Homélies
Liste des Homélies
Année C - 6e dimanche de Pâques - 22 mai 2022
Act 15 1-29 ; Ap 21 10-23 ; Jn 1423-29
Homélie du F.Hubert
Départ de Jésus lors de l’Ascension, séparation d’avec les siens lors de la Passion.
Frères et sœurs, l’évangile de ce dimanche qui précède l’Ascension, n’est pas le récit d’une apparition du Ressuscité, mais un extrait de la parole de Jésus, avant sa Pâque, par laquelle il prépare ses disciples au bouleversement qu’elle va provoquer en eux.
L’heure est grave. Il va les quitter. Il va souffrir, mourir de mort violente, rejeté par ceux-là mêmes qui ont pour charge de tenir l’Alliance. L’incompréhension et l’inquiétude saisissent les disciples. Leurs questions manifestent leur trouble. Qu’en est-il donc de la mission messianique de leur Maître ? Ne doit-il pas se manifester à l’humanité entière ?
Jude se fait le porte-parole :
« Seigneur, comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ? »
A cela, Jésus répond : « Si quelqu’un m’aime… »
Sa manifestation n’est ni réservée aux seuls disciples, ni imposée à tous de façon impérieuse.
Il s’agit d’amour, de don et d’accueil, de foi en la Parole vivante.
Jésus n’impose sa victoire à personne, mais tout être qui aime reçoit la promesse de rencontrer le Vivant. S’il le veut, tout homme peut, devenir disciple du Fils et avoir part à sa vie.
Jésus ne reprend pas le mot “manifestation” mais celui de “venue” qui aboutit à une “demeure”. Cette venue est pour le quotidien de la vie humaine, elle est d’ordre spirituel, se réalise dans le présent de la foi et consiste dans une parfaite communion entre le Père, le Fils et le disciple. Nouvelle présence de Jésus pour les siens, non plus “avec”, à côté, mais “en” eux… Présence invisible, mais présence de feu, brûlant le cœur.
Jésus est notre Chemin vers le Père, mais le Père et le Fils viennent aussi dans nos cœurs de disciples. Jésus est le nouveau Temple, mais le croyant lui-même devient aussi la demeure de Dieu. L’Incarnation du Verbe, chantée par le Prologue, parvient à son but : la divinisation de l’homme.
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole.
Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. »
Voilà la réponse à la question de Jude.
Quelle est cette parole ou ces paroles de Jésus ?
Ce ne peut être que le commandement de l’amour : ”aimez-vous les uns les autres”,
“mettez-vous au service les uns des autres”. Jésus en a donné l’exemple en lavant les pieds de ses disciples. Être fidèle à sa parole, qui est celle du Père, c’est se mettre au service très concret de ses frères. Si qqn m’aime, il se mettra au service de ses frères ; mon Père l’aimera, nous viendrons demeurer en lui. Celui qui ne m’aime pas ne se mettra pas au service des autres… L’Esprit que le Père enverra en mon nom, vous enseignera à aimer, il vous fera souvenir du commandement d’amour.
« Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. »
Jésus, homme, va enfin rencontrer le Père ! Son humanité – prémices de la nôtre – va entrer dans la gloire du Père, dans la plénitude indicible de l’Amour. Si les disciples l’aimaient, ils se réjouiraient pour lui. Ils se réjouiraient pour eux aussi, car un jour viendra leur tour. Jésus va leur préparer une place, et là où il est, ils seront eux aussi.
Jésus va souffrir et mourir, mais il ne va pas vers le néant : il va vers le Père, il retourne à Lui, dont il vient et qu’il aime.
Son obéissance n’est pas une obéissance d’esclave, de dominé, c’est une adhésion libre, d’amour libre et fervent.
Si Jn-Bp s’est réjoui à la voix de l’Époux, les disciples devraient se réjouir bien plus encore : l’Époux retourne au Père, pour le glorifier et être glorifié par lui, et il ouvre le chemin à une multitude de frères qui, en lui et par lui, glorifieront aussi le Père et recevront sa gloire.
« Ne soyez pas bouleversés ni effrayés.
Je m’en vais, et je reviens vers vous.… L’Esprit vous enseignera tout. »
C’est par l’Esprit que Jésus sera manifesté.
Par l’Esprit, ses paroles s’éclaireront et se dévoileront tjrs davantage.
L’Esprit est en nous une source infinie de vie, pour nous faire sortir vivants de toutes nos morts et de la mort !
Enfin, avant même que l’Esprit soit répandu, Jésus donne à ses disciples sa paix.
Il ne la leur souhaite pas, il la leur donne, tel un legs.
La paix qu’il donne est le fruit de sa victoire sur la mort.
Quand toutes ces choses arriveront, les disciples pourront croire, càd reconnaître le Vivant dans le Crucifié, le Vivant, un avec le Père et source de vie pour les siens.
Chaque jour nous apporte joies et épreuves, relations heureuses ou difficiles. Puissions-nous, dans l’Esprit, les aborder toutes et les gérer de telle manière que le monde sache que nous aimons le Père et son Fils, que nous aimons l’humanité rachetée par l’Agneau !
année C - 15mai 2022 - 5e dim Pâques
Ac 14/21b-27, Ap 21/1-5a, -Jn 13/31-33a, 34-35
Homélie du F.Cyprien
22 Ils y affermissaient le coeur des disciples et les engageaient à persévérer dans la foi: " Il nous faut, disaient-ils, passer par beaucoup de détresses, pour entrer dans le Royaume de Dieu. ".
1 Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle. 2 Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, ... 3 Et j'entendis, venant du trône, une voix forte qui disait: Voici la demeure de Dieu avec les hommes.
