Homélies
Liste des Homélies
Année A - 26° Dimanche ord - 1° octobre 2023
Ezékiel 18, 25-28 / ps 24 ; Philippiens 2, 1-11; Matthieu 21, 28-32
Homélie de F. Basile
Frères et Soeurs, avez-vous bien entendu cette parole de Jésus, qui renverse toutes nos échelles de valeur et de bonne conduite : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » Et à qui Jésus adresse-t-il cette parole ? Aux grands prêtres, à des gens qui se pensent irréprochables, à ceux qui savent ou croient savoir la Loi de Dieu : ils savent, mais ils ne font pas.
C’est à nous aujourd’hui de comprendre le sens de la petite histoire qui précède : « Un homme avait 2 fils » Cela ne vous rappelle-t-il pas une autre histoire, la parabole du fils prodigue dans l’évangile de Luc. Deux histoires différentes, mais que l’on peut rapprocher. « Un homme avait 2 fils » L’un refuse de vivre à la maison, il part, et puis quand il n’a plus d’argent, il se repent et revient vers son père ; l’autre est resté, apparemment il a dit oui, mais par devoir, et quand son frère revient, il n’admet pas qu’on lui donne la préférence.
Dans l’histoire rapportée par Matthieu, il se passe moins de choses, mais cela tourne autour d’un Oui et d’un Non avec la question : quel est celui des 2 fils qui a vraiment fait la volonté du Père ? Au départ, c’est bien un père qui dit « Mon enfant » ; ce n’est pas un patron qui donne des ordres, c’est un père qui invite : une fois de plus le Dieu de la Bible respecte infiniment la liberté de l’homme, il la sollicite ; et puis il prend patience. L’Evangile continue : « ensuite, s’étant repenti » ; entre le refus et la repentance, il peut se passer quelques heures
ou même quelques années pour que le Non se change en un vrai Oui.
Que veut dire « Travailler à la vigne » ? C’est une image symbolique, que nous trouvons souvent dans l’Evangile comme dimanche dernier, et nous l’aurons encore dimanche prochain ; elle exprime le travail de nos vies dans la maison de Dieu, dans l’Eglise aujourd’hui ; il s’agit de vivre nos vies d’homme et de femme, quels que soient notre situation, notre âge, nos engagements, à la lumière de la Parole de Dieu. Travailler à la vigne, c’est faire la volonté du Père à la suite du Christ qui s’est fait serviteur ; travailler à la vigne, c’est aussi croire à la Parole.
Cette expression revient ici 3 fois. Ce qui est reproché aux pharisiens, c’est de n’avoir pas cru à la parole de Jean Baptiste, alors que les publicains et les prostitués y ont cru. Cela nous dit bien que l’Evangile n’est pas un code de conduite, il n’est pas une morale, pour savoir ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qui est bien et ce qui est mal. L’Evangile, c’est une parole de vie, adressée à chacun. Se convertir à l’Evangile, c’est avant tout croire à la parole de Jésus, à la parole d’un Dieu qui veut faire alliance avec chacun de nous.
Ne pourrait-on pas dire que dans le mariage, c’est aussi ce qui se passe ? S’engager librement dans une alliance, c’est croire à la parole de l’autre. Et croire, ce n’est jamais évident. Il y a des jours où l’on ne sait plus très bien, mais la fidélité de l’amour demande de passer par là. On apprend jour après jour à dire Oui à l’autre.
Jésus nous questionne sur notre manière de dire Oui, un Oui qui vienne du cœur, où notre liberté s’engage, et non pas un Oui forcé, parce que si je dis Non, je vais me faire disputer. Et croire, ce n’est pas seulement dire, mais faire, le traduire dans les actes. Malgré leur vie de péché, malgré leur passé très lourd, les publicains et les prostituées ont su entendre l’appel de Dieu, revenir à lui et lui dire Oui avec leur cœur, alors que les pharisiens n’ont qu’un oui de façade : ils disent, mais ne font pas. Et nous, de quel côté sommes-nous ?
Je crois que nous pouvons nous reconnaître dans les 2 fils. Parfois nous disons Oui, parfois nous disons Non. Parfois un Oui de surface, un Oui poli qui cache un refus ; parfois un Non qui veut dire Oui, parce que le Oui profond n’arrive pas à sortir et qu’il faut du temps pour briser les résistances. C’est là que l’obéissance du Christ est pour nous le modèle ; c’est librement que Jésus a pris notre condition humaine et qu’il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Et Paul dira dans une autre lettre que le Fils de Dieu, le Christ Jésus, n’a pas été Oui et Non : il n’a jamais été que Oui et Paul ajoute : «Aussi est-ce par lui que nous disons notre Amen à Dieu pour sa gloire. »
Nous pouvons penser aujourd’hui à Thérèse de Lisieux, puisque c’est le jour de sa fête, Thérèse qui a dit Oui jusqu’au bout dans la nuit de la foi, quand à la fin de sa vie, elle ne savait plus si le ciel existait pour elle ; Thérèse qui aimait dire que lorsqu’elle communiait, elle venait s’asseoir à la table des pécheurs, si grande était sa confiance en la miséricorde du Père.
Dieu ne cesse de nous faire des appels, mais il veut une réponse libre. Notre vie va être souvent ce mouvement de balance entre le Oui et le Non, pour laisser peu à peu toute la place à un Oui inspiré par l’amour. Dieu est patient, il a horreur des fausses réponses. Mais retenons ce que Jésus nous dit aujourd’hui : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » Conduite étrange, disent certains qui se posent en juges de la Loi. Le pape François est si mal jugé par certains catholiques, alors qu’il cherche à être plus fidèle à l’esprit de l’Evangile, à la vérité de l’amour. Et quand le pape nous appelle à accueillir les migrants, les réfugiés, qu’allons-nous faire ? Demandons l’Esprit Saint pour savoir comment répondre avec nos petits moyens, comment dire à Dieu un Oui qui soit Oui.
