Homélies
Liste des Homélies
Année A - JEUDI SAINT - 06.04.2022
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé Luc
« Jésus a remis pour toujours à son Eglise le sacrifice nouveau, le repas qui est le sacrement de son amour ». Ainsi avons-nous prié, frères et sœurs, au début de cette célébration. Depuis les temps anciens, le Dieu d’Israël s’est plu à associer la révélation de son amour à un repas. Depuis le chêne de Mambré lorsqu’il s’est invité chez Abraham, jusqu’au dernier repas célébré par Jésus avec ses disciples, Dieu dévoile ainsi peu à peu son visage. Parmi tous ces repas, le repas de la Pâque fut certainement pour nos pères dans la foi, le plus important, bien qu’il soit plutôt frugal et pris en toute hâte. Mais ce repas scellait puis célébrait la mémoire de l’œuvre libératrice de Dieu quand il fit sortir son peuple d’Egypte. Révélation du Dieu libérateur et sauveur qui est fidèle à l’alliance conclue avec les Pères.
Lorsque Jésus célèbre la Pâque avec ses disciples, il donne à ce repas pascal une plénitude de sens, d’accomplissement. Dans ce repas, Jésus révèle que c’est Dieu lui-même qui invite. « Prenez, mangez, buvez ». Non seulement il invite, mais il se donne lui-même en nourriture : « ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Anticipant le don de lui-même qu’il fera sur la croix et le don de sa résurrection par son Père, Jésus se donne en nourriture, lui le Fils mort et ressuscité du Dieu vivant. Avec Jésus son Fils, Dieu invite son Peuple, à sa joie et au partage de sa vie divine. Dans son invitation, Dieu n’agit pas en grand seigneur qui prodiguerait avec faste ses richesses. Non, il invite en se faisant serviteur. Il se met à genoux devant ses disciples et il lave leurs pieds. En prenant la place de l’esclave, Dieu s’assure ainsi que tous se sentent à l’aise, jusque dans sa pauvreté. C’est ce repas, devenu le « sacrifice nouveau de l’Alliance éternelle » entre Dieu et l’humanité, que Jésus a confié à ses disciples pour qu’ils en fassent mémoire.
Ce soir, frères et sœurs, en célébrant cette sainte cène, nous rendons grâce à Dieu de nous inviter à prendre part à sa vie divine. En faisant mémoire de la mort et la résurrection de Jésus, nous accueillons dans son « aujourd’hui » toujours actuel, Jésus Vivant lui-même. Avec le don de sa Vie, il nous fait le don d’une nouvelle manière de vivre. En s’invitant dans notre assemblée, et dans chacun de nos cœurs, il veut nous unir à sa Vie, pour que notre vie ressemble toute entière à la sienne. A chacun, il offre le don d’une vie plus unifiée dans l’Esprit, celle des enfants de Dieu, de plus en plus heureux de se tenir sous son regard. A tous, il nous offre le don de l’unité dans la charité. Un don fragile qui mérite grand soin et attention de notre part. A sa suite, il nous entraine à sans cesse faire de la place aux autres, à les inviter largement dans nos vies, à nous mettre à leurs pieds pour les servir. Notre unité ne se réalisera vraiment qu’à ce prix.
Ce soir, encore, puisque Dieu nous invite, laissons-nous inviter à sa table. Laissons-le nous purifier et nous laver, laissons-le nous fortifier et nous rassasier de sa vie. Offrons-lui notre disponibilité et notre bon vouloir.
Année A - Dimanche des Rameaux - 2 avril 2023
Homélie Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Mt 26,14 – 27,66
Homélie du Père Abbé Luc
RAMEAUX - 02.04.2023 - Introduction à la bénédiction -
Frères et sœurs
Une fois n’est pas coutume : nous célébrons la procession des rameaux dans le cloitre. Nous savons que l’eau qui tombe est une bénédiction, en ces temps où il en manque. Nous voici rassemblés au début de la grande semaine chrétienne. Ce jour des Rameaux en est comme la porte d’entrée. Nous faisons mémoire de l’accueil triomphal de Jésus par les foules de Jérusalem. Elles reconnaissent comme leur Roi-Messie cet homme modestement assis sur une ânesse. Avec elles, nous l’acclamons aussi comme notre Roi, Lui que nous attendons lorsqu’il viendra dans sa Gloire. Notre acclamation exprime notre espérance en sa venue, mais aussi notre foi en sa mort victorieuse qui débouche sur sa résurrection. Et l’Eglise nous invite par la procession que nous allons vivre, à nous mettre en marche à la suite de Jésus, le Christ mort et ressuscité pour nous. A sa suite et à son école, durant toute cette semaine, nous allons accueillir le don du salut qu’il nous offre en sa mort et en sa résurrection. Avec lui, nous allons apprendre avec lui à passer de la mort à la vie, dès maintenant jusque dans l’éternité. Sur ce chemin, nous ne sommes pas seuls. Nous prenons avec nous tant de nos frères et sœurs en humanité pris dans les tourments de la souffrance et de la mort. Nous pourrons nous unir particulièrement aux populations du Moyen Orient, et de Terre Sainte d’où revient notre f. Placide qui y a fait un pèlerinage. En signe de communion avec ces peuples de la terre de Jésus, je ferai la bénédiction avec de l’eau du jourdain ainsi qu’avec un rameau d’olivier qu’il a ramené.