34Vous me chercherez et comme j'ai dit aux Juifs: "Là où je vais, vous ne pouvez venir ", à vous aussi maintenant je le dis. (Jean (TOB) 13) " Je vous donne un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres ».
*** Chers f et s., la première lecture, tirée comme tous ces dimanches, des Actes des apôtres nous raconte la première évangélisation des « nations », c’est-à-dire des païens, des non-juifs : affermir les disciples dans les communautés nouvelles c’est annoncer des épreuves, avec la certitude que Dieu accompagne la diffusion de la Bonne Nouvelle.
Annoncer et vivre l’Evangile n’est pas de tout repos : les épreuves font partie de toute vie et aussi de la vie chrétienne. L’épreuve qu’a été la Croix pour Jésus devrait rester présente aux esprits de tous les missionnaires et bien sûr de nous tous…
*** Dans la deuxième lecture, le livre de l’Apocalypse décrit la Nouvelle Jérusalem qui descend du ciel : au moment où Dieu fait toute chose nouvelle, ce qui advient est un don, le don du Ciel, le don de Dieu, œuvre totalement divine. Ce que nous vivons est provisoire. Dieu est capable de tout restaurer, de tout faire à neuf.
Nous faisons notre acte de foi en Celui qui ne nous éprouve pas pour le plaisir de nous laisser dans la détresse, mais parce qu’il nous prépare à accueillir le meilleur… Cela s’appelle l’espérance chrétienne : elle aussi est un don de Dieu.
*** Si l’on en vient à l’Evangile et à saint Jean, je dois dire mon étonnement, ma déception après avoir découvert que la lecture de ce jour a été abrégée, tronquée d’une petite incise : que dit Jésus en St Jean ?
"Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour peu de temps. Vous me chercherez et comme j'ai dit aux Juifs: "Là où je vais, vous ne pouvez venir ", à vous aussi maintenant je le dis ».
Le passage lu saute en effet la dernière phrase : Vous me chercherez et comme j'ai dit aux Juifs: "Là où je vais, vous ne pouvez venir "… Vous me chercherez...
Au moment de la Passion, les disciples sont à la même enseigne que les adversaires de Jésus… aux disciples pourtant Jésus donne à ce moment-là le commandement nouveau…
« Là où je vais, vous ne pouvez venir ». Ce n’est pas pour vous l’heure de la glorification, l’heure de votre résurrection. Alors, Vous me chercherez, mais aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés…
C’est l’absence toute proche de Jésus qui introduit le commandement de l’amour : nous devons nous témoigner de l’amour mutuel parce que cet amour les uns des autres est notre façon d’exprimer notre foi au Christ, notre façon de le garder présent, lui qui aura donné sa vie pour nous, nous qu’il a aimé et qu’il aime.
« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait »
« A ceci tous vous reconnaitront comme mes disciples, à cet amour que vous aurez les uns pour les autres » comme si nous disions : « A ceci vous vous reconnaitrez et on vous reconnaitra comme les disciples de Jésus ressuscité ».
Cet amour mutuel sera le signe visible de la présence invisible du Christ ressuscité : si nous ne nous aimons pas, la vie des chrétiens ne peut témoigner de rien ; si nous ne nous aimons pas, nous faisons comme si le Christ était mort et enterré. Point.
Finalement pour moi, pour nous …est-ce que le Christ est vraiment ressuscité … ? Il n’y a que Jésus mort et ressuscité qui nous sort de l’enfermement, du manque d’amour.
« Nous ne savons pas aimer Dieu parce que nous ne savons pas que Dieu nous aime. »… Jésus nous révèle l’amour de Dieu ; il nous laisse le commandement de l’amour mutuel avant de mourir, avant de retourner vers son Père : sa résurrection est le signe que nous pouvons aimer à notre tour comme Dieu nous aime… et l’Eucharistie nous fait entrer dans le Don du plus grand amour…
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
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4e dimanche de Pâques (C) (08/05/2022)
(Ac 13, 14.43-52 – Ps 99 – Ap 7, 9.14b-17 – Jn 10, 27-30)
Homélie du F.Jean Louis
Frères et sœurs,
Quatrième dimanche de Pâques, sous le thème du Bon Pasteur, dimanche traditionnellement consacré à la prière pour les vocations. Bien sûr, prière pour les vocations aux services de prêtres de diacres ou à la vie religieuse, mais aussi prière pour l’appel que Dieu fait à tout chrétien, toute chrétienne de vivre son baptême dans la vie de tous les jours afin de témoigner de ce que la résurrection du Christ peut apporter dans une vie d’homme de femme, dans la vie de notre monde.
La prière d’ouverture de la messe nous a déjà signifié le rôle du Christ, Pasteur par excellence. Il est entré victorieux dans le bonheur du ciel et c’est de là qu’il nous guide, nous qui sommes faibles et fragiles.
La seconde lecture, dont une partie est lue également à la fête de la Toussaint, nous décrit justement le Royaume en fête à la fin des temps. Plus de faim ni de soif, plus de chaleur accablante - et les gens du Moyen Orient savent ce que cela veut dire. Dieu qui siège sur le Trône établira sa demeure en chacun des élus. L’Agneau sera le Pasteur et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. Dieu ne veut plus qu’il y ait des larmes dans son peuple et c’est pour cela qu’il nous appelle et nous conduit comme Pasteur. C’est bien le rôle du Christ.
Cette vision est confirmée par l’évangile avec des paroles fortes.
Les brebis qui écoutent la voix du Christ, sont connues de lui et le suivent. Et le projet du Christ est bien de leur donner la vie éternelle. Elles ne peuvent être arrachées de la main du Christ. Et le garant de ce salut est le Père avec lequel le Christ fait UN. Affirmation inouïe.
