Homélies
Liste des Homélies
Année B - 3e Dim Temps pascal - 14 avril 2024
Ac 3/13-15, 17-19, 1 Jn 2/1-5a, Lc 25/35-48
Homélie du F. Cyprien
"Alors Jésus leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Écritures, 46 et il leur dit: " C'est comme il a été écrit: le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour. C'est vous qui en êtes les témoins ».
Que le Seigneur nous ouvre l’intelligence pour comprendre les Ecritures… Le mystère de notre foi chrétienne c’est l’œuvre que Dieu a faite : Jésus venu dans la chair, Jésus qui a souffert, Jésus qui est mort… devenu pour nous source de la nouvelle vie : « Nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir » ; « Nous croyons à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle ».
L’aujourd’hui de notre foi, c’est le Christ vivant, vivant… au-delà de la mort, et l’aujourd’hui de notre foi à nous c’est que nous sommes encore en deçà de la mort, en deçà !
Comprendre les Ecritures, c’est savoir que Jésus ressuscité nous précède dans cet Au-delà que nous ignorons ; c’est croire que par Lui la vie éternelle, la vie avec Dieu a déjà commencé pour nous qui mettons notre foi et notre espérance en Lui.
On pourrait dire que le Christ a inauguré la vie éternelle par sa résurrection et que le temps présent est devenu le réceptacle de cette vie nouvelle : « Touchez-moi, regardez; un esprit n'a ni chair, ni os, comme vous voyez que j'en ai." Pour Jésus c’est du
« déjà là » ; pour nous c’est aussi et surtout du « pas encore »
…
La grande distance qui nous sépare du Christ ressuscité c’est sa mort : je voudrais insister sur ce qui fait l’importance de chacune de nos vies : nous savons que nous devons mourir un jour, et nous devons croire encore plus que ce moment de notre vie qu’est notre mort est le moment qui nous conformera définitivement au Christ, puisque c’est Lui Jésus qui a inauguré ce chemin vers la Vie avec Dieu.
Nous fêtons un Temps pascal qui nous met dans une situation qui pourrait nous tromper : nous ne sommes pas
arrivés au terme de notre chemin, nous ne sommes pas arrivés à terme de notre naissance définitive, oui, chacun d’entre nous ici présent...
Ce qui fait notre vie et notre bonheur, c’est que Jésus en nous quittant, comme il l’a dit, ne nous « pas laissés orphelins » : son Esprit, le Saint-Esprit est le garant du « pas encore » dans lequel nous vivons, le garant de ce que nous aurons à vivre pour le suivre jusqu’au bout, lui le Maitre, Celui qui nous a précédés. Tout ce que peut vivre un croyant, un disciple de Jésus aujourd’hui c’est une imitation du Maitre, …davantage encore une préparation de ce qu’il a vécu Lui …en donnant sa vie jusqu’au bout… « Dieu avait d'avance annoncé que son Messie souffrirait et …c'est ce qu'il a accompli ».
Nous avons à mourir parce que nous ne pouvons pas voir Dieu sans mourir et nous mourrons à la suite de Jésus parce que Jésus nous a montré le chemin.
Il est bon au Temps pascal d’évoquer encore la mort de Jésus…, d’envisager la mort de chacun de nous comme la porte, l’aboutissement de notre foi : « Loué sois-tu, Seigneur, pour notre sœur la mort corporelle », ainsi priait saint François d’Assise, cette mort corporelle qui nous rendra conforme au Christ mort pour qu’il nous ressuscite en ce dernier jour.
Il y a tout cela dans le chant des croyants, dans le chant de « l’Alleluia » de Pâques : Dieu notre Père, fidèle à ses promesses, nous emmènera dans la gloire de son Fils ressuscité : oui, chantons avec l’Eglise notre confession de foi : « Nous attendons la résurrection de la chair et la vie éternelle ».
Nous sommes déjà en communion avec Celui qui nous attire à Lui, Celui qui déjà nous fait vivre : comme l’écrit saint Paul « L’espérance ne déçoit pas », nous vivons tournés vers l’invisible : la Bible disait déjà de Moïse : « …comme s’il voyait l’invisible ».
Chers frères et sœurs, l’Alleluia d’aujourd’hui est déjà celui de demain quand Dieu sera tout en tous, et par son Esprit nous connaissons déjà le Chemin, Celui qui nous conduit à la Vérité et la Vie.
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année B - 2e dimanche Tps Pascal, 7 avril 2024 —
Ac 4, 32-35 ; 1 Jn 5, 1-6 ; Jn 20, 19-31
Homélie du F. Charles Andreu
Chers frères et sœurs, pour commenter l’évangile de ce dimanche, permettez-moi de faire d’abord un pas de côté. En 1734, le cardinal Lambertini, le futur pape Benoît XIV, fixait sept critères pour la reconnaissance des miracles dans les procès de canonisation. De ces critères qui valent encore aujourd’hui, j’en retiendrai deux : d’abord, la guérison doit être instantanée, immédiate ; ensuite, elle doit être parfaite, ne laisser aucun symptôme, aucune trace. Aussi curieux que cela puisse paraître, la résurrection de Christ ne serait donc pas un miracle valide : le Christ n’est pas ressuscité instantanément, mais le troisième jour ; et son corps porte encore des blessures ouvertes, celles précisément où Thomas met le doigt aujourd’hui .
La guérison miraculeuse et la résurrection reposent sur des logiques opposées : logique de l’immédiateté et logique du temps, logique de la perfection et logique de l’irréparé (pour le dire comme Isabelle Lebourgeois dans un livre récent). Plus profondément : logique de l’extraordinaire et logique de la vie. Bien sûr, la résurrection n’est pas un événement insignifiant. Mais alors que les guérisons miraculeuses font exception, elle est un don pour tous, le plus beau don : don d’une vie nouvelle qui vient dès maintenant épouser la logique de notre vie, et non pas la violenter. Or cette logique engage le temps et l’irréparé.
