vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 25 juillet 2023 — Dédicace de notre église — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

DEDICACE DE NOTRE EGLISE - 25 juillet 2023

1R 8, 23-22, 27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19

Homélie du Père abbé Luc

Texte :



Qu’y a-t-il de commun, frères et sœurs, entre le Temple consacré par Salomon, dix siècles avant Jésus-Christ et cette église monastique, consacrée en 1871 ? Les deux maisons sont des maisons qui veulent honorer le Dieu Vivant. D’elles deux montent vers Dieu, comme l’encens, la prière de son peuple. Dans les deux se trouvent un autel ou plusieurs autels pour offrir un sacrifice. Mais ici, intervient une première différence : le sacrifice offert n’est pas de même nature. D’un côté, dans le Temple de Salomon, on offre des sacrifices d’encens ou d’animaux en signe du don de soi, de l’autre dans cette église, on rend présent le sacrifice du Christ, mort et ressuscité pour nous. Dans le mémorial de la passion et de la résurrection du Christ, célébré à chaque eucharistie, nous accueillons d’abord le cadeau immense que Dieu nous fait : la vie du Ressuscité qui veut transfigurer nos vies présentes. Et dans le même temps nous entrons dans son mouvement d’offrande pour faire de toute notre vie, une offrande qui soit agréable à Dieu, comme nous le demanderons dans quelques instants : « nous te prions de nous transformer nous-mêmes en offrande qui te soient agréables ».

Oui, depuis la venue du Christ, la nature profonde de la maison de prière a changé. Elle n’est pas d’abord une maison où l’on apporte des offrandes, d’encens, d’animaux ou les premiers fruits de la terre pour honorer Dieu. Elle est le lieu où l’on reçoit le don gratuit de la vie de Dieu, offerte dans le mémorial de la mort et de la résurrection du Christ. Ce lieu devient alors le signe merveilleux de l’alliance que Dieu réalise avec son peuple, avec chacun de nous. Ici, il est bon de noter que pour désigner leur maison de prière, les chrétiens vont parler plutôt « d’église » que de temple. Eglise vient du mot grec qui veut dire « assemblée ». La maison de prière chrétienne est le lieu de l’assemblée des chrétiens. Cette accentuation mise sur l’assemblée est significative du changement de nature de cette maison de prière. Désormais, comme le disait Pierre dans la seconde lecture, ce sont les croyants qui sont appelés à devenir « des pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel ». La maison de pierre, appelée église, n’est que l’image de l’assemblée chrétienne qui se réunit en son sein, et qui est appelée à devenir le temple spirituel. En utilisant une image, on pourrait dire que le bâtiment église est comme le moule qui reçoit la pâte. Ce moule va permettre que soit façonnée l’assemblée des fidèles en temple spirituel.

Effectivement, une église comme notre église monastique qui accueille les moines plusieurs heures par jour modèle et façonne notre communauté monastique. A travers la prière des heures, elle la façonne en communauté de louange à la gloire de Dieu. A travers les célébrations de la réconciliation, elle la façonne en communauté de frères pardonnés et pardonnant. A travers l’eucharistie, elle la façonne en communauté de frères morts à eux-mêmes et ressuscités avec le Christ. Si on garde l’image du bâtiment église comme d’un moule qui façonne, on peut noter que ce n’est pas par hasard si nos églises sont traditionnellement en forme de croix. L’assemblée des croyants qui se réunit en ce lieu va être configurée au Christ en croix, pour recevoir de lui la Vie nouvelle. L’assemblée apprend jour après jour à mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui. Tournée vers l’autel placé au centre de toute église chrétienne, l’assemblée apprend à centrer toute sa vie sur le Christ qu’il représente. En faisant silence et en écoutant la Parole proclamée en ce lieu, elle se laisse instruire et convertir. En se prosternant ou levant les mains pour la prière, elle s’unit au désir du Christ, le seul Prêtre, de voir tous les hommes accéder au bonheur des fils de Dieu. En recevant le pain de Vie, le Corps du Christ, elle reçoit sa force et son unité pour « annoncer les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ».

Frères et sœurs, en célébrant cette fête de la dédicace, nous voulons dire merci à Dieu qui nous offre en ce lieu la Vraie Vie dans le Christ, mort et ressuscité. Nous lui demandons humblement d’être fidèles, assidus et coopérant à l’œuvre qu’il réalise en ce lieu où il façonne notre communauté. Qu’en ce lieu, nous devenions vraiment ce que nous sommes, temple spirituel en Christ et communauté de frères ouverte à tous.

Homélie du 16 juillet 2023 — 15e dim. ordinaire — Frère Charles Andreu
Cycle : Année A
Info :

Année A - 16°dimanche du temps ordinaire - 16 juillet 2023

Is 55, 10-11 ; Rm 8, 18-23 ; Mt 13, 1-23

Homélie du F. Charles Andreu

Texte :

Comme il semait, des grains sont tombés sur le bord du chemin — À l’écoute de l’évangile de ce dimanche, il est parfaitement légitime de s’interroger sur soi-même : de quelle terre suis-je fait ? Terre de chemin, terre de pierre, de ronce, ou bonne terre accueillante à la parole ? Mais ce matin, nous pourrions faire un pas de côté, nous décentrer de nous-même, et nous poser une autre question : Qui donc est le semeur ? Quel genre de semeur est-il ?

Un semeur très déconcertant à vrai dire. Ce grain tombe à l’aventure, un peu partout, sur le chemin, sur les pierres et les ronces, ça ne fait pas très sérieux. On le dirait malhabile, distrait, nonchalant, fantasque ; et pourtant, il est le bon semeur. Alors voyons ce que son comportement déconcertant manifeste de sa bonté.

