Homélies
Liste des Homélies
Année A - 23e Dim Ord - 10 sept 2023
Ez 33/7-9, Rom 13/8-10, Mt 18/15-20
Homélie du F.Cyprien
Les lectures que nous venons d’entendre…
“Avertir le méchant d’abandonner sa conduite pour qu’il se convertisse…
Je te demanderai compte de son sang… »
« Pas de dette envers personne, sinon celle de l’amour mutuel » = tous débiteurs les uns envers les autres…
Et puis l’Evangile de ce jour : « Si ton frère vient à pécher contre toi… »
Aimer les autres, c’est accomplir la Loi… La Loi dans sa plénitude, c’est la charité, c’est l’Amour.
Chers frères et sœurs, nous savons cela, nous le savons peut-être trop bien … danger de répéter certaines phrases comme des slogans, des refrains, alors que le message de l’Evangile aura, jusqu’à la fin des temps, des implications pour la vie quotidienne des humains, … que ces vérités auraient pu apporter la seule véritable révolution, celle de l’amour, de l’Amour de Dieu pour tous et par tous... !
Saint Paul demande dans la 2e lecture : « Pas de dette envers personne sinon celle de l’amour mutuel ». A ce niveau nous sommes tous débiteurs les uns envers les autres, c’est bien de le savoir, de se le redire… débiteurs dans l’amour mutuel…
Commençons par la première lecture : elle demande d’avertir le méchant d’abandonner sa conduite pour qu’il se convertisse… Et le prophète Ezéchiel ajoute : « Je te demanderai compte de son sang… ». La mauvaise conduite, le mal commis doivent être évités par nous, bien sûr, mais la mauvaise conduite, le mal commis par les autres nous concernent aussi : « Si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra dans son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang ». Ce qui signifie pour le prophète que sauver sa vie devant Dieu consiste aussi d’avertir le méchant, se préoccuper de lui.
Comme l’affirme saint Paul, l’amour ne fait pas de mal au prochain, et il faut certainement ajouter : l’amour consiste encore à se préoccuper du salut de ce prochain particulier dont la conduite n’est pas bonne…
Dans l’Evangile, le Seigneur suppose le cas où quelqu’un de la communauté des croyants m’a fait du mal : cette situation ne peut pas durer indéfiniment : le conseil donné consiste à intervenir avec une gradation de l’avertissement, avertissement donné à la personne fautive: d’abord seul à seul, puis à deux ou trois, et ensuite devant la communauté.
Elle est juste cette gradation pour avertir : nous devons y voir le respect dû à ceux qui nous font du mal, pour que notre intervention porte des fruits justes, pour que la violence ne s’y glisse pas.
Dans la réalité, dans les cas où cela nous arrive, sommes-nous sûrs de réussir, même avec les conseils donnés par Jésus lui-même ?
Qu’est-ce qui peut manquer dans cet effort pour ramener le méchant à une conduite digne et respectueuse ?
C’est ici que saint Paul affirme que nous ne devons avoir de dette envers personne, sinon celle de l’amour mutuel : si l’amour mutuel manque, il faut vérifier de mon côté non seulement que je respecte assez mon contradicteur en voulant l’avertir qu’il fait mal, mais que je lui veux vraiment du bien, à lui.
Nous savons trop bien que les redresseurs de tort peuvent être des personnes redoutables : zèle excessif où l’ego a trop de place, où on peut se faire plaisir en montrant qu’on est soi-même du bon côté…qu’on a raison d’intervenir…
En fait pour être du bon côté, il faudrait être sûr d’être du côté de l’Esprit du Christ, de l’Esprit d’amour, du côté du Dieu qui patiente et qui pardonne… Je me rappelle du titre d’un livre dans une vitrine de librairie, il y a plus de 50 ans, livre écrit par un prêtre chroniqueur à la Croix ; ce titre c’était : « Aime quand même ».
Chers frères et sœurs, « Aimer quand même », aimer d’abord et avant tout, je crois que ce doit être la bonne disposition que Jésus nous demande quand nous abordons celui que nous voulons corriger de sa mauvaise conduite : « Aime quand même »…
même s’il ne nous veut pas du bien. La charité, c’est la loi dans sa plénitude et
Nous serons toujours débiteurs les uns envers les autres de cette charité, de cet amour qui est Dieu lui-même.
Pour cette démarche de correction fraternelle, rappelons-nous encore : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, le Seigneur est là au milieu d’eux »… Peut-être faudrait-il nous assurer que le Seigneur est bien avec nous, que nous nous réunissons en son nom pour entreprendre de corriger le frère ?
Que ferons-nous si nous ne transmettons pas Dieu à ceux qui en ont vraiment besoin… ?
Chers sœurs et frères, que cette Eucharistie nous fortifie dans l’Amour de Dieu, dans l’amour authentique du prochain : c’est Jésus qui a payé le prix de notre conversion, de notre correction !
Année A - 22e dimanche T0, - 3 septembre 2023 —
Jr 20, 7-9 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27
Homélie du F. Charles Andreu
Chers frères et sœurs, quel douloureux revers pour l’Apôtre Pierre. Dans l’évangile de dimanche dernier, Simon recevait le nom de Pierre, roc solide de la foi ; aujourd’hui, Jésus l’appelle Satan. Hier, il l’avait proclamé bienheureux pour ses paroles inspirées par le Père ; maintenant, il le rabroue pour des paroles ne viennent pas de Dieu, mais des hommes :
Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas !
Ces paroles sont-elles donc scandaleuses ? Cela ne t’arrivera pas, n’est-ce pas la cri qui nous habite, qui devrait nous habiter, devant toute détresse ? Quand la souffrance envahit le corps ou de l’esprit, quand la guerre emporte des vies, quand l’ébranlement de l’équilibre délicat de la nature menace la planète entière, à commencer par les plus pauvres, quand s’exercent toutes sortes d’abus, quand l’injustice sociale engendre la violence, ne faut-il pas que des hommes et des femmes, par leurs paroles et par leur engagement concret, osent dire à leurs frères : Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas ? Et en parlant ainsi, c’est au Seigneur aussi qu’ils s’adressent, puisqu’il a dit : c’est à moi que vous l’avez fait. Ainsi l’Évangile ne doit pas inhiber ce cri, mais l’épanouir, le libérer des gangues d’égoïsme, d’indifférence et de déni qui rendent aveugle, muet, passif devant la souffrance, devant la croix.
