Homélies
Liste des Homélies
Année ABC - Messe duJour de Noel - 25 décembre 2022
Is 52 7-10 ; Heb 1 1-6 ; Jn 11-18 ;
Homélie du F. Guillaume
Frères et sœurs,
En ce jour de Noël, jour de grande fête et de joie nous ne célébrons pas que la seule naissance de Jésus à Bethléem, mais une tripe naissance de Dieu, selon un thème traditionnel de la spiritualité chrétienne. Il y a en effet une naissance de Dieu en lui-même, il y a la naissance du Fils de Dieu en notre chair, et il y a la naissance du Verbe de Dieu en nous-même, en notre âme.
La 1ère naissance sans doute la plus profonde et la plus mystérieuse est celle que nous contemplons dans le Prologue du 4ème Evangile, qui vient d’être chanté solennellement. Naissance éternelle du Verbe au cœur de la Trinité. Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. La suite du texte précise que ce Verbe est le Fils du Père, plein de grâce et de vérité.
Chaque dimanche et aujourd’hui encore dans un instant, nous professons dans le Credo de l’Eglise que le Christ est le Fils Unique de Dieu né du Père avant tous les siècles. Il est Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu engendré, non pas créé et de même nature que son Père. Cet engendrement, cette naissance dans l’éternité échappe au temps et à l’histoire. Elle échappe aussi à notre compréhension et dépasse infiniment les limites de notre entendement, mais nous l’affirmons cependant dans la foi et dans l’amour. Pour nous chrétiens, cette 1ère naissance de Dieu doit demeurer l’objet de notre émerveillement et de notre adoration. Elle est source de joie.
La seconde naissance, celle de l’enfant Dieu à Bethléem qui nous a été rapportée par l’évangile de la messe de minuit, nous est plus familière. Il est plus facile de la raconter aux enfants et elle a été préparée par les calendriers de l’Avent et la réalisation des crèches. Pourtant, cette seconde naissance n’en est pas moins paradoxale ou scandaleuse, voire même folle et impossible à admettre pour qui ne partage pas notre foi. Aucune sagesse païenne, aucune religion ne peut envisager une telle naissance d’un Dieu sur la terre des humains. C’est le mystère de l’Incarnation.
Jésus, le Christ, est né d’une femme, la Vierge Marie, lorsque les temps furent accomplis. Et Dieu a pris les traits de visage d’un bébé, d’un garçon, d’un homme.
Saint Paul dans sa lettre aux Philippiens dira qu’il n’a pas retenu jalousement son rang d’être l’égal de Dieu, mais qu’il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes et par son aspect, il était reconnu comme un homme, et il s’est abaissé dans l’obéissance à son Père, jusqu’à mourir sur une croix.
Autant que pour la 1ère naissance du Verbe dans son éternité, nous avons à nous émerveiller et à nous réjouir de cette 2nde naissance du Verbe dans notre humanité.
Mais ces deux naissances ne présenteraient guère d’intérêt et resteraient extérieures et étrangères à nous, si elles ne s’actualisaient pas présentement en chacun de nous, à l’intime de chacune de nos âmes. C’est le dominicain Maître Echkart qui au Moyen Age, en reprenant une idée d’Origène a longuement développé cette naissance de Dieu qui se produit en nous, en notre âme, et c’est cela qui importe, dit-il. Dieu pénètre ici le fond de l’âme. Personne d’autre ne peut entrer dans le fond de l’âme sinon Dieu seul.
Cette 3ème naissance du Verbe de Dieu à l’intime de notre être permet de rendre compte du vouloir profond de Dieu en s’incarnant. Dieu se fait homme afin que l’homme puisse devenir Dieu, comme l’affirmaient les Pères de l’Eglise. Dieu veut rendre à l’homme sa dignité d’être créé à son image et à sa ressemblance, dignité qu’il a perdue et qu’il perd encore par le péché et c’est toute la raison du sacrifice pascal du Christ dans sa naissance, sa vie, sa mort et sa résurrection. Noël et Pâques sont ainsi inséparables et nous les célébrons ensemble à chaque eucharistie.
Pour terminer, je reprendrai les termes de l’une des préfaces de la nativité qui nous fait chanter à Dieu : « lorsque ton Fils prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels » .
Vigiles de NOEL 2022
Is 9, 1-6 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
« Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » !
Frères et sœurs,
Comment pouvons-nous entendre cette Bonne Nouvelle aujourd’hui ? De quel Sauveur et de quel Salut, avons-nous besoin ? Avec notre monde, nous sommes habités par des questions fortes : les dangers qu’une guerre se généralise, les inquiétudes face au climat, les incertitudes économiques et sociales face à la crise énergétique, et dans notre Eglise, le poids des révélations d’abus qui minent la confiance. Si nos questions sont bien différentes de celle du peuple juif qui accueillait le Christ, il a 2000 ans, elles sont cependant l’expression d’une même attente existentielle, attente de sens, de lumière et de force pour poursuivre le chemin. Quelle parole de salut et d’espérance, cette fête de Noël, vient-elle nous apporter ? Des textes que nous venons d’entendre, je retiens trois mots : lumière, justice et piété qui peuvent nous aider à reconnaitre aujourd’hui Jésus comme notre Sauveur.
Lumière. Dans les ténèbres, dit le prophète Isaïe, une lumière a resplendi. Oui, comme pour le peuple juif autrefois, la naissance de Jésus resplendit comme une belle lumière pour nous aujourd’hui. Lui que nous reconnaissons dans la foi, comme « le Dieu fort, conseiller merveilleux, Prince de la Paix », nous sauve de la tentation de toujours rechercher ce qui brille, et de nous ajuster à ce qui est en vue. La vraie lumière qui guide nos vies est une lumière cachée. Elle ne se découvre qu’à ceux qui acceptent de venir s’asseoir sur la paille avec Jésus, la paille de notre humanité en sa profonde simplicité. Car Jésus dans sa naissance très démunie, pauvre et dépouillée, vient à la rencontre de qui semble indigne à nos yeux, en nous ou chez les autres. Oui, Jésus veut nous sauver de la pensée qu’il ne peut pas rejoindre certaines parts obscures de nos vies. Dans une grande proximité, il est venu illuminer nos ténèbres, nos péchés et toutes nos incohérences. Il le fait avec une lumière douce qui ne juge pas ni n’accable. Cette lumière est source d’espérance, car elle nous assure que ce qui intéresse notre Dieu, ce ne sont pas nos réussites ou nos œuvres d’éclats, mais notre humanité toute simple, jusque dans sa petitesse parfois blessée mais toujours aimable à ses yeux.