Pour pouvoir se permettre de lancer ainsi la semence au quatre vents, sans trop y regarder, ce semeur ne doit pas être à court de grain, mais dans l’abondance au contraire. De même, le Seigneur n’est pas à court des dons qu’il veut faire ; et il nous partage sans compter, sans souci de rentabilité, au risque même du gaspillage, les richesses inépuisables de sa parole, de sa vie, de son pardon, de son amour. Même quand notre existence semble butter sur une impasse, quand la peine laisse si mal espérer, quand nous sommes enlisés dans nos faiblesses et nos fautes, la grâce du Seigneur n’est pas épuisée, car il ne manque ni de ressources, ni d’imagination. Le prophète Jérémie, au plus terrible de la détresse de son peuple, l’avait déjà dit : Les faveurs du Seigneur ne sont pas finies, ni ses compassion épuisées ; elles se renouvellent chaque matin, grande est sa fidélité ! « Ma part, c’est le Seigneur ! dit mon âme, c’est pourquoi j’espère en lui. » (Jr 3, 22-24) Oui, ce semeur apparemment si dispendieux, mais en fait si riche en miséricorde, nous permet d’oser espérer le pardon, la vie, l’amour.

Et il n’attend pas, pour en répandre la semence, que la terre soit déjà bonne : même la terre du chemin, même les terres empierrées ou couvertes de ronces, reçoivent le grain. Bien sûr, chacune de ces terres devra se transformer pour fructifier, mais en attendant, cette image si déconcertante, et même franchement absurde, du grain jeté dans la mauvaise terre, nous pousse à interroger, puis à inverser une posture spirituelle faussée, mais parfois profondément ancrée en nous. Quand nous nous épuisons à nous demander comment devenir une bonne terre pour que le Semeur y mette le grain, l’évangile nous dit que le grain y est déjà. Le cœur de notre vie chrétienne est-il Que dois-je faire pour être sauvé ? ou bien Que dois-je faire parce que j’ai été suis sauvé ? ; Que puis-je faire pour être aimé du Seigneur ? ou bien Que puis-je faire parce que le Seigneur m’aime, déjà ? Osons-nous croire à la gratuité de l’amour du Seigneur, libérés de la fausse angoisse de devoir le mériter ? Conversion première à la quelle invite ce semeur déconcertant, et qui est le fondement de toute autre conversion.

De ce qui vient après, l’évangile ne dit rien : comment se transformera la terre que nous sommes ? Par nos efforts ? La première lecture a préféré évoquer la pluie venue du ciel : la parole de Dieu est un grain ; elle est aussi la pluie, la neige, la rosée qui, chacune à sa façon, avec force ou avec douceur, selon les saisons de la vie, travaille la terre.

Est-ce à dire que nous n’aurons nulle part au travail de la terre ? Certes, non. Mais si c’est bien de travail qu’il s’agit, la deuxième lecture nous en a proposé une image plus juste encore, celle du travail d’enfantement. Une mère en parlerait évidemment mieux que moi, mais il me semble que l’image dit bien un processus qui échappe à notre maîtrise, en même temps qu’il nous requiert tout à fait. L’un et l’autre. D’une part, nous devons renoncer à faire de notre conversion, de notre fécondité, un projet, notre plan, notre affaire, et laisser le Seigneur nous dire, comme le fit Pascal en ses Pensées : « C’est mon affaire que ta conversion ; ne crains point et prie avec confiance comme pour moi. » Mais d’autre part nous devons collaborer à l’action du Seigneur en nous, avec l’engagement, la droiture et la responsabilité que suppose un amour vrai, travailler à laisser le semeur nous déconcerter par ses dons.

Homélie du 11 juillet 2023 — Saint Benoît — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

SAINT BENOIT - 11 juillet 2023

Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

« Si tu creuses comme un chercheur de trésor, alors ? Alors tu comprendras la crainte du Seigneur, tu découvriras la connaissance de Dieu…alors tu comprendras la justice, le jugement, la droiture, seuls sentiers qui mènent au bonheur »

Ainsi s’exprimait, frères et sœurs, le sage qui prononçait des proverbes il y a quelques 2500 ans… Chercher un trésor, n’est-ce pas aujourd’hui comme hier quelque chose qui nous fascine et nous attire toujours. Quand on en met un au jour, depuis les fonds marins, dans un grenier, ou dans la doublure d’une armoire, c’est toujours une grande joie, et l’occasion d’une excitation. Car ces objets se révèlent être précieux par leur valeur marchande peut-être, mais le plus souvent parce qu’ils sont comme un pont qui nous relie à un passé insoupçonné… Chercher un trésor, l’image nous parle aussi à nous moine. Et ce n’est pas un hasard si cette lecture a été choisi pour cette fête de St Benoit, le chercheur de Dieu.

Qu’est-ce qu’un moine chercheur de trésor ? Pour quel trésor ?

« Si tu creuses, comme un chercheur de trésor », nous dit le sage des Proverbes…Si tu creuses… Le moine ne creuse pas forcément des trous, même s’il lui arrive de creuser des tranchées ! Que creuse-t-il ? A l’invitation de St Benoit, il creuse en lui un espace, un espace d’écoute et d’accueil, un espace qu’il voudrait toujours plus large pour qu’y résonne la Parole de Dieu. Comme une caverne où le moindre chuchotement resonne, il voudrait en cet espace intérieur capter et laisser résonner jusqu’au plus petit murmure, jusqu’au silence, pour saisir quelque chose de la Parole de Dieu. La prière, la lectio divina et l’étude sont comme l’atelier premier dans lequel le moine creuse et se laisse creuser. Il laboure les Ecritures, et il laisse son cœur être labouré. Par ce travail, par cette attitude de profonde attente, le moine creuse moins qu’il se laisse creuser pour devenir davantage accueillant à tous les appels. Ce sera l’appel de la cloche pour la prière, l’appel du frère dans le besoin, l’appel du service de la communauté dans le travail, l’appel d’un hôte. Il se laisse creuser aussi par les interrogations de notre monde, les souffrances qui lui sont confiées. Comme tout humain fragile, il est parfois ébranlé et ne comprend pas toujours. Aussi creuse-t-il encore. Et à la mesure de son cœur qui se creuse, qui se dilate aussi, il voudrait transformer en prière, en intercessions, en communion toutes ces résonances reçus. Chercheur de Dieu, le moine creuse et se laisse creuser… Mais finalement trouve-t-il quelque chose ?