Frère Basile
Année A - 25 dimanche du Temps Ordinaire - 24 septembre 2023
Is 55 6-9 ; Phil 1 20-27 ; Mt 20 1-16
Homélie du F. Vincent
Dieu serait-il injuste ? C’est la question qui vient tout de suite à l’esprit en écoutant l’évangile que nous venons d’entendre. Oui, Dieu nous déconcerte souvent. Sa justice est tellement différente de la nôtre qui a pourtant sa légitimité. Tellement différente qu’elle en vient parfois à nous scandaliser, aussi fortement que le maître de la vigne scandalisa ses ouvriers, dans la parabole que nous venons d’entendre.
Pourtant, au nom de la stricte justice, le scandale était sans fondement. Leur contrat de travail avait été scrupuleusement respecté, et une pièce d’argent en échange d’un travail de toute une journée, c’était un salaire honorable. Le murmure des ouvriers venait d’ailleurs. Il y avait eu ceux de la première heure qui, comme ils s’en vanteront, avaient supporté le poids du jour et de la chaleur. Puis ceux de la dernière heure, des chômeurs, peut-être, Si ceux-là recevait une pièce d’argent pour si peu d’effort, les autres pouvaient légitimement espérer recevoir un traitement meilleur. Il n’en fût rien. C‘est vrai, on peut s’en étonner, se révolter même avec eux.
A leur étonnement, deux réponses possibles. La première est donnée par Jésus lui-même : « est-ce que ton regard est mauvais parce que je suis bon ? » La justice de Dieu ne se contente pas de ce qui est défini par les terme d’un contrat. Elle est bonté, générosité, surabondance de miséricorde. La mesure de ses dons, comme il le dira lui-même, est toujours une mesure bien remplie, tassée, débordante. De plus, elle s’adresse de préférence à ceux qui l’ont mérité moins que les autres, qui n’ont guère fait les efforts auxquels la plupart s’obligent, mais à qui aura suffi un simple cri de confiance, un simple regard baigné d’amour. Nous les connaissons ; les publicains et les prostituées qui nous précèdent dans le royaume des cieux. Ils s’appellent Marie-Madeleine, Zachée, Matthieu, et tant d’autres parmi lesquels le tout premier des saints, canonisé par Jésus en personne sur la Croix, véritable ouvrier de la dernière heure, lui, le bon larron que Jésus envoya à l’instant au Paradis pour y accueillir tous ceux que sa mort et sa résurrection allaient délivrer.
La deuxième réponse à cet étonnement est cachée dans notre propre cœur. Elle dépend de la place que nous nous attribuons dans cette parabole. En effet, aussi longtemps que nous nous estimons des « ouvriers de la première heure », ayant le droit de faire valoir nos prestations, nous ne pouvons qu’être choqués par une injustice aussi criante de la part de Dieu, par un maître aussi partisan. Mais ce sera en même temps le signe que notre cœur, pour le moment, est resté endurci, et connait encore peu ce qu’est la surprenante douceur de l’amour et du pardon de Jésus.
Un jour viendra où notre cœur de pierre se brisera lors d’une épreuve, d’un échec, d’un péché peut-être, ou simplement devant la prise de conscience si humiliante de notre incapacité radicale à rejoindre ce Dieu que nous prétendions aimer. Ce sera un moment de grâce où nous accepterons enfin de nous ranger humblement parmi les ouvriers de la dernière heure, à la suite des serviteurs inutiles à côté des pécheurs et du bon larron, et même derrière eux, conscient d’avoir fait si peu et acceptant d’en être là ayant droit surtout à la miséricorde, à la bouleversante bonté de Dieu. Là est notre vraie place.
Là sera aussi notre joie, notre plus grande joie pour toujours. Et aussi la plus grande joie de Dieu. Car il y a davantage de joie au ciel, a dit Jésus, pour un seul pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion.
(Sources diverses)
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Année A - 24e dimanche du tps Ordinaire – 17 septembre 2023
Si27.30-28.7 ; Rom 14 7-9; Mt 18 21-35 ;
Homélie du F.Hubert
Un homme devait à son roi soixante millions de pièces d’argent.
Saisi de compassion, son maître le laissa partir et lui remit sa dette.
Il ne lui dit pas : tu me paieras plus tard, ou : tu me paieras une partie.
Non, il lui remit sa dette. Une dette au-delà de toute mesure.
Cette parabole nous plonge dans la révélation de ce que Dieu est et fait pour nous,
de ce qu’il est et fait en Jésus..
Il nous faut sans cesse revenir au comportement de ce roi
qui remet à son serviteur une dette impossible à rembourser.
Il s’agit évidemment de l’attitude de Dieu envers nous,
lui qui, après nous avoir créé par amour,
nous rachète de nos fautes, nous libère du péché, et nous revêt de la robe des fils.
Dieu est saisi de compassion devant chacun d’entre nous séduit par la parole du serpent menteur
qui a mis en doute la parole divine.
La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous,
alors que nous étions encore pécheurs, dit Paul dans la lettre aux Romains.
Si le Christ, l’Innocent, est mort pour nous alors que nous étions pécheurs,
alors, nous n’avons pas à vivre selon une loi morale,
mais, bouleversés par cet acte gratuit,
à vivre dans l’action de grâce et la reconnaissance,
à avoir un comportement qui soit l’écho de ce par-don de Dieu dont nous sommes l’objet.
Il faut nous laisser bouleverser par ce que Dieu est et fait pour nous.
Ma vie, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi, dit Paul aux Galates.
Si Dieu nous a tant aimés, nous devons nous aimer les uns les autres, dit st Jean.
Notre Père n’attend pas pour nous aimer, que nous ayons remboursé notre dette.
Il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…
Mais il attend que nous soyons saisis de compassion les uns pour les autres.
Il espère nous voir vivre à son image, selon son Esprit,
manifestant, par notre comportement, qui il est et de quelle grâce nous sommes l’objet,
de quelle grâce identique ceux qui nous apparaissent comme nos débiteurs, sont aussi l’objet.
Jésus a été livré aux bourreaux, il a pris la place du débiteur,
il a « remboursé » pour nous.
Quel était donc ce remboursement ? Que devait l’homme à Dieu ?
