vendredi 7 novembre 2025 : journée de solitude pour la communauté
(eucharistie vers 6h45, juste après Laudes). 

Homélies

Liste des Homélies

Homélie du 26 novembre 2023 — 34e dim. ordinaire : Christ Roi — Frère Jean-Louis
Cycle : Année A
Info :

Année A - Christ, Roi de l’univers - (26/11/2023)

(Ez 34, 11-12.15-17 – Ps 22 – 1Co 15, 20-26.28 – Mt 25, 31-46)

Homélie du F. Jean Louis

Texte :

Frères et sœurs,

Ce dimanche, dernier dimanche de l’année liturgique, nous célébrons la solennité du Christ Roi de l’univers. Cette fête a une tonalité eschatologique, c’est-à-dire qu’elle nous annonce la fin des temps et l’ouverture des temps nouveaux du règne du Christ sur l’univers entier. Mais en quoi consiste la royauté du Christ ?

Les termes de roi, de royauté sont évidemment très connotés dans notre culture. De la royauté absolue de droit divin de l’ancien régime aux monarchies constitutionnelles d’aujourd’hui, il y a une marge qu’il n’est pas facile d’appréhender. Et nous risquons toujours de projeter sur Dieu une réalité politique dont nous n’avons plus l’expérience en ce 21e siècle débutant, mais dont les souvenirs sont, il faut le dire, mitigés.

Et pourtant, la Bible nous dit que le Seigneur est roi, les psaumes le redisent plusieurs fois. Le Christ lui-même, interrogé par Pilate, dira bien « je suis roi, mais ma royauté n’est pas de ce monde. » Quelle est donc cette royauté ? Les lectures de ce dimanche nous donnent des ouvertures qu’il me semble important d’examiner.

Le prophète Ezékiel, à l’époque de l’exil à Babylone, au sixième siècle avant le Christ, nous présente le Seigneur prenant en compte la situation de son peuple déporté. Il n’a plus de roi, ceux-ci ont d’ailleurs failli dans leur rôle. C’est désormais Dieu qui veillera sur son peuple. Mais il ne le fera pas comme les rois humains. Il veillera comme un berger s’occupe de son troupeau. Il ira délivrer ses brebis dispersées, rechercher la brebis perdue, ramener l’égarée, rendre des forces à la brebis malade. C’est cela qu’auraient dû faire les rois d’Israël s’ils avaient écouté leur Dieu. Le Seigneur délivrera finalement son peuple de l’exil, le ramènera sur sa terre et le fera paître selon le droit, ce que n’avaient pas fait la plupart des rois que le peuple s’était choisis. Le roi selon Dieu n’est pas selon nos représentations humaines. Toutefois, Ezékiel annonce que Dieu, comme roi, sera aussi un juge…

Le psaume 22 qui a été chanté nous redit combien le Seigneur est un berger. Or, nous le savons bien, le Christ, Fils du Père qui s’est fait chair, s’attribuera le titre de berger des brebis. Et le psaume termine dans la confiance proclamée en un Dieu qui procurera le bonheur pour les jours de la vie. Le roi berger de son peuple qu’est Dieu est bien celui qui veut le bonheur de son peuple.

Le passage de la première épître aux Corinthiens choisi pour cette célébration nous présente une grande fresque de la fin des temps avec la résurrection des morts qui recevront la vie dans le Christ. Et ce dernier remettra son pouvoir royal au Père, après avoir anéanti la mort. Et Dieu sera tout en tous.

Quant à l’évangile, il nous présente lui-aussi d’une autre façon la fin des temps, l’eschatologie, sous la forme du Jugement dernier qui a tellement marqué notre culture, notamment dans l’art. Remarquons que ce jugement ne porte pas sur les pratiques religieuses mais bien sur l’attention aux plus pauvres, assimilant ces derniers au Christ. « Tout ce que vous aurez fait, ou n’aurez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’aurez fait ou pas fait. »

Remarquons aussi que la même réaction des bénis et des maudits les sauve ou les condamne. En effet, les deux n’ont pas reconnu le Christ dans les plus pauvres. Mais les bénis sont venus en aide aux pauvres, non pas parce qu’ils y ont vu le Christ, non pas pour obtenir des mérites, mais par pure bonté gratuite. Par contre les maudits, eux, n’ont pas reconnu avoir manqué aux devoirs élémentaires de nourrir les affamés, accueillir l’étranger, visiter le malade, etc… et c’est cela, à mon avis, qui les condamne. Si leurs yeux s’étaient ouverts, s’ils avaient reconnu leur erreur, alors, tout aurait pu être possible. Nous trouvons en effet dans la première épître de saint Jean : « Si nous reconnaissons nos péchés, Dieu qui est fidèle et juste va jusqu’à pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice. Voilà la justice de Dieu. Une certaine spiritualité a insisté sur ce côté implacable du jugement de Dieu, espérant sans doute faire peur et amener le pécheur à se convertir, mais est-ce que cela n’a pas eu comme conséquence, outre d’écarter nombre de chrétiens de la foi, d’avoir fait oublier la responsabilité que nous avons dans ce jugement ? Refuser de reconnaître leur manque d’amour, n’est-ce pas cela qui a condamné les boucs ? N’est-ce pas cela l’enfer ?

Frères et sœurs, que nous disent ces textes sur la royauté de Dieu ? Eh bien que, comme le Christ le dira à Pilate, vraiment, la royauté de Dieu n’est pas de ce monde. Quand Dieu se montre comme roi, il se montre comme un berger particulièrement attentif aux plus fragiles, aux plus pauvres. Et lorsque le Christ se dit roi, c’est dépouillé devant Pilate, mais à la veille de sauver http://www.apqv.fr/admin/images/retour.gifl’humanité par une mort acceptée sans violence et sans révolte. C’est sa faiblesse, ou plutôt ce que nous considérons comme de la faiblesse, qui, finalement, anéantit la puissance apparente de la mort. Dieu, ne cesse de prendre à contrepied nos représentations toute faites. Nous imaginons la toute-puissance de Dieu de façon destructrice, à notre image peut-être, et Dieu vient se révéler en un homme soumis aux aléas de l’histoire, des calculs politiques et des raideurs religieuses.

