Homélies
Liste des Homélies
26e dimanche du Temps Ordinaire, année C
28 septembre 2025
Am 6, 1a.4-7 – Ps 145 – 1 Tm 6, 11-16 – Lc 16, 19-31
Frères et sœurs,
Il y a une quinzaine de jours, un journal titrait : « Les riches paient-ils assez d’impôts » et, à l’intérieur un autre article titrait qu’en France, les inégalités augmentaient. Depuis, la polémique enfle sur la taxation des hyper-riches. Les lectures d’aujourd’hui sont donc tout à fait actuelles.
La première lecture, extraite du livre du prophète Amos, qui a vécu au milieu du 8e siècle avant Jésus-Christ, nous montre qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Il y a 2700 ans, Israël a vu sa situation prospérer grâce à des conquêtes militaires, un développement économique important et une administration centralisée qui a fait du peuple de nomades d’autrefois un peuple urbanisé et organisé et, globalement, riche. Mais globalement seulement.
À Samarie, la capitale du Royaume d’Israël, dit Royaume du Nord depuis la partition du royaume de Salomon en deux après la mort de ce dernier, une caste d’hyper-riches dirions-nous aujourd’hui s’accapare les richesses, les nourritures les meilleures, les parfums les plus luxueux. Ils boivent le vin à même les amphores. On s’imagine sans peine la scène. Et cela avec la plus parfaite indifférence envers ce que vit le petit peuple. Déjà la mondialisation de l’indifférence avant la lettre. Et Sion, c’est-à-dire Jérusalem, ne connaît pas une autre réalité.
Et le prophète Amos, parlant au nom de Dieu, n’est pas tendre. Il n’est pas interdit d’avoir des richesses en Israël, et même, la richesse peut être le signe de la bénédiction de Dieu. Mais un psaume dit « Aujourd’hui, si vous amassez des richesses, n’y mettez pas votre cœur. » Or là, les riches de Samarie se sont engloutis dans leurs richesses. Mais la sanction viendra, et elle sera terrible. L’empire assyrien va dévorer peu à peu le Royaume du Nord, Israël, épargnant le Royaume du sud, Juda, et sa capitale Jérusalem. Et Samarie sera prise vers 722 par les troupes du roi Salmanasar V, avec son cortège de cruautés telle que les Assyriens savaient les commettre. Et c’est surtout cette élite d’Israël qui sera déportée en Assyrie. On n’entendra plus parler d’elle. La bande des vautrés n’existera plus. Difficile d’être plus clair dans la prophétie.
L’évangile, lui, constitue une sévère mise en garde. Toutefois, il ne dit pas ce qui arrivera, mais ce qui pourrait arriver si, aveuglés par ses richesses, l’être humain en vient à négliger complètement le pauvre à sa porte. Le récit montre bien à quel point le riche a déjà creusé un abîme avec le pauvre de son vivant. Et l’image des chiens léchant les plaies de Lazare est terrible.
Oui, le riche est dans l’indifférence la plus complète et il ne s’en rend même pas compte. Il ne voit tout simplement pas le pauvre à sa porte. Mais vient la mort, d’abord pour le pauvre semble-t-il, sans doute emporté par sa misère, puis pour le riche, peut-être emporté d’ailleurs par ses festins somptueux. Et là, tout s’inverse : Lazare est emmené par les anges auprès d’Abraham et le riche est enterré, il va au Royaume des morts où il subit la torture. Le riche, dont on ne nous dit jamais le nom, appelle à l’aide, mais pas de miséricorde possible. Un abîme infranchissable existe et l’aide est impossible. Alors, se produit un changement chez le riche. Lui qui était indifférent au sort de Lazare se met à s’inquiéter de l’avenir de ses cinq frères. Il souhaite que Lazare aille les prévenir. Et vient la réponse d’Abraham : « ils ont Moïse et les prophètes (dont le prophète Amos), qu’ils les écoutent. » Le riche pense que la venue de quelqu’un de chez les morts pourrait les convaincre mais cette sentence tombe : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus. » Rien n’est possible si l’on n’écoute pas la Parole de Dieu. Et le plus grand des miracles n’y changera rien.
Frères et sœurs, il y a ici quelque chose d’effrayant, il faut bien le dire. Le riche semble avoir un peu d’humanité dans la souffrance qu’il vit mais son destin paraît scellé, ainsi que celui de ses frères dont on devine qu’ils ne sont pas en route pour écouter Moïse et les Prophètes. Mais cette parabole est didactique. Elle ne raconte pas une histoire concrète puisque nous ne savons rien de l’identité du riche, mais elle nous invite à un réveil, à un sursaut.
Car il faut bien constater que 2000 ans après le Christ, le risque de ne pas voir les pauvres, la pauvreté ou la misère demeure bien réel pour les gens qui sont tellement engloutis dans leurs richesses qu’ils en deviennent incapables de jeter un regard ou de compatir à la souffrance de leurs contemporains.
Alors, faut-il se mettre sur la paille, tout donner pour les pauvres ? Ce n’est pas ce que le Christ demande. Quelques miettes du repas du riche auraient suffi. Mais le riche était aveuglé. D’ailleurs, dans quelques semaines, nous entendrons l’évangile de Zachée, un autre riche, et là ce n’est plus une parabole mais un récit. Zachée, lui, riche, hyper-riche, est cependant touché par le Christ et accepte de donner la moitié de ses biens (la moitié seulement) et on peut penser que, même s’il est prêt à donner quatre fois plus à ceux qu’il a escroqué, il lui restera encore largement pour vivre. Mais Zachée s’est laissé toucher. « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison », dira le Christ.
Frères et sœurs, avec la seconde lecture qui nous parle des enjeux d’éternité de nos vies quotidiennes, de la Manifestation du Seigneur Jésus-Christ, nous sommes placés devant l’importance capitale des choix que nous avons à faire dans nos vies. Notre vie présente prépare notre vie éternelle. Il ne s’agit pas de rêver au Ciel comme on dit en se désintéressant de la vie sur terre. Nos choix nous préparent ou non à accueillir ou non l’Amour de Dieu. Quel est notre attention aux autres, quels choix faisons-nous pour entrer dans la dynamique de justice que veut le Seigneur déjà sur notre terre, aujourd’hui ?
Il ne s’agit pas de se mettre sur la paille, meilleure façon d’éviter de se poser la question du comment aider les autres, il s’agit d’œuvrer, et d’œuvrer avec d’autres avec des moyens concrets, et il n’en manque pas aujourd’hui, pour lutter contre une indifférence qui nous guette tous. La lecture, hier soir, aux Vigiles, d’un extrait de l’encyclique du pape saint Paul VI Populorum progressio (le Développement des peuples), écrite il y a une cinquantaine d’années déjà, nous donne des pistes concrètes :
« Est-il prêt à soutenir de ses deniers les œuvres et les missions organisées en faveur des plus pauvres ? A payer davantage d\'impôts pour que les pouvoirs publics intensifient leur effort pour le développement ? A acheter plus cher les produits importés pour rémunérer plus justement le producteur ? A s\'expatrier lui-même au besoin, s\'il est jeune, pour aider cette croissance des jeunes nations ? »
On pourrait ajouter aujourd’hui les placements financiers éthiques. Les moyens ne manquent pas.