Croire à son amour, croire à sa parole d’amour,
lui répondre : « Tu es mon Père ! »
et répondre à tous : « Vous êtes mes frères ! »
Ce double cri d’amour a jailli parfaitement du cœur du Fils unique
Avec David, Dieu disait : « Mon fils, que ne suis-je mort à ta place ! »
Il l’a accompli en Jésus : Dieu est mort pour nous pour que nous vivions.
Oui, il nous faut sans cesse revenir à ce roi saisi de compassion,
le regarder dans son Fils qui est son Image,
nous laisser toucher, modeler, et convertir.
Apprendre de lui à être saisis de compassion envers tout être, nous faire son prochain et son frère.
Dans nos sociétés où l’individualisme est tellement prégnant,
nous sommes appelés sans cesse à sortir de nous-mêmes
pour mettre du lien, aller à la rencontre, créer de la communion, de la bienveillance,
ouvrir les chemins du pardon et de la vie renouvelée.
Et comme nous sommes toujours en-deçà d’un tel appel,
nous ne pouvons qu’espérer, que le pardon de Dieu aille jusqu’à nous ébranler dans notre dureté lorsque nous ne pardonnons pas à nos frères.
Que sa miséricorde détruise même ce péché
et nous ouvre enfin à la filiation et à la fraternité que plus rien ne limite !
Ceci est mon corps livré pour vous.
Nous entendrons à nouveau cette parole tout à l’heure :
elle nous ouvre la grâce.
Elle nous fait grâce,
elle fait grâce à chacun de nous et à la multitude des hommes.
Combien de fois dois-je pardonner ?
Dieu ne se lasse jamais de pardonner. Il est saisi de compassion.
Que l’Esprit change nos cœurs de pierre en cœurs de chair !
Soyons des images de Dieu.
Notre mission de chrétiens est de révéler qui il est
et de faire advenir dès maintenant son règne de grâce.
Année A - 23e Dim Ord - 10 sept 2023
Ez 33/7-9, Rom 13/8-10, Mt 18/15-20
Homélie du F.Cyprien
Les lectures que nous venons d’entendre…
“Avertir le méchant d’abandonner sa conduite pour qu’il se convertisse…
Je te demanderai compte de son sang… »
« Pas de dette envers personne, sinon celle de l’amour mutuel » = tous débiteurs les uns envers les autres…
Et puis l’Evangile de ce jour : « Si ton frère vient à pécher contre toi… »
Aimer les autres, c’est accomplir la Loi… La Loi dans sa plénitude, c’est la charité, c’est l’Amour.
Chers frères et sœurs, nous savons cela, nous le savons peut-être trop bien … danger de répéter certaines phrases comme des slogans, des refrains, alors que le message de l’Evangile aura, jusqu’à la fin des temps, des implications pour la vie quotidienne des humains, … que ces vérités auraient pu apporter la seule véritable révolution, celle de l’amour, de l’Amour de Dieu pour tous et par tous... !
Saint Paul demande dans la 2e lecture : « Pas de dette envers personne sinon celle de l’amour mutuel ». A ce niveau nous sommes tous débiteurs les uns envers les autres, c’est bien de le savoir, de se le redire… débiteurs dans l’amour mutuel…
Commençons par la première lecture : elle demande d’avertir le méchant d’abandonner sa conduite pour qu’il se convertisse… Et le prophète Ezéchiel ajoute : « Je te demanderai compte de son sang… ». La mauvaise conduite, le mal commis doivent être évités par nous, bien sûr, mais la mauvaise conduite, le mal commis par les autres nous concernent aussi : « Si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra dans son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang ». Ce qui signifie pour le prophète que sauver sa vie devant Dieu consiste aussi d’avertir le méchant, se préoccuper de lui.
Comme l’affirme saint Paul, l’amour ne fait pas de mal au prochain, et il faut certainement ajouter : l’amour consiste encore à se préoccuper du salut de ce prochain particulier dont la conduite n’est pas bonne…
Dans l’Evangile, le Seigneur suppose le cas où quelqu’un de la communauté des croyants m’a fait du mal : cette situation ne peut pas durer indéfiniment : le conseil donné consiste à intervenir avec une gradation de l’avertissement, avertissement donné à la personne fautive: d’abord seul à seul, puis à deux ou trois, et ensuite devant la communauté.
Elle est juste cette gradation pour avertir : nous devons y voir le respect dû à ceux qui nous font du mal, pour que notre intervention porte des fruits justes, pour que la violence ne s’y glisse pas.
Dans la réalité, dans les cas où cela nous arrive, sommes-nous sûrs de réussir, même avec les conseils donnés par Jésus lui-même ?
Qu’est-ce qui peut manquer dans cet effort pour ramener le méchant à une conduite digne et respectueuse ?
C’est ici que saint Paul affirme que nous ne devons avoir de dette envers personne, sinon celle de l’amour mutuel : si l’amour mutuel manque, il faut vérifier de mon côté non seulement que je respecte assez mon contradicteur en voulant l’avertir qu’il fait mal, mais que je lui veux vraiment du bien, à lui.
Nous savons trop bien que les redresseurs de tort peuvent être des personnes redoutables : zèle excessif où l’ego a trop de place, où on peut se faire plaisir en montrant qu’on est soi-même du bon côté…qu’on a raison d’intervenir…
En fait pour être du bon côté, il faudrait être sûr d’être du côté de l’Esprit du Christ, de l’Esprit d’amour, du côté du Dieu qui patiente et qui pardonne… Je me rappelle du titre d’un livre dans une vitrine de librairie, il y a plus de 50 ans, livre écrit par un prêtre chroniqueur à la Croix ; ce titre c’était : « Aime quand même ».
Chers frères et sœurs, « Aimer quand même », aimer d’abord et avant tout, je crois que ce doit être la bonne disposition que Jésus nous demande quand nous abordons celui que nous voulons corriger de sa mauvaise conduite : « Aime quand même »…
même s’il ne nous veut pas du bien. La charité, c’est la loi dans sa plénitude et
Nous serons toujours débiteurs les uns envers les autres de cette charité, de cet amour qui est Dieu lui-même.