Justice. Le Christ est encore notre Sauveur, parce qu’il est venu instaurer la justice en notre monde. Non pas une justice à la manière humaine et très nécessaire, telle qu’elle est promue par les institutions et par les lois. Non, il est notre Sauveur parce que, par sa grâce, il nous rend capable de vivre « dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice », comme l’affirme avec force Paul. Jésus nous a rachetés et purifiés de nos péchés, pour faire de nous « un peuple ardent à faire le bien ». Oui, Jésus nous sauve, non pas en nous apportant sur un plateau, un monde juste « clé en main », mais en faisant de nous des acteurs de justice pour construire ce monde meilleur tant espéré. Par sa grâce, si nous y consentons, il nous met en route. Sa naissance apparemment insignifiante pour qui vient inaugurer le Règne de Dieu, nous invite à mettre notre confiance dans la force de sa grâce. Elle est désormais ce ferment inséré dans la pâte humaine et qui ne cesse de la travailler. Face aux machinations des puissances et des injustices que nous voyons à l’œuvre sous nos yeux, dans tant de pays oppresseurs, croyons en la force de la quête humble de la justice et du don de soi. Telles sont les armes du Dieu caché. Pouvons-nous en avoir d’autres ? Là où nous sommes, écoutons l’Esprit de Dieu, laissons-nous guider pour poser des gestes, engager de nouvelles cohérences de vie et renoncer aux convoitises, sources de tant de souffrances.
Piété. Sous ce mot moins usité aujourd’hui, nous pouvons entendre une relation de qualité qui se noue avec notre Dieu. Jésus Sauveur vient restaurer notre relation filiale de confiance avec Dieu notre Père. Aujourd’hui, Lui le vivant au cœur de son Eglise vient nourrir cette relation à travers son Eucharistie et à travers la prière. Guillaume de St Thierry dans une belle prière adressée à Dieu que nous entendions la nuit précédente, disait : « Tu as voulu que nous t’aimions, car en justice nous ne pouvions être sauvés sinon en t’aimant. Et nous ne pouvions t’aimer à moins que cela ne vienne de toi ». Oui, accueillons le salut que Jésus nous offre en nous rendant capable d’aimer Celui est l’Amour. Le Seigneur nous fait partenaire à part entière de son Alliance. Ecoutons son Esprit quand il nous inspire de nous arrêter pour nous tenir dans la prière avec confiance et respect pour faire silence ou pour dialoguer avec notre Père des Cieux. Ecoutons encore l’Esprit lorsqu’il nous suggère de prendre part aux soucis de notre Dieu pour le monde, en priant pour les personnes qui sont dans la souffrance.
Frères et sœurs, ce soir, laissons le Prince de la Paix poursuivre en nous son oeuvre de salut, lui le Vivant Ressuscité dont nous allons faire mémoire en sa mort et en sa résurrection. Il désire habiter un peu plus notre maison commune que sont l’Eglise et nos communautés humaines, ainsi que notre maison plus intime. Et pour reprendre la belle prière de Ste Elisabeth de la Trinité, nous pourrons être pour Lui, une « humanité de surcroit, en laquelle il renouvelle tout son mystère ».
Année A - 4e Dim Avent - 18-12- 2022
Is 7/10-16, Rom 1/1-7 , Mt 1/18-24
Homélie du F. Cyprien
Noël est la fête de « l’Emmanuel », en hébreu littéralement : « Dieu avec nous », et saint Irénée écrit : « Dieu vu par les hommes ».
Chers fr. et srs, n’oublions pas que l’Emmanuel il est pour nous, que l’Incarnation c’est pour nous, et cette venue demande notre collaboration … pas seulement la collaboration de Marie et de Joseph. Et cette collaboration n’est pas si évidente ni facile…comme elle ne l’a pas été pour eux non plus…
Oui, il n’est pas facile ni évident d’accueillir Dieu dans sa vie
…
L’Evangile de ce jour c’est l’Annonciation, mais pour ainsi dire « du côté de Joseph »… Je parlerai moins de Marie et pourtant avec Joseph celle-ci est toute proche, évidemment…
Mais avant de parler de Joseph, j’aimerais d’abord dire deux mots de Jean-Baptiste.
Jean-Baptiste, le « précurseur », cela veut dire celui qui court devant, celui qui précède Jésus : « Il marchera devant le Seigneur avec l’esprit et la puissance d’Elie », comme cela avait été prédit à son père Zacharie.
Jean, l’ascète, exemple du détachement, « prophète… et bien plus qu’un prophète », celui qui demandait la conversion des cœurs, voué par vocation à préparer la venue du Messie de Dieu…
Eh bien, Jean a fini en prison… Il pouvait le prévoir …avec sa façon de « faire la morale », de contester les puissants.
…Quand il est en prison, il entend parler de Jésus et … apparemment Jésus ne correspond pas à l’idée qu’il s’est fait du Messie. A-t-il douté ? En tout cas sa solitude de prisonnier, ses questions ont été l’épreuve de sa vie, avant qu’il annonce, malgré lui, par sa propre mort, la mort de Jésus. Jésus l’a nommé « le plus grand des enfants des hommes », à cause de ce destin singulier, …destin rude d’annoncer le Messie, et… d’ignorer jusqu’au bout le mystère d’un Messie souffrant.
Et voici donc Joseph, saint Joseph, l’homme dont Marie était la promise, le fiancé et le mari qui a adopté le Fils de Dieu, : « Avant d’avoir habité ensemble, Marie fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint ».
