Homélies
Liste des Homélies
Année A - 29ème dimanche du Temps Ordinaire -22 octobre 2023
(Isaïe 45.1-6 ; 1Thess. 1-5 ; Matthieu 22.15-21)
Homélie du F. Guillaume
Frères et sœurs,- S’il y a des paroles d’évangile célèbres entre toutes qui ont traversé les siècles jusqu’à nous, ce sont bien celles que Jésus a prononcées un jour devant ses contemporains pharisiens : « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Jésus voulait-il par là donner une leçon de politique, à propos d’une question sur l’impôt ? Un peu comme un slogan lancé à la manière de nos hommes politiques en campagne pour attirer les suffrages de leurs électeurs avec des formules bien frappées ?
S’agit-il de cela avec notre évangile ? Revenons alors au texte et à son début : « en ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler ». Voilà bien l’objectif des pharisiens : faire tomber Jésus dans un piège. En fait, la question du paiement de l’impôt à l’empereur n’en était pas une. Les juifs de l’époque vivaient sous une occupation romaine et nul ne pouvait échapper à l’imposition, les pharisiens pas plus que les autres, d’où leur hypocrisie dénoncée par Jésus. Dans un autre passage d’évangile, Jésus ordonne à Pierre d’aller pécher un poisson pour y trouver 2 drachmes afin de s’acquitter pour lui et pour Pierre de ce devoir d’impôt. Non, les pharisiens ne cherchent pas une réponse à une question résolue, mais ils cherchent à poser une question-piège, et de ce piège-là, Jésus en toute logique, ne devrait pas sortir. De deux choses l’une : ou bien il incite ses compatriotes à refuser l’impôt et alors il sera facile de le dénoncer aux autorités romaines comme un résistant, ou un révolutionnaire (comme se présentaient les zélotes et l’on savait que Jésus en avait choisi un parmi ses 12 disciples), et il sera condamné. Ou bien il conseille de payer l’impôt et alors on pourra le discréditer aux yeux du peuple comme « collabo ». Déjà on le voit manger à la table des publicains (et Matthieu parmi les 12 en est un aussi). Mais pire encore, il perd aussi toute crédibilité et toute chance d’être reconnu en tant que Messie, comme il le prétend. Car le Messie attendu doit être un roi indépendant et souverain sur le trône de Jérusalem. Cette prétention à se présenter comme Messie, qu’il ne réalise pas, méritera la mort. Le piège est bien verrouillé. De toutes les façons, Jésus est perdu. C’est l’objectif visé par les pharisiens. La Passion et les procès de Jésus devant Pilate et le Sanhédrin se profilent à l’horizon. Ne nous y trompons pas : nous sommes au chapitre 22 de l’évangile de St Matthieu.
Dans un commentaire et une interprétation de cette page, Saint Augustin,dont nous avons lu un sermon, à l’office des vigiles cette nuit, cherche une sortie à ce piège, par une interprétation et une voie plus spirituelle et non pas politique ou fiscale. Il attire l’attention sur l’effigie de l’empereur, image gravée sur la pièce du denier. Comme César cherche son image sur une pièce de monnaie, Dieu cherche son image dans notre cœur, car il a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. La pointe du texte serait alors de rendre grâce à ce Dieu qui nous a frappé à son image, de rendre grâce au Christ, image éternelle de son Père, Jésus qui a aimé ce Père et qui, le premier, s’est livré pour lui, pour nous les hommes et notre salut.
Il y a là un vrai renversement et une leçon de discernement pour les choix que nous avons à faire, comme croyants : César ou Jésus, l’argent ou Dieu, les idoles mondaines de toute nature ou bien les icônes qui rayonnent la Gloire divine. On ne peut aimer et servir l’un ou les unes sans haïr les autres. Jésus l’a nettement affirmé à ses disciples peu avant dans l’évangile au chapitre 16.
Il nous reste ainsi à appliquer cette sentence : « rendez à César ce qui à César, j’aimerais préciser ne rendez à César que ce qui est à César, et rendez à Dieu ce qui est à Dieu ». Parfois le choix est clair, mais plus souvent il est obscurci, encombré et plus subtil. Aucun chrétien ne peut éviter cet effort de discernement en toute liberté. Prions l’Esprit Saint, surtout en ces temps de Synode pour l’Eglise pour qu’il répande sa Lumière et sa Vérité, dans le cœur de tous les baptisés. Et réécoutons les paroles de Saint Paul aux Thessaloniciens : « frères, que l’annonce de l’Evangile ne soit pas simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint et pleine certitude ».
AMEN
SAINT LUC ; 18.10.2023
2 Tm 4, 9-17a ; Ps 144 ; Lc 10, 1-9
Homélie du Père Abbé
En cette semaine missionnaire, où nous reprenons conscience de cette dimension de notre vie baptismale, l’évangile que nous venons d’entendre nous offre des repères précieux, que nous soyons en plein vent dans le monde ou retirés dans la forêt du Morvan.
Les 72 disciples sont envoyés par Jésus, en avant de lui, dans les localités où lui-même se rendrait. En quelque sorte, ils sont des éclaireurs, des émissaires qui doivent préparer sa venue. N’en-est-il pas de même pour nous ? Par notre baptême, nous sommes envoyés par Jésus, pour permettre à tous ceux que nous rencontrons de pouvoir le reconnaitre et l’accueillir un jour, même si ce jour est le dernier. Notre témoignage voudrait être comme autant des déblaiement du chemin qui permettent un jour une possible rencontre, la rencontre avec Celui qui nous fait vivre. Le plus important ce n’est pas nous, notre organisation, mais c’est lui et la rencontre avec lui.
