vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 11 juillet 2024 — Saint Benoît — Père Abbé Luc
Cycle : Année B
Info :

SAINT BENOIT 11-07-2024

Pr 2, 1-9 ; Ps 33 ; Col 3, 12-17 ; Mt 5, 1-12a

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et sœurs

Pour notre office monastique à la Pierre-qui-Vire, mais comme cela se fait aussi dans d’autres monastères, nous avons fait le choix de mettre la coule blanche tous les jours à la messe, et en plus pour les dimanches et jours de fêtes aux offices de laudes, de vêpres et de vigiles. Et la semaine de Pâques, nous sommes en blanc à tous les offices. Alors que les autres jours, nous sommes en noir, la couleur plus traditionnelle des moines bénédictins. Les gens nous demandent souvent, mais pourquoi ce changement ? Alors que le noir veut signifier la pénitence et tout le labeur spirituel de conversion que le moine choisit de vivre, le blanc lui rappelle ce vêtement qu’il a revêtu le jour son baptême en signe de la dignité nouvelle de fils de Dieu dont il est désormais porteur. Le vêtement blanc lui rappelle que déjà tout lui est donné et le noir qu’il doit cependant demeurer toujours vigilant et apporter sa collaboration pour que la vie du Christ devienne vraiment toute sa vie.

Il me semble cette pratique des deux vêtements représente comme une mise en œuvre rituelle de ce que nous avons entendu dans les différentes lectures. D’un côté dans la lecture du livre des Proverbes, nous entendions le conseil donné par le sage : si tu fais appel à l’intelligence, si tu recherches, si tu creuses…l’oreille attentive, le cœur incliné comme un chercheur de trésor…. C’est la partie laborieuse de notre vie chrétienne et monastique…c’est le vêtement noir. Et de l’autre côté, nous entendions st Paul affirmer comme une conviction bien établie : « Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience » … Paul met en évidence le cadeau immense que nous avons reçu de la part de Dieu qui nous a choisis et aimés, de manière totalement gratuite, au jour de notre baptême. C’est le vêtement blanc reçu comme un cadeau dont nous ne pouvons surtout pas nous enorgueillir d’y être pour quelque chose. Et St Paul poursuit en quelque sorte : ce vêtement revête-le vraiment. Laissez-le prendre tout son éclat, laissez vivre, osez vivre ces nouvelles qualités de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité de douceur et de patience, qui vous ont été données depuis votre baptême. Ailleurs, Paul osera même dire : « Revêtez-vous du Seigneur Jésus » (Rm 13, 14) pour manifester que désormais nous sommes étroitement unis au Christ. Et n’avons-nous là pas la Bonne Nouvelle apportée par la vie chrétienne : tout est d’abord donné, et s’il a un labeur spirituel à vivre aujourd’hui, c’est de permettre à ce don immense qui nous est fait de se déployer. Dieu nous a tellement aimés qu’il nous rend capable d’aimer comme Lui, dans la douceur, la compassion, l’humilité, la patience… S’il y a un trésor à rechercher, c’est de creuser notre cœur pour permettre que jaillisse toujours davantage cette source vive que l’Esprit Saint a ouvert en nous…

Mais avouons-le, il n’est pas si facile de vivre cela. Car faire venir au jour, laisser vivre ce nouvel habit blanc fait de tendresse, de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience, mais aussi de pardon mutuel nous met souvent en porte à faux avec notre entourage. Pour les uns, nous serons des naïfs, pour d’autres de doux rêveurs qui ne sont pas réalistes, ou complètement inefficaces ou qui se font avoir…etc… Sans compter qu’en nous-mêmes, il y a toujours cette part sombre qui préfère, impatiente, ne pas entendre les appels ou user de la force par souci d’efficacité… C’est ici que nous pouvons entendre peut-être autrement les béatitudes qui ouvrent le grand discours de Jésus sur la montagne : « Heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, les miséricordieux, les artisans de paix, les persécutés… » Jésus ne propose pas un nouveau programme moral, ni une nouvelle loi. Non, il invite les disciples que nous sommes devenus, à ne pas avoir peur de ces qualités dont nous sommes porteurs dès maintenant par sa grâce. Jésus nous encourage à découvrir tout le bonheur qu’il y a dès maintenant à mettre en œuvre la paix, la douceur, la miséricorde, la justice, l’humilité, dans la conviction qu’ils portent en germe la lumière et la vie qui n’auront pas de fin.

Notre vie monastique s’offre comme une école concrète dans laquelle jour à après jour, nous apprenons à revêtir par-dessus l’autre le vêtement blanc…pour que notre vie de baptisé prenne pleinement sa dimension. Mais comme toute image, l’image du vêtement a ses limites. Le risque pourrait être de se contenter des apparences. Non, St Benoit nous engage à une vraie attention intérieure : nous confier à l’œuvre de la grâce pour descendre toujours plus profondément en notre cœur, en acceptant de regarder et traverser ses parts sombres en nous qu’on préfèrerait spontanément ignorer. Pour laisser advenir la tendresse, la compassion, la bonté, la douceur, la patience et le pardon mutuel.

Ce matin, en confiant à l’intercession de Benoit notre persévérance, rendons grâce en cette eucharistie d’être associés à ce labeur de la vie chrétienne, qui fait de notre vie en la création présente la première étape du Royaume.

Homélie du 07 juillet 2024 — 14e dim. ordinaire — Frère Basile
Cycle : Année B
Info :

Année B - 14° dim du Temps Ordinaire - 7 juillet 2024

Ezékiel 2, 2-5 / ps 122

2 Corinthiens 12, 7-10

Marc 6, 1-6

Homélie du F. Basile

Texte :



F et S, même si nous n’habitons pas Nazareth, c’est nous qui sommes aujourd’hui les auditeurs de Jésus, en pensant le connaître, comme de bons chrétiens. Peut-il encore nous surprendre ?

