cet homme nouveau en train de s’accomplir… Un homme qui est déjà habité par la vie divine de l’Esprit, en marche vers sa transfiguration en Dieu, dans lequel il prendra part pleinement à la vie divine….

Oui ce matin, nous rendons grâce à Dieu qui a pris au sérieux notre vie humaine pour nous entrainer dans sa propre vie. Frères et sœurs, il nous reste à nous de prendre au sérieux le don que Dieu nous fait en Jésus, pour laisser dès maintenant nous laisser enseigner par lui et transformer par sa vie divine qu’il nous offre.

Homélie du 20 mars 2022 — 3e dim. du Carême — Frère Hubert
Cycle : Année C
Info :

Année C - 3e dimanche de Carême - 20 mars 2022

Ex 3 1-15 ; 1Co 10 1-12 ; Lc 13 1-9 ;

Homélie du f. Hubert

Texte :

« J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris, je connais ses souffrances. »

Frères et sœurs, Dieu voit la misère de son peuple en Ukraine, et il en souffre.

Il souffre chaque fois que l’homme se fait du mal à lui-même,

chaque fois que les hommes se défigurent et se détruisent les uns les autres.

Dieu voit aussi la misère de son peuple en Russie, victime du mensonge et de la dictature du pouvoir,

la misère de son peuple au Soudan, en Birmanie, à Madagascar, en bien d’autres lieux ;

il voit la misère de son peuple dévoré par le dieu argent,

la misère de son peuple, où qu’il soit, asservi de tant et de tant de manières…

« Je suis descendu pour le délivrer. »

Est-ce vrai que Dieu nous délivre ?

Nous voudrions bien qu’intervienne, qu’il arrête la guerre, les guerres.

Mais intervient-il dans l’histoire ?

Est-il ce dieu tout-puissant de nos imaginaires

qui tire les ficelles de nos vies et qu’il faut supplier pour que sa bonté nous advienne ?

Que veut dire prier Dieu pour la paix ?

Sans lui, nous ne pouvons rien faire,

mais lui n’agira pas sans nous.

« C’est du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses » :

prier pour que l’Esprit change les cœurs, nos cœurs, nous convertisse, est une exigence évangélique.

Nous voudrions que Dieu arrête la guerre,

mais sommes-nous prêts à ne pas guerroyer pour défendre nos droits,

pour augmenter nos possessions et notre pouvoir, quels qu’ils soient ?

Sommes-nous prêts à nous dépouiller de nous-mêmes pour que la paix advienne,

pour que nos relations humaines soient honorées plus que nos avoirs et nos gains ?

Sommes-nous prêts à nous dépouiller pour partager, pour que d’autres vivent dans la dignité ?

Sommes-nous assez humbles pour recevoir des autres,

assez respectueux pour ne pas leur extorquer leurs biens, bafouer leur dignité ?

La prière sert-elle à quelque chose, ou nous donne-t-elle seulement bonne conscience ?

Oui, la prière est la meilleure des choses

si en elle notre désir s’accorde au désir de Dieu, si elle est le creuset de notre conversion,

si elle détruit nos propres peurs, nos propres barricades,

si elle nous ouvre aux autres et à notre propre vérité d’enfants de Dieu,

tous sauvés et vivifiés par un Dieu fait homme qui se livre entre nos mains.

La prière est vraie si, le plus honnêtement possible, nous demandons l’Esprit saint pour nous-mêmes, et pour ceux qui font la guerre, et pour ceux qui la subissent.

Lui seul peut ouvrir des chemins inespérés en ouvrant les cœurs, et d’abord les nôtres.

Nous ne nous convertirons pas sans l’Esprit saint, et l’Esprit est la respiration de la prière.

Le drame de l’Ukraine peut nous réveiller de nos endormissements, de nos endurcissements,

dus à notre égoïsme,

mais faut-il attendre un tel drame pour nous convertir ?

« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »

Il y a urgence. En tout temps.

Comme nos cœurs sont lents à croire, à se laisser toucher par l’amour !

Dieu intervient dans l’histoire, dans nos histoires, mais il intervient comme un pauvre.

Il vient recevoir nos coups, nos meurtres, nos blessures,

tous nos mépris, nos orgueils mortifères.