Pour cette démarche de correction fraternelle, rappelons-nous encore : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, le Seigneur est là au milieu d’eux »… Peut-être faudrait-il nous assurer que le Seigneur est bien avec nous, que nous nous réunissons en son nom pour entreprendre de corriger le frère ?
Que ferons-nous si nous ne transmettons pas Dieu à ceux qui en ont vraiment besoin… ?
Chers sœurs et frères, que cette Eucharistie nous fortifie dans l’Amour de Dieu, dans l’amour authentique du prochain : c’est Jésus qui a payé le prix de notre conversion, de notre correction !
Année A - 22e dimanche T0, - 3 septembre 2023 —
Jr 20, 7-9 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27
Homélie du F. Charles Andreu
Chers frères et sœurs, quel douloureux revers pour l’Apôtre Pierre. Dans l’évangile de dimanche dernier, Simon recevait le nom de Pierre, roc solide de la foi ; aujourd’hui, Jésus l’appelle Satan. Hier, il l’avait proclamé bienheureux pour ses paroles inspirées par le Père ; maintenant, il le rabroue pour des paroles ne viennent pas de Dieu, mais des hommes :
Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas !
Ces paroles sont-elles donc scandaleuses ? Cela ne t’arrivera pas, n’est-ce pas la cri qui nous habite, qui devrait nous habiter, devant toute détresse ? Quand la souffrance envahit le corps ou de l’esprit, quand la guerre emporte des vies, quand l’ébranlement de l’équilibre délicat de la nature menace la planète entière, à commencer par les plus pauvres, quand s’exercent toutes sortes d’abus, quand l’injustice sociale engendre la violence, ne faut-il pas que des hommes et des femmes, par leurs paroles et par leur engagement concret, osent dire à leurs frères : Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas ? Et en parlant ainsi, c’est au Seigneur aussi qu’ils s’adressent, puisqu’il a dit : c’est à moi que vous l’avez fait. Ainsi l’Évangile ne doit pas inhiber ce cri, mais l’épanouir, le libérer des gangues d’égoïsme, d’indifférence et de déni qui rendent aveugle, muet, passif devant la souffrance, devant la croix.
Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas !
Et pourtant, frères et sœurs, cela nous arrive. D’une manière ou d’une autre, la croix traverse nos vies. Et il faudrait savoir en parler autrement qu’à dire, comme l’a fait un certain discours chrétien, que le Seigneur nous « envoie des croix ». Ne jamais laisser entendre non plus à celui qui croit sa responsabilité engagée, que la croix serait un châtiment divin. Ce n’est pas le père qui a interdit à son enfant de mettre ses doigts dans la prise qui le punit en lui envoyant une décharge. Personne à vrai dire ne le punit. Il ne s’agit pas de cela. Pourtant, avec quelle ténacité de telles idées hantent-elles nos consciences !
Avant d’entrer dans un projet divin, la croix appartient à notre humanité, à cette part irréductible de pauvreté, de vulnérabilité et de péché qui blesse notre existence. Porter sa croix, c’est l’accepter et le traverser en un chemin pascal, tandis que la révolte contre soi, contre les autres ou contre Dieu ne serait qu’un enferment stérile et destructeur, une façon de perdre sa vie en cherchant à la sauver. Mais avec quelle délicatesse et quelle prudence faudrait-il savoir le dire, tant ces paroles, sans le vouloir, risquent d’imposer le fardeau d’une culpabilité qui accable davantage, d’imposer une nouvelle croix. La grandiloquence est ici particulièrement dangereuse. Et il vaut souvent mieux, par des actes tout simples d’amour qui, mieux que des discours, manifestent à nos frères leur valeur infinie, nous aider les uns les autres, non seulement à nous accepter tels que nous sommes, mais à nous aimer tels que nous sommes, à estimer assez notre vie pour trouver la force d’y porter même la croix.
Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas !
Et pourtant c’est arrivé. Dieu ne nous envoie pas des croix, mais il nous a envoyé son Fils, et le Fils porte la croix. Sur la croix, il ne porte pas notre punition, il partage notre condition. Pierre voulait bien croire que Jésus est Fils de Dieu ; il peine à croire que le fils de Dieu puisse être fils de l’homme jusque-là. Paradoxalement, c’est une pensée qui vient des hommes et non de Dieu : il nous est plus spontané de croire en un Dieu sur lequel projeter nos rêves de toute puissance, construit à l’aune de notre peur secrète, ou de notre mépris avoué, de tout ce qui est vulnérable, de quiconque prend le risque d’aimer plutôt que de dominer.
Mais c’est l’humble salut d’une vulnérabilité partagée que nous offre Jésus. Ce partage est salut car il est amour, c’est-à-dire source de vie et de paix, au lieu même où la douleur risque de nous recroqueviller dans une logique de mort. Demandons au Seigneur la grâce d’accueillir cet humble salut de l’amour, d’accueillir notre humanité que Dieu vient habiter.
Homélie du 21ème dimanche du TO Année A
(Isaïe 22,19-23 ; Romains 11,33-36 ; Matthieu 16,13-20)
Homélie du F. Guillaume
Frères et sœurs,
Si nous avons été attentifs à l’écoute de la 1ère lecture du prophète Isaïe dans l’A.T. et à la page d’évangile selon St Matthieu relatant la confession de foi au Christ de Pierre à Césarée, nous aurons pu remarquer qu’un mot est commun aux 2 textes ; celui de clef. Un mot-clé donc en quelque sorte, sur lequel j’aimerais m’arrêter en commençant cette homélie.
« en ce jour-là j’appellerai mon serviteur Eliakim. Je le revêtirai d’une tunique. Je lui remettrai les pouvoirs. Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David. S’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira. »
Et Jésus dit à Pierre : « Je te donnerai les clés du Royaume des cieux. Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les Cieux. Tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié aux Cieux. »
La détention d’une clé ou de plusieurs est donc clairement associée à un pouvoir. Dans les époques anciennes, quand des nations se faisaient la guerre dans le siège d’une ville, les vaincus devaient remettre les clés de la ville, en signe de leur défaite. Il en fut ainsi, lors du siège de Jérusalem, en 1187, quand les chrétiens latins, vaincus, remirent les clés de la Tour de David, la citadelle, au sultan Saladin. Et Jérusalem devint pour un certain temps une ville musulmane, le 3ème lieu de pèlerinage pour les croyants de l’Islam qu’elle est toujours, après La Mecque et Médine.