Joseph, l’homme juste, … Il a eu lui aussi son moment de solitude. Le Dieu d’Israël lui demandait tout… Issu de la race de David il donnait, c’est sûr, une place à l’enfant que Marie portait : par lui cet enfant devenait fils de David; Dieu avait besoin de lui, besoin de son consentement. Qui obéirait facilement à un tel appel ?
Solitude et épreuve de Joseph… Aimant Marie il a donné à celle-ci le meilleur de lui-même, parce que Dieu était venu bousculer radicalement sa vie …
Apprendre nous aussi que Dieu peut nous surprendre, nous bousculer, semblant nous laisser seuls avec nous-mêmes ? Il permettrait ainsi de se manifester un peu mieux à nous… nous demandant d’être de meilleurs disciples ? Ces moments de solitude et de doute sont peut-être les moments où Dieu va se faire plus proche de nous, malgré le désarroi…le doute.
Nous savons que la peur, le doute sont de mauvais conseillers … Mais nous pouvons avoir aussi le sentiment que des anges se glissent parfois dans nos vies pour nous aider à franchir ces seuils, ces épreuves que nous aimerions tant éviter ?
A trois jours de Noël, n’oublions pas non plus que le nouveau-né de la crèche, cet enfant vient nous sauver du mal, de la haine, du péché… et qu’il en mourra ! Pour cette naissance, dans la nuit de Noël, nous célébrerons par l’Eucharistie la passion, la mort et la résurrection de cet enfant Jésus, le Christ, notre Sauveur.
N’ayons pas peur d’avoir, dans notre vie et dans notre prière, des moments de solitude : vivons-les en présence du Dieu qui vient et qui est toujours là… ce sera toujours pour une plus grande foi de notre part, une plus grande confiance, une plus grande paix. Dieu en Jésus s’est attaché à nous et c’est lui qui en a payé le prix fort.
Que Marie, celle qui a été comblée par Dieu, que Joseph, si proche d’elle, soient nos guides sur ce chemin : le Seigneur peut nous dérouter, nous bousculer, mais c’est pour nous combler qu’il permet cela.
Déjà à vous tous : Bonne fête de Noël !
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Année A - 3e dimanche de l’Avent – 11 décembre 2022
Is 35, 1-6a.10 / Jc 5, 7-10 / Mt 11, 2-11
Homélie du f. Hubert
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » - Qui est Jésus ? - Voilà bien la grande question.
Gardons-nous d’une réponse trop rapide, d’enfermer Jésus dans des mots, même ceux de la foi, si justes soient-ils. Son mystère dépasse toute compréhension. - Ne cessons pas de chercher qui est Jésus. - Il est venu parmi nous pour se révéler à nous, pour nous révéler le visage de son Père, nous révéler le vrai Dieu, le Dieu vivant, le Dieu qui donne la vie. - Demandons-lui la grâce de le connaître. - Demandons-lui : « Qui es-tu ? ». Ne cessons pas de scruter l’Evangile et les Ecritures, dans l’Esprit Saint, pour le connaître avec plus de justesse, et de marcher dans la voie où lui-même a marché, pour le connaître par connaturalité.
Ecoutons l’évangile de st Matthieu que nous allons entendre tout au long de cette année : dans cet évangile, l’ange du Seigneur annonçant la naissance de Jésus à Joseph le nomme comme celui « qui sauvera son peuple de ses péchés ». - Déjà dans cette formule, Jésus est celui qui sauve, non celui qui détruit. -Il détruit les péchés, il sauve le peuple, son peuple, le peuple de ses frères abîmés par le péché. « Au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer », disait Dieu dans la bouche du prophète Osée.
Petit bébé fragile et dépendant, Jésus est confronté à la violence des hommes, à la violence du monde, il doit fuir en Egypte dans les bras de ses parents, pour être à l’abri de la jalousie destructrice d’Hérode. - De retour en Israël, il vit toute sa jeunesse incognito, caché à Nazareth de Galilée.
Si Jean Baptiste le reconnait au Jourdain : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! », il l’attendait comme le Messie qui allait tout remettre en ordre, faire le tri parmi les hommes, entre bons et méchants, nettoyer son aire à battre le blé avec la pelle à vanner. Jean est bien dans la ligne de son prédécesseur Elie qui voulait exterminer tous les prêtres et les adorateurs de faux-dieux.
Jésus, lui, continue son chemin comme il l’a commencé :
il est doux et humble de cœur (Mt 11, 19), il n’écrase pas le roseau froissé, n’éteint pas la mèche faiblit » (Mt 12, 20). Il pardonne les péchés, appelle à le suivre le publicain Matthieu, guérit le serviteur d’un centurion de l’armée d’occupation. - Il n’est pas venu détruire les pécheurs. Il est venu prendre leur place pour qu’ils accèdent à la vie divine.
« C’est ainsi qu’il doit accomplir toute justice » (Mt 3, 15).
Cette manière d’être et d’agir surprend le Baptiste et le trouble jusqu’à se demander si Jésus est vraiment celui qui doit venir. « Faut-il en attendre un autre ? »
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« Rapportez à Jean ce que vous entendez et voyez », répond Jésus aux émissaires de Jean. Il ne s’agit pas d’idées mais du concret de la vie :
« Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. »
Jésus remet debout, réconcilie, réintègre les exclus.
« Le Royaume des cieux s’est approché » (Mt 4, 17).
Il est l’Emmanuel (Mt 1, 23), Dieu avec nous, pour que nous soyons avec Dieu.
Oui, Jésus est bien « celui qui doit venir », mais il vient comme le Serviteur, ce Serviteur annoncé par Isaïe, que Jean ne semble pas avoir eu en vue : « Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes » (Isaïe 53). - Jésus inaugure par sa présence même un monde nouveau, le Royaume des cieux. - C’est bien pourquoi, le plus petit dans le Royaume est plus grand que Jean. - Dans le Royaume, tout être est bien plus que le plus grand des prophètes : il est fils de Dieu, uni au Fils unique. Les temps sont accomplis.