Si nous invoquons le Seigneur et cherchons vraiment à bouger ou à progresser sur ce chemin, il nous viendra en aide, comme il est venu en aide à Zachée. L’Évangile ne nous donne pas de solutions concrètes prêtes à l’emploi. Dieu est trop respectueux de notre liberté et de notre imagination pour faire de nous des pantins. L’Évangile nous montre un esprit, à nous d’entrer dans cet esprit et d’y persévérer.
AMEN
Frère Jean-Louis
25° Dimanche du Temps Ordinaire, année C
21 septembre 2025
Amos 8, 4-7 ; ps 112 ; 1 Tim 2, 1-8 ; Luc 16, 1-13
Frères & Sœurs, comment réagissez-vous à ces paroles de Jésus sur l’argent ? La finale est claire : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Quel sens alors faut-il donner à cette parabole du gérant malhonnête ? Elle nous gêne quelque part : en admirant l’astuce de cet homme pour se tirer d’affaire, Jésus nous invite-t-il à faire pareil ? Cela peut nous parler dans la crise profonde que traverse notre pays, une crise qui touche à l’inégalité entre les riches et les pauvres. Essayons d’y voir plus clair.
Je crois qu’il faut partir de la 1° lecture de ce dimanche, la parole du prophète Amos. Là, ce n’est pas une parabole, nous sommes en situation réelle et dans la grande ligne des prophètes d’Israël. Cette injonction faite aux riches, aux marchands sans scrupule, aux traders de tous les temps, elle éclate ici sans qu’il soit besoin d’explication : que font-ils ? diminuer les mesures, augmenter les prix, fausser les balances, tout cela, on le connaît bien, et comme toujours ce sont les pauvres qui en font les frais.
On sait qu’Amos a exercé son ministère de parole dans le Royaume du Nord à Samarie, à une époque où la prospérité économique et la croissance rapide ont entraîné un grand déséquilibre social entre les pauvres et les riches.
Alors Dieu intervient par la bouche du prophète : « Ecoutez, vous qui écrasez le pauvre, vous qui voulez anéantir les humbles du pays… » Et le Seigneur se dresse pour dire : « Cela, je ne peux le tolérer. »
Cela rejoint bien sûr la prière des Psaumes, le cri des pauvres auquel Dieu répond comme dans le ps 11 : « Pour le pauvre qui gémit, le malheureux que l’on dépouille, maintenant je me lève, dit le Seigneur » Ce qui est merveilleux, c’est que Dieu tient sa promesse, comme nous le chantions tout à l’heure : « Toi qui relèves le pauvre, tu es béni, Seigneur !» (ps 112) On pourrait allonger les citations car le psautier est vraiment le livre de la prière des pauvres.
Si nous connaissions mieux la Bible et la tradition juive, nous serions étonnés de voir comment Dieu appelle son peuple à respecter l’étranger, l’immigré, le pauvre et l’orphelin – tout le contraire de la guerre contre Gaza aujourd’hui – Lisez les prophètes Amos et Isaïe qui se dressent contre les riches, et contre un culte extérieur tout de façade que Dieu ne supporte pas : je vous cite Amos au ch 5, c’est Dieu qui parle: « Vos sacrifices, je n’en veux pas ; le bruit de vos cantiques, je ne peux pas les entendre, mais que le droit et la justice jaillissent comme un torrent intarissable. »
Jésus lui aussi s’inscrit dans cette tradition et dans l’évangile de Luc, l’accent est mis sur les pauvres ; option préférentielle de Dieu, pourrait-on dire, mais qu’il nous charge aujourd’hui de mettre en œuvre.
Alors que faut-il penser de la parabole de ce gérant habile ? Certains pourraient dire que Jésus fait l’éloge de la malhonnêteté. Mais c’est plutôt l’habileté de cet homme qu’il met en avant. Il précise en effet que le gérant a usé d’un argent qui ne lui appartenait pas ; il dépouille sans doute un peu le maître, mais il n’écrase pas le pauvre. Et c’est le maître qui fait son éloge !
En agissant ainsi, le gérant a préféré l’amitié des hommes à celui de l’argent. Au final il s’est servi de l’argent, non pour s’enrichir sur le dos des autres, mais pour gagner une place dans le cœur des siens.
Et Jésus nous dit en conclusion : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que le jour où il ne sera plus là, ces amis (les pauvres) vous accueillent dans les demeures éternelles. »
A quelle conversion Jésus nous invite-t-il par cette parabole ? Je crois qu’elle porte sur 2 points : le partage des biens et la liberté par rapport à l’argent.
Le partage aujourd’hui, ce sont les pauvres qui le pratiquent, mais l’évangile de Zachée, écouté hier pour l’enterrement du frère Antoine, nous rappelle ce qu’a dit cet homme, qui s’était enrichi sur le dos des autres :
« Je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens » C’est à nous de trouver comment partager aujourd’hui de toutes les manières possibles ; n’est-ce pas ce qu’essayaient de faire les premiers chrétiens, « où l’on mettait tout en commun, où l’on donnait à chacun selon ses besoins ».
Jésus nous appelle aussi à ne pas aimer l’argent ; il ne condamne pas l’argent, il demande seulement de bien nous en servir, de ne pas nous laisser asservir par lui comme par une idole, de savoir rester libre.
Frères & Sœurs, parce que nous sommes chrétiens, baptisés, fils de la lumière, ne faudrait-il pas mieux orienter notre vie vers les biens véritables en jouant la carte du partage et de la solidarité, afin que l’argent qui passe entre nos mains serve vraiment au bien de tous.
Nous allons retrouver cette interpellation dimanche prochain, toujours dans l’évangile de st Luc, avec la parabole de Lazare et du riche. Puisse notre cœur être touché ! Affaire à suivre
Frère Basile
24° dimanche du Temps Ordinaire 2025 - année C
Fête de la Croix Glorieuse
Nb 21/4b-9, Phi 2/6-11, Jn 3/13-17
« Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui… pour que le monde soit sauvé par lui ».
Chers frères et sœurs, c’est le message que veut donner cette fête de « la Croix Glorieuse », laquelle demande quand même quelques explications.
Un premier point à propos de la « vraie Croix » : avant la fête de la sainte Croix, on avait annoncé avec l’empereur Constantin que la Croix de notre Seigneur avait été retrouvée… En fait on a dû retrouver un morceau ou des morceaux de bois... Ce qu’il est bien de souligner, c’est que cette trouvaille se fait sur un lieu de supplice enfoui depuis bien longtemps : donc ce qui est retrouvé confirme que c’est bien le lieu de la mort de Jésus. Cela peut aussi souligner le fait que Jésus n’a pas forcément été le seul à y être supplicié, et peut-être pas le seul à être sur ces morceaux de bois. Nous retrouvons là ce que dit l’Ecriture : « Il a été mis au rang des malfaiteurs »…
Mais maintenant « Croix Glorieuse » ? D’abord une contradiction dans les termes, dans les mots… L’instrument de torture qu’est la croix est-il à mettre en avant avec cet adjectif « glorieux », comme un bijou de valeur ? « Croix glorieuse » ! La croix, c’est d’abord un homme cloué dessus pour qu’il souffre tellement qu’il en meure … supplice inventé par les Romains pour punir les esclaves et les grands coupables, mort atroce parmi d’autres, voulue comme telle.