De nos jours, dans la société numérique où nous sommes entrés, on parle de clés dans les applications informatiques, clés qui donnent accès à d’énormes centres de données et donc de renseignements et d’information, sur les personnes et les entreprises. Ces clés confèrent à ceux qui en disposent un immense pouvoir. La cryptographie est une discipline des mathématiques les plus pointues et attirent non seulement des ingénieurs talentueux mais aussi de jeunes hackers, parfois collégiens ou lycéens qui parviennent à s’introduire, grâce à la découverte de codification sophistiquée, à ces centres de données des administrations, des banques, des grandes entreprises, avec d’éventuels pouvoirs de nuisance.
Jésus, lui, ne se présente pas comme une clé, mais comme une porte, associée à un enclos avec des brebis dont il est le pasteur. Dans le IV° évangile, il s’écrie : « en vérité, en vérité, je vous le dis : je Suis la porte des brebis. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé : il ira et viendra et trouvera de quoi se nourrir. Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance.
Frères et sœurs, ces images de clés et de porte peuvent-elles nous parler et nous rejoindre encore dans nos vies chrétiennes ? Les moines du désert, dans leurs combats spirituels contre les pensées qui les traversaient et les troublaient comparaient leur cœur à un lieu gardé par une porte. Ils faisaient le constat suivant : examine chaque pensée et demande-toi (c-à-dire discerne) si elle vient du bon Esprit, tu peux la faire entrer en toi, sinon ferme-lui la porte et ne la laisse surtout pas entrer. Conseil de la garde du cœur, avec les clés de la vigilance et de la prudence, ces clés que n’avaient pas emportées les vierges folles de la parabole des 10 jeunes filles invitées aux noces de l’Epoux et qui se sont heurtées à une porte refermée, refoulées de la salle des convives.
Quelle serait donc la meilleure clé dont nous pourrions faire usage et qui nous serait donnée pour accéder au Royaume ? Il me semble qu’une lecture sincère de l’Evangile répond sans détour : la clé de la miséricorde. C’est grâce à cette clé que nous prenons conscience à la fois de notre misère d’homme mortel et pécheur, et à la fois de la grandeur de notre salut en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous. Placé entre ces 2 infinis qui nous dépassent en notre origine et en notre fin, comme l’a pensé si fortement Blaise Pascal, nous trouvons dans la proposition de l’Evangile le sens de notre existence, et avec lui, la source de notre liberté et de notre joie. Et cela en toute humilité, le repentir et l’accueil du pardon.
« Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse, et la connaissance de Dieu ! » pouvons-nous alors nous exclamer avec Saint Paul dans la 2nde lecture.
Et je voudrai achever cette méditation sur les clés et les portes par le conseil de l’Ange de l’Eglise qui était à Laodicée, mais qui peut être aussi à la Pierre qui Vire aujourd’hui : « Ainsi parle l’Amen, le Témoin fidèle et véritable. Je sais tes œuvres : tu n’es ni froid, ni bouillant. Que n’es-tu froid ou bouillant. Moi, tous ceux que j’aime, je les reprends et les corrige. Sois donc fervent et repens-toi. Voici, je me tiens à ta porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai le repas avec lui, et lui avec moi. »
Ce repas, c’est celui de l’eucharistie que nous célébrons ensemble en ce moment. Que celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que dit l’Esprit dit aux églises.
AMEN
A - Assomption de Marie- 15 août 2023
Ap 11.19 -12.10 ; 1 Co 15 20-27 ; Lc 1 39-56 ;
Homélie du Père Prieur P.Hubert
L’année liturgique, qui commence avec l’Avent et la venue du Messie dans la chair, s’achève avec la Toussaint, en laquelle nous célébrons la victoire du Christ, non seulement en lui-même avec la Résurrection et l’Ascension, mais aussi dans tous les membres de son Corps, sauvés et comblés de sa lumière et de sa gloire.
Entre Pâques et la Toussaint, au milieu de l’été, nous célébrons l’Assomption de Marie, c’est-à-dire la victoire du Christ en sa Mère, la première des sauvés, la femme bénie parmi toutes les femmes. L’Assomption est comme le prélude de la Toussaint, le premier fruit de la Résurrection du Christ.
En Marie, le projet de Dieu, le mystère pascal, est accompli, prémisses de l’accomplissement total lorsque la vie de Dieu sera totalement déployée dans l’humanité entière.
La gloire qui transfigure Marie – qui est la gloire même de Dieu – transfigurera aussi nos êtres mortels.
La résurrection que Marie reçoit de son Fils, sera aussi notre résurrection.
C’est pour nous faire participer à sa vie divine que Dieu s’est fait chair.
Il nous a créés pour que nous vivions de lui.
Lorsque nous regardons Marie, il ne faut pas en faire un être différent de nous,
mais contempler en elle la réalisation parfaite du désir et de l’œuvre de Dieu.
Marie est tout entière investie par la vie de Dieu, par son amour, jusqu’à être comblée de sa Gloire, après son itinéraire d’une vie très ordinaire vécue dans la foi, et être passée par le ravin de la croix.
Elle est la première, elle qui, sans retour aucun sur elle-même, a été totalement ouverture à la grâce.
Mais, dans son manteau de grâce, qui lui vient du Christ, se rassemblent tous ses enfants, reçus de la parole de Jésus sur la croix : « Femme, voici ton fils ».
C’est au pied de la croix qu’elle a traversé la mort, debout, ferme dans sa foi. Et l’Eglise professe que la Mère de Jésus, qui a porté le Verbe de Dieu dans sa chair, n’a pas connu la décomposition de la chair et a été élevée avec son corps dans la gloire de son Fils ressuscité.
Première des sauvés, elle a été préservée du péché.
