Homélies
Liste des Homélies
COMMEMORATION DES FIDELES DEFUNTS 2023
Rm 14, 7-9. 10b-12 ; Jn 6, 37-40
Homélie du Père Abbé Luc
Entre nous et nos défunts, il y a un grand mystère… Un grand silence. Que vivent-ils aujourd’hui ? Comment vivent-ils ? Notre foi et notre espérance n’ont que les textes de l’Ecriture pour approcher le mystère. Ceux-ci ne nous donnent pas une vision claire de ce qui se passe exactement. Ils offrent plutôt à la manière impressionniste une palette d’approches variées qui sont autant de convictions que la mort n’est pas le dernier mot de l’existence humaine depuis la résurrection du Christ. La résurrection du Christ, voilà l’évènement central ou l’évènement pivot autour duquel s’est forgé notre foi chrétienne.
Que nous disent les deux textes entendus ce matin ? Paul nous affirme que par sa résurrection, le Christ devient le Seigneur des morts et des vivants. « Le Seigneur », le mot est à prendre dans son sens biblique fort : le Christ ressuscité participe à la dignité divine de Dieu, en tout son être désormais, âme et corps. Il est l’égal de Dieu en puissance et en honneur. Ce faisant en son humanité transformée, pleine des énergies divines, sa seigneurie, sa puissance de vie déborde et englobe tous les êtres humains, les vivants comme les morts. Dès lors, affirme Paul, nous appartenons au Seigneur, aussi bien dans notre mort que dans notre vie. Le Christ ressuscité nous prend dans sa vie, dans son énergie, nous les vivants et tous nos frères défunts. Ce faisant, nous dit Jean, il accomplit la volonté de son Père qui désire que tous aient la vie éternelle, pour qu’aucun ne soit perdu au dernier jour.
Si tel le don opéré par la résurrection du Christ, on pourrait se demander : « Et qu’en est-il de la liberté de l’homme ? » Paul la suggère en évoquant l’image du tribunal de Dieu « que chacun rendra compte à Dieu pour lui-même ». Nous ne sommes pas sauvés malgré nous. De son côté, Jean souligne que notre reconnaissance du Fils du Père, et notre foi en Lui, nous donne accès à la vie éternelle. Notre foi au Christ ouvre l’espace de la relation avec Lui et avec son Père. Le Christ devient notre Seigneur et son Père, notre Père. Notre liberté se joue dans ce consentement à la relation offerte que notre Dieu désire nouer avec nous, dès maintenant et pour l’éternité. Il nous suffit de dire oui, d’écouter sa parole et de la laisser faire son œuvre de salut en nous. Mais nous le savons, dans ce « il suffit », se joue beaucoup de choses. Des moments heureux de plénitude de découverte du mystère de notre Dieu et de son projet sur nous. Mais parfois aussi des moments de résistance de notre part, voire des moments de refus à entrer dans l’élan de vie qu’il nous propose et qui peut nous bousculer.
C’est la conscience de notre propre lourdeur et lenteur à entrer sur le chemin de la vie qui nous fait prier en Eglise pour tous nous défunts. Afin qu’ils soient libérés de toute peur ou toute résistance pour entrer pleinement dans la Vie de Dieu.
TOUSSAINT 2023
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé
Frères et sœurs,
Heureux…Bonheur… Nous aimons entendre ces mots. Des mots magiques qui viennent toucher en chacun de nous une fibre profonde et vitale tant le désir de vivre est inséparable du désir d’être heureux. Mais ce désir peut parfois devenir comme une quête insatiable et aveugle tellement personnelle qu’elle oublie les autres. Le risque est alors que notre recherche de bonheur se fasse au détriment des autres. Mon bonheur peut-il être véritable alors que beaucoup d’autres n’y ont pas accès ? Ces questions envisagées sur le plan personnel redoublent d’intensité lorsqu’on les projette sur le plan collectif. Le modèle de bonheur très matérialiste promu par nos sociétés occidentales est-il un bonheur vrai ? Est-il un bonheur juste dès lors qu’il s’est construit dans l’histoire récente au détriment de pays lointains dont on a en bonne part exploité les ressources à notre profit ? La crise écologique actuelle révèle l’impasse de nos systèmes de production qui se sont faits au détriment de notre terre commune, comme à celui de nombreux peuples qui en souffrent les premiers. Nous avons atteint un certain standing de vie dans lequel on a pensé trouver le bonheur. Mais s’il n’est pas partagé par tous, peut-il nous satisfaire ?
L’évangile des béatitudes que nous venons d’entendre veut nous garder en alerte, quelque part dans une insatisfaction permanente. Il s’offre à nous comme un antidote de nos illusions de bonheur. Là où l’on pense que pour être heureux, il faut accumuler ou simplement se rassurer par des réserves, Jésus nous présente la pauvreté, la pauvreté de cœur, l’humilité, comme une clé assurée pour nous ouvrir les portes du Royaume, de la vie pleine et éternelle. Là où on voudrait pour être heureux asseoir notre puissance en faisant taire éventuellement toutes oppositions ou contradictions, Jésus nous dit « heureux les doux, heureux les miséricordieux, heureux les artisans de paix »…Le bonheur qui a un avenir n’est pas dans la toute-puissance. Il est là où se creuse en nous une ouverture à l’autre, à l’étrange, au différent, au pas comme nous… Ce bonheur a les promesses de la vie éternelle car n’est-il pas celui de notre Père des Cieux qui fait une place à chacun ? Là où on voudrait être heureux à bon marché, sans trop se préoccuper de ce qui se passe à côté de nous, Jésus nous dit : « heureux les affamés et assoiffés de justice, heureux les persécutés pour la justice ». Ceux-là sont des êtres insatiables tant que le bien n’a pas triomphé sur l’injustice. Ils portent en creux un vrai bonheur, celui qui fait sa place à tous et qui ne supportent pas que quelques-uns en soient excluent.
