vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 01 novembre 2022 — Toussaint — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

TOUSSAINT 2022

Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs,

Sur fond de menaces de guerre généralisée qui confinerait à la folie et qui entrainerait un désastre pour l’avenir de l’humanité, comment entendre ces paroles de Jésus, les béatitudes ? Par leur caractère plein d’humanité et d’espérance veulent-elles nous endormir ou nous bercer dans un rêve doux et paisible ? Ou alors, veulent-elles nous dire quelque chose de fort et de profond pour affronter ce temps de crise ?

En effet, on a peut-être trop tendance à entendre ces paroles de Jésus en privilégiant celles qui nous semblent plus acceptables, et qui font entrer dans une dynamique spirituelle : heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, les artisans de paix, les miséricordieux…. Mais on laisse en second plan, voire on oublie les autres : heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui ont faim et soif de justice, les persécutés pour la justice, heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, si l’on dit toute sorte de mal contre vous à cause de moi…. Ces béatitudes sont plus difficiles à entendre. Elles nous dérangent. Nous préférons les oublier si nous ne sommes pas affrontés à ces oppositions ou difficultés. Nous ne voulons pas trop de ce bonheur-là. Mais ne risque-t-on pas alors de passer à côté de la compréhension profonde de ces paroles de feu ? En effet, ces dernières béatitudes, plus rugueuses, et qui achèvent les paroles de Jésus, ne sont-elles pas celles qui donnent le ton à l’ensemble ? Les béatitudes ne s’entendent peut-être vraiment bien que si l’on a en arrière fond l’ensemble de la vie et de prédication de Jésus, puis après lui celle des premiers chrétiens à qui écrit l’évangéliste Matthieu, qui ont dû faire face à la contradiction, une contradiction qui peut conduire à la mort. C’est sur ce fond d’opposition et de persécutions, que Jésus propose les béatitudes, comme pour nous suggérer que là se révèle plus profondément la voie du bonheur. Se faisant, fait-il autre chose que d’offrir les repères de son propre bonheur, de Fils du Père ? Face aux contradictions, il est resté pauvre de cœur, sans répondre ; il a été doux en refusant l’usage de la force, il a été miséricordieux vis-à-vis de ceux qui l’on abandonné…. Il a fait œuvre de paix. Il a pleuré sur Jérusalem endurcie. Jésus a fait l’expérience d’un bonheur en creux, non accompli…qui l’a tenu tout entier, tourné en espérance vers son Père jusque sur la croix. Sans se départir de l’amour pour les hommes, les mains vides et impuissantes, le cœur orienté vers son Père, Jésus a ouvert ce chemin de bonheur qui a trouvé toute son expression dans sa résurrection des morts. Avec elle, le Royaume est désormais ouvert à tous ceux qui le suivent.

Frères et sœurs, en ce temps de crise, les béatitudes peuvent nous conforter, nous chrétiens. Elles nous entrainent à mener le bon combat, celui de la foi, de l’espérance et de la charité. Le combat de la foi : nous croyons que Jésus, l’Agneau, est vainqueur du mal et toute ces tendances mortifères qui traversent nos sociétés, notre humanité, et notre propre cœur. Nous croyons qu’Il nous délivre des emprises du mal. Le combat de l’espérance : face à notre monde fini, face à la mort, nous croyons que nous, pèlerins sur cette terre, nous gagnerons un jour la patrie céleste, comme nous le prierons en fin de célébration. Le Dieu de la vie nous prendra dans sa Gloire. Nous tendons aves cette plénitude du bonheur. Le combat de la charité. En ces temps où nous menace le découragement face à notre impuissance devant les graves dangers qui nous menacent, il nous faut mener le combat de la charité. Alors qu’est grand le danger du repli sur soi, sur son petit pré carré, en quête de sécurité et de bienêtre, il nous faut lutter pour demeurer ouvert, accueillant aux autres. Ne nous laissons pas gagner par la désillusion…ou l’égoïsme. La douceur, la paix, la miséricorde, la justice attendent des ouvriers qui fassent entrevoir que l’absurdité n’est pas le dernier mot de notre réalité humaine. Comme le Christ, avec Lui, en Lui, par Lui, aimons. Le monde a besoin de cette modeste mais nécessaire lumière que tous nous pouvons offrir là où nous sommes.

Homélie du 30 octobre 2022 — 31e dim. ordinaire — Monseigneur Louis Portella - évêq émérite Kinkala (congo-B)
Cycle : Année C
Info :

Année C – 31° dim. du Temps Ordinaire – 30 octobre 2022

Sg 11.23 – 2.2 ; 2 Thess 1.11-2.2 ; Luc 19 1-10 ;

Homélie de Mgr Louis Portella

Texte :

Le passage d’Evangile que nous venons d’entendre nous présente, en quelque sorte, l’itinéraire d’une conversion, celle de Zachée.

Zachée, nous dit l’évangéliste Luc, voulait voir Jésus. Etait-ce une simple curiosité qui l’a poussé à monter sur un sycomore ? On ne le pense pas. En effet, c’est plutôt qu’il a pris conscience, en tant que publicain, collecteur d’impôt, de taxes, du tort qu’il a causé à ses contemporains par les multiples taxes qu’il leur imposait, qu’il percevait d’eux et qui l’ont rendu riche. Il était certainement intérieurement tourmenté et cherchait comment changer sa vie, comment réparer ses torts. Bref, il était prêt à se convertir.

C’est ce cheminement intérieur que Jésus a certainement perçu et qui l’a amené à vouloir aller demeurer dans la maison de Zachée, lui offrant ainsi la possibilité d’aller jusqu’au bout de sa conversion en prenant les décisions qui allaient bouleverser sa vie, à savoir :

- Donner la moitié de ses biens aux pauvres.