Nous aussi, nous serons délivrés du péché, sauvés, rachetés par l’amour du Christ, pardonnés de nos fautes, de nos crimes, de tous nos actes mortifères, et sanctifiés.
Le Christ ressuscité est le premier-né d’une multitude de frères.
Comblés de sa grâce, renouvelés par l’Esprit, nous serons des créatures nouvelles.
Il n’y a qu’une seule sainteté, celle de Dieu,
et cette sainteté sera nôtre comme elle est celle de Marie.
Marie est bénie dans la bénédiction de son fils :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. »
Nous aussi, nous sommes bénis, nous dont Jésus s’est fait le frère :
« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ !
Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ.
Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs, par Jésus. »
Il y a dix jours, pour la fête de la Transfiguration, nous chantions une très belle hymne dans laquelle nous disions au Christ :
Librement tu t'es engagé
Sur la voie du Serviteur
Mourant dans l'ombre.
L'amour a donné sa réponse :
Ton corps se transfigure
Et tient tout dans sa clarté.
A la suite de son Fils, Marie a été servante, elle a traversé la mort dans l’ombre de la croix ; en elle aussi, l’amour a donné sa réponse et nous la croyons tout entière transfigurée par la clarté qui lui vient du Fils unique et de l’Esprit.
« Marie, bénie entre toutes les femmes ! »
Lorsque le mal nous apparaît aimable, nos choix sont pervertis.
Si nous contemplions davantage l’œuvre de Dieu, et singulièrement son œuvre en Marie, Mère de Jésus, nous serions attirés comme naturellement par ce qui nous apparaîtrait comme hautement désirable. Et nos choix seraient liberté et chemins de vie.
« Si tu savais le don de Dieu ! »
Malheureusement, nous ne croyons pas assez au don de Dieu.
Nous peinons souvent à croire à la promesse de Dieu.
A cause des épreuves, à cause du silence de Dieu.
Marie a assumé avant nous le combat contre le Dragon, contre l’Adversaire, contre le Menteur.
Prions-la pour recevoir par elle la grâce et la fidélité de son Fils.
Regardons-la, resplendissante de la gloire de son Fils ressuscité, notre Frère.
« Il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant obéissant jusqu’à la mort. C’est pourquoi Dieu l’a exalté. »
Marie a été la servante du Seigneur, dans l’humilité et la foi : c’est pourquoi elle est glorifiée avec son Fils.
Ne soyons pas, comme dit st Benoît, « des serviteurs détestables qui n'auront pas voulu suivre le Christ jusqu'à la gloire »,
Demandons la grâce d’être serviteurs, pour être fils à l’image du Fils.
« Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en nous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous.
19e dimanche ordinaire (A) (13/08/2023)
(1 R 19, 9a.11-13a – Ps 84 – Rm 9, 1-5 – Mt 14, 22-33)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs,
Nous avons tous, que nous le voulions ou non, une ou des représentations de Dieu, du Christ qui nous habitent. Représentations venant de notre éducation, de notre catéchèse, sans doute, de notre fréquentation plus ou moins régulière de la Bible. Et il est normal que ces représentations nous habitent. Les mots même de l’Église pour dire Dieu (Père, Fils, Esprit) ne sont pas sans évoquer des images, des expériences heureuses ou douloureuses. Il n’est certainement pas facile d’appeler Dieu « père » si l’on a l’expérience d’un père violent et cela se comprend.
Mais s’il est normal d’avoir des images de Dieu, il importe d’être conscient que ces images ne nous disent pas totalement qui est Dieu, qu’elles ne sont pas Dieu, sinon, nous risquons de créer une idole, un Dieu à notre image, selon nos conceptions et cela peut être destructeur. Méfions-nous si nous nous disons : « Dieu est ainsi, comme je le pense, et ce n’est pas négociable ». C’est pour cela que la Parole de Dieu et la tradition de l’Église sont essentielles pour nous ouvrir à une réalité qui nous dépasse. Un Dieu qui est toujours nouveau, qui n’a jamais fini de se découvrir de se révéler à nous. Quelle illusion que de croire pouvoir tout dire sur Dieu !
Et les lectures d’aujourd’hui sont une bonne invitation à prendre conscience des a priori, des idées sur Dieu qui peuvent nous habiter. Elles peuvent aussi nous montrer comment des grands croyants, dans l’histoire, ont eu parfois ce chemin de remise en cause à faire.
Dans la première lecture, le prophète Élie se rend au mont Horeb, autre nom pour le Sinaï dans la Bible, et, comme Moïse jadis, il se cache dans une caverne en attendant le passage de Dieu. Lors du don de la Loi à Moïse au Sinaï, Dieu s’était présenté au milieu du tonnerre, d’éclairs qui avaient d’ailleurs effrayé le peuple attendant au bas de la montagne. Et, ici, Élie, prévenu par le Seigneur lui-même qu’il va passer, sort de sa grotte et attend sans doute un même type d’expérience.
Et, de fait, à l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan mais d’une force inouïe, qui fendait les montagnes et brisait les rochers, d’une force telle qu’on aurait pu penser que Dieu habitait cet ouragan extraordinaire. Et pourtant, le Seigneur n’y est pas. Puis vient un tremblement de terre qui pourrait aussi être le lieu de Dieu, tant sa puissance est imposante. Mais le Seigneur n’y est pas non plus. Puis un feu, mais le Seigneur n’y est toujours pas. Toutes les forces imposantes de la nature qui pourraient apparaître aux hommes comme des lieux de Dieu n’en sont pas.
Et enfin le murmure d’une brise légère, littéralement, le bruit d’un fin silence. Et, à ce moment Élie sort de la caverne pour rencontrer son Dieu car c’est là qu’il est présent.