Frères et sœurs, à nous sont adressées de nouveau ces paroles de feu qui voudraient réveiller le goût de ce bonheur qui fait sa place à chacun. C’est le bonheur révélé par Jésus, le Fils qui connait le désir de son Père d’ouvrir largement à tous ses enfants les portes de la vie qui ne finit pas. Ce bonheur reste comme balbutiant en ce monde. On l’entrevoit, puis il nous échappe. Mais à nous chrétiens, il nous revient de le chercher sans cesse, en ne nous satisfaisant jamais du bonheur que nous pouvons apparemment goûter, alors que tant d’autres personnes en sont exclues.
Récemment, je parlais avec une personne d’une 50ne d’année, handicapée comme sa sœur depuis l’enfance. Ne pouvant pratiquement pas se déplacer, toutes deux gardent toujours la maison, un petit logement où il faut calculer strictement toutes les dépenses pour faire face à la vie courante. Elle me disait : « La vie est difficile. Depuis l’enfance, nous sommes habituées, mais nous sommes de plus en plus fatiguées. Il n’y a pas de répit ». Ayant la foi, elle ajoutait : « Nous prions beaucoup en offrant nos souffrances. Ce qui nous fait tenir, c’est la phrase de la Vierge à Ste Bernadette : « Je ne vous promets pas d’être heureuse en ce monde mais dans l’autre » … Comment ne pas entendre dans leur foi, comme en écho, la parole de Jésus qui sonne comme une promesse : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés »… . Ces femmes ont trouvé dans leur foi, le ressort pour garder la tête hors de l’eau. Leur espérance du bonheur à venir les gardent vivantes, non centrées sur elle-même. Sans espoir de guérison pour elles-mêmes, à travers la prière, elles font de leur vie, apparemment inutile pour notre société, une vie tournée vers le Seigneur et vers les autres. Elles sont les saintes de la porte d’à côté, les saints d’aujourd’hui dont parle le pape François…
Sur le chemin du bonheur, sur la route de la sainteté, avec tous les saints du ciel, en cette eucharistie, rendons grâce à Dieu. Dans le Christ, l’Agneau immolé et ressuscité pour nous, il nous partage, et sa vie et sa sainteté. Ouvrons-lui nos cœurs.
année A ; 30e dimanche du Temps 0rdinaire, 29 octobre 2023
— Ex 22, 20-26 ; 1 Th 1, 5c-10 ; Mt 22, 34-40
Homélie du F. Charles Andreu
L’amour de Dieu ; l’amour du prochain. Les chrétiens aiment reconnaître dans ce double commandement de la Loi d’Israël le cœur vivant de leur foi.
Mais savons-nous ce que veut dire « aimer » ? Osons interroger notre expérience, et non pas une vision idéalisée de l’amour. On parle d’amour pour tant de choses : amour de Dieu, amour d’un père et d’une mère, d’un frère et d’une sœur, amour des époux, des amis, du prochain, de l’inconnu que je ne reverrai jamais, amour des ennemis. Chacun de ces amours peut être source de vie ; chacun peut aussi être mauvais, et faire du mal. Car bien souvent, avant d’être un choix de vie, l’amour surgit en nous comme la résultante d’un mélange confus de conditionnements, engendrant en retour bien des débats intérieurs où se mêlent la joie et la peine, le réconfort et la peur. Nous n’aurons pas trop d’une vie pour démêler ce qui se joue en nous quand nous aimons, et surtout pour apprendre à aimer vraiment. Aimer est une quête.
Ce matin, à l’écoute de l’évangile et de notre expérience commune, je vous propose de méditer sur trois dimensions de ce que nous appelons « amour » : l’affect, le désir et le don.
L’affect, dans l’amour, c’est la capacité à être touché par l’autre. Dans l’évangile, nous voyons souvent Jésus bouleversé : bouleversé par la veuve de Naïm, bouleversé par les foules sans bergers. Et il en va bien de l’amour : « Voyez comme il l’aimait » disent ses proches en le voyant pleurer son ami Lazare. Comment aimer, si l’autre ne me touche pas, ne me rejoint pas, d’une manière ou d’une autre ? Il me touchera parfois par sa peine qui me bouleverse, parfois par ses dons qui me réconfortent. Sous toutes ses formes, l’affect est bon s’il délivre de l’indifférence, de l’enfermement sur soi : ouvrant en moi une place pour l’autre, il ouvre le chemin de l’amour. La capacité d’être affecté par l’autre se cultive, et c’est un des rôles de la Loi et des prophètes de l’éveiller. La première lecture ne disait pas seulement ce qu’il faut faire pour le pauvre, elle aide à se mettre à sa place : sans son manteau, il aura froid ; et toi, tu aimes avoir froid ? Ça peut paraître idiot, mais c’est la base de tout, qu’on oublie facilement.
Le désir, dans l’amour, c’est ce qui en nous recherche la rencontre avec l’autre. Dans l’évangile, Jésus ose exprimer son désir : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous » ; « Père, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi ». Jésus ne nous sauve pas comme on répare une machine. D’une machine, on n’attend qu’elle fasse son travail, et nous laisse tranquille ; Jésus, lui, désire entrer en communion avec nous. De même, quand nous aimons, le désir prend une place très importante, quoique sous des formes très différentes d’une relation à l’autre. Parfois il sera simple et paisible ; parfois nous serons troublés par sa force, par ce qu’il éveille en nous, et peut-être nous entraîne là où nous ne voudrions pas aller. Ce n’est pas un choix, et donc pas un péché : c’est « comme ça ». L’enjeu est d’apprendre à travailler ces désirs, à les accorder à nos engagements et à notre désir profond, à transformer nos pulsions égoïstes en impulsion pour plus de bienveillance, de respect, de service. Le désir, travaillé et non pas nié, peut devenir une force pour mieux aimer.