L’invitation de Jésus à prier pour que le Maitre de la moisson envoie des ouvriers pour sa moisson, redit aux disciples d’hier et d’aujourd’hui qu’ils n’ont pas en eu l’initiative de l’envoi. Le disciple de Jésus est toujours appelé, gratifié du don de l’Esprit pour partir annoncer l’Evangile. Cette Nouvelle est trop grande pour que nous ayons l’initiative de l’annonce. Nous sommes comme poussés, tirés par un Autre. Le Père envoie et donne son Esprit à ceux qu’il envoie. Oui, prenons conscience de ce don qui nous est fait d’être ainsi appelés à témoigner. Et prions notre Père de faire ce don à d’autres.
Comme des agneaux au milieu des loups, sans bourse, ni sac… Tel est le kit du missionnaire. En guise d’outils, d’instruments d’évangélisation, il n’a que ses mains vides, sa parole, et même une grande vulnérabilité assumée face aux loups potentiels…Etonnante absence de moyens qui vient interpeller toutes nos préparations ou nos recherches de stratégie missionnaire. Jésus invite ses disciples à ne pas compter sur les moyens en leur pouvoir, mais uniquement sur le Père qui envoie et qui donnera ce dont ils ont besoin…On peut entendre en écho une autre parole : lorsqu’on vous traduira devant un tribunal, ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire, cela vous sera donné par l’Esprit Saint… On peut entendre en filigrane : le Royaume a davantage besoin de gens aux mains vides que de gens remplis de moyens et d’assurances. Car peut-être est-ce l’unique manière de lui permettre de vraiment « s’approcher » des gens. Se manifeste alors peut-être mieux le visage de notre Dieu qui depuis toujours s’approche de notre humanité de manière si inattendue et souvent cachée…
Dites d’abord : « paix à cette maison ». Premier mot, comme un mot clé pour ouvrir les portes du cœur : « paix ». Ce mot banal, shalom, salam, binh an, amahoro, frieden, peace, paz, est bien plus qu’un mot sorti des lèvres. Pour qu’il ouvre vraiment les cœurs, il faut qu’il émane de toute la personne, que toute la personne soit en quelque sorte désarmée, sans recherche d’elle-même, sans intérêt à défendre sinon celui de l’évangile. En ces temps troublés par des conflits et par des violences physiques sur tant d’innocents, nous mesurons la paix est un vrai travail qui commence sur soi-même. Chacun est invité, s’il veut annoncer en vérité la paix, doit aller chercher au fond de lui pour les offrir au travail de la grâce, tous les germes de violence prêts à renaitre. Poursuis la paix, recherche là invite St Benoit dans sa règle. Notre vie monastique commune nous montre combien le combat peut-être rude, en nous-mêmes d’abord et entre nous. C’est le prix à payer pour être vraiment des serviteurs et des témoins de la paix, celle que le Père veut répandre comme parfum de bonne odeur qui anticipe et prévient le Royaume qui s’approche. Soyons des chercheurs inlassables de cette paix, une guérison s’opèrera en nous et autour de nous. Nous deviendrons peu à peu d’authentique serviteur du Royaume.
En faisant mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, nous annonçons déjà le Royaume qui vient. Dans la présence du Christ Ressuscité, qui nous laisse sa Paix qui nous donne sa Paix, puisons notre force, notre énergie avec reconnaissance.
Année A - 28° dimanche du Temps Ordinaire - 15 octobre 2023
Is 25 6-9 ; Philip 4 12-20 ; Mt 22 1-14 ;
Homélie du F. Alain
« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célé¬bra les noces de son fils ». Il s’agit donc du Royaume de Dieu, de Dieu, des noces de son Fils avec l’humanité. Histoire de noces, histoire d’amour.
Après l’entrée triomphale à Jérusalem, la mort du Christ est inévitable. La parabole souligne d’abord la patience de Dieu, à l’égard d’une partie du peuple de la première alliance qui n’a pas reconnu son Messie.
Selon la coutume, les premiers invités ont déjà reçu une invitation écrite. L’heure venue, un serviteur vient les chercher, et se heurte à un refus sans préavis. Contrairement à l’usage, le roi insiste. Nouveau refus, chacun préférant aller à ses affaires. Pire, les serviteurs sont maltraités et tués.
Le roi se met alors en colère et fait périr les meurtriers, comme dans la parabole des vignerons homicides. Hélas, la ruine de Jérusalem se profile à l’horizon.
Les premiers invités se sont dérobés. Ils se sont exclus eux-mêmes du festin. On fera sans eux. Désormais, tous sont invités, les bons et les méchants. Car l’Eglise des nations n’est pas une Eglise de purs. Sinon il n’y aurait pas de place pour nous.
Survient le roi dans la salle pleine de convives. Il voit un homme qui ne porte pas l’habit de noce. Les autres ont pu faire le nécessaire, il pouvait en faire autant. Interrogé, il reste muet. Il n’entre pas dans la joie de la fête, comme le fils ainé d’une autre parabole. Il ne participera pas au banquet, mais sera jeté dans les ténèbres extérieures. La sentence n’est pas une menace, mais insiste sur l’importance de l’enjeu.
Tout se termine par la maxime : « beaucoup sont appelés » (les premiers invités comme les derniers), « mais peu sont élus ». Affirmation qui vise à la fois Israël et les nations. Invitation à répondre à l’appel de Dieu, dans la joie symbolisée par l’habit de fête. Car une acceptation sans joie ne vaut guère mieux qu’un refus.
Que pourrions-nous retenir, aujourd’hui, de cette initiative gratuite de Dieu, de nos réponses et de nos refus ?
Dieu invite tout le monde à partager sa joie et celle de son Fils. Même la colère de Dieu n’est que l’envers de son amour. Amour exposé, où Dieu engage tout ce qu’il est.
Notre vocation est donc d’entrer dans la joie de Dieu. On y entre joyeusement, ou on n’y entre pas.