Le temps. Dans la Bible, la résurrection de Jésus n’est pas le seul événement à se dérouler le troisième jour. C’est le troisième jour que Dieu donne sa Loi au peuple rassemblé au Sinaï ; c’est le troisième jour qu’Abraham aperçoit la montagne où Dieu se manifestera dans l’interdit de sacrifier son fils Isaac. Ces exemples, parmi d’autres possibles, nous disent que Dieu n’agit pas dans l’immédiat : il laisse passer du temps, ne serait-ce que trois jours.
Dieu prend-il donc plaisir à nous faire languir ? Non. L’attente de Dieu est le signe de son amour, de son respect. Car le temps est un dimension fondamentale de notre vie : il faut du temps à notre corps pour grandir et pour guérir, il faut du temps à notre psychisme pour se construire et se travailler, il faut du temps à notre cœur pour s’ouvrir à la vie véritable. Dans nos existences humaines, « Ce qui se fait sans le temps, le temps le défait. » Si le salut, comme l’a dit Paul VI, est un dialogue entre Dieu et l’humanité, alors Dieu doit nous laisser le temps de réfléchir, de débattre en nous-même et entre nous, et non pas nous couper aussitôt la parole, imposant la bonne réponse avant même que nous ayions compris la question. La lente traversée des temps du doute et de la lumière, de la peine et de la joie, de la révolte et du consentement, nous construit. Alors seulement viennent les troisièmes jours de nos vies, jours où notre cœur s’est enfin ouvert à la parole, à la lumière, à la vie.
« La paix soit avec vous ! » Au cours de ce chemin, où trouver la paix promise par le ressuscité ? Thomas la trouve en touchant les plaies du Christ, c’est-à-dire en touchant l’irréparé de la résurrection. Car ces blessures sont le lieu où il peut se reconnaître, reconnaître l’irréparé de sa vie. Toute vie s’inscrit dans une histoire qui porte la joie bien sûr, mais aussi la blessure : chacune nous a défini, tels que nous sommes. Les arbres qui poussent en plein vent prennent la forme que le vent leur a donné.
Ressusciter, ce n’est pas devenir soudain un arbre tout droit, un autre arbre, qui n’aurait jamais connu le vent, un être sans chair, sans histoire. Ressusciter ainsi, ce ne serait pas vivre, mais mourir, disparaître, à tout jamais humilié, rejeté. Ressusciter, c’est découvrir au contraire que nos ramures décoiffées, notre chair vive et blessée peut vivre, mérite de vivre, vit enfin vraiment, telle qu’elle est. Nos corps, nos esprits et nos cœurs portent alors les stigmates de l’histoire qui les a façonnés, mais ceux-ci n’enferment plus dans la douleur. Si le moindre effleurement d’une blessure à vif fait bondir, aujourd’hui Thomas peut mettre le doigt dans les plaies de Jésus : blessures apaisées et non pas effacées, qui n’empêchent pas d’accueillir et de donner la vie.
Pour nous, cette résurrection n’est pas seulement la grâce de demain : déjà ressuscités avec le Christ, nous sommes entrés dans ce temps qui désire, qui cherche et trouve peu à peu cette vie apaisée qui s’épanouira le troisième jour.
Année B - Dimanche de Pâques - messe du Jour - 31 mars 2024
Ac 10 34-43; 1 Co 5 6-8; Jn 20 1-9
Homélie du F.Guillaume
Peu de temps avant sa mort, on posa cette question à Confucius, le Grand Sage de la Chine : « mais à quoi passeriez-vous votre vie, si elle était à refaire ? » Et Confucius de répondre simplement : « si elle était à refaire, je passerais ma vie à réinventer la signification originelle des mots »
Frères et sœurs, en ce dimanche de Pâques, où nous célébrons dans la foi et dans la joie, la Résurrection du Christ, notre Seigneur, arrêtons-nous un instant, si vous le voulez bien à la signification originelle de ce mot de résurrection. Quel sens lui donnons-nous, à partir de notre expérience de croyant, à la lumière des Ecritures, et en confrontation avec l’expérience des premiers témoins : Marie Madeleine, Pierre, Jean, Paul ? Saint Paul nous en avertit dans sa lettre aux Corinthiens : « si le Christ n’est pas ressuscité, votre prédication est vide, et vide aussi votre foi : vous êtes encore dans vos péchés ». Ce mot de résurrection provient du verbe ressusciter, qu’il conviendrait mieux de prononcer re-susciter, c’est-à-dire susciter à nouveau ou de nouveau. Avec l’idée que confère le préfixe « re », soit d’un retour en arrière, restauration d’une situation antérieure, soit au contraire de renouvellement, de recommencement, voire de re-création pour une situation totalement inédite et différente de toutes les situations précédentes.
Le verbe « susciter » évoque aussi la naissance, l’éveil à un monde encore inconnu, en rapport avec la vie. Jésus d’ailleurs n’a-t-il pas associé les deux termes quand il dit à Marthe, à la mort de son frère Lazare : « Je suis la Résurrection et la Vie » ? Ainsi l’étymologie de ce mot de résurrection nous place dans le registre vital du temps et de l’histoire, selon les dimensions du passé, du présent et de l’avenir.