Le don, dans l’amour, c’est la capacité à se mettre au service, plus encore, à donner la vie : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », nous dit Jésus. Le don, ce n’est pas seulement le service angoissé de Marthe, c’est aussi le temps offert, la présence attentive de Marie. Le don, par ailleurs, doit accepter la réciprocité, sinon je risque de réduire l’autre à être le déversoir de ma générosité, ou l’occasion de ma bonne conscience, ce qui est très violent. Or c’est l’amour encore qui me fera reconnaître qu’il est un don, qu’il me fait vivre, à sa mesure. Cette reconnaissance est le plus beau don que je puisse lui faire.
L’affect, le désir, le don : ces trois variables qui composent tout amour doivent sans cesse s’ajuster et s’enrichir mutuellement, comme doivent s’ajuster et s’enrichir mutuellement toutes les formes d’amour qui traversent nos vies. La diversité de ces amours est une richesse ; et ils seront ensemble, véritablement, un même amour, si ensemble ils donnent vie, s’ils ne refusent à personne cette part de vie que le Seigneur nous appelle à lui donner.
Année A - 29ème dimanche du Temps Ordinaire -22 octobre 2023
(Isaïe 45.1-6 ; 1Thess. 1-5 ; Matthieu 22.15-21)
Homélie du F. Guillaume
Frères et sœurs,- S’il y a des paroles d’évangile célèbres entre toutes qui ont traversé les siècles jusqu’à nous, ce sont bien celles que Jésus a prononcées un jour devant ses contemporains pharisiens : « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Jésus voulait-il par là donner une leçon de politique, à propos d’une question sur l’impôt ? Un peu comme un slogan lancé à la manière de nos hommes politiques en campagne pour attirer les suffrages de leurs électeurs avec des formules bien frappées ?
S’agit-il de cela avec notre évangile ? Revenons alors au texte et à son début : « en ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler ». Voilà bien l’objectif des pharisiens : faire tomber Jésus dans un piège. En fait, la question du paiement de l’impôt à l’empereur n’en était pas une. Les juifs de l’époque vivaient sous une occupation romaine et nul ne pouvait échapper à l’imposition, les pharisiens pas plus que les autres, d’où leur hypocrisie dénoncée par Jésus. Dans un autre passage d’évangile, Jésus ordonne à Pierre d’aller pécher un poisson pour y trouver 2 drachmes afin de s’acquitter pour lui et pour Pierre de ce devoir d’impôt. Non, les pharisiens ne cherchent pas une réponse à une question résolue, mais ils cherchent à poser une question-piège, et de ce piège-là, Jésus en toute logique, ne devrait pas sortir. De deux choses l’une : ou bien il incite ses compatriotes à refuser l’impôt et alors il sera facile de le dénoncer aux autorités romaines comme un résistant, ou un révolutionnaire (comme se présentaient les zélotes et l’on savait que Jésus en avait choisi un parmi ses 12 disciples), et il sera condamné. Ou bien il conseille de payer l’impôt et alors on pourra le discréditer aux yeux du peuple comme « collabo ». Déjà on le voit manger à la table des publicains (et Matthieu parmi les 12 en est un aussi). Mais pire encore, il perd aussi toute crédibilité et toute chance d’être reconnu en tant que Messie, comme il le prétend. Car le Messie attendu doit être un roi indépendant et souverain sur le trône de Jérusalem. Cette prétention à se présenter comme Messie, qu’il ne réalise pas, méritera la mort. Le piège est bien verrouillé. De toutes les façons, Jésus est perdu. C’est l’objectif visé par les pharisiens. La Passion et les procès de Jésus devant Pilate et le Sanhédrin se profilent à l’horizon. Ne nous y trompons pas : nous sommes au chapitre 22 de l’évangile de St Matthieu.
Dans un commentaire et une interprétation de cette page, Saint Augustin,dont nous avons lu un sermon, à l’office des vigiles cette nuit, cherche une sortie à ce piège, par une interprétation et une voie plus spirituelle et non pas politique ou fiscale. Il attire l’attention sur l’effigie de l’empereur, image gravée sur la pièce du denier. Comme César cherche son image sur une pièce de monnaie, Dieu cherche son image dans notre cœur, car il a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. La pointe du texte serait alors de rendre grâce à ce Dieu qui nous a frappé à son image, de rendre grâce au Christ, image éternelle de son Père, Jésus qui a aimé ce Père et qui, le premier, s’est livré pour lui, pour nous les hommes et notre salut.
Il y a là un vrai renversement et une leçon de discernement pour les choix que nous avons à faire, comme croyants : César ou Jésus, l’argent ou Dieu, les idoles mondaines de toute nature ou bien les icônes qui rayonnent la Gloire divine. On ne peut aimer et servir l’un ou les unes sans haïr les autres. Jésus l’a nettement affirmé à ses disciples peu avant dans l’évangile au chapitre 16.
Il nous reste ainsi à appliquer cette sentence : « rendez à César ce qui à César, j’aimerais préciser ne rendez à César que ce qui est à César, et rendez à Dieu ce qui est à Dieu ». Parfois le choix est clair, mais plus souvent il est obscurci, encombré et plus subtil. Aucun chrétien ne peut éviter cet effort de discernement en toute liberté. Prions l’Esprit Saint, surtout en ces temps de Synode pour l’Eglise pour qu’il répande sa Lumière et sa Vérité, dans le cœur de tous les baptisés. Et réécoutons les paroles de Saint Paul aux Thessaloniciens : « frères, que l’annonce de l’Evangile ne soit pas simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint et pleine certitude ».