Je ferai volontiers remarquer qu’il y a une certaine inconscience à porter une jolie croix autour du cou ou sur la poitrine quand on pense à ce qu’ont vécu à leur mort ceux qui sont morts crucifiés. Car justement le mot « crucifix » veut dire exactement « crucifié », il vient du latin « crucifixus ».
C’est plus facile de porter une croix nue qu’un petit crucifix… et nous savons que nous portons la croix comme un signe, emblème de notre foi au Christ, ce Jésus qui est mort mais qui est ressuscité : il nous a ouvert les portes de la vie avec Dieu…
J’ai découvert il y a peu de temps une petite vidéo qui voulait expliquer qu’on défigurait le message chrétien en ne regardant que cette image d’un supplicié… en ne pensant qu’à la fin tragique de ce Jésus broyé par les puissants de son temps.
Mais, chers frères et sœurs, allons plus loin : dans la liturgie du Vendredi saint nous adorons la Croix, c’est le terme employé : cela signifie que la Croix n’est pas alors l’instrument de torture qui a servi à tuer l’Homme Jésus ; nous y vénérons et nous y adorons Dieu dans la mort offerte volontairement par son Fils. (La beauté de ce Christ, derrière moi, œuvre d’artiste reproduisant un Christ de l’époque romane ne nous parle plus du supplice !)
Il y a quelques années un petit garçon est venu avec son père à cette liturgie du Vendredi saint ; il avait bien compris qu’il venait honorer et adorer le Seigneur mort sur la croix : le problème c’est que sa petite taille lui cachait, avec un grand monsieur devant lui, la Croix qu’il approchait en procession devant son papa… Quand le grand monsieur est parti, le petit garçon s’est trouvé devant une grande croix nue : alors il s’est retourné vers son père, l’air perdu : « qu’est-ce que je fais ? Jésus n’est pas là…! »
Bien chers frères et sœurs, oui, c’est bien la question : devant la Croix de Jésus que faisons-nous ?...
Devant la Croix nue, nous pouvons repenser au sacrifice du Christ mort pour nos fautes, mort pour nous ouvrir à nouveau les portes du Ciel : nous pouvons aussi faire cet acte de foi devant un « crucifix », devant le crucifié qui a souffert pour nous.
Mais devant la croix nue, nous pouvons aussi penser à tous ceux et celles qui souffrent à la suite de Jésus : ils ont bien leur place sur cette croix, croix tellement emplie des souffrances de tous les humains.
« Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait ». Concrètement : ce que nous avons fait de mal à notre prochain, c’est au Christ que nous l’avons fait et comme l’a écrit Blaise Pascal, « Jésus agonise jusqu’à la fin du monde »…
Aujourd’hui nous croyons que Jésus dans sa gloire nous sauve du mal, de la méchanceté, de la violence. Nous faisons mémoire d’une vie donnée jusqu’au bout, exemple d’un innocent crucifié, pour que nous revenions vers lui : nous célébrons dans cette Eucharistie le Christ qui donne sa vie et … nous le faisons très humblement, car ce sacrifice est le don le plus gratuit et le plus généreux que Dieu, après s’être fait l’un de nous, pouvait nous faire. « Dieu a envoyé son Fils dans le monde… pour que le monde soit sauvé par lui. » Amen.
Frère Cyprien
23e dimanche du Temps Ordinaire – Année C - Sg 9, 13-18; Philémon 9, 17; Luc 14, 25-33
Notre f. Servan, dans une homélie sur cet évangile, parlait de la « face Nord » de l’Évangile,
comparée à la « face Sud », plus avenante, que nous aurons dimanche prochain
avec la parabole du père miséricordieux et de ses deux fils.
Aujourd\'hui, disait-il, nous sommes plutôt dans la Face Nord aux parois abruptes, un des sommets du radicalisme exigeant de l\'évangile : renoncer aux liens familiaux les plus chers, voire à sa propre vie, porter sa croix, renoncer à tous ses biens.
Nous pouvons être pris de vertige, en regardant la paroi ou le vide…
Je ne suis pas sûr pour autant que la parabole de dimanche prochain soit moins exigeante :
elle nous met sans doute tout autant au pied de la paroi rocheuse.
Aujourd’hui : haïr son père et sa mère, ses frères et sœurs ;
dimanche prochain, la parabole du père miséricordieux nous montrera
que vivre la paternité, la filiation, la fraternité, n’ont rien d’évident.
Quant à la seconde lecture de ce jour, elle nous montre qu’aimer un ancien esclave
– qui plus est est fugitif – comme un frère bien-aimé, nécessite une vraie conversion.
Essayons pour l’heure de mieux comprendre l’évangile d’aujourd’hui.
Plaçons-le dans son contexte, car il ne faut jamais isoler un texte de l’Écriture :
il faut le faire jouer avec tous les autres.
Entre celui de dimanche dernier et lui, st Luc a écrit une parabole, omise par le découpage liturgique de l’année C. Nous écoutons l’année A dans la version de st Matthieu.
Cette parabole est celle des invités à un déjeuner ou un dîner.
Elle peut nous aider à interpréter ce que Jésus nous dit aujourd’hui.
Les invités répondent en effet : J’ai acheté un champ… j’ai acheté cinq paires de bœufs… Je viens de me marier… Je ne peux pas venir.
Dieu nous invite et nous nous récusons. Nous préférons autre chose !
Qu’est-ce qui nous empêche de venir, de répondre à l’invitation de Jésus,
à l’invitation au repas du royaume ?
Qu’est-ce qui nous attache et nous retient ?
« De grandes foules faisaient route avec Jésus. »
Elles font déjà route :
vont-elles entrer dans la maison, répondre au désir du maître et participer à son dîner ?
Jésus brise l’illusion d’un enthousiasme facile :
« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer… » Le texte original dit même « haïr »…
Nous savons bien que Jésus ne nous demande jamais de haïr quelqu’un,
encore moins nos proches, ceux avec qui notre vie est intimement liée.
Il nous ordonne au contraire d’aimer notre prochain comme nous-mêmes,
et de nous aimer les uns les autres comme il nous aime.
Or Jésus n’aime pas son Père à nos dépens.
Il ne nous aime pas aux dépens de son Père.
Il ne s’aime pas lui-même aux dépens de son Père ou de nous.
Il ne nous demande pas de l’aimer, de le suivre, aux dépens de nos proches,
aux dépens de quiconque.
Rien ne doit se mettre en travers de notre suite du Christ, de notre amour du Christ, aucune relation,
parce que c’est dans le Christ, avec lui, avec son Esprit, que nous pouvons réellement aimer.
Son appel à aimer est infini, et qui peut, mieux que lui, nous apprendre à aimer,
nos proches comme nos plus lointains ?
St Paul dit : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu. »
Si quelque chose, quelqu’un, une relation, nous empêche d’être au Christ,
alors il faut s’en détourner.