Entre le passé et le présent, il définit une rupture, une rupture instauratrice, qui conserve quelque chose d’essentiel du passé. Christ ressuscité, au matin de Pâques et après Pâques, est à la fois le même et un autre pour les disciples qui l’ont connu avant sa mort sur la Croix. Marie Madeleine dans le jardin le prend pour un jardinier, les pèlerins d’Emmaüs cheminent avec lui sans le savoir. Et les pêcheurs de Tibériade ne reconnaissent pas immédiatement l’étranger sur le rivage, près du feu. C’est dire que le Corps glorieux du Christ ressuscité et différent de celui qui parcourait les routes de Palestine, en enseignant les foules et guérissant les malades. Pourtant il garde les marques de sa Passion, et Thomas, l’incrédule, pourra le reconnaître en avançant sa main et en la portant dans le coté transpercé de son Seigneur. Ce toucher sera refusé à Marie Madeleine : Jésus l’invite à entretenir désormais avec lui un nouveau type de rapport où le corps est investi autrement que par le contact sensible. Elle a pour mission d’annoncer par la parole et dans la foi le message de la Résurrection aux apôtres.
Pour les disciples d’Emmaüs, c’est à la fraction du pain que le Christ ressuscité se fait reconnaître, tout en disparaissant aussitôt à leurs yeux de chair. Là encore, invitation à un nouveau rapport, dans le mystère sacramentel de l’eucharistie, où le Christ Ressuscité présent réellement en son Corps et en son Sang, se donne dans les signes du pain et du vin : nouveau contact, nouveau toucher.
Mais si la Résurrection instaure une certaine rupture avec le passé, elle entraîne dans le même mouvement l’ irruption du monde humain, terrestre dans le monde divin, céleste, dans le Royaume annoncé et promis. Elle engage alors un nouveau rapport aussi entre le présent et l’avenir, entre le déjà-là et le pas encore.
Saint Paul dans la seconde lecture que nous avons entendue aujourd’hui nous l’affirme : « du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. C’est en effet en haut qu’est votre but, non sur la terre ; en effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire ».
Notre propre résurrection est ainsi engagée dès maintenant avec celle du Christ. Nous sommes entrés avec lui, par le baptême, dans le Royaume, dans la vie éternelle. Nous avons part à la connaissance du mystère de la mort et de la résurrection du Christ, à partir du moment où, comme le disciple Jean, nous croyons, même sans avoir vu. Et nous sommes appelés à vivre dans l’Esprit Saint une vie nouvelle, une nouvelle création.
La résurrection implique une tension entre le déjà-là du Royaume inauguré par elle, et le pas-encore du Royaume achevé du Dernier Jour. L’enjeu de cette tension se situe dans la responsabilité de notre engagement présent, ici et maintenant. Elle met en acte notre espérance, « une espérance pleine d’immortalité », comme le disait déjà le livre de la Sagesse, dans l’Ancien Testament. Car, « si nous avons mis notre espérance dans le Christ pour ce monde-ci seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non, Christ est ressuscité, prémisse de tous ceux qui doivent aussi ressusciter avec lui au Dernier Jour ». Il nous faut alors espérer contre toute espérance, comme Abraham quand il fut soumis à l’épreuve. Il nous faut croire à l’impossible qui reconstitue un réel plus réel que toutes les réalités de notre imaginaire. Il nous faut enfin aimer de cet amour qui nous vient de l’Esprit Saint et qui est la puissance première et dernière à l’œuvre dans la Résurrection.
Croire à la Résurrection, c’est donc croire au poids de ce qui fait l’importance de notre vie : les événements, les rencontres, les expériences profondes que nous pouvons faire ici-bas, sans nous y attacher outre mesure, car la figure de ce monde est appelée à passer. Tout sera suscité à nouveau, re-suscité : notre vie sera reprise et récapitulée dans le Christ, dans la lumière et la communion définitives, dégagée de tout péché, quand le Christ soumettra tout à son Père et qu’il sera tout en tous.
Méditer sur le mystère de la Résurrection, ré-inventer la signification originelle du mot, c’est donc être invité à porter un regard sérieux sur notre existence, lui donner un sens, au-delà des échecs, de l’absurde, du péché et des petites morts que nous connaissons tous plus ou moins.
Sans déserter le quotidien, c’est vivre dans l’attente, dans la confiance et l’espérance. C’est croire en vérité à ce que nous allons confesser tous ensemble dans un instant :
« j’attends la résurrection des morts et j’attends la vie du monde à venir ». AMEN
Année B - VIGILE PASCALE 30.03.2024
Rm 6, 3-11 ; Mc 16,1-7
Homélie du Père Abbé Luc
« Qui nous roulera la pierre pour dégager le tombeau ? » Telle est la préoccupation, frères et sœurs, qui habitait ces femmes qui se hâtent de bon matin au cimetière, vers le tombeau où le corps de Jésus a été déposé. Car cette pierre qui obstruait la porte était « très grande », nous précise l’évangéliste. Or quelle n’est pas leur surprise en arrivant sur le lieu, de voir la pierre qui a été roulée, laissant le tombeau ouvert. Qui donc a roulé cette pierre ? Serait-ce des voleurs qui auraient pris le corps, comme une certaine rumeur le laissera entendre plus tard ? Serait-ce ce jeune homme « vêtu de blanc » qu’elles trouvent assis dans le tombeau ? On ne nous le dit pas. Ce jeune homme qui leur inspire une forte frayeur leur annonce alors cette nouvelle étonnante : « le Crucifié que vous cherchez, il est ressuscité. Il n’est pas ici, il vous précède en Galilée ». Voilà un évènement auquel elles ne s’attendaient pas, elles qui venaient embaumer, et entourer d’honneurs le corps inerte de Jésus, ce que son ensevelissement fait en hâte à cause du sabbat, n’avait pas permis. Voilà une nouvelle qui peut, sinon expliquer, du moins suggérer, que la pierre n’a pas été roulée par des mains humaines. La pierre roulée s’offre alors comme un signe fort du bouleversement occasionné par la résurrection de Jésus qui demande une énergie, elle, qui n’est pas de ce monde ! Tel est le mystère que nous sommes invités à contempler en regardant cette pierre roulée et ce tombeau vide…
« Qui nous roulera la pierre ? » Telle est la question que nous nous posons peut-être parfois, frères et sœurs, en considérant tous les tombeaux ou tous les lieux de mort de notre humanité que nous peinons à rejoindre. Ces lieux semblent comme obstrués par des pierres trop lourdes pour nos seules forces humaines. Parfois ce sont des deuils trop pénibles à accompagner. Parfois la maladie laisse l’autre comme inaccessible alors qu’il demande des soins et une proximité. Enfin ce sont souvent nos propres difficultés ou souffrances qui se referment sur nous comme une lourde pierre. Et que dire au niveau de notre humanité, de ces conflits qui pèsent sur notre monde, et qui nous blessent tous, nous laissant comme impuissants tant on ne voit pas d’issues pacifiques.