AMEN
SAINT LUC ; 18.10.2023
2 Tm 4, 9-17a ; Ps 144 ; Lc 10, 1-9
Homélie du Père Abbé
En cette semaine missionnaire, où nous reprenons conscience de cette dimension de notre vie baptismale, l’évangile que nous venons d’entendre nous offre des repères précieux, que nous soyons en plein vent dans le monde ou retirés dans la forêt du Morvan.
Les 72 disciples sont envoyés par Jésus, en avant de lui, dans les localités où lui-même se rendrait. En quelque sorte, ils sont des éclaireurs, des émissaires qui doivent préparer sa venue. N’en-est-il pas de même pour nous ? Par notre baptême, nous sommes envoyés par Jésus, pour permettre à tous ceux que nous rencontrons de pouvoir le reconnaitre et l’accueillir un jour, même si ce jour est le dernier. Notre témoignage voudrait être comme autant des déblaiement du chemin qui permettent un jour une possible rencontre, la rencontre avec Celui qui nous fait vivre. Le plus important ce n’est pas nous, notre organisation, mais c’est lui et la rencontre avec lui.
L’invitation de Jésus à prier pour que le Maitre de la moisson envoie des ouvriers pour sa moisson, redit aux disciples d’hier et d’aujourd’hui qu’ils n’ont pas en eu l’initiative de l’envoi. Le disciple de Jésus est toujours appelé, gratifié du don de l’Esprit pour partir annoncer l’Evangile. Cette Nouvelle est trop grande pour que nous ayons l’initiative de l’annonce. Nous sommes comme poussés, tirés par un Autre. Le Père envoie et donne son Esprit à ceux qu’il envoie. Oui, prenons conscience de ce don qui nous est fait d’être ainsi appelés à témoigner. Et prions notre Père de faire ce don à d’autres.
Comme des agneaux au milieu des loups, sans bourse, ni sac… Tel est le kit du missionnaire. En guise d’outils, d’instruments d’évangélisation, il n’a que ses mains vides, sa parole, et même une grande vulnérabilité assumée face aux loups potentiels…Etonnante absence de moyens qui vient interpeller toutes nos préparations ou nos recherches de stratégie missionnaire. Jésus invite ses disciples à ne pas compter sur les moyens en leur pouvoir, mais uniquement sur le Père qui envoie et qui donnera ce dont ils ont besoin…On peut entendre en écho une autre parole : lorsqu’on vous traduira devant un tribunal, ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire, cela vous sera donné par l’Esprit Saint… On peut entendre en filigrane : le Royaume a davantage besoin de gens aux mains vides que de gens remplis de moyens et d’assurances. Car peut-être est-ce l’unique manière de lui permettre de vraiment « s’approcher » des gens. Se manifeste alors peut-être mieux le visage de notre Dieu qui depuis toujours s’approche de notre humanité de manière si inattendue et souvent cachée…
Dites d’abord : « paix à cette maison ». Premier mot, comme un mot clé pour ouvrir les portes du cœur : « paix ». Ce mot banal, shalom, salam, binh an, amahoro, frieden, peace, paz, est bien plus qu’un mot sorti des lèvres. Pour qu’il ouvre vraiment les cœurs, il faut qu’il émane de toute la personne, que toute la personne soit en quelque sorte désarmée, sans recherche d’elle-même, sans intérêt à défendre sinon celui de l’évangile. En ces temps troublés par des conflits et par des violences physiques sur tant d’innocents, nous mesurons la paix est un vrai travail qui commence sur soi-même. Chacun est invité, s’il veut annoncer en vérité la paix, doit aller chercher au fond de lui pour les offrir au travail de la grâce, tous les germes de violence prêts à renaitre. Poursuis la paix, recherche là invite St Benoit dans sa règle. Notre vie monastique commune nous montre combien le combat peut-être rude, en nous-mêmes d’abord et entre nous. C’est le prix à payer pour être vraiment des serviteurs et des témoins de la paix, celle que le Père veut répandre comme parfum de bonne odeur qui anticipe et prévient le Royaume qui s’approche. Soyons des chercheurs inlassables de cette paix, une guérison s’opèrera en nous et autour de nous. Nous deviendrons peu à peu d’authentique serviteur du Royaume.
En faisant mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, nous annonçons déjà le Royaume qui vient. Dans la présence du Christ Ressuscité, qui nous laisse sa Paix qui nous donne sa Paix, puisons notre force, notre énergie avec reconnaissance.
Année A - 28° dimanche du Temps Ordinaire - 15 octobre 2023
Is 25 6-9 ; Philip 4 12-20 ; Mt 22 1-14 ;
Homélie du F. Alain
« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célé¬bra les noces de son fils ». Il s’agit donc du Royaume de Dieu, de Dieu, des noces de son Fils avec l’humanité. Histoire de noces, histoire d’amour.
Après l’entrée triomphale à Jérusalem, la mort du Christ est inévitable. La parabole souligne d’abord la patience de Dieu, à l’égard d’une partie du peuple de la première alliance qui n’a pas reconnu son Messie.
Selon la coutume, les premiers invités ont déjà reçu une invitation écrite. L’heure venue, un serviteur vient les chercher, et se heurte à un refus sans préavis. Contrairement à l’usage, le roi insiste. Nouveau refus, chacun préférant aller à ses affaires. Pire, les serviteurs sont maltraités et tués.
Le roi se met alors en colère et fait périr les meurtriers, comme dans la parabole des vignerons homicides. Hélas, la ruine de Jérusalem se profile à l’horizon.