Dieu t’en garde, cela ne t’arrivera pas !
Et pourtant, frères et sœurs, cela nous arrive. D’une manière ou d’une autre, la croix traverse nos vies. Et il faudrait savoir en parler autrement qu’à dire, comme l’a fait un certain discours chrétien, que le Seigneur nous « envoie des croix ». Ne jamais laisser entendre non plus à celui qui croit sa responsabilité engagée, que la croix serait un châtiment divin. Ce n’est pas le père qui a interdit à son enfant de mettre ses doigts dans la prise qui le punit en lui envoyant une décharge. Personne à vrai dire ne le punit. Il ne s’agit pas de cela. Pourtant, avec quelle ténacité de telles idées hantent-elles nos consciences !
Avant d’entrer dans un projet divin, la croix appartient à notre humanité, à cette part irréductible de pauvreté, de vulnérabilité et de péché qui blesse notre existence. Porter sa croix, c’est l’accepter et le traverser en un chemin pascal, tandis que la révolte contre soi, contre les autres ou contre Dieu ne serait qu’un enferment stérile et destructeur, une façon de perdre sa vie en cherchant à la sauver. Mais avec quelle délicatesse et quelle prudence faudrait-il savoir le dire, tant ces paroles, sans le vouloir, risquent d’imposer le fardeau d’une culpabilité qui accable davantage, d’imposer une nouvelle croix. La grandiloquence est ici particulièrement dangereuse. Et il vaut souvent mieux, par des actes tout simples d’amour qui, mieux que des discours, manifestent à nos frères leur valeur infinie, nous aider les uns les autres, non seulement à nous accepter tels que nous sommes, mais à nous aimer tels que nous sommes, à estimer assez notre vie pour trouver la force d’y porter même la croix.
Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas !
Et pourtant c’est arrivé. Dieu ne nous envoie pas des croix, mais il nous a envoyé son Fils, et le Fils porte la croix. Sur la croix, il ne porte pas notre punition, il partage notre condition. Pierre voulait bien croire que Jésus est Fils de Dieu ; il peine à croire que le fils de Dieu puisse être fils de l’homme jusque-là. Paradoxalement, c’est une pensée qui vient des hommes et non de Dieu : il nous est plus spontané de croire en un Dieu sur lequel projeter nos rêves de toute puissance, construit à l’aune de notre peur secrète, ou de notre mépris avoué, de tout ce qui est vulnérable, de quiconque prend le risque d’aimer plutôt que de dominer.
Mais c’est l’humble salut d’une vulnérabilité partagée que nous offre Jésus. Ce partage est salut car il est amour, c’est-à-dire source de vie et de paix, au lieu même où la douleur risque de nous recroqueviller dans une logique de mort. Demandons au Seigneur la grâce d’accueillir cet humble salut de l’amour, d’accueillir notre humanité que Dieu vient habiter.
Homélie du 21ème dimanche du TO Année A
(Isaïe 22,19-23 ; Romains 11,33-36 ; Matthieu 16,13-20)
Homélie du F. Guillaume
Frères et sœurs,
Si nous avons été attentifs à l’écoute de la 1ère lecture du prophète Isaïe dans l’A.T. et à la page d’évangile selon St Matthieu relatant la confession de foi au Christ de Pierre à Césarée, nous aurons pu remarquer qu’un mot est commun aux 2 textes ; celui de clef. Un mot-clé donc en quelque sorte, sur lequel j’aimerais m’arrêter en commençant cette homélie.
« en ce jour-là j’appellerai mon serviteur Eliakim. Je le revêtirai d’une tunique. Je lui remettrai les pouvoirs. Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David. S’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira. »
Et Jésus dit à Pierre : « Je te donnerai les clés du Royaume des cieux. Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les Cieux. Tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié aux Cieux. »
La détention d’une clé ou de plusieurs est donc clairement associée à un pouvoir. Dans les époques anciennes, quand des nations se faisaient la guerre dans le siège d’une ville, les vaincus devaient remettre les clés de la ville, en signe de leur défaite. Il en fut ainsi, lors du siège de Jérusalem, en 1187, quand les chrétiens latins, vaincus, remirent les clés de la Tour de David, la citadelle, au sultan Saladin. Et Jérusalem devint pour un certain temps une ville musulmane, le 3ème lieu de pèlerinage pour les croyants de l’Islam qu’elle est toujours, après La Mecque et Médine.
De nos jours, dans la société numérique où nous sommes entrés, on parle de clés dans les applications informatiques, clés qui donnent accès à d’énormes centres de données et donc de renseignements et d’information, sur les personnes et les entreprises. Ces clés confèrent à ceux qui en disposent un immense pouvoir. La cryptographie est une discipline des mathématiques les plus pointues et attirent non seulement des ingénieurs talentueux mais aussi de jeunes hackers, parfois collégiens ou lycéens qui parviennent à s’introduire, grâce à la découverte de codification sophistiquée, à ces centres de données des administrations, des banques, des grandes entreprises, avec d’éventuels pouvoirs de nuisance.
Jésus, lui, ne se présente pas comme une clé, mais comme une porte, associée à un enclos avec des brebis dont il est le pasteur. Dans le IV° évangile, il s’écrie : « en vérité, en vérité, je vous le dis : je Suis la porte des brebis. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé : il ira et viendra et trouvera de quoi se nourrir. Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance.
Frères et sœurs, ces images de clés et de porte peuvent-elles nous parler et nous rejoindre encore dans nos vies chrétiennes ? Les moines du désert, dans leurs combats spirituels contre les pensées qui les traversaient et les troublaient comparaient leur cœur à un lieu gardé par une porte. Ils faisaient le constat suivant : examine chaque pensée et demande-toi (c-à-dire discerne) si elle vient du bon Esprit, tu peux la faire entrer en toi, sinon ferme-lui la porte et ne la laisse surtout pas entrer. Conseil de la garde du cœur, avec les clés de la vigilance et de la prudence, ces clés que n’avaient pas emportées les vierges folles de la parabole des 10 jeunes filles invitées aux noces de l’Epoux et qui se sont heurtées à une porte refermée, refoulées de la salle des convives.