Quant à la première lecture, elle nous rappelle un moment essentiel, décisif de l’annonce de l’évangile. Paul, comme les autres apôtres s’est mis en route avec Barnabé pour proclamer l’évangile et le salut en Jésus Christ et d’abord aux juifs d’Asie mineure. Mais devant l’opposition de certains, apparemment assez influents pour mobiliser des foules, ils décident de se tourner vers les nations païennes, ce qui n’était pas évident au départ. A partir de la relecture d’un passage prophétique tiré du Livre d’Isaïe (« J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre »), Paul et Barnabé comprennent que le message de l’évangile du Christ est destiné à toutes les nations et pas uniquement au peuple juif. C’est de cette décision que notre Eglise vit encore aujourd’hui. Mais ce passage nous montre aussi Paul et Barnabé comme pasteurs chargés d’annoncer la Parole. Elle nous les montre en bute aux oppositions qui peuvent surgir et qui surgissent encore aujourd’hui devant ceux qui ont décidé de se consacrer à l’annonce de l’évangile, qui ont décidé de suivre le Christ. Et les risques ne sont pas nuls. Celui qui vient en aide est alors l’Esprit Saint qui remplit de force et de joie les disciples. Et cette annonce consiste à faire connaître au monde entier qu’il est aimé et sauvé sans condition.
Frères et sœurs, à Pâques et durant ce temps pascal, nous célébrons la résurrection du Christ authentifiant la réalité de l’amour que le Christ à témoigné en acceptant de souffrir et de mourir sur la croix. C’est le Pasteur, le Berger, qui a été jusqu’à donner sa vie pour ses brebis. Durant tout le temps pascal résonne, avec la lecture du livre des Actes des Apôtres, la diffusion de ce message aux premiers temps de l’Eglise. Si nous sommes croyants aujourd’hui, c’est parce que ces hommes et ces femmes ont tenu à diffuser cette incroyable nouvelle : Dieu s’est fait l’un de nous et il a souffert pour notre salut, pour vaincre le mal et la mort.
Bien sûr, le mal, la violence et la mort sont toujours présents mais le passage est ouvert vers le Royaume qui nous a été décrit dans la seconde lecture, et une espérance nous est offerte. La mort n’est pas la fin de tout, la souffrance n’est pas l’horizon unique de nos vies. Nous ne sommes pas seuls dans la souffrance car nous croyons au Christ, Fils de Dieu et pleinement homme, qui a connu la souffrance humaine et pas qu’un peu. Nous croyons en un Dieu qui, en Jésus Christ, a fait l’expérience de la souffrance et de la mort humaines. Le chemin du Christ sera le nôtre, allant jusqu’à la vie sans fin. Bien sûr, pas de preuve scientifique expérimentale pour nous rassurer, mais la confiance en cette parole proclamée par les premiers disciples et apôtres du Christ, ces pasteurs qui ont tout donné pour transmettre la parole du vrai Pasteur et ce, malgré les obstacles de toutes sortes.
Mais puisque nous sommes baptisés, peut-être qu’à notre tour, nous avons à nous demander comment être nous aussi pasteurs de notre humanité à l’image, à l’imitation du Christ et des premiers chrétiens. Il y a bien sûr les évêques les prêtres les diacres, les religieuses et les religieux mais il me semble que tout chrétien et toute chrétienne, comme baptisé, a aussi à se sentir comme bergers, pasteurs de notre humanité parfois si troublée et désorientée. Il ne s’agit pas de se sentir chef, mais, comme le Christ, d’aider humblement nos frères et sœurs en humanité, dans un infini respect de leur liberté, à cheminer dans une vie humaine qui a du sens. Aujourd’hui, tant de personnes trouvent que leur vie n’a pas de sens !
Les grandes certitudes idéologiques sont tombées, les puissances politiques ou technologiques montrent leurs limites, et, parfois, leur faillite. Nous le savons bien, l’avenir est incertain. Peut-être que, plutôt que de mettre notre confiance en un progrès indéfini du monde et de la société, progrès reposant uniquement sur le bien-être matériel ou la puissance technique, nous avons à faire découvrir une autre voie qui invite à l’ouverture aux autres, au respect du plus pauvre, du plus fragile (les étrangers, les jeunes, les personnes âgées). Peut-être avons-nous à témoigner d’une espérance qui s’appuie en fait sur une Parole qui a révolutionné le monde et qui nous ouvre sur un monde sans limite, sans limite d’amour. Et cette espérance, nous avons aujourd’hui à la vivre avec d’autres que les chrétiens et c’est sans doute la chance de découvrir que le Christ est présent partout où du bien se fait, partout où une personne vient en aide, gratuitement, à une autre. Nous avons à nous montrer, comme le Christ, bergers de notre humanité, nous avons aussi à apprendre des autres à être bergers, pasteurs…
C’est une tâche qui peut nous rendre vraiment heureux si nous osons nous y engager pleinement. Demandons l’aide de l’Esprit Saint pour cela. AMEN
Année C - 3° Dimanche de Pâques - 1° mai 2022
Actes 5,27…41 / ps 29 ; Apocalypse 5, 11-14; Jean 21, 1-19
Homélie du F.Basile