Qui est Jésus ? Qui est Jean Baptiste ? Qui sommes-nous ?
Nous pouvons trouver une réponse, qui est un chemin, dans l’hymne de la lettre aux Ephésiens : « Qu’il soit béni le Dieu et Père de notre Seigneur, Jésus, le Christ ! Il nous a bénis. Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs, par Jésus, le Christ. En lui, par son sang, nous avons le rachat le pardon des péchés. » - Oui, nous espérons être sauvés par le Christ, nous espérons voir Dieu, nous espérons marcher à la suite de l’Agneau, ressusciter avec le Premier-Né d’entre les morts. - Soyons disciples du Christ en prenant soin des autres pour qu’ils vivent : alors nous ferons advenir le Royaume des cieux, nous rendrons présent Celui qui toujours advient.
Fête du Christ Roi C; 20 novembre 2022
2 Samuel 5, 1-3 / ps 121 ;Colossiens 1, 12-20; Luc 23, 35-43
Homélie du F.Basile
Frères et soeurs, à quoi pensait le bon larron quand il s’est retourné vers le Christ en disant ou plutôt en criant : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ! » A quoi pensait-il ? N’essayait-il pas de se racheter en jouant la carte de la dernière chance ? On pourrait croire qu’il exagère et que c’est un peu facile quand on est condamné d’obtenir ainsi une place gratuite dans le Royaume. Mais alors pourquoi cet homme nous est-il si proche au point de vouloir nous glisser derrière lui et faire nôtre sa prière et son cri.
Est-ce si facile que cela ? Regardons les choses en face : les 3 condamnés vont mourir, Jésus comme les autres, et ce dernier apparaît totalement incapable de sauver les autres comme de se sauver lui-même : c’est pour cela qu’on se moque de lui et pas n’importe qui : les chefs du peuple qui l’ont fait condamner. Alors surgit cette parole d’un des 2 malfaiteurs en réponse à l’autre qui se moque aussi : « Mais lui, il n’a rien fait de mal » et voilà qu’il se tourne vers Jésus dans un acte de foi étonnant : lui seul a su le reconnaître dans sa royauté véritable. Et nous alors ?
Si l’on m’avait demandé de choisir un texte d’Evangile pour mettre en lumière la royauté du Christ, je n’aurais pas pensé à cette prière du bon larron à Jésus en croix. J’aurais pris spontanément la parole du Christ ressuscité, vainqueur de la mort et disant à ses disciples : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Et ce pouvoir, je vous le donne : Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les… » Au moins, c’est clair, nous savons qui est notre maître, notre roi ; nous sommes prêts à nous battre pour lui. Hélas, vous le savez, c’est en s’appuyant sur cette parole que l’on a évangélisé et baptisé à tour de bras, au mépris bien souvent de la liberté religieuse et du respect de la conscience de chacun. Des accents de croisade, refusés bien sûr aujourd’hui. Mais comme c’est difficile de comprendre, d’harmoniser, de ne pas déformer les paroles de Jésus.
C’est normal que le choix de cet évangile nous étonne, en présentant Jésus comme un roi crucifié et impuissant, mais il peut susciter en nous de vraies questions sur notre foi : à quoi pensons-nous quand nous parlons de la Royauté du Christ sur le monde ?
Bien vite nous risquons de faire l’amalgame : règne du Christ, règne des chrétiens ou du christianisme sur l’ensemble de l’humanité ; et nous avons rêvé d’une Eglise toujours plus influente : un aspect de triomphalisme qui nous habite tous, plus ou moins, et qui était très marqué à l’époque où cette fête du Christ Roi a été instituée par le pape Pie XI, il y a presque 100 ans. Il suffit qu’aujourd’hui tout s’effondre avec une baisse d’influence de l’Eglise sur la société, une baisse de la pratique religieuse et des vocations presbytérales, et nous voilà désemparés : nous avons l’impression que la foi est touchée, comme si Dieu n’était plus avec nous.
Réagir ainsi serait méconnaître le fondement de notre foi qui est Jésus Christ, mort et ressuscité, méconnaître l’Evangile, parole de salut et de sens pour le monde d’aujourd’hui. La tentation du pouvoir demeure grande chez les chrétiens alors que le Christ n’est pas venu pour dominer le monde, mais pour le servir ; sa royauté, c’est-à-dire là où il est le plus grand, est celle de l’humilité, de l’amour et du pardon.
Avons-nous compris que son Royaume est caché : « Ma royauté n’est pas de ce monde » ; notre Dieu est caché. Oui, Jésus vient le révéler, mais pas du tout comme on l’attendait, car il met tout à l’envers.
En effet tous les textes de la Bible, les prophètes et les psaumes annoncent le Christ comme le Messie, le Fils de David, le Roi, celui que les Juifs attendent encore. Vous l’avez entendu dans les moqueries des chefs et des soldats : « Qu’il se sauve lui-même s’il est le Messie de Dieu, l’Elu, le roi des Juifs ! » Or vous voyez bien qu’il n’est rien de tout cela : il est impuissant, crucifié, entouré par 2 bandits. Dieu n’est jamais là où l’on pense le trouver ; il est là où il ne devrait pas être.
Un seul a reconnu Jésus avant sa mort sur la croix, et c’est un malfaiteur, un seul a proclamé son innocence, un seul a reconnu, en dépit des apparences, le Royaume dont il avait parlé si souvent. Nous sommes là en plein évangile de de la grâce et du salut de Dieu ; Jésus ne cesse pas d’offrir l’accueil et le pardon de Dieu à tous les rejetés, à tous les exclus, au pire des criminels, dès lors qu’il se retourne vers Celui qui l’attend : cela ne se passe pas dans un palais ou même dans une église, cela se passe sur une croix dans le dénuement le plus absolu, dernière parole échangée entre 2 crucifiés : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ! » Voilà la royauté du Christ, le pouvoir de l’amour plus fort que la dérision, la violence ou la mort !