Les premiers invités se sont dérobés. Ils se sont exclus eux-mêmes du festin. On fera sans eux. Désormais, tous sont invités, les bons et les méchants. Car l’Eglise des nations n’est pas une Eglise de purs. Sinon il n’y aurait pas de place pour nous.
Survient le roi dans la salle pleine de convives. Il voit un homme qui ne porte pas l’habit de noce. Les autres ont pu faire le nécessaire, il pouvait en faire autant. Interrogé, il reste muet. Il n’entre pas dans la joie de la fête, comme le fils ainé d’une autre parabole. Il ne participera pas au banquet, mais sera jeté dans les ténèbres extérieures. La sentence n’est pas une menace, mais insiste sur l’importance de l’enjeu.
Tout se termine par la maxime : « beaucoup sont appelés » (les premiers invités comme les derniers), « mais peu sont élus ». Affirmation qui vise à la fois Israël et les nations. Invitation à répondre à l’appel de Dieu, dans la joie symbolisée par l’habit de fête. Car une acceptation sans joie ne vaut guère mieux qu’un refus.
Que pourrions-nous retenir, aujourd’hui, de cette initiative gratuite de Dieu, de nos réponses et de nos refus ?
Dieu invite tout le monde à partager sa joie et celle de son Fils. Même la colère de Dieu n’est que l’envers de son amour. Amour exposé, où Dieu engage tout ce qu’il est.
Notre vocation est donc d’entrer dans la joie de Dieu. On y entre joyeusement, ou on n’y entre pas.
Notre péché, personnel et collectif, n’est-il pas de préférer, à la joie offerte, l’engrenage du quotidien ? De ne pas accorder du temps à Dieu, lui qui nous accorde l’éternité ? Comme si notre quotidien ne pouvait pas être illuminé par la joie du Royaume qui vient.
Notre espérance est que Dieu sera plus grand que nos refus. Qu’il nous accordera à la fête éternelle.
Beaucoup se soucient fort peu du Royaume à venir. D’autres se disent chrétiens non pratiquants. L’image nuptiale de la parabole le suggère : ils sont comme un homme qui dirait à son conjoint : « Je crois à ton amour, mais pour le moment, je ne m’en soucie pas, car je n‘y trouve pas ma joie ».
Nous voici appelés à la joie, selon la parole d’Isaïe, qui annonce / ce que Dieu a réalisé et réalisera pour nous au dernier jour, comme le chante l’Apocalypse. « Le Seigneur de l’univers préparera un festin pour tous les peuples. Il essuiera les larmes sur tous les visages, il fera disparaitre la mort pour toujours ». Le croyons-nous ?
Dès aujourd’hui, Dieu accueille à sa table / ceux et celles qui rempliront un jour la salle des noces de l’Agneau. Et il nous envoie aux croisées des chemins, afin que tous puissent dire un jour, c’est du moins notre espérance : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions. Exultons, réjouissons-nous, car il nous a sauvés ».
Année A - 27e dimanche ordinaire - (08/10/2023)
(Is 5, 1-7 – Ps 79 – Ph 4, 6-9 – Mt 21, 33-43)
Homélie du F. Jean-Louis
Frères et sœurs,
Même si le réchauffement climatique rend les vendanges plus précoces, ce début octobre demeure encore marqué par cette activité bourguignonne par excellence et les lectures de ce dimanche comme celles des dimanches précédents nous situent dans cet univers de vignerons et de vendanges, mais bien sûr, pas pour faire un traité de viticulture.
Le passage du livre d’Isaïe lu ce matin a la tonalité d’un poème, d’un chant semblable à ceux des troubadours du moyen-âge. Mais il nous révèle une terrible réalité. Partant de l’histoire - somme-toute assez banale - d’un propriétaire de vigne soignant celle-ci en espérant avoir de beaux fruits et n’en récoltant que des mauvais, le prophète s’élève à une toute autre réalité, bien plus profonde, bien plus tragique. Nous connaissons bien ce mode de récit : la parabole.
La vigne du Seigneur de l’univers, pas seulement du Seigneur d’Israël, nous dit Isaïe, c’est la maison d’Israël, et le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Les beaux fruits que le Seigneur attendait de son peuple c’était le droit et la justice et, malgré tous ses soins, il ne récolte que le crime et les cris. Les prophètes ont dénoncé sans cesse les injustices les plus criantes du temps : exploitation des petits par les puissants, cris de détresse des opprimés qui montent vers Dieu…
La réaction du Seigneur sera d’enlever sa protection à la vigne pour que les exploiteurs fassent eux-aussi l’expérience de la détresse.
Le psaume 79, chanté en écho, nous fait entendre le cri du peuple vers Dieu dans la détresse en réclamant à nouveau la protection de son Seigneur, promettant de ne plus s’éloigner de son Dieu. Il faut parfois être dans la détresse pour se tourner vers Dieu.
Le Christ, lui, reprend, dans la parabole d’aujourd’hui, ce même thème de la vigne et ses interlocuteurs ont de suite compris que le propriétaire du domaine était Dieu, la vigne, le peuple d’Israël et les serviteurs maltraités, la longue lignée des prophètes. Quant aux vignerons, ce sont les responsables du peuple. Les grands prêtres et les anciens, auditeurs du Christ dans cet épisode, se voient bien obligés de conclure qu’il fallait punir ces vignerons criminels qui vont jusqu’à tuer le fils du propriétaire du domaine, comme si cela aurait suffi à les rendre eux-mêmes propriétaires de cette vigne. Le Christ révèle alors le sens de la parabole. Ce sont eux, les grands prêtres et les anciens, qui mettront à mort le Christ et se verront enlever le royaume de Dieu. Il s’agissait d’un avertissement qui n’a pas été entendu.