Aurons-nous la même réaction que les gens de Nazareth ? Ils étaient choqués, étonnés, dit st Marc ; à tout le moins déconcertés, jaloux peut-être. Bien sûr, Jésus avait été l’un des leurs ; ils connaissaient bien sa famille, ses frères, ses sœurs, ce qui veut dire sans doute ses cousins. D’où la question qu’ils se posent : « D’où cela lui vient-il ? cette sagesse, ces miracles ? » Puisse cette question être encore la nôtre aujourd’hui ? Elle revient tout au long de l’évangile de Marc : « Qui est-il celui-là ? » C’est la question essentielle dont la réponse ne nous est donnée qu’à la fin de l’évangile, lorsque Jésus est mort et que le centurion romain s’écrie : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ».

Cette réponse, nous croyons la connaître, parce qu’elle est dans nos catéchismes, parce que nous la récitons le dimanche dans la profession de foi, mais qu’est-ce que cela veut dire si nous n’avons pas vraiment accueilli le Christ dans notre vie ?

Celui qui a reconnu le Christ dans sa vie, celui-là est sur le chemin de la foi et il va trouver dans la lecture continue de l’Evangile une parole qui lui fera découvrir de plus en plus le mystère du Christ.

Le texte d’aujourd’hui nous parle de cet échec de Nazareth, et moi ce qui m’étonne, c’est l’étonnement de Jésus lui-même, devant leur manque de foi. Car là où il n’y a pas de foi, il n’y a pas de miracle possible. Manifestement, Jésus ne s’attendait pas à cette réaction, c’est ce qu’affirme Marc : « Il s‘étonna de leur manque de foi. » Nous pouvons être surpris que Jésus s’étonne : cela veut dire que pour lui, tout n’était pas écrit d’avance. Sa mission, il l’avait reçue du Père, et quand Luc nous dira que dans la synagogue de Nazareth, Jésus a ouvert le Livre et lu le passage d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi : Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres », là Jésus s’y retrouve tout à fait. Pourtant à Nazareth le message ne passe pas, les cœurs se ferment, ils ne veulent pas entendre et Jésus s’étonne : on pressent là déjà le mystère de la Croix, l’échec par excellence. Cet épisode préfigure aussi le sort des prophètes de tous les temps, affrontés à l’incroyance : c’est l’expérience d’Ezékiel, dans la 1° lecture, lorsqu’il s’adressait aux exilés de Babylone – ce sont des rebelles, lui dit le Seigneur - c’est aussi l’expérience de Paul lorsqu’il voit ses frères juifs rejeter la Bonne Nouvelle.

Je voudrais revenir sur cet échec de la mission, que Jésus lui-même a connu, Paul ensuite et tant d’autres, et qui touche certainement les prophètes et les missionnaires d’aujourd’hui, dans un contexte de plus en plus marqué par l’indifférence religieuse. Non pas revenir sur l’échec lui-même, mais sur ce mot que Paul utilise si souvent : la faiblesse et son opposé la force. Paul nous dit ce matin : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » Est-ce de l’esbrouffe, une pirouette de mots, un paradoxe de plus ? Je crois au contraire que c’est un secret de la mission, et peut-être de notre vie humaine tout court lorsque nous sommes secoués par l’épreuve ou inquiets de l’avenir de notre pays.

Paul avait du tempérament, nous le savons, c’était un homme fort : premier terrassement, sa rencontre du Christ sur le chemin de Damas et le voici aveugle, sans force, obligé de se laisser conduire. Mais il va traverser d’autres épreuves, connaître d’autres moments angoissants, stressants. Cette écharde dans la chair, dont il parle aujourd’hui, on n’a jamais su à quoi il faisait allusion, mais on sent que c’est très personnel ; il supplie le Seigneur de l’en délivrer, il n’est pas exaucé ; c’est alors qu’il reçoit cette parole unique qu’il nous laisse aujourd’hui : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Il y a là toute une théologie de la grâce et de la croix que nos frères protestants ont su mettre en valeur. Car c’est le renversement de tout triomphalisme, de toute prétention d’avoir raison, de tout orgueil spirituel. Ce n’est pas une parole magique, c’est un chemin spirituel de foi, d’humilité, de confiance qui conduit à l’action de grâces, parce que c’est là que Dieu se manifeste, là où ne l’attendait pas, non pas dans la réussite quand tout va bien mais dans la faiblesse, dans l’échec même. « Ma grâce te suffit. »

Je voudrais relier cette parole de Paul à une autre parole sur la grâce, que nous connaissons bien : « Tout est grâce ». Nous savons que Thérèse de Lisieux l’a dite juste avant de mourir, mais c’est l’écrivain Georges Bernanos qui la cite tout à la fin de son livre, le « Journal d’un curé de campagne », un livre qui peut nous parler aujourd’hui où l’indifférence est grande autour de nous.

Ce jeune curé de campagne, miné par la maladie, termine sa vie sur un échec, il meurt privé des sacrements et du pardon de Dieu, mais son ami, un ancien prêtre, est là qui nous rapporte ses dernières paroles : « Qu’est-ce que cela fait ? Tout est grâce. » Voilà comment Dieu rejoint les siens au plus noir de l’épreuve, quand tout semble perdu. Cela devrait nous donner une force que rien ne peut abattre. « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Oui, tout est grâce et je vous invite à retrouver dans votre vie la rencontre du Christ, le passage de Dieu, pour que dans cette eucharistie, nous puissions vraiment rendre grâce à notre Père par le Christ et dans l’Esprit.

Frère Basile

Homélie du 30 juin 2024 — 13e dim. ordinaire — Frère Jean-Louis
Cycle : Année B
Info :

Année B - 13e dimanche ordinaire - (30/06/2024)

(Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24 – Ps 29 – 2 Co 8, 7.9.13-15 – Mc 5, 21-43)

Homélie du F. Jean-Louis

Texte :

Frères et sœurs,

Les lectures que nous venons d’entendre sont parcourues par la force impressionnante de la vie. Et il me semble bon de nous ressourcer dans ces textes en une époque où la mort semble triomphante au point peut-être de nous faire douter ou de nous rendre sceptiques.

D’emblée, la première lecture est claire et ferme : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants ; la puissance de la Mort ne règne pas sur la terre car la justice est immortelle. » Et le texte poursuit en affirmant que « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité », pour la vie éternelle et que c’est par jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde.