Dans son roman « Crime et châtiment », l’écrivain russe Dostoievski qui a lui-même connu le bagne, montre bien jusqu’où peut aller la compassion du Christ : un pauvre homme se lève dans un café et récite le Notre Père, puis devant ceux qui se moquent de lui parce qu’il vient de boire l’argent gagné par sa fille qu’il a envoyé se prostituer, il pense à Dieu qui le jugera et il s’écrie : « Oui, Dieu nous dira alors : viens, je te pardonne et nous entendrons sa parole : Approchez, vous aussi, les débauchés, les impudiques, vous qui avez l’aspect de la bête, venez aussi. Tous, nous avancerons et il nous ouvrira ses bras, et nous nous y précipiterons. Alors nous comprendrons tout. »
« En vérité, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Frères et sœurs, faut-il attendre l’extrême détresse, le fond de la désespérance pour entendre cette parole ? Non, elle nous est donnée pour la vie de chaque jour, « aujourd’hui » nous dit Jésus et puis ce petit mot « avec moi » est à prendre à la lettre : dans le Royaume, on n’est pas sous le Christ, dominé par lui, mais avec le Christ. St Ambroise dit très bien cela : « La vie chrétienne consiste à être avec le Christ : où est le Christ, là est le Royaume. » Le Royaume, il est déjà là, en nous ; il s’agit de le reconnaître. Il est là chaque fois qu’au nom de Jésus nous choisissons d’aimer, de pardonner, de nous faire confiance, de nous ouvrir à la détresse des autres, de nous mettre au service des plus petits. « Jésus, souviens-toi de nous : vienne ton Royaume aujourd’hui ! »
Année C – 33° dim. du Temps Ordinaire – 13 novembre 2022
Mal 3 19-20 ; Ps 97 ; 2°Thess 3 7-12 ; Luc 21 5-19 ;
Homélie du F. Damase
Les textes bibliques de ce dimanche sont un appel à l’espérance.
Malachie écrit, il y a qq 2 500 ans, pour des croyants qui ne savent plus très bien où ils en sont. Tout le monde a l’air de perdre la foi, y compris les prêtres de Jérusalem. On en vient à se demander où est Dieu. Que fait-il ? Pourquoi ne fait-il rien contre ceux qui se vautrent dans la corruption ? Ces questions sont aussi celles des croyants d’aujourd’hui. Pourquoi cette guerre en Ukraine ? Pourquoi ces prises d’otages dans le Sahel ? Pourquoi cette violence contre les immigrés ? Pourquoi la misère des vieillards ?
Mais Dieu annonce une bonne nouvelle : le mal n’a pas le dernier mot. Les croyants ne doivent pas désespérer. Malachie rappelle que le projet de Dieu d’instaurer la justice progresse. Le jour du Seigneur vient. Le croyant attend impatiemment sa venue. Dieu est Père. L’annonce de la venue du jour du Seigneur est une bonne nouvelle. Le prophète nous précise que ce jour « brûlant comme une fournaise » n’est pas une menace. C’est au contraire une manière de dire l’amour passionné de Dieu pour l’humanité. C’est une invitation à nous exposer tout entier au « soleil de son amour ».
Encore une fois, nous n’avons rien à craindre du jour du Seigneur. C’est de cette espérance que nous avons à vivre et à témoigner dans le monde d’aujourd’hui. Notre Dieu n’abandonne jamais ceux qui se confient à lui. Il est leur force, leur courage, leur soutien jusqu’au bout.
L’Evangile d’aujourd’hui a été écrit pour des chrétiens persécutés à cause de leur foi au Christ. Luc veut les ramener à l’essentiel : « Ne vous laissez pas égarer par les prophètes de malheur… ne marchez pas derrière eux… Ces gens ne parlent pas au nom de Dieu. Ils ne représentent qu’eux-mêmes. Il ne faut pas chercher le Christ dans ce qui affole, ni dans ce qui dramatise l’histoire. Nous le reconnaîtrons dans la paix qu’il donne au milieu des épreuves. Quand tout va mal, il est celui qui donne le courage de vivre et de travailler à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel.
Et pourtant, certaines paroles du Christ ont de quoi faire peur. Il avertit les siens qu’ils seront détestés de tous. Mais si nous regardons les évangiles de plus près, nous voyons bien que lui-même a été détesté. Nous aussi, il nous arrive d’être critiqué à cause de notre foi et de l’amour que nous avons pour le Seigneur et pour les autres. L’Eglise est souvent tournée en dérision.
Les lectures de ce dimanche visent donc à réveiller notre foi. Trop souvent, nous ne voyons que ce qui va mal. On se lamente mais on ne bouge pas. Le Christ nous invite à vivre une vie digne de l’alliance dans laquelle nous sommes engagés. Quand nous regardons vers la croix, nous comprenons que Jésus s’est donné entièrement et jusqu’au bout. C’est sur cette route que nous sommes invités à le suivre. Certes, les épreuves seront au rendez-vous. Mais ceux qui les endureront au nom du Christ seront sauvés. C’est là que le Seigneur nous attend pour témoigner de l’espérance qui nous anime. Inutile de chercher les mots : Le Seigneur lui-même s’en charge. Si Jésus nous envoie son Esprit Saint, c’est pour que nous puissions témoigner de la foi et de l’espérance qui nous animent.
En ce dimanche, nous sommes venus vers le Seigneur. Nous voulons l’accueillir et lui donner la première place dans notre vie. C’est avec lui que nous pourrons travailler à la construction d’un monde plus humain, élargir nos cœurs aux dimensions du sien.
Que par notre prière, nos paroles et notre solidarité, nous soyons de vrais témoins de l’espérance qui nous anime.