Le passage de la lettre de St Paul aux Colossiens peut nous ouvrir des pistes pour répondre. Le moine chrétien comme tout chrétien porte en lui vase d’argile, un trésor… la présence du Christ. Mystérieuse présence dans laquelle nous sommes plongés depuis notre baptême, le Christ est là voilé en chacun de nous. Paul dit que nous avons été sanctifiés, faits saints, aimés par Dieu. Lorsqu’il invite les Colossiens et chacun de nous à nous revêtir de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience, il semble dire : n’ayez pas peur, osez prendre ce manteau, c’est le vôtre. De même lorsqu’il exhorte au pardon mutuel, il ajoute que le Seigneur nous a pardonnés, et donc non seulement vous devez le faire, mais vous pouvez le faire. Ou encore lorsqu’il souhaite que la Paix du Christ règne dans les cœurs, il suggère qu’elle est là à portée de cœur, vous pouvez la vivre. Et enfin puisque la parole du Christ habite en nous dans toute sa richesse, il invite à s’instruire mutuellement, et à se reprendre… Dans ce propos de Paul, tout se passe comme s’il voulait que ses interlocuteurs, et donc nous avec eux, nous ouvrions les yeux de notre cœur pour reconnaitre la présence du Christ déjà à l’œuvre comme un cadeau. C’est dans cette présence gracieuse que nous pouvons être doux, tendre, patient, compatissant, que nous pouvons pardonner, vivre en paix, et nous instruire mutuellement. Oui, Paul nous engage à prendre conscience de ce trésor qui est là en nous comme une grâce, la grâce de la présence du Christ qui peut nous faire vivre et agir d’une manière nouvelle, vraiment accordée à son Amour… Comme tout chrétien, le moine chercheur de trésor est donc convié à prendre conscience et à accueillir ce trésor incommensurable qu’il a reçu depuis son baptême. Souvent, nous vivons comme si nous étions les seuls maitres à bord, en oubliant cette présence du Christ dans nos vies. Elle est cachée, comme un trésor à mettre au jour, ou encore comme des graines semées qui ne demandent qu’à germer. Le Christ désire prendre visage davantage en chacun de nous. Ainsi pouvons-nous entendre l’ultime conseil de Paul reçu ce matin : « En tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père » …

Homélie du 09 juillet 2023 — 14e dim. ordinaire — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

Homélie du 14ème dimanche du TO Année A

(Zacharie 9,9-10 ; Romains 8,9-13 ; Matthieu 11,25-30)

Homélie du Frère Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

J’aimerais revenir avec vous sur la seconde lecture de la messe d’aujourd’hui, où il est question de « chair » et « d’Esprit », dans ce passage de l’épitre aux Romains de Saint Paul.

La grosse difficulté de ce texte est dans le mot « chair » chez saint Paul. Il n’a pas le même sens que dans notre français actuel du XXI° siècle. Nous, en 1ère lecture nous serions tentés d’opposer 2 composantes de l’être humain que nous appelons dans une longue tradition : « corps » et « âme », et nous risquons alors de faire un énorme contre-sens. Quand Paul parle de « chair » et « d’Esprit », ce n’est pas du tout cela qu’il a en vue. Ce qu’il appelle « chair », ce n’est pas ce que nous appelons « corps » et ce qu’il appelle « Esprit », ce n’est pas ce que nous appelons « âme ». D’ailleurs, si nous regardons de plus près le texte, il n’oppose pas 2 mots, mais 2 expressions : « vivre selon la chair », « vivre selon l’Esprit ». Et l’Esprit dont il est question, là, c’est l’Esprit de Dieu, l’Esprit de Christ, et non pas le nôtre, humain, trop humain.

Bref, Paul place ses auditeurs devant un choix, un choix de mode de vie, ou d’existence, et en le disant autrement il faut choisir entre 2 maîtres de vie pour engager une ligne de conduite dans le monde, dans nos familles, dans nos communautés, partout.

Si l’on devait transposer dans un langage d’actualité cette opposition et ce choix, je dirai volontiers avec le pape François dans son encyclique « Laudate Si », il nous faut choisir entre un mode de vie de consommation, voire de sur-consommation affairée et jamais rassasiée en biens matériels, dans la recherche du toujours plus et du toujours nouveau dans une course au progrès sans limite et aux jouissances passagères, d’une part, et un mode vie de « sobriété heureuse », d’autre part, qui se contente de peu, dans une attitude d’humilité confiante, de pauvreté acceptée et de partage avec les pauvres. Entre ces 2 modes de vie pour nous aujourd’hui, c’est l’affaire d’une conversion : la fameuse conversion à l’écologie intégrale, entrée dans une économie durable et responsable, construction d’une « Eglise verte »…

Il est facile alors, si l’on a compris cela, d’entendre les paroles de Jésus dans l’Evangile, mais aussi celles du prophète Zacharie dans la 1ère lecture. Annonce d’un Messie non pas triomphal et dominateur, sûr de sa puissance et de ses richesses, monté sur un char ou un cheval, mais un messie-roi juste, humble et doux, monté sur un âne, un âne tout jeune et fragile, lequel, paradoxalement vient briser la guerre et la violence pour proclamer la paix aux nations.

Oui, Père, dit Jésus en prière : je proclame ta louange. Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos.

Jésus indique à ses disciples le chemin du cœur pour trouver le repos et le vrai bonheur. Blaise Pascal, ce grand chrétien du XVII° siècle dont nous fêtons le 4ème centenaire de la naissance cette année, distinguait dans ses « Pensées » 3 ordres de la condition humaine. L’ordre de la chair qui correspond à l’économie, à la politique et aux affaires matérielles, régies par la concupiscence et le désir de dominer, l’ordre de l’esprit (avec un petit e) qui est celui de la science et où peuvent exceller l’intelligence et la raison, avec de belles découvertes techniques et le progrès des connaissances, et enfin l’ordre du cœur, qui est celui de la charité et de la « proposition chrétienne ». Chaque ordre a ses maîtres, sa grandeur et ses raisons d’être. Mais ils ne communiquent pas entre eux : une distance infinie les sépare. Nous les parcourons chacun d’une manière ou d’une autre dans notre condition humaine finie avec sa misère et sa grandeur. Mais l’ordre du cœur est le plus essentiel, lieu de la grâce et accessible par une conversion à l’Esprit de Jésus, humble et pauvre, dont la vie terrestre culmine à Gethsémani et l’expiration sur la Croix. L’ordre du cœur rejoint ainsi la vie selon l’Esprit (avec un grand E). Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts et qui habite en nous depuis notre baptême.