Frères et sœurs, ces textes, ne les lisons pas que comme des textes du passé. Il ne faudrait pas en effet oublier que ces textes ont été écrits pour les générations de chrétiens qui se succèderont au cours des siècles et qu’ils sont une Parole de Dieu pour nous, aujourd’hui.
Nous nous disons chrétiens, disciples du Christ, et nous souhaitons, je pense, suivre sincèrement le Christ. Ces lectures nous rappellent cependant qu’il n’est pas si simple de faire la volonté de Dieu. Certes, comme jadis et encore aujourd’hui, Dieu prend soin de son peuple et de façon certainement aussi délicate que dans le passage du prophète Isaïe mais quels fruits portons-nous ? Pas seulement individuellement, mais collectivement ? Le Christ qui a donné sa vie pour nous, pas seulement les chrétiens, mais toute l’humanité, n’est-il pas en droit d’attendre de ceux et celles qui sont appelés à être les témoins de cet amour fou, au moins un peu de droit, de justice comme pour les habitants de Juda et d’Israël, jadis ?
Le Christ s’est présenté comme le fils du propriétaire de la vigne, injustement massacré par les vignerons. Il a été du côté des victimes de l’injustice et de la violence et il a assumé cette position sans la fuir. Il s’est identifié à ces victimes et il en est mort.
On entend parfois des critiques sur le pape François, lui reprochant d’être trop politique dans ses discours. Mais que faire d’autre quand on lit la Bible et qu’on constate qu’un des messages constants transmis dès l’ancien Testament est la protection de la veuve, de l’étranger, de l’orphelin ? Que faire lorsque, lors du Jugement dernier tel que le présente l’évangile de Matthieu au chapitre 25, il est écrit j’étais en prison et vous ne m’avez pas visité, j’avais faim et vous ne m’avez pas donné à boire, étranger, et vous ne m’avez pas accueilli. » Certes, ni les prophètes de l’ancien testament, ni le Christ, ni le pape François ne donnent de recettes concrètes. Ce n’est pas leur rôle et de toute façon, ces recettes sont variables selon les époques et les circonstances. Par contre, ils donnent un esprit, un axe d’action, et lorsque l’on voit les sujets évoqués dans l’Ecritures sainte, je ne vois pas comment on ne peut pas y voir une exigence d’action politique, c’est-à-dire une action au sein de la cité, qui doit respecter la justice.
Frères et sœurs, dans quelques semaines, nous célébrerons la solennité du Christ Roi de l’Univers et nous entendrons alors ce passage de l’Évangile de Matthieu concernant le Jugement dernier. Il nous rappellera que c’est aujourd’hui, dans la vie concrète, dans nos choix face aux différentes formes de misère et de pauvreté, que nous entrons dans la dynamique de Salut apportée par le Christ ou que nous la refusons. Faisons en sorte que la parole d’Isaïe entendue aujourd’hui « Il en attendait la justice, et voici les cris » ne nous soit pas appliquée à nous, les chrétiens de ce 21e siècle.
AMEN
Année A - 26° Dimanche ord - 1° octobre 2023
Ezékiel 18, 25-28 / ps 24 ; Philippiens 2, 1-11; Matthieu 21, 28-32
Homélie de F. Basile
Frères et Soeurs, avez-vous bien entendu cette parole de Jésus, qui renverse toutes nos échelles de valeur et de bonne conduite : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » Et à qui Jésus adresse-t-il cette parole ? Aux grands prêtres, à des gens qui se pensent irréprochables, à ceux qui savent ou croient savoir la Loi de Dieu : ils savent, mais ils ne font pas.
C’est à nous aujourd’hui de comprendre le sens de la petite histoire qui précède : « Un homme avait 2 fils » Cela ne vous rappelle-t-il pas une autre histoire, la parabole du fils prodigue dans l’évangile de Luc. Deux histoires différentes, mais que l’on peut rapprocher. « Un homme avait 2 fils » L’un refuse de vivre à la maison, il part, et puis quand il n’a plus d’argent, il se repent et revient vers son père ; l’autre est resté, apparemment il a dit oui, mais par devoir, et quand son frère revient, il n’admet pas qu’on lui donne la préférence.
Dans l’histoire rapportée par Matthieu, il se passe moins de choses, mais cela tourne autour d’un Oui et d’un Non avec la question : quel est celui des 2 fils qui a vraiment fait la volonté du Père ? Au départ, c’est bien un père qui dit « Mon enfant » ; ce n’est pas un patron qui donne des ordres, c’est un père qui invite : une fois de plus le Dieu de la Bible respecte infiniment la liberté de l’homme, il la sollicite ; et puis il prend patience. L’Evangile continue : « ensuite, s’étant repenti » ; entre le refus et la repentance, il peut se passer quelques heures
ou même quelques années pour que le Non se change en un vrai Oui.
Que veut dire « Travailler à la vigne » ? C’est une image symbolique, que nous trouvons souvent dans l’Evangile comme dimanche dernier, et nous l’aurons encore dimanche prochain ; elle exprime le travail de nos vies dans la maison de Dieu, dans l’Eglise aujourd’hui ; il s’agit de vivre nos vies d’homme et de femme, quels que soient notre situation, notre âge, nos engagements, à la lumière de la Parole de Dieu. Travailler à la vigne, c’est faire la volonté du Père à la suite du Christ qui s’est fait serviteur ; travailler à la vigne, c’est aussi croire à la Parole.