Bien sûr, la mort dont il s’agit peut-être entendue comme la mort physique mais, sans la mort physique, la vie ne serait pas possible, n’en déplaise aux transhumanistes d’aujourd’hui. Le renouvellement des générations est nécessaire à la permanence de la vie et je pense que l’auteur du Livre de la Sagesse en était bien conscient. Ainsi, la mort dont il s’agit ici peut surtout être entendue comme la mort spirituelle causée par le péché introduit dans le monde par le diable, selon le récit du début de la Genèse. Ce péché a introduit une rupture entre les êtres humains, une rupture, une méfiance de l’homme envers Dieu au point de rendre ce dernier responsable de la mort. Ce passage du Livre de la Sagesse nous rappelle que, face à la mort, la justice de Dieu est immortelle et que, pour le croyant, la mort physique n’est pas plongée dans le néant mais passage vers Dieu qui est la Vie. C’est le projet de Dieu : nous conduire à la vraie Vie par-delà la mort, et nous la faire connaître.

Ce projet, le Christ le réalise dans l’évangile de ce jour qui est un hymne à la vie. Cet évangile est bien dans la ligne de la première lecture. Il prend en compte le réel de la maladie et de la mort tout en nous montrant que le Christ est venu libérer l’humanité de ces malédictions. Mais ce qui est déterminant, dans les deux épisodes de cet évangile, c’est la foi. Foi de la femme victime de pertes de sang qui la rendent impure pour les rites religieux (c’est une forme de mort sociale) et foi du chef de synagogue se tournant vers le Christ, espérant pour sa fille quoiqu’il arrive.

La foi de ces deux personnes contraste avec l’attitude des gens qui les environnent : la foule, dont les disciples, évidemment totalement inconscients de ce qui s’est passé entre la femme et Jésus, et les gens de la maison de Jaïre qui ont perdu tout espoir à la mort de la jeune fille. Ainsi, la vie jaillira de la foi, guérison pour la femme, guérison reconnue par le Christ comme œuvre de la foi, et résurrection de la fille de Jaïre lui qui n’a pas craint mais cru, à la demande du Christ : « Ne crains pas, crois seulement. »

La foi, source de vie, la foi qui nous permet de ne pas voir Dieu comme l’auteur des drames qui peuvent nous toucher mais comme celui qui, par son Fils, fait jaillir la vie quand tout semble perdu.

La fin de la vie terrestre de Jésus prendra le même chemin que celui des deux acteurs de l’évangile de ce jour. Le Christ aura à être plongé dans la mort, abandonné de tous, ou presque, pour ressurgir vivant, au jour de Pâques, grâce à sa foi, sa confiance et sa fidélité au Père. La solidarité avec nous de Dieu en Jésus Christ est absolument totale. Ne l’oublions-nous pas parfois ?

« Ne crains pas, crois seulement », cette parole, le Christ ne l’a-t’il pas entendue à son tour lors de son « agonie » -comme nous disons- au jardin des Oliviers, à la veille de sa Passion ?

Cette vie, nous la retrouvons sous une autre forme dans la seconde lecture de ce jour. Paul invite la communauté et les autres Églises qu’il a fondées, à récolter de l’argent pour venir en aide à l’Église de Jérusalem. C’est sans doute très concret, mais ne s’agit-il pas de transmettre également un courant de vie à travers l’Église ? N’est-ce pas au nom de la foi commune que chaque communauté agit pour venir en aide aux autres ? Il s’agit d’un don source de vie.

Dieu veut la vie, évitons de le rendre responsable du mal et de la mort au risque de nous détourner de lui. La mort, réalité biologique incontournable, la seule certitude que nous ayons en notre vie, a été vaincue au matin de Pâques et si, dans sa dimension physique, elle demeure, sa signification en est complètement changée par la résurrection du Christ car elle est désormais passage vers Dieu, même si, bien sûr, et ce n’est pas à négliger, la douleur de la séparation, très vive et très compréhensible, demeure. Mais notre foi nous dit qu’elle n’aura qu’un temps.

Si, dans la foi, nous en sommes convaincus, si nous l’espérons, alors nous pouvons reprendre les versets du psaume chanté tout à l’heure : « Tu as changé mon deuil en une joie, mes habits funèbres en parure de joie. » Il ne s’agit pas de fuite, de déni de la mort, mais d’un saut dans la foi au-delà des apparences. C’est le message de ce dimanche, de tous les dimanches.

Frères et sœurs, Dieu nous appelle à la vie et chacun de nos actes peut être dans le sens de la vie si nous savons nous tourner vers lui et nous mettre à son écoute dans l’Esprit Saint. Sachons laisser de la place au Christ dans notre vie, dans les choix que nous y faisons. C’est la foi qui nous fera vivre en vérité, qui nous fera trouver les moyens concrets pour être à notre tour porteurs de vie à la suite du Christ.

Frères et sœurs, nous le savons, nous vivons et allons vivre ces jours et ces semaines qui viennent, des moments importants pour la vie de ce pays. Des choix nous sont proposés. Sachons poser un choix qui soit porteur de vie, pas que pour nous mais pour le bien commun de notre société. Nous avons là aussi à donner la vie. Au fond de notre cœur, si nous osons y descendre, nous trouverons les ressources pour un choix ouvert et généreux.

AMEN

Homélie du 24 juin 2024 — Saint Jean-Baptiste — Frère Jean-Louis
Cycle : Année B
Info :

B -Nativité de Jean-Baptiste - 24 juin 2024

Is 49 1-6 ; Ac 13 22-26 ; Luc 1 57-66.80

Homélie du F. Jean-Louis

Texte :

Saint Jean-Baptiste (24/06/2024)

« Il s’appellera Jean », c’est-à-dire « Le Seigneur fait grâce. »

Le dernier prophète de l’Ancien Testament ouvre une ère nouvelle mais qui s’enracine bien dans le Premier Testament, et les deux premières lectures de la messe nous le disent bien. Le passage d’Isaïe entendu a été considéré par les chrétiens comme désignant Jean le Baptiste et Paul, dans le Livre des Actes des Apôtres, montre bien que Jean a préparé la venue du Christ, de Jésus.