Si vous voulez lever vos rameaux pour que je les bénisse…
Homélie Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Mt 26,14 – 27,66
Frères et sœurs,
« Jésus s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix, c’est pourquoi Dieu l’a exalté ». Frères et sœurs, ces mots entendus dans la seconde lecture, vont être sans cesse repris durant toute cette semaine. Ils contiennent le cœur de notre foi chrétienne. Avec Jésus, le Fils de Dieu, c’est Dieu lui-même qui descend dans les douleurs de notre humanité pour nous ouvrir une espérance. Les impasses de la violence dans lesquelles nous sommes souvent pris sont traversées par Jésus non par la force, mais par amour. Jésus dénoue le non-sens de la mort non par la résignation, mais par l’obéissance. Cette manière de faire n’est pas spontanément humaine. Elle est proprement divine. Durant tous ces jours en vivant le mémorial de la mort et de la résurrection, la liturgie nous entraine à recevoir comme un cadeau cette manière de faire divine de nous tenir devant la violence, devant la souffrance et devant la mort. Laissons-nous conduire et enseigner. Laissons-nous renouveler.
Année A - 5e dimanche de Carême (A) (26/03/2023)
(Ez 37, 12-14 – Ps 129 – Rm 8, 8-11 – Jn 11, 1-45)
Homélie du F. Jean-louis
Frères et sœurs,
Nous voici désormais proches de la Grande Semaine, la Semaine Sainte, et les lectures de ce dimanche nous orientent visiblement vers l’horizon de notre carême, de tout carême : la victoire de la vie sur la mort, la Résurrection.
La première lecture aborde ce thème, mais avant d’en faire une lecture individuelle, voire individualiste, il faut bien voir qu’elle concerne d’abord un peuple, le peuple d’Israël en exil à Babylone au 6e siècle avant le Christ. Israël a perdu sa terre, son temple détruit, son roi emmené en captivité, bref, les trois grands piliers de la religion d’Israël. Plus grave encore, dans la mentalité du temps, être vaincu par un ennemi signifiait que ses dieux étaient les plus forts. Tout est donc en place pour que la foi d’Israël en déportation disparaisse et soit assimilée par les cultes païens. Et c’est alors que retentit la parole du prophète Ezékiel de la part du Seigneur. Non, le peuple ne disparaîtra pas. Son Dieu le sortira du tombeau de son désespoir et le ramènera sur sa terre et ce sera une véritable résurrection pour le peuple de Dieu. La vie l’emportera sur la mort, la disparition. Dieu ramènera son peuple. Il a parlé et il le fera. Et de fait, Israël reviendra sur sa terre grâce à un édit du roi Cyrus, après la victoire totale des Mèdes sur les Babyloniens.
Le psaume 129 fait bien écho à la détresse d’Israël qui crie vers son Dieu avec une espérance invincible. Car près du Seigneur est l’amour et le rachat des fautes. Invitation à nous couler nous-mêmes dans cette espérance.
Saint Paul nous maintient dans cette espérance. Notre corps, même après la résurrection du Christ, reste marqué par la mort. Mais nous avons été rendus justes par l’obéissance du Christ. Et l’Esprit Saint qui a ressuscité Jésus d’entre les morts nous fait vivre et donnera la vie à nos corps mortels par la volonté du Père.
Quant à l’évangile, il nous fait revivre ce long épisode de la résurrection de Lazare. Tout y est : la détresse de la mort et les reproches faits à Jésus de n’avoir pas été là pour éviter le décès de son ami. Les larmes de Marie et des juifs présents qui bouleversent Jésus et l’amènent, lui aussi, à pleurer. L’espérance et la foi de Marthe qui espère encore un miracle. Et cette profonde foi et relation du Christ qui se sait exaucé. Notons en effet qu’il ne dit pas « Père, je te rends grâce parce que tu vas m’exaucer » mais « parce que tu m’as exaucé ». Il se sait déjà exaucé avant d’appeler Lazare. Il ne s’agit pas d’une mise à l’épreuve de Dieu pour voir si Dieu va répondre. Rien à voir avec les tentations du Christ. Il s’agit d’une certitude de l’intervention de Dieu déjà acquise.
Frères et sœurs, nous le sentons bien, les lectures de ce dimanche nous préparent à célébrer Pâques, à rendre présent dans nos cœurs ce miracle immense de la résurrection du Christ, bien plus immense que celle de Lazare qui est mort à nouveau alors que, ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus et c’est notre destinée.
Toutefois ces lectures ne constituent pas une légende dorée, elles ne masquent pas la brutalité, le non-sens de la mort. Nous sommes invités cependant, à l’image de Marthe et de Marie, à garder confiance malgré les apparences concrètes. « Maintenant, je sais que Dieu t’exaucera. » « Seigneur, il sent déjà. » Nous sommes également invités à entrer dans la foi sans faille du Christ : « Père, je sais que tu m’exauce. » Même si cette foi n’exclut pas le chagrin de la perte d’un être cher.