Il les reçoit et ne les rend pas. Il encaisse, il bénit, il nous bénit.

Prier, sans nous convertir pour marcher comme lui a marché, n’est que vanité.

« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »

La conversion est urgente pour tous.

Même s’il y a des agresseurs et des agressés,

il n’y a pas les bons ukrainiens d’un côté, et les mauvais russes de l’autre,

les bonnes nations de l’Ouest et les mauvaises de l’Est, ou inversement.

Chaque homme est bon, chaque homme est blessé par le mal.

Les lignes de fractures passent non à l’extérieur mais à l’intérieur chacun de nous,

comme aussi à l’intérieur de chaque peuple.

Prions pour nous convertir, pour que l’Esprit nous donne d’être artisans de justice et de paix.

Dieu voit notre figuier qui ne porte pas de fruit, ou même qu’il en porte de mauvais.

Alors, il vient bêcher autour, mettre du fumier.

Il livre sa vie, il verse son propre sang, pour que l’arbre mortifère de la croix devienne l’arbre de vie ;

il se donne en nourriture. Il patiente. Il espère.

Il se fait homme pour être la Parole de Dieu au cœur de l’homme

et la parole de l’homme au cœur de Dieu : un oui enfin, une alliance accomplie, jamais rompue.

Oui, Dieu a vu la misère de mon peuple et il est descendu,

mais il nous appelle, il compte sur nous, il nous honore comme vrais partenaires,

il ne nous délivre pas sans nous.

Il appelle Moïse, ce petit hébreu promis à la mort dès sa naissance,

sauvé des eaux par sa mère et par la fille de Pharaon,

traité comme le fils de Pharaon, formé à toute la sagesse de l’Egypte.

Ce Moïse, il a voulu de sa propre initiative, défendre son peuple opprimé, soumis à l’esclavage.

Mais ne se référant qu’à lui-même, c’est la violence qui l’a dominé et il est devenu assassin.

La peur l’ayant fait fuir au désert, il y perd toutes ses richesses et sa suprématie.

C’est là que Dieu le rencontre, sous la forme d’un buisson en feu qui ne se consume pas.

« Va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël.

Je suis qui je suis, et je serai avec toi. »

« C’est entre nos mains que « Dieu » a placé le sort de nos semblables »,

écrivent des chrétiens dans un texte publié cette semaine dans La Croix.

Acceptons-nous d’être envoyés pour libérer nos frères et sœurs,

en commençant par nous libérer de ce qui nous empêche d’être frères ?

Prions pour que nous nous laissions saisir par l’Esprit,

pour avoir la grâce et la force d’être artisans de justice et de paix ;

prions pour que ceux qui agressent les autres – et c’est parfois nous –

se convertissent au respect et à la paix.

Dans la communion des saints, chacun de nos comportements construit ou détruit le corps entier.

Viens, Esprit Saint !

Homélie du 19 mars 2022 — Saint Joseph — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

ST JOSEPH - 19.03.2022

1 Sa 7, ; Rm 4, 13, 16-18,22 ; Mt 1, 16-24

Homélie du P.Abbé Luc

Texte :

Frères et Sœurs,

Un mot revient dans les trois lectures que nous avons entendu, c’est le mot « père »… Un mot si chargé de sens pour notre vie humaine et pour notre foi chrétienne. Un mot que la figure de St Joseph éclaire d’une manière singulière.

Pour le roi David, comme pour tous les rois de toutes les époques, pouvoir engendrer, et notamment un fils qui puisse reprendre le trône à sa suite, était une question vitale. Par le prophète Nathan, Dieu révèle à David qu’effectivement il aura une descendance née de lui dont la royauté sera stable. Et Dieu lui promet qu’il entretiendra une relation privilégiée avec toute sa maison, et plus particulièrement avec un membre de sa descendance : je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils… Le vrai père de la descendance, c’est Dieu.

Dans sa lettre aux Romains, Paul élargit encore la notion de paternité… Si pour tout juif, Abraham est considéré comme le père du peuple juif, héritier des promesses, Paul invite à une compréhension plus profonde. La vraie paternité d’Abraham ne s’exerce pas tant sa descendance charnelle, qu’envers tous ceux qui comme lui deviennent croyants. Abraham se révèle vraiment père sa foi en Dieu. « Espérant contre toute espérance, il a cru, et ainsi il est devenu le père d’un grand nombre de peuples ». Croire en Dieu, lui faire confiance, nous place tous comme croyant sous la bénédiction de Dieu faite à Abraham. Nous devenons ses fils.