L’évangile, lui, nous montre le chemin que les disciples proches du Christ vont avoir à faire en traversant, de nuit, le lac de Génésareth. Ils sont seuls, le Christ est resté sur terre pour prier et, de plus, il y a de fortes vagues car le vent leur est contraire. Et voilà que celui qu’ils suivent déjà depuis quelques temps s’approche d’eux en marchant sur la mer. Or, dans la Bible, la mer est le symbole des puissances du chaos et de la mort. Du coup, les disciples prennent Jésus pour un fantôme. Puis, Jésus appelle Pierre qui voulait s’assurer par une preuve, qu’il ne s’agissait pas d’un fantôme mais bien de son Maître. Et Pierre doute, Jésus lui vient en aide et les deux se retrouvent dans la barque avec en prime le vent qui se calme brusquement. Jésus manifeste alors son pouvoir sur les forces de la mort, sur leur expression naturelle et les disciples le reconnaissent alors comme Fils de Dieu. Ils sont donc amenés par cet épisode, à reconnaître la filiation divine de Jésus, à lui faire confiance. Mais la suite de l’évangile montrera que cette foi sera encore bien fragile, même après la résurrection où les disciples peineront à croire au ressuscité pourtant présent devant eux.
Quant à la seconde lecture, c’est à un autre déplacement qu’il nous invite, nous, mais aussi les chrétiens qui nous ont précédés.
Saint Paul, en effet, nous dit sa souffrance pour les Juifs, ses frères de race mais à un point assez incroyable. Il dit en effet :« je souhaiterais être anathème, séparé du Christ pour eux. » Dieu sait combien Paul a proclamé son amour pour le Christ et voilà que pour le salut des Juifs, il préfèrerait être séparé du Christ. Peut-on aller plus loin ? Et il décrit ensuite les qualités des Juifs, des israélites : « ils ont l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu, ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né. » Voilà un déplacement radical auquel Paul nous invite et qui est actuel à une époque où renaît l’antisémitisme. Si les chrétiens avaient retenu ces paroles fortes d’un apôtre dont ils se sont tant réclamés, et à raison, je pense que bien des drames, bien des vies auraient été épargnées. Si l’Eglise avait consenti à ressourcer sa foi dans la tradition juive bien avant le Concile Vatican II et la reconnaissance de la dignité du peuple juif, nos frères aînés, il me semble que bien des impasses auraient été évitées Mais il n’est pas trop tard et nous ne pouvons pas ne pas nous laisser déplacer par ce que Paul nous dit. L’ancien Testament est le témoignage des promesses et des alliances de Dieu avec le peuple d’Israël et il ne nous est pas possible de connaître le Christ en profondeur sans connaître les écrits qui ont nourri le Christ durant toute sa vie. Ecrits dont il a donné l’interprétation finale et totale par sa vie et son enseignement.
Regard sur Dieu, regard sur le premier peuple élu, regard sur Jésus, les lectures de ce dimanche nous invitent à accepter de nous déplacer dans nos convictions parfois trop figées, voire fossilisées. Nous avons toujours à nous laisser interpeller par la Parole de Dieu pour grandir dans la connaissance et l’intimité de Dieu, du Christ, et dans le dialogue interreligieux, notamment avec les Juifs peut nous y aider en nous faisant découvrir les richesses déposées dans le cœur des hommes et des femmes de tous horizons, dans nos cœurs aussi.
Frères et sœurs, laissons-nous travailler par ces textes. Ils nous ouvrent des horizons infinis, à l’image du Dieu trois fois saint.
AMEN
Fête de la Transfiguration - Dimanche 6 août 2023
Daniel 7, 9-10 + 13-14; Psaume 96; 2 Pierre 1,16-19 / ps 96 ; Matthieu 17, 1-9 ;
Homélie du F.Basile
Après avoir entendu de telles paroles, après avoir vu ou entrevu Jésus transfiguré sur la montagne, ne vaudrait-il pas mieux fermer les yeux, attendre et garder le silence ? C’est d’ailleurs la consigne que Jésus donne aux 3 disciples : « Ce que vous avez vu, ne le racontez à personne », mais il ajoute « si ce n’est quand le Fils de l’homme sera ressuscité d’entre les morts » et les disciples se demandent justement qu’est-ce que veut dire « ressusciter d’entre les morts ». Le savons-nous davantage ?
Nous devrions le savoir, car depuis cet événement, le Christ est ressuscité et Pierre, dans les Actes des Apôtres, au jour de la Pentecôte, s’en est fait le premier témoin qualifié : « Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a ressuscité, Dieu l’a fait Christ et Seigneur. » Ce mystère est si grand, qui va le comprendre ? La Croix glorieuse de Chauveroche, sculptée par notre frère Symphorien, nous le fait pressentir : le Christ sur la croix est vivant ; revêtu d’une robe blanche, il nous apparaît transfiguré, et il est aussi le Christ ressuscité qui nous prend tous dans son mystère pascal.
Ceux qui se préparent au baptême dans la nuit de Pâques, et peut-être y a-t-il des jeunes qui seront baptisés par le pape à Lisbonne en ce jour de la Transfiguration ? tous ces futurs baptisés reçoivent ou ont reçu une initiation, mais cette initiation n’est jamais finie ; pour nous, c’est la liturgie qui la continue jour après jour, de fête en fête, de transfiguration en transfiguration.
La liturgie est le lieu par excellence où ensemble, par la Parole écoutée et le don de l’Esprit, par le sacrement du pain partagé, par les signes, tous les signes de la liturgie, la Croix, les fleurs, les cierges, l’orgue ou la flûte, nous sommes conduits dans le mystère du Christ, initiés, illuminés, transfigurés.
La Transfiguration, qui nous est rapportée par les 3 évangiles de Marc, Matthieu et Luc, ne pourrait-elle pas être considérée comme une première apparition pascale au cœur de l’Evangile, bien avant que ne vienne le temps de la résurrection ? Je crois que ce ne serait pas hors de sens, car c’est la lumière de Pâques qui éclaire tout l’évangile.