A l’inverse, toutes nos relations – qui, tant que nous sommes sur terre, sont toujours imparfaites –
toutes nos relations peuvent être des chemins vers le Christ,
et le fruit savoureux de notre suite du Christ.
« Qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple. »
Ne rien posséder, ne rien accaparer, parce que tout nous est donné.
Ne cessons pas de recevoir sans cesse l’eau jaillissante :
si nous la recueillons en l’enfermant dans un bocal, elle n’est plus de l’eau vive.
Demeurons sans cesse dans le cœur du Christ
et nous aimerons père, mère, frères, sœurs,
et notre propre vie, avec justesse.
Une des justes paroles pour interpréter l’évangile de ce jour est celle de st Ignace
dans l’ouverture de ses Exercices spirituels :
L’homme est créé pour louer, respecter et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver son âme,
et les autres choses sur la face de la terre sont créées pour l’homme,
et pour l’aider dans la poursuite de la fin pour laquelle il est créé.
D’où il suit que l’homme doit user de ces choses dans la mesure où elles l’aident pour sa fin
et qu’il doit s’en dégager dans la mesure où elles sont, pour lui, un obstacle à cette fin.
Faisons route avec Jésus, laissons sa parole fructifier en nous et devenons ses disciples.
Renonçons à nos biens en ne comptant pas sur nos propres forces,
mais en comptant sur la puissance de Dieu qui nous habite.
Frère Hubert
21e Dimanche du Temps Ordinaire, année C
24 août 2025
Is 66, 18-21 – Ps 116 – He 12, 5-7.11-13 – Lc 13, 22-30
Frères et sœurs,
En cette période de vacances d’été où des populations franchissent les frontières pour chercher le soleil ou l’exotisme, mais aussi où des migrants tentent, au risque de leur vie, de trouver la sécurité dans des pays plus pacifiques, la première lecture et l’évangile de ce jour nous parlent de nations, d’universalité, d’universalité du Salut offert par Dieu.
Ainsi la première lecture, venant de la dernière partie du Livre d’Isaïe, nous parle du Salut de Dieu pour toutes les nations. Mais il s’agit d’un salut porté, diffusé par Israël, peuple de Dieu, pourtant dans une situation plus que précaire.
Le peuple, exilé à Babylone, est de retour à Jérusalem, mais les choses ne se passent pas comme l’avaient fait espérer les prophéties antérieures. Le peuple est dans une situation où le Salut de Dieu semble très lent à se concrétiser. Le peuple se sent très fragilisé, voire menacé dans son avenir.
Et pourtant, le Seigneur annonce qu’il va, grâce à la dispersion d’Israël parmi les nations, rassembler tous les peuples, toutes les nations à Jérusalem. La prophétie a même l’audace d’appeler « frères » ces gens des nations païennes ramenés à Jérusalem en offrande au Seigneur, ce qui ne pouvait pas manquer de choquer un israélite convaincu d’être membre de l’unique peuple élu. C’est la découverte spirituelle de l’auteur de la fin du Livre d’Isaïe : le Salut promis par Dieu est destiné non pas uniquement à Israël mais à toutes les nations, qui sont même appelées à converger vers Jérusalem, vers la montagne sainte où se trouve le temple. En outre, ces nations sont considérées par Dieu dignes d’être offrandes pour lui. C’est une véritable révolution théologique et spirituelle qui est entamée ici. Des prêtres et des lévites seront choisis par Dieu parmi ces nations. C’était inimaginable.
Et le très bref psaume 116 chanté à la suite se situe dans la même ligne théologique et spirituelle : tous les peuples, tous les pays sont appelés à louer et fêter le Seigneur dont la fidélité est, du coup, perçue comme éternelle, même à l’égard des nations.
Cette révolution est tellement inouïe que, bien des siècles après, au temps du Christ, il y aura des Juifs qui s’étonneront, voire se scandaliseront de voir l’attitude Christ à l’égard des païens et qu’il faudra des débats assez virulents chez les premiers chrétiens pour admettre que les baptisés d’origine païenne ne doivent pas être soumis à la Loi de Moïse.
Extraordinaire nouveauté d’Isaïe.
Quant à l’évangile, il commence sur une question posée à Jésus qui enseigne : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »
Cette question vient-elle d’un homme angoissé sur son avenir ? ou bien d’un Juif convaincu que l’appartenance au peuple élu suffit au Salut, alors que, pour les païens, ce sera plus compliqué voire impossible.
La réponse du Christ est double.
D’abord, s’efforcer à entrer par la porte étroite du Royaume. Il n’y a pas de question à se poser, il faut agir.
Ensuite, à des gens qui pouvaient se croire sauvés par le simple fait d’être membre du peuple élu, ou parce qu’ils ont mangé, bu en présence du Christ, ou écouté son enseignement (qui de nous n’a pas envié les contemporains du Christ), Jésus précise que ce n’est pas cela qui assure le Salut mais bien pratiquer la justice, agir selon la volonté de Dieu, ses commandements, tels que le Christ les présente et les interprète.
Et le Christ de poursuivre de façon certainement choquante pour ses auditeurs que des gens viendront de tous les horizons pour prendre place au festin du Royaume, alors que les contemporains du Christ pourraient se retrouver jetés hors du Royaume. Perspective certes effrayante. Mais le Christ termine en disant qu’il y a des derniers (qui se croient tels, par exemple le publicain du Temple) qui seront premier et des premiers (le pharisien en prière) qui seront derniers, mais pas exclu.
Nous retrouvons donc ici l’universalisme du prophète Isaïe. Ce n’est pas l’appartenance au peuple élu qui est décisif mais la pratique de la justice, du bien.
« J’étais étranger, nu, en prison, etc… et vous êtes venus jusqu’à moi. »
Je pense que le Christ nous invite à ne pas nous poser des tas de questions sur qui sera sauvé, s’il y en aura beaucoup, etc… questions qui peuvent nous paralyser et nous détourner de notre véritable devoir de croyant : faire le bien, se tourner vers les autres, les aimer comme Dieu nous aime.
Et cela, des gens de tous les continents peuvent l’accomplir. Pas de privilège, pas de situation définitivement acquise.
En fait, ce que le Christ nous annonce ici, c’est la gratuité absolue du Salut de Dieu offert à tous, sans égard à l’origine.
Frères et sœurs, nous pourrions parfois être tentés de croire que le baptême qui nous agrège au Corps du Christ peut être suffisant au Salut. Le Christ nous réveille en nous rappelant que tous les êtres humains sont appelés au Salut mais que tous doivent agir en sauvés, selon la volonté du Christ.
Isaïe nous donne à espérer dans l’universalité de ce Salut offert à l’humanité entière et le Christ nous rappelle notre responsabilité personnelle dans cet immense projet de Dieu.
Puissions–nous nous laisser conduire par l’Esprit qui nous donnera les intuitions nécessaires pour notre vie de tous les jours.
AMEN
Frère Jean-Louis
20e dimanche du Temps Ordinaire, année C
17 août 2025
Jér 38/4-6,8-10 ; He 12/1-4 ; Lc 12/49-53
Jérémie : « Allez-vous mettre à l\'abri! Ne vous arrêtez pas en chemin! C\'est le malheur que je fais venir du nord, un grand désastre!...