Frères et Soeurs, nous sommes à la fin du 4° évangile, un chapitre rajouté mais tellement précieux : c’est la 3° fois que Jésus ressuscité se montre à ses disciples, mais là ce n’est plus à Jérusalem, c’est en Galilée au bord du lac, là où l’aventure avait commencé ; et c’est là que tout recommence, que tout peut recommencer, et avec Jésus, c’est l’amour qui gagne. Voilà sans doute le sens de Pâques dans notre vie. En tout cas, c’est ce qui se passe dans le cœur de Pierre ce jour-là. « M’aimes-tu ? Suis-moi »
Mais Pierre n’est pas seul ; on nous dit qu’ils étaient sept, un chiffre qui exprime une plénitude ; ils sont tous nommés, sauf deux : n’est-ce pas pour que chacun de nous se retrouve dans l’un de ces deux disciples anonymes partis pêcher avec Pierre ? Ils n’ont rien pris cette nuit-là, mais le contraste n’en sera que plus fort, lorsque cet inconnu les appelle sur le rivage et leur dit : « Jetez le filet à droite et vous trouverez » Alors tout va changer, non seulement ils trouvent du poisson en abondance, mais surtout ils retrouvent celui qu’ils avaient perdu, ce Jésus qui les avait entraînés, 3 ans durant, sur les routes de Palestine et qui avait fini misérablement sur une croix, abandonné de tous ou presque, trahi par Pierre lui-même. Aussi quand le disciple bien-aimé s’écrie : « C’est le Seigneur ! », le cœur de Pierre en est retourné, il se jette à l’eau. Pourtant Jésus ne lui dit rien ; tout se passe presqu’en silence dans une intensité d’amour qui les bouleverse tous. « Aucun n’osait lui demander : ‘Qui es-tu ?’ car ils savaient bien que c’était le Seigneur. »
Mais le plus étonnant de cet évangile, c’est la suite, c’est l’entretien de Jésus avec Pierre ; il aurait pu lui dire : «Viens, je te pardonne » non, il lui pose une question où la confiance est en jeu : « Pierre, m’aimes-tu ? » Il y a des paroles de l’Evangile qui nous remettent debout, et celle-ci en est une. Je souhaite à chacune, à chacun de vous de l’entendre ce matin. Pourquoi Jésus pose-t-il la question 3 fois, jusqu’à contrister le cœur de son ami ? Mais c’est l’histoire de Pierre : 3 fois il avait trahi l’amour ; 3 fois, Jésus lui permet de redire son amour.
Vous savez que dans le texte original en grec, il y a 2 verbes différents pour dire « aimer » : agapein et philein, aimer, aimer vraiment : les 2 mots sont nécessaires pour dire l’amour avec tout un va et vient entre les 2 : agapein, c’est l’amour parfait, l’amour qui vient de Dieu, l’amour qui va jusqu’au bout en donnant sa vie, et puis philein, c’est l’amour d’amitié, un amour fort entre 2 êtres, un amour plein d’humanité et de tendresse. On a l’impression que Pierre dit à Jésus : « Je t’aime de toute mon amitié d’homme », mais il n’ose pas aller plus loin, et Jésus lui repose la question : « Pierre, m’aimes-tu maintenant de cet amour qui est capable d’aller jusqu’au bout en donnant sa vie ? » Et non seulement Jésus lui repose la question, mais il fait grandir cet amour : « Si tu m’aimes vraiment, pais mes brebis, prends soin de mon Eglise. » Oui, Jésus par cette triple question redonne à Pierre sa confiance. Tout peut recommencer. C’est cela Pâques, cette rencontre du Christ ressuscité, et là nous sommes tous concernés.
Si nous regardons nos vies d’hommes et de femmes d’aujourd’hui, nous savons qu’elles sont traversées de temps à autre par des trous noirs, des nuits sans étoiles, des brouillards – et les moines ne sont pas à l’abri de ces pannes – on le vit parfois sur le plan météo ; plus profondément on le vit quand dans une vie d’homme ou de femme, quelque chose se casse, un être cher disparaît, une relation d’amour se brise – la faute à qui, on ne sait pas très bien, mais aucun des 2 ne veut pardonner à l’autre et c’est l’échec : foyer brisé, situation bloquée… et voilà que tout va changer, on ne sait pas comment : la vie ordinaire avait repris, morose, triste ; et c’est là précisément que la résurrection de Jésus rejoint notre vie comme elle a rejoint au lever du jour les disciples rentrant de la pêche.
Ce n’est pas un coup de baguette magique ou un coup de chance comme on gagne au loto, c’est un acte de foi. Le chrétien, c’est celui qui croit à la résurrection de Jésus ; il croit qu’elle peut changer toute sa vie, elle est pour lui le signe que l’amour est plus fort que la mort, que le pardon est possible et que l’avenir est ouvert. C’est là qu’il nous faut accueillir la question de Jésus : « Pierre, m’aimes-tu ? » et lui répondre : « Je t’aime, tu le sais » ; c’est lui offrir comme Pierre toute notre vie avec ses échecs, ses ratés, ses trous noirs dans un geste de confiance qui appelle et suscite l’amour.
Jésus, à la réponse de Pierre, ose lui confier la charge de ses frères, la charge de la communauté, de l’Eglise. Quelle confiance Dieu fait ainsi à l’homme ou à la femme, à chacun de nous lorsqu’il lui confie une mission !
C’est vrai que nous ne savons pas aimer comme il faudrait, mais si nous le reconnaissons, et si nous essayons d’aimer, comme il est écrit sur la tombe de l’abbé Pierre : « Il a essayé d’aimer », alors nous pouvons dire au Seigneur : « Tu sais tout, tu sais combien je t’aime », et tout devient possible : le Christ ressuscité peut rejoindre nos vies. Il est là ce matin dans cet évangile proclamé, il est là dans notre communauté rassemblée pour rendre grâce : avec lui et dans l’Esprit, nous allons pouvoir chanter l’agapé de Dieu, l’amour du Père.