- Rendre le quadruple de ce qu’il a extorqué chez ceux qu’il a lésés dans les perceptions des taxes

C’est l’occasion de noter la différence entre l’attitude des hommes et celle de Dieu, à l’égard de Zachée. Pour les gens, Zachée, en tant que publicain, était catalogué comme un « pécheur ». C’est d’ailleurs, pour quoi ils ont murmuré, nous dit l’évangéliste Luc, en disant que Jésus était allé chez un homme pécheur. Car selon la tradition, on ne fréquente pas les pécheurs, on ne leur parle pas non plus.

L’attitude de Dieu est totalement différente : en effet, comme nous l’a dit l’auteur de la Sagesse, « Dieu a pitié de tous les hommes, il ferme les yeux sur leurs péchés pour qu’ils se convertissent ».

Nous sommes ainsi tous appelés à nous rendre compte de « la mesure de la miséricorde divine » qui, paradoxalement, est sans « sans meure ». Car au lieu de classer les pécheurs dans telle ou telle catégorie, Il invite plutôt chaque pécheur à reconnaître ses péchés et à se convertir, nous dit le livre de la Sagesse. C’est bien ainsi que Jésus se comporte, au nom de son Père, quand il déclare, après être allé chez Zachée, : « le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19.10).

Un autre aspect de la miséricorde divine qui doit être souligné, c’est la patience.

Il y a souvent, de la part des hommes que nous sommes, des réactions de découragement ou même de désespoir, devant un mauvais comportement qui dure indéfiniment.

Mais l’auteur du livre de la Sagesse, qui s’adresse à Dieu, lui reconnait cette patience en ces termes :

« Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis et leur rappelles en quoi ils pêchent, pour qu’ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur » (Sg 12.2)

Enfin, ce qui mérite d’être souligné, c’est que le cheminement intérieur de Zachée ne s’est pas réduit à de simples sentiments de regrets, il a abouti à des décisions bien concrètes et surtout mises en œuvre, qui ont bouleversé le cours de sa vie.

C’est à cela, en fait, que chaque conversion devrait aboutir. Il s’agit, pour nous, dans la dynamique de notre conversion de devenir des hommes nouveaux qui soient de vrais disciples du Seigneur, non pas de simples déclarations, mais surtout par le témoignage de leur vie effectivement transformée, comme celle de Zachée.

Que le Seigneur nous accorde la grâce d’une conversion sincère et profonde, à l’exemple de Zachée, conversion qui se traduit par une nouvelle manière d’être, d’agir, bref de vivre.

C’est ainsi que le Fils de l’Homme viendra en nous : chercher et sauver ce qui est perdu. Amen

Homélie du 23 octobre 2022 — 30e dim. ordinaire — Frère Hubert
Cycle : Année C
Info :

Année C - 30 dimanche du Tps Ordinaire - 23 octobre 2022

Homélie du F.Hubert

Texte :

« J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.

Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice. »

Quelle différence y a-t-il entre ces paroles de Paul et celles du pharisien :

« ‘Mon Dieu, je te rends grâce…

Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » ?

L’un comme l’autre n’attendent-ils pas de Dieu d’être récompensés du fruit de leurs œuvres ?

« J’ai mené le bon combat. » « Je jeûne deux fois par semaine »…

Je, je, je ?

Oui, mais le « je » de Paul est entièrement tourné vers le Christ,

celui du pharisien totalement recroquevillé sur lui-même.

Vous avez remarqué que j’ai sauté une phrase du pharisien. Elle est terrible…

« Je ne suis pas comme les autres hommes…

– ils sont voleurs, injustes, adultères –,ou encore comme ce publicain. »

« Pas comme les autres hommes » :

C’est le contraire exact de ce que dit Dieu, de ce qu’a fait Dieu :

« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, devenant semblable aux hommes. »

Notre pharisien, non seulement se compare aux autres, mais il accuse :

« les autres sont voleurs, injustes, adultères »

et il ajoute encore : « je ne suis pas comme ce publicain. »,

ce publicain qui ne lui a rien fait, et qui, loin de l’accuser, s’accuse lui-même.

« Personne n'est venu accuser le pharisien pour l'obliger à se dire innocent, écrit le père Beauchamp :

à l'inverse, il se fait lui-même accusateur

et ce n'est pas pour riposter à. une attaque ni pour se défendre ».

Il rejoint l’ « Accusateur », qui n’est rien d’autre que le « Satan »,

celui que l'Apocalypse appellera « l'accusateur de nos frères,

celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu » (Ap 12, 10).

Ce pharisien est convaincu de sa propre justice

et de l’injustice des autres et se fait donc leur accusateur.

Il est dans l’erreur : dans le jugement favorable qu’il porte sur lui-même,

et dans le jugement accusateur qu’il porte sur les autres.

Paul était pharisien, convaincu de sa propre justice,

et ne supportait pas ceux qu’il considérait infidèles à la Loi :

« Je suis Hébreu, fils d’Hébreux, pharisien fils de pharisiens,…

devenu irréprochable quant à la justice que donne la Loi. » (Ph 3, 4-6)

« J’étais jaloux de la loi de mes pères, et je persécutais l’Eglise de Dieu avec frénésie ».

Jusqu’au jour où le Christ s’est révélé à lui et lui a révélé sa miséricorde :

le don gratuit de Dieu, qui dépasse toutes nos fidélités

et engloutit toutes nos infidélités.

Face au don gratuit de Dieu qui se donne lui-même dans le Christ crucifié par nos fautes,

Paul a compris l’inanité d’une justice venant de ses propres œuvres,

et son indignité absolue à recevoir le don de Dieu, qui n’est autre que Dieu lui-même.

Paul en est converti :

« Dieu m’a appelé par sa grâce et a jugé bon de révéler en moi son Fils ».

Alors, il peut dire :

« Je ne me juge même pas moi-même.