630 mots
Année C - 32ème DIM DU TEMPS ORDINAIRE -
(6 novembre 2022)
2 Macc. 7,1-14 ; 2 Thess. 2,16-3,5 ; Luc 20, 27-38
Homélie du F.Guillaume
Frères et sœurs
Les textes de l’Ecriture que nous venons d’entendre, celui de l’A.T. et le passage de l’Evangile de St Luc nous placent clairement devant la question de la résurrection des morts, la résurrection des corps. Ils doivent nous interpeller : y croyons-nous aussi ? C’est une question fondamentale pour quiconque se déclare chrétien, question qui interroge notre présence ici et maintenant dans cette église, à cette messe.
L’apôtre Paul dans une lettre aux corinthiens rappelait à ces derniers, car certains avaient des doutes : « S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité, et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi. Votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés »
La question est donc grave : il en va de notre foi, de la sincérité et de la vérité de notre parole de croyant, de baptisé.
En 1ère lecture, nous avons entendu ce récit du martyre d’une famille entière au temps d’une grande persécution contre les juifs qui se voulaient fidèles à la Loi de Dieu, à son Alliance avec son peuple. Le texte peut être daté du 2ème siècle avant notre ère. Il est l’un des tout derniers de l’A.T. et pourtant, il est un des premiers si ce n’est le premier de toute la Bible où s’affirme clairement l’espérance d’une résurrection personnelle des morts.
Au temps de Jésus, tous ne partageaient pas cette croyance. L’un des courants juifs les plus influents, le parti des Sadducéens s’y opposait, de même qu’il niait l’existence des anges, en argumentant que ces réalités n’étaient pas mentionnées dans les 5 premiers livres de la Thorah. Les pharisiens, y croyaient, eux. Ils constituaient un autre parti, dont Jésus était proche, tout comme St Paul qui en avait été membre avant sa conversion.
L’Evangile nous présente ainsi un débat, où les sadducéens cherchent à tendre un piège à Jésus avec un cas d’école caricatural, invraisemblable même, qu’ils appuient sur une fausse interprétation des Ecritures.
En réalité, l’enjeu du débat se trouve dans la distinction que fait Jésus et que ne font pas ses adversaires, entre 2 mondes de nature différentes. Le premier est celui que nous connaissons bien : le terrestre, le visible, tangible et actuel, le second, lui est à venir, c’est le monde de la Résurrection. Entre les deux il y a la mort physique et corporelle, point de passage obligé, et lieu à la fois de rupture et de continuité.
Pour les sadducéens, s’il y avait une résurrection, elle serait comme une prolongation ou une restauration de nos existences de ce monde ci ; elle serait marquée par la nécessité du mariage et de la procréation pour perdurer.
Pour Jésus en revanche, le passage entre les deux mondes est une vraie rupture avec l’établissement d’une création nouvelle, mais cependant dans une continuité de vie, une vie assurée par Dieu lui-même : le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob qui n’est pas un Dieu des morts, mais des Vivants.
Ainsi, sommes-nous invités à bien distinguer dans la réalité de toute mort, la nôtre inéluctable comme dans celle d’un proche, d’un être particulièrement cher, à bien distinguer ce qui relève de la rupture et ce qui appartient à la continuité de la vie. La difficulté provient que nous avons du mal à nous représenter ce monde de la Résurrection et de la Vie Eternelle, où nous serons semblables aux anges. Alors même que nous y sommes déjà entrés par le baptême et la vie chrétienne dans l’Esprit. Car la vie éternelle, nous dit Jésus dans le IV° évangile, c’est de connaître Dieu et Celui qu’Il a envoyé dans le monde. En cela nous sommes déjà participants de la réalité du monde de la Résurrection, même si c’est d’une façon inachevée.
Saint Paul dans sa lettre aux corinthiens s’avance un peu plus dans la description de cette nouvelle création. Il distingue des corps spirituels des corps charnels. Par ailleurs, les récits des apparitions de Jésus Ressuscité en finales des évangiles nous révèlent des traits du corps glorieux de Jésus, portant les marques de sa Passion et qui se fait reconnaître à travers des relations retrouvées, des marches, des repas, des échanges de paroles.
Car la continuité de la vie dans ce monde de la Résurrection sera essentiellement fondée sur nos expériences relationnelles.
Et si nous professons dans le Credo : j’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir ou je crois à la résurrection de la chair, il faudrait tout aussi bien affirmer : je crois à la résurrection des relations, de ces relations heureuses ou douloureuses que j’ai entretenues sur terre, et que je retrouverai, transfigurées dans la lumière de la Gloire de Notre Père du Ciel. Et cela, quelle que soit, après tout, la consistance de ces corps spirituels et glorieux où nous ressusciterons.
Ainsi approchés et interprétés, les textes de la liturgie de ce dimanche sont des appels à l’espérance, à la grande et joyeuse espérance que nous désignerons tout à l’heure avant de communier, nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus-Christ, Notre Sauveur.
Espérance de la vie éternelle, de la vie dans l’Esprit Saint avec le don de l’amour répandu dans nos cœurs, à jamais.
J’aimerais achever cette méditation par une phrase très belle de Saint Augustin qui fut un grand maître dans le domaine des relations humaines et spirituelles, à propos de la perte d’un être cher :
« on ne peut perdre celui qu’on aime, si on l’aime en Celui qu’on ne peut pas perdre »
TOUSSAINT 2022
Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
Frères et sœurs,
Sur fond de menaces de guerre généralisée qui confinerait à la folie et qui entrainerait un désastre pour l’avenir de l’humanité, comment entendre ces paroles de Jésus, les béatitudes ? Par leur caractère plein d’humanité et d’espérance veulent-elles nous endormir ou nous bercer dans un rêve doux et paisible ? Ou alors, veulent-elles nous dire quelque chose de fort et de profond pour affronter ce temps de crise ?