Nous nous préparons à célébrer la Résurrection du Christ et pourtant notre monde et l’Eglise, même, peuvent nous sembler actuellement comme morts ou en grand danger de mort, ensevelis sous la violence, les abus et les crises de toutes sortes. Pourtant, dans la foi, dans le Christ, ils sont déjà ressuscités, c’est le « déjà là » du Royaume de Dieu. Mais cela n’apparaît pas clairement, et c’est le moins qu’on puisse dire. C’est le « pas encore » qui provoque notre foi. Les preuves ne sont pas évidentes et ce sont donc les yeux de la foi qui nous permettent d’espérer. Nous pouvons penser à bon droit que notre monde meurt, mais ce n’est peut-être pas la mort du monde mais la mort d’un monde à laquelle nous assistons. Puissions-nous dire avec le Christ « Père, je sais que tu nous exauces » lorsque nous prions pour notre monde et notre Eglise si blessés. Puissions-nous nous rappeler que, pour Israël, mais aussi pour Marthe et Marie, le scandale de la mort n’était pas moins fort que celui du mal de nos jours et pourtant, Dieu nous exauce. Avec la Grâce de Dieu, la vie a jailli de la mort pour Israël, pour Lazare, Marthe et Marie et infiniment plus encore pour le Christ. Que ce passé renforce notre confiance dans un Dieu toujours à l’œuvre, souvent dans la discrétion et le silence. Un jour, sa Vie apparaîtra pleinement. Et notre foi verra l’accomplissement total des promesses divines dans lesquelles nous avons mis notre espérance.
AMEN
Fête de l’Annonciation - Samedi 25 mars 2023
Esaïe 7, 10-14 / Psaume 39 ; Hébreux 10, 4-10 ; Luc 1, 26-38
Homélie du F. Basile
Nous avons écouté la Parole, demeurons comme Marie « en état d’annonciation », à l’ombre de l’Esprit, disponibles. Si nous avions été à la place de Marie, qu’aurions-nous fait, qu’aurions-nous dit ?
Dans son petit livre sur l’intranquillité, Marion Muller-Colard écrit : « A sa place, j’y aurais réfléchi à 2 fois. Mais, à vrai dire, on ne réfléchit pas devant la grâce… On ne peut que consentir. »
Marie nous montre comment accueillir l’inattendu de Dieu ; elle est dans cette attitude fondamentale de la prière, le silence qui permet d’écouter Dieu. Quand il frappe à la porte de Marie à Nazareth, il n’y a pas de coup de sonnette, même pas la vibration d’un portable, mais seulement un cœur qui écoute. Elle ne dit pas oui tout de suite, elle écoute d’abord.
Quelle Parole de Dieu lui est dite par l’ange Gabriel ? Elle ne comprend pas bien, elle pose même une question, mais son cœur écoute et la Parole y pénètre pleinement au point qu’elle va répondre : « Voici la servante du Seigneur » « Comme tu voudras, Si je peux faire quelque chose, si je peux être utile, me voici ».
Elle ne sait pas, Marie, ce qui va lui arriver, elle ne sait pas si elle en est capable. Dieu lui demande seulement d’être là, et d’avoir confiance, de consentir à son action en elle.
Que va-t-il se passer ? C’est absolument prodigieux dans l’histoire du salut : Dieu vient prendre chair de notre chair, et pour cela il s’adresse à Marie pour naître d’une femme.
Tout cela nous invite au silence, à l’écoute de la Parole, à la pleine disponibilité, à cette certitude que Dieu agit sans cesse dans notre monde et dans le cœur des hommes. Il y a ainsi beaucoup de « Oui » cachés, quel sera le nôtre aujourd’hui ?
Fête de l’Annonciation; Samedi 25 mars 2023
Accueil
Aujourd’hui, juste 9 mois avant Noël, nous fêtons l’Annonciation du Seigneur. On pourrait même dire que c’est une fête plus importante que Noël. Un texte lu cette nuit nous disait que ce jour-là marque le milieu de l’histoire humaine.
Ce jour-là, Marie a dit « Oui » à l‘appel de Dieu, à son projet de venir habiter chez les hommes, à se faire l’un de nous. Si elle avait refusé, Jésus ne serait pas né. Elle a répondu et l’Esprit Saint l’a couverte de son ombre. On pourrait dire que ce jour-là, Marie a été confirmée. Je le dis à l’adresse des jeunes qui se préparent à leur confirmation, à recevoir l’Esprit Saint.
Nous allons déjà le recevoir en célébrant le mystère de l’eucharistie. Préparons-nous en reconnaissant que nous avons péché, que souvent nous n’avons pas su dire Oui à Dieu.
Je confesse à Dieu tout-puissant…
année A - 4° dimanche de Carême - 19 mars 2023
1 Sam 16 1b, 6-7, 10-13a ; Eph 5 8-14 ; Jn 9 1-41 ;
Homélie du F. Vincent
L’aveugle de naissance… Un très bel évangile qui comme la Samaritaine, dimanche dernier et la Résurrection de Lazare dimanche prochain, nous prépare à Pâques. L’Aveugle ? Dieu lui a ouvert les yeux deux fois ! D’abord, en reprenant le geste créateur de Dieu qui, avec de la glaise, déjà, modela l’homme ; Jésus, avec de la boue, guérit cet homme blessé ; il lui rend la vue, la vue physique. Il le recrée.
Ensuite, Jésus conduit cet homme vers la lumière de la foi. Le long dédale des rencontres avec Jésus, des controverses avec les pharisiens - avec par ailleurs toute une série de rebondissements - devient pour l’aveugle guéri un chemin d’éveil à la foi. On perçoit bien une progression tout au long du récit. Au début, après sa guérison, quand Jésus lui dit : « va te laver à la piscine de Siloé », il y va mais sans rien dire. Un peu plus tard, quand on l’interroge sur celui qui l’a guéri, il répond en disant : « L’homme qu’on appelle Jésus ». Et quand on lui demande : « Qui est-il ? », il répond : « Je n’en sais rien ! » Plus tard, quand on lui demande : « Qui t’a ouvert les yeux », il répond : « C’est un prophète ». Plus tard encore, quand les pharisiens le pousse dans ses derniers retranchements, il prend le risque de dire : « Dieu n’exauce pas les pécheurs. Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire ». Et puis en face de Jésus qu’il voit, en fait, pour la première fois, il se prosterne en disant : « Je crois, Seigneur ». Ce « je crois » nous ou notre parrain l’avons dit au moment de notre baptême, et nous le re-disons à chaque Vigile Pascale.