Quelle serait donc la meilleure clé dont nous pourrions faire usage et qui nous serait donnée pour accéder au Royaume ? Il me semble qu’une lecture sincère de l’Evangile répond sans détour : la clé de la miséricorde. C’est grâce à cette clé que nous prenons conscience à la fois de notre misère d’homme mortel et pécheur, et à la fois de la grandeur de notre salut en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous. Placé entre ces 2 infinis qui nous dépassent en notre origine et en notre fin, comme l’a pensé si fortement Blaise Pascal, nous trouvons dans la proposition de l’Evangile le sens de notre existence, et avec lui, la source de notre liberté et de notre joie. Et cela en toute humilité, le repentir et l’accueil du pardon.
« Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse, et la connaissance de Dieu ! » pouvons-nous alors nous exclamer avec Saint Paul dans la 2nde lecture.
Et je voudrai achever cette méditation sur les clés et les portes par le conseil de l’Ange de l’Eglise qui était à Laodicée, mais qui peut être aussi à la Pierre qui Vire aujourd’hui : « Ainsi parle l’Amen, le Témoin fidèle et véritable. Je sais tes œuvres : tu n’es ni froid, ni bouillant. Que n’es-tu froid ou bouillant. Moi, tous ceux que j’aime, je les reprends et les corrige. Sois donc fervent et repens-toi. Voici, je me tiens à ta porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai le repas avec lui, et lui avec moi. »
Ce repas, c’est celui de l’eucharistie que nous célébrons ensemble en ce moment. Que celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que dit l’Esprit dit aux églises.
AMEN
A - Assomption de Marie- 15 août 2023
Ap 11.19 -12.10 ; 1 Co 15 20-27 ; Lc 1 39-56 ;
Homélie du Père Prieur P.Hubert
L’année liturgique, qui commence avec l’Avent et la venue du Messie dans la chair, s’achève avec la Toussaint, en laquelle nous célébrons la victoire du Christ, non seulement en lui-même avec la Résurrection et l’Ascension, mais aussi dans tous les membres de son Corps, sauvés et comblés de sa lumière et de sa gloire.
Entre Pâques et la Toussaint, au milieu de l’été, nous célébrons l’Assomption de Marie, c’est-à-dire la victoire du Christ en sa Mère, la première des sauvés, la femme bénie parmi toutes les femmes. L’Assomption est comme le prélude de la Toussaint, le premier fruit de la Résurrection du Christ.
En Marie, le projet de Dieu, le mystère pascal, est accompli, prémisses de l’accomplissement total lorsque la vie de Dieu sera totalement déployée dans l’humanité entière.
La gloire qui transfigure Marie – qui est la gloire même de Dieu – transfigurera aussi nos êtres mortels.
La résurrection que Marie reçoit de son Fils, sera aussi notre résurrection.
C’est pour nous faire participer à sa vie divine que Dieu s’est fait chair.
Il nous a créés pour que nous vivions de lui.
Lorsque nous regardons Marie, il ne faut pas en faire un être différent de nous,
mais contempler en elle la réalisation parfaite du désir et de l’œuvre de Dieu.
Marie est tout entière investie par la vie de Dieu, par son amour, jusqu’à être comblée de sa Gloire, après son itinéraire d’une vie très ordinaire vécue dans la foi, et être passée par le ravin de la croix.
Elle est la première, elle qui, sans retour aucun sur elle-même, a été totalement ouverture à la grâce.
Mais, dans son manteau de grâce, qui lui vient du Christ, se rassemblent tous ses enfants, reçus de la parole de Jésus sur la croix : « Femme, voici ton fils ».
C’est au pied de la croix qu’elle a traversé la mort, debout, ferme dans sa foi. Et l’Eglise professe que la Mère de Jésus, qui a porté le Verbe de Dieu dans sa chair, n’a pas connu la décomposition de la chair et a été élevée avec son corps dans la gloire de son Fils ressuscité.
Première des sauvés, elle a été préservée du péché.
Nous aussi, nous serons délivrés du péché, sauvés, rachetés par l’amour du Christ, pardonnés de nos fautes, de nos crimes, de tous nos actes mortifères, et sanctifiés.
Le Christ ressuscité est le premier-né d’une multitude de frères.
Comblés de sa grâce, renouvelés par l’Esprit, nous serons des créatures nouvelles.
Il n’y a qu’une seule sainteté, celle de Dieu,
et cette sainteté sera nôtre comme elle est celle de Marie.
Marie est bénie dans la bénédiction de son fils :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. »
Nous aussi, nous sommes bénis, nous dont Jésus s’est fait le frère :
« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ !
Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ.
Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs, par Jésus. »
Il y a dix jours, pour la fête de la Transfiguration, nous chantions une très belle hymne dans laquelle nous disions au Christ :
Librement tu t'es engagé
Sur la voie du Serviteur
Mourant dans l'ombre.
L'amour a donné sa réponse :
Ton corps se transfigure
Et tient tout dans sa clarté.
A la suite de son Fils, Marie a été servante, elle a traversé la mort dans l’ombre de la croix ; en elle aussi, l’amour a donné sa réponse et nous la croyons tout entière transfigurée par la clarté qui lui vient du Fils unique et de l’Esprit.
« Marie, bénie entre toutes les femmes ! »
Lorsque le mal nous apparaît aimable, nos choix sont pervertis.
Si nous contemplions davantage l’œuvre de Dieu, et singulièrement son œuvre en Marie, Mère de Jésus, nous serions attirés comme naturellement par ce qui nous apparaîtrait comme hautement désirable. Et nos choix seraient liberté et chemins de vie.
« Si tu savais le don de Dieu ! »
Malheureusement, nous ne croyons pas assez au don de Dieu.
Nous peinons souvent à croire à la promesse de Dieu.
A cause des épreuves, à cause du silence de Dieu.
