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1. De la sainte Pâque à la Pentecôte, les frères prendront leur repas à sexte et souperont le soir.
2. À partir de la Pentecôte, pendant tout l'été, si les moines n'ont pas de travaux agricoles et que les ardeurs excessives de l'été ne les incommodent pas, ils jeûneront jusqu'à none les mercredis et vendredis.
3. Les autres jours ils déjeuneront à sexte.
4. S'ils ont du travail aux champs ou si la chaleur de l'été est excessive, il faudra maintenir le déjeuner à sexte, et ce sera à l'abbé d'y pourvoir.
5. Et il équilibrera et réglera toute chose en sorte que les âmes se sauvent et que les frères fassent ce qu'ils font sans murmure fondé.
6. Des Ides de septembre au début du carême, le repas sera toujours à none.
Il y a des questions que Benoit se pose et que nous ne nous posons plus. Celle de l'heure des repas en est une. Entre le 60s et le 21 os, nous sommes passés d'une conception liturgique de l'horaire, enracinée dans une vision cosmique à une approche plus mécanique. Nos repas sont fixés de manière indifférente quel que soit les temps liturgiques et les saisons. Notre référence n'est plus le soleil, ni le temps liturgique, mais la montre. Notre conception du temps est devenue plus mesurée et quantitative que symbolique. On « a » du temps, on « gagne» du temps, on en « perd » ... L'inconvénient d'une telle approche est de nous faire penser que nous sommes les maitres du temps, que tout dépend de nous. A force de vouloir gagner du temps, on risque de vivre sous une pression telle que cela engendre stress, fatigue ou problèmes de santé ... Tel est notre contexte culturel dont les moyens techniques de plus en plus performants ont tendance à accentuer les traits. Paradoxalement, ces moyens qui nous font « gagner du temps» génèrent un stress supplémentaire pour en gagner davantage ...
Notre rythme monastique peut-il nous aider à sortir de cette logique en spirale, voire d'une certaine idolâtrie du temps? Nous le savons, hommes de notre époque, nous ne sommes pas à l'abri des dangers de cette conception ambiante du temps. Si nous n'y prêtons pas attention, le rythme haché de nos journées en raison des offices, peut générer stress et tension. C'est ici qu'il faut nous repositionner avec fermeté pour ne pas nous tromper de combat. Sommes-nous ici pour gagner du temps à tout prix ou sommes-nous là pour donner notre temps à Dieu et à nos frères? Quelle est notre priorité? Maitriser notre vie selon nos vues humaines d'efficacité et de rentabilité, ou bien abandonner nos vies dans l'obéissance à Dieu et à nos frères? Nous sommes continuellement invités à un discernement dans la manière de conduire notre vie et nos priorités. L'horaire monastique reste une aide et une école pour accomplir ce discernement. S'arrêter pour l'office, pour un repas ou une réunion communautaire inscrit la priorité d'un temps donné à Dieu et aux frères, sur le temps personnel maitrisé de mes activités. J'accepte de ne pas tout faire comme je veux, de ne pas tout programmer. J'accepte de renoncer à des choses qui me plaisent pour honorer d'abord Dieu et mes frères. Rude école, mais libérante école face à la tentation de toute puissance. Ecole de vérité sur les motivations de nos choix alors que les charges de travail ne diminuent pas. Que le Seigneur nous apprenne à discerner et à le laisser nous façonner, lui le Seul Maitre du temps.(2016-03-03)
1. « Chacun tient de Dieu un don particulier, l'un comme ceci, l'autre comme cela. »
2. Aussi est-ce avec quelques scrupules que nous déterminons la quantité d'aliments pour les autres.
3. Cependant, eu égard à l'infirmité des faibles, nous croyons qu'il suffit d'une hémine de vin par tête et par jour.
4. Mais ceux à qui Dieu donne la force de s'en passer, qu'ils sachent qu'ils auront une récompense particulière.
5. Si les conditions locales et le travail ou la chaleur de l'été font qu'il en faut davantage, le supérieur en aura le pouvoir, en veillant toujours à ne pas laisser survenir la satiété ou l'ivresse.
6. Nous lisons, il est vrai, que « le vin n'est absolument pas fait pour les moines », mais puisqu'il est impossible d'en convaincre les moines de notre temps, accordons-nous du moins à ne pas boire jusqu'à satiété, mais plus sobrement,
RB 40 De la quantité de boisson.