Jean, appelé par Jésus « le plus grand des enfants des hommes, Jean, le Précurseur, qui a tressailli d’allégresse dans le ventre de sa mère à l’approche du Sauveur. Il a désigné l’Agneau de Dieu après avoir prêché, comme le Christ plus tard, l’urgence de la conversion. Jean, qui a baptisé l’auteur du baptême, qui a donné sa vie comme témoignage suprême rendu au Christ. Mais aussi Jean, qui a vu ses disciples, dont André&, le frère de Simon-Pierre, se détacher de lui pour rejoindre le Christ. Jean qui, en prison, enverra des disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »

Comme le disait la lecture entendue cette nuit aux Vigiles, un texte du P. Albert-Marie Besnard : « Le plus grand des prophètes a été traité par le Dieu, qui pourtant l'aimait, comme le moindre dans le Royaume n'a jamais été traité. Ce privilégié du Seigneur n'a d'aucune manière été choyé par le Seigneur. Prophète de l'Attente, prophète du renoncement, il a été, c'est vrai, comblé dans son renoncement en ayant entendu la « voix de l'Epoux », mais cette voix ne s'adressait même pas à lui et l'Epoux ne vivait que pour d'autres... Sa figure pourrait nous apparaître, si nous ne nous doutions de l'inconcevable amour de Dieu pour cet homme effacé, comme la seule figure tragique de toute l'histoire du salut... mais nous pouvons à peine soupçonner de quelle gloire le Seigneur a dû envelopper son serviteur, l'humble Prophète du Jourdain. »

À une époque où l’Église peut avoir l’impression de prêcher dans le désert, la figure de Jean le Baptiste peut nous aider à garder confiance, à rester fidèle au Dieu fidèle.

AMEN

Homélie du 23 juin 2024 — 12e dim. ordinaire — Frère Vincent
Cycle : Année B
Info :

B - 12° dimanche du Temps Ordinaire - 23 juin 2024

Job 38 1.8-11; 2 Co 5 14-17 ; Mc 4 35-41

Homélie du F. Vincent

Texte :

Les textes bibliques de ce dimanche nous invitent à passer de la peur à la confiance. Nous savons tous que cela n’est pas facile, surtout quand nous sommes affrontés à des tempêtes. La première lecture nous parle de Job quand il se trouve douloureusement éprouvé par le mal. Il reproche à Dieu de rester muet devant la souffrance qui lui est infligée et qui lui paraît injuste ; mais Dieu lui répond en affirmant sa puissance sur la mer, et, à travers elle, sur tout ce qui détruit l’homme. La suite de ce récit nous montrera que Job va retrouver une situation bien plus belle que celle qu’il avait au début.

Ce cri de souffrance est toujours d’actualité : des hommes, des femmes et des enfants sont douloureusement éprouvés par la maladie, la pauvreté, la famine. Beaucoup n’ont plus la force de crier vers le Seigneur ; nous pouvons le faire en leur nom. Ce cri est une prière que Dieu entend. La bonne nouvelle c’est qu’il ne nous laisse pas désespérés. Il ne cesse de venir vers nous.

Toutes ces souffrances qui accablent notre monde, le Christ les a prises sur lui ; c’est la grande découverte de Paul : Jésus est mort pour tous les hommes en portant le poids de leur mal ; nous ne devons plus rester centrés sur nous-mêmes mais sur lui qui est mort et ressuscité pour nous. Notre priorité absolue doit être d’accueillir cette vie nouvelle qu’il nous a obtenue par sa Passion et sa mort ; c’est une vie essentiellement caractérisée par un immense amour.

Dans l’Évangile, nous voyons que c’est cet amour qui pousse le Christ vers “l’autre rive”. Pour comprendre cette décision, nous devons comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de l’autre côté du lac. C’est d’abord celle du monde païen. Jésus veut le rejoindre là où il en est. Il veut le libérer des puissances du mal et lui annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile. C’est une manière de dire qu’il n’est pas venu pour le seul peuple d’Israël mais aussi pour tous les hommes du monde entier. Il veut que tous aient la vie en abondance.

Mais au moment de la traversée, les puissances du mal se déchaînent pour faire obstacle à cette annonce de l’Évangile. Elles veulent engloutir la barque de la Parole pour l’empêcher d’atteindre cette autre rive. Ce qui est étonnant dans cet évangile, ce n’est pas la peur des disciples ni leur crainte quand ils reconnaissent Jésus comme Dieu. Le plus surprenant c’est la question qu’il leur pose : “Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ?

Quand on se trouve sur un bateau mal maîtrisé, face à une violente tempête, on a vite fait d’avoir peur. Quand saint Marc écrit son évangile, il s’adresse à des chrétiens persécutés. L’Église est un peu comme la barque de Pierre en train de couler. Ils ont l’impression que Jésus dort. Alors, ils l’appellent au secours : “Seigneur, sauve-nous ; nous périssons.” Et dans son Évangile, Marc leur rappelle ce qui s’est passé autrefois avec Jésus et les Douze sur la mer. Ils étaient complètement désemparés par la violente tempête qu’ils ont dû affronter. Mais avec Jésus, les puissances du mal n’ont jamais le dernier mot.

Cet évangile est une bonne nouvelle pour notre Église et notre monde affrontés aux tempêtes de la vie. C’est surtout un appel à la foi. Le Seigneur marche à nos côtés. Il est sur la barque de Pierre. Depuis le matin de Pâques, nous sommes passés sur “l’autre rive” celle de la “re-création” du monde. Désormais, plus rien n’est comme avant. Nous vivons de la vie nouvelle du Ressuscité. Cette vie doit être remplie de solidarité, de partage, de justice. Désormais, nous pouvons vivre comme le Christ, non pour être servis mais pour servir. Nous pouvons affronter les mêmes combats que lui pour maîtriser toutes les tempêtes des hommes, celles du mal et de la haine sous toutes ses formes. Avec lui, nous sommes assurés de la victoire.

Le Seigneur est toujours là au cœur de nos vies. Son Eucharistie nous le rappelle. Quelles que soient les tempêtes, et même s’il semble dormir, il veille sur nous comme sur son bien le plus précieux. Il est proche de nous, en nous. Il est notre lumière et notre salut. Rien ne saurait nous séparer de son amour.