Joseph, époux de Marie est entrainé à entrer dans une paternité toute singulière. Par l’ange entendu dans le songe, il est invité à devenir vraiment père de l’enfant que porte son épouse, un enfant qui n’est pas de lui, mais engendré de l’Esprit Saint. Il va pleinement assurer son rôle de père nourricier et d’éducateur vis-à-vis de cet enfant qui non seulement n’est pas le sien, mais qui vient de Dieu. Joseph est père, mais il s’efface devant le vrai Père, celui qui est dans les Cieux. Par sa foi qui consent à cette destinée si peu confortable, il se met au service du Fils de Dieu, Jésus, le Seigneur qui sauvera son peuple de ses péchés. Il révèle combien la paternité n’est pas un pouvoir sur l’enfant, mais un service.

En ce matin, nous rendons grâce à Dieu, en faisant mémoire de la figure de Joseph. Il est une lumière pour nous : il nous montre que la paternité charnelle n’épuise pas le mystère de la transmission de la vie. Celle-ci se vit dans le service du dessein de Dieu notre Père. Lui seul est source de notre vie présente, mais aussi de notre vie dans la foi, préfiguration de la vie à venir, lorsque nous nous tiendrons dans sa présence de gloire. Comme fils et fille de Dieu, chacun à notre place, lorsque nous croyons en Dieu et au Christ, nous sommes instruments de la transmission de la vie divine. Lorsque nous donnons à la Parole de Dieu une place toujours plus grande pour guider notre vie, au service de nos frères et sœurs, nous exerçons une forme de paternité maternité. Que le Saint Esprit nous rende disponible à cette œuvre de fécondité dont le Seigneur est l’auteur et nous les instruments pour que sa Vie se transmette pour notre bonheur et celui de ceux auprès desquels il nous envoie.

Homélie du 13 mars 2022 — 2e dim. du Carême — Frère Basile
Cycle : Année C
Info :

Année C - 2° Dimanche Carême - 13 mars 2022

Genèse 15, 5-12 + 17-18 / ps 26 - Philippiens 3, 17 à 4,1 - Luc 9, 28b-36

Homélie du F.Basile

Texte :

Frères et soeurs, nous sommes aujourd’hui sur la montagne : ouvrons nos yeux à la lumière divine, nos yeux et nos oreilles, surtout l’oreille du cœur pour écouter sa Parole. « Ecoutez-Le », c’est le dernier mot sur lequel s’achève ce « son et lumière » étonnant de la Transfiguration.

Qu’est-ce que le Seigneur veut nous révéler par là, alors que nous sommes en carême : pourquoi ce détour par la montagne de la Transfiguration ? Mais ce n’est pas un détour, ce n’est pas un épisode parmi d’autres dans la vie de Jésus, c’est un événement central, comme un pivot autour duquel tout s’ordonne. Les 3 évangiles de Matthieu, Marc et Luc rapportent cet événement, chacun avec un accent différent, mais pour les 3, il a bien lieu entre la 1° et la 2° annonce de la Passion, cette Passion du Fils de l’homme que Pierre ne peut accepter.

Sur la montagne, dans le récit de Luc, Jésus s’entretient avec Moïse et Elie de son départ, litt. de son exode, de sa sortie de ce monde, qui aura lieu à Jérusalem, et il nous faut comprendre qu’il s’agit de sa mort et de sa résurrection : la gloire et la croix, il y a là un raccourci très fort que les 3 disciples ne comprennent absolument pas. Ils voient le vêtement blanc, mais ils ne font pas le lien avec le Fils de l’homme souffrant que Jésus leur a annoncé. Ils voient la gloire de Jésus, ils reconnaissent Moïse et Elie, et Pierre propose de dresser 3 tentes, allusion sans doute à la fête des Tentes et au retour du Messie, mais « il ne savait pas ce qu’il disait. » En fait, en redescendant de la montagne, ils vont garder le silence et ils ne comprendront l’événement qu’après Pâques.