Ma conscience ne me reproche rien, mais ce n’est pas pour cela que je suis juste :

celui qui me soumet au jugement, c’est le Seigneur. » 1 Co 4, 3

« Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés,

nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ :

c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. » Ep 2, 4

Aujourd’hui, notre Eglise de France est blessée par le comportement de certains de ses pasteurs.

C’est toute l’Église de France qui est sous la stupéfaction et la colère. Et dans une grande tristesse.

Il est fondamental que vérité et justice soit faites.

Il nous faut reconnaître non seulement nos péchés personnels,

mais aussi nos péchés de corps social, de corps ecclésial.

Ne quittons pas le bateau en croyant que nous sommes justes et que le péché est hors de nous.

Gardons-nous de mépriser les autres,

de tuer les autres, par nos jugements, nos paroles ou nos actes.

Gardons-nous d’être accusateurs.

Il n’y a qu’une seule humanité, aimée de Dieu ; il n’y a qu’un seul peuple de Dieu.

Tous, nous sommes pécheurs, tous, nous sommes sauvés par le Christ.

Le Christ a fait corps avec nous : faisons corps les uns avec les autres, dans l’Eglise, dans l’humanité.

« Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance, écrit Paul aux Romains,

pour faire à tous miséricorde. » Rm 11, 32

Implorons la grâce de marcher dans la justice et la vérité, la miséricorde et la fidélité.

Ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu.

Ne fermons pas nos cœurs, ne fermons pas nos yeux.

Implorons le Christ de nous sauver du mal,

implorons l’Esprit Saint pour pratiquer et la justice et la miséricorde.

Demandons la grâce de la conversion

pour que « la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout

et que toutes les nations l’entendent. »

Homélie du 18 octobre 2022 — Saint Luc – Fête du père abbé — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

Fête de st Luc – 18 octobre 2022 –

2 Tim 4 9-17 ;Luc 10 1-9

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

« Paix à cette maison » - telle est la première parole que Jésus recommande de dire à ses 12 disciples, figures de tous les disciples missionnaires que nous sommes. Cette parole pouvait être entendue comme une formule introductive de politesse. Mais elle suggère bien davantage. Dans les derniers temps inaugurés par Jésus, elle manifeste la paix messianique à l’œuvre dans le cœur des croyants. Celui qui a reconnu que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, est habité d’une Paix qu’il ne peut que partager pour qu’elle repose sur tous. Et si en face, il ne rencontre pas un ami de la paix, la paix revient sur lui. Cette expression est un peu surprenante : que veut dire « votre paix reviendra sur vous » ? Peut-être faut-il simplement l’entendre : vous n’avez pas rencontré d’ami de la paix, ne vous troublez pas, gardez votre paix ou encore, cette paix qui est un don qui vous dépasse reste en vous, offerte à d’autres qui pourront l’accueillir. L’adversité ne peut éteindre ce don messianique qui est bien plus grand que la paix psychologique.

La réaction de Paul face aux difficultés rencontrées dans son ministère, nous la fait pressentir. « Personne ne m’a soutenu, tous m’ont abandonné. Que cela ne soit pas retenu contre eux. Le Seigneur m’a assisté ». Paul garde la paix face à l’injustice ressentie d’avoir été lâché. Il trouve sa Paix dans sa relation au Seigneur qui l’assiste. Il ne garde aucune rancune.

Comme moines, nous sommes assez rarement confrontés aux difficultés apostoliques des portes fermées ou des oppositions.. Sommes-nous pour autant exempts de témoigner de la Paix qui nous habite, ce cadeau que le Seigneur nous fait comme disciple de son Amour ? Peut-être la paix dont il nous faut témoigner, c’est la paix vécue entre nous, la paix qui fait son œuvre de vie profondément dans nos cœurs. La paix que nous accueillions et que nous cherchons en même temps dans nos manières de vivre les plus quotidiennes. De telle sorte que ceux qui frappent à la porte du monastère perçoivent que la paix règne dans cette maison qui voudrait être une maison de Dieu. Que le Seigneur vienne changer nos cœurs et faire de nous des témoins artisans de sa Paix.

Homélie du 16 octobre 2022 — 29e dim. ordinaire — Frère Charles Andreu
Cycle : Année C
Info :

Année C - 29e dimanche TO- 16 octobre 2022

— Ex 17,8-13 ; 2 Tm 3,14-4,2 ; Lc 18,1-8

Homélie du F. Charles Andreu

Texte :

La parabole de ce dimanche s’ouvre sur un tableau bien sombre. Oui, sombre est le destin de cette veuve exposée à une double précarité, victime d’une double injustice.

Précarité affective de celle qui a perdu son mari ; précarité sociale encore, car être veuve, à l’époque, c’est se trouver bientôt confrontée à de grandes difficultés de subsistance ; injustice qu’elle subit d’un « adversaire », injustice encore qu’elle subit de la part de ce juge indifférent.

Or à travers la figure de cette veuve, le Seigneur nous lance un appel pour les jours sombres de souffrance, de précarité ou d’injustice : « Ne te décourage pas — prends le temps de la prière, persévère dans la prière ».

Mais pourquoi prier ? Pour donner au Seigneur nos solutions ? pour en réclamer, quand nous n’en avons pas ? N’allons pas trop vite. Prier c’est d’abord présenter au Seigneur notre souffrance, telle qu’elle est, et même la révolte qu’elle peut susciter en nous. Et ce n’est pas si facile, car devant Dieu nous avons l’art d’endimancher nos états d’âmes, comme s’il était interdit d’en avoir. Inhibition étonnante : Jésus crucifié a osé crier « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », et nous trouverions inconvenant d’en dire le quart. Pourquoi ? Réflexe de déni peut-être, quand par honte, ou pour essayer de s’en convaincre, on dit « tout va bien » alors que ce n’est pas vrai ; manque de foi et de confiance souvent, car pour dire sa peine, sa révolte, il faut croire qu’elles seront accueillies par un cœur aimant, capable de comprendre.