Ce chapitre sur la quantité de vin à adopter en communauté peut nous faire réfléchir sur le lien entre la mesure que chacun peut assurer et celle proposée à une communauté. Benoit est très scrupuleux pour déterminer une mesure égale à chacun. S'abstenir de vin ne semble pas possible à tous, il s'agit dès lors d'un don reçu de Dieu. Du coup, il cherche avec finesse à fixer un minimum qui permette d'éviter l'ivresse et la satiété. Le plus important est certainement à ses yeux de permettre un consensus global. Ceux qui peuvent s'en passer complètement connaissent leur récompense. L'idéal de l'abstention n'est pas oublié, mais il est laissé à l'appréciation de chacun.
Au regard de notre propre façon de faire à la Pierre qui Vire, de ne boire du vin que pour les fêtes, ou à des occasions festives comme dans les groupes, nous pouvons mesurer l'importance d'une tradition communautaire. Cette tradition, nous la recevons du P. Muard qui, adoptant pourtant la RB, n'a pas retenu cette concession faite par Benoit à ses moines au sujet du vin. Nous sommes donc porteurs et portés par une tradition un peu plus ascétique. Je crois que nous la vivons comme une chance: celle d'être entrainé sur ce point à une mesure dont nous apprécions le bienfait. Elle donne à nos repas une certaine sobriété, et à l'inverse, boire du vin les jours de fête, renforce la note joyeuse de nos repas. Je veux simplement souligner le poids heureux d'une tradition reçue des générations passées. Elle créé une sorte d'habitude qui constitue un précieux point d'appui dans notre désir de demeurer sobre, afin de rester vigilant pour Dieu. Entre le discernement personnel, et la règle de St Benoit plus générale, la tradition communautaire se présente comme une aide sur notre chemin de moine. Nous sommes portés par un élan qui nous précède et qui nous tire vers le haut. Nous n'avons pas à nous en glorifier, mais plutôt à en rendre grâce comme d'un précieux héritage immérité. (2016-03-01)
6. S'il arrive que le travail devienne plus intense, l'abbé aura tout pouvoir pour ajouter quelque chose, si c'est utile,
7. en évitant avant tout la goinfrerie et que jamais l'indigestion ne survienne à un moine,
8. car rien n'est si contraire à tout chrétien que la goinfrerie,
9. comme le dit Notre Seigneur : « Prenez garde que la goinfrerie ne vous appesantisse le cœur. »
10. Quant aux enfants d'âge tendre, on ne gardera pas pour eux la même mesure, mais une moindre que pour les plus âgés, en gardant en tout la sobriété.
11. Quant à la viande des quadrupèdes, tous s'abstiendront absolument d'en manger, sauf les malades très affaiblis.
Travail supplémentaire, maladie, enfant et personnes plus âgées: quatre cas envisagés ou mentionnés par Benoit qui peuvent conduire à mitiger la règle commune concernant la nourriture. Comme toujours dans la RB, après avoir présenté la norme pour tous, les exceptions sont prises en compte. Il ne s'agit pas de faire du forcing, mais de permettre à chacun de mener à bien son chemin, sans négliger sa santé. En cette période de jeûne, je rappelle aux plus anciens, qu'une assiette de fromage est disponible sur la table des régimes le matin, ainsi que le compotier de fruit pour les autres repas. De même pour des frères qui en éprouveraient la nécessité. Certains m'en ont parlé. La parole en ce domaine permet de demeurer dans la dynamique spirituelle de la remise de soi à Dieu.
Evagre écrit dans les Bases de la vie monastique (10) : « Il arrive que le corps soit malade et qu'il faille manger deux ou trois fois ou même souvent; que ta pensée n'en soit pas affligée [soit prête à cette éventualité). Il ne faut pas, en effet, que les labeurs corporels de notre genre de vie soient maintenus dans les maladies, mais on doit renoncer à certains pour revenir plus vite à la santé et reprendre ces mêmes labeurs de notre vie ». On peut entendre dans ces lignes, la grande liberté laissée afin de ne pas ruiner la santé, et en même temps le désir spirituel de revenir à l'entrainement habituel.