Si nous avons tendance à voir dans la Solennité du Christ roi de l’univers, une manifestation de puissance, n’oublions pas que la puissance de Dieu, qui est réelle, ne se manifeste pas comme la puissance humaine, finalement d’autant plus fragile qu’elle veut se montrer forte. Car la faiblesse de Dieu, c’est elle qui vainc la souffrance et la mort.

Si nous avons tendance à voir Dieu comme un juge impitoyable qui condamne sans pitié, n’oublions pas qu’Isaïe le prophète disait déjà en son temps que la justice de Dieu est une justice qui rend juste, qui justifie, et saint Paul reprendra cela. Encore faut-il se laisser justifier… reconnaître que nous avons radicalement besoin d’être justifiés, rendus justes par le jugement de ce roi miséricordieux qu’est Dieu.

La Solennité du Christ roi de l’univers, par la méditation des textes que la liturgie nous offre, nous invite à grandir dans la connaissance du vrai Dieu et pas de l’image que nous nous faisons de lui. A la fin de cette année liturgique et au seuil de la nouvelle année liturgique qui débutera dimanche prochain, laissons-nous être bousculés pour grandir dans la connaissance d’un Dieu qui, décidément, nous surprend toujours.

AMEN

Homélie du 12 novembre 2023 — 32e dim. ordinaire — Frère Cyprien
Cycle : Année A
Info :

année A - 32e dim TO - 12 novembre 2023

Sag 6/12-16, 1 The 4/13-19, Mt 25/1-13.

Homélie du F. Cyprien

Texte :

„La Sagesse se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle devance leur désir.“

„Assise à sa porte… Chaque fois qu’ils pensent à elle, elle vient à leur rencontre.“

Que vient faire cette parabole des jeunes filles invitées à la noce dont la moitié est un peu „fofolle“,… insensées, dit le texte de l’Evangile; le contraire de la Sagesse de la première lecture…

Si l’on y regarde de près dans nos vies, il y a bien des occasions de chercher la Sagesse, de ne pas se tromper pour agir, d’être prévoyants, terme employé pour celles qui ont pris une provision d’huile pour aller à la rencontre de l’époux.

Il y a un lien entre la sagesse, la Sagesse qui vient d’En-Haut, celle qu’il vaut la peine de chercher tout au long de sa vie, un lien certain entre la Sagesse et la veille, la vigilance…

Récemment j’ai rencontré dans un TGV un homme dont le métier est d’être steward dans une Compagnie aérienne. Il m‘a expliqué que quand il était d’astreinte, il devait rejoindre Roissy pour être à la disposition de la Compagnie, si d’aventure il y avait quelque personne à remplacer au dernier moment : cela signifie pour lui qu’il peut partir au bout du monde pour quelques jours sans avoir prévu où il irait… Attendre sans savoir s’il va aller à New-York ou Honolulu…! En tous les cas attendre pendant les heures de service pour être prêt…

Bien plus que les jeunes filles, prévoyantes ou non, disons que dans notre recherche de Dieu, nous ne pouvons que l’attendre …et l’attendre encore.

Image de notre vie : si elle n’est pas animée par la recherche de Dieu, la recherche de l’essentiel pour lui donner sens, nous allons à la déception la plus grande…

Mais n’oublions pas celles que l’Evangile appellent les „vierges folles“: Elles sont insensées de s’éloigner de celui qu’elles attendent sous prétexte qu’elles n’ont pas de quoi l’éclairer. L‘époux en fermant la porte aurait pu leur dire :

J’avais besoin de votre présence, de votre accueil et vous êtes parties ! Comment avez-vous pu penser que j’avais besoin de votre huile, que j’avais besoin de vos œuvres?

Autant que les jeunes filles prévoyantes, les « insensées », les « fofolles » ont quelque chose à nous dire : Jésus vante la sagesse des femmes prévoyantes …celles-ci prévoient qu’en partageant, sous couvert de générosité, elles plongeraient l’époux avec elles dans la nuit.

Les autres sont insensées, ces cinq jeunes filles, qui attendent l’époux toute une partie de la nuit et qui, lorsqu’on annonce son arrivée, elles s’en vont. Elles s’en vont, alors qu’elles attendaient avec les autres ce moment capital de la rencontre, du cortège, de l’époux…

J’aime cette parabole de Jésus qui nous demande de veiller en racontant l’histoire de jeunes filles qui dorment – disons plutôt : elles s’assoupissent en attendant le cortège du marié.

Est-ce que veiller voudrait dire seulement ne pas dormir ? Il s’agit d’être prêt pour celui que nous attendons…. Ne pas dormir ? s’assoupir ? en tout cas être prêt… Quand tout est prêt, il n’y a plus qu’à attendre, le cœur paisible…

Dieu nous veut « préparés » … une vigilance intelligente, active. Cette vigilance est de grandir dans la charité :

= charité, cet amour que Dieu demande,

= charité qui consiste à se rapprocher de Lui, à entrer déjà dans son intimité, …puisqu’au soir de la vie nous serons jugés sur l’amour.

***

Homélie du 05 novembre 2023 — 31e dim. ordinaire — Frère Hubert
Cycle : Année A
Info :

Année A - 31e dimanche du T. O. – 5 nov. 2023

Mal. 1.14-2.10 ; 1 Thes 2 7-13 ; Mt 23 1-12

Homélie du F. Hubert

Texte :

« Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »

Cette sentence, que nous entendions déjà hier dans un autre contexte, à la fin d’une parabole chez st Luc, est-elle seulement de sagesse ou de bienséance, fruit du constat du cours des choses,

comme le serait la conclusion d’une fable de La Fontaine ?

Non.

C’est le Christ qui nous parle ainsi, dans son Evangile, exprimant son mystère et notre mystère.

« Le plus grand parmi vous sera votre serviteur ».

Voilà la lumière vive qui éclaire notre sentence.

Qui est le plus grand parmi nous, sinon le Fils de Dieu ?

Qui s’est fait et demeure notre serviteur, sinon le Fils de l’homme, le Dieu fait chair ?

Nous ne pouvons entendre cette sentence, sans la relier à l’hymne de la lettre aux Philippiens :

Le Christ, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.