En effet, on a peut-être trop tendance à entendre ces paroles de Jésus en privilégiant celles qui nous semblent plus acceptables, et qui font entrer dans une dynamique spirituelle : heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, les artisans de paix, les miséricordieux…. Mais on laisse en second plan, voire on oublie les autres : heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui ont faim et soif de justice, les persécutés pour la justice, heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, si l’on dit toute sorte de mal contre vous à cause de moi…. Ces béatitudes sont plus difficiles à entendre. Elles nous dérangent. Nous préférons les oublier si nous ne sommes pas affrontés à ces oppositions ou difficultés. Nous ne voulons pas trop de ce bonheur-là. Mais ne risque-t-on pas alors de passer à côté de la compréhension profonde de ces paroles de feu ? En effet, ces dernières béatitudes, plus rugueuses, et qui achèvent les paroles de Jésus, ne sont-elles pas celles qui donnent le ton à l’ensemble ? Les béatitudes ne s’entendent peut-être vraiment bien que si l’on a en arrière fond l’ensemble de la vie et de prédication de Jésus, puis après lui celle des premiers chrétiens à qui écrit l’évangéliste Matthieu, qui ont dû faire face à la contradiction, une contradiction qui peut conduire à la mort. C’est sur ce fond d’opposition et de persécutions, que Jésus propose les béatitudes, comme pour nous suggérer que là se révèle plus profondément la voie du bonheur. Se faisant, fait-il autre chose que d’offrir les repères de son propre bonheur, de Fils du Père ? Face aux contradictions, il est resté pauvre de cœur, sans répondre ; il a été doux en refusant l’usage de la force, il a été miséricordieux vis-à-vis de ceux qui l’on abandonné…. Il a fait œuvre de paix. Il a pleuré sur Jérusalem endurcie. Jésus a fait l’expérience d’un bonheur en creux, non accompli…qui l’a tenu tout entier, tourné en espérance vers son Père jusque sur la croix. Sans se départir de l’amour pour les hommes, les mains vides et impuissantes, le cœur orienté vers son Père, Jésus a ouvert ce chemin de bonheur qui a trouvé toute son expression dans sa résurrection des morts. Avec elle, le Royaume est désormais ouvert à tous ceux qui le suivent.
Frères et sœurs, en ce temps de crise, les béatitudes peuvent nous conforter, nous chrétiens. Elles nous entrainent à mener le bon combat, celui de la foi, de l’espérance et de la charité. Le combat de la foi : nous croyons que Jésus, l’Agneau, est vainqueur du mal et toute ces tendances mortifères qui traversent nos sociétés, notre humanité, et notre propre cœur. Nous croyons qu’Il nous délivre des emprises du mal. Le combat de l’espérance : face à notre monde fini, face à la mort, nous croyons que nous, pèlerins sur cette terre, nous gagnerons un jour la patrie céleste, comme nous le prierons en fin de célébration. Le Dieu de la vie nous prendra dans sa Gloire. Nous tendons aves cette plénitude du bonheur. Le combat de la charité. En ces temps où nous menace le découragement face à notre impuissance devant les graves dangers qui nous menacent, il nous faut mener le combat de la charité. Alors qu’est grand le danger du repli sur soi, sur son petit pré carré, en quête de sécurité et de bienêtre, il nous faut lutter pour demeurer ouvert, accueillant aux autres. Ne nous laissons pas gagner par la désillusion…ou l’égoïsme. La douceur, la paix, la miséricorde, la justice attendent des ouvriers qui fassent entrevoir que l’absurdité n’est pas le dernier mot de notre réalité humaine. Comme le Christ, avec Lui, en Lui, par Lui, aimons. Le monde a besoin de cette modeste mais nécessaire lumière que tous nous pouvons offrir là où nous sommes.
Année C – 31° dim. du Temps Ordinaire – 30 octobre 2022
Sg 11.23 – 2.2 ; 2 Thess 1.11-2.2 ; Luc 19 1-10 ;
Homélie de Mgr Louis Portella
Le passage d’Evangile que nous venons d’entendre nous présente, en quelque sorte, l’itinéraire d’une conversion, celle de Zachée.
Zachée, nous dit l’évangéliste Luc, voulait voir Jésus. Etait-ce une simple curiosité qui l’a poussé à monter sur un sycomore ? On ne le pense pas. En effet, c’est plutôt qu’il a pris conscience, en tant que publicain, collecteur d’impôt, de taxes, du tort qu’il a causé à ses contemporains par les multiples taxes qu’il leur imposait, qu’il percevait d’eux et qui l’ont rendu riche. Il était certainement intérieurement tourmenté et cherchait comment changer sa vie, comment réparer ses torts. Bref, il était prêt à se convertir.
C’est ce cheminement intérieur que Jésus a certainement perçu et qui l’a amené à vouloir aller demeurer dans la maison de Zachée, lui offrant ainsi la possibilité d’aller jusqu’au bout de sa conversion en prenant les décisions qui allaient bouleverser sa vie, à savoir :
- Donner la moitié de ses biens aux pauvres.
- Rendre le quadruple de ce qu’il a extorqué chez ceux qu’il a lésés dans les perceptions des taxes
C’est l’occasion de noter la différence entre l’attitude des hommes et celle de Dieu, à l’égard de Zachée. Pour les gens, Zachée, en tant que publicain, était catalogué comme un « pécheur ». C’est d’ailleurs, pour quoi ils ont murmuré, nous dit l’évangéliste Luc, en disant que Jésus était allé chez un homme pécheur. Car selon la tradition, on ne fréquente pas les pécheurs, on ne leur parle pas non plus.
L’attitude de Dieu est totalement différente : en effet, comme nous l’a dit l’auteur de la Sagesse, « Dieu a pitié de tous les hommes, il ferme les yeux sur leurs péchés pour qu’ils se convertissent ».
Nous sommes ainsi tous appelés à nous rendre compte de « la mesure de la miséricorde divine » qui, paradoxalement, est sans « sans meure ». Car au lieu de classer les pécheurs dans telle ou telle catégorie, Il invite plutôt chaque pécheur à reconnaître ses péchés et à se convertir, nous dit le livre de la Sagesse. C’est bien ainsi que Jésus se comporte, au nom de son Père, quand il déclare, après être allé chez Zachée, : « le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19.10).
Un autre aspect de la miséricorde divine qui doit être souligné, c’est la patience.