Mais nous, devant ce mystère de gloire, de lumière, car la Transfiguration, c’est bien cela : la gloire de Dieu qui rayonne sur un visage d’homme, je crois que nous sommes mieux placés que les disciples pour faire le lien avec Pâques, car seule la lumière de la Résurrection éclaire vraiment la Transfiguration. C’est donc important que nous célébrions ce mystère durant le carême pour nous conduire à la nuit pascale où nous chanterons le Christ ressuscité, notre Lumière. St Paul le dit ailleurs dans une formule magnifique : « c’est Dieu qui brille dans nos cœurs pour y faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. » (2 Cor 4, 6)

Luc est le seul à nous dire que cette illumination du visage de Jésus survient dans la prière. Il emmène ses 3 disciples sur la montagne pour prier, et « pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre. » Il ne s’agit pas d’un flash, d’un spot lumineux qui viendrait l’éclairer ; cette lumière jaillit de l’intérieur, elle vient de sa prière, c’est à dire de sa relation au Père. Les disciples le voient comme ils ne l’avaient jamais vu : c’est bien pourtant l’homme Jésus, mais habité par l’Esprit de Dieu dans une relation unique à son Père ; alors la voix qui s’adresse aux disciples et à nous maintenant prend toute sa force : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le » Voilà ce que nous devons faire aujourd’hui : regarder vers le Christ pour être à notre tour illuminés, transfigurés : « Regardez vers lui, dit le psaume, et vous resplendirez, sans ombre, ni trouble au visage. » (ps 33)

Le visage, c’est ce qu’il y a de plus beau dans le corps humain : hélas depuis 2 ans nos masques l’ont défiguré. Il est fait pour refléter la lumière et la communiquer aux autres et j’ai envie de dire qu’il est en attente de résurrection ou de transfiguration. Ces 2 mots sont très proches. En ce jour, il nous faut regarder vers le visage du Christ, laisser la source de lumière atteindre tout notre être, changer notre regard, et même notre façon d’aimer. Le P. Shoufani, l’ancien curé de Nazareth, disait :

« Aimer, c’est ne plus voir la vie et les êtres que dans la lumière qui les traverse : c’est voir l’être humain, si opaque parfois, non pas tel qu’il est, mais tel qu’il est appelé à devenir lorsqu’il se sera éveillé à la lumière, tel qu’il est déjà habité par la clarté divine, même s’il ne le sait pas encore. »

Oui, dans la Transfiguration, il y a un déjà là et un pas encore. Car nous sommes tous appelés comme Jésus à ressusciter dans notre corps. Paul disait dans la lettre aux Philippiens (2° lecture) : « Nous attendons le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » Voilà ce « pas encore » que nous attendons, mais déjà, par la transformation de notre regard, illuminé par le Christ, et jusque dans la souffrance même, nous pouvons vivre un peu de la résurrection promise : la Transfiguration n’est pas une antidote à la souffrance et à la mort, une sorte de parenthèse sur un petit nuage, c’est une expérience divine dans notre chair humaine, une expérience capitale pour la vie chrétienne. Elle va donner du sens et de la valeur à notre corps qui souffre, à notre vie qui va vers la mort, et elle contient en germe la résurrection.

J’aimerais citer pour finir un texte d’Olivier Clément, ce grand théologien orthodoxe, qui disait aux sœurs de Pomeyrol : « La Transfiguration ne doit jamais être séparée de cet « exodos » dont parle Jésus avec Moïse et Elie, c’est à dire de sa Passion, de cette réalité de l’amour vécu jusqu’au bout, jusqu’à la mort et donc jusqu’à la victoire sur la mort A partir de ce moment-là, pour nous, la Lumière vient d’une manière accessible, parce que pour nous qui sommes dans la mort, elle nous vient à travers la mort, à travers Celui qui nous rejoint dans la mort, Celui qui a pu dire :’Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’

A partir de ce moment-là, cette Lumière va nous rejoindre dans la profondeur même de l’Eglise, à travers la Parole de Dieu, à travers le pain et le vin de l’Eucharistie, à travers toute cette réalité de l’Eglise qui est le mystère du Christ dans l’Esprit Saint. » (conférence donnée à Pomeyrol en août 1992)