« Qui nous roulera la pierre ? » Pouvons-nous légitimement nous demander. Frères et sœurs, la résurrection du Christ que nous célébrons cette nuit, ne nous donne pas de réponse à la manière d’une baguette magique qui transformerait la réalité en un clin d’œil. Cet évènement au cours duquel un homme a été relevé d’entre les morts, est survenu au cœur de l’histoire humaine qui connait et connaitra encore la souffrance et la mort. Mais ce qu’a vécu Jésus éclaire d’une lumière nouvelle notre destinée humaine ainsi que notre propre expérience. Si nous lui donnons notre adhésion de foi, non seulement il nous ouvre une espérance pour l’au-delà, mais dès maintenant il nous apprend à aborder tous nos tombeaux et tous nos lieux de mort d’une autre manière. Le Christ ressuscité, reconnu à nos côtés, nous enseigne à espérer pour nous-mêmes, et pour tout homme et toute femme, qu’aucune forme de mort n’enferme un être à jamais. Dire cela est un acte de foi fort et qu’il nous faut sans cesse renouveler face aux pierres qui semblent se dresser immuables devant nous. Pourquoi pouvons-nous affirmer cela ? La célébration de cette nuit nous le fait comprendre en nous révélant combien la puissance de vie que Dieu a mis en œuvre dans la résurrection de Jésus, était déjà à l’œuvre depuis la création du monde. Depuis le commencement, face à la mort et au mal omniprésent, son projet est de conduire l’humanité à la vie, au partage de sa propre Vie. Oui, dans le grand respect de notre liberté, Dieu désire nous faire passer de la prison du mal et de la mort à la vie reçue comme un cadeau toujours nouveau et pour l’éternité. Ainsi, en ressuscitant Jésus d’entre les morts, Dieu est profondément cohérent. Son projet trouve en lui son accomplissement.
« Qui nous roulera la pierre ? » Accueillons frères et sœurs, en cette nuit, le Christ ressuscité surgissant de la mort. Par la grâce de notre baptême, il nous offre une espérance qui nous donne courage et confiance. Par le pain et le vin de l’eucharistie, son corps et son sang de Ressuscité, il nous fortifie pour ouvrir avec lui de nouveaux chemins de vie. En cette eucharistie, disons notre merci à Dieu de prendre ainsi soin de nous, pour qu’à notre tour, nous prenions soin de ceux qui nous entourent, forts de l’espérance que les portes de la mort ne sont pas à jamais fermées.
Année B - VENDREDI SAINT 29.03.2024
Is 52, 13 - 53, 12 ; He 4, 14-16 ; 5, 7-9 ; Jn 18, 1 - 19, 42
Homélie du Père Abbé
« Devant lui les rois resteront bouche bée ». Peut-être éprouvons-nous ce sentiment d’être interloqué devant certaines représentations très réalistes de la croix de Jésus, comme devant certaines images contemporaines de corps défigurés par la violence humaine. Oui, Jésus a été jusqu’à cette déchéance physique. Il ne s’est pas esquivé face à la barbarie de ses frères en humanité. Et cependant, ce n’est pas l’intensité des souffrances endurées à nos côtés et pour nous, qui donne tout son sens à la mort en croix de Jésus. Non, le mystère de la croix s’éclaire sous une double lumière : celle de l’amour de Jésus qui nous a aimé jusqu’au bout et celle de la fidélité de son Père qui lui répond par la Résurrection. C’est ce double éclairage qui nous permet dans quelques instants de présenter en toute confiance au Père, les prières d’intercession qui voudraient n’oublier personne.
Car l’Eglise est habitée par cette confiance que sur la croix, Jésus a embrassé tous les hommes « dans sa bénédiction de feu » pour reprendre une hymne chantée ce matin. C’est aussi ce double éclairage porté sur la croix qui nous permet ce soir de vénérer cet instrument de supplice devenu instrument de notre salut. Sur la croix, la mort et le péché ont cédé le dernier mot à la vie. Une espérance s’est ouverte qui nous est offerte comme un immense cadeau totalement gratuit. Accueillons-la et célébrons-la.
Année B - JEUDI SAINT - 28.03.2024
Ex 12, 1-8.11-14 ; 1 Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
Homélie du Père Abbé
Frères et Sœurs
Quand Dieu fait alliance avec son peuple, c’est pour toujours. En cette célébration de la Cène du Seigneur, les lectures que nous venons d’entendre nous disent chacune comment le Seigneur prépare son peuple à vivre de son alliance, et comment il lui donne les moyens de la célébrer ensuite et de la perpétuer pour toujours.