St Paul : « Vous n\'avez pas encore résisté jusqu\'au sang dans votre combat contre le péché. »
Et l’Evangile qui vient d’être lu : « C\'est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu\'il soit déjà allumé! \" Pensez-vous que ce soit la paix que je suis venu mettre sur la terre ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. »
Comment commenter ou réfléchir sur ces paroles en étant tranquillement assis sur nos chaises … comment rester « zen » … rassurés quand on écoute certaines paroles de Jésus ? « Pensez-vous que ce soit la paix que je suis venu mettre sur la terre ? »…
… quelques exemples ? …
Appelons-le Rachid, appelons-la Leila de religion musulmane et imaginons qu’il/qu’elle vient d’annoncer à sa famille qu’il/qu’elle va recevoir le baptême chrétien à la fête de Pâques qui va venir ?
Imaginons encore un jeune/une jeune presque fiancé(e), après un bon temps de vraies rencontres, avec un amour mutuel qui a bien démarré, eh bien imaginons que l’un annonce à l’autre que finalement il/elle donne la priorité à Dieu et qu’il/qu’elle s’est décidé pour la vie religieuse…vie religieuse dont ils avaient parlé incidemment et qui n’avait jamais, au grand jamais, été envisagé comme projet par l’autre… !
Est-ce que Dieu viendrait mettre le désordre, la confusion entre les êtres ? Peut-être heureusement, Jésus n’a pas dit qu’il venait mettre la guerre entre les humains : il peut y mettre la division et il ouvre un chemin que tous ne sont pas prêts à prendre sans délai…comme l’a fait par exemple le publicain Matthieu et tant d’autres après lui… « Viens, suis-moi… et aussitôt il le suivit ».
Est-ce que nous envisageons la suite du Christ comme une partie de plaisir, plaisir partagé avec d’autres, bien sûr : nous ne sommes chrétiens qu’en Eglise. Oui ! Mais saint Paul présente la conversion et le chemin chrétien comme une course, comme l’épreuve entreprise avec endurance à la suite du Christ, … « ce Christ qui a enduré de la part des pécheurs une telle opposition » comme il l’écrit !…
Est-ce que nous n’oublions pas un peu vite la radicalité de ce qu’apporte le Christ dans le monde d’aujourd’hui pour en faire un monde nouveau ?
Cela vaut peut-être la peine de nous souvenir de quelques paroles de Jésus qui ne sont pas si rassurantes, par exemple de « passer par la porte étroite », on entre dans la Royaume de Dieu par une porte étroite… renoncer à tout pour suivre le Christ, à tout… etc… Avons-nous le sentiment d’être en dessous de ce que demande la suite du Christ, de peiner pour garder la foi … ? Est-ce que, au contraire, nous nous donnons un peu de peine pour vivre une vie généreuse ?
Comme nous ne sommes pas seuls à vivre et pas seuls à essayer d’être chrétien, Dieu nous donne un cœur, des yeux et des oreilles pour vivre et vivre avec d’autres : nous savons que leur exemple peut nous stimuler…
Et tout cela c’est pour que nous sortions de notre paresse, pour que nous-mêmes nous soyons les personnes qui attestent que le Royaume de Dieu souffre violence, que l’Esprit de Jésus a besoin de témoins qui disent au monde : Oui, Jésus est venu nous sauver ; oui, il faut compter sur la grâce divine, oui, mais Dieu ne nous sauvera jamais sans nous …Avec beaucoup d’espérance nous pouvons nous aussi comme les saints participer à ce salut que Dieu apporte.
Chers frères et sœurs, nous avons besoin que la Parole de Dieu vienne de temps en temps nous bousculer, empêcher que nous nous endormions…Si l’Evangile résiste à notre compréhension, à notre adhésion spontanée, c’est bien probablement parce que l’Esprit de Jésus vient nous chercher là où nous sommes, alors que nous ne sommes pas encore assez prêts à marcher à sa suite.
Dieu ne nous donne que des avertissements, et rarement des blâmes… si nos oreilles cherchent à écouter, si nos cœurs s’ouvrent : sa Parole est une lumière pour nos pas hésitants.
Ce matin l’Eucharistie du dimanche vient nous remettre en route pour plus de ferveur, plus de confiance dans sa présence et plus de vérité dans nos vies… C’est Lui qui est notre lumière, notre Vie.
Frère Cyprien
ASSOMPTION - 15 août 2025
Ap 11,19a, 12, 1-6a.10 ab; 1 Co 15, 20-27a; Lc 1, 39-56
Frères et sœurs,
A la différence d’autres fêtes de notre année liturgique, les lectures que nous venons d’entendre ne nous offrent pas un récit sur le mystère que nous célébrons. Chacune veut seulement mettre en lumière dans l’Ecriture des pierres d’attente de l’Assomption de la Vierge Marie. Ces pierres d’attente longuement méditées avec d’autres passages des Ecritures ont contribué à la lente maturation durant des siècles du dogme de notre foi catholique proclamé par le Pape Pie XII en 1950. En écoutant ses lectures de nouveau, nous sommes invités à nourrir notre méditation et à affiner notre compréhension de ce mystère. Je retiens trois aspects de ce mystère qui veulent soutenir notre action de grâce : la gratuité, le débordement de vie et la joie.
La gratuité. Marie est élevée en son âme et en son corps, sans que soit invoqué aucun mérite de sa part. Elle est témoin, malgré elle, de la grande gratuité du dessein de Dieu pour elle et, à travers elle, pour notre humanité. Choisie gratuitement par Dieu dès sa conception pour être la Mère de son Fils, elle est portée gratuitement au ciel au terme de sa vie, en son âme et en son corps. Elle est ainsi prise dans l’élan inauguré gracieusement par la résurrection de Jésus son Fils. Elle en est la première bénéficiaire. Paul énumère un ordre selon lesquels tous ceux qui sont dans le Christ recevront la vie. « En premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent ». En Marie, élevée au ciel dès la fin de son existence, avant le retour du Christ, se laisse entrevoir cette immense gratuité des dons de Dieu. Comme nous le chanterons dans la préface, « le Seigneur n’a pas voulu que Marie connaisse la corruption du tombeau, elle qui a porté dans sa chair son propre Fils et mis au monde d’une manière incomparable l’auteur de la vie ». Dans cette affirmation, nous sommes au-delà de toute considération de mérite, mais bien plus tôt devant la manière de faire de notre Dieu, donateur de vie. Il donne, car il n’est que don. Il fait participer Marie à la pleine lumière de la gloire de son Fils, elle qui avait consenti à participer à sa venue dans l’ombre de notre condition humaine. Et nous le croyons, notre Dieu donateur de vie, nous fera un jour participer avec Marie à sa vie glorieuse.