Marie a assumé avant nous le combat contre le Dragon, contre l’Adversaire, contre le Menteur.
Prions-la pour recevoir par elle la grâce et la fidélité de son Fils.
Regardons-la, resplendissante de la gloire de son Fils ressuscité, notre Frère.
« Il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant obéissant jusqu’à la mort. C’est pourquoi Dieu l’a exalté. »
Marie a été la servante du Seigneur, dans l’humilité et la foi : c’est pourquoi elle est glorifiée avec son Fils.
Ne soyons pas, comme dit st Benoît, « des serviteurs détestables qui n'auront pas voulu suivre le Christ jusqu'à la gloire »,
Demandons la grâce d’être serviteurs, pour être fils à l’image du Fils.
« Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en nous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous.
19e dimanche ordinaire (A) (13/08/2023)
(1 R 19, 9a.11-13a – Ps 84 – Rm 9, 1-5 – Mt 14, 22-33)
Homélie du F.Jean-Louis
Frères et sœurs,
Nous avons tous, que nous le voulions ou non, une ou des représentations de Dieu, du Christ qui nous habitent. Représentations venant de notre éducation, de notre catéchèse, sans doute, de notre fréquentation plus ou moins régulière de la Bible. Et il est normal que ces représentations nous habitent. Les mots même de l’Église pour dire Dieu (Père, Fils, Esprit) ne sont pas sans évoquer des images, des expériences heureuses ou douloureuses. Il n’est certainement pas facile d’appeler Dieu « père » si l’on a l’expérience d’un père violent et cela se comprend.
Mais s’il est normal d’avoir des images de Dieu, il importe d’être conscient que ces images ne nous disent pas totalement qui est Dieu, qu’elles ne sont pas Dieu, sinon, nous risquons de créer une idole, un Dieu à notre image, selon nos conceptions et cela peut être destructeur. Méfions-nous si nous nous disons : « Dieu est ainsi, comme je le pense, et ce n’est pas négociable ». C’est pour cela que la Parole de Dieu et la tradition de l’Église sont essentielles pour nous ouvrir à une réalité qui nous dépasse. Un Dieu qui est toujours nouveau, qui n’a jamais fini de se découvrir de se révéler à nous. Quelle illusion que de croire pouvoir tout dire sur Dieu !
Et les lectures d’aujourd’hui sont une bonne invitation à prendre conscience des a priori, des idées sur Dieu qui peuvent nous habiter. Elles peuvent aussi nous montrer comment des grands croyants, dans l’histoire, ont eu parfois ce chemin de remise en cause à faire.
Dans la première lecture, le prophète Élie se rend au mont Horeb, autre nom pour le Sinaï dans la Bible, et, comme Moïse jadis, il se cache dans une caverne en attendant le passage de Dieu. Lors du don de la Loi à Moïse au Sinaï, Dieu s’était présenté au milieu du tonnerre, d’éclairs qui avaient d’ailleurs effrayé le peuple attendant au bas de la montagne. Et, ici, Élie, prévenu par le Seigneur lui-même qu’il va passer, sort de sa grotte et attend sans doute un même type d’expérience.
Et, de fait, à l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan mais d’une force inouïe, qui fendait les montagnes et brisait les rochers, d’une force telle qu’on aurait pu penser que Dieu habitait cet ouragan extraordinaire. Et pourtant, le Seigneur n’y est pas. Puis vient un tremblement de terre qui pourrait aussi être le lieu de Dieu, tant sa puissance est imposante. Mais le Seigneur n’y est pas non plus. Puis un feu, mais le Seigneur n’y est toujours pas. Toutes les forces imposantes de la nature qui pourraient apparaître aux hommes comme des lieux de Dieu n’en sont pas.
Et enfin le murmure d’une brise légère, littéralement, le bruit d’un fin silence. Et, à ce moment Élie sort de la caverne pour rencontrer son Dieu car c’est là qu’il est présent.
L’évangile, lui, nous montre le chemin que les disciples proches du Christ vont avoir à faire en traversant, de nuit, le lac de Génésareth. Ils sont seuls, le Christ est resté sur terre pour prier et, de plus, il y a de fortes vagues car le vent leur est contraire. Et voilà que celui qu’ils suivent déjà depuis quelques temps s’approche d’eux en marchant sur la mer. Or, dans la Bible, la mer est le symbole des puissances du chaos et de la mort. Du coup, les disciples prennent Jésus pour un fantôme. Puis, Jésus appelle Pierre qui voulait s’assurer par une preuve, qu’il ne s’agissait pas d’un fantôme mais bien de son Maître. Et Pierre doute, Jésus lui vient en aide et les deux se retrouvent dans la barque avec en prime le vent qui se calme brusquement. Jésus manifeste alors son pouvoir sur les forces de la mort, sur leur expression naturelle et les disciples le reconnaissent alors comme Fils de Dieu. Ils sont donc amenés par cet épisode, à reconnaître la filiation divine de Jésus, à lui faire confiance. Mais la suite de l’évangile montrera que cette foi sera encore bien fragile, même après la résurrection où les disciples peineront à croire au ressuscité pourtant présent devant eux.
Quant à la seconde lecture, c’est à un autre déplacement qu’il nous invite, nous, mais aussi les chrétiens qui nous ont précédés.
Saint Paul, en effet, nous dit sa souffrance pour les Juifs, ses frères de race mais à un point assez incroyable. Il dit en effet :« je souhaiterais être anathème, séparé du Christ pour eux. » Dieu sait combien Paul a proclamé son amour pour le Christ et voilà que pour le salut des Juifs, il préfèrerait être séparé du Christ. Peut-on aller plus loin ? Et il décrit ensuite les qualités des Juifs, des israélites : « ils ont l’adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu, ils ont les patriarches, et c’est de leur race que le Christ est né. » Voilà un déplacement radical auquel Paul nous invite et qui est actuel à une époque où renaît l’antisémitisme. Si les chrétiens avaient retenu ces paroles fortes d’un apôtre dont ils se sont tant réclamés, et à raison, je pense que bien des drames, bien des vies auraient été épargnées. Si l’Eglise avait consenti à ressourcer sa foi dans la tradition juive bien avant le Concile Vatican II et la reconnaissance de la dignité du peuple juif, nos frères aînés, il me semble que bien des impasses auraient été évitées Mais il n’est pas trop tard et nous ne pouvons pas ne pas nous laisser déplacer par ce que Paul nous dit. L’ancien Testament est le témoignage des promesses et des alliances de Dieu avec le peuple d’Israël et il ne nous est pas possible de connaître le Christ en profondeur sans connaître les écrits qui ont nourri le Christ durant toute sa vie. Ecrits dont il a donné l’interprétation finale et totale par sa vie et son enseignement.