C’est cet Esprit dont le fruit multiforme se décline en Amour, Joie, Paix, Patience, Douceur, Confiance, Bienveillance et Maîtrise de soi, précisera encore Saint Paul dans sa lettre aux Galates. Aussi, sous l’emprise d’un tel Esprit et dans l’accueil de son fruit, nous tuons les désordres de l’homme pécheur. Nous sommes réconciliés avec Dieu et justifiés par notre foi en Jésus-Christ. Nous pouvons alors témoigner de la bienheureuse et grande Espérance et annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile à nos frères.

AMEN

Homélie du 02 juillet 2023 — 13e dim. ordinaire — Frère Hubert
Cycle : Année A
Info :

Année A - 13° dimanche du Tps Ordinaire - 2juillet 2023

2 Rois 4 8-16 ; Rom 6 3-11 ; Mt 10 37-42;

Homélie du F. Hubert

Texte :

Voilà un évangile qui est de ceux qui nous bousculent le plus,

que nous avons le plus de mal à accepter.

Il est pourtant pour notre bonheur, non pour notre malheur.

Il est bon de le remplacer dans son contexte pour percevoir comment il est Bonne nouvelle.

Il termine le chapitre 10 de St Matthieu,

consacré au choix des Apôtres et à leur envoi en mission par Jésus.

Proclamez que le royaume des Cieux est tout proche.

Guérissez les malades, ressuscitez les morts, donnez gratuitement.

Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups.

Vous serez détestés de tous à cause de mon nom. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps.

Qui vous accueille m’accueille, et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.

Il s’agit de communion, de l’amour qui jamais ne passe.

Il s’agit de notre communion les uns avec les autres, en Jésus, par Jésus, et avec notre Père qui l’a envoyé parmi nous.

Jésus a été touché de compassion devant les foules désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Alors il envoie ses apôtres annoncer le Royaume, et lui-même va partir enseigner et proclamer la Parole.

Sauver les brebis abattues, désemparées, perdues. Leur donner sens et espoir.

Leur donner Vie.

Pour les disciples, il ne s’agit de rien moins que de participer à l’œuvre de celui qui le Père a envoyé.

Pour cela, il leur faut être totalement disponibles, et, avec la force de l’Esprit,

être capables d’affronter toute contradiction, tout refus, toute persécution.

Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur.

La contradiction peut venir de ceux vers qui ils sont envoyés :

Méfiez-vous des hommes, ils vous livreront aux tribunaux, … le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant.

Mais les résistances peuvent être aussi en eux :

Qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père.

La mission est d’annoncer la venue, la présence déjà, du Royaume, d’apporter la paix, celle de Dieu.

Mais cette Bonne Nouvelle suscite contradictions, voire persécutions.

Jésus en sera condamné à mort, beaucoup de disciples seront persécutés.

Les communautés destinataires de l’évangile vivent cela :

Le frère livrera son frère à la mort.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre :

Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi.

Jésus critiquera plus loin ceux qui ne prennent pas soin de leurs parents,

sous prétexte d’offrande à Dieu : il ne s’agit donc pas de ne pas aimer son père ou sa mère, de ne pas les honorer,

mais d’être disponible, dans l’urgence, pour l’annonce du royaume et de la paix que Jésus apporte.

L’annonce même de cette paix suscite la division :

Au v 13, Jésus dit :

Si la maison qui vous accueille en est digne, que votre paix vienne sur elle.

mais au v 34, il affirme : Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.

Je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère…

Le Royaume est celui du don et de l’accueil : l’humanité n’y est pas d’emblée accordée.

Toute attitude contraire au don et à l’accueil devient opposition au Royaume,

Mais qui accueille les disciples accueille Jésus, et qui accueille Jésus accueille Celui qui l’a envoyé.

A travers les contradictions, les séparations, les choix couteux, Jésus nous offre un chemin de communion, la communion même du Père et du Fils. Il nous offre le chemin de la paix, le chemin de la vie partagée.

On retrouve là les affirmations si fortes de Jésus dans saint Jean :

Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi.

Qu’ils soient un en nous pour que le monde croie que tu m’as envoyé.

Ne laissons pas s’enfouir les mots du pape François dans La joie de l’Evangile :

Il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, … sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu.

L’Église doit être le lieu de la miséricorde gratuite, où tout le monde peut se sentir accueilli, aimé, pardonné et encouragé à vivre selon la bonne vie de l’Évangile.

Si nous avons accueilli l’amour qui donne sens à notre vie, ne soyons pas timides pour le communiquer aux autres. Le Christ veut par nous rejoindre chacun et faire de tous un seul corps.

Le Christ a perdu sa vie pour nous : saurons-nous perdre la nôtre pour lui et pour que le monde ait la vie ?

Homélie du 25 juin 2023 — Saint Jean-Baptiste — Frère Alain
Cycle : Année A
Info :

Année A - 13° dimdu Temps Ordinaire - 24 juin 2023

Jer 20 10-13 ; Rom 5 12-15 ; Mt 10 26-33;

Homélie du Frère Alain

Texte :

Notre évangile nous invite à annoncer la Parole de Dieu, fut-ce au péril de notre vie, en allant au-delà de nos peurs.

Par trois fois, il nous est demandé de ne pas craindre, même si nous sommes envoyés « comme des brebis au milieu des loups ». Car l’amour gratuit de Dieu nous soutient, au-delà de tout ce que nous pouvons penser ou imaginer.

Il convient de crier l’évangile sur les toits. Dieu prend soin de nous. Nous valons plus qu’une multitude de moineaux. Les cheveux de notre tête sont tous comptés.