Frère Basile
Année C – 2° Dimanche de Pâques – 24 Avril 2022
Act 5 12-16 ; Ap 1 9-19 ; Jn 20 19-31 ;
Homélie du F. Damase
En ce dimanche Octave de Pâques,
je voudrais axer cette homélie sur les deux derniers versets,
que nous venons d’entendre,
Les voici :
« Il y a encore beaucoup d’autres signes
que Jésus a faits en présence des disciples
et qui ne sont pas écrits dans ce livre.
Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez
que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu,
et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom » !
Voici donc une conclusion du 4° évangile en « bonne et due forme ».
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Tout d’abord, on peut remarquer que Jean est le seul évangéliste
qui s’est expliqué sur l’intention de son œuvre dans une conclusion.
Il indique ainsi le but à la fois théologique et pastoral de son Evangile.
De plus, remarquez que nous sommes au chapitre 20,
et qu’ il y aura encore un dernier chapitre 21 !
Nous avons ici la conclusion primitive de l’évangile de Jean
et les derniers rédacteurs ont tenu à la respecter.
Cela nous montre que l’évangile n’a pas été composé d’un seul trait,
il a connu des étapes rédactionnelles successives,
et les auteurs veulent que leurs lecteurs, et
nous-mêmes au 21° siècle , nous le sachions et en tenions compte ;
le chapitre 21 est une nouvelle conclusion à cet évangile, rédigée plus tard.
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Voyons maintenant quels sont ces « autres signes » dont parle notre texte ?
Ce mot « signe » se réfère à l’ensemble des actes effectués par le « Jésus terrestre ».
Mais d’habitude, Jean réserve le mot signe aux récits de miracles ?
En fait, il veut nous faire saisir ici
que toute l’histoire racontée dans l’évangile est comme un signe
conduisant à la découverte de la véritable identité du Christ,
et donc à la foi.
Ce caractère de « signe » de l‘histoire racontée
est clairement affirmé au dernier verset :
« Ces signes ont été écrits pour que vous croyiez » !
Un autre terme est à souligner :
« ces signes ne sont pas écrits dans ce livre ».
Jean appelle son évangile « un livre » :
C’est la seule attestation de ce terme dans le Nouveau Testament !
Ainsi pour Jean, à côté des Ecritures existantes lorsqu’il écrit,
(c’est-à-dire ce que nous appelons l’Ancien testament),
est en train de naitre une nouvelle Ecriture,
destinée à devenir le livre de foi des chrétiens :
le Nouveau Testament.
Jusque- là les paroles et les gestes de Jésus ont été transmis oralement
et voici qu’ils sont mis par écrit ;
Jean nous transmet un texte donc, écrit dans le passé,
mais dont la lecture reste proposée aujourd’hui à tout lecteur.
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Relisons maintenant le dernier verset :
« ces signes ont été écrits pour que vous croyiez
que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu,
et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom »
Tout d’abord, il précise le but pratique de l’évangile :
il vise à susciter la foi des croyants
En second lieu, il précise l’objet de la foi des croyants :
Jésus est le Christ, le Fils de Dieu.
Dieu lui-même qui s’est manifesté aux hommes.
En troisième lieu, Jésus Fils de Dieu est le « Sauveur des hommes ».
Il conduit les hommes à la vraie vie –
Une vie contre laquelle la mort ne saurait prévaloir !
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En Conclusion – ces deux versets sont primordiaux pour notre vie chrétienne d’aujourd’hui
Les Evangiles sont le « livre de foi » des chrétiens ;
L’histoire de Jésus est racontée pour appeler à la foi
C’est un Nouveau Testament, c’est-à-dire une nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes
Ce récit a un caractère de signe –
il renvoie au miracle véritable : le Mystère de l’Incarnation,
la pleine révélation de Dieu dans le Visage de Jésus terrestre !
Ainsi, nous sommes interpellés aujourd’hui par le projet de Dieu pour nous, les hommes !
665 mots
Année C - Dimanche de Pâques - 17 avril 2022
Ac 10 34-43 ;Col 3 1-4 ; Jn20 1-9
Homélie du P .Benoit Andreu moine de Fleury
« Christ est ressuscité ! il est vraiment ressuscité ! » Depuis la nuit dernière, avec cette exclamation, avec nos alléluia, le point d’exclamation est devenu la ponctuation normale et joyeuse de nos rencontres.
Pourtant l’évangile ne semble pas aller à si vive allure : à l’aube de Pâque, le tombeau vide est d’abord un grand point d’interrogation. Il est même une question dramatique pour Marie-Madeleine : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Les disciples, à leur tour, courent vers le tombeau vide, ils courent vers sa question à laquelle seul Jean, pas même Pierre, entrevoit une réponse : « Il vit et il crut ». Mais cela même n’a pas suffi à écarter tout désarroi. Aussitôt après le récit que nous venons d’entendre, l’évangile nous montre Marie en larmes, désemparée, près de la tombe ; puis, au soir, les disciples enfermés, toutes portes closes, dans leur peur.
Ce cheminement désemparé des disciples nous interroge : à quel moment la résurrection du Christ devient-elle pour moi, réellement, une bonne nouvelle ? Quand devient-elle cette vie qui tire ma vie des larmes et de la peur ?
Les évangiles le disent bien : le véritable tournant pascal, pour les disciples, n’est pas la découverte du tombeau vide, mais la rencontre du Seigneur ressuscité. Car si Jésus ressuscité ne venait à notre rencontre, sa résurrection serait certainement une échappée glorieuse loin de la tombe, mais finalement, aussi, loin de nous-même. Si Jésus ressuscité ne venait à notre rencontre, nous n’aurions pas trop d’une vie pour pleurer, avec Marie-Madeleine, devant le tombeau vide, devant l’absence terrible de celui qui nous a aimé, puis s’en est allé.