L’ouverture simple du cœur dans la prière ne fait pourtant pas tout. La première lecture nous l’a bien montré, à travers les deux figures de Moïse et de Josué qui, peut-être, nous représentent chacune, comme si nous devions être à la fois Moïse qui prie à l’écart, et Josué qui se tient au cœur de la mêlée. Car Moïse prie, certes, mais cela ne servirait à rien si Josué n’était dans la plaine à combattre. De même, la prière ne doit pas nous faire déserter le combat à mener, négliger les moyens humains, ce qu’il est encore possible de faire quand tout semble impossible. Ce serait confondre la foi en Dieu et les illusions d’une pensée magique qui démissionne de notre humanité, du « dur métier de vivre » (Rouault).

Par ailleurs, en tout cela, nous ne devons pas rester isolés : Josué ne combat pas seul, mais avec les hommes qu’il a pris avec lui ; et même dans la prière, Moïse ne peut persévérer longtemps sans l’aide de Hour et d’Aaron, sans ceux qui aident à tenir, à ne pas « baisser les bras », à ne pas se décourager. Remarquez que ceux qui aident Josué ou Moïse sont au moins deux : pas une seule personne, mais plusieurs, c’est-à-dire une fraternité ouverte, large et différenciée qui seule peut vraiment soutenir. Dans nos détresses les plus sombres, l’ouverture à Dieu dans la prière doit aller avec l’humble consentement à être aidé par des frères.

L’évangile nous pose enfin une autre question : à qui pensons-nous nous adresser dans la prière ? À un Dieu semblable au juge de la parabole : bouché, indifférent, égoïste ? Sans aller jusque-là, un doute peut nous traverser, l’idée que, comme la veuve devant son juge, nous devrions arracher à Dieu, à force d’insistance, des grâces qu’il ne donne qu’avec parcimonie. Alors nous faisons de la prière un épuisant exercice d’endurance où se multiplient pratiques, dévotions et paroles censées mériter ce que Dieu ne voudrait donner qu’à ce prix. Mais Jésus le dit clairement : Dieu ne nous fait pas languir ainsi. Quand notre prière est portée par cette foi, elle devient simple et pure, elle tient en quelques mots.

Est-ce à dire que tout s’aplanira devant nous ? Qu’en quelques prières, tout va se résoudre ? Certes non, et c’est précisément ce qui requiert notre foi. La foi en la prière, ce n’est pas de croire qu’à force de harceler Dieu il fera tout ce que nous voulons, c’est croire, sans le voir encore, que dès le premier instant de notre cri, le Seigneur a ouvert à travers la souffrance qui nous frappe un chemin pascal, le chemin d’une vie possible ; chemin qui ne se mènera pas sans que nous le choisissions ; chemin peut-être long et difficile ; chemin d’humanité où Jésus nous conduit, pas à pas, où il nous apprend sa paix, sa joie.

Homélie du 09 octobre 2022 — 28e dim. ordinaire — Frère Jean-Louis
Cycle : Année C
Info :

Année C - 28e dimanche ordinaire - (09/10/2022)

(2 R 5, 14-17 – Ps 97 – 2 Tm 2, 8-13 – Lc 17, 11-19)

Homélie du F. Jean-Louis

Texte :

Frères et sœurs,

La Bible, la Parole de Dieu peut parfois bien prendre à rebours nos évidences. Dans une Europe relativement riche mais vieillissante, qui constituait un îlot de paix dans notre monde, îlot de paix ébranlé cependant par la guerre en Ukraine, de fortes craintes sont nées devant la venue de migrants fuyant des guerres ou des situations économiques désastreuses. Or, pour ces migrants, il ne s’agit pas d’un caprice mais de survie voire de vie tout court. Et nous le savons bien, le réflexe spontané est de se sentir menacé devant l’étranger, de s’imaginer que ces migrants vont nous submerger.

Mais la Bible en général, et les lectures de ce dimanche en particulier, nous interrogent sur ce sujet brûlant. Et d’abord, si la Bible en parle, c’est que ce n’est pas une attitude récente, moderne, mais qu’elle existe, on pourrait dire, de tout temps. Dans l’Ancien Testament, l’étranger est une des catégories de pauvres, de gens fragiles, exposée à tous les risques au même titre que la veuve et l’orphelin. Ils sont souvent nommés ensemble. Et la tentation de les exploiter ou de les rejeter est grande. Nous retrouvons cette même attitude au temps du Christ, en particulier devant un genre d’étranger pas du tout apprécié par les juifs : les Samaritains. Il ne faut pas oublier non plus que le peuple juif étant le seul peuple des alentours à vénérer un Dieu unique, les étrangers pouvaient être vus comme un risque constant de contamination par le polythéisme. Et du temps du Christ encore, fréquenter un étranger païen rendait impur pour participer au culte du Temple, ce qui n’était pas rien.

Mais que nous dit la Bible sur l’attitude du croyant à l’égard des étrangers ? Que nous recommande-t’elle ? Il me semble que la première lecture et l’évangile nous ouvrent des horizons qui peuvent être confirmés par d’autres passages bibliques. Ils ne nous disent pas comment faire politiquement avec les migrants, les étrangers, mais bien plutôt quelle doit ou devrait être l’attitude de l’homme de Dieu, du chrétien à leur égard.