Comme pour la Samaritaine, le récit progresse vers une adhésion de foi, une reconnaissance de l’identité de Jésus. Mais dans le cas de l’aveugle, cela n’est pas vécu dans un contexte pacifique (comme ça l’était pour la Samaritaine),. Il y a même un aspect violent dans ce récit : mépris des pharisiens et rejet.
On peut dire aussi que plusieurs aspects de notre être de baptisé et de la grâce de notre baptême sont manifestés dans ce récit : la recréation de notre être blessé. Le Christ ressuscité nous recrée en tout notre être. Il nous remodèle à son image. Nous qui sommes tous nés marqué par le péché, il nous guérit et fait de nous des fils.
Le baptême aussi est « illumination » ; au sens fort où les baptisés sont remplis de la lumière du Christ ressuscité.
Oui, le baptême est le sacrement privilégié de la foi, de l’adhésion de foi. Cette foi que nous proclamerons d’une manière solennelle encore au cours de la Veillée Pascale.
Le baptisé, (et il est probable que la majorité d’entre nous le sommes), est investi d’une mission, celle d’être témoin de la Lumière du Christ, là où il vit, parfois au cœur des contradictions. Les conditions dans lesquelles se vit ce témoignage peu-vent être rudes !
Enfin, il y a toute la dimension de la vie morale liée au baptême : quand on est baptisé dans la lumière de Jésus, on ne peut plus vivre sa vie quotidienne n’importe comment ! C’est la grande interpellation de St Paul dans la 2ème lecture : « Autre-fois, vous n’étiez que ténèbres, maintenant vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière ». Paul nous demande d’être conséquents par rapport à la grâce que nous avons reçue ; il évoque ce double pôle. En négatif : « Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres ; elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt »; on retrouve là, le sens de la renonciation au péché, ce que nous proclamerons aussi lors de la Vigile pascale. . En positif : « vivez comme des fils de la lumière… la lumière produit tout ce qui est bonté, justice et vérité ». En route vers Pâques, demandons au Dieu de lumière de laisser se déployer pleinement en nos vies la grâce de notre baptême.
Année A – 3°dimanche de Carême – 12 mars 2023
Ex 17 3-7 ; Rom 5 1-2, 5-8 ; Jn 4 5-42
Homélie du F. Damase
Avec ce 3°dimanche de Carême, nous entamons l’étape des scrutins – (celle de la dernière formation des catéchumènes) – aujourd’hui, l’église nous propose un enseignement sur le chemin de la foi.
Dans le livre de l‘Exode, la 1° lecture, Moïse doit affronter les récriminations du peuple, fatigué de marcher dans le désert – de manquer d’eau pour les hommes et les troupeaux. Mais le peuple en s’opposant à Moïse, ne se rend pas compte qu’il s’oppose à Dieu qui le conduit ! Sur l’ordre de Dieu, Moïse donne à boire au Peuple, en frappant le rocher. Dieu est fidèle, nous pouvons lui donner notre foi !
Dans l’Evangile : Jésus fatigué par une journée de marche à travers la Samarie s’est assis près d’un puits : il a soif ! Il demande à une femme qui vient puiser, de lui donner à boire ! Or les Juifs et les Samaritains sont des frères ennemis ; ils ne se parlent pas, ne se fréquentent pas !
Du coup la femme se moque de Jésus « Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une Samaritaine » ! Jésus lui répond : « Si tu savais le don de Dieu, c’est toi qui lui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive » ! La femme ne comprend pas Jésus : elle, elle ne cherche qu’à alléger son travail !
Alors Jésus lui lance une autre question plus personnelle : « Appelle ton mari » ! Elle répond : « Je n’ai pas de mari ». Jésus l’encourage : « Là tu dis la vérité ». La femme commence à s’interroger : « Seigneur je vois que tu es un prophète ». Puis, elle questionne Jésus sur ce qui intéresse tout habitant de Palestine : « Où faut-il adorer Dieu : au Temple de Jérusalem ou sur cette montagne ? ».
Jésus explique : « Vous, les Samaritains, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, les Juifs, nous adorons ce que nous connaissons. Dieu est esprit. Mais l’heure vient où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ».
La femme poursuit : « Je sais qu’il vient le Messie, le Christ. Il nous fera connaitre toutes choses ». Et Jésus affirme « je le suis, moi qui te parle » !
La femme déstabilisée et pleine de questions appelle les gens de son village : « Venez voir cet homme, ne serait-il pas le Christ ? ».
Et les gens viennent et confirment : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons ; nous-mêmes nous l’avons entendu, c’est lui le Sauveur du monde » ! Il y a dans cette rencontre, comme un effet « boule de neige » ; l’un entraine l’autre !
N’y a-t-il pas dans ce dialogue une progression de la femme dans la compréhension du mystère de Jésus ?
N’est-ce pas là notre chemin de foi dans la vie chrétienne ?
Une question m’habite et révèle ma soif.
Je me pose d’autres questions,
que je ne parviens à résoudre
que par le recours aux Ecritures et sur le témoignage des autres.