D’une manière un peu étonnante, dans le livre de l’Exode, le Seigneur prescrit un rituel à fêter d’âge en âge alors qu’il n’a pas réalisé l’œuvre de libération de son peuple. A travers le rituel du repas pascal donné avec détails, les auteurs du livre de l’Exode nous font comprendre que le Seigneur anticipe sa propre action de salut en même temps qu’il la pérennise. « Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est un décret perpétuel : d’âge en âge, vous la fêterez ». Et le peuple juif a fait sien et il fait sien encore cette prescription reçue du Seigneur. Chaque année, il célèbre en un repas solennel, le mémorial de la Pâque, ce passage du Seigneur qui a délivré son peuple de l’esclavage de l’Egypte. D’année en année, il accueille cet évènement fondateur. De la sorte, il se nourrit de l’alliance, l’engagement que Dieu a pris et prend encore en faveur de la libération de son peuple.
Lorsque Jésus, la nuit où il était livré, célèbre la Pâque avec ses disciples, il éclaire d’une lumière neuve ce mémorial reçu de ses pères. Comme dans le livre de l’Exode, à travers le rituel du pain rompu et du vin partagé, il anticipe la passion qu’il va subir quelques heures plus tard. Il anticipe et il manifeste que « sa vie, nul ne la lui prend, mais que c’est lui qui la donne ». Librement il se donne scellant en son sang, la nouvelle alliance de Dieu avec son Peuple. Et il invite ses disciples à pérenniser les gestes qu’il accomplit en ce soir-là : « Faites cela en mémoire de moi ». Depuis ce soir de la Ste Cène, l’alliance nouvelle et éternelle que Dieu veut nouer avec son peuple est accueillie et célébrée dans le rituel du pain rompu et du vin partagé. C’est le mémorial de la passion et de la résurrection du Seigneur que nous célébrons solennellement ce soir, dans son « aujourd’hui » toujours offert. Comme nous le prierons dans l’oraison sur les offrandes : « chaque fois qu’est célébré ce sacrifice en mémorial, c’est l’œuvre de notre rédemption qui s’accomplit ». Oui, réjouissons-nous car en chaque eucharistie, Dieu continue d’offrir d’âge en âge son salut et son alliance à tout homme et toute femme de toutes nations.
L’évangile que nous avons entendu, nous invite à être attentif à une dernière dimension de l’alliance que Dieu désire voir se développer avec son peuple. Son alliance entre Lui et son peuple est inséparablement alliance entre nous. De nouveau Jésus pose un geste, un rituel qu’il nous invite à pérenniser : le lavement des pieds. A la veille de sa passion, Jésus révèle par ce geste toute la profondeur du don de lui-même : Lui le Seigneur s’abaisse comme un serviteur pour nous purifier de tout péché. Mais il va plus loin en nous invitant à le suivre dans le même mouvement de renoncement et de don vis-à-vis des autres. Ce geste, prélude de sa passion, doit aussi changer nos relations interpersonnelles. « Si moi, le Seigneur et le Maitre, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». A la suite de Pierre, nous sommes invités ce soir, à nous laisser laver, purifier par Jésus, si nous voulons savoir à notre tour, comment laver les pieds de nos frères. Lui seul peut nous apprendre, et la manière et le tact pour le faire. Demandons-lui cela comme une grâce pour qu’il nous rende capable de participer à l’œuvre d’alliance qu’Il désire mener à son accomplissement, non seulement avec Lui mais aussi entre nous.
Dimanche des Rameaux et e la passion - 24 mars 2024
Is 50 4-7 ; Phil 2 6-11 ; Mc 14.1 -15.47
Homélie du Père Abbé Luc
RAMEAUX - 24.03.2024 - Introduction
Frères et sœurs
Nous voici au terme du carême et au seuil de la grande semaine chrétienne, la semaine sainte. En ce jour des Rameaux, nous faisons mémoire des foules de Jérusalem qui acclament Jésus comme le Messie, le Roi tant attendu. Mais Jésus ne dévoilera sa vraie identité de Roi qu’au matin de Pâques, après avoir traversé les abimes de la Passion. Car Il est Roi non pour dominer sur un Royaume terrestre, mais parce qu’il a vaincu le mal et la mort. Ce matin, à la suite des foules de Jérusalem, nous acclamons Jésus notre Roi, en acceptant nous aussi de ne pas bien le connaitre encore. Nous l’acclamons, mais pour mieux le connaitre et l’aimer, nous acceptons de nous laisser guider durant toute la semaine par la célébration de sa passion jusqu’à la lumière de la résurrection. Les rameaux que nous tenons en main veulent l’acclamer. Je vais appeler sur eux et sur nous tous la bénédiction du Seigneur. Lorsque nous les mettrons ensuite aux croix de nos maisons, qu’ils nous rappellent que si Jésus est Roi, c’est parce qu’il a vaincu le mal et la mort.
RAMEAUX - 24.03.2024 -
Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Mc 14, 1 – 15, 47
Frères et sœurs,
Une expression revient de plus en plus souvent dans nos échanges humains, et particulièrement dans les échanges commerciaux ou économiques, c’est l’expression : « gagnant-gagnant ». Dans ces échanges, tout est fait pour que chacun des partenaires s’y retrouve, en retire un bénéfice. Ce matin, en cette célébration de la Passion qui ouvre la grande semaine chrétienne, nous faisons mémoire de Jésus qui, pour nous, a accepté de jouer « perdant-gagnant ». Il a accepté de tout perdre pour que nous soyons gagnants. Il a pris le risque de se déposséder de sa vie. Il ne s’est pas dérobé à ceux qui le traquaient, à Judas qui l’a livré, aux grands de ce monde qui l’ont condamné, aux soldats qui le frappaient et l’humiliaient, à ceux qui l’ont crucifié. Jésus a obéi à son Père jusqu’à ressentir un abandon de sa part. Il a tout perdu, sauf la confiance en son Père vers lequel il a crié jusqu’au bout. Descendu de la sorte au cœur de nos abimes humaines de maltraitance et de déréliction, il s’en est remis totalement à son Père. Et le Père lui a répondu en le ressuscitant des morts. Frères et sœurs, cette semaine sainte nous est offerte pour accueillir toute la profondeur de ce mystère de vie et d’amour, pour découvrir qu’en nous attachant à Jésus, sans avoir rien fait, nous sommes devenus gagnants. Gagnant pour vaincre avec lui le péché et le mal. Gagnant dans l’espérance que la mort, qui nous atteint tous, n’a pas le dernier mot. Remercions Dieu en cette eucharistie d’être associés à un tel bonheur. Et recueillons-ce bonheur durant cette semaine pour le laisser grandir et fortifier nos vies.
