Homélies
Liste des Homélies
Année A - Carême 2° Dimanche - 05 mars 2023
Genèse 12,1-4 ; 2 Tim. 1,8-10 ; Matth. 17,1-9
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Le Carême, pour nous chrétiens spontanément, c’est d’abord un temps : 40 jours entre le mercredi des Cendres et le dimanche de Pâques, en référence aux 40 jours et aux 40 nuits que Jésus a passés au désert, ou les 40 années du peuple hébreu entre sa sortie d’Egypte et son entrée en Terre Promise. Un temps, tout comme le Ramadan pour les musulmans qui dure un mois lunaire pour le jeûne, la prière et le partage, ou bien encore la Grande Retraite de Méditation et de purification pour les bouddhistes tibétains : 3 ans, 3 mois, 3 jours.
Mais le Carême, ce sont aussi des lieux, des espaces, des mouvements, des déplacements. Dimanche dernier, la liturgie nous invitait à partir au désert avec Jésus. Le désert, lieu symbolique par excellence de la rencontre de Dieu, mais aussi de celle des Démons. Dimanche prochain, nous irons en Samarie, à Sycar, près du puits de Jacob, et les dimanches suivants à Jérusalem, du côté de la piscine de Siloé avec l’aveugle-né, à Béthanie dans la maison de Lazare et de ses sœurs et à Jérusalem encore pour les Rameaux et la Semaine Sainte. Aujourd’hui, nous méditons avec la 1ère lecture, le départ d’Abraham depuis son pays d’origine en Chaldée, pour un pays que le Seigneur lui promet de lui indiquer. Et Abraham part, sans savoir où il va, comme le dira l’épitre aux Hébreux, mais il part, confiant dans la Parole de Dieu et obéissant dans la foi. C’est l’itinéraire de toute vie spirituelle, chrétienne ou non, religieuse ou laïque, nous le savons bien : lâcher-prise, abandon et confiance, mais en retour bénédiction et fécondité imprévisibles, non-programmables.
Et l’Evangile, lui, nous fait monter, à l’écart, sur une haute montagne, avec Pierre, Jacques et Jean, qui accompagnent Jésus : c’est l’épisode de la Transfiguration. Chaque année, la liturgie nous demande de nous y arrêter dans notre marche vers Pâques ; et nous écoutons ce récit dans chacune de ses versions évangéliques : Matthieu, Marc et Luc. Cette année Matthieu. Nous pouvons le diviser en deux parties distinctes :
- une première où domine l’expérience visuelle. Jésus est transformé aux yeux des disciples éblouis. Transformé, littéralement « métamorphosé », en grec. Et en même temps, c’est l’apparition de Moïse et d’Elie. Le pauvre Pierre ne sait plus très bien comment se situer face ou à côté d’eux : il bafouille, il fait une proposition concrète qui n’est pas retenue : personne ne semble l’écouter ou faire attention à lui. St Luc ira jusqu’à dire qu’il ne savait pas ce qu’il disait.
- et puis il y a une seconde scène qui se superpose à la 1ère, où dominent la voix et l’audition d’une parole sortie de la nuée lumineuse. Parole mystérieuse du Père des Cieux, en écho et presque identique à celle du Baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain : « celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis tous mon amour ». Avec l’ajout propre à la Transfiguration : « écoutez-le ! ». Au baptême, la parole s’adressait à Jésus lui-même, comme l’envoyé, ici elle s’adresse aux disciples et plus largement à toute la communauté chrétienne, désignant Jésus comme le Prophète qu’il faut écouter.
Après cette vision et cette audition extraordinaires, qui ont plongé les disciples dans la frayeur et la prosternation à terre, c’est le retour à l’ordinaire, la voix familière de Jésus, son contact et sa proximité. Ils peuvent lever les yeux à nouveau : Jésus est là, tel qu’ils le connaissaient et il est seul. Ils sont rassurés : ouf ! Mais que s’est-il donc passé ? Silence, ordonne Jésus : pas un mot avant que le Fils de l’Homme ne soit ressuscité d’entre les morts.
Ce texte est riche à bien des égards : on peut en faire une longue lectio divina, avec tous les renvois à l’Ancien Testament qu’il autorise : on peut en faire une contemplation des relations de Jésus avec son Père et avec l’humanité, une méditation du rôle et des réactions de chacun des personnages. Mais en quoi peut-il nous rejoindre, nous aussi et nous modifier, dans ce temps de conversion qu’est le Carême.
Je crois qu’il vise à nous déloger de certaines de nos représentations sur la personne même de Jésus. Représentations trop immédiates ou figées, trop utilitaires peut-être aussi, si nous attendons quelque chose de lui, mais quoi.
Même si nous savons bien que les Evangiles sont de tardives compositions littéraires mises par écrit après l’événement pascal de la mort et de la Résurrection de Jésus, nous pouvons penser et croire que cet épisode a réellement eu lieu durant sa vie terrestre et qu’il se situe à un moment-clé des évangiles. Après la confession de foi de Pierre à Césarée, après la 1ère annonce de la Passion, après les paroles sur la condition des disciples et l’annonce du retour prochain du Seigneur. Pour bien faire, mais cela serait trop long, la liturgie devrait nous faire entendre l’ensemble de ces passages. On ne peut isoler la Transfiguration de la réalité de la Passion et de la Résurrection du Christ, ni de son retour dans la Gloire. La Transfiguration nous révèle le sens même du mystère pascal, comme anticipation de ce que nous célèbrerons durant les Jours de la Semaine Sainte. Méditée en ce 2ème dimanche de Carême elle vient stimuler notre élan, relancer notre foi et notre espérance, si jamais nous étions guettés par le découragement ou le doute.