Et enfin je mets ma confiance en Dieu.
Ainsi chacun de nous et la communauté ecclésiale progressent,
dans la connaissance du Christ, comme sauveur de tous les hommes !
C’est là un des objectifs du Carême : éveiller et réveiller notre recherche
afin que naisse en nous le feu de l’amour de Dieu et d’en témoigner !
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Année A - Carême 2° Dimanche - 05 mars 2023
Genèse 12,1-4 ; 2 Tim. 1,8-10 ; Matth. 17,1-9
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs,
Le Carême, pour nous chrétiens spontanément, c’est d’abord un temps : 40 jours entre le mercredi des Cendres et le dimanche de Pâques, en référence aux 40 jours et aux 40 nuits que Jésus a passés au désert, ou les 40 années du peuple hébreu entre sa sortie d’Egypte et son entrée en Terre Promise. Un temps, tout comme le Ramadan pour les musulmans qui dure un mois lunaire pour le jeûne, la prière et le partage, ou bien encore la Grande Retraite de Méditation et de purification pour les bouddhistes tibétains : 3 ans, 3 mois, 3 jours.
Mais le Carême, ce sont aussi des lieux, des espaces, des mouvements, des déplacements. Dimanche dernier, la liturgie nous invitait à partir au désert avec Jésus. Le désert, lieu symbolique par excellence de la rencontre de Dieu, mais aussi de celle des Démons. Dimanche prochain, nous irons en Samarie, à Sycar, près du puits de Jacob, et les dimanches suivants à Jérusalem, du côté de la piscine de Siloé avec l’aveugle-né, à Béthanie dans la maison de Lazare et de ses sœurs et à Jérusalem encore pour les Rameaux et la Semaine Sainte. Aujourd’hui, nous méditons avec la 1ère lecture, le départ d’Abraham depuis son pays d’origine en Chaldée, pour un pays que le Seigneur lui promet de lui indiquer. Et Abraham part, sans savoir où il va, comme le dira l’épitre aux Hébreux, mais il part, confiant dans la Parole de Dieu et obéissant dans la foi. C’est l’itinéraire de toute vie spirituelle, chrétienne ou non, religieuse ou laïque, nous le savons bien : lâcher-prise, abandon et confiance, mais en retour bénédiction et fécondité imprévisibles, non-programmables.
Et l’Evangile, lui, nous fait monter, à l’écart, sur une haute montagne, avec Pierre, Jacques et Jean, qui accompagnent Jésus : c’est l’épisode de la Transfiguration. Chaque année, la liturgie nous demande de nous y arrêter dans notre marche vers Pâques ; et nous écoutons ce récit dans chacune de ses versions évangéliques : Matthieu, Marc et Luc. Cette année Matthieu. Nous pouvons le diviser en deux parties distinctes :
- une première où domine l’expérience visuelle. Jésus est transformé aux yeux des disciples éblouis. Transformé, littéralement « métamorphosé », en grec. Et en même temps, c’est l’apparition de Moïse et d’Elie. Le pauvre Pierre ne sait plus très bien comment se situer face ou à côté d’eux : il bafouille, il fait une proposition concrète qui n’est pas retenue : personne ne semble l’écouter ou faire attention à lui. St Luc ira jusqu’à dire qu’il ne savait pas ce qu’il disait.
- et puis il y a une seconde scène qui se superpose à la 1ère, où dominent la voix et l’audition d’une parole sortie de la nuée lumineuse. Parole mystérieuse du Père des Cieux, en écho et presque identique à celle du Baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain : « celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis tous mon amour ». Avec l’ajout propre à la Transfiguration : « écoutez-le ! ». Au baptême, la parole s’adressait à Jésus lui-même, comme l’envoyé, ici elle s’adresse aux disciples et plus largement à toute la communauté chrétienne, désignant Jésus comme le Prophète qu’il faut écouter.
Après cette vision et cette audition extraordinaires, qui ont plongé les disciples dans la frayeur et la prosternation à terre, c’est le retour à l’ordinaire, la voix familière de Jésus, son contact et sa proximité. Ils peuvent lever les yeux à nouveau : Jésus est là, tel qu’ils le connaissaient et il est seul. Ils sont rassurés : ouf ! Mais que s’est-il donc passé ? Silence, ordonne Jésus : pas un mot avant que le Fils de l’Homme ne soit ressuscité d’entre les morts.
Ce texte est riche à bien des égards : on peut en faire une longue lectio divina, avec tous les renvois à l’Ancien Testament qu’il autorise : on peut en faire une contemplation des relations de Jésus avec son Père et avec l’humanité, une méditation du rôle et des réactions de chacun des personnages. Mais en quoi peut-il nous rejoindre, nous aussi et nous modifier, dans ce temps de conversion qu’est le Carême.
Je crois qu’il vise à nous déloger de certaines de nos représentations sur la personne même de Jésus. Représentations trop immédiates ou figées, trop utilitaires peut-être aussi, si nous attendons quelque chose de lui, mais quoi.