Il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.

C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom.

Dimanche dernier, Jésus nous disait le double commandement de l’amour :

aimer Dieu, et aimer son prochain comme soi-même.

Aimer Dieu, aimer son prochain, mais aussi s’aimer soi-même.

Comment Jésus s’est-il aimé lui-même ?

Il s’est aimé comme Fils, toujours tourné vers le Père,

et, comme lui, avec lui, ayant le « grand désir de partager sa joie de Dieu ».

Il s’est aimé comme notre Frère, voulant nous faire partager sa condition de Fils et sa joie de Dieu.

Pour cela, il a partagé notre condition humaine, non seulement de créatures,

mais de créatures blessées à mort par le péché.

Image du Père, il s’est révélé comme le Dieu Très-bas, le Dieu Très humble,

jamais préoccupé de lui-même.

Jamais Jésus ne pose le moindre acte qui soit tourné vers lui, à son avantage.

C’est même son premier combat avec Satan, à l’ouverture de sa vie publique :

ni pain, ni protection, ni possession de richesses à son profit,

et surtout pas aux dépens de sa relation à son Père et aux hommes.

Sa seule richesse, c’est d’être le Fils, et de tout recevoir de son Père.

Vis-à-vis des hommes, il n’exerce son autorité

que pour guérir, mettre debout, pardonner, libérer du mal et du malheur

et engendrer une multitude de frères.

Tout ce qui est superficiel, autoréférentiel, repli sur soi-même, est à l’opposé de sa manière de vivre,

et donc de celle de Dieu lui-même.

A la suite de saint Paul, le pape François, nous invite à avoir un style de vie à l’imitation de celui du Christ.

Son souci de tous les souffrants, de tous les rejetés et laissés-pour-compte,

s’enracine dans sa contemplation de la vie du Christ.

Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus,

écrit saint Paul en introduction à l’hymne que je viens de citer.

François a décidé au dernier moment, lors de sa venue à Marseille, d’aller prendre son petit-déjeuner,

non chez le cardinal Aveline où il logeait,

mais dans la maison où les sœurs de Mère Térésa accueillent les pauvres de la rue :

il a pris son petit-déjeuner avec ces pauvres.

Ce n’est pas pour faire joli, c’est son tourment intérieur :

rejoindre les pauvres, les exclus, ceux qui souffrent.

Chercher leur communion et leur dire la sienne.

À l’image du Christ, à l’image de Dieu qui vient à nous.

La place des serviteurs, la place des disciples du Christ, n’est pas de recevoir des honneurs,

mais d’être proches des autres.

Comme il est bon qu’en quelques décennies, le pape soit descendu de son piédestal !

Puisse cela être vrai de nous tous ! Nos petits piédestaux, entretenus ou désirés !...

Chercher les premières places et les honneurs ? Celui qui est « le Seigneur » est mort nu sur une croix.

Ils disent et ne font pas ? : le Christ n’a été que oui.

Ils attachent de pesants fardeaux ? : le Christ libère.

Ils ne veulent pas les remuer du doigt ? : le Christ a porté la croix, les péchés du monde ;

son obéissance à la loi suprême de l’amour l’a conduit à se dessaisir de sa vie.

Être remarqués des gens ? : il a été reconnu comme un homme, un homme parmi tous les hommes.

Notre évangile nous plonge dans le mystère du Dieu qui se donne,

qui n’est que dessaisissement de lui-même,

et nous appelle à être et à vivre comme lui.

Si nous voulons être chrétiens, ne nous lassons pas de regarder le Christ, d’écouter sa Parole,

et de l’imiter en nous laissons conduire par l’Esprit.

À la fin du synode, le pape, a exhorté les fidèles à « rêver », d’une Église

« au service de tous, au service des derniers », « une Église qui accueille, sert, aime et adore » ;

« une Église aux portes ouvertes, un port de miséricorde »,

« une Église qui lave les pieds de l’humanité blessée »,

rejetant « les idolâtries mondaines », comme le « carriérisme » et « l’avidité ».

Cela nous concerne tous.

Le Christ s’est aimé lui-même comme Fils et comme Frère :

comment nous aimons-nous nous-mêmes ?

Est-ce en cherchant les honneurs, les premières places, les avantages personnels,

ou en mettant nos pas dans ceux du Christ, l’Homme nouveau, dépossédé de lui-même,

rempli de l’Esprit de vie et de sainteté, le Très-Humble qui donne sa vie ?

Nous allons le recevoir dans l’Eucharistie pour devenir ce que nous allons recevoir.

« Le plus grand parmi vous sera votre serviteur ».

Homélie du 02 novembre 2023 — Défunts — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

COMMEMORATION DES FIDELES DEFUNTS 2023

Rm 14, 7-9. 10b-12 ; Jn 6, 37-40

Homélie du Père Abbé Luc

Texte :

Entre nous et nos défunts, il y a un grand mystère… Un grand silence. Que vivent-ils aujourd’hui ? Comment vivent-ils ? Notre foi et notre espérance n’ont que les textes de l’Ecriture pour approcher le mystère. Ceux-ci ne nous donnent pas une vision claire de ce qui se passe exactement. Ils offrent plutôt à la manière impressionniste une palette d’approches variées qui sont autant de convictions que la mort n’est pas le dernier mot de l’existence humaine depuis la résurrection du Christ. La résurrection du Christ, voilà l’évènement central ou l’évènement pivot autour duquel s’est forgé notre foi chrétienne.

Que nous disent les deux textes entendus ce matin ? Paul nous affirme que par sa résurrection, le Christ devient le Seigneur des morts et des vivants. « Le Seigneur », le mot est à prendre dans son sens biblique fort : le Christ ressuscité participe à la dignité divine de Dieu, en tout son être désormais, âme et corps. Il est l’égal de Dieu en puissance et en honneur. Ce faisant en son humanité transformée, pleine des énergies divines, sa seigneurie, sa puissance de vie déborde et englobe tous les êtres humains, les vivants comme les morts. Dès lors, affirme Paul, nous appartenons au Seigneur, aussi bien dans notre mort que dans notre vie. Le Christ ressuscité nous prend dans sa vie, dans son énergie, nous les vivants et tous nos frères défunts. Ce faisant, nous dit Jean, il accomplit la volonté de son Père qui désire que tous aient la vie éternelle, pour qu’aucun ne soit perdu au dernier jour.