(Sources diverses)

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Homélie du 09 juin 2024 — 10e dim. ordinaire — Frère Charles Andreu
Cycle : Année B
Info :

10e dimanche TO, année B - 09-06-2024

– Gn 3, 9-15 ; 2 Co 4, 13 – 5, 1 ; Mc 3, 20-35

Homélie du F. Charles Andreu

Texte :

Adam, où es-tu ? La première lecture a mis sur la bouche de Dieu une bien étrange question : question d’un Dieu désemparé, d’un Dieu qui cherche, d’un Dieu qui ne sait pas. Dieu ne sait pas où est l’homme, Dieu ne sait pas ce qui s’est passé dans le jardin. Nous sommes tellement habitués à entendre parler d’un Dieu qui voit tout, qui sait tout, qui comprend tout ! Et pourtant ce récit nous invite à méditer sur le Dieu qui ne sait pas.

Ce que Dieu ne sait pas, ici, c’est le péché de l’homme. Contrairement à une image tenace, Dieu ne passe pas son temps à nous épier, à compter nos fautes, nos refus. Le livre de la Genèse force le trait jusqu’à la désinvolture : Dieu a mieux à faire ; il se promène dans le jardin. Cela ne veut pas dire qu’il se désintéresse de nous. Au contraire, il désire la relation : si nous nous cachons, il est désemparé, il nous appelle. Le Seigneur nous aime. Et parce qu’il nous aime précisément, il ne nous traque pas, ne nous contrôle pas, il nous appelle.

Adam, où es-tu ? Dans la Règle de saint Benoît, la première parole du Dieu qui appelle est encore une question : Quel est celui qui veut la vie, et désire des jours heureux ? Dieu ne s’interroge pas d’abord sur notre péché, mais sur notre désir : manière bien plus radicale de demander Adam, où es-tu ? Car d’une certaine manière, nous sommes là où est notre désir.

À nouveau, ce Dieu qui ne sait pas nous libère de l’idole d’un Dieu qui veut tout contrôler, qui aurait tout décidé à l’avance, du haut de son éternité ; d’un Dieu-sphynx dont la volonté est une sorte d’énigme qu’une vie entière ne suffit pas à déchiffrer, et avec quelle angoisse : nous sommes lents à comprendre, lents à faire le bien, lents à nous libérer du mal, et donc nous sommes toujours en retard, toujours en faute devant le projet trop parfait pour nous d’un Dieu « jamais content ».

Mais le Dieu qui ne sait pas interroge d’abord notre désir, et pas notre obéissance. Il ne désire pas à notre place, ce qui serait une sorte de viol ; il se tient à la porte, il frappe : nous seuls pouvons lui ouvrir ce désir qu’il ne sait pas, et que pourtant il pourra comprendre mieux que personne. Alors notre désir peut rencontrer son désir, dans une alliance d’amour ; alors ce désir d’abord flou, avec ses illusions, ses erreurs, se travaillera, se purifiera dans une quête rude et vivante, dont Dieu ne sait pas plus que nous-mêmes l’issue, car nous la cherchons ensemble. Mais connaissons-nous notre désir profond ? La première exigence du discernement serait peut-être d’apprendre à connaître son désir, à ne pas le suspecter comme une faute, à le travailler en lien avec le désir de Dieu et de nos frères.

Adam, où es-tu ? Le Dieu qui ne sait pas devrait aussi nous apprendre à aborder nos frères avec la même attitude, la même question – où es-tu ? – c’est-à-dire comme un mystère qui nous échappe, sur lequel nous n’avons pas prise.

C’est peut-être le problème qui se joue dans l’évangile de ce dimanche. La famille de Jésus s’inquiète : il a perdu la tête… Littéralement, le texte dit : il est sorti de lui-même. Mais Jésus est-il sorti de lui-même, ou sorti de ce que ses proches croient savoir de lui, sorti du savoir des scribes ? Jésus a été rejeté par ceux qui savaient trop bien où il devait être, mais ne lui ont jamais demandé : Christ, nouvel Adam, où es-tu ?

De même, dans toute relation humaine, nos prétentions à savoir qui est l’autre doivent céder devant cet où es-tu ? qui laisse l’autre dire qui il est, trouver son désir et le donner. Paradoxalement, ce sont nos prétentions à connaître l’autre, plus que nos ignorances, qui engendrent violence, jugement, emprise. « Tu sais comment il est ! » entendons-nous parfois – « Non, je ne sais pas. Et, c’est parce que je ne sais pas que je peux réellement entrer en relation avec ce frère, l’aimer en vérité, l’accueillir dans la surprise aimante de ce qu’il est et de ce qu’il me donne ».

Adam, où es-tu ? Puissions-nous entrer peu à peu dans la lumière du Dieu qui ne sait pas.

Homélie du 07 juin 2024 — Sacré Cœur — Père Abbé Luc
Cycle : Année B
Info :

SACRE CŒUR - 07 juin 2024

Os 11, 1, 3-4, 8c-9 ; Ep 3, 8-12, 14-19 ; Jn 19, 31-37

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et Sœurs,

Avec les lectures entendues, nous avons comme trois approches du mystère de l’Amour de notre Dieu pour nous, à travers les images d’un cœur retourné, d’un cœur transpercé, d’un amour aux dimensions cosmiques.

Dans la première lecture tirée du prophète Osée, nous avons entendu une expression unique en son genre qui est forte et qui est mise dans la bouche de Dieu : « mon cœur se retourne contre moi ». Tout d’abord on peut s’étonner de l’audace du prophète pour décrire ainsi les sentiments de Dieu en un langage si humain. Il ne fait cependant que s’inscrire dans toute la tradition biblique qui n’hésite pas à prêter à Dieu une bouche, des mains, des oreilles, et ici un cœur. Le Dieu auquel croit Israël est à la fois ce Dieu dont on ne peut faire aucune image, et à la fois ce Dieu si proche, que pour décrire l’alliance qui se noue avec lui, on n’hésite pas à lui prêter des sens et des membres humains, comme pour mieux manifester combien la relation s’établit très concrètement entre Dieu et l’homme. Ainsi dans le texte entendu du prophète Osée, le cœur de Dieu se retourne contre lui pour ne pas laisser libre court à sa colère contre Israël qui se montre si distant et récalcitrant à toutes les marques d’amour et de tendresse que le Seigneur lui a prodiguées. Une note de la Bible de Jérusalem relève que le verbe utilisé pour « se retourner » est très fort et qu’il est le même utilisé à propos du châtiment infligé à Sodome et Gomorrhe en Genèse, où l’on nous dit que Dieu « renversa les villes et la végétation du sol » (Gn 19, 25). Et le commentateur d’ajouter : « Osée laisse entendre que le châtiment envisagé est comme vécu d’avance dans le cœur de Dieu ». Plutôt que de faire porter à Israël les conséquences de son péché, Dieu les prend en son cœur.