Regard sur Dieu, regard sur le premier peuple élu, regard sur Jésus, les lectures de ce dimanche nous invitent à accepter de nous déplacer dans nos convictions parfois trop figées, voire fossilisées. Nous avons toujours à nous laisser interpeller par la Parole de Dieu pour grandir dans la connaissance et l’intimité de Dieu, du Christ, et dans le dialogue interreligieux, notamment avec les Juifs peut nous y aider en nous faisant découvrir les richesses déposées dans le cœur des hommes et des femmes de tous horizons, dans nos cœurs aussi.
Frères et sœurs, laissons-nous travailler par ces textes. Ils nous ouvrent des horizons infinis, à l’image du Dieu trois fois saint.
AMEN
Fête de la Transfiguration - Dimanche 6 août 2023
Daniel 7, 9-10 + 13-14; Psaume 96; 2 Pierre 1,16-19 / ps 96 ; Matthieu 17, 1-9 ;
Homélie du F.Basile
Après avoir entendu de telles paroles, après avoir vu ou entrevu Jésus transfiguré sur la montagne, ne vaudrait-il pas mieux fermer les yeux, attendre et garder le silence ? C’est d’ailleurs la consigne que Jésus donne aux 3 disciples : « Ce que vous avez vu, ne le racontez à personne », mais il ajoute « si ce n’est quand le Fils de l’homme sera ressuscité d’entre les morts » et les disciples se demandent justement qu’est-ce que veut dire « ressusciter d’entre les morts ». Le savons-nous davantage ?
Nous devrions le savoir, car depuis cet événement, le Christ est ressuscité et Pierre, dans les Actes des Apôtres, au jour de la Pentecôte, s’en est fait le premier témoin qualifié : « Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a ressuscité, Dieu l’a fait Christ et Seigneur. » Ce mystère est si grand, qui va le comprendre ? La Croix glorieuse de Chauveroche, sculptée par notre frère Symphorien, nous le fait pressentir : le Christ sur la croix est vivant ; revêtu d’une robe blanche, il nous apparaît transfiguré, et il est aussi le Christ ressuscité qui nous prend tous dans son mystère pascal.
Ceux qui se préparent au baptême dans la nuit de Pâques, et peut-être y a-t-il des jeunes qui seront baptisés par le pape à Lisbonne en ce jour de la Transfiguration ? tous ces futurs baptisés reçoivent ou ont reçu une initiation, mais cette initiation n’est jamais finie ; pour nous, c’est la liturgie qui la continue jour après jour, de fête en fête, de transfiguration en transfiguration.
La liturgie est le lieu par excellence où ensemble, par la Parole écoutée et le don de l’Esprit, par le sacrement du pain partagé, par les signes, tous les signes de la liturgie, la Croix, les fleurs, les cierges, l’orgue ou la flûte, nous sommes conduits dans le mystère du Christ, initiés, illuminés, transfigurés.
La Transfiguration, qui nous est rapportée par les 3 évangiles de Marc, Matthieu et Luc, ne pourrait-elle pas être considérée comme une première apparition pascale au cœur de l’Evangile, bien avant que ne vienne le temps de la résurrection ? Je crois que ce ne serait pas hors de sens, car c’est la lumière de Pâques qui éclaire tout l’évangile.
Mais que faut-il retenir de la Transfiguration ? Je dirai d’abord qu’il faut passer sans cesse de la vision à l’écoute. Cette lumière éblouissante, Pierre aurait voulu la retenir : « Faisons ici 3 tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. » Savait-il ce qu’il disait ? C’est notre tentation à tous : arrêt sur image, photo-souvenir à garder absolument, rester sur la montagne ! Alors que la parole finale, au moment où dans la nuée la vision va disparaître, nous est bien rapportée dans les 3 évangiles : « Ecoutez-Le. » Ne cessons pas d’écouter sa Parole dans le quotidien de notre vie, dans la rencontre des autres. Et cela nous engage dans la transformation du monde. Déjà au 7° siècle, st André de Crète, un défenseur des icônes, disait que cette parole « Ecoutez-le ! » signifiait concrètement : « Faites ce qu’il dit ! »
Pour transformer le monde, nous avons à nous laisser d’abord transformer intérieurement par la lumière du Christ. C’est le travail de l’Esprit en nous : laisser l’Esprit nous transfigurer jusqu’à changer notre visage. Pour qu’à notre tour nous puissions redonner à tout homme, à toute femme, à tout enfant, son vrai visage.
J’aime toujours citer une parole du P. Emile Shoufani, curé de Nazareth, parlant de la Transfiguration : « Cette vision m’engage à changer le monde ici et maintenant, pour le rendre à sa véritable vocation, à changer l’homme pour lui restituer son vrai visage. Car le visage humain a trop été défiguré par la souffrance et par la haine. » Il sait de quoi il parle, car il habite à Nazareth, sur cette terre soumise depuis tant d’années à la terreur et à la guerre.
Lisez, relisez les 3 évangiles : vous verrez que Jésus redescend de la montagne pour guérir un enfant malade, épileptique, ce que les autres disciples n’avaient pu faire. Et je cite encore le P. Shoufani :
« La contemplation du Christ transfiguré n’est pas une fuite dans le sacré ou le passé, elle est au contraire une urgente nécessité, car elle est la seule nourriture qui puisse me donner la force de transfigurer le monde. »
Année A - 17 dimanche du Tp sord. - 30 juillet 2023
1 Roi 3 5-12 ; Rom 8 28-30 ; Mt 13 44-52
Homélie du F.Vincent
Les lectures de ce dimanche nous invitent à nous attacher aux biens qui demeurent. Nous avons entendu le témoignage du jeune roi Salomon (1ère lecture). Il aurait pu demander au Seigneur de longs jours, de nombreuses richesses ou encore la mort de ses ennemis. Mais il a compris que le plus important n’est pas là. Il demande “un cœur attentif pour qu’il sache gouverner le peuple et discerner le bien et le mal”. Il demande à Dieu le don de bien servir l’alliance entre Dieu et son peuple. Tout cela n’a rien à voir avec la gloire personnelle, les richesses, la considération et les honneurs.