Cette expression revient ici 3 fois. Ce qui est reproché aux pharisiens, c’est de n’avoir pas cru à la parole de Jean Baptiste, alors que les publicains et les prostitués y ont cru. Cela nous dit bien que l’Evangile n’est pas un code de conduite, il n’est pas une morale, pour savoir ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qui est bien et ce qui est mal. L’Evangile, c’est une parole de vie, adressée à chacun. Se convertir à l’Evangile, c’est avant tout croire à la parole de Jésus, à la parole d’un Dieu qui veut faire alliance avec chacun de nous.
Ne pourrait-on pas dire que dans le mariage, c’est aussi ce qui se passe ? S’engager librement dans une alliance, c’est croire à la parole de l’autre. Et croire, ce n’est jamais évident. Il y a des jours où l’on ne sait plus très bien, mais la fidélité de l’amour demande de passer par là. On apprend jour après jour à dire Oui à l’autre.
Jésus nous questionne sur notre manière de dire Oui, un Oui qui vienne du cœur, où notre liberté s’engage, et non pas un Oui forcé, parce que si je dis Non, je vais me faire disputer. Et croire, ce n’est pas seulement dire, mais faire, le traduire dans les actes. Malgré leur vie de péché, malgré leur passé très lourd, les publicains et les prostituées ont su entendre l’appel de Dieu, revenir à lui et lui dire Oui avec leur cœur, alors que les pharisiens n’ont qu’un oui de façade : ils disent, mais ne font pas. Et nous, de quel côté sommes-nous ?
Je crois que nous pouvons nous reconnaître dans les 2 fils. Parfois nous disons Oui, parfois nous disons Non. Parfois un Oui de surface, un Oui poli qui cache un refus ; parfois un Non qui veut dire Oui, parce que le Oui profond n’arrive pas à sortir et qu’il faut du temps pour briser les résistances. C’est là que l’obéissance du Christ est pour nous le modèle ; c’est librement que Jésus a pris notre condition humaine et qu’il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Et Paul dira dans une autre lettre que le Fils de Dieu, le Christ Jésus, n’a pas été Oui et Non : il n’a jamais été que Oui et Paul ajoute : «Aussi est-ce par lui que nous disons notre Amen à Dieu pour sa gloire. »
Nous pouvons penser aujourd’hui à Thérèse de Lisieux, puisque c’est le jour de sa fête, Thérèse qui a dit Oui jusqu’au bout dans la nuit de la foi, quand à la fin de sa vie, elle ne savait plus si le ciel existait pour elle ; Thérèse qui aimait dire que lorsqu’elle communiait, elle venait s’asseoir à la table des pécheurs, si grande était sa confiance en la miséricorde du Père.
Dieu ne cesse de nous faire des appels, mais il veut une réponse libre. Notre vie va être souvent ce mouvement de balance entre le Oui et le Non, pour laisser peu à peu toute la place à un Oui inspiré par l’amour. Dieu est patient, il a horreur des fausses réponses. Mais retenons ce que Jésus nous dit aujourd’hui : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » Conduite étrange, disent certains qui se posent en juges de la Loi. Le pape François est si mal jugé par certains catholiques, alors qu’il cherche à être plus fidèle à l’esprit de l’Evangile, à la vérité de l’amour. Et quand le pape nous appelle à accueillir les migrants, les réfugiés, qu’allons-nous faire ? Demandons l’Esprit Saint pour savoir comment répondre avec nos petits moyens, comment dire à Dieu un Oui qui soit Oui.
Frère Basile
Année A - 25 dimanche du Temps Ordinaire - 24 septembre 2023
Is 55 6-9 ; Phil 1 20-27 ; Mt 20 1-16
Homélie du F. Vincent
Dieu serait-il injuste ? C’est la question qui vient tout de suite à l’esprit en écoutant l’évangile que nous venons d’entendre. Oui, Dieu nous déconcerte souvent. Sa justice est tellement différente de la nôtre qui a pourtant sa légitimité. Tellement différente qu’elle en vient parfois à nous scandaliser, aussi fortement que le maître de la vigne scandalisa ses ouvriers, dans la parabole que nous venons d’entendre.
Pourtant, au nom de la stricte justice, le scandale était sans fondement. Leur contrat de travail avait été scrupuleusement respecté, et une pièce d’argent en échange d’un travail de toute une journée, c’était un salaire honorable. Le murmure des ouvriers venait d’ailleurs. Il y avait eu ceux de la première heure qui, comme ils s’en vanteront, avaient supporté le poids du jour et de la chaleur. Puis ceux de la dernière heure, des chômeurs, peut-être, Si ceux-là recevait une pièce d’argent pour si peu d’effort, les autres pouvaient légitimement espérer recevoir un traitement meilleur. Il n’en fût rien. C‘est vrai, on peut s’en étonner, se révolter même avec eux.
A leur étonnement, deux réponses possibles. La première est donnée par Jésus lui-même : « est-ce que ton regard est mauvais parce que je suis bon ? » La justice de Dieu ne se contente pas de ce qui est défini par les terme d’un contrat. Elle est bonté, générosité, surabondance de miséricorde. La mesure de ses dons, comme il le dira lui-même, est toujours une mesure bien remplie, tassée, débordante. De plus, elle s’adresse de préférence à ceux qui l’ont mérité moins que les autres, qui n’ont guère fait les efforts auxquels la plupart s’obligent, mais à qui aura suffi un simple cri de confiance, un simple regard baigné d’amour. Nous les connaissons ; les publicains et les prostituées qui nous précèdent dans le royaume des cieux. Ils s’appellent Marie-Madeleine, Zachée, Matthieu, et tant d’autres parmi lesquels le tout premier des saints, canonisé par Jésus en personne sur la Croix, véritable ouvrier de la dernière heure, lui, le bon larron que Jésus envoya à l’instant au Paradis pour y accueillir tous ceux que sa mort et sa résurrection allaient délivrer.