Même si nous savons bien que les Evangiles sont de tardives compositions littéraires mises par écrit après l’événement pascal de la mort et de la Résurrection de Jésus, nous pouvons penser et croire que cet épisode a réellement eu lieu durant sa vie terrestre et qu’il se situe à un moment-clé des évangiles. Après la confession de foi de Pierre à Césarée, après la 1ère annonce de la Passion, après les paroles sur la condition des disciples et l’annonce du retour prochain du Seigneur. Pour bien faire, mais cela serait trop long, la liturgie devrait nous faire entendre l’ensemble de ces passages. On ne peut isoler la Transfiguration de la réalité de la Passion et de la Résurrection du Christ, ni de son retour dans la Gloire. La Transfiguration nous révèle le sens même du mystère pascal, comme anticipation de ce que nous célèbrerons durant les Jours de la Semaine Sainte. Méditée en ce 2ème dimanche de Carême elle vient stimuler notre élan, relancer notre foi et notre espérance, si jamais nous étions guettés par le découragement ou le doute.
Jésus n’est pas seulement le maître qui parle bien et enseigne les foules, il n’est pas seulement le compagnon de route qui fait le bien en guérissant les malades : il est le Témoin de la Gloire de Dieu sur terre, une Gloire qui resplendira sur la Croix, se manifestera à la Résurrection et se révèlera définitivement à son Retour. En fait, on peut comprendre le désir de Pierre de vouloir fixer ce moment merveilleux à l’aide de tentes, car cet échange partagé avec Jésus en Gloire, avec Moïse et Elie, c’est ce qui nous est permis d’espérer de vivre aux derniers temps. Mais les derniers temps ne sont pas encore arrivés : nous nous tenons dans l’entre-deux du déjà-là et du pas-encore. Pourtant Pâques a levé l’interdiction du silence faite aux disciples. Nous avons, à leur suite et à notre tour, à proclamer à temps et à contretemps que Jésus est le Seigneur, qu’il est le Fils Bien-Aimé du Père, en qui tous les croyants sont fils et frères. Nous avons à dire à tous ceux qui sont prosternés dans leurs peurs de vivre ou leurs fatigues d’être eux-mêmes : « relevez-vous et n’ayez pas peur ! ». C’est cela, je crois, le profond message de la Transfiguration, et pour terminer je laisserai la parole à un poète :
« Voyez, les temps sont accomplis,
Sur quels chemins d’incandescence
Et Dieu vous convoque à l’oubli
Entendrez-vous le Bien-Aimé
De ce qui fut vos servitudes.
Vous parlant depuis la Nuée ?
Qu’il vous prépare à ses souffrances !
Suivez Jésus Transfiguré.
Demain, il sera crucifié
En signature d’alliance
année A - 26 février 2023 - 1er Dim Carême -
Gen 2/7-9, Rom 5/12-19, Mt 4/1-11
Homélie du F. Cyprien
“Le serpent dit à la femme : ”Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !... »
St Paul : « Le péché est entré dans le monde... »
« Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté… ».
…Premier dimanche de Carême … les tentations de Jésus face au Malin, le diable, le Diviseur…
Je me suis posé la question :
= Y a-t-il une gradation dans les tentations de Jésus ?
J’ai trouvé qu’il y avait en tout cas l’impuissance du diable devant Jésus, ce Satan qui croit posséder le monde.
… Tragique et aussi ridicule de ce Malin qui, à la troisième fois ne sait plus comment s’y prendre avec Jésus !
= Pour nous le plus clair c’est que Jésus a été tenté, oui, il a été tenté pour nous, pour notre bien, certainement pour nous montrer le chemin, pour résister nous aussi à ce qui peut détourner de Dieu.
« L’homme ne vit pas seulement de pain…, tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu…, C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte ».
Jésus est passé par l’épreuve et sa réponse a été d’aller ensuite jusqu’au bout de sa mission, jusqu’au don de lui-Même.
Gradation ou pas, c’est bien pour nous, c’est bien pour notre vie que ce récit nous emmène au désert avec le Maitre
.
L’épreuve, les épreuves, une suite d’événements qui jalonnent nos vies, tout cela pour que nous devenions fidèles, fidèles au Christ, pour choisir Dieu en priorité…
Il est difficile d’oublier… que la tentation de faire le mal existe : le mal se déguise souvent en bien ; nous avons raison de demander à Dieu de nous protéger du mal.
La tentation, c’est la présence d’un désir désordonné… en quelque sorte un mensonge…le mensonge au profit d’un plaisir égoïste, une ruse au service d’un pouvoir qui fascine… Même une certaine douceur devient mensonge pour que nous allions vers ce qui attire, ce qui obsède… La tentation : une pente qui devient de plus en plus glissante quand on ne s’arrête pas avant qu’il ne soit trop tard.
Si nous avons laissé la tentation nous vaincre, notre conscience est troublée parce que nous avons été trompés et vaincus, et il faut le dire …avec notre consentement !
C’est au moment de la tentation qu’il faut être attentif… Dans le livre de la Genèse, le serpent est associé à la ruse et au mensonge.
Et dans l’épitre aux Romains, saint Paul dit que depuis le premier homme (avec Ève, ne pas oublier !) « le péché a régné », c’est-à-dire la Parole de Dieu a été négligée , Dieu a été mis de côté.
Au désert Jésus a résisté, Il a vaincu la tentation…
« Si tu es le Fils de Dieu » : par deux fois Satan le provoque ; la troisième fois il lui demande même de se prosterner devant lui.
Parce que le Christ Jésus est venu, parce qu’il a obéi jusqu’au bout, nous pouvons à sa suite obéir, résister, déjouer la ruse du Malin. La pointe du propos de Paul dans la 2e lecture, c’est qu’… « il n’y pas de commune mesure » entre le péché de l’homme et l’obéissance du Fils bien-aimé. Retenons : « pas de commune mesure ».