Ce texte biblique nous interpelle et nous renvoie à nous-mêmes : est-ce vraiment le discernement que nous demandons au Seigneur ? Trop souvent, nous nous attachons à la satisfaction immédiate de nos désirs. En ce dimanche, nous pouvons laisser retentir en nous la prière de Salomon. Le Seigneur est là pour nous offrir le seul vrai trésor
Dans l’Evangile, Jésus nous propose des paraboles, des images, qui nous parlent du Royaume de Dieu. Ce Royaume est comparable à un trésor caché dans un champ. L’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède et il achète le champ. Comment cet homme a-t-il pu trouver ce trésor caché dans un champ ? Il n’y a pas 36 solutions : il était en train de travailler le champ. Le Seigneur nous offre un trésor extraordinaire que l’on doit trouver à force de travail.
Ce travail, c’est celui que Dieu a demandé à l’homme dès le début de la Création. Dieu a confié la terre à l’homme pour qu’il la travaille. Travailler n’est-ce pas, pour nous, scruter la Parole de Dieu. Pour les rabbins, la terre c’est d’abord la Parole de Dieu. Il nous faut la scruter, chercher, creuser jusqu’à ce qu’on ait trouvé le seul vrai trésor qui donne sens à notre vie.
Alors, nous dit Jésus, on vend tout pour acheter le champ. Mais ce que Dieu veut nous donner ne s’achète pas. Ce don est toujours gratuit et sans mérite de notre part. Pour comprendre cette parole, il nous vaut lire l’appel d’Isaïe (ch. 5) : “Venez acheter sans argent”. Quand il dit “sans argent », ça ne veut pas dire sans un effort personnel. Il s’agit de recevoir de Dieu, à l’issue d’un travail que nous avons fait. L’important c’est de nous mettre continuellement dans une attitude de recherche et d’accueil. Ce n’est pas pour rien que Jésus a dit : “Cherchez et vous trouverez.”
Si nous ne creusons pas le champ, nous ne trouverons pas de trésor. Si nous ne cherchons pas, nous ne trouverons pas la perle précieuse. Cette recherche, c’est le désir de connaître qui est Dieu. Nous devons le chercher avec droiture. Si nous cherchons la lumière et la vérité de notre vie, nous finirons par la trouver. Mais cela ne sera possible que si nous fermons nos oreilles aux rumeurs destructrices et à toutes les chansons du mal qui empoisonnent nos existences ; il importe que nous ouvrions nos yeux aux merveilles de tendresse, de générosité et de réconciliation qui naissent chaque jour, parfois tout près de nous. C’est là que nous trouverons le Seigneur, notre seul vrai trésor.
Suite à cette découverte, l’Evangile nous dit que l’homme a tout vendu pour acheter. Comment ne pas penser à l’appel de Jésus au jeune homme riche : Tu as trouvé un trésor, tu m’as trouvé, tu veux me suivre ? vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres. C’est en donnant aux pauvres qu’on achète la présence du Seigneur. C’est en se débarrassant de tout ce dont on n’a pas besoin, en le donnant aux pauvres qu’on va recevoir ce don précieux qu’est la présence du Christ.
Le projet de Dieu sur notre vie est merveilleux. Mais il nous appartient de le découvrir. Nous devons pour cela abandonner nos idées qui sont trop petites et trop limitées et adopter celles de Dieu. C’est dans la méditation de sa Parole, Ancien et Nouveau Testament, que nous trouverons. Et surtout, n’oublions pas ce trésor qui nous rassemble chaque dimanche. C’est là que le Seigneur rejoint les communautés réunies en non nom. En communion les uns avec les autres, “exultons de joie, il est au milieu de nous”.
DEDICACE DE NOTRE EGLISE - 25 juillet 2023
1R 8, 23-22, 27-30 ; 1P 2, 4-9 ; Mt 16, 13-19
Homélie du Père abbé Luc
Qu’y a-t-il de commun, frères et sœurs, entre le Temple consacré par Salomon, dix siècles avant Jésus-Christ et cette église monastique, consacrée en 1871 ? Les deux maisons sont des maisons qui veulent honorer le Dieu Vivant. D’elles deux montent vers Dieu, comme l’encens, la prière de son peuple. Dans les deux se trouvent un autel ou plusieurs autels pour offrir un sacrifice. Mais ici, intervient une première différence : le sacrifice offert n’est pas de même nature. D’un côté, dans le Temple de Salomon, on offre des sacrifices d’encens ou d’animaux en signe du don de soi, de l’autre dans cette église, on rend présent le sacrifice du Christ, mort et ressuscité pour nous. Dans le mémorial de la passion et de la résurrection du Christ, célébré à chaque eucharistie, nous accueillons d’abord le cadeau immense que Dieu nous fait : la vie du Ressuscité qui veut transfigurer nos vies présentes. Et dans le même temps nous entrons dans son mouvement d’offrande pour faire de toute notre vie, une offrande qui soit agréable à Dieu, comme nous le demanderons dans quelques instants : « nous te prions de nous transformer nous-mêmes en offrande qui te soient agréables ».