Jésus n’est pas seulement le maître qui parle bien et enseigne les foules, il n’est pas seulement le compagnon de route qui fait le bien en guérissant les malades : il est le Témoin de la Gloire de Dieu sur terre, une Gloire qui resplendira sur la Croix, se manifestera à la Résurrection et se révèlera définitivement à son Retour. En fait, on peut comprendre le désir de Pierre de vouloir fixer ce moment merveilleux à l’aide de tentes, car cet échange partagé avec Jésus en Gloire, avec Moïse et Elie, c’est ce qui nous est permis d’espérer de vivre aux derniers temps. Mais les derniers temps ne sont pas encore arrivés : nous nous tenons dans l’entre-deux du déjà-là et du pas-encore. Pourtant Pâques a levé l’interdiction du silence faite aux disciples. Nous avons, à leur suite et à notre tour, à proclamer à temps et à contretemps que Jésus est le Seigneur, qu’il est le Fils Bien-Aimé du Père, en qui tous les croyants sont fils et frères. Nous avons à dire à tous ceux qui sont prosternés dans leurs peurs de vivre ou leurs fatigues d’être eux-mêmes : « relevez-vous et n’ayez pas peur ! ». C’est cela, je crois, le profond message de la Transfiguration, et pour terminer je laisserai la parole à un poète :
« Voyez, les temps sont accomplis,
Sur quels chemins d’incandescence
Et Dieu vous convoque à l’oubli
Entendrez-vous le Bien-Aimé
De ce qui fut vos servitudes.
Vous parlant depuis la Nuée ?
Qu’il vous prépare à ses souffrances !
Suivez Jésus Transfiguré.
Demain, il sera crucifié
En signature d’alliance
année A - 26 février 2023 - 1er Dim Carême -
Gen 2/7-9, Rom 5/12-19, Mt 4/1-11
Homélie du F. Cyprien
“Le serpent dit à la femme : ”Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !... »
St Paul : « Le péché est entré dans le monde... »
« Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté… ».
…Premier dimanche de Carême … les tentations de Jésus face au Malin, le diable, le Diviseur…
Je me suis posé la question :
= Y a-t-il une gradation dans les tentations de Jésus ?
J’ai trouvé qu’il y avait en tout cas l’impuissance du diable devant Jésus, ce Satan qui croit posséder le monde.
… Tragique et aussi ridicule de ce Malin qui, à la troisième fois ne sait plus comment s’y prendre avec Jésus !
= Pour nous le plus clair c’est que Jésus a été tenté, oui, il a été tenté pour nous, pour notre bien, certainement pour nous montrer le chemin, pour résister nous aussi à ce qui peut détourner de Dieu.
« L’homme ne vit pas seulement de pain…, tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu…, C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte ».
Jésus est passé par l’épreuve et sa réponse a été d’aller ensuite jusqu’au bout de sa mission, jusqu’au don de lui-Même.
Gradation ou pas, c’est bien pour nous, c’est bien pour notre vie que ce récit nous emmène au désert avec le Maitre
.
L’épreuve, les épreuves, une suite d’événements qui jalonnent nos vies, tout cela pour que nous devenions fidèles, fidèles au Christ, pour choisir Dieu en priorité…
Il est difficile d’oublier… que la tentation de faire le mal existe : le mal se déguise souvent en bien ; nous avons raison de demander à Dieu de nous protéger du mal.
La tentation, c’est la présence d’un désir désordonné… en quelque sorte un mensonge…le mensonge au profit d’un plaisir égoïste, une ruse au service d’un pouvoir qui fascine… Même une certaine douceur devient mensonge pour que nous allions vers ce qui attire, ce qui obsède… La tentation : une pente qui devient de plus en plus glissante quand on ne s’arrête pas avant qu’il ne soit trop tard.
Si nous avons laissé la tentation nous vaincre, notre conscience est troublée parce que nous avons été trompés et vaincus, et il faut le dire …avec notre consentement !
C’est au moment de la tentation qu’il faut être attentif… Dans le livre de la Genèse, le serpent est associé à la ruse et au mensonge.
Et dans l’épitre aux Romains, saint Paul dit que depuis le premier homme (avec Ève, ne pas oublier !) « le péché a régné », c’est-à-dire la Parole de Dieu a été négligée , Dieu a été mis de côté.
Au désert Jésus a résisté, Il a vaincu la tentation…
« Si tu es le Fils de Dieu » : par deux fois Satan le provoque ; la troisième fois il lui demande même de se prosterner devant lui.
Parce que le Christ Jésus est venu, parce qu’il a obéi jusqu’au bout, nous pouvons à sa suite obéir, résister, déjouer la ruse du Malin. La pointe du propos de Paul dans la 2e lecture, c’est qu’… « il n’y pas de commune mesure » entre le péché de l’homme et l’obéissance du Fils bien-aimé. Retenons : « pas de commune mesure ».
« Si tu es chrétien
« Si tu es un disciple de Jésus
« Si tu es un ami de celui qui a donné sa vie pour toi,
la tentation peut arriver :
== nécessité de manger … pour lui-même Jésus refuse de changer les pierres en pain… alors qu’il multipliera le pain pour les foules ;
== la tentation arrive lorsque les choses nous réussissent, que nous nous croyons des héros… et Jésus a demandé le silence sur son identité de Messie et de Seigneur … pour arriver à sa passion et sa mort comme n’importe quel condamné ;
== Surtout Jésus a su répondre avec la force de la Parole des Ecritures pour nous apprendre et trouver les moyens de résister. Il est écrit et nous pouvons dire avec lui « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras… Arrière, Satan ! » car Jésus marche devant nous…allons à sa suite.
Oui, f. et s., rendons grâce à Dieu notre Père de nous donner sa grâce pour aller vers Pâques avec le courage que donne la foi : Dieu nous aime en Jésus, Jésus qui a traversé le désert, la tentation et la mort : il veut faire de nous des vivants, des ressuscités, pour l’éternité.