Dans la première lecture il est question d’un général syrien. Or, ce général avait remporté des victoires contre le roi d’Israël. Donc, pour un Juif, ce n’était pas le type d’étranger que l’on pouvait aimer… Ce général était venu chez Elisée espérant guérir de sa lèpre et ce dernier lui avait recommandé d’aller se plonger sept fois dans le Jourdain. Refus du général qui trouve la méthode de guérison trop simple et pas assez magique avec en plus ce côté un peu chauvin : les fleuves de Syrie ne valent-ils pas le Jourdain ? Finalement, sur le conseil d’un de ses serviteurs, le général obéit et se retrouve guéri. Et là, il y a un retournement. De païen qu’il était, il reconnaît non seulement que le Dieu d’Israël est Dieu, cela n’aurait fait qu’un dieu de plus à vénérer, mais qu’il n’y a pas d’autre Dieu que celui d’Israël. Il sort donc de son polythéisme. Il prend de la terre d’Israël pour se faire un autel chez lui et ne plus offrir de sacrifice à aucun dieu sinon le Dieu d’Israël. Ainsi, un étranger, et en plus un ennemi militaire, est donc susceptible d’adopter la foi d’Israël. Ce n’est pas rien pour un peuple qui se croyait le seul peuple élu, appelé par Dieu à la suite d’Abraham.

Quelle est l’attitude d’Elisée ? Il l’a accueilli et a accédé à sa demande. La guérison survenue, il refuse les présents du général et ne proteste pas du tout contre la conversion de cet ennemi. En fait, il reconnaît que Dieu a touché son cœur et l’a retourné. Qui était-il pour refuser l’action de la grâce de Dieu ?

Quant à l’évangile, il nous présente la guérison de dix lépreux. Là comme dans la première lecture, la guérison s’effectue avec une grande sobriété. Pas de geste, ni de parole de guérison magiques. Simplement un : « Allez vous montrer aux prêtres ». Et c’est tellement simple que les lépreux ne se rendent même pas compte qu’ils sont guéris chemin faisant.

Seul un le remarque et fait demi-tour pour remercier Jésus en rendant grâce à Dieu. Or, il s’agit d’un Samaritain. Les Samaritains, descendants de populations étrangères amenées par les Assyriens pour remplacer les israélites déportés lors de la prise de Samarie en 721 avant Jésus Christ, étaient détestés des Juifs et le leur rendaient bien. Ils refuseront d’accueillir Jésus et ses disciples en marche vers Jérusalem simplement parce qu’ils vont à Jérusalem. En effet, les Samaritains adorent Dieu au Mont Garizim et il y a donc concurrence entre les deux sanctuaires.

Quelle est l’attitude de Jésus ? Tout d’abord, dans notre récit, il ne fait aucune différence entre les 9 Juifs et le Samaritain, tous lépreux. Il les guérit tous car tous sont unis par la mise à l’écart de la société à cause de l’horreur qu’ils inspirent. Et quand Jésus signale sa qualité d’étranger, de Samaritain, c’est pour souligner qu’il est le seul à être venu le remercier. Ailleurs, dans la parabole du bon Samaritain, Jésus ne se gêne pas pour mettre la bonté de cet étranger en valeur par rapport à l’indifférence de deux bons Juifs par excellence que sont le prêtre et le lévite.

Frères et sœurs, si nous relions notre évangile à d’autre passage du Nouveau Testament comme Matthieu 25 décrivant le Jugement dernier : « J’étais étranger et vous m’avez accueilli », le Christ s’identifiant à l’étranger, nous sommes bien obligés de constater que le Christ reprend à son compte un courant de l’Ancien Testament.

Ainsi par exemple, dans un passage fondamental du livre de l’Exode, le Décalogue, on trouve clairement cette parole de Dieu : « Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d’Egypte »

Et le livre du Lévitique, un des 5 livres de la Loi juive, comme l’Exode énonce pareillement : « L’immigré qui réside avec vous sera parmi vous comme un Israélite de souche, et tu l’aimeras comme toi-même. »

Et encore au livre du Deutéronome, toujours dans la Loi, la Torah : « Aimez donc l’étranger, car au pays d’Egypte vous étiez des immigrés. »

Les prophètes ne sont pas en reste, par exemple Jérémie : « Pratiquez le droit et la justice, délivrez l’exploité des mains de l’oppresseur, ne maltraitez pas l’immigré, l’orphelin et la veuve, ne leur faites pas violence. »

Le prophète Malachie, citant Dieu lui-même, dit : « je témoignerai contre ceux qui oppriment le salarié, la veuve et l’orphelin, qui excluent l’immigré. »

Le Christ reprend donc à son compte cet enseignement de la Loi car les tenant les plus stricts de la Loi, au temps du Christ, semblent avoir oublié ces préceptes. Et le Christ, comme je l’ai dit plus haut, doit réaffirmer fermement, dans un passage décrivant le Jugement dernier, que ceux qui n’auront pas accueilli l’étranger qui est le Christ lui-même, n’auront pas accès au Royaume.

Qu’en est-il pour nous ? Quelle est notre attitude ? N’avons pas ou ne risquons-nous pas d’oublier ces enseignements, ces préceptes qui nous gênent ?

Ni le Christ, ni la Bible ne donnent de recettes comment accueillir l’étranger. Ils font confiance à l’imagination humaine. La Parole de Dieu dans l’Ancien Testament, accomplie par le Christ dans le Nouveau Testament, nous dit que l’étranger doit être respecté car il est fils de Dieu et notre frère aux yeux de Dieu. Et saint Paul dira qu’en Christ il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre. Toute l’humanité est sauvée en Christ et s’il est recommandé d’accueillir l’étranger, c’est dans sa dignité d’être sauvé par la mort et la résurrection du Christ. Et si nous ne l’accueillons pas, c’est le Christ que nous n’accueillons pas.