Oui, depuis la venue du Christ, la nature profonde de la maison de prière a changé. Elle n’est pas d’abord une maison où l’on apporte des offrandes, d’encens, d’animaux ou les premiers fruits de la terre pour honorer Dieu. Elle est le lieu où l’on reçoit le don gratuit de la vie de Dieu, offerte dans le mémorial de la mort et de la résurrection du Christ. Ce lieu devient alors le signe merveilleux de l’alliance que Dieu réalise avec son peuple, avec chacun de nous. Ici, il est bon de noter que pour désigner leur maison de prière, les chrétiens vont parler plutôt « d’église » que de temple. Eglise vient du mot grec qui veut dire « assemblée ». La maison de prière chrétienne est le lieu de l’assemblée des chrétiens. Cette accentuation mise sur l’assemblée est significative du changement de nature de cette maison de prière. Désormais, comme le disait Pierre dans la seconde lecture, ce sont les croyants qui sont appelés à devenir « des pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel ». La maison de pierre, appelée église, n’est que l’image de l’assemblée chrétienne qui se réunit en son sein, et qui est appelée à devenir le temple spirituel. En utilisant une image, on pourrait dire que le bâtiment église est comme le moule qui reçoit la pâte. Ce moule va permettre que soit façonnée l’assemblée des fidèles en temple spirituel.
Effectivement, une église comme notre église monastique qui accueille les moines plusieurs heures par jour modèle et façonne notre communauté monastique. A travers la prière des heures, elle la façonne en communauté de louange à la gloire de Dieu. A travers les célébrations de la réconciliation, elle la façonne en communauté de frères pardonnés et pardonnant. A travers l’eucharistie, elle la façonne en communauté de frères morts à eux-mêmes et ressuscités avec le Christ. Si on garde l’image du bâtiment église comme d’un moule qui façonne, on peut noter que ce n’est pas par hasard si nos églises sont traditionnellement en forme de croix. L’assemblée des croyants qui se réunit en ce lieu va être configurée au Christ en croix, pour recevoir de lui la Vie nouvelle. L’assemblée apprend jour après jour à mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui. Tournée vers l’autel placé au centre de toute église chrétienne, l’assemblée apprend à centrer toute sa vie sur le Christ qu’il représente. En faisant silence et en écoutant la Parole proclamée en ce lieu, elle se laisse instruire et convertir. En se prosternant ou levant les mains pour la prière, elle s’unit au désir du Christ, le seul Prêtre, de voir tous les hommes accéder au bonheur des fils de Dieu. En recevant le pain de Vie, le Corps du Christ, elle reçoit sa force et son unité pour « annoncer les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ».
Frères et sœurs, en célébrant cette fête de la dédicace, nous voulons dire merci à Dieu qui nous offre en ce lieu la Vraie Vie dans le Christ, mort et ressuscité. Nous lui demandons humblement d’être fidèles, assidus et coopérant à l’œuvre qu’il réalise en ce lieu où il façonne notre communauté. Qu’en ce lieu, nous devenions vraiment ce que nous sommes, temple spirituel en Christ et communauté de frères ouverte à tous.
Année A - 16°dimanche du temps ordinaire - 16 juillet 2023
Is 55, 10-11 ; Rm 8, 18-23 ; Mt 13, 1-23
Homélie du F. Charles Andreu
Comme il semait, des grains sont tombés sur le bord du chemin — À l’écoute de l’évangile de ce dimanche, il est parfaitement légitime de s’interroger sur soi-même : de quelle terre suis-je fait ? Terre de chemin, terre de pierre, de ronce, ou bonne terre accueillante à la parole ? Mais ce matin, nous pourrions faire un pas de côté, nous décentrer de nous-même, et nous poser une autre question : Qui donc est le semeur ? Quel genre de semeur est-il ?
Un semeur très déconcertant à vrai dire. Ce grain tombe à l’aventure, un peu partout, sur le chemin, sur les pierres et les ronces, ça ne fait pas très sérieux. On le dirait malhabile, distrait, nonchalant, fantasque ; et pourtant, il est le bon semeur. Alors voyons ce que son comportement déconcertant manifeste de sa bonté.
Pour pouvoir se permettre de lancer ainsi la semence au quatre vents, sans trop y regarder, ce semeur ne doit pas être à court de grain, mais dans l’abondance au contraire. De même, le Seigneur n’est pas à court des dons qu’il veut faire ; et il nous partage sans compter, sans souci de rentabilité, au risque même du gaspillage, les richesses inépuisables de sa parole, de sa vie, de son pardon, de son amour. Même quand notre existence semble butter sur une impasse, quand la peine laisse si mal espérer, quand nous sommes enlisés dans nos faiblesses et nos fautes, la grâce du Seigneur n’est pas épuisée, car il ne manque ni de ressources, ni d’imagination. Le prophète Jérémie, au plus terrible de la détresse de son peuple, l’avait déjà dit : Les faveurs du Seigneur ne sont pas finies, ni ses compassion épuisées ; elles se renouvellent chaque matin, grande est sa fidélité ! « Ma part, c’est le Seigneur ! dit mon âme, c’est pourquoi j’espère en lui. » (Jr 3, 22-24) Oui, ce semeur apparemment si dispendieux, mais en fait si riche en miséricorde, nous permet d’oser espérer le pardon, la vie, l’amour.
Et il n’attend pas, pour en répandre la semence, que la terre soit déjà bonne : même la terre du chemin, même les terres empierrées ou couvertes de ronces, reçoivent le grain. Bien sûr, chacune de ces terres devra se transformer pour fructifier, mais en attendant, cette image si déconcertante, et même franchement absurde, du grain jeté dans la mauvaise terre, nous pousse à interroger, puis à inverser une posture spirituelle faussée, mais parfois profondément ancrée en nous. Quand nous nous épuisons à nous demander comment devenir une bonne terre pour que le Semeur y mette le grain, l’évangile nous dit que le grain y est déjà. Le cœur de notre vie chrétienne est-il Que dois-je faire pour être sauvé ? ou bien Que dois-je faire parce que j’ai été suis sauvé ? ; Que puis-je faire pour être aimé du Seigneur ? ou bien Que puis-je faire parce que le Seigneur m’aime, déjà ? Osons-nous croire à la gratuité de l’amour du Seigneur, libérés de la fausse angoisse de devoir le mériter ? Conversion première à la quelle invite ce semeur déconcertant, et qui est le fondement de toute autre conversion.
De ce qui vient après, l’évangile ne dit rien : comment se transformera la terre que nous sommes ? Par nos efforts ? La première lecture a préféré évoquer la pluie venue du ciel : la parole de Dieu est un grain ; elle est aussi la pluie, la neige, la rosée qui, chacune à sa façon, avec force ou avec douceur, selon les saisons de la vie, travaille la terre.