L’évangile nous place devant Jésus mort. Il vient d’expirer. Alors que s’achèvent les préparatifs du Sabbat, il est déjà entré dans le grand repos de la mort. Les soldats font les basses besognes de sorte que tous puissent célébrer le Sabbat et la Pâque sans avoir sous les yeux ces cadavres qui troublent la bienséance. Devant Jésus mort, un bref coup de lance suffira. L’Ecriture s’accomplit, et un signe s’offre alors : « Et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau ». La tradition johannique relira plus tard ce signe comme le témoignage ultime de ce qu’a été toute la Vie de Jésus : un don total pour que le monde ait la vie. Ce don jusqu’au bout du sang versé et de l’eau répandue préfigure le don de l’Esprit et le don des sacrements. A travers ces derniers, l’Eglise célèbrera et recueillera jusqu’à la fin des temps, le don de l’Amour sans mesure du Christ Epoux pour son Epouse. Devant le cœur transpercé de Jésus, nous contemplons ainsi l’instant unique où est scellé l’amour du Christ pour nous et cet instant unique où s’enracine le déploiement de son amour diffusé à travers les sacrements.

St Paul dans la seconde lecture, en utilisant le langage de la philosophie stoïcienne, entrevoit les dimensions cosmiques de l’amour du Christ, ressuscité, un amour qui dans sa largeur, sa longueur, sa hauteur et sa profondeur surpasse toute connaissance… Un amour immense qui s’étend aux dimensions du monde et cependant un amour habite nos cœurs par notre foi. Un amour expérimenté par chacun, un amour qui s’enracine en nous pour faire entrer dans toute la plénitude de Dieu… N’est-ce pas une expérience semblable que Ste Marguerite Marie a faite à travers les apparitions dont elle a été gratifiées, à Paray… Elle a pris alors la mesure de l’Amour sans mesure du Christ Ressuscité dont le cœur « passionné d’amour pour les hommes » ne pouvait plus « contenir les flammes de son ardente charité ». Elle fait l’expérience de l’Amour du Christ qui désire vivre une intimité d’amour avec chacun, pour mieux faire connaitre et répandre sur tous ses « trésors d’amour, de miséricorde, de grâce… »

Frères et sœurs, les textes de cette fête nous plongent dans ce grand mystère de l’Amour du Christ Ressuscité pour nous. Avec Ste Marguerite Marie, nous pouvons entendre qu’Il nous aime tellement qu’il désire nous voir prendre au sérieux cette relation avec lui pour notre plus grand bonheur. En célébrant cette eucharistie, laissons le mystère de sa mort et de sa résurrection dont nous faisons mémoire nous faire entrer plus avant dans sa Vie. Accueillons l’amour que le Christ vivant nous offre. Faisons lui l’honneur de nous laisser aimer par lui, pour mieux l’aimer à notre tour.

Homélie du 02 juin 2024 — Saint Sacrement - Fête Dieu — Frère Guillaume
Cycle : Année B
Info :

année B - Homélie de la fête du Corps et du Sang du Christ (2/06/2024) -

(Ex. 24,3-8 ; Héb. 9,11-15 ; Mc 14,12…26)

Homélie du frère Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,

Les 3 lectures choisies pour la liturgie de cette fête du Saint Sacrement, de l’Eucharistie mentionnent et la réalité du sang. Sang du sacrifice animal (des taureaux) que Moïse verse pour une moitié dans des coupes, sur l’autel, et dont il asperge le peuple, pour l’autre moitié. C’est le Sang de l’Alliance conclue avec le Seigneur pour un sacrifice de paix, inséparable de l’écoute de Sa Parole. Dans l’épitre aux Hébreux, il n’est plus question de sacrifices de boucs ou de jeunes taureaux, mais du sacrifice du Christ en personne qui a répandu son propre sang, dans une Alliance nouvelle et éternelle. Enfin l’Evangile de Marc nous rapporte le récit du dernier repas de Jésus avec ses disciples avant sa Passion. Avec du pain et une coupe de vin, il offre son corps et son sang, versé pour la multitude.

L’idée que le Christ nous donne sa chair (ou son corps) à manger comme nourriture, et son sang à boire comme boisson ne peut que nous gêner, voire nous scandaliser, si nous le prenons à la lettre. Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? L’eucharistie serait-elle un rite religieux tellement bizarre, « la chose la plus étrange », comme le titrait il n’y a quelques années, un livre du Père Maurice Bellet ?

J’aimerais vous raconter une histoire rapportée par une dame catéchiste préparant des enfants à leur première communion. Elle se heurte bien sûr à la difficulté de leur faire comprendre comment le simple pain déposé sur l’autel peut devenir le Corps du Christ. A bout d’arguments elle interroge les enfants : « que dit le prêtre à la messe ? ». Un enfant alors répond en se trompant : au lieu de dire : Jésus a pris du pain et l’a donné à ses disciples en disant : prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous, il dit « Jésus a pris son corps et a dit à ses amis : prenez et mangez, ceci est mon pain donné pour vous ».

En inversant les mots du récit de l’Institution, cet enfant, sans le savoir, leur donnait un sens profond. Et il avait raison. Le soir du Jeudi Saint, Jésus prend dans ses mains toute sa vie, sa vie de chair et de sang, toute sa personne, toutes ses énergies de relations et de communion et en disant : ceci est mon corps, c’est tout cela qu’il met sur la table. Et il le donne à ses disciples. Et il nous le donne à chaque eucharistie. Le pain qu’il donne, qu’il partage pour que nous puissions nous en nourrir et être en communion avec lui, c’est bien toute sa vie.