Oh certes, nous n’aurions pas tout perdu. Nous garderions son souvenir, nous garderions ses paroles ; nous garderions de la Pâque le signe d’un Amour qui s’est donné jusqu’au bout et nous appelle à faire de même, d’une vie plus forte que la mort. Bref, nous garderions de la vie de Jésus un enseignement profond, une morale et une doctrine magnifiques. Magnifiques, certes, mais devant lesquelles nous resterions bien seuls. Seuls devant des exigences qui, de toute évidence, dépassent et notre esprit et notre bonne volonté. Un christianisme qui ne serait qu’une morale et une doctrine, un savoir et un devoir, est un tombeau vide devant lequel nous ne pouvons connaître que les larmes et la peur, à moins, et c’est pire, de s’y installer, de refermer sur nous-même la pierre du tombeau, sur nos idées et sur notre bonne conscience, au lieu de nous élancer depuis son ouverture pascale vers le Christ vivant, débordement toujours inouï de sens et de vie et d’amour, qui dépasse tout ce que nous croyons savoir et savoir faire.
Nous sommes appelés à vivre de la rencontre vivante, à ciel ouvert, du Seigneur ressuscité, de cet amour qui nous rejoint sans que nous l’ayions mérité ni même vraiment compris (il suffit de voir qui nous avons été au Vendredi Saint). Vers le tombeau vide, oui peut-être, il nous faut courir comme les disciples, avec quelque angoisse ; mais le Seigneur ressuscité, lui, vient à notre rencontre, et cette rencontre pascale nous dit que toujours « il nous a aimé le premier », que toujours il nous aimera le premier, aussi loin de lui nous en irions-nous.
Mais où rencontrer, aujourd’hui, le Seigneur ressuscité ? Depuis l’Ascension, le temps de ses apparitions est passé ; nous ne le rencontrerons pas comme Marie au jardin ou comme les disciples sur la route ou à la maison. Ou plutôt, si, nous pouvons le rencontrer en chacun des ces lieux, et même en chacun de nos lieux, mais différemment. La grâce pascale s’épanouit pour nous, non pas quand le Seigneur se « rend présent » comme s’il était absent, mais quand notre foi discerne qu’il était et qu’il est déjà là, vivant au plus secret de nous-même, vivant au plus vrai de nos rencontres. En tous ces lieux où nos existences se tissent dans la charité nous rencontrons le Seigneur ressuscité, et nous en sommes pour les autres la présence vivante. Cette grâce du Christ vivant en nous, cette grâce de nous donner les uns aux autres le Christ, est le don de l’Esprit. Le mystère pascal ne s’épanouit qu’à la Pentecôte.
« Christ est ressuscité ! il est vraiment ressuscité ! », c’est pourquoi dès aujourd’hui nous devons oser prier : « Viens Esprit créateur ! », viens ouvrir notre regard, viens nous tirer de nos tombeaux et nous ouvrir à la rencontre du Christ à jamais vivant, du Christ notre vie !
Année C - VIGILE PASCALE 16.04.2022
Rm 6, 3-11 ; Lc 24,1-12
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs, Le récit que nous venons d’entendre a quelque chose de rassurant, pour les croyants en chemin que nous sommes. L’évangile transmis pour faire connaitre la bonne nouvelle de la résurrection du Christ, et pour aider les hommes à croire en Jésus vivant, ne cache pas la difficulté à croire des apôtres et des disciples de Jésus, qui seront ses principaux messagers. Ils ont buté sur les propos des femmes qui leur semblèrent délirants. Ils ont douté, ils ont peiné à reconnaitre Celui qu’ils devaient annoncer ensuite. Voilà qui est rassurant, si nous pouvions craindre que l’évangile nous vendrait du rêve à bon compte. Le message qu’il porte rencontre de la résistance même chez ceux-là qui en sont les premiers témoins. Aussi ne soyons pas surpris si l’annonce de la résurrection de Jésus rencontre aussi en nous de la résistance. Car ce message vient nous chercher au plus intime de notre désir de vivre, mais aussi de nos doutes sur la possibilité effective de vivre dans l’au-delà, placés que nous sommes tous face à l’énigme de la mort. Cet homme Jésus qui est mort est-il vraiment vivant ? Et si oui qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela change quelque chose dans mon existence présente ?
Il est intéressant que cette célébration pascale, le sommet de l’annonce de la foi chrétienne, nous remette face à ces questions. Comme chrétiens, nous sommes toujours des mal-croyants appelés à grandir dans notre foi. « On devient lentement chrétien », disait notre Père Denis, avant de poursuivre quelques années avant de nous quitter à l’âge de 100 ans : « j’espère mourir chrétien ». En cette célébration, chacun de nous, moines, prêtres, laïcs, nous accueillons pour devenir davantage chrétien, la foi que l’Eglise nous transmet à travers les textes, les prières et les gestes, à travers le sacrement de l’eucharistie. Tout parle du Christ ressuscité, tout veut nous en découvrir le mystère. Celui-ci est en germe depuis les origines de la création du monde, et il est à l’œuvre aujourd’hui encore.