Ces jours de carême voudraient nous permettre de « retrouver la pureté du cœur» et nous « libérer de nos égoïsmes» comme le suggère la préface 2 à la messe pour le Carême. Le jeûne, la prière plus assidue, la lecture spirituelle plus constante, l'attention au frère, voudraient nous désencombrer intérieurement et nous aider à rentrer en nous-mêmes. Retrouver plus de fraicheur et de vigueur dans notre désir de nous donner à Dieu et aux frères. Si le Carême met en lumière nos pauvretés et nos limites, et si nous ne nous en attristons pas, pour les offrir au Seigneur, nous n'aurons pas perdu notre temps. L'offrande de notre faiblesse sera l'expression de notre plus grande disponibilité à la grâce qui seule vient nous guérir et fortifier. « Par ta grâce tu nous guéris, Seigneur, et tu nous donnes déjà les biens du ciel alors que nous sommes encore sur la terre» ... prierons nous ce matin ... (2016-02-27)
1. Nous croyons qu'il suffit à toutes les tables pour le repas quotidien, qu'il ait lieu à sexte ou à none, de deux plats cuits, en raison des diverses infirmités,
2. pour que celui qui ne peut manger de l'un, fasse son repas de l'autre.
3. Donc deux plats cuits suffiront à tous les frères ; et s'il y a moyen d'avoir des fruits ou des légumes tendres, on en ajoutera un troisième.
4. Une livre de pain bien pesée suffira pour la journée, qu'il y ait un seul repas ou déjeuner et souper.
5. Si l'on doit souper, le cellérier gardera le tiers de cette même livre pour le rendre au souper.
Hier je parlais de réfréner son appétit en attendant les autres pour passer au plat suivant. St Benoit donne ce matin un cadre alimentaire à ses moines, scandé par la formule « il suffit ». La vie monastique commune est une école qui vient éduquer à tous les niveaux de notre vie humaine et chrétienne. Elle ne se contente pas d'énoncer des principes, elle offre une pédagogie concrète. Celle qui touche la nourriture est une des plus sensibles. Mangeant tous les jours, ne pouvant nous abstenir au risque de dépérir, la nourriture a toujours à voir avec notre lutte pour la vie et contre la mort. Lutte réelle, car si on jeûne trop ou mange mal, on s'expose à des risques de santé. Mais plus encore lutte qui se joue dans notre imaginaire qui peut vite exagérer et grossir les difficultés et les peurs.
La règle commune en temps normal comme en période de jeûne se veut éducative. Le vieil homme en nous, celui qui est toujours prompt à râler, à murmurer, voire à se rebeller, aura tendance à nous faire considérer cette règle commune comme un fardeau, voire comme une injustice. Mais l'homme nouveau, celui qui veut vivre à l'écoute de l'Esprit, tirera profit de la règle commune. Et quel profit? J'en vois deux: celui d'une plus grande confiance en Dieu, et celui d'une plus grande maitrise de soi. Nous lisions il y a peu au vigiles, le récit de la manne récoltée par le peuple hébreu dans le désert. Dieu donnait la manne à chacun selon ses besoins. Il invitait par l'intermédiaire de Moïse à ne pas faire de réserve pour le lendemain. Or certains s'en réservèrent pour le lendemain. Le surplus devint alors infecté de vers et nauséabond. Moïse s'irrita. Ces gens n'avaient pas fait confiance au Seigneur qui donnerait chaque jour le pain nécessaire. Nous tenir à une mesure précise, celle donnée par notre règle commune, c'est apprendre à demeurer dans la confiance. Consentir simplement à ce qui m'est donné, sans peur ni chercher à me réserver des choses, c'est dire à Dieu: « Je te fais confiance, je sais que tu prends soin de moi ». Second profit: la maitrise de soi. Celle-ci ne nous est pas spontanée, et nous avons tous à rester vigilants. La norme commune nous enseigne à mieux nous connaître, à mieux nous réguler. Elle nous aide aussi à ne pas devenir obsédés par ces questions de nourriture. En mangeant ce que la communauté me donne, j'apprends à réfréner mes désirs d'originalité ou de mets spéciaux. Il m'est laissé la liberté de prendre plus ou moins, et de régler ainsi mes appétits tout en partageant la vie de tous. (2016-02-26)
5. Et il se fera un silence complet, en sorte que, dans la pièce, on n'entende personne chuchoter ou élever la voix, sinon le seul lecteur.