La puissance des hommes est limitée dans le temps et l’espace. Mais la sollicitude de Dieu assume toute notre vie, corps et âme. Une vie qui ne s’achève pas avec notre mort. Au jour du jugement, le Christ se déclarera pour nous, devant son Père et notre Père, si nous nous déclarons pour lui, devant les hommes. Le sens ultime de nos vies se décide sur notre solidarité avec le Christ, lui qui sait, par expérience, ce qu’il en coute d’annoncer la Parole. Une seule chose est à craindre : être séparé de lui.

L’évangile nous veut donc solidaires de ceux et celles que nous rencontrons. Si nous nous taisons, comment la bonne nouvelle sera-t-elle annoncée dans les épreuves, où la con¬fiance dans la vie risque de sombrer ? Et si nous cherchons le succès, nous allons nous décourager, nous culpabiliser.

Comment recevoir cet évangile aujourd’hui, alors que nous ne vivons pas dans les pays où les chrétiens, persécutés, risquent chaque jour la mort ? Sauf imprévu, nous ne risquons pas le martyre. Mais nous nous heurtons à un mur, celui de l’indifférence. Nos contemporains ne sont pas nécessairement des loups rapaces. Beaucoup d’entre eux ne sont, ni pour, ni contre la foi chrétienne, ils sont ailleurs.

Que faire alors pour annoncer un évangile qui n’apparait pas comme une bonne nouvelle ?

Comprendre que cette indifférence est une stratégie de survie, une carapace protectrice, contre toute intrusion, toute emprise, qui fragiliserait le peu de liberté que laisse notre société. Toute tentative de percer cette couche protectrice ne peut que renforcer les défenses.

Ne pas partir de nous-même, ce qui suppose, de notre part, une rude conversion. Mais partir de ce que les gens vivent, de leur désir / d’être reconnus dans leur singularité, de devenir plus humain. Pour ouvrir cet espace de gratuité, au moins trois conditions semblent nécessaires.

1/ Reconnaitre que le décrochage des jeunes générations par rapport à la foi chrétienne est lié aux défis d’une rupture culturelle, dont nous ne mesurons pas la portée.

2/ Réaliser qu’il nous est demandé / de transmettre l’évangile, non la foi chrétienne. Transmettre la foi est l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est son affaire, pas la nôtre.

3/ Accepter que tous ne sont pas appelés à devenir chrétien, et à vivre en Eglise. Mais si nous sommes chrétiens, c’est une vocation au service de tous. Dieu a pris le risque des aléas de l’histoire. Il nous faut nous en accommoder, poursuivre notre deuil de la chrétienté.

Nous ne sommes pas chargés d’apporter Dieu au monde, comme s’il y était absent ! Nous sommes au service d’un dialogue déjà commencé, entre Dieu / et les hommes et les femmes de ce temps. Il nous revient de dire la Parole qui nous est confiée dans la gratuité, comme le Christ le faisait. Mission modeste, pourtant capitale. Car l‘attitude que nous adoptons, face au dialogue, reflète l’image de Dieu que nous proclamons. Vaste chantier !

Notre évangile nous invite donc à annoncer la Parole, dans les situations où nous nous trouvons. Confrontés, non au martyre, mais à une autre forme de pauvreté que nous n’avons pas choisie, où Dieu nous accompagne. Saurons-nous saisir cette grâce d’un « christianisme fragile » ? Réaliser que le plus grand danger aujourd’hui, c’est de ne pas prendre de risques.

Homélie du 16 juin 2023 — Sacré Cœur — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

SACRE-COEUR - 16 Juin 2023

Dt 7, 6-11 ; 1 Jn 4, 7-16 ; Mt 11, 25-30

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

De ces lectures, un mot a particulièrement retenu mon attention, c’est le mot « demeurer ». Il revient plusieurs fois dans la première lettre de St Jean qui fait un lien très étroit entre le fait d’aimer et celui de demeurer. « Qui demeure dans l’Amour demeure en Dieu et Dieu en lui ». En regardant dans le dictionnaire, j’ai trouvé que le mot « demeurer » vient du mot latin « demorari », qui veut dire « tarder », d’où « s’arrêter, rester en un lieu, séjourner, habiter ». Il me semble qu’on pourrait alors oser cette transcription de la citation de Jean : « Qui tarde, ou qui s’attarde dans l’Amour, s’attarde en Dieu et Dieu s’attarde en lui »… Il ne s’agit plus seulement d’être avec Dieu en un lieu, mais aussi de passer du temps avec lui. Il me semble qu’il n’est pas inutile dans notre culture contemporaine de prendre toute la mesure de ce mot « demeurer ». J’entends encore la réflexion d’un jeune couple qui, à l’occasion du baptême de leur enfant, redécouvre le besoin de ne pas toujours courir et de s’arrêter pour prendre le temps de revenir à l’église pour les célébrations de la foi. Et pour nous moine, la tentation peut être là, de vivre notre vie monastique, comme une course contre la montre, pour gagner toujours plus de temps, pour abattre le plus de travail dans le peu temps disponible. Le risque est fort alors de nous essouffler et de nous dessécher. Nous avons les yeux rivés sur la montre, au lieu de les avoir tournés vers le Seigneur ou vers nos frères. Nous risquons fort alors de malmener, et Dieu et nos frères.

Les lectures de ce jour nous invitent à retrouver notre vrai centre de gravité : le lieu où il nous faut nous attarder, nous reposer… Et ce lieu, c’est le Seigneur lui-même qui nous l’indique. Ce lieu, c’est nous-même comme peuple consacré par Dieu, peuple de qui Dieu veut faire son « domaine particulier » pour y demeurer. Ce lieu, c’est Jésus, doux et humble de cœur, en qui nous trouvons le repos lorsque nous l’écoutons et nous nous mettons à son école. Ce lieu, c’est Dieu lui-même en qui nous habitons lorsque nous aimons. Nous touchons là au mystère : nous sommes ce lieu où nous sommes appelés à demeurer et le Seigneur est ce lieu où nous sommes appelés à demeurer… Et ces deux lieux n’en font qu’un lorsque nous aimons. L’Amour reçu de notre Dieu et accueilli en nos cœurs, pour aimer à notre tour devient le foyer brûlant de notre rencontre avec Dieu. L’Amour reçu et donné devient notre vrai lieu. Là nous pouvons nous reposer vraiment, demeurer, être stable en nous-mêmes et en Dieu.