Année B - 5° Dimanche Carême - 17 mars 2024
Jérémie 31, 31-34 / ps 50 - Hébreux 5, 7-9 - Jean 12, 20-33
Homélie de F. Basile
« L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié… Maintenant mon âme est bouleversée - Père, sauve-moi de cette heure ! Mais non, Père, glorifie ton Nom. »
F et S, c’est dans ces termes que l’évangile de Jean nous rapporte l’affrontement de Jésus à sa propre mort, ce que les autres évangiles situent un peu plus tard au jardin de Gethsémani, juste avant son arrestation.
Le 4° évangile n’a pas fini de nous étonner si nous essayons d’en saisir le sens et la progression. Nous savons comment cet évangile est sous-tendu par « l’heure qui vient ». C’est à Cana, tout au début de sa vie publique, que Jésus disait à Marie : Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue », et pourtant ce jour-là, à la prière de Marie, le vin a coulé et la gloire du Christ s’est manifestée pour la 1° fois.
Aujourd’hui, nous voilà au ch 12, et ce sont des grecs, des païens qui font cette demande : « Nous voulons voir Jésus »; de Philippe à André, la demande remonte à Jésus et elle reçoit une réponse solennelle : « L’heure est venue, l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié. » C’est la Croix qui est visée bien sûr, à l’heure de l’accomplissement total, mais c’est aussi pour l’évangéliste l’heure de la Gloire, l’heure de l’exaltation, l’heure où le prince de ce monde va être jeté dehors et où le Christ attirera tout à lui, l’heure de la nouvelle Alliance.
La perspective ouverte ici offre un horizon infini et rassemble toutes choses, alors que dans le passage parallèle de l’évangile de Marc, Jésus déclare à la fin de son agonie :
« C’en est fait, l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs » et la lettre aux Hébreux, que nous avions en 2° lecture, souligne elle aussi le grand cri et les larmes de Jésus
Au contraire, dans l’évangile de Jean, la Gloire et la Croix sont désormais liées. Jésus crucifié, c’est Jésus glorifié : depuis que le Fils de l’homme a été élevé, c’est la seule manière pour Jean d’envisager la mort du Christ, et cela peut nous interroger.
C’est dans ce même passage que Jésus cite la parabole de la semence, le grain qui meurt et porte beaucoup de fruit : parabole familière chez Marc et Matthieu, mais ainsi placée par Jean au début de la Passion, elle brille d’une lumière nouvelle ! L’accent n’est pas mis sur le rendement, mais sur la graine enfouie, sur la mort et la vie, sur la mort lucidement acceptée et la vie entièrement donnée, sur le service qui peut aller jusqu’à la mort. C’est pour lui, mais aussi pour nous que Jésus prononce ces paroles : « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur, et mon Père l’honorera, le glorifiera. »
Comment ne pas évoquer ici tous les martyrs, connus ou inconnus, tous ceux qui ont semé l’Eglise en donnant leur vie. Tout près de nous, je pense au P. Jacques Hamel assassiné en juillet 2016 ; il y a, bien sûr, nos 7 frères de Tibhirine, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars, et retrouvés morts 2 mois plus tard. Même si cela est plus loin de nous, je voudrais mettre en lumière saint Oscar Romero, canonisé en 2015 par le pape François : archevêque de San Salvador, il fut assassiné au cours de l’eucharistie en pleine homélie le 24 mars 1980. Comme le Christ, il est allé jusqu’au bout ; en prenant le parti des pauvres, c’est là qu’il s’est converti, il savait les risques qu’il courait, les menaces qui pesaient sur lui et qui ne l’empêcheront plus de parler. Dans une de ses dernières homélies, il avait dit : « Comme chrétien, je ne crois pas à la mort sans la résurrection. S’ils me tuent, je ressusciterai dans le peuple du Salvador. »
Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Les fruits, nous les connaissons : c’est l‘espérance des pauvres, l’espérance de tous ceux qui se sont relevés et remis debout à cause de sa vie offerte, par la force de l’évangile vécu. Oui, l’heure est venue avec la mort de Jésus lucidement acceptée, avec son élévation sur la croix et son souffle remis entre les mains du Père, l’heure est venue où la gloire du Fils de l’homme ne cessera plus d’être manifestée, jusqu’à nous aujourd’hui. « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore »
Voilà bien l’Alliance nouvelle, annoncée par le prophète Jérémie, réalisée pleinement à la mort de Jésus, où tous les hommes sont appelés à entrer ; la présence des grecs, des païens au début de l’évangile aujourd’hui, en est le signe avant-coureur. « J’attirerai à moi tous les hommes. »
Cette Alliance nouvelle, dit le prophète, c’est Dieu qui inscrira sa Loi au plus profond des cœurs, non plus sur des tables de pierre, mais sur des cœurs de chair, et tous, nous connaîtrons le Seigneur. Celui qui n’est pas nommé, c’est l’Esprit Saint, mais Paul dira qu’Il est la Loi nouvelle inscrite dans nos cœurs.
Nous voyons combien toutes ces paroles convergent dans l’heure de Jésus : l’heure de la Croix, mais aussi de la Gloire, l’heure de la mort, mais aussi de la Vie donnée, l’heure du souffle remis au Père, mais aussi de l’Esprit répandu. C’est tout le mystère pascal, la Pâque nouvelle que nous allons célébrer dans quelques jours, mais déjà dans chaque eucharistie.