Si tel le don opéré par la résurrection du Christ, on pourrait se demander : « Et qu’en est-il de la liberté de l’homme ? » Paul la suggère en évoquant l’image du tribunal de Dieu « que chacun rendra compte à Dieu pour lui-même ». Nous ne sommes pas sauvés malgré nous. De son côté, Jean souligne que notre reconnaissance du Fils du Père, et notre foi en Lui, nous donne accès à la vie éternelle. Notre foi au Christ ouvre l’espace de la relation avec Lui et avec son Père. Le Christ devient notre Seigneur et son Père, notre Père. Notre liberté se joue dans ce consentement à la relation offerte que notre Dieu désire nouer avec nous, dès maintenant et pour l’éternité. Il nous suffit de dire oui, d’écouter sa parole et de la laisser faire son œuvre de salut en nous. Mais nous le savons, dans ce « il suffit », se joue beaucoup de choses. Des moments heureux de plénitude de découverte du mystère de notre Dieu et de son projet sur nous. Mais parfois aussi des moments de résistance de notre part, voire des moments de refus à entrer dans l’élan de vie qu’il nous propose et qui peut nous bousculer.

C’est la conscience de notre propre lourdeur et lenteur à entrer sur le chemin de la vie qui nous fait prier en Eglise pour tous nous défunts. Afin qu’ils soient libérés de toute peur ou toute résistance pour entrer pleinement dans la Vie de Dieu.

Homélie du 01 novembre 2023 — Toussaint — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

TOUSSAINT 2023

Ap 7, 2-4. 9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

Homélie du Père Abbé

Texte :

Frères et sœurs,

Heureux…Bonheur… Nous aimons entendre ces mots. Des mots magiques qui viennent toucher en chacun de nous une fibre profonde et vitale tant le désir de vivre est inséparable du désir d’être heureux. Mais ce désir peut parfois devenir comme une quête insatiable et aveugle tellement personnelle qu’elle oublie les autres. Le risque est alors que notre recherche de bonheur se fasse au détriment des autres. Mon bonheur peut-il être véritable alors que beaucoup d’autres n’y ont pas accès ? Ces questions envisagées sur le plan personnel redoublent d’intensité lorsqu’on les projette sur le plan collectif. Le modèle de bonheur très matérialiste promu par nos sociétés occidentales est-il un bonheur vrai ? Est-il un bonheur juste dès lors qu’il s’est construit dans l’histoire récente au détriment de pays lointains dont on a en bonne part exploité les ressources à notre profit ? La crise écologique actuelle révèle l’impasse de nos systèmes de production qui se sont faits au détriment de notre terre commune, comme à celui de nombreux peuples qui en souffrent les premiers. Nous avons atteint un certain standing de vie dans lequel on a pensé trouver le bonheur. Mais s’il n’est pas partagé par tous, peut-il nous satisfaire ?

L’évangile des béatitudes que nous venons d’entendre veut nous garder en alerte, quelque part dans une insatisfaction permanente. Il s’offre à nous comme un antidote de nos illusions de bonheur. Là où l’on pense que pour être heureux, il faut accumuler ou simplement se rassurer par des réserves, Jésus nous présente la pauvreté, la pauvreté de cœur, l’humilité, comme une clé assurée pour nous ouvrir les portes du Royaume, de la vie pleine et éternelle. Là où on voudrait pour être heureux asseoir notre puissance en faisant taire éventuellement toutes oppositions ou contradictions, Jésus nous dit « heureux les doux, heureux les miséricordieux, heureux les artisans de paix »…Le bonheur qui a un avenir n’est pas dans la toute-puissance. Il est là où se creuse en nous une ouverture à l’autre, à l’étrange, au différent, au pas comme nous… Ce bonheur a les promesses de la vie éternelle car n’est-il pas celui de notre Père des Cieux qui fait une place à chacun ? Là où on voudrait être heureux à bon marché, sans trop se préoccuper de ce qui se passe à côté de nous, Jésus nous dit : « heureux les affamés et assoiffés de justice, heureux les persécutés pour la justice ». Ceux-là sont des êtres insatiables tant que le bien n’a pas triomphé sur l’injustice. Ils portent en creux un vrai bonheur, celui qui fait sa place à tous et qui ne supportent pas que quelques-uns en soient excluent.

Frères et sœurs, à nous sont adressées de nouveau ces paroles de feu qui voudraient réveiller le goût de ce bonheur qui fait sa place à chacun. C’est le bonheur révélé par Jésus, le Fils qui connait le désir de son Père d’ouvrir largement à tous ses enfants les portes de la vie qui ne finit pas. Ce bonheur reste comme balbutiant en ce monde. On l’entrevoit, puis il nous échappe. Mais à nous chrétiens, il nous revient de le chercher sans cesse, en ne nous satisfaisant jamais du bonheur que nous pouvons apparemment goûter, alors que tant d’autres personnes en sont exclues.

Récemment, je parlais avec une personne d’une 50ne d’année, handicapée comme sa sœur depuis l’enfance. Ne pouvant pratiquement pas se déplacer, toutes deux gardent toujours la maison, un petit logement où il faut calculer strictement toutes les dépenses pour faire face à la vie courante. Elle me disait : « La vie est difficile. Depuis l’enfance, nous sommes habituées, mais nous sommes de plus en plus fatiguées. Il n’y a pas de répit ». Ayant la foi, elle ajoutait : « Nous prions beaucoup en offrant nos souffrances. Ce qui nous fait tenir, c’est la phrase de la Vierge à Ste Bernadette : « Je ne vous promets pas d’être heureuse en ce monde mais dans l’autre » … Comment ne pas entendre dans leur foi, comme en écho, la parole de Jésus qui sonne comme une promesse : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés »… . Ces femmes ont trouvé dans leur foi, le ressort pour garder la tête hors de l’eau. Leur espérance du bonheur à venir les gardent vivantes, non centrées sur elle-même. Sans espoir de guérison pour elles-mêmes, à travers la prière, elles font de leur vie, apparemment inutile pour notre société, une vie tournée vers le Seigneur et vers les autres. Elles sont les saintes de la porte d’à côté, les saints d’aujourd’hui dont parle le pape François…

Sur le chemin du bonheur, sur la route de la sainteté, avec tous les saints du ciel, en cette eucharistie, rendons grâce à Dieu. Dans le Christ, l’Agneau immolé et ressuscité pour nous, il nous partage, et sa vie et sa sainteté. Ouvrons-lui nos cœurs.