Notre péché, personnel et collectif, n’est-il pas de préférer, à la joie offerte, l’engrenage du quotidien ? De ne pas accorder du temps à Dieu, lui qui nous accorde l’éternité ? Comme si notre quotidien ne pouvait pas être illuminé par la joie du Royaume qui vient.
Notre espérance est que Dieu sera plus grand que nos refus. Qu’il nous accordera à la fête éternelle.
Beaucoup se soucient fort peu du Royaume à venir. D’autres se disent chrétiens non pratiquants. L’image nuptiale de la parabole le suggère : ils sont comme un homme qui dirait à son conjoint : « Je crois à ton amour, mais pour le moment, je ne m’en soucie pas, car je n‘y trouve pas ma joie ».
Nous voici appelés à la joie, selon la parole d’Isaïe, qui annonce / ce que Dieu a réalisé et réalisera pour nous au dernier jour, comme le chante l’Apocalypse. « Le Seigneur de l’univers préparera un festin pour tous les peuples. Il essuiera les larmes sur tous les visages, il fera disparaitre la mort pour toujours ». Le croyons-nous ?
Dès aujourd’hui, Dieu accueille à sa table / ceux et celles qui rempliront un jour la salle des noces de l’Agneau. Et il nous envoie aux croisées des chemins, afin que tous puissent dire un jour, c’est du moins notre espérance : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions. Exultons, réjouissons-nous, car il nous a sauvés ».
Année A - 27e dimanche ordinaire - (08/10/2023)
(Is 5, 1-7 – Ps 79 – Ph 4, 6-9 – Mt 21, 33-43)
Homélie du F. Jean-Louis
Frères et sœurs,
Même si le réchauffement climatique rend les vendanges plus précoces, ce début octobre demeure encore marqué par cette activité bourguignonne par excellence et les lectures de ce dimanche comme celles des dimanches précédents nous situent dans cet univers de vignerons et de vendanges, mais bien sûr, pas pour faire un traité de viticulture.
Le passage du livre d’Isaïe lu ce matin a la tonalité d’un poème, d’un chant semblable à ceux des troubadours du moyen-âge. Mais il nous révèle une terrible réalité. Partant de l’histoire - somme-toute assez banale - d’un propriétaire de vigne soignant celle-ci en espérant avoir de beaux fruits et n’en récoltant que des mauvais, le prophète s’élève à une toute autre réalité, bien plus profonde, bien plus tragique. Nous connaissons bien ce mode de récit : la parabole.
La vigne du Seigneur de l’univers, pas seulement du Seigneur d’Israël, nous dit Isaïe, c’est la maison d’Israël, et le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Les beaux fruits que le Seigneur attendait de son peuple c’était le droit et la justice et, malgré tous ses soins, il ne récolte que le crime et les cris. Les prophètes ont dénoncé sans cesse les injustices les plus criantes du temps : exploitation des petits par les puissants, cris de détresse des opprimés qui montent vers Dieu…
La réaction du Seigneur sera d’enlever sa protection à la vigne pour que les exploiteurs fassent eux-aussi l’expérience de la détresse.
Le psaume 79, chanté en écho, nous fait entendre le cri du peuple vers Dieu dans la détresse en réclamant à nouveau la protection de son Seigneur, promettant de ne plus s’éloigner de son Dieu. Il faut parfois être dans la détresse pour se tourner vers Dieu.
Le Christ, lui, reprend, dans la parabole d’aujourd’hui, ce même thème de la vigne et ses interlocuteurs ont de suite compris que le propriétaire du domaine était Dieu, la vigne, le peuple d’Israël et les serviteurs maltraités, la longue lignée des prophètes. Quant aux vignerons, ce sont les responsables du peuple. Les grands prêtres et les anciens, auditeurs du Christ dans cet épisode, se voient bien obligés de conclure qu’il fallait punir ces vignerons criminels qui vont jusqu’à tuer le fils du propriétaire du domaine, comme si cela aurait suffi à les rendre eux-mêmes propriétaires de cette vigne. Le Christ révèle alors le sens de la parabole. Ce sont eux, les grands prêtres et les anciens, qui mettront à mort le Christ et se verront enlever le royaume de Dieu. Il s’agissait d’un avertissement qui n’a pas été entendu.
Frères et sœurs, ces textes, ne les lisons pas que comme des textes du passé. Il ne faudrait pas en effet oublier que ces textes ont été écrits pour les générations de chrétiens qui se succèderont au cours des siècles et qu’ils sont une Parole de Dieu pour nous, aujourd’hui.
Nous nous disons chrétiens, disciples du Christ, et nous souhaitons, je pense, suivre sincèrement le Christ. Ces lectures nous rappellent cependant qu’il n’est pas si simple de faire la volonté de Dieu. Certes, comme jadis et encore aujourd’hui, Dieu prend soin de son peuple et de façon certainement aussi délicate que dans le passage du prophète Isaïe mais quels fruits portons-nous ? Pas seulement individuellement, mais collectivement ? Le Christ qui a donné sa vie pour nous, pas seulement les chrétiens, mais toute l’humanité, n’est-il pas en droit d’attendre de ceux et celles qui sont appelés à être les témoins de cet amour fou, au moins un peu de droit, de justice comme pour les habitants de Juda et d’Israël, jadis ?
Le Christ s’est présenté comme le fils du propriétaire de la vigne, injustement massacré par les vignerons. Il a été du côté des victimes de l’injustice et de la violence et il a assumé cette position sans la fuir. Il s’est identifié à ces victimes et il en est mort.