Dans un passage du IV° évangile, Jésus dit : « ma vie, nul ne peut me la prendre, mais c’est moi qui la donne », et à Pilate, trop sûr de son pouvoir de vie et de mort sur les condamnés qu’on lui présente, Jésus dira au cours de son procès : « tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en-haut ».

La chair que Jésus donne à manger, et le sang qu’il verse comme une boisson sont alors à comprendre dans un tout autre sens que ceux d’une viande de boucherie ou d’un sang cruellement répandu. Ce sont la chair et le sang au sens de l’anthropologie biblique, c’est-à-dire de la réalité de la vie humaine dans sa fragilité, sa vulnérabilité et même sa pauvreté, jusque dans la mort.

L’eucharistie, et la fête que nous célébrons aujourd’hui, rejoint ainsi le mystère de l’Incarnation et de la Croix dans leur extrême abaissement. Le mystère de la Sainte Trinité aussi que nous fêtions dimanche dernier. Le Verbe éternel de Dieu vient partager notre humanité temporelle, il se fait chair. De riche qu’il était auprès de son Père, il vient se faire pauvre, pour nous enrichir de sa pauvreté. Et cette pauvreté offerte il la donne à lire dans les humbles signes du pain et du vin apportés et partagés dans un repas de communion : le repas du Seigneur qui fait l’unité de ceux qui le partagent. Comme nous le rappelle Saint Paul dans la 1ère lettre aux Corinthiens : «la coupe d’action de grâce que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ, le pain que nous rompons n’est-il pas communion au Corps du Christ ? Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul Corps, car nous avons tous part à un seul pain. »

Ainsi, frères et sœurs, cette fête du Corps et du Sang du Christ, la fête du Saint Sacrement, doit nous faire entrer plus profondément dans le mystère de la vie et de la mort de Jésus, et de sa Résurrection aussi, bien sûr. Cette fête est une invitation à entrer dans la Vie éternelle de Dieu, car tout se tient dans la théologie chrétienne.

A notre tour, et à la suite de Jésus, notre Maître, nous avons, comme le disait si bien l’enfant du catéchisme, à prendre notre vie à bras le corps et à en faire du bon pain afin de l’offrir par amour, à Dieu Notre Père et à le donner à nos frères, nous aussi comme le Christ, selon son commandement : faites le en mémoire de moi.

Homélie du 26 mai 2024 — Sainte Trinité — Frère Hubert
Cycle : Année B
Info :

Année B - Dimanche de la Trinité – 26 mai 2024 –

Dt 4, 32-34.39-40 ; Rm 8, 14-17 ; Mt 28, 16-20

Homélie du Frère Hubert, Prieur

Texte :

Après le déploiement de l’année liturgique, de Noël à la Pentecôte,

au long de laquelle nous avons contemplé l’attente et la venue du Messie en Jésus de Nazareth,

jusqu’à son Ascension dans la gloire du Père et l’envoi de l’Esprit sur le monde,

nous célébrons aujourd’hui la fête de Dieu, du Dieu tel qu’il nous est révélé par Jésus, le Messie.

Dieu, Père, Fils et St Esprit : c’est vraiment la spécificité de notre foi chrétienne.

Spécificité de la foi en ce Dieu révélé par Jésus de Nazareth, Verbe fait chair,

prenant notre condition humaine,

mort sur la croix et ressuscité dans la puissance de l’Esprit.

Personne, en-dehors des chrétiens, ne professe une telle foi.

Dans le premier testament, la foi du peuple élu était déjà unique :

« C’est le Seigneur qui est Dieu ; il n’y en a pas d’autre. »

Spécificité de la foi d’Israël au milieu des nations avec leur multitude de divinités et d’idoles.

Le Seigneur, c’est celui qui a appelé Abraham,

qui ne cesse de prendre l’initiative de parler à l’homme,

de faire alliance avec lui, de lui ouvrir un chemin, de lui offrir un avenir.

Le Seigneur n’est pas une idole muette, créée par l’homme,

ni même une puissance cosmique naturelle qui le dépasse.

Le Seigneur est celui qui parle, qui écoute, qui appelle,

et qui, mystérieusement, marche avec l’homme.

Celui qui crée et qui aime ;

qui promet « bonheur et longue vie »

celui qui conduit à la Terre de la promesse,

et qui, au-delà de toutes nos vicissitudes, crée des cieux nouveaux et une terre nouvelle.

Son nom est « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob »,

celui qui est intervenu dans leurs vies.

Déjà, il se révèle comme Père : « Tu es notre Père et nous sommes l’ouvrage de tes mains. »

Cette révélation de Dieu, cette relation entre l’homme et Dieu,

était et demeure unique et extraordinaire.

Un Dieu de bénédiction qui suscite la bénédiction.

Mais qui pouvait imaginer ce que Dieu allait faire ?

En Jésus Christ, l’inouï, l’impensable, s’est manifesté :

Les cieux se sont ouverts, Dieu est descendu.

Dieu s’est fait chair.

La Parole de Dieu s’est faite chair. Dieu s’est fait homme.

Il a établi sa demeure dans notre humanité

pour que l’homme, gratuitement, ait sa demeure en Dieu même.

Dans la nouvelle alliance, la Promesse n’est plus celle d’une terre où coulent le lait et le miel,

mais le monde nouveau vivifié par l’Esprit,

le monde nouveau inauguré par celui qui, passé par les abîmes et la mort,

est sorti victorieux des enfers,

illuminant la création entière de sa gloire.

Au fil des générations, Jésus ne cesse de nous révéler son Père et de nous communiquer son Esprit ;

et l’Esprit fait de nous des fils, en qui nous crions : « Abba ! Père ! »

Dieu, Père, Fils et Esprit.

Jésus, Fils de Dieu, Fils de l’homme.

L’Esprit répandu sur toute chair.

Dieu s’abaissant, se dépouillant de lui-même, pour nous élever jusqu’à lui.

Dieu nous donnant en son Fils et en son Esprit, tout ce qu’il est.

Dieu vivant, Un et Trine :

profession de foi unique, propre aux chrétiens.

Jésus de Nazareth a été le premier homme à être baptisé dans l’Esprit,

béni du Père de façon unique :

« Dès que Jésus fut baptisé, il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui.