Le débordement de vie. La scène de l’apocalypse que nous avons entendue nous suggère de manière imagée la gloire dont est entourée Marie, désormais auprès de son Fils. Une femme « ayant pour manteau le soleil, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles ». Ses traits nous suggèrent combien la gloire dont est revêtue Marie la place aux dessus des éléments naturels qui la servent désormais pour mieux relever son éclat. La lutte grandiose qui suit entre cette femme et le dragon qui veut dévorer son enfant nous suggère que Marie participe au combat mené contre les forces adverses que le Christ en sa résurrection a vaincu. Débordement de gloire pour Marie, débordement de vie en sa participation à la victoire du Christ sur les puissances de mort. Nos mots sont bien limités pour dire ce mystère de la Gloire de Marie. Mais nous pressentons qu’en elle, à la suite du Christ, se révèle bien plus que sa simple destinée humaine conduite dans la gloire. Marie prend part à la gloire de son Fils, parce qu’en son humanité cachée, elle a participé à son combat contre toutes les puissances adverses. Aussi est-ce pour cela que nous pouvons l’invoquer avec confiance dans tous les combats que nous avons à mener dans nos existences humaines. Comme nous le chantions au début de cette célébration, « première des rachetés, Marie est présence de victoire au milieu des combats ».
Joie. En toutes ses harmoniques de gratuité, de débordement de vie, cette fête est vraiment une source de joie. Joie qui a traversé toute la vie de Marie comme la scène de la rencontre avec Elisabeth en témoigne. Nous pressentons là combien Marie a été habitée par un grand élan de don d’elle-même, se portant sans plus attendre auprès de sa cousine pour l’assister dans les préparatifs de la naissance de Jean. Inséparable de cet élan de don semble être l’élan de sa joie. Mystère d’une joie qui ne réside pas d’abord dans la jouissance recherchée pour soi, mais dans le don de soi aux autres. Lorsque Marie laisse éclater son exultation que nous aimons reprendre chaque soir dans la prière des vêpres, ne nous livre-t-elle pas le secret de sa joie : celui de l’accueil plein et entier de la volonté de Dieu sur elle. Marie est heureuse profondément parce qu’elle se laisse conduire totalement par Dieu. Et sa joie s’élargit encore dans la contemplation de l’action de Dieu pour son peuple, Lui dont la « miséricorde s’étend d’âge en âge » et qui « relève Israël son serviteur ». Nous le savons, cette joie aura à traverser l’épreuve de l’incompréhension face à Jésus qui pouvait dérouter, ainsi que l’épreuve de sa passion et de sa mort. Pour mieux apprécier, la joie de la victoire que nous célébrons aujourd’hui, certainement nous faut-il avoir toujours en mémoire le poids de l’existence que Marie a pleinement assumé. « Marie est cause de notre joie » comme nous le chantions, parce qu’elle « entre dans la joie de son Dieu » … Oui, que Marie nous apprenne avec elle à cultiver cette joie de faire la volonté de Dieu, pour la goûter toujours plus sûrement dès maintenant, dans l’espérance de la partager pleinement un jour avec elle.
Père-abbé Luc
19e dimanche du Temps Ordinaire, année C
10 août 2025
Sagesse 18, 6-9 / psaume 32, Hébreux 11, 1-2 + 8-19, Luc 12, 32-48
Frères et sœurs,
Il faudrait relever bien des perles dans les 3 lectures de ce dimanche, mais je m’attacherai surtout à l’évangile : « Sois sans crainte, petit troupeau…Reste en tenue de service, tiens ta lampe allumée…Tu ne sais pas quand le Seigneur viendra…Tenez-vous prêts… Veillez ! »
Que d’appels Jésus nous fait, que de consignes pour notre vie chrétienne, mais pourquoi nous sont-elles rappelées durant nos vacances ? Habituellement, ces invitations à la vigilance se trouvent plutôt à la fin de l’évangile, dans le discours de Jésus sur la fin des temps. Dans st Luc, la place en est tout autre et nous avons ici, au chapitre 12, trois petites paraboles sur la vigilance, adressées aux disciples, donc au petit troupeau que nous sommes aujourd’hui.
Je crois qu’elles sont bienvenues, même si cela tombe au milieu des vacances : est-ce pour nous empêcher de les prendre ? Certainement pas, car les vacances peuvent être un temps privilégié pour rencontrer le Seigneur, nous mettre en éveil et nous rendre attentifs. C’est là que Jésus vient nous dire : « Fais attention, ne passe pas à côté de l’essentiel, le trésor est là dans ton cœur, ne va pas le chercher à l’autre bout du monde. »
Nous avons tous besoin de vacances, les moines comme les autres, de ces temps d’arrêt, de pause, de détente, de solitude ou de rencontres, de marche aussi dans la nature. Temps de vacances au sens premier du mot : « vacare Deo », être libre pour Dieu.
Si l’évangile d’aujourd’hui nous demande de garder la tenue de service, ce n’est pas pour renoncer à partir en vacances. Il nous dit seulement de rester vigilant, attentif à la venue du Seigneur, à tous les signes du Royaume, aux signes des temps que nous vivons. Et là, nous avons tous une responsabilité.
Vous avez entendu la question de Pierre à Jésus : « Est-ce pour nous, les Apôtres, que tu dis cette parabole ou bien pour tout le monde ? » Jésus ne répond pas directement à la question de Pierre, il parle de l’intendant, puis du serviteur qui a reçu une telle mission. Or nous sommes tous au service les uns des autres. C’est inscrit dans notre ADN de baptisé : fils de Dieu, mais aussi serviteur, de Dieu et de nos frères.
Je pense que les routiers scouts qui sont parmi nous s’y retrouvent aussi pleinement : merci à eux d’être venus nous aider en ce temps de vacances. Mais l’évangile insiste : sois plus qu’un serviteur, sois un veilleur. Nous avons tous à veiller les uns sur les autres, en prenant soin des plus fragiles. Si Dieu nous a placés à tel ou tel endroit dans le monde, c’est pour y être des veilleurs, des frères qui prennent soin les uns des autres et de notre maison commune. Notre terre vit aujourd’hui plus que jamais un enfantement dans la douleur, que ce soit les guerres à Gaza, en Ukraine, mais aussi en Afrique et cela nous fait mal, et puis il y a cette autre cause mondiale : le dérèglement climatique, la sècheresse, qui peut atteindre tous les pays, et nous avons tous notre part de responsabilité dans cette conversion écologique urgente. « Heureux ces serviteurs que le maître à son retour trouvera en train de veiller ! » Quel est le sens de cette veille ? non seulement d’attendre le retour du Christ, mais de remplir la charge qu’il nous a confiée.
Le pape François, le premier, nous a lancé un appel dans l’encyclique « Laudato si », il y a 10 ans en 2015 ; ce texte fort a frappé même les non croyants , il disait : « J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons et ses racines humaines, nous concernent tous…Tous, nous pouvons collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la création, chacun selon sa culture, son expérience, ses capacités. »
A la suite de ces appels, relancés par l’évangile aujourd’hui, chacun de nous pourrait se poser la question : quelle est ma manière à moi de veiller, de rester en tenue de service, de tenir ma lampe allumée, de participer à cette conversion écologique et spirituelle ? Toute veille est une veille d’amour sur nos frères.