F et S, laissons cette Lumière du Christ nous rejoindre aujourd’hui dans un monde très assombri. Même si pour beaucoup d’hommes et de femmes, c’est encore la nuit, il faut leur dire qu’il y a des lieux, des moments et des êtres de transfiguration. Je pense à notre frère Bernard. Que Dieu lui donne pleine lumière ! Amen

Frère Basile

Homélie du 06 mars 2022 — 1er dim. du Carême — Frère Jean-Louis
Cycle : Année C
Info :

Année C - 1er dimanche Carême (C) (06/03/2022)

(Dt 26, 4-10a – Ps 90 – Rm 10, 8-13 – Lc 4, 1-13)

Homélie du F. Jean -Louis

Texte :

Frères et sœurs, - Avec le Mercredi des Cendres, ce premier dimanche de Carême constitue une première étape de notre montée vers Pâques. Nous venons d’entendre le récit des tentations du Christ au désert. Cette année, il s’agit du récit de l’Évangile selon saint Luc.

Nous y voyons que la place de l’Esprit Saint est essentielle. Dans les deux premiers versets, il nous est cité deux fois : « Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain » et « dans l’Esprit Saint, il fut conduit à travers le désert. » Au baptême, le Christ a reçu en effet l’Esprit Saint et il se laisse conduire par lui à travers le désert où il sera tenté.

Jésus jeûne et a faim. Précision brève et simple mais qui nous montre toute l’humanité, la pleine humanité du Christ. Dieu, en Jésus Christ, a fait l’expérience humaine de la faim. Quand on y réfléchit, il y a de quoi avoir le vertige : Dieu a eu faim. Vient alors le tentateur qui propose à Jésus, si j’ose dire, de mettre fin à sa faim, mais de façon subtile : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne » : il s’agit pour Jésus de prouver, peut-être de se prouver, de façon indiscutable, quasi scientifique, qu’il est le Fils de Dieu, qu’il est Dieu, par un acte de puissance. Le diable utilise la faim bien réelle du Christ pour l’amener à se poser en Fils de Dieu par un miracle. Fuir une fragilité pour affirmer sa puissance. Quelle belle tentation ! N’est-ce pas souvent une tentation dans notre monde qui fuit la fragilité et valorise tant la puissance, la force ? Le Christ refuse en citant la Parole de Dieu : « L’homme ne vit pas seulement de pain »il en cite une partie mais tout connaisseur de la Bible en sait la suite « mais de toute Parole sortant de la bouche de Dieu. »

Autre tentation, celle du pouvoir sur tous les royaumes. Le tentateur part d’un mensonge, il se présente comme le maître, le propriétaire de tous les royaumes de la terre alors que la Bible a bien montré que c’est Dieu qui est le créateur et le maître, le roi de la création. Le diable invite alors le Christ à se prosterner devant lui pour recevoir de lui la propriété des royaumes et donc il s’agit pour le Christ de reconnaître que les royaumes de la terre sont sa possession à lui, le diable. Notons que ce dernier promet de donner le pouvoir et la gloire des royaumes. Il ne propose pas à Jésus d’être serviteur ni sauveur des peuples. Il ne fonctionne que dans la catégorie du pouvoir, de la gloire. La suite de l’évangile montrera que la royauté du Christ sur la terre passera pour le Christ par la croix. Pas de gloire sans la croix. Tout le contraire de ce que propose le démon, tout le contraire de ce à quoi nous aspirons spontanément.

Enfin, la troisième tentation, Jérusalem, le Temple. C’est que l’évangile de Luc est bâti sur la montée du Christ vers Jérusalem, lieu du sacrifice final, de la mort et de la résurrection. Et là, la tentation est à nouveau très subtile. Car le diable utilise la Parole de Dieu pour tenter, ici, le psaume 90 qui a été chanté après la première lecture. Apparemment, cette tentation n’en est pas une. Il s’agit de faire confiance à la parole du Seigneur, au fait qu’il ordonnera à ses anges de protéger son Fils. Mais la Christ a percé la ruse. La confiance n’a pas besoin de preuves. Si Dieu a promis sa protection, nul n’est besoin de vérifier qu’il respectera sa parole.

Frères et sœurs, que peuvent nous dire aujourd’hui les lectures de ce jour ? Parmi les nombreuses réponses qui peuvent être apportées, j’en relèverai quelques-unes.