6. Quant à ce qui est nécessaire pour manger et boire, les frères se serviront à tour de rôle, de telle sorte que nul n'ait besoin de rien demander.
7. Si pourtant on a besoin de quelque chose, on le demandera en faisant retentir un signal quelconque, plutôt qu'en élevant la voix.
8. Personne non plus, dans la pièce, ne se permettra de poser aucune question sur la lecture ou sur autre chose, pour ne pas donner d'occasion,
9. sauf si le supérieur voulait dire brièvement un mot pour l'édification.
10. Le frère lecteur hebdomadier prendra le mixte avant de commencer à lire, à cause de la sainte communion et de peur que le jeûne ne lui soit pénible à supporter.
11. Mais c'est plus tard qu'il prendra son repas, avec les hebdomadiers de la cuisine et les serviteurs.
12. Les frères ne liront ni ne chanteront tous à la suite, mais seulement ceux qui édifient les auditeurs.
RB 38, 5-12 Du lecteur hebdomadier.
« Il se fera un complet silence». Il n'est pas rare d'entendre des personnes qui nous envient de pouvoir manger en silence à l'écoute d'une lecture. Tant de repas laissent insatisfaits par les échanges banals. D'autres ne sont que des moments vite expédiés sans offrir un vrai repos. Notre repas monastique accompagné d'une lecture est un moment recréateur grâce à la parole entendue, ainsi qu'au temps laissé pour l'assimiler. Silencieux, il n'en demeure pas moins un temps de sobre convivialité fraternelle. Convivialité vécue dans l'attention mutuelle: « les frères se serviront à tour de rôle». L'art du repas commun tient ainsi à peu de chose: un climat de silence, une lecture qui nourrit l'esprit, une attention mutuelle dans une sobre convivialité et une nourriture simple mais bonne prise ensemble avec joie.
De cet art, nous sommes tous responsable. Nous pouvons nous entraider à le maintenir. Ici je rappelle, et j'insiste sur un point: prenons le temps de nous attendre les uns les autres dans la succession des plats. Faisons-nous cet honneur mutuel de manger ensemble. Il s'agit, avant tout d'une attention: attention à soi pour réfréner ses appétits et apprendre à manger sans courir, tranquillement. Notre estomac ne s'en trouvera que mieux. Mais aussi attention aux autres auxquels on s'ajuste pour vivre pleinement en communion avec eux dans un même rythme. Je remarque que c'est peut-être plus facile à vivre à la table du P. Abbé car on regarde le P. Abbé. Mais je crois que c'est possible à toutes les tables. Je demande qu'on veille à ne pas courir et à ne pas enfiler son repas comme si on était tout seul. Ce n'est pas un détail. Si nous prenions le repas en parlant, on ne supporterait pas qu'un frère prenne l'assiette de fromage alors que tous en sont au poisson. On lui dirait: « attends un peu». De même, dans nos repas en silence, ne pressons pas les choses. Certains frères, par souci de serviabilité tendent le fromage et le dessert à un frère, alors que tous en sont encore au plat principal.
Rendons-nous ce service, mieux cet honneur mutuel, de manger vraiment ensemble et de nous attendre. Nos repas s'en trouveront plus fraternels, plus dignes.(2016-02-25)
1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.
2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.
3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.
Ce chapitre sur le lecteur durant le repas prend place dans la série des services rendu au monastère: après celui de la cuisine et celui de l'infirmier. On peut noter qu'il vient avant ceux sur la quantité de nourriture (39) et de boisson (40), ainsi qu'avant celui sur l'heure du repas (41). Benoit met en première place la lecture durant le repas, en fait lecture de la Parole de Dieu, avant les considérations concrètes de nourriture, de boisson et d'horaire. Sans l'expliciter, il est fidèle à la conviction scripturaire: « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu» qui pouvait motiver d'autres auteurs monastiques dont il s'est inspiré sur le même sujet.