Devant un tel appel à demeurer dans l’Amour, notre vrai lieu, nous pouvons nous sentir bien petits, incapables, voire indignes. Regarder Jésus doux et humble de cœur, le contempler dans l’évangile sera notre sûre boussole. Nous pouvons apprendre de lui comment aimer. Et surtout, nous pouvons contempler en son cœur transpercé, comment son amour a été jusqu’à prendre sur lui tous nos manques d’amour, toutes nos cruautés et injustices. En Lui, désormais vivant et ressuscité, son cœur divin « plus humain et plus aimant que fut jamais le cœur d’un enfant de la terre » devient le Temple d’où s’écoule la source inépuisable de l’Amour. De son Cœur ouvert et généreux, nous pouvons recevoir la force d’aimer. Dans son Cœur humble et hospitalier, nous pouvons prendre place pécheur insolvable que nous sommes.

En cette eucharistie, en faisant mémoire de son cœur offert, donné et ouvert sur la Croix, pour sauver et guérir nos cœurs endurcis, accueillons la Source rafraichissante de son Amour.

Homélie du 11 juin 2023 — Saint Sacrement - Fête Dieu — Frère Jean-Louis
Cycle : Année A
Info :

Année A - Corps et Sang du Christ - 11/06/2023

(Dt , 2-3. 14b-16a – Ps 147 – 1Co 10, 16-17 – Jn 6, 51-58

Homélie du F. Jean-Louis

Texte :

Frères et sœurs,

Ce dimanche, l’Église célèbre la solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Après la Pentecôte (don de l’Esprit Saint) et la Sainte Trinité (Dieu en son intimité), et avant la solennité du Cœur du Christ (Amour du Christ pour nous), vendredi prochain, cette fête nous rappelle un autre aspect du mystère de l’Amour de notre Dieu qui demeure inépuisable : le don que le Christ nous fait de lui-même.

Cette fête nous rappelle en effet de ne pas oublier que le Corps du Christ est bien destiné à nous être offert pour être mangé et c’est ce que nous rappellent les lectures de ce dimanche où il est question de nourriture et de pain. La manne au désert pour le peuple d’Israël, le Christ pain vivant auquel nous avons tous part.

Traditionnellement, l’Église a vu dans la manne qui a nourri les Hébreux au désert, l’image de l’eucharistie, Corps du Christ offert en nourriture au peuple chrétien. La première lecture, tirée du Deutéronome, l’un des livres de la Torah, la Loi juive, fait mémoire de la longue marche au désert du peuple d’Israël, marche où le peuple a connu l’épreuve de la pauvreté, de la faim, pour savoir s’il allait garder les commandements de Dieu ou non. Pourquoi cette mémoire ? Eh bien parce qu’à l’époque du Deutéronome, au 7e s. avant le Christ, Israël vit dans l’abondance et la prospérité et que la tentation, que notre société connaît bien, était alors d’attribuer cette prospérité à ses propres forces, à son travail et non plus à Dieu. D’où une certaine désaffection à l’égard de la pratique de la Loi et notamment de l’attention aux plus pauvres. Ce passage rappelle qu’Israël tient sa vie, sa prospérité de Dieu, de sa Parole transmise par les prophètes et pas seulement du pain que le peuple mange désormais à satiété, sauf les plus pauvres. À un peuple qui risque de devenir imbu de lui-même, l’auteur du Deutéronome rappelle qu’il a été jadis esclave en Égypte et que c’est Dieu qui l’a libéré et conduit à travers le désert brûlant en lui procurant la manne et l’eau jaillie du rocher. La manne, nourriture divine.

Le lien a vite été fait par la tradition chrétienne entre cette manne et le pain vivant, descendu du ciel, l’eucharistie, Corps du Christ. Et là, il faut bien reconnaître que le Christ y va fort. Alors que pour un Juif, le sang ne peut se boire et encore moins la chair humaine se manger, Jésus annonce que pour avoir la vie, il faut manger sa chair et boire son sang. C’est vraiment intolérable. Et le Christ va plus loin encore en disant que la manne au désert, pourtant nourriture venant du ciel, n’a pas empêché les pères de mourir alors que manger le pain qu’est le Christ donnera la vie éternelle. Nous sommes, dans ce récit, avant la Cène et avant la Passion. Faut-il s’étonner de l’incompréhension des auditeurs du Christ ?

Saint Paul, pour sa part, est le témoin de la foi des chrétiens dans la communion au Corps et au Sang du Christ qui fait de la multitude des croyants au Christ un seul corps, l’Église, puisque tous communient au seul et même pain, le Corps du Christ.

Frères et sœurs, la prière d’ouverture de la messe nous a rappelé que le sacrement du Corps et du Sang du Christ est vraiment mémorial, présence, de cet événement fondateur du christianisme : la mort et la résurrection du Christ. Chaque fois que nous célébrons l’eucharistie, en effet, nous sommes rendus contemporains de cette action de Salut de Dieu et vénérer le Corps et le Sang du Christ nous permet de goûter le fruit de ce Salut éternel offert gratuitement.

La première lecture nous a remis en mémoire que c’est Dieu qui est le cœur de nos vies, que nous lui devons tout et qu’il est important de veiller à ce que l’aisance matérielle ne nous fasse pas oublier l’importance de sa Parole comme nourriture quotidienne. Nous le savons bien, prospérité et oubli de Dieu vont souvent de pair. Comment rester vigilant dans notre vie de tous les jours ? Comment, en écoutant l’évangile, ne pas oublier que le Christ a affirmé qu’il est vraie nourriture et vraie boisson ? Il est la vie éternelle qui nous est offerte dès ce monde. Célébrer la solennité d’aujourd’hui peut nous le remettre à l’esprit et au cœur.