Et d’abord, c’est peut-être évident mais est-ce si évident pour nous ? C’est que la tentation n’est pas le péché. Être tenté, ce n’est pas encore avoir péché. Nous croyons de foi que le Christ, vrai Dieu et vrai homme, est semblable à nous en toutes choses excepté le péché, et pourtant, il a été tenté… Dieu, en Jésus Christ, s’est abaissé jusqu’à accepter ces épreuves de la tentation comme chacun de nous. Mais il n’a pas cédé, il n’a pas péché. Ne nous décourageons donc jamais devant les tentations, ne considérons jamais que nous avons péché parce que nous avons éprouvé cette expérience douloureuse ou humiliante de la tentation. Ce serait oublier la victoire du Christ sur le mal, sur le diable.

Ensuite, dans deux de ces trois tentations, la première et la troisième, il y a plus ou moins la tentation d’affirmer, de prouver sa filiation au Père par un acte de puissance : transformer des pierres en pains, se jeter du haut du Temple pour que le Père intervienne miraculeusement. Si le Christ est Fils de Dieu, est-ce qu’il le croit lui-même ? Qu’il montre sa puissance. Qu’il le prouve.

La seconde tentation, elle, vise à détourner complètement le Christ de son Père en l’amenant à se prosterner devant le diable pour acquérir une puissance dont le diable, en fait, ne dispose pas, celle de la gloire des royaumes terrestres.

Nous voyons ainsi que ces trois tentations tournent autour du pouvoir, de la puissance. Le diable fait miroiter à Jésus l’intérêt de la gloire, mais d’une gloire terrestre. N’est-ce pas cela que dénonce le pape en parlant de mondanité spirituelle, du désir effréné de possession ? N’est-ce pas de cela que nous rêvons en regrettant la fragilité actuelle de notre Eglise ? N’est-ce pas cela qu’il y a derrière notre désir de voir se réaliser des miracles, des actes extraordinaires pour nous prouver et prouver aux incroyants que Dieu existe vraiment ? N’est-ce pas cela qui se trouve derrière notre conception de la foi comme d’un paratonnerre devant nous éviter tout problème, toute épreuve ? Est-ce que vraiment le bon, le vrai chrétien est celui à qui il n’arrive rien de mauvais ? Mais alors, le Christ est-il un bon chrétien ? La vie du Christ nous montre en fait que la gloire passe par le chemin de la croix. C’est peut-être le refus de cette vérité qui fait se détourner nombre de personnes de la foi chrétienne.

La première lecture nous rappelle que lorsque le juif présente les prémices de ses récoltes à Dieu, il doit se rappeler qu’il lui doit tout, que dans toutes les situations de détresse qu’il a vécues, c’est Dieu qui est intervenu, non pas pour lui éviter ces situations mais pour l’en libérer.

Et Paul, dans la seconde lecture, nous rappelle l’importance de la Parole de Dieu. Proclamer sa foi nous sauve, invoquer le Seigneur également. Il ne s’agit pas d’affirmer notre puissance mais de compter sur Dieu, quoiqu’il arrive.

Si le diable tente le Christ, c’est pour l’amener à désirer manifester sa puissance, sa force, ou désirer acquérir une gloire terrestre. Si le diable se retire jusqu’au moment fixé, c’est que, lors de la Passion, les prêtres diront au Christ : « qu’il se sauve lui-même s’il est le Messie de Dieu, l’Elu ! » Tentation proche de celle du diable qui invitait Jésus à faire preuve de sa puissance s’il était le Fils de Dieu. Le Christ ne cèdera pas à cette dernière tentation. Il acceptera la mort pour nous libérer de la mort.