Frères et sœurs, n’oublions pas que même dans la souffrance, la maladie ou l’échec, si nous les vivons avec Jésus, nous ne dirons pas : « Père, sauve-moi de cette heure », mais comme Jésus : « Père, glorifie ton Nom. »
Année B - 4e dimanche de Carême - (10/03/2024)
(2 Ch 36, 14-16.19-23 – Ps 136 – Ep 2, 4-10 – Jn 3, 14-21)
Homélie du F. Jean-Louis
Frères et sœurs,
En ce quatrième dimanche de carême, l’Eglise a choisi des lectures soulignant bien la joie dont ce jour est marqué. Joie qui tranche avec la gravité générale du carême mais qui nous indique déjà l’horizon de tout carême : la Pâques, la Résurrection du Christ.
Pourtant, la première lecture commence plutôt mal, et même très mal. Cette relecture de l’histoire d’Israël faite bien après les événements nous rappelle en effet une période sombre de l’histoire du peuple élu de Dieu. Son élection ne l’a pas protégé de l’infidélité envers son Dieu qui, lui, restait toujours fidèle à son Alliance, essayant d’envoyer des messagers, les prophètes, pour faire prendre conscience au peuple de son égarement. Or, ces prophètes ont été sans cesse moqués, méprisés, rejetés. Et pourtant, Dieu continuait à avoir pitié de son peuple. Cependant, à force d’idolâtrie, le peuple a fini par se détourner de son Dieu. L’auteur du livre des Chroniques, relisant, sans doute au 3e siècle avant le Christ, l’histoire religieuse du peuple d’Israël avec les critères de son époque a donc attribué à la colère de Dieu la chute de Jérusalem, en 587 avant le Christ, sous les coups des armées de Nabuchodonosor, roi de Babylone. Dans la mentalité du temps, si l’on était vaincu par une armée étrangère, c’est que le ou les dieux de la nation avaient abandonné la cause du vaincu. Si Jérusalem avait été prise et le peuple déporté à Babylone, c’est que le Dieu d’Israël avait pris acte de l’infidélité de son peuple et l’abandonnait aux conséquences de ses errements.
Il ne restait plus alors au peuple d’Israël qu’à adopter les dieux des vainqueurs et à s’assimiler à ces derniers. Mais un prophète, Jérémie, s’est levé pour dire que la colère du Seigneur n’était pas définitive et que le peuple serait à nouveau l’objet de son amour et c’est ce qui arrivera quelques 70 ans après.
En effet, les armées babyloniennes seront à leur tour vaincues par un autre roi, Cyrus, roi de Perse. Un roi païen mais qui va, de façon tout à fait inattendue, permettre aux exilés de revenir à Jérusalem et même de reconstruire le Temple. Ainsi, le peuple juif fera l’expérience très forte de la fidélité de son Dieu qui se manifeste au-delà des infidélités du peuple. L’alliance de Dieu avec son peuple est vraiment éternelle et sans retour.
La splendide seconde lecture de ce dimanche exprime, en un autre temps la même réalité de la fidélité sans faille de Dieu envers les pécheurs. Nous étions des morts par suite de nos fautes et Dieu nous a donné la vie avec le Christ, avec cette merveilleuse exclamation qui revient deux fois au cas où nous n’aurions pas compris :
« C’est bien par grâce que vous êtes sauvés ». Et au cas où nous nous acharnerions à nous trouver des motifs de mériter le salut de Dieu, Paul insiste et précise : « Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas de nos actes : personne ne peut en tirer orgueil. » En fait, tout le projet créateur de Dieu est ici exposé : Il nous a créés pour la communion avec lui et ce ne sont pas nos fautes qui peuvent l’empêcher de réaliser son projet.
Et l’évangile nous redit enfin comment, concrètement, Dieu est intervenu en notre faveur. C’est par le Christ Jésus. Avec cet optimisme incroyable : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » Et l’évangile nous dit également que Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour le sauver et non pas pour le juger.
Certes, il faut la foi. Mais la réflexion théologique récente qui a approfondi la révélation chrétienne a pu mettre en évidence que ce qui importe, c’est de vivre selon l’esprit de l’évangile, faire le bien et s’écarter du mal, respecter le prochain…
Nous savons que Dieu ne peut tenir rigueur à des gens qui ne connaissent pas le Christ parce qu’ils n’ont pas rencontré de témoins pour l’annoncer ou parce que les témoins rencontrés ne leur ont pas donné envie de croire.
Le dialogue interreligieux nous a appris aussi à respecter la foi de ceux qui suivent avec sincérité une autre voie religieuse que la voie chrétienne.
Le concile Vatican II a affirmé que l’humanité entière était appelée à la sainteté, et que tous pouvaient être unis au mystère pascal de mort et de résurrection du Christ, les chrétiens, par le baptême et ceux qui ne le sont pas par des moyens que Dieu seul connaît. Le Salut est donc offert à tous et c’est cela la bonne nouvelle.
Nous pourrions objecter : « À quoi sert alors d’annoncer l’évangile ? » Je pense que ce n’est pas rien que tout être humain aie connaissance d’être aimé à ce point par Dieu, par le Christ et c’est notre rôle de baptisés que de l’annoncer, non de l’imposer.
Bien sûr, il reste à agir en rejetant le mal qui déteste la lumière, qui déteste Dieu. Là aussi, nous avons la responsabilité d’agir de telle sorte que ceux qui nous entourent sentent que nous sommes habités par plus grand que nous.
Frères et sœurs, les lectures de ce jour nous révèlent que nous sommes dépositaires, par la foi que nous avons reçue, d’un immense trésor à partager avec nos frères et sœurs en humanité.