« Si tu es chrétien
« Si tu es un disciple de Jésus
« Si tu es un ami de celui qui a donné sa vie pour toi,
la tentation peut arriver :
== nécessité de manger … pour lui-même Jésus refuse de changer les pierres en pain… alors qu’il multipliera le pain pour les foules ;
== la tentation arrive lorsque les choses nous réussissent, que nous nous croyons des héros… et Jésus a demandé le silence sur son identité de Messie et de Seigneur … pour arriver à sa passion et sa mort comme n’importe quel condamné ;
== Surtout Jésus a su répondre avec la force de la Parole des Ecritures pour nous apprendre et trouver les moyens de résister. Il est écrit et nous pouvons dire avec lui « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras… Arrière, Satan ! » car Jésus marche devant nous…allons à sa suite.
Oui, f. et s., rendons grâce à Dieu notre Père de nous donner sa grâce pour aller vers Pâques avec le courage que donne la foi : Dieu nous aime en Jésus, Jésus qui a traversé le désert, la tentation et la mort : il veut faire de nous des vivants, des ressuscités, pour l’éternité.
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Année A - 7e dimanche TO, 19 février 2022
— Lv 19, 1-2.17-18 ; 1 Co 3, 16-23 ; Mt 5, 38-48
Homélie du F. Charles-Benoit Andreu
« Œil pour œil, dent pour dent »
Chers frères et sœurs, cette loi, la « loi du talion », retentit avec un écho particulier dans la Torah, dans la Loi. Elle y est répétée pas moins de trois fois : Exode, Lévitique, Deutéronome. Aujourd’hui, Jésus est-il en train de l’abolir ? Comment entendre ce qu’il disait dans l’évangile de dimanche dernier : je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir ?
Pour entendre ce que dit Jésus, il faut d’abord entendre ce que dit la Loi. En l’occurrence, ça ne paraît pas bien compliqué. Et pourtant, déjà avant Jésus, la tradition juive prenait soin de l’interpréter, ne se satisfaisant pas de l’abrupte clarté de ses mots. Non, Jésus ne vivait pas entouré de fous-furieux vengeurs, prêts à crever des yeux de sang froid au nom de la loi divine. Et toute la tradition juive, jusqu’à nos jours, montre qu’elle sait très bien, quand la Lettre tue, trouver en elle l’Esprit qui vivifie, accomplir sans abolir. Nous autres chrétiens, quand nous cherchons dans l’Écriture une lumière pour notre vie, pour les questions de notre temps, nous devrions aussi savoir entrer dans ce corps à corps de la Lettre et de l’Esprit que Jésus a appris de la tradition d’Israël, et ne pas nous enfermer dans des lectures littéralistes.
En l’espèce, la tradition rabbinique récuse absolument l’idée de crever l’œil de qui que ce soit. Au contraire, elle applique la loi du talion, sa proportionnalité, au devoir d’une réparation financière en cas de blessure : pour un œil, réparer ce que représente la perte un œil, pour une dent, ce que représente une dent. Ainsi fonde-t-elle un principe fondamental de la justice, jusqu’à aujourd’hui : le tort fait à autrui doit être réparé de façon proportionnée.
Poursuivons dans l’élan concret où cette lecture nous entraîne. Est-ce seulement le tort fait à autrui que la Loi veut ainsi réparer ? En effet, s’il y a besoin d’une loi pour nous rappeler cela, c’est sans doute parce qu’il faut aussi réparer notre sens des responsabilités, guérir notre indifférence devant le mal que nous faisons aux autres, et peut-être, au-delà encore, notre indifférence devant toute souffrance, qu’on en soit ou non responsable. Suis-je capable de compassion ? Est-ce que la souffrance de l’autre touche quelque chose en moi — comme si c’était moi : œil pour œil, dent pour dent ? Le parallélisme qu’établit la loi du talion rejoint alors le grand commandement de la Loi entendu en première lecture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Oui, puissions-nous apprendre à aimer œil pour œil, dent pour dent, à répondre aux requêtes de cet amour : une aide et un geste concrets, une parole.
Jésus n’est pas venu abolir cette loi-là. Toute sa vie, il n’a cessé de l’accomplir. Mais il envisage la loi du talion sous un autre angle, non plus du côté de celui qui fait du tort, mais du côté de celui qui le subit. Alors en quelque sorte le miroir se brise : si la peine du frère que j’ai fait souffrir doit devenir ma peine, la violence de celui qui m’a fait souffrir ne doit pas devenir ma violence.
Ces paroles de Jésus peuvent être très lourdes à porter. Nous n’avons certes pas à les appliquer au pied de la lettre, si cela va contre la justice dont nous avons parlé. Mais malgré tout, nous risquons toujours de les entendre ou, pire, de les asséner, comme l’une de ses injonctions au pardon qui blessent profondément ceux et celles qui ont subi une violence — quand l’appel au pardon est une manière de nier leur souffrance, de leur refuser la justice, quand il ajoute à la souffrance le poids d’une culpabilité, celle de ne pouvoir pardonner.
Mais peut-être Jésus veut-il simplement nous montrer que, pour autant, la rancune n’est pas un chemin. Quand l’autre nous a giflé, la rancune qui ronge le cœur, la violence qui envahit les pensées, sont une façon terrible d’être frappé encore, bien plus terrible que de tendre l’autre joue. En sortir est difficile. Mais nous pouvons chercher, avec délicatesse, à nous aider ici les uns les autres. Non pas d’abord par des injonctions au pardon, mais en offrant cette écoute, cette considération, cet amour qui seul apaise, car il comprend, car il partage la souffrance et les combats de l’autre, parce qu’il aime œil pour œil, dent pour dent.