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Année A - 7e dimanche TO, 19 février 2022
— Lv 19, 1-2.17-18 ; 1 Co 3, 16-23 ; Mt 5, 38-48
Homélie du F. Charles-Benoit Andreu
« Œil pour œil, dent pour dent »
Chers frères et sœurs, cette loi, la « loi du talion », retentit avec un écho particulier dans la Torah, dans la Loi. Elle y est répétée pas moins de trois fois : Exode, Lévitique, Deutéronome. Aujourd’hui, Jésus est-il en train de l’abolir ? Comment entendre ce qu’il disait dans l’évangile de dimanche dernier : je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir ?
Pour entendre ce que dit Jésus, il faut d’abord entendre ce que dit la Loi. En l’occurrence, ça ne paraît pas bien compliqué. Et pourtant, déjà avant Jésus, la tradition juive prenait soin de l’interpréter, ne se satisfaisant pas de l’abrupte clarté de ses mots. Non, Jésus ne vivait pas entouré de fous-furieux vengeurs, prêts à crever des yeux de sang froid au nom de la loi divine. Et toute la tradition juive, jusqu’à nos jours, montre qu’elle sait très bien, quand la Lettre tue, trouver en elle l’Esprit qui vivifie, accomplir sans abolir. Nous autres chrétiens, quand nous cherchons dans l’Écriture une lumière pour notre vie, pour les questions de notre temps, nous devrions aussi savoir entrer dans ce corps à corps de la Lettre et de l’Esprit que Jésus a appris de la tradition d’Israël, et ne pas nous enfermer dans des lectures littéralistes.
En l’espèce, la tradition rabbinique récuse absolument l’idée de crever l’œil de qui que ce soit. Au contraire, elle applique la loi du talion, sa proportionnalité, au devoir d’une réparation financière en cas de blessure : pour un œil, réparer ce que représente la perte un œil, pour une dent, ce que représente une dent. Ainsi fonde-t-elle un principe fondamental de la justice, jusqu’à aujourd’hui : le tort fait à autrui doit être réparé de façon proportionnée.
Poursuivons dans l’élan concret où cette lecture nous entraîne. Est-ce seulement le tort fait à autrui que la Loi veut ainsi réparer ? En effet, s’il y a besoin d’une loi pour nous rappeler cela, c’est sans doute parce qu’il faut aussi réparer notre sens des responsabilités, guérir notre indifférence devant le mal que nous faisons aux autres, et peut-être, au-delà encore, notre indifférence devant toute souffrance, qu’on en soit ou non responsable. Suis-je capable de compassion ? Est-ce que la souffrance de l’autre touche quelque chose en moi — comme si c’était moi : œil pour œil, dent pour dent ? Le parallélisme qu’établit la loi du talion rejoint alors le grand commandement de la Loi entendu en première lecture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Oui, puissions-nous apprendre à aimer œil pour œil, dent pour dent, à répondre aux requêtes de cet amour : une aide et un geste concrets, une parole.
Jésus n’est pas venu abolir cette loi-là. Toute sa vie, il n’a cessé de l’accomplir. Mais il envisage la loi du talion sous un autre angle, non plus du côté de celui qui fait du tort, mais du côté de celui qui le subit. Alors en quelque sorte le miroir se brise : si la peine du frère que j’ai fait souffrir doit devenir ma peine, la violence de celui qui m’a fait souffrir ne doit pas devenir ma violence.
Ces paroles de Jésus peuvent être très lourdes à porter. Nous n’avons certes pas à les appliquer au pied de la lettre, si cela va contre la justice dont nous avons parlé. Mais malgré tout, nous risquons toujours de les entendre ou, pire, de les asséner, comme l’une de ses injonctions au pardon qui blessent profondément ceux et celles qui ont subi une violence — quand l’appel au pardon est une manière de nier leur souffrance, de leur refuser la justice, quand il ajoute à la souffrance le poids d’une culpabilité, celle de ne pouvoir pardonner.
Mais peut-être Jésus veut-il simplement nous montrer que, pour autant, la rancune n’est pas un chemin. Quand l’autre nous a giflé, la rancune qui ronge le cœur, la violence qui envahit les pensées, sont une façon terrible d’être frappé encore, bien plus terrible que de tendre l’autre joue. En sortir est difficile. Mais nous pouvons chercher, avec délicatesse, à nous aider ici les uns les autres. Non pas d’abord par des injonctions au pardon, mais en offrant cette écoute, cette considération, cet amour qui seul apaise, car il comprend, car il partage la souffrance et les combats de l’autre, parce qu’il aime œil pour œil, dent pour dent.
Année A - 6e dimanche Temps ordinaire – 12 février 2023
Si 15 15-20 ; 1Co 2 6-10 ; Mt 5 17-37
Homélie du F. Hubert
" Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens,
vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. »
Qui mieux que st Paul a vécu ce dépassement, cette conversion ?
Qui mieux que lui a reçu la révélation du don gratuit de Dieu,
et l’a formulée pour toutes les générations ?
« Nous avons reconnu, écrit-il aux Galates, que ce n’est pas en pratiquant la loi de Moïse
que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ » Gal 2, 16 sv
Et aux Philippiens : « À cause de Jésus, mon Seigneur, j’ai tout perdu
afin d’être reconnu juste,
non pas de la justice venant de la loi de Moïse
mais de celle qui vient de la foi au Christ. » Phil 3
Paul était un jeune juif qui mettait toute la force de sa volonté
à l’accomplissement des commandements de Dieu.
Mais l’enthousiasme et la volonté ne suffisent pas.
Il écrira plus tard : « Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir ».
Sur le chemin de Damas, il fait l’expérience, dans la rencontre inattendue et inimaginable du Christ, que l’amour de Dieu ne se mérite pas, qu’il est gratuit et au-delà de toute mesure,
au-delà de tous nos efforts, de toutes nos mises en œuvre des commandements.
L’Alliance n’est pas une morale, elle est une bonne nouvelle, un amour. Elle est l’Amour.
Dieu est Alliance, et sa toute-puissance n’est pas de faire n’importe quoi,
mais de tenir l’Alliance, de tenir l’Amour.
C’est pourquoi il est mort, pour que nous demeurions dans l’Amour.
Cet Amour, le seul Amour, est plus fort que la Mort, plus fort que le Péché.
Rien ne peut lui faire échec.
Alors que deviennent les commandements ?
Ils sont des bornes sur le chemin de l’amour.
Ils n’ont de valeur et ne se comprennent qu’englobés dans l’amour.
Ils nous indiquent comment répondre à l’amour,
comment vivre à l’image de Dieu, en enfants de Dieu.
Et non pas comment mériter l’amour de Dieu.
Observer les commandements est impossible à nos seules forces humaines,
encore plus quand ils sont portés à leur perfection par Jésus, au-delà de toute mesure.
Ce n’est que dans la grâce offerte et accueillie que nous pouvons les observer.
Dans notre faiblesse, dans nos chemins blessés par le péché,
nous sommes toujours en deçà de leur observance.
Aussi, de la même manière qu’il n’y a pas de vie humaine commune possible sans pardon,
il n’y a pas de vie commune entre nous et Dieu
sans que le pardon de Dieu soit plus grand que nos infidélités.
C’est bien l’expérience de Paul : « Le Christ m’a aimé et il s’est livré pour moi ! »
Nous n’avons pas à mériter d’être aimés de Dieu ! Ni des autres d’ailleurs. Cela empoisonne nos vies.
Nous avons à répondre à l’amour par l’amour, non à mériter l’amour.
L’amour est gratuit et se donne de lui-même.
« La preuve que Dieu nous aime, c’est que Christ est mort, alors que nous étions pécheurs »
dit encore Paul.
Sur le chemin de Damas, « la vérité vient le frapper en plein visage, écrit Adrien Candiard :
tous les efforts qu’il a déployés pour aimer Dieu
l’ont conduit à l’exact contraire : il croyait le servir de son mieux
mais il n’a réussi qu’à Le persécuter, Lui, le Dieu qu’il voulait aimer de tout son cœur. »
Jésus lui montre un autre chemin :
celui du renoncement à lui-même et à sa propre perfection,
pour se laisser envahir par la présence du Christ.
« L’amour du Christ nous saisit, écrit Paul aux Corinthiens, …
Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus centrés sur eux-mêmes,
mais sur Celui qui est mort et ressuscité pour eux. »
Paul a découvert qu’il était « aimé sans la moindre condition »,
et par celui-là même qu’il persécutait !
Dans le n° de Panorama de mars 2022, Hubert de Boisredon, un chef d’entreprise,
témoigne de façon similaire qu’il a fait l’expérience, à 18 ans,
d’une « rencontre fondamentale avec Dieu » :
alors qu’il voyait Dieu comme
« celui qui comptait les points pour déterminer s’il était digne de son amour ou non »,
il s’est senti « comme enveloppé d’une présence venue le visiter de manière très intime.
Ce jour-là, a été semée en lui la certitude qu’il était aimé de Dieu gratuitement. Pour rien. »
Puissions-nous vivre cette expérience, et d’abord la désirer !
Jésus ne vient pas abolir mais accomplir.
Il accomplit les commandements en les poussant à l’extrême, parce que l’amour est extrême ;
et il les accomplit en les vivant lui-même,
en recevant en lui-même tout l’amour du Père, et en offrant au Père tout l’amour de l’homme.
C’est cette victoire de l’amour, en Jésus, que nous célébrons dans l’eucharistie.
Mais que veut dire une célébration si nous n’y engageons tout notre être,
si nous ne désirons être nous-mêmes total accueil à l’amour qui nous est offert, et totale offrande ?
Demandons les uns pour les autres d’accueillir cet amour du Christ
dans lequel les commandements prennent sens.
Demandons la sagesse qui vient de Dieu,
et accueillons déjà ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé.
PRESENTATION DU SEIGNEUR - 02.02.2023
Ml 3, 1-4 ; Lc 2, 22-40
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Ce jour de fête de la présentation du Seigneur est souvent appelé aussi, fête de la lumière, ou encore fête de la rencontre. L’Eglise en a fait aussi la fête de la vie consacrée. Ces appellations variées disent la richesse de sens que cette fête offre. Ce matin, je retiendrai le thème de la rencontre, la rencontre de Marie et Joseph avec Syméon, puis avec Anne. Une rencontre improbable ou paradoxale aurait dit un ami du monastère, Pierre Boulanger décédé aujourd’hui, qui s’était intéressé à toutes ses rencontres étonnantes qui jalonnent nos vies alors qu’elles auraient eu normalement toutes les chances de ne pas avoir lieu.
Qu’est-ce qui fait que cette rencontre a pu avoir lieu ? De part et d’autre, nous trouvons des personnes qui sont pleinement engagées dans leur dynamisme propre de vie. Les parents de Jésus remplissent leur devoir de croyants en venant présenter leur enfant nouveau-né après le temps prescrit de Moïse, et offrir les sacrifices demandés. Syméon est un croyant enraciné dans sa foi, vivant une attente active sous la conduite de l’Esprit Saint. Il se laisse guider étroitement par l’Esprit. Anne est elle aussi une femme fervente toute donnée au service du Seigneur dans le jeûne et la prière. Entre ces personnes animées par la fidélité à la Loi, et par l’écoute de l’Esprit, la rencontre va pouvoir se vivre et faire sens pour chacun d’eux. Ce premier point peut-être un encouragement pour chacun de nous, lorsqu’il nous semble que la monotonie des jours n’apporte rien de nouveau et que le quotidien peine à faire sens. Avec persévérance, vivons nos fidélités, vivons à l’écoute de l’Esprit qui pourra ouvrir un chemin où le Seigneur nous parle à travers nos rencontres ordinaires mais aussi inattendues. Le Seigneur entend ce dont nous avons besoin.
Ces rencontres de notre évangile révèlent aussi à chacune des personnes, et le mystère du Christ et quelque chose d’elle-même. Au milieu de Syméon, Marie et Joseph, se trouve Jésus, enfant. Il ne parle pas. Mais pourtant il éclaire. Il illumine par tout ce qu’on dit de lui. Syméon le révèle, et Marie et Joseph accueillent cette révélation. Mais encore, à la manière d’un cierge allumée dans la nuit qui éclaire les visages des personnes alentour, Jésus est la lumière qui révèle aussi le mystère des personnes qui sont là. Il révèle le visage de Syméon prophète, mais surtout celui de Marie en ce qu’elle va participer à la souffrance à venir de son fils. N’en est-il pas ainsi dans beaucoup de nos rencontres dans lesquels on croit que Jésus se tient au milieu de nous croyants. Nous parlons de lui. Son mystère se révèle aux uns et aux autres. Nous parlons de lui qui est là au milieu de nous, et notre propre visage de fils et fille de Dieu se révèle.
Rendons grâce en ce matin pour toutes ces rencontres illuminées par la présence du Christ dans nos vies de croyants. Que notre foi en la présence du Christ Vivant au milieu de nous vienne aviver notre confiance en nos partages et en nos rencontres qui nous nourrissent.
Année A - 4ème dimanche ordinaire - 29 janvier 2023
So 2.3; 3 12-13 ; 1 Co 1 26-31 ; Mt 5 1-12a
Homélie du F. Vincent
Les textes bibliques de ce dimanche nous adressent un appel à nous convertir. Nous avons tout d’abord celui du prophète Sophonie. Il vient de dé-noncer la violence et les fraudes chez les hauts fonctionnaires, le scandale et les injustices de toutes sortes. Ils sont nombreux ceux qui délais-sent le Seigneur et se tournent vers les divinités païennes. En laissant l’injustice et le mensonge l’emporter, on court vers le malheur. Et c’est ce qui est arrivé au peuple. Il a fini par se retrouver exilé en terre étrangère.
Mais tout n’est pas perdu : le Seigneur va pouvoir s’appuyer sur ceux qui le cherchent en toute justice et humilité. Ces humbles qui s’en re-mettent à Dieu ne sont pas nombreux. Ne pouvant s’appuyer sur des moyens humains, ils mettent toute leur confiance en Dieu. Alors Dieu va les rassembler ; ils vivront dans la justice et la vérité. Ils trouveront enfin le repos et la sécurité. Toute la Bible nous parle d’un Dieu qui a vu la misère de son peuple et qui veut le sauver.
Dans la seconde lecture, saint Paul s’adresse aux chrétiens de Corinthe. Dans cette ville, se trouvent une riche minorité d’intellectuels et de commerçants mais aussi une forte majorité de dockers et d’esclaves. Paul y a séjourné dix-huit mois pour faire entendre l’Évangile. Mais après Sophonie et d’autres prophètes, il fait le même constat que Jésus a pu faire lui aussi : ceux qui se sont laissé enthousiasmer par la Bonne Nouvelle de l’Évangile ce sont des petites gens ; ils ont compris que l’argent, la science et le pouvoir ne peuvent les sauver. Ils mettent toute leur con-fiance dans l’amour fou de Dieu pour tous les hommes. Lui seul peut les sauver.
Ces deux lectures nous ont préparés à recevoir le message de l’Évangile des béatitudes. Nous y voyons Jésus s’adresser aux pauvres, à ceux qui sont assoiffés de justice, aux cœurs purs, aux artisans de paix, à ceux qui sont persécutés. La situation des uns et des autres ne correspond guère à l’idée que nous nous faisons du bonheur. Le monde met en avant celui des riches et des puissants. Mais en y regardant de près, nous voyons bien que leurs richesses et leur puissance ne peuvent vraiment les combler.
Aujourd’hui le Christ nous parle du bonheur des pauvres, des lé-preux, des exclus. Leur rencontre avec lui est la chance de leur vie, et la nôtre. La source de notre bonheur c’est le Royaume de Dieu. Nous sommes loin des valeurs véhiculées par la société dominante d’aujourd’hui, de ses apprentis dictateurs et de ses slogans publicitaires. Tous nous disent : “Soyez les plus forts”… “Devenez scandaleusement riches…” Rap-pelons-nous ce que nous dit saint Paul : “Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort. »
Oui ! “Heureux les pauvres de cœur, les doux, ceux qui pleurent, les cœurs purs, les miséricordieux, ceux qui sont persécutés…” En fait, Jésus ne fait que dresser son propre portrait : quand Dieu prend chair, de la crèche à la croix, il est le pauvre, le doux, le miséricordieux ; il pleure avec la veuve de Naïm et les sœurs de son ami Lazare ; il est artisan de paix avec les lépreux, les publicains, Nicodème et la samaritaine. Il est comme l’agneau au milieu des loups, persécuté jusqu’à la mort au milieu des brigands.
La Bible de Chouraqui a traduit ce mot “Heureux” par “En avant”. C’est un appel pour les pauvres, les petits, les persécutés à se lever et à se mettre en marche à la suite du Christ. C’est en lui et avec lui que nous trouverons le vrai bonheur. Même quand tout va mal, il est là avec nous. Il vient nous habiter et nous combler de sa joie. Sa présence et son amour ne peuvent que nous rendre heureux.
Ce bonheur que nous trouvons en Dieu, il nous faut le communiquer à ceux qui nous entourent. Et pour cela le Christ a besoin de nous. L’Évangile c’est une lumière qu’il nous faut transmettre autour de nous à tous ceux qui nous entourent, en particulier à tous les blessés de la vie. Le Seigneur nous demande d’être les témoins de son amour partout dans le monde. C’est en vue de cette mission que nous nous sommes rassemblés pour nous nourrir de la Parole du Christ et de son Eucharistie. Soyons, chacun, là où nous sommes, les témoins de la bonne nouvelle de ce dimanche : « Heureux les pauvres… »
(sources diverses)
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Année A - SAINTE MARIE MERE DE DIEU - 01.01.2023
Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21
Homélie du Père Abbé Luc
L’année qui s’ouvre nous entraine à poursuivre notre pèlerinage à la rencontre de Dieu vers lequel, chacun et notre monde, nous nous acheminons. Nous sommes partie prenante de l’histoire en marche qui se déroule et à laquelle nous apportons modestement notre pierre, là où nous sommes. Cette histoire, avec ces aspects bien chaotiques et son lot de souffrances, nous la croyons sainte. Car dès la Création Dieu l’accompagne dans un mystérieux enfantement. Et depuis la venue de son Fils parmi les hommes, son œuvre, son projet, s’est manifesté plus clairement à nos yeux et à notre intelligence. Dieu veut faire de nous les humains des fils et des filles de Dieu, en Jésus son Fils. Il désire faire de nous des frères et des sœurs sous son regard paternel très aimant.
Comment faire pour que ce regard de foi illumine et nourrisse vraiment notre quotidien ? Comment faire pour que l’intelligence du projet de Dieu sur l’humanité devienne plus vive en nous et qu’elle nous transforme en des instruments toujours plus dociles de l’œuvre de Dieu ? De chaque lecture entendue ce matin, je retiendrai un point qui peut être pour nous comme un outil à mettre en œuvre dans notre quotidien.
Chaque matin, nous placer toujours sous la bénédiction de Dieu. Dans la première lecture, Dieu révèle à Moïse, qu’il n’a qu’un désir, nous bénir et tourner vers nous son visage. Au début de nos journées, plaçons-nous sous la bénédiction de Dieu, par un temps de prière, même très bref, en reconnaissant que la vie offerte et le souffle donné, nous viennent de Lui. Présentons-nous comme des vivants étonnés du cadeau de la vie et offrons-lui notre disponibilité à faire son œuvre. Il nous bénira. Cela ne veut pas dire qu’il nous épargnera les épreuves, mais il sera là avec nous pour les traverser et pour en faire quelque chose pour son œuvre.
Avec Marie, apprendre à scruter et comprendre les évènements petits et grands qui se passent dans nos vies. Comme elle, les retenir et méditer, les confronter avec la Parole de Dieu. Apprenons à ne pas laisser les jours filer sous nos yeux, soit en nous grisant dans les soucis ou les plaisirs, soit en oubliant. Mais accueillons leur goût et leur saveur, leurs questions et leurs épreuves, pour mieux repérer que cette trame des jours est le terreau dans lequel Dieu nous a placés pour porter tout notre fruit. Prenons un rendez-vous régulier avec la méditation des Ecritures. Ce RV quotidien ou hebdomadaire sera une école pour apprendre à lire et relire nos vies à la lumière de l’histoire sainte passée, conduite par Dieu depuis le commencement. Comme il a conduit le peuple d’Israël, il désire nous conduire en Eglise et nous aider à découvrir le sens de ce que nous vivons, parfois bien à tâtons.
Dernier outil offert pour entrer dans cette année nouvelle, avec Paul, apprenons chaque jour à nous tenir à l’écoute de l’Esprit. Repérons Celui qui murmure en nous le nom du Père. Oui, accueillons ses mouvements de prière qui nous tournent vers notre Père. Laissons l’Esprit nous conforter dans la confiance heureuse d’être des fils et filles de Dieu. Inséparablement, laissons-le agir quand il nous oriente vers nos frères. Oui, consentons à ces mouvements intérieurs qui nous sortent de nous-mêmes et des seules préoccupations de nous-mêmes, pour aller à la rencontre des autres. L’Esprit allume pleins de petits signaux dans notre quotidien pour ouvrir nos yeux et nos oreilles aux besoins de nos frères et sœurs. Ne les étouffons pas.
En cette eucharistie, laissons-nous entrainer dans la vie des fils en rendant grâce à Dieu, à la suite de Jésus notre Seigneur et notre frère.
Année ABC - Messe duJour de Noel - 25 décembre 2022
Is 52 7-10 ; Heb 1 1-6 ; Jn 11-18 ;
Homélie du F. Guillaume
Frères et sœurs,
En ce jour de Noël, jour de grande fête et de joie nous ne célébrons pas que la seule naissance de Jésus à Bethléem, mais une tripe naissance de Dieu, selon un thème traditionnel de la spiritualité chrétienne. Il y a en effet une naissance de Dieu en lui-même, il y a la naissance du Fils de Dieu en notre chair, et il y a la naissance du Verbe de Dieu en nous-même, en notre âme.
La 1ère naissance sans doute la plus profonde et la plus mystérieuse est celle que nous contemplons dans le Prologue du 4ème Evangile, qui vient d’être chanté solennellement. Naissance éternelle du Verbe au cœur de la Trinité. Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. La suite du texte précise que ce Verbe est le Fils du Père, plein de grâce et de vérité.
Chaque dimanche et aujourd’hui encore dans un instant, nous professons dans le Credo de l’Eglise que le Christ est le Fils Unique de Dieu né du Père avant tous les siècles. Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu engendré, non pas créé et de même nature que son Père. Cet engendrement, cette naissance dans l’éternité échappe au temps et à l’histoire. Elle échappe aussi à notre compréhension et dépasse infiniment les limites de notre entendement, mais nous l’affirmons cependant dans la foi et dans l’amour. Pour nous chrétiens, cette 1ère naissance de Dieu doit demeurer l’objet de notre émerveillement et de notre adoration. Elle est source de joie.
La seconde naissance, celle de l’enfant Dieu à Bethléem qui nous a été rapportée par l’évangile de la messe de minuit, nous est plus familière. Il est plus facile de la raconter aux enfants et elle a été préparée par les calendriers de l’Avent et la réalisation des crèches. Pourtant, cette seconde naissance n’en est pas moins paradoxale ou scandaleuse, voire même folle et impossible à admettre pour qui ne partage pas notre foi. Aucune sagesse païenne, aucune religion ne peut envisager une telle naissance d’un Dieu sur la terre des humains. C’est le mystère de l’Incarnation.
Jésus, le Christ, est né d’une femme, la Vierge Marie, lorsque les temps furent accomplis. Et Dieu a pris les traits de visage d’un bébé, d’un garçon, d’un homme.
Saint Paul dans sa lettre aux Philippiens dira qu’il n’a pas retenu jalousement son rang d’être l’égal de Dieu, mais qu’il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes et par son aspect, il était reconnu comme un homme, et il s’est abaissé dans l’obéissance à son Père, jusqu’à mourir sur une croix.
Autant que pour la 1ère naissance du Verbe dans son éternité, nous avons à nous émerveiller et à nous réjouir de cette 2nde naissance du Verbe dans notre humanité.
Mais ces deux naissances ne présenteraient guère d’intérêt et resteraient extérieures et étrangères à nous, si elles ne s’actualisaient pas présentement en chacun de nous, à l’intime de chacune de nos âmes. C’est le dominicain Maître Echkart qui au Moyen Age, en reprenant une idée d’Origène a longuement développé cette naissance de Dieu qui se produit en nous, en notre âme, et c’est cela qui importe, dit-il. Dieu pénètre ici le fond de l’âme. Personne d’autre ne peut entrer dans le fond de l’âme sinon Dieu seul.
Cette 3ème naissance du Verbe de Dieu à l’intime de notre être permet de rendre compte du vouloir profond de Dieu en s’incarnant. Dieu se fait homme afin que l’homme puisse devenir Dieu, comme l’affirmaient les Pères de l’Eglise. Dieu veut rendre à l’homme sa dignité d’être créé à son image et à sa ressemblance, dignité qu’il a perdue et qu’il perd encore par le péché et c’est toute la raison du sacrifice pascal du Christ dans sa naissance, sa vie, sa mort et sa résurrection. Noël et Pâques sont ainsi inséparables et nous les célébrons ensemble à chaque eucharistie.
Pour terminer, je reprendrai les termes de l’une des préfaces de la nativité qui nous fait chanter à Dieu : « lorsque ton Fils prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels » .
Vigiles de NOEL 2022
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
« Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » !
Frères et sœurs,
Comment pouvons-nous entendre cette Bonne Nouvelle aujourd’hui ? De quel Sauveur et de quel Salut, avons-nous besoin ? Avec notre monde, nous sommes habités par des questions fortes : les dangers qu’une guerre se généralise, les inquiétudes face au climat, les incertitudes économiques et sociales face à la crise énergétique, et dans notre Eglise, le poids des révélations d’abus qui minent la confiance. Si nos questions sont bien différentes de celle du peuple juif qui accueillait le Christ, il a 2000 ans, elles sont cependant l’expression d’une même attente existentielle, attente de sens, de lumière et de force pour poursuivre le chemin. Quelle parole de salut et d’espérance, cette fête de Noël, vient-elle nous apporter ? Des textes que nous venons d’entendre, je retiens trois mots : lumière, justice et piété qui peuvent nous aider à reconnaitre aujourd’hui Jésus comme notre Sauveur.
Lumière. Dans les ténèbres, dit le prophète Isaïe, une lumière a resplendi. Oui, comme pour le peuple juif autrefois, la naissance de Jésus resplendit comme une belle lumière pour nous aujourd’hui. Lui que nous reconnaissons dans la foi, comme « le Dieu fort, conseiller merveilleux, Prince de la Paix », nous sauve de la tentation de toujours rechercher ce qui brille, et de nous ajuster à ce qui est en vue. La vraie lumière qui guide nos vies est une lumière cachée. Elle ne se découvre qu’à ceux qui acceptent de venir s’asseoir sur la paille avec Jésus, la paille de notre humanité en sa profonde simplicité. Car Jésus dans sa naissance très démunie, pauvre et dépouillée, vient à la rencontre de qui semble indigne à nos yeux, en nous ou chez les autres. Oui, Jésus veut nous sauver de la pensée qu’il ne peut pas rejoindre certaines parts obscures de nos vies. Dans une grande proximité, il est venu illuminer nos ténèbres, nos péchés et toutes nos incohérences. Il le fait avec une lumière douce qui ne juge pas ni n’accable. Cette lumière est source d’espérance, car elle nous assure que ce qui intéresse notre Dieu, ce ne sont pas nos réussites ou nos œuvres d’éclats, mais notre humanité toute simple, jusque dans sa petitesse parfois blessée mais toujours aimable à ses yeux.
Justice. Le Christ est encore notre Sauveur, parce qu’il est venu instaurer la justice en notre monde. Non pas une justice à la manière humaine et très nécessaire, telle qu’elle est promue par les institutions et par les lois. Non, il est notre Sauveur parce que, par sa grâce, il nous rend capable de vivre « dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice », comme l’affirme avec force Paul. Jésus nous a rachetés et purifiés de nos péchés, pour faire de nous « un peuple ardent à faire le bien ». Oui, Jésus nous sauve, non pas en nous apportant sur un plateau, un monde juste « clé en main », mais en faisant de nous des acteurs de justice pour construire ce monde meilleur tant espéré. Par sa grâce, si nous y consentons, il nous met en route. Sa naissance apparemment insignifiante pour qui vient inaugurer le Règne de Dieu, nous invite à mettre notre confiance dans la force de sa grâce. Elle est désormais ce ferment inséré dans la pâte humaine et qui ne cesse de la travailler. Face aux machinations des puissances et des injustices que nous voyons à l’œuvre sous nos yeux, dans tant de pays oppresseurs, croyons en la force de la quête humble de la justice et du don de soi. Telles sont les armes du Dieu caché. Pouvons-nous en avoir d’autres ? Là où nous sommes, écoutons l’Esprit de Dieu, laissons-nous guider pour poser des gestes, engager de nouvelles cohérences de vie et renoncer aux convoitises, sources de tant de souffrances.
Piété. Sous ce mot moins usité aujourd’hui, nous pouvons entendre une relation de qualité qui se noue avec notre Dieu. Jésus Sauveur vient restaurer notre relation filiale de confiance avec Dieu notre Père. Aujourd’hui, Lui le vivant au cœur de son Eglise vient nourrir cette relation à travers son Eucharistie et à travers la prière. Guillaume de St Thierry dans une belle prière adressée à Dieu que nous entendions la nuit précédente, disait : « Tu as voulu que nous t’aimions, car en justice nous ne pouvions être sauvés sinon en t’aimant. Et nous ne pouvions t’aimer à moins que cela ne vienne de toi ». Oui, accueillons le salut que Jésus nous offre en nous rendant capable d’aimer Celui est l’Amour. Le Seigneur nous fait partenaire à part entière de son Alliance. Ecoutons son Esprit quand il nous inspire de nous arrêter pour nous tenir dans la prière avec confiance et respect pour faire silence ou pour dialoguer avec notre Père des Cieux. Ecoutons encore l’Esprit lorsqu’il nous suggère de prendre part aux soucis de notre Dieu pour le monde, en priant pour les personnes qui sont dans la souffrance.
Frères et sœurs, ce soir, laissons le Prince de la Paix poursuivre en nous son oeuvre de salut, lui le Vivant Ressuscité dont nous allons faire mémoire en sa mort et en sa résurrection. Il désire habiter un peu plus notre maison commune que sont l’Eglise et nos communautés humaines, ainsi que notre maison plus intime. Et pour reprendre la belle prière de Ste Elisabeth de la Trinité, nous pourrons être pour Lui, une « humanité de surcroit, en laquelle il renouvelle tout son mystère ».
Année A - 4e Dim Avent - 18-12- 2022
Is 7/10-16, Rom 1/1-7 , Mt 1/18-24
Homélie du F. Cyprien
Noël est la fête de « l’Emmanuel », en hébreu littéralement : « Dieu avec nous », et saint Irénée écrit : « Dieu vu par les hommes ».
Chers fr. et srs, n’oublions pas que l’Emmanuel il est pour nous, que l’Incarnation c’est pour nous, et cette venue demande notre collaboration … pas seulement la collaboration de Marie et de Joseph. Et cette collaboration n’est pas si évidente ni facile…comme elle ne l’a pas été pour eux non plus…
Oui, il n’est pas facile ni évident d’accueillir Dieu dans sa vie
…
L’Evangile de ce jour c’est l’Annonciation, mais pour ainsi dire « du côté de Joseph »… Je parlerai moins de Marie et pourtant avec Joseph celle-ci est toute proche, évidemment…
Mais avant de parler de Joseph, j’aimerais d’abord dire deux mots de Jean-Baptiste.
Jean-Baptiste, le « précurseur », cela veut dire celui qui court devant, celui qui précède Jésus : « Il marchera devant le Seigneur avec l’esprit et la puissance d’Elie », comme cela avait été prédit à son père Zacharie.
Jean, l’ascète, exemple du détachement, « prophète… et bien plus qu’un prophète », celui qui demandait la conversion des cœurs, voué par vocation à préparer la venue du Messie de Dieu…
Eh bien, Jean a fini en prison… Il pouvait le prévoir …avec sa façon de « faire la morale », de contester les puissants.
…Quand il est en prison, il entend parler de Jésus et … apparemment Jésus ne correspond pas à l’idée qu’il s’est fait du Messie. A-t-il douté ? En tout cas sa solitude de prisonnier, ses questions ont été l’épreuve de sa vie, avant qu’il annonce, malgré lui, par sa propre mort, la mort de Jésus. Jésus l’a nommé « le plus grand des enfants des hommes », à cause de ce destin singulier, …destin rude d’annoncer le Messie, et… d’ignorer jusqu’au bout le mystère d’un Messie souffrant.
Et voici donc Joseph, saint Joseph, l’homme dont Marie était la promise, le fiancé et le mari qui a adopté le Fils de Dieu, : « Avant d’avoir habité ensemble, Marie fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint ».
Joseph, l’homme juste, … Il a eu lui aussi son moment de solitude. Le Dieu d’Israël lui demandait tout… Issu de la race de David il donnait, c’est sûr, une place à l’enfant que Marie portait : par lui cet enfant devenait fils de David; Dieu avait besoin de lui, besoin de son consentement. Qui obéirait facilement à un tel appel ?
Solitude et épreuve de Joseph… Aimant Marie il a donné à celle-ci le meilleur de lui-même, parce que Dieu était venu bousculer radicalement sa vie …
Apprendre nous aussi que Dieu peut nous surprendre, nous bousculer, semblant nous laisser seuls avec nous-mêmes ? Il permettrait ainsi de se manifester un peu mieux à nous… nous demandant d’être de meilleurs disciples ? Ces moments de solitude et de doute sont peut-être les moments où Dieu va se faire plus proche de nous, malgré le désarroi…le doute.
Nous savons que la peur, le doute sont de mauvais conseillers … Mais nous pouvons avoir aussi le sentiment que des anges se glissent parfois dans nos vies pour nous aider à franchir ces seuils, ces épreuves que nous aimerions tant éviter ?
A trois jours de Noël, n’oublions pas non plus que le nouveau-né de la crèche, cet enfant vient nous sauver du mal, de la haine, du péché… et qu’il en mourra ! Pour cette naissance, dans la nuit de Noël, nous célébrerons par l’Eucharistie la passion, la mort et la résurrection de cet enfant Jésus, le Christ, notre Sauveur.
N’ayons pas peur d’avoir, dans notre vie et dans notre prière, des moments de solitude : vivons-les en présence du Dieu qui vient et qui est toujours là… ce sera toujours pour une plus grande foi de notre part, une plus grande confiance, une plus grande paix. Dieu en Jésus s’est attaché à nous et c’est lui qui en a payé le prix fort.
Que Marie, celle qui a été comblée par Dieu, que Joseph, si proche d’elle, soient nos guides sur ce chemin : le Seigneur peut nous dérouter, nous bousculer, mais c’est pour nous combler qu’il permet cela.
Déjà à vous tous : Bonne fête de Noël !
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