Je remercie notre f. Matthieu qui choisit les livres, ainsi que les articles de nos lectures à table. Choix toujours délicat et subtil entre ce qui est lisible durant le repas, ce qui est utile et nourrissant pour la communauté dans son ensemble. C'est toujours un défi. De même que tous n'aiment pas tel ou tel aliment, tous n'adhèrent pas nécessairement de la même manière à ce qui est lu. A la différence des aliments pour lesquels des exceptions et des régimes s'imposent, pour la lecture tous nous avons le même régime. Pas question de proposer des lectures particulières. Impossible aussi de ne pas les entendre. La lecture commune durant les repas est vraiment un bel exercice communautaire. A l'instar de l'office choral où un même menu de psaumes et de lectures de l'Ecriture nous est servi, durant le repas, nous sommes nourris et informés par les mêmes textes. Il est heureux parfois quand dans les groupes, on prend le temps de parler de cette lecture à table pour partager sur ce qu'on en a retenu, ce qui nous a formé, aidé et conforté. Jour après jour, cette lecture façonne une part de notre intelligence communautaire de la vie de l'Eglise et de son histoire, mais aussi de l’œuvre de l'Esprit dans les saints ou les grands témoins (P. Serge de Beaurecueil ou f. Aloïs, Monsieur Vincent). Elle nous ouvre aussi sur les grandes questions contemporaines, nous rendant attentifs aux évolutions de notre monde (la question des migrants, de l'Europe, de l'économie, des équilibres au Proche Orient). Comme Benoit le recommande, la lecture ne peut pas être faite au hasard. Elle demande un discernement toujours en quête de justesse et de vérité, d'amour de l'Eglise ainsi que d'ouverture au monde dans ses recherches et tâtonnements. Nous ne sommes pas des spectateurs qui jugent de tout, mais des hommes solidaires de nos contemporains qui voudrions laisser le ferment de l'évangile transformer nos intelligences et nos cœurs afin d'être là où nous sommes serviteurs de la volonté de notre Père. (2016-02-24)
1. Bien que la nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, l'autorité de la règle doit cependant y pourvoir.
2. On aura toujours égard à leur faiblesse et on ne les astreindra nullement aux rigueurs de la règle en matière d'aliments,
3. mais on aura pour eux de tendres égards et ils devanceront les heures réglementaires.
« Bien que le nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants » ... Le P. Adalbert a traduit par « indulgence» le mot « misericordia» de la RB. Benoit part donc d'une considération assez générale sur la nature humaine qui est spontanément portée à la « miséricorde» envers la vieillesse et l'enfance. Je suis intéressé de retrouver sur ce point un parallèle étroit avec ce que le pape François dit dans la lettre d'indiction pour le jubilé de la Miséricorde. Je cite: « La miséricorde, c'est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu'il jette un regard sincère sur le frère qu'il rencontre sur le chemin de la vie» (2). Le pape François parle de « loi fondamentale dans le cœur de chacun », St Benoit de la « nature humaine incline à» ... Si « la miséricorde est le propre de Dieu dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde» selon les paroles de Thomas d'Aquin reprises par le pape François (6), elle est aussi inscrite dans le cœur de l'homme.
Dans la RB on retrouve ces deux aspects, quand St Benoit rapporte le mot « miséricorde» aussi bien à Dieu, qu'à l'homme. Propre de Dieu, la miséricorde est pour le moine comme un rempart dont il ne doit jamais désespérer (RB 4,74). Dans le même sens, l'assurance de la miséricorde divine encourage le moine à confesser ses péchés à un ancien (RB 7,46). Plus étonnant pour nous, en parlant de l'accueil de l'hôte, Benoit invite à conclure le rituel du lavement des pieds en disant le verset: « Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple»(Ps 47, 10 - RB 53,14). La miséricorde du Seigneur s'est manifestée dans l'hôte qu'on a reçu. C'est une preuve de sa bonté qu'il soit venu jusqu'à nous dans l'hôte accueilli. Magnifique regard de foi. La miséricorde est aussi le fait de l'homme. D'une manière paradoxale, Benoit met en garde les frères qui ont davantage de besoins et à qui on marque davantage d'attention de ne pas tirer orgueil de la miséricorde qu'on a pour eux (RB 34, 5). A l'abbé, est recommandé d'être « miséricordieux », et de faire en sorte dans ce qu'il ordonne que « 'la miséricorde l'emporte toujours sur le jugement', afin qu'il obtienne pour lui le même traitement» (sous-entendu de Dieu) (Je 2,13 - RB 64, 9-10). L'abbé reste lui-même sous la miséricorde divine. Celle-ci se présente comme la vraie norme de la miséricorde vécue par l'homme. (2016-02-23)
7. Ces frères malades auront un logement à part affecté à leur usage, et un serviteur qui ait la crainte de Dieu et qui soit attentionné, soigneux.