Homélie du 29 octobre 2023 — 30e dim. ordinaire — Frère Charles Andreu
Cycle : Année A
Info :

année A ; 30e dimanche du Temps 0rdinaire, 29 octobre 2023

— Ex 22, 20-26 ; 1 Th 1, 5c-10 ; Mt 22, 34-40

Homélie du F. Charles Andreu

Texte :

L’amour de Dieu ; l’amour du prochain. Les chrétiens aiment reconnaître dans ce double commandement de la Loi d’Israël le cœur vivant de leur foi.

Mais savons-nous ce que veut dire « aimer » ? Osons interroger notre expérience, et non pas une vision idéalisée de l’amour. On parle d’amour pour tant de choses : amour de Dieu, amour d’un père et d’une mère, d’un frère et d’une sœur, amour des époux, des amis, du prochain, de l’inconnu que je ne reverrai jamais, amour des ennemis. Chacun de ces amours peut être source de vie ; chacun peut aussi être mauvais, et faire du mal. Car bien souvent, avant d’être un choix de vie, l’amour surgit en nous comme la résultante d’un mélange confus de conditionnements, engendrant en retour bien des débats intérieurs où se mêlent la joie et la peine, le réconfort et la peur. Nous n’aurons pas trop d’une vie pour démêler ce qui se joue en nous quand nous aimons, et surtout pour apprendre à aimer vraiment. Aimer est une quête.

Ce matin, à l’écoute de l’évangile et de notre expérience commune, je vous propose de méditer sur trois dimensions de ce que nous appelons « amour » : l’affect, le désir et le don.

L’affect, dans l’amour, c’est la capacité à être touché par l’autre. Dans l’évangile, nous voyons souvent Jésus bouleversé : bouleversé par la veuve de Naïm, bouleversé par les foules sans bergers. Et il en va bien de l’amour : « Voyez comme il l’aimait » disent ses proches en le voyant pleurer son ami Lazare. Comment aimer, si l’autre ne me touche pas, ne me rejoint pas, d’une manière ou d’une autre ? Il me touchera parfois par sa peine qui me bouleverse, parfois par ses dons qui me réconfortent. Sous toutes ses formes, l’affect est bon s’il délivre de l’indifférence, de l’enfermement sur soi : ouvrant en moi une place pour l’autre, il ouvre le chemin de l’amour. La capacité d’être affecté par l’autre se cultive, et c’est un des rôles de la Loi et des prophètes de l’éveiller. La première lecture ne disait pas seulement ce qu’il faut faire pour le pauvre, elle aide à se mettre à sa place : sans son manteau, il aura froid ; et toi, tu aimes avoir froid ? Ça peut paraître idiot, mais c’est la base de tout, qu’on oublie facilement.

Le désir, dans l’amour, c’est ce qui en nous recherche la rencontre avec l’autre. Dans l’évangile, Jésus ose exprimer son désir : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous » ; « Père, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi ». Jésus ne nous sauve pas comme on répare une machine. D’une machine, on n’attend qu’elle fasse son travail, et nous laisse tranquille ; Jésus, lui, désire entrer en communion avec nous. De même, quand nous aimons, le désir prend une place très importante, quoique sous des formes très différentes d’une relation à l’autre. Parfois il sera simple et paisible ; parfois nous serons troublés par sa force, par ce qu’il éveille en nous, et peut-être nous entraîne là où nous ne voudrions pas aller. Ce n’est pas un choix, et donc pas un péché : c’est « comme ça ». L’enjeu est d’apprendre à travailler ces désirs, à les accorder à nos engagements et à notre désir profond, à transformer nos pulsions égoïstes en impulsion pour plus de bienveillance, de respect, de service. Le désir, travaillé et non pas nié, peut devenir une force pour mieux aimer.

Le don, dans l’amour, c’est la capacité à se mettre au service, plus encore, à donner la vie : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », nous dit Jésus. Le don, ce n’est pas seulement le service angoissé de Marthe, c’est aussi le temps offert, la présence attentive de Marie. Le don, par ailleurs, doit accepter la réciprocité, sinon je risque de réduire l’autre à être le déversoir de ma générosité, ou l’occasion de ma bonne conscience, ce qui est très violent. Or c’est l’amour encore qui me fera reconnaître qu’il est un don, qu’il me fait vivre, à sa mesure. Cette reconnaissance est le plus beau don que je puisse lui faire.

L’affect, le désir, le don : ces trois variables qui composent tout amour doivent sans cesse s’ajuster et s’enrichir mutuellement, comme doivent s’ajuster et s’enrichir mutuellement toutes les formes d’amour qui traversent nos vies. La diversité de ces amours est une richesse ; et ils seront ensemble, véritablement, un même amour, si ensemble ils donnent vie, s’ils ne refusent à personne cette part de vie que le Seigneur nous appelle à lui donner.

Homélie du 22 octobre 2023 — 29e dim. ordinaire — Frère Guillaume
Cycle : Année A
Info :

Année A - 29ème dimanche du Temps Ordinaire -22 octobre 2023

(Isaïe 45.1-6 ; 1Thess. 1-5 ; Matthieu 22.15-21)

Homélie du F. Guillaume

Texte :

Frères et sœurs,- S’il y a des paroles d’évangile célèbres entre toutes qui ont traversé les siècles jusqu’à nous, ce sont bien celles que Jésus a prononcées un jour devant ses contemporains pharisiens : « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Jésus voulait-il par là donner une leçon de politique, à propos d’une question sur l’impôt ? Un peu comme un slogan lancé à la manière de nos hommes politiques en campagne pour attirer les suffrages de leurs électeurs avec des formules bien frappées ?