Frères et sœurs, voici un programme offert pour ce carême : Tout ramener au Père, ne compter que sur lui et son action par le Fils et l’Esprit Saint. L’histoire nous rappelle que Dieu est intervenu pour sauver l’humanité, qu’il intervient encore. Que son Salut n’est pas que passé mais qu’il est actuel. Et ce n’est pas pour nous faire manifester notre supposée puissance mais pour accepter nos limites et apprendre à compter sur lui seul. C’est aussi ce que nous dit la Croix du fils prodigue derrière l’autel. Il quitte son père avec beaucoup d’argent qu’il dépense. Il est dans la richesse, la gloire terrestre puis, vient la famine, la misère. Il accepte sa pauvreté et c’est alors qu’il se lève pour retourner vers son père et y trouver son salut. Alors, le bonheur est au bout du chemin et non pas le doute. Alors va poindre la lumière de Pâques, la lumière de la Résurrection. Vous me direz que ce n’est pas très original mais le carême est là pour nous rappeler des attitudes, des éléments de la foi qui ne sont pas extraordinaires mais plutôt bien ordinaires et que nous avons tendance à oublier. Demandons à l’Esprit Saint durant ce carême, de faire de nous des hommes et des femmes conscients de leurs fragilités mais comptant envers et contre tout sur Dieu non pas pour être forts mais pour lui être unis envers et contre tout. Soyons en cela de véritables disciples du Christ. Alors, le bonheur est au bout du chemin et non pas le doute sur la fidélité de notre Dieu. Alors va poindre la lumière de Pâques, la lumière de la Résurrection.

AMEN

Homélie du 02 mars 2022 — Mercredi des Cendres — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

CENDRES - 02.03.2022

Jl 2, 12-18 ; 2 Co 5, 20-6, 2 ; Mt 6,1-6, 16-18

Homélie du P.Abbé Luc

Texte :

Frères et Sœurs, - « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché afin qu’en lui nous devenions juste de la justice même de Dieu », venons-nous d’entendre. Paul relit ainsi en une phrase le mystère de la rédemption que nous ne cesserons d’approfondir durant ces 40 jours de Carême qui nous préparent à la célébration de Pâques. Nous allons méditer, célébrer le mystère du Christ venu nous chercher. Alors que « nous étions perdus, incapables de nous rapprocher de Dieu, celui-ci nous a aimé de plus grand amour, son Fils, le seul juste, s’est livré lui-même à la mort » prierons-nous dans quelques instants… Et en méditant le mystère du Christ, inséparablement nous ouvrons davantage les yeux sur le mal qui blesse notre humanité et qui entrave notre propre liberté. Durant ces 40 jours, nous aurons sous les yeux, au chœur, cette croix peinte par le f. Yves, dite croix de l’enfant prodigue. Nous y reconnaissons autour de la croix, différents tableaux illustrant la parabole de l’enfant prodigue… Mais en fait, plus qu’une illustration de la parabole, l’association du thème de la croix avec le récit de la parabole, nous entraine à contempler le mystère du salut de notre humanité opéré sur la croix comme la course du Christ, qui s’est fait prodigue, péché pour nous, afin de nous ramener vers le Père. Le jeu des couleurs utilisées est suggestif. Le Christ en croix est tout en bleu-vert, de la même couleur que les sept porcs auprès desquels se désole le fils prodigue avant de faire retour sur lui-même pour revenir vers son Père. Sur la Croix, Jésus, lui le seul juste, a accepté d’être considéré comme un pécheur, un homme blessé par les impuretés dont les porcs sont l’image.

Durant ces 40 jours, nous sommes invités à regarder davantage vers Jésus. C’est vers lui qu’il faut revenir en déchirant notre cœur, par le jeûne, la prière et les larmes qui veulent exprimer et servir notre désir de repentir. Notre engagement dans une prière plus instante, dans une participation plus aimante aux célébrations de la liturgie, notre engagement dans le jeûne et dans une charité plus effective avec nos frères n’est pas le but, mais un moyen. L’évangile nous rappelle combien il nous faut veiller à la justesse de notre engagement dans la prière, le jeûne et l’aumône. Si cet engagement sert à nous mettre en valeur aux yeux des autres ou de nous-mêmes, il est vain et inutile. Cet avertissement de Jésus, nous permet de mieux entendre ce qui intéresse notre Père des Cieux. Ce qu’il désire le plus, c’est que nous tissions avec Lui, une relation toujours plus juste et plus aimante. Il n’a que faire de nos exploits, mais il cherche à nouer en Jésus ce « lien de charité si fort que rien ne pourra le défaire ». Oui comme nous le prierons dans la prière eucharistique, entrons dans « ce temps de grâce et de réconciliation, par la conversion du cœur, en mettant notre espérance dans le Christ Jésus, en nous dévouant au service de tous les hommes, et nous livrant davantage à l’Esprit Saint »…