Le Christ reconnaît dans l’évangile d’aujourd’hui les richesses de foi présentes dans un étranger, il reconnaîtra aussi chez un centurion païen une foi qu’il n’a pas trouvée en Israël. Dans l’évangile de saint Marc, si, dans un premier temps, le Christ refuse d’aider une femme païenne dont la fille est malade, il change d’avis devant le témoignage de foi de cette femme et c’est un centurion païen qui reconnaîtra devant le Christ en Croix sa véritable identité : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu. »

Et si, de notre côté, nous reconnaissions déjà les richesses de courage, de volonté de vivre, de persévérance, d’ingéniosité chez ceux qui frappent à notre porte ? Et si nous reconnaissions leur capacité à se soutenir, à se venir en aide mutuellement derrière la lèpre de leur misère ? Peut-être notre regard changerait-il.

On dit souvent que le chrétien doit avoir sur les autres le regard que le Christ porte sur eux et sur nous. Relisons sérieusement cet évangile et les autres passages importants des traditions juives et chrétiennes sur l’accueil des étrangers et mettons-nous à la suite du Christ. Imitons-le. Il en va de l’authenticité de notre témoignage de chrétiens.

Dieu ne nous demande pas de nous mettre sur la paille pour aider les autres, de nous rendre la vie impossible, il nous demande de changer notre regard. Alors, je suis certains que notre imagination trouvera des solutions concrètes. Tant de gens se sont déjà mis à l’œuvre en ce sens. Dieu nous veut libres et nous fait confiance pour trouver les bons choix et les moyens de les mettre en œuvre.

Demandons, implorons l’aide de l’Esprit Saint qui, seul, peut nous faire aimer comme Dieu aime.

AMEN

Homélie du 02 octobre 2022 — 27e dim. ordinaire — Frère Basile
Cycle : Année C
Info :

année C - 27° Dimanche Ord - 2 octobre 2022

Habacuc 1, 2-3 + 2, 2-4; 2 Timothée 1, 6-8 + 13-14 ; Luc 17, 5-10

Homélie du F.Basile

Texte :

Frères et Soeurs, dans l’évangile d’aujourd’hui, les Apôtres font au Seigneur une demande qui semble tout à fait normale pour des croyants : « Seigneur, fais grandir en nous la foi ! » Mais la réponse de Jésus est vraiment déconcertante, provocatrice même, avec cette image de l’arbre qui va se planter dans la mer, et ensuite la façon dont Jésus traite ses disciples de serviteurs corvéables à merci, « inutiles » même, si l’on prend la traduction de Sr Jeanne d’Arc : j’entends l’apôtre Pierre répondre à Jésus du tac au tac : « Alors, c’est bien la peine d’avoir tout quitté pour toi, si c’est pour être ainsi traité !»

La foi, c’est évident qu’on n’en a jamais assez, mais ce n’est pas parce qu’on est croyant qu’on va déraciner les arbres ou déplacer les montagnes. Vous me direz : « C’est une image que Jésus utilise pour nous faire comprendre que notre foi est bien faible et pas très efficace. » Si peu de chose : alors comment la faire grandir ?

Avouons-le, dans le monde d’aujourd’hui, ce que nous voyons grandir, ce n’est pas la foi, c’est la violence, c’est la puissance du mal sous toutes ses formes : ces attentats, ces guerres, ces incendies ; la prière du prophète Habacuc est plus que jamais d’actualité : « Seigneur, je t’appelle ‘au secours’, je crie contre la violence, et toi tu n’entends pas, tu ne nous sauves pas. Pourquoi ce silence ? » Et Dieu répond : « Aie patience, prends le temps d’attendre ; le juste vivra par sa fidélité. » Mais, Seigneur, comment l’obtenir, cette fidélité ? La réponse de Jésus dans l’Evangile est très intéressante : il parle d’une petite graine, d’une graine minuscule, il nous dit que cela suffit. Là aussi Jésus nous prend à contre-pied : on voudrait qu’il augmente notre foi et il nous dit : « Ce n’est pas nécessaire, il suffit d’un petit rien, une graine de foi. »

Avez-vous réfléchi à la puissance secrète d’une graine ? C’est quelque chose de vivant et c’est tout un programme encore caché ; elle devra passer par la mort, par l’enfouissement, mais un jour elle va germer, sortir de terre, éclater de vie nouvelle. Et si la mer, dans la Bible, est le symbole de la mort, alors ces arbres dans la mer, n’est-ce pas comme une force de vie, de résurrection qui va se dresser plus forte que la mort : la foi nous plante dans l’eau du baptême ; il n’y a pas pour elle d’indicateur de mesure ; une toute petite graine suffit. Mais il faut qu’elle soit vivante.

La parole de Paul dans la 2° lecture prend ici toute sa force : «Réveille, ravive en toi le don gratuit de Dieu, car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force et d’amour. » L’Esprit Saint fait de nous des serviteurs : c’est inscrit dans notre ADN de baptisé. Cette petite graine de foi, semée par Dieu au baptême, l’Esprit la renouvelle à la confirmation pour le service de tous nos frères les hommes.

Mais la question revient : en nous traitant de simples serviteurs ou de serviteurs inutiles, Jésus n’y va-t-il pas un peu fort ? Et si nous n’avons droit à rien, n’est-ce pas en contradiction avec ce qu’il dit dans un autre passage de l’évangile de Luc où justement il est question des serviteurs qui attendent le retour de leur maître en veillant dans la nuit : « Eh bien, dit Jésus, le maître, à son arrivée, prendra la tenue de service, il les fera mettre à table et passera pour les servir lui-même. »

Derrière cette contradiction, il y a toute notre relation à Dieu qui est en cause.