On entend parfois des critiques sur le pape François, lui reprochant d’être trop politique dans ses discours. Mais que faire d’autre quand on lit la Bible et qu’on constate qu’un des messages constants transmis dès l’ancien Testament est la protection de la veuve, de l’étranger, de l’orphelin ? Que faire lorsque, lors du Jugement dernier tel que le présente l’évangile de Matthieu au chapitre 25, il est écrit j’étais en prison et vous ne m’avez pas visité, j’avais faim et vous ne m’avez pas donné à boire, étranger, et vous ne m’avez pas accueilli. » Certes, ni les prophètes de l’ancien testament, ni le Christ, ni le pape François ne donnent de recettes concrètes. Ce n’est pas leur rôle et de toute façon, ces recettes sont variables selon les époques et les circonstances. Par contre, ils donnent un esprit, un axe d’action, et lorsque l’on voit les sujets évoqués dans l’Ecritures sainte, je ne vois pas comment on ne peut pas y voir une exigence d’action politique, c’est-à-dire une action au sein de la cité, qui doit respecter la justice.
Frères et sœurs, dans quelques semaines, nous célébrerons la solennité du Christ Roi de l’Univers et nous entendrons alors ce passage de l’Évangile de Matthieu concernant le Jugement dernier. Il nous rappellera que c’est aujourd’hui, dans la vie concrète, dans nos choix face aux différentes formes de misère et de pauvreté, que nous entrons dans la dynamique de Salut apportée par le Christ ou que nous la refusons. Faisons en sorte que la parole d’Isaïe entendue aujourd’hui « Il en attendait la justice, et voici les cris » ne nous soit pas appliquée à nous, les chrétiens de ce 21e siècle.
AMEN
Année A - 26° Dimanche ord - 1° octobre 2023
Ezékiel 18, 25-28 / ps 24 ; Philippiens 2, 1-11; Matthieu 21, 28-32
Homélie de F. Basile
Frères et Soeurs, avez-vous bien entendu cette parole de Jésus, qui renverse toutes nos échelles de valeur et de bonne conduite : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » Et à qui Jésus adresse-t-il cette parole ? Aux grands prêtres, à des gens qui se pensent irréprochables, à ceux qui savent ou croient savoir la Loi de Dieu : ils savent, mais ils ne font pas.
C’est à nous aujourd’hui de comprendre le sens de la petite histoire qui précède : « Un homme avait 2 fils » Cela ne vous rappelle-t-il pas une autre histoire, la parabole du fils prodigue dans l’évangile de Luc. Deux histoires différentes, mais que l’on peut rapprocher. « Un homme avait 2 fils » L’un refuse de vivre à la maison, il part, et puis quand il n’a plus d’argent, il se repent et revient vers son père ; l’autre est resté, apparemment il a dit oui, mais par devoir, et quand son frère revient, il n’admet pas qu’on lui donne la préférence.
Dans l’histoire rapportée par Matthieu, il se passe moins de choses, mais cela tourne autour d’un Oui et d’un Non avec la question : quel est celui des 2 fils qui a vraiment fait la volonté du Père ? Au départ, c’est bien un père qui dit « Mon enfant » ; ce n’est pas un patron qui donne des ordres, c’est un père qui invite : une fois de plus le Dieu de la Bible respecte infiniment la liberté de l’homme, il la sollicite ; et puis il prend patience. L’Evangile continue : « ensuite, s’étant repenti » ; entre le refus et la repentance, il peut se passer quelques heures
ou même quelques années pour que le Non se change en un vrai Oui.
Que veut dire « Travailler à la vigne » ? C’est une image symbolique, que nous trouvons souvent dans l’Evangile comme dimanche dernier, et nous l’aurons encore dimanche prochain ; elle exprime le travail de nos vies dans la maison de Dieu, dans l’Eglise aujourd’hui ; il s’agit de vivre nos vies d’homme et de femme, quels que soient notre situation, notre âge, nos engagements, à la lumière de la Parole de Dieu. Travailler à la vigne, c’est faire la volonté du Père à la suite du Christ qui s’est fait serviteur ; travailler à la vigne, c’est aussi croire à la Parole.
Cette expression revient ici 3 fois. Ce qui est reproché aux pharisiens, c’est de n’avoir pas cru à la parole de Jean Baptiste, alors que les publicains et les prostitués y ont cru. Cela nous dit bien que l’Evangile n’est pas un code de conduite, il n’est pas une morale, pour savoir ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qui est bien et ce qui est mal. L’Evangile, c’est une parole de vie, adressée à chacun. Se convertir à l’Evangile, c’est avant tout croire à la parole de Jésus, à la parole d’un Dieu qui veut faire alliance avec chacun de nous.
Ne pourrait-on pas dire que dans le mariage, c’est aussi ce qui se passe ? S’engager librement dans une alliance, c’est croire à la parole de l’autre. Et croire, ce n’est jamais évident. Il y a des jours où l’on ne sait plus très bien, mais la fidélité de l’amour demande de passer par là. On apprend jour après jour à dire Oui à l’autre.
Jésus nous questionne sur notre manière de dire Oui, un Oui qui vienne du cœur, où notre liberté s’engage, et non pas un Oui forcé, parce que si je dis Non, je vais me faire disputer. Et croire, ce n’est pas seulement dire, mais faire, le traduire dans les actes. Malgré leur vie de péché, malgré leur passé très lourd, les publicains et les prostituées ont su entendre l’appel de Dieu, revenir à lui et lui dire Oui avec leur cœur, alors que les pharisiens n’ont qu’un oui de façade : ils disent, mais ne font pas. Et nous, de quel côté sommes-nous ?
Je crois que nous pouvons nous reconnaître dans les 2 fils. Parfois nous disons Oui, parfois nous disons Non. Parfois un Oui de surface, un Oui poli qui cache un refus ; parfois un Non qui veut dire Oui, parce que le Oui profond n’arrive pas à sortir et qu’il faut du temps pour briser les résistances. C’est là que l’obéissance du Christ est pour nous le modèle ; c’est librement que Jésus a pris notre condition humaine et qu’il s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Et Paul dira dans une autre lettre que le Fils de Dieu, le Christ Jésus, n’a pas été Oui et Non : il n’a jamais été que Oui et Paul ajoute : «Aussi est-ce par lui que nous disons notre Amen à Dieu pour sa gloire. »
Nous pouvons penser aujourd’hui à Thérèse de Lisieux, puisque c’est le jour de sa fête, Thérèse qui a dit Oui jusqu’au bout dans la nuit de la foi, quand à la fin de sa vie, elle ne savait plus si le ciel existait pour elle ; Thérèse qui aimait dire que lorsqu’elle communiait, elle venait s’asseoir à la table des pécheurs, si grande était sa confiance en la miséricorde du Père.