Et des cieux, une voix disait : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. " »

Nous-mêmes, baptisés en sa mort et en sa résurrection,

baptisés « au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit »,

nous devenons fils et filles de Dieu, cohéritiers avec le Christ.

La promesse de Dieu est la parole la plus sûre, la plus solide, qui ait jamais été proférée,

elle demeure éternellement.

« Rendons grâce à Dieu le Père,

lui qui nous a donné d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière. »

« Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. »

Célébrons notre Dieu, en lui offrant notre action de grâce.

Dans la prière, baptisons toute l’humanité au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Homélie du 19 mai 2024 — Pentecôte — Père Abbé Luc
Cycle : Année B
Info :

Année B - PENTECÔTE - 19 MAI 2024

Ac 2, 1-11 ; Ga 5, 16-25 ; Jn 15, 26...16,15

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Frères et Sœurs,

Cette fête de Pentecôte nous fait toucher du doigt comment notre Dieu s’y prend pour faire l’unité entre les peuples, l’unité entre les hommes. Là où spontanément nous cherchons une unité qui ressemble beaucoup à l’uniformité, là où nous rêvons d’une unité où tous penseraient et vivraient de la même manière, cette fête de Pentecôte nous déplace. Nous connaissons les risques très sensibles en cette période d’élection, de confondre unité nationale avec rejet de l’autre différent, ou bien de réduire la recherche d’identité avec la recherche du même ou de l’entre soi. Cette fête de Pentecôte nous révèle que pour Dieu, il n’en est pas ainsi.

Chacune des lectures nous apporte un éclairage sur cette unité que Dieu désire pour l’humanité, et pour chacun de nous.

La première lecture nous présente de manière imagée les effets du don de l’Esprit reçu par les apôtres. Ces hommes qui étaient claquemurés dans leur peur quelques instants auparavant sont remplis d’une hardiesse étonnante sous la motion de l’Esprit Saint. Sous la forme de langues de feu, l’Esprit se donne et permet à chacun des apôtres d’entrer en relation avec une multitude de peuples présents à Jérusalem. Dans leur diversité, chacun de ces étrangers se sent rejoint par la parole de feu qui sort de la bouche des apôtres. Un même Esprit, donné à ces hommes de Galilée, ouvre la possibilité d’une étonnante communion entre ces peuples si différents, allant de la Lybie jusqu’à la Turquie et l’Arabie actuelle. L’histoire de l’Eglise sera pleine de ces exemples d’hommes et de femmes animés par l’Esprit qui vont aller à la rencontre des peuples divers, en apprenant leur langue, en mettant tout leur zèle pour leur permettre d’entendre dans leur propre culture et langue, la Bonne Nouvelle de l’évangile. Ils ont tissé des ponts entre les peuples et les cultures. L’unité de l’Eglise résulte alors de cette mystérieuse communion qui est rendue possible, parce que chacun est vraiment reconnu avec ce qu’il est, avec ses particularités.

Ce mystère de communion entre les hommes serait-il possible s’il n’était pas d’abord celui que Dieu vit en lui-même. Dans l’évangile, Jésus nous fait pressentir cette circulation de vie et d’amour qui existe entre lui et son Père. Il nous promet de nous donner le Défenseur, l’Esprit de Vérité qui procède du Père, afin de nous introduire dans le mystère de cette communion, dans la Vérité toute entière. Avec l’Eglise, dans la foi qu’elle a mise en mot peu à peu, nous n’avons pas fini d’entrer dans le mystère de notre Dieu qui n’est pas solitude isolée, mais communion de personnes, communion entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint. Nos mots sont toujours balbutiants devant ce mystère. Laissons-nous instruire par les mots que nous donne l’Eglise, par exemple à la fin de chaque oraison quand nous demandons toute chose au Père « par Jésus-Christ, ton Fils, notre Seigneur qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint Esprit, Dieu pour les siècles des siècles ». Apprenons à contempler cet échange d’amour qui est en Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, pour recevoir de lui l’intelligence, mais aussi l’amour pour vivre d’une manière nouvelle nos relations humaines, comme une communion dans nos différences, où chacun a sa place.

Mais me direz-vous, ceci est trop beau pour être réalisable. Cette recherche de communion et d’unité bute toujours sur nos incapacités et nos étroitesses à faire sa place à l’autre. Toutes les guerres que nous voyons sous nos yeux le démontrent aisément. Oui, cette communion peut paraitre bien loin. Faut-il se résigner face à ce constat ? La fête de ce jour nous rappelle que cette unité et communion n’est pas une œuvre humaine. Elle est un don de Dieu, mais un don auquel il nous revient de collaborer. La seconde lecture nous offre une piste sûre que pourrait résumer cette recommandation : « marchez sous la conduite de l’Esprit ». Oui, frères et sœurs, dans notre monde, nous pouvons devenir acteurs de cette œuvre de d’unité que Dieu désire pour l’humanité, en nous appliquant à vivre sous la conduite de l’Esprit. Chacun, nous expérimentons les dons de l’Esprit à l’œuvre dans nos vies : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur et la maitrise de soi. Si nous sommes un peu lucides sur nous-mêmes, nous expérimentons plus à certains jours qu’à d’autres, combien ces qualités que l’on peut entrevoir en nous souvent de façon éphémères, ne sont pas fondamentalement de notre fait. Elles nous sont données comme un cadeau. C’est l’œuvre de l’Esprit Saint en nous. Heureux sommes-nous si nous avons compris cela, car alors, nous pouvons consentir à laisser l’Esprit Saint faire davantage son œuvre en nous. Nous pouvons nous appliquer à ne pas le contrister, lorsque nous sentons un inclination à plus de bienveillance, de patience, ou de douceur, ou de maitrise de soi…. A notre part bien modeste, nous serons alors des artisans de communion, parce que nous laisserons l’Esprit Saint unifier et pacifier notre propre existence. La paix et l’amour qu’il met en nos cœurs se déverseront sur nos proches.

En rendant grâce ce matin pour l’Esprit Saint, Maitre d’œuvre de la communion dans l’Eglise et dans l’humanité, offrons-nous à son action encore plus résolument.