Puisse la deuxième partie du Carême qui a commencé nous aider à trouver, dans l’Esprit Saint, les moyens de le faire.
AMEN
Année B - 3° dimanche de Carême - 03 mars 2024
Ex 20 1-17 ; Ps 18 ; 1 Co 1 22-25 ; Jn 2 13-25
Homélie du F. Vincent
Les lectures bibliques de ce dimanche forment un tout. Il s’agit d’abord de Dieu qui fait alliance avec les Hébreux au temps de Moïse. Ces derniers n’étaient pas encore un peuple. C’était un ramassis de pauvres gens, esclaves en Egypte et menacés de génocide. Or voilà que Dieu leur parle. Il leur donne sa loi pour leur apprendre à vivre en cohérence les uns avec les autres. Nous trouvons dans le Livre de l’Exode de nombreux textes qui traitent de cas concrets. Mais le plus important c’est ce que nous appelons “les dix commandements”. Ces dix paroles de vie sont comme des balises qui indiquent la route pour aller vers Dieu. Ces dix commandements se résument à deux : Respect de Dieu et respect des autres. Dans un monde marqué par des intolérances de toutes sortes, ce texte biblique vient nous ramener à l’essentiel : Dieu et les autres. Plus tard, Jésus nous dira : Amour de Dieu et amour du prochain. Il précisera même que le prochain c’est celui dont je me fais proche. Saint Jean résumera ces deux commandements en un seul : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés”. Il précisera que la seule façon d’aimer Dieu c’est d’aimer les autres. Celui qui prétend aimer Dieu qu’il ne voit pas et n’aime pas son prochain qu’il voit est un menteur. Voilà ce programme qui nous est proposé pour ce temps du carême : Revenir vers Dieu, nous laisser guider par sa Parole et le suivre sur le chemin qu’il nous montre.
Dans la seconde lecture saint Paul nous invite à faire un pas de plus. La loi de Moïse c’est quelque chose d’important car elle ouvre à la vie. L’homme est appelé à s’y conformer. Cette loi nous montre le péché mais elle ne sauve pas. Le seul qui peut nous sauver c’est Dieu. Si nous voulons comprendre quelque chose à l’amour de Dieu c’est vers la croix du Christ qu’il nous faut regarder. A l’époque, c’était absolument impensable de prêcher un Messie crucifié. Les crucifiés de l’époque étaient soit des terroristes, soit des assassins. Or Jésus a accepté la mort la plus redoutée et la plus méprisée. Il voulait ainsi signifier que l’amour du Père pour l’humanité allait jusqu’au bout de l’infinie tendresse. C’est la folie de Dieu qui fait confiance à tout homme. Aimer comme Dieu aime ne se comprend qu’en regardant la croix. /// Dans l’évangile de saint Jean, nous voyons Jésus très en colère contre les vendeurs du temple. Pourtant ce commerce était bien commode pour les sacrifices. Mais Jésus s’en prend précisément à ceux qui confondent commerce et religion. A cause d’eux, la maison de Dieu est devenue “une maison de trafic”. Il ne supporte pas que les vendeurs de colombes pressurent les fidèles les plus pauvres ni que le culte rendu à Dieu devienne une source de profit illicite.
Il nous faut aller plus loin dans la compréhension de l’évangile. En purifiant le temple, Jésus veut nous apprendre à purifier notre prière. Au temps de Jésus, beaucoup venaient offrir le mouton pour que Dieu les fasse réussir dans leurs affaires. Or Dieu n’a que faire de la boucherie des autels. Il nous appelle à convertir notre prière. Se convertir c’est faire un demi-tour. Les bruits d’argent, tous les calculs que nous pouvons faire sont une insulte à la grandeur de Dieu.
Concernant la prière, il nous faut remettre les choses en place : On ne prie pas pour faire connaître nos besoins à Dieu mais parce qu’il les connaît. On ne prie pas pour être aimés de lui mais parce qu’il nous aime. On ne prie pas pour qu’il soit avec nous dans les bons et les mauvais jours mais parce qu’il est avec nous. Ce n’est pas l’homme qui agit sur Dieu. C’est Dieu qui voudrait bien agir dans le cœur de l’homme. C’est un peu comme lorsque nous ouvrons les volets d’une maison : ce n’est pas nous qui avons fait lever le soleil. C’est nous qui lui avons permis d’entrer dans la maison et de l’illuminer. Pour la prière c’est pareil : ce n’est pas nous qui rappelons à Dieu qu’il doit nous éclairer, mais c’est nous qui lui permettons de nous éclairer. Prier c’est ouvrir les portes et les fenêtres de notre cœur pour accueillir la lumière de Dieu. Cette prière n’est pas un trafic avec Dieu. Elle est accueil de son amour gratuit.
Le seul sacrifice agréable à Dieu c’est celui que le Christ fait de lui-même. De plus le temple dont les juifs sont si fiers n’est qu’un temple de pierre construit par un païen. Plus tard, il sera détruit. Jésus nous annonce que le seul vrai temple de Dieu c’est son corps. Il est la présence de Dieu parmi les hommes. Tout cela, les disciples ne l’ont compris qu’après la résurrection du Christ.
Autre message de ce jour : notre cœur est lui aussi un temple. Un temple dans lequel nous sommes invités à accueillir Dieu, et dans lequel il y a sans doute bien des choses encombrantes, des choses à jeter, d’autres qui nous polluent et menacent de nous étouffer. Ce n’est qu’en faisant le ménage en nous que nous pourrons y retrouver Dieu. C’est à ce prix que nous pourrons éviter l’étouffement de notre vie et notre relation avec Lui. Ayons le courage de faire ce ménage de Pâques pour accueillir dignement en nous le Christ ressuscité !