8. Toutes les fois que c'est utile, on offrira aux malades de prendre des bains, mais à ceux qui sont bien portants et surtout aux jeunes, on ne le permettra que plus rarement.
9. En outre, on permettra aux malades très affaiblis de manger de la viande, pour qu'ils se remettent ; mais quand ils seront mieux, ils se passeront tous de viande comme à l'ordinaire.
10. L'abbé prendra le plus grand soin que les malades ne soient pas négligés par les cellériers ou par les serviteurs. Lui aussi, il est responsable de toute faute commise par ses disciples.
RB 36, 7-10 Des frères malades.
Benoit précise ce matin les conditions réservées aux frères malades : un logement à part, la possibilité de prendre des bains, et un régime alimentaire camé, tout cela sous la responsabilité d'un frère qui a « la crainte de Dieu attentionné et soigneux ». Ici, nous remercions f. Ambroise pour ce service exigent qui demande beaucoup de présence et de patience. En notre nom à tous, il veille sur les frères de l'infirmerie, et il est notre interlocuteur pour toutes les questions de santé.
Je voudrais dire un mot ce matin au sujet de f. Charles. Nous avions échangé entre Janvier et Avril 2014, sur l'opportunité de le placer dans une unité de soins pour personnes qui ont la maladie d'Alzheimer ou apparentée. De ces échanges était ressorti un consensus sur cette opportunité afin de ne faire trop peser sur les forces plus jeunes la charge. Nous avions visité deux lieux: Brinon et Avallon. Après réflexion, j'avais conclu qu' Avallon était sûrement préférable en raison de la proximité. Les choses sont restées en sommeil car f. Charles demeurait encore bien présent. Aujourd'hui, son état se dégrade davantage. Il marche plus difficilement. Il n'a pas toujours la capacité de manger, ne sachant pas comment faire. F. Ambroise a déposé le dossier à l'EPHAD d'Avallon, en vue d'une intégration qui pourrait se faire dans les mois qui viennent. Il est préférable qu'un changement intervienne pour lui maintenant alors qu'il est encore assez autonome, afin qu'il assume au mieux les bouleversements que cela impliquera. Ce sera une étape difficile pour lui et pour nous qui nous séparerons de lui. Cela sera aussi un soulagement pour le f. Ambroise pour qui les soins et l'attention journalière pouvaient être lourds parfois.
La proximité d ' Avallon devrait permettre de rester proche de f. Charles en profitant d'une course pour aller le visiter, ou en y allant parfois le dimanche. Ce lien sera important pour lui, même si l'impact sera toujours difficile à mesurer, pour nous car il reste notre frère et pour le personnel qui 'Se dévoue et qui a besoin de se sentir encouragé. Nous en reparlerons quand les choses se préciseront. – (2016-02-20)
1. Il faut prendre soin des malades avant tout et par-dessus tout, en les servant vraiment comme le Christ,
2. puisqu'il a dit : « J'ai été malade, et vous m'avez rendu visite »,
3. et : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »
4. Mais les malades, de leur côté, considéreront que c'est en l'honneur de Dieu qu'on les sert, et ils ne peineront pas, par leurs vaines exigences, leurs frères qui les servent.