Est-ce à dire que nous n’aurons nulle part au travail de la terre ? Certes, non. Mais si c’est bien de travail qu’il s’agit, la deuxième lecture nous en a proposé une image plus juste encore, celle du travail d’enfantement. Une mère en parlerait évidemment mieux que moi, mais il me semble que l’image dit bien un processus qui échappe à notre maîtrise, en même temps qu’il nous requiert tout à fait. L’un et l’autre. D’une part, nous devons renoncer à faire de notre conversion, de notre fécondité, un projet, notre plan, notre affaire, et laisser le Seigneur nous dire, comme le fit Pascal en ses Pensées : « C’est mon affaire que ta conversion ; ne crains point et prie avec confiance comme pour moi. » Mais d’autre part nous devons collaborer à l’action du Seigneur en nous, avec l’engagement, la droiture et la responsabilité que suppose un amour vrai, travailler à laisser le semeur nous déconcerter par ses dons.
SAINT BENOIT - 11 juillet 2023
Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a
Homélie du Père Abbé Luc
« Si tu creuses comme un chercheur de trésor, alors ? Alors tu comprendras la crainte du Seigneur, tu découvriras la connaissance de Dieu…alors tu comprendras la justice, le jugement, la droiture, seuls sentiers qui mènent au bonheur »
Ainsi s’exprimait, frères et sœurs, le sage qui prononçait des proverbes il y a quelques 2500 ans… Chercher un trésor, n’est-ce pas aujourd’hui comme hier quelque chose qui nous fascine et nous attire toujours. Quand on en met un au jour, depuis les fonds marins, dans un grenier, ou dans la doublure d’une armoire, c’est toujours une grande joie, et l’occasion d’une excitation. Car ces objets se révèlent être précieux par leur valeur marchande peut-être, mais le plus souvent parce qu’ils sont comme un pont qui nous relie à un passé insoupçonné… Chercher un trésor, l’image nous parle aussi à nous moine. Et ce n’est pas un hasard si cette lecture a été choisi pour cette fête de St Benoit, le chercheur de Dieu.
Qu’est-ce qu’un moine chercheur de trésor ? Pour quel trésor ?
« Si tu creuses, comme un chercheur de trésor », nous dit le sage des Proverbes…Si tu creuses… Le moine ne creuse pas forcément des trous, même s’il lui arrive de creuser des tranchées ! Que creuse-t-il ? A l’invitation de St Benoit, il creuse en lui un espace, un espace d’écoute et d’accueil, un espace qu’il voudrait toujours plus large pour qu’y résonne la Parole de Dieu. Comme une caverne où le moindre chuchotement resonne, il voudrait en cet espace intérieur capter et laisser résonner jusqu’au plus petit murmure, jusqu’au silence, pour saisir quelque chose de la Parole de Dieu. La prière, la lectio divina et l’étude sont comme l’atelier premier dans lequel le moine creuse et se laisse creuser. Il laboure les Ecritures, et il laisse son cœur être labouré. Par ce travail, par cette attitude de profonde attente, le moine creuse moins qu’il se laisse creuser pour devenir davantage accueillant à tous les appels. Ce sera l’appel de la cloche pour la prière, l’appel du frère dans le besoin, l’appel du service de la communauté dans le travail, l’appel d’un hôte. Il se laisse creuser aussi par les interrogations de notre monde, les souffrances qui lui sont confiées. Comme tout humain fragile, il est parfois ébranlé et ne comprend pas toujours. Aussi creuse-t-il encore. Et à la mesure de son cœur qui se creuse, qui se dilate aussi, il voudrait transformer en prière, en intercessions, en communion toutes ces résonances reçus. Chercheur de Dieu, le moine creuse et se laisse creuser… Mais finalement trouve-t-il quelque chose ?
Le passage de la lettre de St Paul aux Colossiens peut nous ouvrir des pistes pour répondre. Le moine chrétien comme tout chrétien porte en lui vase d’argile, un trésor… la présence du Christ. Mystérieuse présence dans laquelle nous sommes plongés depuis notre baptême, le Christ est là voilé en chacun de nous. Paul dit que nous avons été sanctifiés, faits saints, aimés par Dieu. Lorsqu’il invite les Colossiens et chacun de nous à nous revêtir de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience, il semble dire : n’ayez pas peur, osez prendre ce manteau, c’est le vôtre. De même lorsqu’il exhorte au pardon mutuel, il ajoute que le Seigneur nous a pardonnés, et donc non seulement vous devez le faire, mais vous pouvez le faire. Ou encore lorsqu’il souhaite que la Paix du Christ règne dans les cœurs, il suggère qu’elle est là à portée de cœur, vous pouvez la vivre. Et enfin puisque la parole du Christ habite en nous dans toute sa richesse, il invite à s’instruire mutuellement, et à se reprendre… Dans ce propos de Paul, tout se passe comme s’il voulait que ses interlocuteurs, et donc nous avec eux, nous ouvrions les yeux de notre cœur pour reconnaitre la présence du Christ déjà à l’œuvre comme un cadeau. C’est dans cette présence gracieuse que nous pouvons être doux, tendre, patient, compatissant, que nous pouvons pardonner, vivre en paix, et nous instruire mutuellement. Oui, Paul nous engage à prendre conscience de ce trésor qui est là en nous comme une grâce, la grâce de la présence du Christ qui peut nous faire vivre et agir d’une manière nouvelle, vraiment accordée à son Amour… Comme tout chrétien, le moine chercheur de trésor est donc convié à prendre conscience et à accueillir ce trésor incommensurable qu’il a reçu depuis son baptême. Souvent, nous vivons comme si nous étions les seuls maitres à bord, en oubliant cette présence du Christ dans nos vies. Elle est cachée, comme un trésor à mettre au jour, ou encore comme des graines semées qui ne demandent qu’à germer. Le Christ désire prendre visage davantage en chacun de nous. Ainsi pouvons-nous entendre l’ultime conseil de Paul reçu ce matin : « En tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père » …