Ainsi les lectures entendues nous ont fait toucher du doigt, dans la continuité de la foi du peuple juif, que notre existence humaine est une œuvre bonne, et même très bonne. Oui, elle est accompagnée depuis les origines par la Parole aimante et vivifiante de Dieu. L’homme n’est pas seul, abandonné à lui-même. La résurrection du Christ vient affermir cette conviction. Elle nous offre la certitude : Dieu qui n’a pas abandonné Jésus à la mort, n’abandonnera pas l’humanité à la mort. Nous avons entendu le témoignage des amis de Dieu, Abraham, Isaac, Moïse, Isaïe le prophète, Baruch et Ezéchiel prophètes du temps de l’exil. Ils témoignent de leur confiance en Dieu qui a fait un pacte, une alliance avec l’humanité pour lui partager sa vie. Cette Alliance souvent malmenée par les infidélités du peuple trouve dans la résurrection du Christ comme un sceau indélébile. En Jésus, mort et ressuscité, l’Alliance ne sera jamais rompue. Une relation profonde est possible entre Dieu et l’humanité dès cette terre et jusque dans l’éternité. C’est la fonction du baptême chrétien de nous y introduire en nous faisant vivre déjà de la vie des enfants de Dieu. Uni au Christ, consacré à Lui d’une manière spéciale, nous expérimentons, déjà comme un cadeau, une vie nouvelle à l’œuvre en nous, cette vie qui ne cessera jamais. Cette vie ne demande qu’à se déployer en nous, et elle requiert notre engagement. Dans quelques instants, nous le rappellerons en renouvelant nos promesses baptismales. Et enfin, lorsque nous recevrons sous le signe du pain et du vin, le corps et le sang du Christ, nous nous unirons de manière particulière au Christ Vivant, pour devenir communauté de frères, appelée à partager à notre tour la vie qu’il nous offre.
Oui frères et sœurs, nous croyants toujours mal-croyants, toute la célébration que nous vivons nous parle du Christ Vivant. Christ vivant et Christ vivifiant, qui nous rend plus vivant, dès cette terre et pour l’éternité. Laissons-le agir en nous. Il ne fera rien sans libre consentement. Réjouissons-nous qu’Il nous soit donné de faire un pas de plus à sa suite, sous la conduite de sa lumière.
Année C - VENDREDI SAINT 15.04.2022
Is 52, 13 - 53, 12; He 4, 14-16; 5, 7-9; Jn 18, 1 - 19, 42
Homélie du Père Abbé Luc
Chaque vendredi saint, nous entendons le récit de la passion de Jésus selon St Jean. A la différence des évangélistes Mt, Mc et Lc, St Jn souligne davantage combien Jésus reste maitre de son destin alors même qu’il est ligoté et maltraité. Il répond au Grand Prêtre, puis il interpelle le soldat qui le gifle. Il questionne Pilate et l’invite à se positionner sur son identité de « roi des juifs » : « dis-tu cela de toi-même ? » Peu à peu, Jésus semble même prendre l’ascendant sur Pilate lorsqu’il affirme que sa royauté n’est pas de ce monde. Ou encore, quand il lui rétorque qu’il n’aurait sur lui aucun pouvoir s’il ne l’avait reçu d’en haut… Jésus ne subit en rien sa passion. Jusqu’au « tout est accompli », lui l’humilié et le condamné domine la situation. De cette manière, l’évangéliste Jean met en lumière le mystère de Jésus, lui, un homme fragile est uni de manière unique à Dieu le Père, à Dieu son Père. Au cœur de sa passion, Jésus poursuit la mission reçue : « la coupe que m’a donnée le Père, vais-je refuser de la boire ». Jusqu’au bout, il rend témoignage à la vérité… une vérité que nous n’avons pas fini de comprendre et de connaitre. Vérité de l’homme, vérité de Dieu qui rejaillissent l’une sur l’autre. Jésus obéit à son Père et par là il donne à notre humanité une dignité sans pareil. Et lorsqu’il se laisse bafouer et finalement tuer, Jésus révèle l’humilité fondamentale de Dieu.
Cette célébration nous place au cœur de ce mystère de grandeur humaine et d’humilité divine, révélé en Jésus. C’est pourquoi en ce jour particulièrement, la liturgie nous entraine à prier avec une grande confiance pour présenter à notre Père toutes les intentions de notre humanité. C’est pourquoi, elle nous entraine à vénérer avec amour la croix sur laquelle a resplendi la lumière de ce mystère.
Année C - JEUDI SAINT - 14.04.2022
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs, Que serait une vie sans signe, sans symbole ? Serait-elle encore vraiment humaine ? Oui, notre existence humaine est ponctuée de signes, de symboles qui nous permettent de nous relier les uns aux autres, mais aussi de nous ouvrir à d’autres réalités plus grandes… je pense par exemple, au drapeau ou à l’hymne de chaque pays qui rassemble un peuple et qui véhicule dans le même temps des valeurs autour desquelles les habitants de ce pays se reconnaissent… Les textes que nous venons d’entendre et la liturgie que nous vivons ce soir nous offrent beaucoup de signes par lesquels nous sommes reliés, unis les uns aux autres, et dans lesquels nous nous reconnaissons portés par plus grand que nous et porteurs d’un mystère plus grand que nous, le dessein d’amour de Dieu pour l’humanité.
Dans le livre de l’Exode, le sang mis sur les linteaux des portes est un signe. Et de manière un peu étonnante, il est un signe non pour les hommes mais pour Dieu. En voyant ce signe, Dieu préservera son peuple du fléau destiné aux premiers nés des Égyptiens…Le peuple juif est alors invité à faire mémoire d’âge en âge et jusqu’aujourd’hui, de ce geste sauveur de Dieu, expression de son amour bienveillant. C’est la célébration du repas pascal où, avec les pains sans levain, l’agneau pascal immolé est mangé en famille.