Dieu est-il un maître, un patron, et nous des serviteurs, des salariés, travaillant pour lui ? Cela suppose alors contrat de travail, donnant-donnant, relation de marchandage, salaire et rien de plus. « Nous n’avons fait que notre devoir, nous sommes de simples employés. »

Mais Jésus veut nous dire au contraire : vous vous trompez totalement lorsque vous faites de Dieu l’image d’un patron. C’est tout le contraire d’un patron : il est, Lui, la gratuité absolue. Tout l’évangile est là. En nous donnant son Fils, venu parmi nous comme un serviteur, nous sauvant sans aucun mérite de notre part, Dieu nous fait entrer dans le domaine de la gratuité. Tout est grâce en Lui : le don gratuit de Dieu, dit Paul. Dans le monde de la grâce, plus question de mérites, de salaires, de récompense ni de félicitations. Alors on va même pouvoir se considérer comme des êtres inutiles, sans que cela nous blesse. Dans le monde de la gratuité, il ne peut plus être question d’utilité. Ce sont les objets qui sont utiles, mais non les personnes. Il y a là un changement de mentalité qui n’est pas facile à faire, d’autant plus que nous vivons dans un monde où tout est évalué en termes d’efficacité, de rentabilité, de prime et de récompense.

Avons-nous compris cela ? Si oui, ma petite graine de foi, minuscule, va me permettre de soulever les montagnes et de changer le monde dans une confiance à toute épreuve ; comme Thérèse de Lisieux que nous fêtions hier, je ne mettrai plus ma confiance en moi, ni en ce que je suis, ni en ce que je fais, mais en Celui en qui je crois. Cette confiance-là peut tout, c’est la petite graine de foi qui a germé :

« Regardez, dit le poète, il ne faudrait qu’un brin de foi,

et vous verriez les arbres dans la mer :

les fusils enterrés, les armées au rebut,

les montagnes qui dansent…

Regardez… Il ne faudrait qu’un brin de foi…

Demandons au Seigneur les uns pour les autres ce brin de foi et d’amour.

Frère Basile

Homélie du 25 septembre 2022 — 26e dim. ordinaire — Frère Damase
Cycle : Année C
Info :

Année C – 26° dimanche du Temps Ordinaire – 25 septembre 2022

Amos 6 1-7 ; Ps 145 ; 1° Tim 6 11-16 ; Luc 16 19-31

Homélie du F. Damase

Texte :



Dans ma Bible de Jérusalem, cet évangile est titré « le mauvais riche et le pauvre Lazare » - Eh bien, je ne suis pas d’accord : Pourquoi ce riche serait-il mauvais ? N’est-ce pas un a priori ? Cet homme a travaillé et gagné sa vie – il choisit d’en profiter – qu’est-ce qu’on lui reproche ? De plus il pense aux autres : « J’ai cinq frères, va les prévenir ». Mieux encore, il connaît le prénom de Lazare : qui d’entre nous connait le prénom d’un quémandeur de la « gare de Lyon ou du métro parisien ou simplement de sa paroisse » ? Il n’est donc pas indifférent à Lazare, puisqu’il le connaît par son prénom ! Quel est le problème de ce riche ?

Il me semble que le problème de cet homme c’est d’avoir considéré comme normal que Lazare soit à sa porte : « C’est comme cela, on n’y peut rien » - « Il y a des pauvres, il y a des riches ; c’est comme cela que la terre tourne ». Jésus n’a-t-il pas dit lui-même « des pauvres vous en aurez toujours » ? – Donc si c’est inscrit dans la nature des choses, c’est que « c’est comme cela, on n’y peut rien » !

Le problème de ce riche est sans doute de croire que nous menons chacun une vie indépendante des autres. Nous sommes chacun en marche sur des chemins parallèles, qui ne se croisent jamais et ne se rencontreront jamais ! Si nous sommes sur des chemins parallèles - ce qui arrive aux autres, c’est peut-être dommage pour eux, mais c’est leur problème. On se retrouvera tous au paradis.

Sauf que les parallèles ici-bas pourraient bien se prolonger dans l'au-delà. C'est sans doute cela, le gouffre infranchissable qui est mis entre Lazare et ce riche. Quelque chose qu'il a construit peu à peu, tout au long de sa vie. Il a vécu coupé des autres, il n'y a aucune raison pour que cela change après sa mort.

Nos choix ici-bas ont des conséquences sur notre éternité. Nos choix ont du poids, une gravité, une importance. Voilà ce que Jésus nous rappelle dans cette parabole. Ne soyons pas indifférents, la société peut changer. Ce n'est pas à Dieu de changer le monde, c'est à nous, les hommes, qu'il confie cette tâche.

Nous devons essayer de bâtir une « cité de l’amour », comme nous y invite le pape François, en sachant bien qu'il ne s'agit pas du Royaume de Dieu. Mais cette « cité de l'Amour » nous prépare à vivre selon Dieu, avec Dieu, en Dieu dans son Royaume.

Jésus nous invite à ouvrir les yeux - non pas pour sauver le monde, la place est déjà prise, c’est Lui qui nous a sauvés -, mais pour être témoin que Dieu aime les hommes. Il est là, pour nous, le combat véritable de notre vie : être, là où nous sommes, signes de l'amour de Dieu.

Cet Évangile est d'abord pour nous un encouragement à ne pas nous satisfaire de la situation, à ne pas regarder avec fatalité ce dont nous sommes les témoins.

Demandons au Seigneur de nous aider à discerner ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous, pour pouvoir, avec courage, changer ce qui dépend de nous et accueillir avec sérénité ce qui ne dépend pas de nous.

Frères et sœurs, entrons avec le Seigneur sur ce chemin qu'Il nous propose. Nous ne sommes pas sur des routes parallèles, nous marchons ensemble sur un chemin qui nous conduit au même endroit.

Nous sommes frères et sœurs les uns des autres, c'est-à-dire liés par une filiation que nous recevons : tous enfants d'un même Père et responsables les uns des autres.

Rendons grâce pour le don de Dieu qui nous ouvre les yeux et nous aide à mieux nous aimer.