Mais saint Paul nous avertit. Il ne s’agit pas de recevoir le Corps du Christ uniquement pour nous, individuellement. La célébration de la messe, la communion au Corps du Christ, ce n’est pas seulement pour moi-même, pour mon bien spirituel, même si c’est vrai, mais c’est aussi pour former, tous ensemble, le même corps, l’Église, qui est Corps du Christ. Et former ensemble le Corps du Christ a des conséquences sur notre vie concrète. Nous le savons bien, le manque d’attention fraternelle est souvent un repoussoir pour nombre de personnes qui voient vivre les chrétiens. Il y a réellement un témoignage à donner et pas seulement des vérités à dire. Nos eucharisties ne doivent pas rayonner que par la beauté des rites mais surtout par la charité qu’elles créent entre nous et envers tous.

La préface que je chanterai tout à l’heure au début de la prière eucharistique nous rappelle le dernier repas du Christ avec ses apôtres, le Jeudi saint, veille de sa passion. Elle nous dit aussi l’importance de faire connaître à la famille humaine tout entière la lumière de la foi vécue dans une même charité. Nous retrouvons la foi vécue dans le quotidien. Il s’agit aussi d’être peu à peu imprégnés par la grâce de Dieu et transformés à l’image de ce que nous serons au ciel, dans la vie éternelle, ce que nous dira la prière après la communion : dès maintenant, en communiant au Corps du Christ, nous goûtons pleinement, dans notre temps, à la vie divine à laquelle toute l’humanité est appelée. Il ne s’agit pas de nous évader du présent mais d’y œuvrer à faire connaître l’action du Christ et de l’Esprit en notre monde.

La prière après la communion nous rappellera que la communion au Corps et au sang du Christ préfigure dans le temps la vie divine dans l’éternité. En sommes-nous vraiment conscients ? Passé, présent et futur sont donc réunis en cette fête.

Ainsi, la liturgie de ce jour nous invite à remettre le Christ au centre de notre vie, à reprendre conscience que nous sommes invités par Dieu, à former un seul Corps, une seule Église dans l’Esprit Saint et à témoigner du bonheur qu’il y a à se savoir aimés à la folie par un Dieu qui a été jusqu’à offrir sa vie pour l’humanité tout entière. Frères et sœurs, il est essentiel que le message du Christ soit connu toujours davantage car nos contemporains ont besoin de se savoir aimés et sauvés sans condition.

AMEN

Homélie du 04 juin 2023 — Sainte Trinité — Frère Vincent
Cycle : Année A
Info :

Année A - Fête de la ste Trinité - 4 juin 2023 -

Ex 34 4-9 ; 2 Co 13 11-13 ; Jn 3 16-18 ;

Homélie du F. Vincent

Texte :



Une personne que je rencontrais récemment me disait :« Ma foi, c'est que Dieu est Amour, tout est là ». Le Mystère Trinitaire que nous fêtons aujourd'hui, ce n'est pas autre chose.

Ce Mystère d'Amour trinitaire c'est d'abord celui du Père "source de toute paternité au ciel et sur la terre" comme dit St Paul aux Ephésiens, mystère du Père qui aime son Fils lui donnant vie et exprimant envers Lui un Amour infini qui dit toute sa richesse. "Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu'il fait" dit St Jean.

La richesse de Dieu se dit toute entière dans son extase, dans sa "sortie de soi" en direction du Fils de son Amour. Le mystère de Dieu, c'est le mystère d'un don total, d'une totale et éternelle remise de soi. Cette "génération" du Fils, cet "engendrement" du Fils fait partie du mystère de Dieu-même; elle ne lui est pas surajoutée et notre Dieu ne pourrait être dit sans elle.

Dieu est tellement Amour qu'il ne saurait dire son Être, dire ce qu'il est, de meilleure manière qu'en engendrant un Fils, éternel comme lui, Dieu comme lui, en toute chose semblable à lui, tout en recevant tout de lui.

Le mystère fondamental de notre Dieu, c'est celui de ce don total de l'Amour, de ce caractère plénier de l'Amour.

Dieu Père aime son Fils et se donne totalement à lui en lui donnant l'Esprit de leur Amour commun. Il lui donne absolument tout: sa vie, sa divinité, ET cette force d'aimer qui le fait aimer lui-même. Il lui donne ce dynamisme d'Amour qui le fait lui-même aimer, et qui est son Esprit. Le Père donne au Fils de l'aimer avec l'Amour même qu'Il reçoit.

Mais regardons aussi le Fils, mais contemplons aussi l'Amour du Fils pour le Père, le merveilleux retour à sa source de l'Amour absolu. C'est ce mouvement là que nous aurons à vivre à notre tour, et c'est pourquoi il est si important d'en parler.

Le Fils aime le Père avec vraiment toute sa force, tout son cœur, toute son intelligence. Et c'est ce que nous voyons vivre à Jésus, le Fils fait homme. Si quelqu'un a jamais aimé le Père autant qu'il le mérite et avec la force même avec laquelle le Père aime, c'est bien Jésus. Jésus qui nous dit la plénitude et la beauté de son amour du Père: "Je fais toujours son bon plaisir", ( Jn 8,29). "Ma nourriture c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre", (Jn 4, 34).

Jésus révèle là tout son mystère, tout son être de Fils : aimer le Père, la volonté du Père. Jésus dit là toute sa force et sa raison de vivre. Et cette volonté aimée du Père se traduit pour Jésus par une vie simple, merveilleusement unifiée à l'image de la profonde unité d'Amour qui règne en Dieu.

Mystère de simplicité et de beauté sans aucune note discordante ni aucune ombre mauvaise ou gênante. Il n'y a que la simplicité de cet échange d'Amour où tout ce qui est reçu est rendu.

Prenons-nous assez le temps de nous laisser envelopper de cet amour rayonnant? prenons-nous assez le temps de nous laisser envahir par cet amour trinitaire qui est silence, qui est Paix et Joie dans l'Esprit Saint?

Le Père aime sans cesse le Fils et se donne à lui dans une plénitude qui ne se reprend jamais. Le Fils silencieusement accueille ce don et se donne pleinement en retour.

Il n'y a en eux nulle crainte que cet échange d'Amour s'épuise et se modifie puisqu'il est Amour divin : c'est vraiment la Paix et la Joie! Simplement, le Fils est là et il accepte cet Amour insondable. Il répond à cet Amour par un don total de soi: Paix et Joie! Amour, Paix, Joie qui sont les trois premiers fruits de l'Esprit selon l'épître aux Galates. Et ce n'est pas un hasard, car où l'Esprit donne-t-il ses fruits si ce n'est d'abord dans le Père et le Fils?