S’agit-il de cela avec notre évangile ? Revenons alors au texte et à son début : « en ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler ». Voilà bien l’objectif des pharisiens : faire tomber Jésus dans un piège. En fait, la question du paiement de l’impôt à l’empereur n’en était pas une. Les juifs de l’époque vivaient sous une occupation romaine et nul ne pouvait échapper à l’imposition, les pharisiens pas plus que les autres, d’où leur hypocrisie dénoncée par Jésus. Dans un autre passage d’évangile, Jésus ordonne à Pierre d’aller pécher un poisson pour y trouver 2 drachmes afin de s’acquitter pour lui et pour Pierre de ce devoir d’impôt. Non, les pharisiens ne cherchent pas une réponse à une question résolue, mais ils cherchent à poser une question-piège, et de ce piège-là, Jésus en toute logique, ne devrait pas sortir. De deux choses l’une : ou bien il incite ses compatriotes à refuser l’impôt et alors il sera facile de le dénoncer aux autorités romaines comme un résistant, ou un révolutionnaire (comme se présentaient les zélotes et l’on savait que Jésus en avait choisi un parmi ses 12 disciples), et il sera condamné. Ou bien il conseille de payer l’impôt et alors on pourra le discréditer aux yeux du peuple comme « collabo ». Déjà on le voit manger à la table des publicains (et Matthieu parmi les 12 en est un aussi). Mais pire encore, il perd aussi toute crédibilité et toute chance d’être reconnu en tant que Messie, comme il le prétend. Car le Messie attendu doit être un roi indépendant et souverain sur le trône de Jérusalem. Cette prétention à se présenter comme Messie, qu’il ne réalise pas, méritera la mort. Le piège est bien verrouillé. De toutes les façons, Jésus est perdu. C’est l’objectif visé par les pharisiens. La Passion et les procès de Jésus devant Pilate et le Sanhédrin se profilent à l’horizon. Ne nous y trompons pas : nous sommes au chapitre 22 de l’évangile de St Matthieu.

Dans un commentaire et une interprétation de cette page, Saint Augustin,dont nous avons lu un sermon, à l’office des vigiles cette nuit, cherche une sortie à ce piège, par une interprétation et une voie plus spirituelle et non pas politique ou fiscale. Il attire l’attention sur l’effigie de l’empereur, image gravée sur la pièce du denier. Comme César cherche son image sur une pièce de monnaie, Dieu cherche son image dans notre cœur, car il a créé l’homme à son image et à sa ressemblance. La pointe du texte serait alors de rendre grâce à ce Dieu qui nous a frappé à son image, de rendre grâce au Christ, image éternelle de son Père, Jésus qui a aimé ce Père et qui, le premier, s’est livré pour lui, pour nous les hommes et notre salut.

Il y a là un vrai renversement et une leçon de discernement pour les choix que nous avons à faire, comme croyants : César ou Jésus, l’argent ou Dieu, les idoles mondaines de toute nature ou bien les icônes qui rayonnent la Gloire divine. On ne peut aimer et servir l’un ou les unes sans haïr les autres. Jésus l’a nettement affirmé à ses disciples peu avant dans l’évangile au chapitre 16.

Il nous reste ainsi à appliquer cette sentence : « rendez à César ce qui à César, j’aimerais préciser ne rendez à César que ce qui est à César, et rendez à Dieu ce qui est à Dieu ». Parfois le choix est clair, mais plus souvent il est obscurci, encombré et plus subtil. Aucun chrétien ne peut éviter cet effort de discernement en toute liberté. Prions l’Esprit Saint, surtout en ces temps de Synode pour l’Eglise pour qu’il répande sa Lumière et sa Vérité, dans le cœur de tous les baptisés. Et réécoutons les paroles de Saint Paul aux Thessaloniciens : « frères, que l’annonce de l’Evangile ne soit pas simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint et pleine certitude ».

AMEN

Homélie du 18 octobre 2023 — Saint Luc – Fête du père abbé — Père Abbé Luc
Cycle : Année A
Info :

SAINT LUC ; 18.10.2023

2 Tm 4, 9-17a ; Ps 144 ; Lc 10, 1-9

Homélie du Père Abbé

Texte :

En cette semaine missionnaire, où nous reprenons conscience de cette dimension de notre vie baptismale, l’évangile que nous venons d’entendre nous offre des repères précieux, que nous soyons en plein vent dans le monde ou retirés dans la forêt du Morvan.

Les 72 disciples sont envoyés par Jésus, en avant de lui, dans les localités où lui-même se rendrait. En quelque sorte, ils sont des éclaireurs, des émissaires qui doivent préparer sa venue. N’en-est-il pas de même pour nous ? Par notre baptême, nous sommes envoyés par Jésus, pour permettre à tous ceux que nous rencontrons de pouvoir le reconnaitre et l’accueillir un jour, même si ce jour est le dernier. Notre témoignage voudrait être comme autant des déblaiement du chemin qui permettent un jour une possible rencontre, la rencontre avec Celui qui nous fait vivre. Le plus important ce n’est pas nous, notre organisation, mais c’est lui et la rencontre avec lui.

L’invitation de Jésus à prier pour que le Maitre de la moisson envoie des ouvriers pour sa moisson, redit aux disciples d’hier et d’aujourd’hui qu’ils n’ont pas en eu l’initiative de l’envoi. Le disciple de Jésus est toujours appelé, gratifié du don de l’Esprit pour partir annoncer l’Evangile. Cette Nouvelle est trop grande pour que nous ayons l’initiative de l’annonce. Nous sommes comme poussés, tirés par un Autre. Le Père envoie et donne son Esprit à ceux qu’il envoie. Oui, prenons conscience de ce don qui nous est fait d’être ainsi appelés à témoigner. Et prions notre Père de faire ce don à d’autres.