Mais que faut-il retenir de la Transfiguration ? Je dirai d’abord qu’il faut passer sans cesse de la vision à l’écoute. Cette lumière éblouissante, Pierre aurait voulu la retenir : « Faisons ici 3 tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. » Savait-il ce qu’il disait ? C’est notre tentation à tous : arrêt sur image, photo-souvenir à garder absolument, rester sur la montagne ! Alors que la parole finale, au moment où dans la nuée la vision va disparaître, nous est bien rapportée dans les 3 évangiles : « Ecoutez-Le. » Ne cessons pas d’écouter sa Parole dans le quotidien de notre vie, dans la rencontre des autres. Et cela nous engage dans la transformation du monde. Déjà au 7° siècle, st André de Crète, un défenseur des icônes, disait que cette parole « Ecoutez-le ! » signifiait concrètement : « Faites ce qu’il dit ! »
Pour transformer le monde, nous avons à nous laisser d’abord transformer intérieurement par la lumière du Christ. C’est le travail de l’Esprit en nous : laisser l’Esprit nous transfigurer jusqu’à changer notre visage. Pour qu’à notre tour nous puissions redonner à tout homme, à toute femme, à tout enfant, son vrai visage.
J’aime toujours citer une parole du P. Emile Shoufani, curé de Nazareth, parlant de la Transfiguration : « Cette vision m’engage à changer le monde ici et maintenant, pour le rendre à sa véritable vocation, à changer l’homme pour lui restituer son vrai visage. Car le visage humain a trop été défiguré par la souffrance et par la haine. » Il sait de quoi il parle, car il habite à Nazareth, sur cette terre soumise depuis tant d’années à la terreur et à la guerre.
Lisez, relisez les 3 évangiles : vous verrez que Jésus redescend de la montagne pour guérir un enfant malade, épileptique, ce que les autres disciples n’avaient pu faire. Et je cite encore le P. Shoufani :
« La contemplation du Christ transfiguré n’est pas une fuite dans le sacré ou le passé, elle est au contraire une urgente nécessité, car elle est la seule nourriture qui puisse me donner la force de transfigurer le monde. »
Année A - 17 dimanche du Tp sord. - 30 juillet 2023
1 Roi 3 5-12 ; Rom 8 28-30 ; Mt 13 44-52
Homélie du F.Vincent
Les lectures de ce dimanche nous invitent à nous attacher aux biens qui demeurent. Nous avons entendu le témoignage du jeune roi Salomon (1ère lecture). Il aurait pu demander au Seigneur de longs jours, de nombreuses richesses ou encore la mort de ses ennemis. Mais il a compris que le plus important n’est pas là. Il demande “un cœur attentif pour qu’il sache gouverner le peuple et discerner le bien et le mal”. Il demande à Dieu le don de bien servir l’alliance entre Dieu et son peuple. Tout cela n’a rien à voir avec la gloire personnelle, les richesses, la considération et les honneurs.
Ce texte biblique nous interpelle et nous renvoie à nous-mêmes : est-ce vraiment le discernement que nous demandons au Seigneur ? Trop souvent, nous nous attachons à la satisfaction immédiate de nos désirs. En ce dimanche, nous pouvons laisser retentir en nous la prière de Salomon. Le Seigneur est là pour nous offrir le seul vrai trésor
Dans l’Evangile, Jésus nous propose des paraboles, des images, qui nous parlent du Royaume de Dieu. Ce Royaume est comparable à un trésor caché dans un champ. L’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède et il achète le champ. Comment cet homme a-t-il pu trouver ce trésor caché dans un champ ? Il n’y a pas 36 solutions : il était en train de travailler le champ. Le Seigneur nous offre un trésor extraordinaire que l’on doit trouver à force de travail.
Ce travail, c’est celui que Dieu a demandé à l’homme dès le début de la Création. Dieu a confié la terre à l’homme pour qu’il la travaille. Travailler n’est-ce pas, pour nous, scruter la Parole de Dieu. Pour les rabbins, la terre c’est d’abord la Parole de Dieu. Il nous faut la scruter, chercher, creuser jusqu’à ce qu’on ait trouvé le seul vrai trésor qui donne sens à notre vie.
Alors, nous dit Jésus, on vend tout pour acheter le champ. Mais ce que Dieu veut nous donner ne s’achète pas. Ce don est toujours gratuit et sans mérite de notre part. Pour comprendre cette parole, il nous vaut lire l’appel d’Isaïe (ch. 5) : “Venez acheter sans argent”. Quand il dit “sans argent », ça ne veut pas dire sans un effort personnel. Il s’agit de recevoir de Dieu, à l’issue d’un travail que nous avons fait. L’important c’est de nous mettre continuellement dans une attitude de recherche et d’accueil. Ce n’est pas pour rien que Jésus a dit : “Cherchez et vous trouverez.”
Si nous ne creusons pas le champ, nous ne trouverons pas de trésor. Si nous ne cherchons pas, nous ne trouverons pas la perle précieuse. Cette recherche, c’est le désir de connaître qui est Dieu. Nous devons le chercher avec droiture. Si nous cherchons la lumière et la vérité de notre vie, nous finirons par la trouver. Mais cela ne sera possible que si nous fermons nos oreilles aux rumeurs destructrices et à toutes les chansons du mal qui empoisonnent nos existences ; il importe que nous ouvrions nos yeux aux merveilles de tendresse, de générosité et de réconciliation qui naissent chaque jour, parfois tout près de nous. C’est là que nous trouverons le Seigneur, notre seul vrai trésor.
Suite à cette découverte, l’Evangile nous dit que l’homme a tout vendu pour acheter. Comment ne pas penser à l’appel de Jésus au jeune homme riche : Tu as trouvé un trésor, tu m’as trouvé, tu veux me suivre ? vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres. C’est en donnant aux pauvres qu’on achète la présence du Seigneur. C’est en se débarrassant de tout ce dont on n’a pas besoin, en le donnant aux pauvres qu’on va recevoir ce don précieux qu’est la présence du Christ.
Le projet de Dieu sur notre vie est merveilleux. Mais il nous appartient de le découvrir. Nous devons pour cela abandonner nos idées qui sont trop petites et trop limitées et adopter celles de Dieu. C’est dans la méditation de sa Parole, Ancien et Nouveau Testament, que nous trouverons. Et surtout, n’oublions pas ce trésor qui nous rassemble chaque dimanche. C’est là que le Seigneur rejoint les communautés réunies en non nom. En communion les uns avec les autres, “exultons de joie, il est au milieu de nous”.