Dieu lui, est Paix et il communique à l'homme qui se laisse envahir par lui, quelque chose de sa Paix profonde.

Sa Parole fondatrice au Fils: "Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur", le Père la dit véritablement au cœur de chacun d'entre nous.

On pourrait encore longtemps parler de ce mystère du Dieu Amour. Retenons déjà que Dieu est Amour et que c'est à cet Amour-là qu'il nous fait participer. (sources diverses)

Homélie du 28 mai 2023 — Pentecôte — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

année A - PENTECÔTE 28 mai 2023

Ac 2,1-11; 1 Co 12, 3b7.12-13 ; Jn 20, 19-23

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

Dans la seconde lecture, nous entendions st Paul affirmer : « Personne n’est capable de dire : ‘Jésus est Seigneur’ sinon dans l’Esprit Saint ». Être capable de : voilà quelque chose qui nous intéresse particulièrement. Nous aimons être capable d’agir ou de parler. Nous sommes heureux quand nous pouvons développer de nouvelles capacités de faire, quand nous pouvons déployer de nouvelles énergies pour nous-mêmes et pour les autres. Si dans notre monde, ces capacités nouvelles sont souvent le fait de techniques ou de nouvelles connaissances de soi et du monde, ce matin, st Paul nous dit que nous pouvons encore compter sur un autre secours, l’Esprit Saint. Il nous rend aussi capable de plus. Capable de quoi ? De dire des choses « Jésus est Seigneur » ou de faire des choses en vue du bien de tous, au service de l’unité entre les hommes. En parcourant aussi les autres lectures, nous voyons l’Esprit Saint rendre les disciples de Jésus capables de parler en d’autres langues, simples galiléens qu’ils étaient. Et dans l’évangile, Jésus en soufflant l’Esprit sur les apôtres, les rend capables de remettre les péchés…

Arrêtons-nous sur chacun de ces aspects de l’action de l’Esprit Saint qui rend capable de choses auxquelles les disciples n’auraient sûrement jamais pensé.

Tout d’abord, l’Esprit rend capable de dire « Jésus est Seigneur ». Cette affirmation peut peut-être nous surprendre, nous chrétiens qui avons si souvent sur nos lèvres ce mot de « Seigneur » pour parler de Jésus. Il nous semble que cela est tout simple et que cela ne nous demande pas un effort ou une attention particulière de dire « Jésus est Seigneur ». En fait, pour Paul et ses contemporains, cette affirmation était inouïe : attribuer à un homme le nom de « Seigneur », c’était lui donner le nom même de Dieu, révélé à Moïse. Le nom imprononçable de Dieu, transcrit en Adonaï, et traduit en grec par Kyrios, et en français par Seigneur. Dire « Jésus est Seigneur », c’est affirmer que l’homme Jésus que tous ont vu mourir sur une croix, comme abandonné par Dieu, participe aujourd’hui à la Gloire de Dieu. Jésus qui était mort, est non seulement vivant, mais il partage la vie même de Dieu. Pour les juifs pratiquants, ceci était tout simplement inaudible et scandaleux. Paul a alors raison de dire, qu’il nous faut le secours de l’Esprit de Dieu. Nous avons besoin d’une lumière autre, une lumière divine qui nous fasse comprendre qu’élever ainsi l’homme Jésus, méprisé de tous, à la dignité de Dieu, n’est en rien blasphématoire vis-à-vis de Dieu. L’Esprit Saint vient au secours de notre étroitesse d’esprit. Il nous fait entrevoir combien Dieu en son mystère infini s’est lié de façon unique à notre humanité. A travers Jésus son Fils, venu en notre chair, mort pour nous et ressuscité dans la vie divine, Dieu a voulu, et se rapprocher de nous, et nous rapprocher de Lui. Laissons-nous éclairer dans notre foi. Osons aller plus loin sous la conduite de l’Esprit dans la compréhension de notre foi.

L’Esprit rend encore capable les disciples, au jour de la Pentecôte, de parler de nombreuses langues qui les font être compris par de nombreux étrangers alors présents à Jérusalem. De façon imagée, ce récit nous fait comprendre combien le don de l’Esprit Saint, cette force divine, est communicative et source de communion. Investi par Lui, les apôtres deviennent capables d’aller à la rencontre de tous et d’être entendu par des personnes aux cultures et aux langages si différents. Le don de l’Esprit peut être considéré comme le trait d’union entre ces personnes aux origines si diverses. Il entraine les uns à aller vers les autres. Et il rend capable ces derniers de recevoir le message la Bonne Nouvelle de Jésus Ressuscité et Seigneur qui leur est adressé. Ici, nous pouvons entendre pour nous, comme une assurance qui nous est offerte : le don de l’Esprit nous a été fait, et il nous est fait encore aujourd’hui pour aller à la rencontre des autres. Sachons le reconnaitre, sachons l’écouter et le laisser nous conduire, à travers ces mouvements intérieurs qu’il nous suggère. Faisons lui confiance malgré nous peurs ou réticences.

L’Esprit rend enfin les disciples capables de remettre les péchés. Remettre les péchés est le privilège de Dieu. Jésus dans l’évangile a surpris en s’arrogeant ce privilège. Est apparue alors combien son autorité lui venait d’un Autre que lui. Jésus désire que l’œuvre de salut et de délivrance du péché se poursuive. Par le don de l’Esprit, ses disciples sont investis de ce pouvoir de remettre les péchés au nom de Dieu. Ici, nous pouvons entendre avec gratitude ce don précieux fait à notre Eglise de pouvoir offrir le pardon de Dieu à travers la confession ou le sacrement de la réconciliation. Nous sommes convoqués à regarder avec foi ce sacrement, à travers lequel l’Esprit est donné qui nous libère de notre péché. Revenons avec confiance vers ce sacrement, pour nous laisser réconcilier avec Dieu en profondeur. Son Esprit de vie et de libération nous est offert.