La deuxième réponse à cet étonnement est cachée dans notre propre cœur. Elle dépend de la place que nous nous attribuons dans cette parabole. En effet, aussi longtemps que nous nous estimons des « ouvriers de la première heure », ayant le droit de faire valoir nos prestations, nous ne pouvons qu’être choqués par une injustice aussi criante de la part de Dieu, par un maître aussi partisan. Mais ce sera en même temps le signe que notre cœur, pour le moment, est resté endurci, et connait encore peu ce qu’est la surprenante douceur de l’amour et du pardon de Jésus.
Un jour viendra où notre cœur de pierre se brisera lors d’une épreuve, d’un échec, d’un péché peut-être, ou simplement devant la prise de conscience si humiliante de notre incapacité radicale à rejoindre ce Dieu que nous prétendions aimer. Ce sera un moment de grâce où nous accepterons enfin de nous ranger humblement parmi les ouvriers de la dernière heure, à la suite des serviteurs inutiles à côté des pécheurs et du bon larron, et même derrière eux, conscient d’avoir fait si peu et acceptant d’en être là ayant droit surtout à la miséricorde, à la bouleversante bonté de Dieu. Là est notre vraie place.
Là sera aussi notre joie, notre plus grande joie pour toujours. Et aussi la plus grande joie de Dieu. Car il y a davantage de joie au ciel, a dit Jésus, pour un seul pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion.
(Sources diverses)
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Année A - 24e dimanche du tps Ordinaire – 17 septembre 2023
Si27.30-28.7 ; Rom 14 7-9; Mt 18 21-35 ;
Homélie du F.Hubert
Un homme devait à son roi soixante millions de pièces d’argent.
Saisi de compassion, son maître le laissa partir et lui remit sa dette.
Il ne lui dit pas : tu me paieras plus tard, ou : tu me paieras une partie.
Non, il lui remit sa dette. Une dette au-delà de toute mesure.
Cette parabole nous plonge dans la révélation de ce que Dieu est et fait pour nous,
de ce qu’il est et fait en Jésus..
Il nous faut sans cesse revenir au comportement de ce roi
qui remet à son serviteur une dette impossible à rembourser.
Il s’agit évidemment de l’attitude de Dieu envers nous,
lui qui, après nous avoir créé par amour,
nous rachète de nos fautes, nous libère du péché, et nous revêt de la robe des fils.
Dieu est saisi de compassion devant chacun d’entre nous séduit par la parole du serpent menteur
qui a mis en doute la parole divine.
La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous,
alors que nous étions encore pécheurs, dit Paul dans la lettre aux Romains.
Si le Christ, l’Innocent, est mort pour nous alors que nous étions pécheurs,
alors, nous n’avons pas à vivre selon une loi morale,
mais, bouleversés par cet acte gratuit,
à vivre dans l’action de grâce et la reconnaissance,
à avoir un comportement qui soit l’écho de ce par-don de Dieu dont nous sommes l’objet.
Il faut nous laisser bouleverser par ce que Dieu est et fait pour nous.
Ma vie, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi, dit Paul aux Galates.
Si Dieu nous a tant aimés, nous devons nous aimer les uns les autres, dit st Jean.
Notre Père n’attend pas pour nous aimer, que nous ayons remboursé notre dette.
Il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…
Mais il attend que nous soyons saisis de compassion les uns pour les autres.
Il espère nous voir vivre à son image, selon son Esprit,
manifestant, par notre comportement, qui il est et de quelle grâce nous sommes l’objet,
de quelle grâce identique ceux qui nous apparaissent comme nos débiteurs, sont aussi l’objet.
Jésus a été livré aux bourreaux, il a pris la place du débiteur,
il a « remboursé » pour nous.
Quel était donc ce remboursement ? Que devait l’homme à Dieu ?
Croire à son amour, croire à sa parole d’amour,
lui répondre : « Tu es mon Père ! »
et répondre à tous : « Vous êtes mes frères ! »
Ce double cri d’amour a jailli parfaitement du cœur du Fils unique
Avec David, Dieu disait : « Mon fils, que ne suis-je mort à ta place ! »
Il l’a accompli en Jésus : Dieu est mort pour nous pour que nous vivions.
Oui, il nous faut sans cesse revenir à ce roi saisi de compassion,
le regarder dans son Fils qui est son Image,
nous laisser toucher, modeler, et convertir.
Apprendre de lui à être saisis de compassion envers tout être, nous faire son prochain et son frère.
Dans nos sociétés où l’individualisme est tellement prégnant,
nous sommes appelés sans cesse à sortir de nous-mêmes
pour mettre du lien, aller à la rencontre, créer de la communion, de la bienveillance,
ouvrir les chemins du pardon et de la vie renouvelée.
Et comme nous sommes toujours en-deçà d’un tel appel,
nous ne pouvons qu’espérer, que le pardon de Dieu aille jusqu’à nous ébranler dans notre dureté lorsque nous ne pardonnons pas à nos frères.
Que sa miséricorde détruise même ce péché
et nous ouvre enfin à la filiation et à la fraternité que plus rien ne limite !
Ceci est mon corps livré pour vous.
Nous entendrons à nouveau cette parole tout à l’heure :
elle nous ouvre la grâce.
Elle nous fait grâce,
elle fait grâce à chacun de nous et à la multitude des hommes.
Combien de fois dois-je pardonner ?
Dieu ne se lasse jamais de pardonner. Il est saisi de compassion.
Que l’Esprit change nos cœurs de pierre en cœurs de chair !
Soyons des images de Dieu.
Notre mission de chrétiens est de révéler qui il est
et de faire advenir dès maintenant son règne de grâce.