Il y a souvent, de la part des hommes que nous sommes, des réactions de découragement ou même de désespoir, devant un mauvais comportement qui dure indéfiniment.
Mais l’auteur du livre de la Sagesse, qui s’adresse à Dieu, lui reconnait cette patience en ces termes :
« Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis et leur rappelles en quoi ils pêchent, pour qu’ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur » (Sg 12.2)
Enfin, ce qui mérite d’être souligné, c’est que le cheminement intérieur de Zachée ne s’est pas réduit à de simples sentiments de regrets, il a abouti à des décisions bien concrètes et surtout mises en œuvre, qui ont bouleversé le cours de sa vie.
C’est à cela, en fait, que chaque conversion devrait aboutir. Il s’agit, pour nous, dans la dynamique de notre conversion de devenir des hommes nouveaux qui soient de vrais disciples du Seigneur, non pas de simples déclarations, mais surtout par le témoignage de leur vie effectivement transformée, comme celle de Zachée.
Que le Seigneur nous accorde la grâce d’une conversion sincère et profonde, à l’exemple de Zachée, conversion qui se traduit par une nouvelle manière d’être, d’agir, bref de vivre.
C’est ainsi que le Fils de l’Homme viendra en nous : chercher et sauver ce qui est perdu. Amen
Année C - 30 dimanche du Tps Ordinaire - 23 octobre 2022
Homélie du F.Hubert
« J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.
Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice. »
Quelle différence y a-t-il entre ces paroles de Paul et celles du pharisien :
« ‘Mon Dieu, je te rends grâce…
Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » ?
L’un comme l’autre n’attendent-ils pas de Dieu d’être récompensés du fruit de leurs œuvres ?
« J’ai mené le bon combat. » « Je jeûne deux fois par semaine »…
Je, je, je ?
Oui, mais le « je » de Paul est entièrement tourné vers le Christ,
celui du pharisien totalement recroquevillé sur lui-même.
Vous avez remarqué que j’ai sauté une phrase du pharisien. Elle est terrible…
« Je ne suis pas comme les autres hommes…
– ils sont voleurs, injustes, adultères –,ou encore comme ce publicain. »
« Pas comme les autres hommes » :
C’est le contraire exact de ce que dit Dieu, de ce qu’a fait Dieu :
« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, devenant semblable aux hommes. »
Notre pharisien, non seulement se compare aux autres, mais il accuse :
« les autres sont voleurs, injustes, adultères »
et il ajoute encore : « je ne suis pas comme ce publicain. »,
ce publicain qui ne lui a rien fait, et qui, loin de l’accuser, s’accuse lui-même.
« Personne n'est venu accuser le pharisien pour l'obliger à se dire innocent, écrit le père Beauchamp :
à l'inverse, il se fait lui-même accusateur
et ce n'est pas pour riposter à. une attaque ni pour se défendre ».
Il rejoint l’ « Accusateur », qui n’est rien d’autre que le « Satan »,
celui que l'Apocalypse appellera « l'accusateur de nos frères,
celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu » (Ap 12, 10).
Ce pharisien est convaincu de sa propre justice
et de l’injustice des autres et se fait donc leur accusateur.
Il est dans l’erreur : dans le jugement favorable qu’il porte sur lui-même,
et dans le jugement accusateur qu’il porte sur les autres.
Paul était pharisien, convaincu de sa propre justice,
et ne supportait pas ceux qu’il considérait infidèles à la Loi :
« Je suis Hébreu, fils d’Hébreux, pharisien fils de pharisiens,…
devenu irréprochable quant à la justice que donne la Loi. » (Ph 3, 4-6)
« J’étais jaloux de la loi de mes pères, et je persécutais l’Eglise de Dieu avec frénésie ».
Jusqu’au jour où le Christ s’est révélé à lui et lui a révélé sa miséricorde :
le don gratuit de Dieu, qui dépasse toutes nos fidélités
et engloutit toutes nos infidélités.
Face au don gratuit de Dieu qui se donne lui-même dans le Christ crucifié par nos fautes,
Paul a compris l’inanité d’une justice venant de ses propres œuvres,
et son indignité absolue à recevoir le don de Dieu, qui n’est autre que Dieu lui-même.
Paul en est converti :
« Dieu m’a appelé par sa grâce et a jugé bon de révéler en moi son Fils ».
Alors, il peut dire :
« Je ne me juge même pas moi-même.
Ma conscience ne me reproche rien, mais ce n’est pas pour cela que je suis juste :
celui qui me soumet au jugement, c’est le Seigneur. » 1 Co 4, 3
« Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés,
nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ :
c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. » Ep 2, 4
Aujourd’hui, notre Eglise de France est blessée par le comportement de certains de ses pasteurs.
C’est toute l’Église de France qui est sous la stupéfaction et la colère. Et dans une grande tristesse.
Il est fondamental que vérité et justice soit faites.
Il nous faut reconnaître non seulement nos péchés personnels,
mais aussi nos péchés de corps social, de corps ecclésial.
Ne quittons pas le bateau en croyant que nous sommes justes et que le péché est hors de nous.
Gardons-nous de mépriser les autres,
de tuer les autres, par nos jugements, nos paroles ou nos actes.
Gardons-nous d’être accusateurs.
Il n’y a qu’une seule humanité, aimée de Dieu ; il n’y a qu’un seul peuple de Dieu.
Tous, nous sommes pécheurs, tous, nous sommes sauvés par le Christ.
Le Christ a fait corps avec nous : faisons corps les uns avec les autres, dans l’Eglise, dans l’humanité.
« Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance, écrit Paul aux Romains,
pour faire à tous miséricorde. » Rm 11, 32
Implorons la grâce de marcher dans la justice et la vérité, la miséricorde et la fidélité.
Ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu.
Ne fermons pas nos cœurs, ne fermons pas nos yeux.
Implorons le Christ de nous sauver du mal,
implorons l’Esprit Saint pour pratiquer et la justice et la miséricorde.
Demandons la grâce de la conversion
pour que « la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout
et que toutes les nations l’entendent. »