Comme des agneaux au milieu des loups, sans bourse, ni sac… Tel est le kit du missionnaire. En guise d’outils, d’instruments d’évangélisation, il n’a que ses mains vides, sa parole, et même une grande vulnérabilité assumée face aux loups potentiels…Etonnante absence de moyens qui vient interpeller toutes nos préparations ou nos recherches de stratégie missionnaire. Jésus invite ses disciples à ne pas compter sur les moyens en leur pouvoir, mais uniquement sur le Père qui envoie et qui donnera ce dont ils ont besoin…On peut entendre en écho une autre parole : lorsqu’on vous traduira devant un tribunal, ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire, cela vous sera donné par l’Esprit Saint… On peut entendre en filigrane : le Royaume a davantage besoin de gens aux mains vides que de gens remplis de moyens et d’assurances. Car peut-être est-ce l’unique manière de lui permettre de vraiment « s’approcher » des gens. Se manifeste alors peut-être mieux le visage de notre Dieu qui depuis toujours s’approche de notre humanité de manière si inattendue et souvent cachée…

Dites d’abord : « paix à cette maison ». Premier mot, comme un mot clé pour ouvrir les portes du cœur : « paix ». Ce mot banal, shalom, salam, binh an, amahoro, frieden, peace, paz, est bien plus qu’un mot sorti des lèvres. Pour qu’il ouvre vraiment les cœurs, il faut qu’il émane de toute la personne, que toute la personne soit en quelque sorte désarmée, sans recherche d’elle-même, sans intérêt à défendre sinon celui de l’évangile. En ces temps troublés par des conflits et par des violences physiques sur tant d’innocents, nous mesurons la paix est un vrai travail qui commence sur soi-même. Chacun est invité, s’il veut annoncer en vérité la paix, doit aller chercher au fond de lui pour les offrir au travail de la grâce, tous les germes de violence prêts à renaitre. Poursuis la paix, recherche là invite St Benoit dans sa règle. Notre vie monastique commune nous montre combien le combat peut-être rude, en nous-mêmes d’abord et entre nous. C’est le prix à payer pour être vraiment des serviteurs et des témoins de la paix, celle que le Père veut répandre comme parfum de bonne odeur qui anticipe et prévient le Royaume qui s’approche. Soyons des chercheurs inlassables de cette paix, une guérison s’opèrera en nous et autour de nous. Nous deviendrons peu à peu d’authentique serviteur du Royaume.

En faisant mémoire de la mort et de la résurrection du Christ, nous annonçons déjà le Royaume qui vient. Dans la présence du Christ Ressuscité, qui nous laisse sa Paix qui nous donne sa Paix, puisons notre force, notre énergie avec reconnaissance.

Homélie du 15 octobre 2023 — 28e dim. ordinaire — Frère Alain
Cycle : Année A
Info :

Année A - 28° dimanche du Temps Ordinaire - 15 octobre 2023

Is 25 6-9 ; Philip 4 12-20 ; Mt 22 1-14 ;

Homélie du F. Alain

Texte :

« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célé¬bra les noces de son fils ». Il s’agit donc du Royaume de Dieu, de Dieu, des noces de son Fils avec l’humanité. Histoire de noces, histoire d’amour.

Après l’entrée triomphale à Jérusalem, la mort du Christ est inévitable. La parabole souligne d’abord la patience de Dieu, à l’égard d’une partie du peuple de la première alliance qui n’a pas reconnu son Messie.

Selon la coutume, les premiers invités ont déjà reçu une invitation écrite. L’heure venue, un serviteur vient les chercher, et se heurte à un refus sans préavis. Contrairement à l’usage, le roi insiste. Nouveau refus, chacun préférant aller à ses affaires. Pire, les serviteurs sont maltraités et tués.

Le roi se met alors en colère et fait périr les meurtriers, comme dans la parabole des vignerons homicides. Hélas, la ruine de Jérusalem se profile à l’horizon.

Les premiers invités se sont dérobés. Ils se sont exclus eux-mêmes du festin. On fera sans eux. Désormais, tous sont invités, les bons et les méchants. Car l’Eglise des nations n’est pas une Eglise de purs. Sinon il n’y aurait pas de place pour nous.

Survient le roi dans la salle pleine de convives. Il voit un homme qui ne porte pas l’habit de noce. Les autres ont pu faire le nécessaire, il pouvait en faire autant. Interrogé, il reste muet. Il n’entre pas dans la joie de la fête, comme le fils ainé d’une autre parabole. Il ne participera pas au banquet, mais sera jeté dans les ténèbres extérieures. La sentence n’est pas une menace, mais insiste sur l’importance de l’enjeu.

Tout se termine par la maxime : « beaucoup sont appelés » (les premiers invités comme les derniers), « mais peu sont élus ». Affirmation qui vise à la fois Israël et les nations. Invitation à répondre à l’appel de Dieu, dans la joie symbolisée par l’habit de fête. Car une acceptation sans joie ne vaut guère mieux qu’un refus.

Que pourrions-nous retenir, aujourd’hui, de cette initiative gratuite de Dieu, de nos réponses et de nos refus ?

Dieu invite tout le monde à partager sa joie et celle de son Fils. Même la colère de Dieu n’est que l’envers de son amour. Amour exposé, où Dieu engage tout ce qu’il est.

Notre vocation est donc d’entrer dans la joie de Dieu. On y entre joyeusement, ou on n’y entre pas.

Notre péché, personnel et collectif, n’est-il pas de préférer, à la joie offerte, l’engrenage du quotidien ? De ne pas accorder du temps à Dieu, lui qui nous accorde l’éternité ? Comme si notre quotidien ne pouvait pas être illuminé par la joie du Royaume qui vient.

Notre espérance est que Dieu sera plus grand que nos refus. Qu’il nous accordera à la fête éternelle.

Beaucoup se soucient fort peu du Royaume à venir. D’autres se disent chrétiens non pratiquants. L’image nuptiale de la parabole le suggère : ils sont comme un homme qui dirait à son conjoint : « Je crois à ton amour, mais pour le moment, je ne m’en soucie pas, car je n‘y trouve pas ma joie ».

Nous voici appelés à la joie, selon la parole d’Isaïe, qui annonce / ce que Dieu a réalisé et réalisera pour nous au dernier jour, comme le chante l’Apocalypse. « Le Seigneur de l’univers préparera un festin pour tous les peuples. Il essuiera les larmes sur tous les visages, il fera disparaitre la mort pour toujours ». Le croyons-nous ?