Dieu ne cesse de nous faire des appels, mais il veut une réponse libre. Notre vie va être souvent ce mouvement de balance entre le Oui et le Non, pour laisser peu à peu toute la place à un Oui inspiré par l’amour. Dieu est patient, il a horreur des fausses réponses. Mais retenons ce que Jésus nous dit aujourd’hui : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu » Conduite étrange, disent certains qui se posent en juges de la Loi. Le pape François est si mal jugé par certains catholiques, alors qu’il cherche à être plus fidèle à l’esprit de l’Evangile, à la vérité de l’amour. Et quand le pape nous appelle à accueillir les migrants, les réfugiés, qu’allons-nous faire ? Demandons l’Esprit Saint pour savoir comment répondre avec nos petits moyens, comment dire à Dieu un Oui qui soit Oui.
Frère Basile
Année A - 25 dimanche du Temps Ordinaire - 24 septembre 2023
Is 55 6-9 ; Phil 1 20-27 ; Mt 20 1-16
Homélie du F. Vincent
Dieu serait-il injuste ? C’est la question qui vient tout de suite à l’esprit en écoutant l’évangile que nous venons d’entendre. Oui, Dieu nous déconcerte souvent. Sa justice est tellement différente de la nôtre qui a pourtant sa légitimité. Tellement différente qu’elle en vient parfois à nous scandaliser, aussi fortement que le maître de la vigne scandalisa ses ouvriers, dans la parabole que nous venons d’entendre.
Pourtant, au nom de la stricte justice, le scandale était sans fondement. Leur contrat de travail avait été scrupuleusement respecté, et une pièce d’argent en échange d’un travail de toute une journée, c’était un salaire honorable. Le murmure des ouvriers venait d’ailleurs. Il y avait eu ceux de la première heure qui, comme ils s’en vanteront, avaient supporté le poids du jour et de la chaleur. Puis ceux de la dernière heure, des chômeurs, peut-être, Si ceux-là recevait une pièce d’argent pour si peu d’effort, les autres pouvaient légitimement espérer recevoir un traitement meilleur. Il n’en fût rien. C‘est vrai, on peut s’en étonner, se révolter même avec eux.
A leur étonnement, deux réponses possibles. La première est donnée par Jésus lui-même : « est-ce que ton regard est mauvais parce que je suis bon ? » La justice de Dieu ne se contente pas de ce qui est défini par les terme d’un contrat. Elle est bonté, générosité, surabondance de miséricorde. La mesure de ses dons, comme il le dira lui-même, est toujours une mesure bien remplie, tassée, débordante. De plus, elle s’adresse de préférence à ceux qui l’ont mérité moins que les autres, qui n’ont guère fait les efforts auxquels la plupart s’obligent, mais à qui aura suffi un simple cri de confiance, un simple regard baigné d’amour. Nous les connaissons ; les publicains et les prostituées qui nous précèdent dans le royaume des cieux. Ils s’appellent Marie-Madeleine, Zachée, Matthieu, et tant d’autres parmi lesquels le tout premier des saints, canonisé par Jésus en personne sur la Croix, véritable ouvrier de la dernière heure, lui, le bon larron que Jésus envoya à l’instant au Paradis pour y accueillir tous ceux que sa mort et sa résurrection allaient délivrer.
La deuxième réponse à cet étonnement est cachée dans notre propre cœur. Elle dépend de la place que nous nous attribuons dans cette parabole. En effet, aussi longtemps que nous nous estimons des « ouvriers de la première heure », ayant le droit de faire valoir nos prestations, nous ne pouvons qu’être choqués par une injustice aussi criante de la part de Dieu, par un maître aussi partisan. Mais ce sera en même temps le signe que notre cœur, pour le moment, est resté endurci, et connait encore peu ce qu’est la surprenante douceur de l’amour et du pardon de Jésus.
Un jour viendra où notre cœur de pierre se brisera lors d’une épreuve, d’un échec, d’un péché peut-être, ou simplement devant la prise de conscience si humiliante de notre incapacité radicale à rejoindre ce Dieu que nous prétendions aimer. Ce sera un moment de grâce où nous accepterons enfin de nous ranger humblement parmi les ouvriers de la dernière heure, à la suite des serviteurs inutiles à côté des pécheurs et du bon larron, et même derrière eux, conscient d’avoir fait si peu et acceptant d’en être là ayant droit surtout à la miséricorde, à la bouleversante bonté de Dieu. Là est notre vraie place.
Là sera aussi notre joie, notre plus grande joie pour toujours. Et aussi la plus grande joie de Dieu. Car il y a davantage de joie au ciel, a dit Jésus, pour un seul pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion.
(Sources diverses)
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Année A - 24e dimanche du tps Ordinaire – 17 septembre 2023
Si27.30-28.7 ; Rom 14 7-9; Mt 18 21-35 ;
Homélie du F.Hubert
Un homme devait à son roi soixante millions de pièces d’argent.
Saisi de compassion, son maître le laissa partir et lui remit sa dette.
Il ne lui dit pas : tu me paieras plus tard, ou : tu me paieras une partie.
Non, il lui remit sa dette. Une dette au-delà de toute mesure.
Cette parabole nous plonge dans la révélation de ce que Dieu est et fait pour nous,
de ce qu’il est et fait en Jésus..
Il nous faut sans cesse revenir au comportement de ce roi
qui remet à son serviteur une dette impossible à rembourser.