Je parlerai d’abord pour les moines que nous sommes, qui reprenons nuit et jour, le chant des psaumes où la prière se fait tour à tour cri de détresse et cri de joie, mais aussi attente du Royaume, cri de foi dans la promesse de Dieu à la suite d’Abraham : « Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore » (ps 129) Oui, c’est dans la prière et surtout la nuit, que joue notre solidarité avec les cris et les espoirs des hommes, les situations d’échec ou de souffrance : la prière les porte vers Dieu, dans cette communion qui nous tient unis les aux autres, en étant sûrs que Dieu répondra. Le plus souvent, il répondra au moment où l’on ne s’y attend plus, d’une manière imprévue, et tout autre.
Avez-vous remarqué cette façon inouïe dont Dieu se comportera avec ses serviteurs s’il les trouve en train de veiller ? C’est Dieu lui-même qui prendra la tenue de service, qui les fera asseoir et passera devant chacun pour le servir. Alors oui, cela vaut la peine d’attendre dans la nuit, de veiller de toutes les manières possibles sur nos frères : relisez Matthieu 25 J’ai eu faim, j’étais étranger, malade, en prison et tu es venu jusqu’à moi.
Puissions-nous découvrir aussi que le premier veilleur, le Grand Vigilant, c’est Dieu lui-même : soyons les témoins de ce Dieu-là qui veille avec amour sur chacun de ses enfants.
Frère Basile
18ème dimanche du Temps Ordinaire, année C
3 Août 2025
Qoh. 2, 21-23 ; Col. 3, 1-11 ; Luc 12, 13-21
Frères et sœurs,
Les textes que nous offre la liturgie de ce dimanche ont une forte dimension existentielle. Ils nous interrogent sur le sens de la vie, quels sont les objectifs que nous poursuivons, quels attachements avons-nous avec les biens matériels ? Comment considérer les réalités de la terre au regard de celles d’en haut, celles du ciel et celles de Dieu ?
Un mot revient dans chacun d’eux, et il est aussi présent dans un verset du psaume. On pourrait penser que c’est celui de richesse ou de riche. Non, c’est celui d’homme.
« un homme s’est donné de la peine. Il s’y connaissait. Il a réussi. Mais que reste à cet homme de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? »
A qui demande à Jésus de trancher une question d’héritage entre 2 frères, Jésus interpelle : « Homme, qui m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de votre partage ?
Et Saint Paul, en distinguant fortement les réalités d’en Haut et celles de la terre en appelle à une opposition entre un « homme ancien » et un « homme nouveau ».
Oui, qu’est-ce que l’homme pour que Dieu pense à lui, le fils d’un homme pour qu’il en prenne souci ? Et que sert à l’homme de gagner l’univers s’il en vient à perdre son âme ? Car l’écoulement du temps et le surgissement de la mort viennent tout relativiser sur ce qu’il aura fait, sur tout ce qu’il aura possèdé. Ces textes nous invitent à prendre conscience de la finitude et de la fragilité de la condition humaine. Ils nous poussent à sortir d’une forme d’aveuglement ou de déni qui consisterait à croire que seule la richesse apporte la puissance et le bonheur, qu’elle serait le signe d’une vie accomplie, alors qu’elle n’est tout au mieux qu’un moyen très éphémère de ce bonheur recherché.
Saint Basile de Césarée écrivait : « dans ton cœur ne t’attache pas à la richesse, mais accepte l’aide qu’elle peut t’apporter. Sans l’aimer comme si elle était ta possession, mais en la prenant comme un instrument à ton service. Partage ta richesse, tu la conserveras. Mais si tu essaies de la retenir, elle glissera entre d’autres mains. Si tu la gardes, tu ne l’auras pas. Si tu la répands, tu ne la perdras pas ».
Interrogeons-nous donc, non pas sur la nature, la variété ou la légitimité de nos biens matériels qui ne sont pas mauvais en eux-mêmes, mais interrogeons-nous sur la relation que nous entretenons avec eux et l’usage que nous en faisons. Car la relation aux choses n’est pas sans rapport avec la relation que nous avons avec les autres, avec notre prochain et avec Dieu. Tout est lié nous rappelle l’encyclique « Laudato Si’ » pour une écologie intégrale et intégrée. Et « Nul ne peut servir deux maîtres à la fois ou « en même temps » : Dieu et l’argent » dit l’Evangile.
Le sage Qohélet, méditant sur la condition humaine regardait plutôt vers le passé. Désabusé, pessimiste voire résigné. Toutes les actions de l’homme n’aboutissant qu’à des illusions perdues, à de la buée. « vanité des vanités, tout est vanité ».
Le psaume 89 souligne lui aussi la fragilité et le caractère changeant des années de l’homme : elles ne sont qu’un songe, dès le matin herbe changeante, fleurissante, mais le soir, fanée, désséchée. Cependant, à la différence de Qohélet, il y a l’espoir que la douceur de Dieu vienne sur nous. Il a le pouvoir de consolider l’ouvrage de nos mains, dans l’amour et la joie.
L’homme à qui s’adresse Jésus dans notre passage d’Evangile est celui du présent, marqué par le désir et la joie de vivre le plus intensément possible. Mais aussi avec le risque du péché, la tentation de l’argent, l’accumulation de biens temporels et la recherche de fausses sécurités.
Risque du péché qui est le repliement sur lui-même, sur son seul bonheur. Le pape François qualifiait cette attitude d’auto-référentielle, en l’appliquant tout aussi bien à une communauté, à l’Eglise.
Saint Paul, lui, approfondit la réflexion sur un plan théologique et indique une application pastorale. Il s’adresse aux chrétiens de la ville de Colosses en Asie Mineure. Ils ont été baptisés. Ils sont déjà riches de Dieu, et ils ont reçu en eux les prémisses de la vie éternelle. Vivez avec ces richesses, leur dit-il. Elles sont le seul essentiel, le seul nécessaire. Ne vous trompez pas de but. Le but de la vie n’est pas d’accaparer et de convoiter des richesses de diverses natures, mais de savourer, de goûter ce que le Seigneur ressuscité nous a déjà donné. C’est ainsi qu’il faut porter un regard nouveau sur l’Homme, un regard tourné vers l’avenir et vers les réalités d’En-Haut. Le baptisé, le confirmé, c’est cet homme habité de la nouveauté de Jésus qui a été plongé dans la mort de la Croix et qui est sorti vivant du tombeau, habité par l’Esprit Saint.
Frères et sœurs, c’est la tâche de tout chrétien de devenir cet homme nouveau, dégagé des lourdeurs qui n’appartiennent qu’à la terre : voilà notre avenir. Pas seulement pour réussir dans la vie, mais bien plus important pour réussir sa vie, être riche en vue de Dieu, comme Jésus l’annonce en finale de sa parabole. Et comme nous y propose fortement cette Année Sainte Jubilaire 2025 en faisant de nous des « pèlerins d’espérance ».
AMEN
Frère Guillaume
17e Dimanche du Temps Ordinaire, année C
27 juillet 2025
Gn 18, 20-32 – Ps 137 – Col 2, 12-14 – Lc 11, 1-13
Frères et sœurs,
La première lecture et l’évangile de ce dimanche constituent une sorte d’enseignement sur la prière de demande, mais chacune de façon différente.