648 mots

Homélie du 14 septembre 2022 — La Croix glorieuse — Père Abbé Luc
Cycle : Année C
Info :

fête de la Croix Glorieuse - 14 septembre 2022

Nbre 21 4-9 ; Ps 77 ; Jn 3 13-17

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Après la 1° lecture, nous avons chanté le Ps 77, ce long psaume qui relate les avancées et les reculées du peuple d’Israël dans la relation avec son Dieu. « Leur cœur n’était pas constant envers lui, ils n’étaient pas fidèles à son Alliance. Et lui miséricordieux, au lieu de détruire il pardonnait ». Toute l’histoire d’Israël se tient dans cette recherche incessante de Dieu, désireux de faire entrer son peuple dans une Alliance stable, dans laquelle il puisse librement entrer.

En regardant le serpent, le peuple était guéri, en croyant en Jésus mort en croix pour lui et il est sauvé. C’est-à-dire qu’il a accès à la vie de Dieu, dans une alliance définitive. Si le peuple est infidèle, en Jésus Crucifié, Dieu s’est engagé définitivement en sa faveur il ne reviendra pas sur sa parole. Si peuple, si nous aujourd’hui, nous gardons nos regards tournés vers le Christ, sur la Croix, si nous croyons en son amour : il nous justifie de son Esprit. Il nous ouvre alors le secret de son Alliance, il nous fait entrer dans son intimité, pour sa joie, et pour la nôtre. En célébrant sa mort et sa résurrection, nous tournons résolument nos regards vers Lui, notre Seigneur.

Homélie du 04 septembre 2022 — 23e dim. ordinaire — Monseigneur Louis Portella - évêq émérite Kinkala (congo-B)
Cycle : Année C
Info :

Année C – 23° dimanche du Tps Ordinaire – 4 sept 2022

Sag 9 13-18 ; Philémon 9-17 ; Luc 14 25-33

Homélie de Mgr Louis Portella – évêque émérite de Kinkala (Congo-B)

Texte :

Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple » Luc 14,26

Chers frères et sœurs,

Préférer le Seigneur à tout, même à mes relations familiales, même à moi-même, pour être son disciple, il faut reconnaître combien de telles conditions sont vraiment difficiles, voire même trop exigeantes. Certains seraient même tentés d’avouer qu’elles sont inhumaines (d’autant plus que dans certaines versions, c’est le verbe « haïr » qui est utilisé à la place de « me préférer à »).

Jésus, en effet, nous donne l’impression d’ébranler les relations familiales qui, de manière générale, sont les relations humaines les plus chères, car c’est par elles que chacun de nous s’est laissé façonner, s’est laissé structurer.

D’autre part, les deux paraboles proposées, celle du bâtisseur d’une tour et celle du roi qui va affronter son ennemi, nous invitent à ne pas prendre à la légère la décision de suivre le Christ, d’être son disciple de ce qu’elle doit couter, à savoir : porter ma croix, renoncer à ce qui m’appartient etc.

Mais on peut et on doit même poser cette question : Pourquoi de telles exigences aussi dures, pour être disciples du Christ ?

Pour y répondre, nous osons affirmer qu’une telle question nous met en demeure de prendre conscience du mystère de « l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ » Rom 8.39)

En effet, « Dieu est Amour » (1 Jn 4.8) , comme l’affirme l’apôtre Jean dans sa première lettre.

Et c’est toujours le même Jean qui, dans son évangile, rapporte les paroles de Jésus dans son entretien avec Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils Unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3.16)

Or, c’est cet amour divin dont Jésus a témoigné en donnant sa vie pour le salut du monde, particulièrement à l’heure de la Croix, « Heure en laquelle, déclare le Pape François dans son Encyclique « Lumière de la Foi », « resplendissent la grandeur et l’ampleur de l’amour divin » (n°16)

Ainsi donc, la « logique de la Croix », c’est l’expression même de la « logique de l’Amour » et Lui-même Jésus s’est présenté comme celui qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10.45)

Et en donnant à ses disciples un « nouveau commandement » à savoir, « vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés, il a immédiatement ajouté : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn15 12-13)

C’est encore lui, Jésus, qui s’était présenté comme le « Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10.11)

Or le pape saint Jean-Paul II, dans l’exhortation Apostolique, publiée suite au synode sur le mariage et la famille » en 1981, avait affirmé dans l’introduction, en reprenant le récit de la Création du livre de la Genèse (Gen 1.27), que « Dieu a créé l’homme à son image, à l’image de Dieu, il le créa » Or « Dieu est amour », selon l’affirmation de st jean dans sa première lettre (1Jn 6.8). Ainsi, conclut-il « l’amour est donc la vocation fondamentale et innée de tout être humain » (Familiaris Consortio n°11)

Ainsi donc, l’homme, de manière générale, ne peut véritablement s’épanouir, ne peut s’accomplir en profondeur qu’en essayant de vivre selon la logique de l’amour qui s’exprime, de manière éminente, dans le fait de donner sa vie pour les autres.

Et c’est dans cette logique de l’amour poussé jusqu’à l’extrême dont a témoigné Jésus (Cf Jn 13.1) que se situe la condition d’un véritable disciple.

Renoncer à tout, porter sa croix, c’est pour aimer comme Jésus a aimé ; c’est donc le chemin de l’accomplissement de soi, puisque telle est la vocation de l’homme, « vocation innée et fondamentale » (Cf St Jean-Paul II)

Ainsi les relations familiales, qui sont les relations humaines les plus chères, ne peuvent pas, ne doivent pas empêcher, ni freiner une personne dans son élan d’amour à la suite du Christ.

Préférer le Christ à tous et à tout, voilà le chemin le plus sûr de l’accomplissement total de la personne humaine.

Oui, Chers frères et sœurs, être disciples du Christ, suivre le Christ, c’est un choix exigeant, difficile, certes ; mais c’est le choix par lequel chacun de nous peut se réaliser selon « sa vocation innée et fondamentale » sa vocation à l’amour.

C’est cette grâce que nous pouvons demander au Seigneur dans notre célébration. Amen