Il s’agit évidemment de l’attitude de Dieu envers nous,
lui qui, après nous avoir créé par amour,
nous rachète de nos fautes, nous libère du péché, et nous revêt de la robe des fils.
Dieu est saisi de compassion devant chacun d’entre nous séduit par la parole du serpent menteur
qui a mis en doute la parole divine.
La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous,
alors que nous étions encore pécheurs, dit Paul dans la lettre aux Romains.
Si le Christ, l’Innocent, est mort pour nous alors que nous étions pécheurs,
alors, nous n’avons pas à vivre selon une loi morale,
mais, bouleversés par cet acte gratuit,
à vivre dans l’action de grâce et la reconnaissance,
à avoir un comportement qui soit l’écho de ce par-don de Dieu dont nous sommes l’objet.
Il faut nous laisser bouleverser par ce que Dieu est et fait pour nous.
Ma vie, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi, dit Paul aux Galates.
Si Dieu nous a tant aimés, nous devons nous aimer les uns les autres, dit st Jean.
Notre Père n’attend pas pour nous aimer, que nous ayons remboursé notre dette.
Il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…
Mais il attend que nous soyons saisis de compassion les uns pour les autres.
Il espère nous voir vivre à son image, selon son Esprit,
manifestant, par notre comportement, qui il est et de quelle grâce nous sommes l’objet,
de quelle grâce identique ceux qui nous apparaissent comme nos débiteurs, sont aussi l’objet.
Jésus a été livré aux bourreaux, il a pris la place du débiteur,
il a « remboursé » pour nous.
Quel était donc ce remboursement ? Que devait l’homme à Dieu ?
Croire à son amour, croire à sa parole d’amour,
lui répondre : « Tu es mon Père ! »
et répondre à tous : « Vous êtes mes frères ! »
Ce double cri d’amour a jailli parfaitement du cœur du Fils unique
Avec David, Dieu disait : « Mon fils, que ne suis-je mort à ta place ! »
Il l’a accompli en Jésus : Dieu est mort pour nous pour que nous vivions.
Oui, il nous faut sans cesse revenir à ce roi saisi de compassion,
le regarder dans son Fils qui est son Image,
nous laisser toucher, modeler, et convertir.
Apprendre de lui à être saisis de compassion envers tout être, nous faire son prochain et son frère.
Dans nos sociétés où l’individualisme est tellement prégnant,
nous sommes appelés sans cesse à sortir de nous-mêmes
pour mettre du lien, aller à la rencontre, créer de la communion, de la bienveillance,
ouvrir les chemins du pardon et de la vie renouvelée.
Et comme nous sommes toujours en-deçà d’un tel appel,
nous ne pouvons qu’espérer, que le pardon de Dieu aille jusqu’à nous ébranler dans notre dureté lorsque nous ne pardonnons pas à nos frères.
Que sa miséricorde détruise même ce péché
et nous ouvre enfin à la filiation et à la fraternité que plus rien ne limite !
Ceci est mon corps livré pour vous.
Nous entendrons à nouveau cette parole tout à l’heure :
elle nous ouvre la grâce.
Elle nous fait grâce,
elle fait grâce à chacun de nous et à la multitude des hommes.
Combien de fois dois-je pardonner ?
Dieu ne se lasse jamais de pardonner. Il est saisi de compassion.
Que l’Esprit change nos cœurs de pierre en cœurs de chair !
Soyons des images de Dieu.
Notre mission de chrétiens est de révéler qui il est
et de faire advenir dès maintenant son règne de grâce.
Année A - 23e Dim Ord - 10 sept 2023
Ez 33/7-9, Rom 13/8-10, Mt 18/15-20
Homélie du F.Cyprien
Les lectures que nous venons d’entendre…
“Avertir le méchant d’abandonner sa conduite pour qu’il se convertisse…
Je te demanderai compte de son sang… »
« Pas de dette envers personne, sinon celle de l’amour mutuel » = tous débiteurs les uns envers les autres…
Et puis l’Evangile de ce jour : « Si ton frère vient à pécher contre toi… »
Aimer les autres, c’est accomplir la Loi… La Loi dans sa plénitude, c’est la charité, c’est l’Amour.
Chers frères et sœurs, nous savons cela, nous le savons peut-être trop bien … danger de répéter certaines phrases comme des slogans, des refrains, alors que le message de l’Evangile aura, jusqu’à la fin des temps, des implications pour la vie quotidienne des humains, … que ces vérités auraient pu apporter la seule véritable révolution, celle de l’amour, de l’Amour de Dieu pour tous et par tous... !
Saint Paul demande dans la 2e lecture : « Pas de dette envers personne sinon celle de l’amour mutuel ». A ce niveau nous sommes tous débiteurs les uns envers les autres, c’est bien de le savoir, de se le redire… débiteurs dans l’amour mutuel…
Commençons par la première lecture : elle demande d’avertir le méchant d’abandonner sa conduite pour qu’il se convertisse… Et le prophète Ezéchiel ajoute : « Je te demanderai compte de son sang… ». La mauvaise conduite, le mal commis doivent être évités par nous, bien sûr, mais la mauvaise conduite, le mal commis par les autres nous concernent aussi : « Si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra dans son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang ». Ce qui signifie pour le prophète que sauver sa vie devant Dieu consiste aussi d’avertir le méchant, se préoccuper de lui.
Comme l’affirme saint Paul, l’amour ne fait pas de mal au prochain, et il faut certainement ajouter : l’amour consiste encore à se préoccuper du salut de ce prochain particulier dont la conduite n’est pas bonne…
Dans l’Evangile, le Seigneur suppose le cas où quelqu’un de la communauté des croyants m’a fait du mal : cette situation ne peut pas durer indéfiniment : le conseil donné consiste à intervenir avec une gradation de l’avertissement, avertissement donné à la personne fautive: d’abord seul à seul, puis à deux ou trois, et ensuite devant la communauté.