Dès aujourd’hui, Dieu accueille à sa table / ceux et celles qui rempliront un jour la salle des noces de l’Agneau. Et il nous envoie aux croisées des chemins, afin que tous puissent dire un jour, c’est du moins notre espérance : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions. Exultons, réjouissons-nous, car il nous a sauvés ».

Homélie du 08 octobre 2023 — 27e dim. ordinaire — Frère Jean-Louis
Cycle : Année A
Info :

Année A - 27e dimanche ordinaire - (08/10/2023)

(Is 5, 1-7 – Ps 79 – Ph 4, 6-9 – Mt 21, 33-43)

Homélie du F. Jean-Louis

Texte :

Frères et sœurs,

Même si le réchauffement climatique rend les vendanges plus précoces, ce début octobre demeure encore marqué par cette activité bourguignonne par excellence et les lectures de ce dimanche comme celles des dimanches précédents nous situent dans cet univers de vignerons et de vendanges, mais bien sûr, pas pour faire un traité de viticulture.

Le passage du livre d’Isaïe lu ce matin a la tonalité d’un poème, d’un chant semblable à ceux des troubadours du moyen-âge. Mais il nous révèle une terrible réalité. Partant de l’histoire - somme-toute assez banale - d’un propriétaire de vigne soignant celle-ci en espérant avoir de beaux fruits et n’en récoltant que des mauvais, le prophète s’élève à une toute autre réalité, bien plus profonde, bien plus tragique. Nous connaissons bien ce mode de récit : la parabole.

La vigne du Seigneur de l’univers, pas seulement du Seigneur d’Israël, nous dit Isaïe, c’est la maison d’Israël, et le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Les beaux fruits que le Seigneur attendait de son peuple c’était le droit et la justice et, malgré tous ses soins, il ne récolte que le crime et les cris. Les prophètes ont dénoncé sans cesse les injustices les plus criantes du temps : exploitation des petits par les puissants, cris de détresse des opprimés qui montent vers Dieu…

La réaction du Seigneur sera d’enlever sa protection à la vigne pour que les exploiteurs fassent eux-aussi l’expérience de la détresse.

Le psaume 79, chanté en écho, nous fait entendre le cri du peuple vers Dieu dans la détresse en réclamant à nouveau la protection de son Seigneur, promettant de ne plus s’éloigner de son Dieu. Il faut parfois être dans la détresse pour se tourner vers Dieu.

Le Christ, lui, reprend, dans la parabole d’aujourd’hui, ce même thème de la vigne et ses interlocuteurs ont de suite compris que le propriétaire du domaine était Dieu, la vigne, le peuple d’Israël et les serviteurs maltraités, la longue lignée des prophètes. Quant aux vignerons, ce sont les responsables du peuple. Les grands prêtres et les anciens, auditeurs du Christ dans cet épisode, se voient bien obligés de conclure qu’il fallait punir ces vignerons criminels qui vont jusqu’à tuer le fils du propriétaire du domaine, comme si cela aurait suffi à les rendre eux-mêmes propriétaires de cette vigne. Le Christ révèle alors le sens de la parabole. Ce sont eux, les grands prêtres et les anciens, qui mettront à mort le Christ et se verront enlever le royaume de Dieu. Il s’agissait d’un avertissement qui n’a pas été entendu.

Frères et sœurs, ces textes, ne les lisons pas que comme des textes du passé. Il ne faudrait pas en effet oublier que ces textes ont été écrits pour les générations de chrétiens qui se succèderont au cours des siècles et qu’ils sont une Parole de Dieu pour nous, aujourd’hui.

Nous nous disons chrétiens, disciples du Christ, et nous souhaitons, je pense, suivre sincèrement le Christ. Ces lectures nous rappellent cependant qu’il n’est pas si simple de faire la volonté de Dieu. Certes, comme jadis et encore aujourd’hui, Dieu prend soin de son peuple et de façon certainement aussi délicate que dans le passage du prophète Isaïe mais quels fruits portons-nous ? Pas seulement individuellement, mais collectivement ? Le Christ qui a donné sa vie pour nous, pas seulement les chrétiens, mais toute l’humanité, n’est-il pas en droit d’attendre de ceux et celles qui sont appelés à être les témoins de cet amour fou, au moins un peu de droit, de justice comme pour les habitants de Juda et d’Israël, jadis ?

Le Christ s’est présenté comme le fils du propriétaire de la vigne, injustement massacré par les vignerons. Il a été du côté des victimes de l’injustice et de la violence et il a assumé cette position sans la fuir. Il s’est identifié à ces victimes et il en est mort.

On entend parfois des critiques sur le pape François, lui reprochant d’être trop politique dans ses discours. Mais que faire d’autre quand on lit la Bible et qu’on constate qu’un des messages constants transmis dès l’ancien Testament est la protection de la veuve, de l’étranger, de l’orphelin ? Que faire lorsque, lors du Jugement dernier tel que le présente l’évangile de Matthieu au chapitre 25, il est écrit j’étais en prison et vous ne m’avez pas visité, j’avais faim et vous ne m’avez pas donné à boire, étranger, et vous ne m’avez pas accueilli. » Certes, ni les prophètes de l’ancien testament, ni le Christ, ni le pape François ne donnent de recettes concrètes. Ce n’est pas leur rôle et de toute façon, ces recettes sont variables selon les époques et les circonstances. Par contre, ils donnent un esprit, un axe d’action, et lorsque l’on voit les sujets évoqués dans l’Ecritures sainte, je ne vois pas comment on ne peut pas y voir une exigence d’action politique, c’est-à-dire une action au sein de la cité, qui doit respecter la justice.

Frères et sœurs, dans quelques semaines, nous célébrerons la solennité du Christ Roi de l’Univers et nous entendrons alors ce passage de l’Évangile de Matthieu concernant le Jugement dernier. Il nous rappellera que c’est aujourd’hui, dans la vie concrète, dans nos choix face aux différentes formes de misère et de pauvreté, que nous entrons dans la dynamique de Salut apportée par le Christ ou que nous la refusons. Faisons en sorte que la parole d’Isaïe entendue aujourd’hui « Il en attendait la justice, et voici les cris » ne nous soit pas appliquée à nous, les chrétiens de ce 21e siècle.

AMEN