5. Il faut pourtant les supporter avec patience, car des hommes de cette espèce font gagner une plus grande récompense.
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
Nous entendions il y a quelques jours l'évangile du jugement dernier en St Matthieu, dont Benoit utilise ici deux citations. Cet évangile se présente à nous comme un diamant que rien ne peut altérer et qui demeure une exigence de tous les temps et de tous les moments. Devant cette exigence, nous ne sommes jamais quittes. Jamais on ne peut dire: « ça y est, j'ai fait mon devoir, ou bien j'ai donné ma part, je peux me reposer et laisser les autres faire aussi leur part ». Le Seigneur Jésus ne cesse de venir à nous sous le visage du pauvre, du malade, de l'homme blessé qui attend de nous un réconfort. Nos frères malades, nos frères anciens et fragilisés dans leur santé, sont au milieu de nous cette icône du Christ qui a voulu s'identifier à nous jusque dans notre faiblesse. Leur présence, relue dans la foi, devient un appel. Là où la faiblesse des autres peut nous faire peur, là où nous sommes capable de l'occulter, cette parole du Christ nous engage à demeurer ouverts aujourd'hui et demain. Sans peur, sans culpabilité non plus, cette parole du Christ nous engage à assumer pleinement notre commune fragilité en la condition humaine. La fragilité de mon frère aujourd'hui sera un jour la mienne. Le Christ nous appelle à ne jamais oublier cette solidarité fondamentale. Solidarité d'intérêt, oui, mais pour devenir en Lui communion dans l'Amour. Chaque être humain est appelé à cette communion et ne peut en être exclu. Bonne Nouvelle de la prévenance de Dieu pour chacun qui vient bousculer les limites que nous mettons si facilement à l'amour et au don de nous- mêmes. Quand nous nous reconnaissons pécheur, c'est notre petitesse et notre étroitesse de cœur face à l'appel de l'Amour que nous confessons surtout.
Ce chapitre entendu pendant le Carême nous interpelle pour prendre plus au sérieux le poids de vérité et d'amour des mille petites attentions vécues au quotidien. Notre vie communautaire offre de multiples occasions de les pratiquer. Avec courage, exerçons-nous à la patience et à l'attention les uns envers les autres. Avec joie aussi car nous apprenons alors à aimer davantage. (2016-02-19)
7. Celui qui va sortir de semaine fera les nettoyages le samedi.
8. Ils laveront les linges avec lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds.
9. Ils laveront aussi les pieds de tous, non seulement celui qui sort, mais aussi celui qui va entrer.
10. Il rendra au cellérier, propres et en bon état, les ustensiles de son service.
11. Le cellérier, à son tour, les remettra à celui qui entre, de façon à savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
12. Quand il n'y a qu'un repas, les semainiers recevront auparavant, en plus de la ration normale, un coup à boire et un pain chacun,
13. pour que, au moment du repas, ils servent leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue.
14. Mais aux jours sans jeûne, ils attendront jusqu'aux grâces.
On pourrait se demander: jusques à quand les moines ont-ils observé ce rituel institué par St Benoit, de laver les pieds des frères qui sortent ou qui entrent en service pour la cuisine? L'a-t-on repris au moment de notre fondation en 1850? Est-il encore en vigueur dans certains monastères aujourd'hui? Se poser cette question peut faire mesurer, et la force d'un tel geste et la difficulté de le perpétuer. La liturgie du Jeudi Saint l'a conservé comme une perle dans un écrin. Et le vivre tous les ans est toujours un moment particulier de grâce. A la différence de Benoit, nous peinons aujourd'hui à joindre à la vie très quotidienne ces gestes symboliques si profonds. Ils nous semblent être trop chargés de sens pour être ainsi répétés et associés à la vie ordinaire. En contrepartie, une compréhension unifiée de notre agir humain dans la lumière de l'évangile est moins évidente. Le moine de St Benoit qui lavait les pieds de son frère entrant en service, était uni au Christ, sans mot, ni réflexion, par le seul geste. De même le moine qui se prosternait devant un hôte avait-il une manière immédiate de reconnaitre le Christ en toute personne. De notre côté, les choses sont perçues plus conceptuellement mais sont moins inscrites dans la chair. Notre approche du mystère du Christ présent, servi et servant, au milieu de nous est donc autre.
Est-elle pour autant coupée de cette compréhension évangélique globale dont est empreinte la RB? Tout notre quotidien est porté par l'ambiance d'écoute et de silence, par le rythme de la prière liturgique. Ce cadre voudrait nous entrainer à vivre nos gestes les plus élémentaires de service, d'entraide, ou d'accueil de l'autre comme des moments pleins, sacrés. Sans sacraliser les choses, mais en leur donnant tout leur poids de vérité, de profondeur et de vie. C'est la raison pour laquelle Benoit insiste si souvent dans la RB sur la manière de faire et de vivre les choses, avec qualité et à propos, avec respect et humilité, avec charité et diligence. La manière de nous servir les uns les autres, de nous parler, de nous entraider va dire cette beauté et cette profondeur de nos relations et de nos activités vécues en Christ. Finalement, il ne nous est pas demandé de faire des choses extraordinaires, mais de les vivre avec justesse et noblesse. Elles sont l'expression de la charité vécue et toujours recherchée. (2016-02-12)