Elle est juste cette gradation pour avertir : nous devons y voir le respect dû à ceux qui nous font du mal, pour que notre intervention porte des fruits justes, pour que la violence ne s’y glisse pas.
Dans la réalité, dans les cas où cela nous arrive, sommes-nous sûrs de réussir, même avec les conseils donnés par Jésus lui-même ?
Qu’est-ce qui peut manquer dans cet effort pour ramener le méchant à une conduite digne et respectueuse ?
C’est ici que saint Paul affirme que nous ne devons avoir de dette envers personne, sinon celle de l’amour mutuel : si l’amour mutuel manque, il faut vérifier de mon côté non seulement que je respecte assez mon contradicteur en voulant l’avertir qu’il fait mal, mais que je lui veux vraiment du bien, à lui.
Nous savons trop bien que les redresseurs de tort peuvent être des personnes redoutables : zèle excessif où l’ego a trop de place, où on peut se faire plaisir en montrant qu’on est soi-même du bon côté…qu’on a raison d’intervenir…
En fait pour être du bon côté, il faudrait être sûr d’être du côté de l’Esprit du Christ, de l’Esprit d’amour, du côté du Dieu qui patiente et qui pardonne… Je me rappelle du titre d’un livre dans une vitrine de librairie, il y a plus de 50 ans, livre écrit par un prêtre chroniqueur à la Croix ; ce titre c’était : « Aime quand même ».
Chers frères et sœurs, « Aimer quand même », aimer d’abord et avant tout, je crois que ce doit être la bonne disposition que Jésus nous demande quand nous abordons celui que nous voulons corriger de sa mauvaise conduite : « Aime quand même »…
même s’il ne nous veut pas du bien. La charité, c’est la loi dans sa plénitude et
Nous serons toujours débiteurs les uns envers les autres de cette charité, de cet amour qui est Dieu lui-même.
Pour cette démarche de correction fraternelle, rappelons-nous encore : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, le Seigneur est là au milieu d’eux »… Peut-être faudrait-il nous assurer que le Seigneur est bien avec nous, que nous nous réunissons en son nom pour entreprendre de corriger le frère ?
Que ferons-nous si nous ne transmettons pas Dieu à ceux qui en ont vraiment besoin… ?
Chers sœurs et frères, que cette Eucharistie nous fortifie dans l’Amour de Dieu, dans l’amour authentique du prochain : c’est Jésus qui a payé le prix de notre conversion, de notre correction !
Année A - 22e dimanche T0, - 3 septembre 2023 —
Jr 20, 7-9 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27
Homélie du F. Charles Andreu
Chers frères et sœurs, quel douloureux revers pour l’Apôtre Pierre. Dans l’évangile de dimanche dernier, Simon recevait le nom de Pierre, roc solide de la foi ; aujourd’hui, Jésus l’appelle Satan. Hier, il l’avait proclamé bienheureux pour ses paroles inspirées par le Père ; maintenant, il le rabroue pour des paroles ne viennent pas de Dieu, mais des hommes :
Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas !
Ces paroles sont-elles donc scandaleuses ? Cela ne t’arrivera pas, n’est-ce pas la cri qui nous habite, qui devrait nous habiter, devant toute détresse ? Quand la souffrance envahit le corps ou de l’esprit, quand la guerre emporte des vies, quand l’ébranlement de l’équilibre délicat de la nature menace la planète entière, à commencer par les plus pauvres, quand s’exercent toutes sortes d’abus, quand l’injustice sociale engendre la violence, ne faut-il pas que des hommes et des femmes, par leurs paroles et par leur engagement concret, osent dire à leurs frères : Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas ? Et en parlant ainsi, c’est au Seigneur aussi qu’ils s’adressent, puisqu’il a dit : c’est à moi que vous l’avez fait. Ainsi l’Évangile ne doit pas inhiber ce cri, mais l’épanouir, le libérer des gangues d’égoïsme, d’indifférence et de déni qui rendent aveugle, muet, passif devant la souffrance, devant la croix.
Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas !
Et pourtant, frères et sœurs, cela nous arrive. D’une manière ou d’une autre, la croix traverse nos vies. Et il faudrait savoir en parler autrement qu’à dire, comme l’a fait un certain discours chrétien, que le Seigneur nous « envoie des croix ». Ne jamais laisser entendre non plus à celui qui croit sa responsabilité engagée, que la croix serait un châtiment divin. Ce n’est pas le père qui a interdit à son enfant de mettre ses doigts dans la prise qui le punit en lui envoyant une décharge. Personne à vrai dire ne le punit. Il ne s’agit pas de cela. Pourtant, avec quelle ténacité de telles idées hantent-elles nos consciences !
Avant d’entrer dans un projet divin, la croix appartient à notre humanité, à cette part irréductible de pauvreté, de vulnérabilité et de péché qui blesse notre existence. Porter sa croix, c’est l’accepter et le traverser en un chemin pascal, tandis que la révolte contre soi, contre les autres ou contre Dieu ne serait qu’un enferment stérile et destructeur, une façon de perdre sa vie en cherchant à la sauver. Mais avec quelle délicatesse et quelle prudence faudrait-il savoir le dire, tant ces paroles, sans le vouloir, risquent d’imposer le fardeau d’une culpabilité qui accable davantage, d’imposer une nouvelle croix. La grandiloquence est ici particulièrement dangereuse. Et il vaut souvent mieux, par des actes tout simples d’amour qui, mieux que des discours, manifestent à nos frères leur valeur infinie, nous aider les uns les autres, non seulement à nous accepter tels que nous sommes, mais à nous aimer tels que nous sommes, à estimer assez notre vie pour trouver la force d’y porter même la croix.
Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas !
Et pourtant c’est arrivé. Dieu ne nous envoie pas des croix, mais il nous a envoyé son Fils, et le Fils porte la croix. Sur la croix, il ne porte pas notre punition, il partage notre condition. Pierre voulait bien croire que Jésus est Fils de Dieu ; il peine à croire que le fils de Dieu puisse être fils de l’homme jusque-là. Paradoxalement, c’est une pensée qui vient des hommes et non de Dieu : il nous est plus spontané de croire en un Dieu sur lequel projeter nos rêves de toute puissance, construit à l’aune de notre peur secrète, ou de notre mépris avoué, de tout ce qui est vulnérable, de quiconque prend le risque d’aimer plutôt que de dominer.
Mais c’est l’humble salut d’une vulnérabilité partagée que nous offre Jésus. Ce partage est salut car il est amour, c’est-à-dire source de vie et de paix, au lieu même où la douleur risque de nous recroqueviller dans une logique de mort. Demandons au Seigneur la grâce d’accueillir cet humble salut de l’amour, d’accueillir notre humanité que Dieu vient habiter.
Homélie du 21ème dimanche du TO Année A
(Isaïe 22,19-23 ; Romains 11,33-36 ; Matthieu 16,13-20)
Homélie du F. Guillaume
Frères et sœurs,
Si nous avons été attentifs à l’écoute de la 1ère lecture du prophète Isaïe dans l’A.T. et à la page d’évangile selon St Matthieu relatant la confession de foi au Christ de Pierre à Césarée, nous aurons pu remarquer qu’un mot est commun aux 2 textes ; celui de clef. Un mot-clé donc en quelque sorte, sur lequel j’aimerais m’arrêter en commençant cette homélie.
« en ce jour-là j’appellerai mon serviteur Eliakim. Je le revêtirai d’une tunique. Je lui remettrai les pouvoirs. Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David. S’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira. »
Et Jésus dit à Pierre : « Je te donnerai les clés du Royaume des cieux. Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les Cieux. Tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié aux Cieux. »
La détention d’une clé ou de plusieurs est donc clairement associée à un pouvoir. Dans les époques anciennes, quand des nations se faisaient la guerre dans le siège d’une ville, les vaincus devaient remettre les clés de la ville, en signe de leur défaite. Il en fut ainsi, lors du siège de Jérusalem, en 1187, quand les chrétiens latins, vaincus, remirent les clés de la Tour de David, la citadelle, au sultan Saladin. Et Jérusalem devint pour un certain temps une ville musulmane, le 3ème lieu de pèlerinage pour les croyants de l’Islam qu’elle est toujours, après La Mecque et Médine.
De nos jours, dans la société numérique où nous sommes entrés, on parle de clés dans les applications informatiques, clés qui donnent accès à d’énormes centres de données et donc de renseignements et d’information, sur les personnes et les entreprises. Ces clés confèrent à ceux qui en disposent un immense pouvoir. La cryptographie est une discipline des mathématiques les plus pointues et attirent non seulement des ingénieurs talentueux mais aussi de jeunes hackers, parfois collégiens ou lycéens qui parviennent à s’introduire, grâce à la découverte de codification sophistiquée, à ces centres de données des administrations, des banques, des grandes entreprises, avec d’éventuels pouvoirs de nuisance.
Jésus, lui, ne se présente pas comme une clé, mais comme une porte, associée à un enclos avec des brebis dont il est le pasteur. Dans le IV° évangile, il s’écrie : « en vérité, en vérité, je vous le dis : je Suis la porte des brebis. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé : il ira et viendra et trouvera de quoi se nourrir. Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance.
Frères et sœurs, ces images de clés et de porte peuvent-elles nous parler et nous rejoindre encore dans nos vies chrétiennes ? Les moines du désert, dans leurs combats spirituels contre les pensées qui les traversaient et les troublaient comparaient leur cœur à un lieu gardé par une porte. Ils faisaient le constat suivant : examine chaque pensée et demande-toi (c-à-dire discerne) si elle vient du bon Esprit, tu peux la faire entrer en toi, sinon ferme-lui la porte et ne la laisse surtout pas entrer. Conseil de la garde du cœur, avec les clés de la vigilance et de la prudence, ces clés que n’avaient pas emportées les vierges folles de la parabole des 10 jeunes filles invitées aux noces de l’Epoux et qui se sont heurtées à une porte refermée, refoulées de la salle des convives.
Quelle serait donc la meilleure clé dont nous pourrions faire usage et qui nous serait donnée pour accéder au Royaume ? Il me semble qu’une lecture sincère de l’Evangile répond sans détour : la clé de la miséricorde. C’est grâce à cette clé que nous prenons conscience à la fois de notre misère d’homme mortel et pécheur, et à la fois de la grandeur de notre salut en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous. Placé entre ces 2 infinis qui nous dépassent en notre origine et en notre fin, comme l’a pensé si fortement Blaise Pascal, nous trouvons dans la proposition de l’Evangile le sens de notre existence, et avec lui, la source de notre liberté et de notre joie. Et cela en toute humilité, le repentir et l’accueil du pardon.
« Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse, et la connaissance de Dieu ! » pouvons-nous alors nous exclamer avec Saint Paul dans la 2nde lecture.
Et je voudrai achever cette méditation sur les clés et les portes par le conseil de l’Ange de l’Eglise qui était à Laodicée, mais qui peut être aussi à la Pierre qui Vire aujourd’hui : « Ainsi parle l’Amen, le Témoin fidèle et véritable. Je sais tes œuvres : tu n’es ni froid, ni bouillant. Que n’es-tu froid ou bouillant. Moi, tous ceux que j’aime, je les reprends et les corrige. Sois donc fervent et repens-toi. Voici, je me tiens à ta porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai le repas avec lui, et lui avec moi. »
Ce repas, c’est celui de l’eucharistie que nous célébrons ensemble en ce moment. Que celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que dit l’Esprit dit aux églises.
AMEN