La première lecture est un texte que je trouve admirable. Admirable parce qu’il nous montre Abraham dialoguant avec son Dieu, c’est cela la prière, mais d’une façon qui sort de nos critères de bienséance.
Oserions-nous, en effet négocier, voire marchander avec Dieu comme le fait Abraham ? Nous avons peut-être une vision trop aseptisée de la prière. Abraham, et les hommes de la Bible, en général, comme ceux qui s’expriment dans les psaumes ; prennent parfois bien des libertés avec Dieu.
Ainsi Abraham, devant la décision du Seigneur de venir voir si Sodome et Gomorrhe sont aussi coupables que la rumeur le dit, se pose en avocat.
Remarquons quand même que le Seigneur est en de bonnes dispositions. Il est prêt à reconnaître que la clameur parvenue jusqu’à lui est de l’ordre des fake news ou non. Et Abraham est audacieux, il connaît son Dieu. Il sait qu’il est profondément juste et miséricordieux. Il sait comme l’a dit plus tard le pape François, que la toute-puissance du Seigneur, c’est sa miséricorde. Alors Abraham n’hésite pas : « vas-tu faire périr le juste avec le coupable ? Vraiment ? » Et en plus Abraham a le culot de donner lui-même la réponse : « Loin de toi de faire une chose pareille ! Traiter le juste de la même manière que le coupable » et il répète « loin de toi d’agir ainsi ». Et le marchandage se met en place : d’abord 50 justes. Et le Seigneur cède : « pour 50 justes dans la ville, je ne détruirai pas. » Bon, mais Abraham sait sans doute qu’il n’y aura peut-être pas 50 justes et il continue : peut-être n’y aura-t’il que 45 justes puis 40 puis 30… on se demande où cela va-t’il s’arrêter… puis 20, et enfin 10. Et là, le marchandage s’arrête. Le résultat n’est quand même pas mal, Abraham a fait passer la limite de la destruction de Sodome de 50 justes à 10.
De plus il y a presque de l’humour lorsqu’Abraham dit « J’ose encore parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendres » ou encore « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère si je parle encore ». Il prend des précautions, mais en fait, il fait plier son Seigneur
On aurait pu croire que Sodome allait être sauvée. La suite du récit nous montre cependant le contraire, car Sodome semble avoir été totalement impie. Mais pourquoi le récit n’a-t’il pas été jusqu’à un juste ? Eh bien, il me semble que le but de ce récit n’était pas d’aller faire dire à Dieu qu’il épargnerait la ville si elle comprenait moins de 10 justes. Cela, en effet, ne changeait rien au scandale de faire périr le juste avec le coupable. Ce que le texte dit avant tout, selon moi, c’est la fabuleuse liberté de relation entre l’homme et le Seigneur, liberté voulue par Dieu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Loin d’être la soumission à un dieu impitoyable, voire capricieux, la relation avec le Seigneur est une relation où l’homme se tient debout, est mis debout par Dieu devant lui. Il est responsabilisé par son Créateur. Je trouve merveilleux ce marchandage qui exprime le sérieux avec lequel le Seigneur traite l’homme de prière qu’est Abraham. Lui, le Dieu de l’univers, le Tout-Puissant, va jusqu’à changer d’avis à la demande du priant. Nous sommes loin des religions païennes du temps avec leur soumission aveugle devant la fatalité du destin.
Et si l’on jette un regard sur le Nouveau Testament, n’oublions pas que le Christ a dit qu’au jour du jugement, Sodome sera traitée moins sévèrement que les villes qui auront refusé les disciples envoyés par le Christ. Pour Jésus, la destinée de Sodome n’est pas définitive donc. Est-ce une conséquence de la prière d’Abraham ?
L’évangile nous parle aussi de prière, et d’abord de Jésus en prière. C’est un thème récurrent dans l’évangile selon saint Luc. On peut imaginer que ses disciples le voient, et souhaitent apprendre de leur maître à prier comme Jean-Baptiste l’a fait à ses disciples. Et Jésus leur enseigne le Notre Père.
Mais de suite après, Jésus leur enseigne la confiance dans le Père à partir d’exemples de la vie concrète. Si l’on insiste auprès d’un ami, si l’on demande, si l’on cherche, si l’on frappe, on aura une réponse, car Dieu ne peut donner quelque chose de mauvais à quelqu’un qui demande quelque chose de bon. Pourtant, Jésus opère un déplacement. En effet, lorsque la demande est adressée à Dieu, c’est l’Esprit Saint qu’il s’agit de demander et non plus des aliments. Pourquoi demander l’Esprit Saint ? Peut-être pour être plus à même de faire une demande qui plaise à Dieu ? Ou pour être capable de reconnaître le don que Dieu nous fait, car il n’est pas rare d’être exaucé par Dieu d’une manière autre que ce que nous espérions.
La question de la prière, et surtout de la prière de détresse non exaucée n’est pas facile et le Christ ne donne pas de réponse à ce sujet. Mais si l’on regarde sa Passion, ou plus exactement sa prière au Jardin des Oliviers, la veille de sa Passion, nous constatons que Jésus implore son Père pour que la croix lui soit épargnée, mais il accepte que la volonté du Père se fasse. Non pas que le Père désire voir son Fils être crucifié, mais le Père invite son Fils à témoigner jusqu’au bout de l’amour de Dieu pour les hommes, et dans notre monde tel qu’il est, cela ne pouvait que passer par la Croix, et le Christ l’a compris. Jésus se joint ainsi à la longue cohorte de ceux et celles dont le désir n’a pas été exaucé, du moins, dans un premier temps.
Quant à la seconde lecture, qui n’a pas de liens direct avec les deux autres, elle nous situe à un autre niveau, celui de la contemplation du mystère pascal du Christ et de ses conséquences pour nous. Le Christ est mort et a été mis au tombeau, et nous avons été mis au tombeau avec lui à cause de nos fautes. Mais il est ressuscité et nous sommes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. En Jésus, Dieu a rejoint notre destiné humaine et l’a fait sienne.
C’est avec cette foi qu’il devient possible d’aborder autrement la prière, non pas pour faire de Dieu un distributeur automatique de grâces, de cadeaux au risque de nous détourner de lui si nous ne sommes pas exaucés. C’est l’attitude du paganisme romain contemporain du Christ : je donne à la divinité pour qu’elle me donne, sinon, je chercher une autre divinité. Dans la relation adulte que Dieu nous propose, il s’agit de demander l’Esprit Saint pour nous éclairer sur le contenu de notre prière.
Frères et sœurs, en quoi consiste notre prière ? quelle est la place de la louange ? quelle est notre foi au Dieu que nous prions ? Quelle est notre audace à l’image d’Abraham ? Mais aussi, quelle place laissons-nous à l’Esprit Saint pour inspirer notre prière ? Et enfin, quelle est la place en nous de ce dialogue quotidien avec Dieu, dialogue confiant, parfois critique, parfois, pourquoi pas humoristique, mais toujours dans la foi en un Dieu fou d’amour pour tous et toutes ?
Que les lectures de ce jour nous aident à entrer dans une relation adulte avec notre Dieu, c’est ce qu’il désire pour nous.
AMEN
Frère Jean-Louis