Du dernier repas que Jésus prend avec ses disciples, la tradition apostolique a retenu deux signes forts que Jésus a posés : le signe du pain et du vin offert en partage à ses disciples, et le signe du lavement des pieds. Deux signes, deux gestes forts qui expriment son offrande volontaire et qui ouvrent solennellement l’heure de la passion. Le signe du pain et du vin s’inscrit dans la continuité du repas pascal juif pour mettre en lumière l’alliance nouvelle que Dieu établit avec son peuple en Jésus. C’est lui, le pain azyme, c’est lui l’Agneau pascal qui s’immole pour préserver son peuple de la mort et lui ouvrir le chemin de la vie. Le signe du lavement des pieds révèle la profondeur du don de Jésus en faveur de ses amis. Comme un esclave, lui le Maitre et le Seigneur lave ses disciples. Il les purifie, anticipant son abaissement jusqu’au sang versé qui purifiera à jamais son peuple de ses péchés. Tous peuvent désormais avoir part avec lui dans la Vie.
Signe et mémoire… Ces signes, Jésus ne les accomplit pas seulement en son temps, il invite ses disciples à en faire mémoire. Une mémoire qui est plus qu’un souvenir. On parlera alors volontiers de mémorial. En effet, comme pour le peuple juif célébrant le repas pascal, en mémoire de la sortie d’Egypte , pour nous chrétiens, le signe non seulement rappelle le souvenir de l’évènement passé, mais il manifeste que Dieu ne cesse d’agir aujourd’hui au milieu de son peuple comme il a agi autrefois. Le signe devient mémorial, c’est-à-dire célébration actuelle de l’œuvre de salut que Dieu réalise pour nous maintenant. Comme nous le prierons au début de la prière eucharistique : « chaque fois qu’est célébré ce sacrifice en mémorial, c’est l’œuvre de notre rédemption qui s’accomplit ». Profondément, le signe, qu’on appellera pour cela « sacrement », nous introduit dans l’aujourd’hui du salut. D’une manière unique dans l’année liturgique, la prière eucharistique met cela en lumière en précisant : « la veille du jour où il devait souffrir pour notre salut et celui de tous les hommes, c’est-à-dire aujourd’hui… » Oui le jour où Jésus prit son dernier repas, et ce jour où nous en faisons mémoire ce 14 avril 2022, ne sont qu’un même jour, c’est l’aujourd’hui de Dieu qui ne cesse d’être présent aux hommes pour les introduire dans sa vie.
Signe et mémoire… Quand Jésus dit à ses disciples : « faites cela en mémoire de moi » ou encore « c’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous », il fait de nous des acteurs de l’aujourd’hui du salut de Dieu. En refaisant les gestes de Jésus, désormais nous sommes tous étroitement associés à l’œuvre de Dieu. Lorsque nous célébrons l’eucharistie, chacun en vertu de notre sacerdoce commun de baptisé, il nous revient d’entrer dans l’offrande de nous même avec Jésus. En apportant le pain et le vin, nous nous offrons nous-mêmes, notre travail, nos activités, nos difficultés, notre péché, pour qu’à travers nous, le Seigneur agisse et renouvelle ce monde. Avec Jésus, nous mourons à notre autonomie suffisante pour devenir des vivants par Lui, en Lui et avec Lui. De même, à travers le signe du lavement des pieds, ce sont chacune de nos actions au service des autres qui deviennent instrument de l’œuvre de miséricorde du Seigneur en faveur de son peuple. L’humble geste du frère qui lave son frère ancien alité, le beau dévouement de la mère de famille qui prépare la cuisine et met la table, l’écoute offerte à celui qui est seul, la patience donnée pour accompagner l’étranger dans ses démarches administratives, la disponibilité pour faire les courses de son voisin… : nos vies quotidiennes sont remplies d’appels et de réponses, au service du frère et de la sœur dans le besoin. Pour eux, nous sommes alors à notre insu des serviteurs, des signes de la miséricorde de Dieu qu’il a lui-même répandu en notre cœur.
En ce soir, réjouissons-nous en célébrant l’eucharistie, mémorial des merveilles que Dieu a faites et qu’il continue de faire pour nous en Jésus mort et ressuscité, afin que nous soyons nous-mêmes instruments des merveilles qu’il désire faire pour tous les hommes et les femmes auprès desquels il nous envoie.
Année C - RAMEAUX - 10.04.2022
Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Lc 22,14 – 23,56
Homélie du P. Abbé Luc
Frères et sœurs, Après avoir entendu ce long récit de la passion, nous pouvons être comme abasourdis par la violence, la haine et le mensonge qui se sont ligués contre Jésus. Le mal fait beaucoup de bruit et il ne cède la place qu’au silence de la mort. Et pourtant, à travers tous les textes lus, se fait entendre autre chose, comme une petite voix, un murmure qui ne laisse pas le dernier mot à la sidération. C’est la voix du prophète : « le Seigneur m’a ouvert l’oreille, et moi je ne me suis pas révolté…j’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient…je sais que je ne serai pas confondu… » Nous pouvons entendre alors une préfiguration de la passion de Jésus qui ne subit pas le mal, mais qui l’assume pour lui ôter son pouvoir fatal. « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir…Ceci est mon corps donné pour vous… Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang répandu pour vous… » Jésus a consenti à se laisser prendre, maltraiter, outrager, blesser et finalement tuer. Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Ainsi au cœur du mal, il a comme inoculé l’amour, le pardon et la miséricorde. « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis… » Avec confiance, Jésus se remet dans les mains du Père qui le ressuscitera. Durant la semaine qui vient, méditons ce mystère de mort et de vie. Laissons-nous transformer par lui, afin que grandisse et fructifie en nous l’espérance que la vie du Ressuscité est plus forte que le mal et la mort.