Année A - 6e dimanche Temps ordinaire – 12 février 2023
Si 15 15-20 ; 1Co 2 6-10 ; Mt 5 17-37
Homélie du F. Hubert
" Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens,
vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. »
Qui mieux que st Paul a vécu ce dépassement, cette conversion ?
Qui mieux que lui a reçu la révélation du don gratuit de Dieu,
et l’a formulée pour toutes les générations ?
« Nous avons reconnu, écrit-il aux Galates, que ce n’est pas en pratiquant la loi de Moïse
que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ » Gal 2, 16 sv
Et aux Philippiens : « À cause de Jésus, mon Seigneur, j’ai tout perdu
afin d’être reconnu juste,
non pas de la justice venant de la loi de Moïse
mais de celle qui vient de la foi au Christ. » Phil 3
Paul était un jeune juif qui mettait toute la force de sa volonté
à l’accomplissement des commandements de Dieu.
Mais l’enthousiasme et la volonté ne suffisent pas.
Il écrira plus tard : « Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir ».
Sur le chemin de Damas, il fait l’expérience, dans la rencontre inattendue et inimaginable du Christ, que l’amour de Dieu ne se mérite pas, qu’il est gratuit et au-delà de toute mesure,
au-delà de tous nos efforts, de toutes nos mises en œuvre des commandements.
L’Alliance n’est pas une morale, elle est une bonne nouvelle, un amour. Elle est l’Amour.
Dieu est Alliance, et sa toute-puissance n’est pas de faire n’importe quoi,
mais de tenir l’Alliance, de tenir l’Amour.
C’est pourquoi il est mort, pour que nous demeurions dans l’Amour.
Cet Amour, le seul Amour, est plus fort que la Mort, plus fort que le Péché.
Rien ne peut lui faire échec.
Alors que deviennent les commandements ?
Ils sont des bornes sur le chemin de l’amour.
Ils n’ont de valeur et ne se comprennent qu’englobés dans l’amour.
Ils nous indiquent comment répondre à l’amour,
comment vivre à l’image de Dieu, en enfants de Dieu.
Et non pas comment mériter l’amour de Dieu.
Observer les commandements est impossible à nos seules forces humaines,
encore plus quand ils sont portés à leur perfection par Jésus, au-delà de toute mesure.
Ce n’est que dans la grâce offerte et accueillie que nous pouvons les observer.
Dans notre faiblesse, dans nos chemins blessés par le péché,
nous sommes toujours en deçà de leur observance.
Aussi, de la même manière qu’il n’y a pas de vie humaine commune possible sans pardon,
il n’y a pas de vie commune entre nous et Dieu
sans que le pardon de Dieu soit plus grand que nos infidélités.
C’est bien l’expérience de Paul : « Le Christ m’a aimé et il s’est livré pour moi ! »
Nous n’avons pas à mériter d’être aimés de Dieu ! Ni des autres d’ailleurs. Cela empoisonne nos vies.
Nous avons à répondre à l’amour par l’amour, non à mériter l’amour.
L’amour est gratuit et se donne de lui-même.
« La preuve que Dieu nous aime, c’est que Christ est mort, alors que nous étions pécheurs »
dit encore Paul.
Sur le chemin de Damas, « la vérité vient le frapper en plein visage, écrit Adrien Candiard :
tous les efforts qu’il a déployés pour aimer Dieu
l’ont conduit à l’exact contraire : il croyait le servir de son mieux
mais il n’a réussi qu’à Le persécuter, Lui, le Dieu qu’il voulait aimer de tout son cœur. »
Jésus lui montre un autre chemin :
celui du renoncement à lui-même et à sa propre perfection,
pour se laisser envahir par la présence du Christ.
« L’amour du Christ nous saisit, écrit Paul aux Corinthiens, …
Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus centrés sur eux-mêmes,
mais sur Celui qui est mort et ressuscité pour eux. »
Paul a découvert qu’il était « aimé sans la moindre condition »,
et par celui-là même qu’il persécutait !
Dans le n° de Panorama de mars 2022, Hubert de Boisredon, un chef d’entreprise,
témoigne de façon similaire qu’il a fait l’expérience, à 18 ans,
d’une « rencontre fondamentale avec Dieu » :
alors qu’il voyait Dieu comme
« celui qui comptait les points pour déterminer s’il était digne de son amour ou non »,
il s’est senti « comme enveloppé d’une présence venue le visiter de manière très intime.
Ce jour-là, a été semée en lui la certitude qu’il était aimé de Dieu gratuitement. Pour rien. »
Puissions-nous vivre cette expérience, et d’abord la désirer !
Jésus ne vient pas abolir mais accomplir.
Il accomplit les commandements en les poussant à l’extrême, parce que l’amour est extrême ;
et il les accomplit en les vivant lui-même,
en recevant en lui-même tout l’amour du Père, et en offrant au Père tout l’amour de l’homme.
C’est cette victoire de l’amour, en Jésus, que nous célébrons dans l’eucharistie.
Mais que veut dire une célébration si nous n’y engageons tout notre être,
si nous ne désirons être nous-mêmes total accueil à l’amour qui nous est offert, et totale offrande ?
Demandons les uns pour les autres d’accueillir cet amour du Christ
dans lequel les commandements prennent sens.
Demandons la sagesse qui vient de Dieu,
et accueillons déjà ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé.