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49. Le sixième degré d'humilité est que le moine se contente de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus abject, et que, par rapport à tout ce qu'on lui commande, il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne,
50. en se disant avec le prophète : « J'ai été réduit à néant et je n'ai rien su. J'ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi. »
Le 1 er degré d'humilité nous disait qu'il faut chercher à vivre sous
le regard de Dieu. Par amour pour le Christ, vouloir participer à sa
Passion: c'étaient le 2ème, 3ème et 4ème degré. Avoir des
rapports de Foi avec notre Père Spirituel: le 5eme. Nous allons
aborder maintenant un degré un peu rude.
Ce degré est celui de l'humble acceptation de soi. Il marque le
renversement le plus profond que puisse connaitre une existence
humaine. Le moine devient « action de grâces ». Jusque là, d'une
certaine manière, quand les choses n'allaient pas, nous cherchions
un coupable. C'était la faute, de la communauté, de l'époque que
nous vivons, du temps qu'il fait, ou bien de notre enfance, de nos
parents, de la chance que l'on ne nous a pas donnée ...
Et puis, un beau matin quelque chose finit par basculer. Le
problème n'est plus de chercher un coupable, des responsables.
Non, le problème est devenu beaucoup plus simple. Il s'agit
d'aimer, tout simplement ce qui est! Aimer le lieu et les frères,
comme ils sont. La communauté et le travail qui nous sont donnés.
Aimer aussi nos propres limites, et les dons reçus. Mais aussi nous
aimer tout simplement nous-mêmes. Parce que Dieu nous aime
ainsi. C'est Lui qui nous donne la Vie. Et nos frères aussi nous
aiment comme nous sommes.
Ce sixième degré, c'est la fin d'un rêve. La fin d'une tentation.
Celle de vouloir correspondre à une image de nous-même qui
nous empêche de nous accepter en vérité comme nous sommes.
Ce sixième degré, c'est le passage si important du rêve de soi, à
l'humble acceptation de soi. L'accueil simple et paisible de la
réalité.
Pour que notre vie bascule dans ce sixième degré, il faut souvent
bien des années. Avec leur cortège d'épreuves, de désillusions, de
révoltes. Mais cela vient un jour. A force d'amour et de patience,
Dieu finit toujours par nous conduire là. Les frères qui nous ont
quittés ces derniers temps étaient des exemples souvent lumineux
de ce parcours de vie qui conduit à la simplicité et à la joie. Ce
bonheur est plus beau que nos rêves. Un simple bonheur
d'homme. Car Dieu s'est incarné pour nous apprendre à devenir
vraiment homme. -29/5/18 -
44. Le cinquième degré d'humilité est que, par une humble confession, on ne cache à son abbé aucune des pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions qu’on a commises en secret.
45. L'Écriture nous y exhorte en disant : « Révèle ta voie au Seigneur et espère en lui. »
46. Et elle dit aussi : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais. »
47. Et à son tour le prophète : « Je t'ai fait connaître mon délit et je n'ai pas dissimulé mes injustices.
48. J'ai dit : je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur, et tu as pardonné l'impiété de mon cœur. »
A la session d'Orval, sur l'ouverture du cœur, nous avons eu une conférence
du P. Césaire de Prad'Mill sur ce passage de la Règle. Prad'Mill est une
fondation de Lérins, en Italie. Ce que je vais dire est extrait des notes prises.
Ce 5ème degré d'humilité est un degré de passage: Passer de l'effort de
supporter les autres à l'effort de se supporter soi-même.
« Que, par une humble confession, on ne cache à son Abbé aucune des
pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions
qu'on a commises en secret ». Ici, St Benoit ne dit pas: « révèle» mais: « ne
cache pas ». Ne fais pas comme Adam, qui s'est caché pour échapper au
regard de Dieu. Ne pas avoir honte de nos pauvretés, de nos limites. Le
chemin de la vie monastique est un chemin de retour vers Dieu. Dorothée de
Gaza disait: « Si Adam ne s'était pas caché, s'il s'était présenté nu devant
Dieu, Dieu lui aurait pardonné sa faute, Il l'aurait remis dans sa splendeur
première ». Mais Adam a déchargé sa faute sur Eve. Il n'a pas menti, mais il a
caché son propre péché.
La Règle ne parle pas seulement des actes mauvais, mais aussi des pensées
mauvaises. Ce domaine des pensées, c'est un domaine tellement complexe
que nous ne pouvons pas nous débrouiller seul. Il ne s'agit pas de faire
attention à toutes nos pensées: ce serait tomber dans le scrupule. Mais les
pensées mauvaises luttent contre notre désir de faire le bien. St Antoine
disait: « Ce qui peut nous délivrer de ces pensées, c'est l'humilité. » Il ne
s'agit pas de les exposer sur la place publique, mais de s'en ouvrir au Père
Spirituel. L'ouverture du cœur pour arriver à la pureté du cœur.
Dans un premier mouvement, la tentation n'est qu'une pensée, une simple
suggestion, et nous sommes tentés de dialoguer avec elle. Comme Eve. Mais
nous ne devons pas dialoguer avec ce qui est mauvais. La tentation nous
trompe, nous avons besoin d'aide pour discerner ce qui vient de l'Esprit de
Dieu, et ce qui vient du Mauvais. Laisser juger nos pensées par la doctrine de
l'Eglise. Nous sommes comme des mouches prises dans une toile
d'araignée: plus nous nous agitons, nous débattons, plus nous sommes
ligotés. Nous avons besoin de l'aide du Père Spirituel, et de sa prière. Lui peut
nous aider à discerner ce qui nous entraine loin de la Vérité. Dans l'ouverture
du cœur, on lutte contre la volonté propre, qui veut nous faire prendre un
chemin tordu. Le mur, ce sont les lèvres closes, la non ouverture. Dès que je
dis cette pensée qui me trouble, je lui donne sa vraie dimension. Le but de
l'humilité n'est pas de nous abaisser, mais de rendre gloire à Dieu.
Et nous ne devons pas oublier non plus que ces tentations nous sont utiles.
Evagre disait: « Enlève les tentations, et plus personne ne sera sauvé. » Les
tentations nous mettent devant un choix. Dans notre vie nous devons préférer
l'amour du Christ. - 26/5/18 -
38. Et voulant montrer que le fidèle doit même supporter pour le Seigneur toutes les contrariétés, elle place ces paroles dans la bouche de ceux qui souffrent : « A cause de toi, nous sommes mis à mort chaque jour. On nous regarde comme des brebis de boucherie. »
39. Et sûrs de la récompense divine qu'ils espèrent, ils poursuivent en disant joyeusement : « Mais en tout cela, nous triomphons, à cause de celui qui nous a aimés. »
40. Et ailleurs, l'Écriture dit aussi : « Tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer au feu l'argent. Tu nous as fait tomber dans le filet. Tu nous as mis sur le dos des tribulations. »
41. Et pour montrer que nous devons être sous un supérieur, elle poursuit en ces termes : « Tu as fait chevaucher des hommes sur nos têtes. »
42. En outre, ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices : frappés sur une joue, ils présentent aussi l'autre ; à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau ; requis pour un mille, ils en font deux ;
43. avec l'Apôtre Paul, ils supportent les faux frères, et ils supportent la persécution et quand on les maudit, ils bénissent.
La fin de ce quatrième degré d'humilité ressemble un peu à une descente en
enfer! En effet, St Benoit compare le moine à une brebis d'abattoir, à l'argent
purifié au feu, à l'homme pris au piège, écrasé par des fardeaux accablants. Il
voit deux causes à cette situation: les supérieurs mis à notre tête, et les faux
frères, qui nous maudissent et disent du mal de nous.
Ici, St Benoit s'adresse à nous, quand nous sommes dans la tempête, quand
elle nous assaille de toutes parts. Quand elle nous fait gémir et grincer,
comme un bateau qui va couler. Il s'agit de ce sentiment d'incompréhension.
Lorsque nous avons l'impression que le monde entier se ligue contre nous.
Que rien ne nous réussit. Qu'au bout de toutes nos entreprises il y a toujours
l'échec. St Benoit veut nous aider quand nous nous sentons méconnu,
incompris, dénigrés par nos frères et même par nos supérieurs. la vie de Frère
Roger entendue au réfectoire nous montre que ces moments difficiles
existent. Pour un frère, et même pour une communauté.
Le risque, c'est l'amertume. Lorsque le piège semble se refermer sur nous. St
Benoit nous dévoilera l'issue de cette situation dans le degré suivant. La sortie
du piège, c'est l'ouverture de son cœur. Pour le moment, il s'agit de nous
taire, de garder silence, de supporter. Car nous ne pouvons rien faire de plus.
Vivre l'instant présent, car nous ne pouvons pas en supporter davantage.
Nous pouvons alors être tentés par l'amertume, et même par le murmure.
Nous retourner contre nos frères, contre nos supérieurs. Mais ce serait nous
tromper de cible. Dans cette position, le pardon nous semble impossible. Tout
ce que nous pouvons faire, c'est durer, attendre dans la nuit. Croire que ce
champ de bataille, cette dévastation, est permise par Dieu. Voilà le lieu que
Dieu a choisi pour se révéler à nous. Il veut nous reconstruire à sa
ressemblance.
C'est le moment de nous écrier, comme David, « Qui suis-je donc,
Seigneur? » David ne dit pas: « Seigneur, je ne suis rien. » Son cri a la forme
d'une interrogation. C'est un cri de désarroi et d'incompréhension. C'est le
mystère que chacun de nous est pour lui-même. Nous sommes à l'image et à
la ressemblance de Dieu. Nous sommes bien plus grands que ce que nous
imaginons. Ce que Dieu a détruit, ce sont nos rêves de gloire, de réussite, de
réalisation humaine.
Le grand paradoxe de l'humilité, c'est de découvrir avec stupeur que nous
sommes infiniment plus grands que ce petit « ego» auquel nous nous
accrochons. L'homme passe infiniment l'homme. « Car tu as du prix à mes
yeux, et je t'aime », nous dit Dieu en Isaïe. (Is 43/4) -25 Mai 18 -
35. Le quatrième degré d'humilité est que, dans l'exercice même de l'obéissance, quand on se voit imposer des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toute sorte, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience,
36. et que, tenant bon, on ne se décourage ni ne recule, selon le mot de l'Écriture : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. ;»
37. Et aussi : « Que ton cœur soit ferme ! Supporte le Seigneur. »
Ce matin, je fais volontiers le lien entre ce 4 0 d'humilité et le temps ordinaire que
nous reprenons, après les festivités pascales conclues par la Pentecôte. St Benoit insiste sur la
patience embrassée silencieusement dans les choses dures et contrariantes, sans se décourager
ni reculer. Dans la seconde lecture de la Pentecôte, nous entendions Paul nous dire que la
patience était un fruit de l'Esprit Saint, au côté de la douceur, de l'amour, de la fidélité et de la
maitrise de soi. De façon très consonante au terme de ce chapitre, Benoit dira que l'amour
auquel parvient le moine humble est une œuvre de l'Esprit Saint. Oui, avec ce temps ordinaire
qui recommence, nous entrons, sous la conduite de l'Esprit, dans la vie simple et quotidienne
qui requiert notre patience et notre persévérance. Patience et persévérance dans
l'accomplissement de notre service liturgique qui peut peser à certains jours. Patience et
persévérance pour demeurer fidèle dans la justesse de nos relations et dans notre vie donnée
au Seigneur. Patience et persévérance pour traverser les épines de discordes dans la maitrise
de soi et la paix, sans se laisser démonter. J'entendais quelqu'un dire il y a peu que la vie
monastique était un « martyr à petit feu». Si on a pu dire qu'en son origine la vie monastique
est née alors que s'achevait la période des persécutions contre les chrétiens, le lien entre
martyr et vie monastique est suggestif. En effet, les premiers chrétiens ont été des martyrs, des
témoins, non pas tant parce qu'ils ont souffert des tortures plus ou moins effrayantes, mais
parce qu'ils ont persévéré dans leur foi jusqu'au bout, jusqu'à la mort. Dans leur propos, les
moines ne poursuivent pas d'autres buts: celui de persévérer jusqu'au bout, jusqu'à la mort
dans une vie donnée et redonnée au Seigneur et aux frères chaque jour. Cette vie exigeante
qu'est la nôtre n'est pas une vie de torture. Nous ne sommes pas masochistes. Cependant à
certains jours, cette vie est rude et âpre parce que, comme les premiers martyrs, on choisit de
la remettre à un autre, au Seigneur, à travers l'obéissance et la vie commune. On choisit de ne
plus s'appartenir à soi-même. Voilà qui nous associe aux martyrs des premiers siècles et de
toujours. En ce début de temps ordinaire, au gré des activités quotidiennes, retrouvons ce sens
de la patience et de la persévérance. Elles nous apprendront à porter le poids du jour d'une
manière paisible qui pourra faire signe de l'espérance qui nous habite. Notre vie présente
parlera de la vie à venir. - 22.05.2018 -
34. Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur, dont l'Apôtre dit : « S'étant fait obéissant jusqu'à la mort. »
« Qu'on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur» ... Imitant
le Seigneur. Par 4 fois dans la Règle, Benoît exhorte à imiter le Seigneur Jésus ou ses paroles.
Dans trois cas, cela concerne l'obéissance, une fois au chapitre 5 et deux fois dans ce chapitre
7 et le dernier cas concerne l'abbé, appelé à imiter le bon pasteur dans son zèle pour aller
chercher la brebis égarée ...
Dans la vie chrétienne, il n'y a qu'un modèle c'est le Christ. .. Lui seul mérite que
nous essayons de conformer notre vie à la sienne et lui seu:,peut nous permettre de le faire par
le don de l'Esprit. Et ce n'est pas un hasard, si par 3 fois dans la Règle, Benoît invite à imiter
le Christ en son obéissance. En situant là, le lieu de notre imitation du Christ, elle nous place
au cœur de sa vie et au cœur de sa relation avec le Père. Il ne s'agit pas de vouloir imiter le
Christ en ses belles actions, en son charisme prophétique ou en ses capacités d'orateur. Non,
chacun peut rejoindre le Christ en son mystère le plus intime, à travers l'obéissance. C'est là
qu'Il vit en son être de Fils totalement tourné vers le Père et totalement donné pour faire sa
volonté. C'est là que chacun de nous peut grandir dans sa dignité d'enfant de Dieu, de fils du
Père, en devenant, peu à peu, nous aussi capable d'obéir et de nous donner pour faire sa
volonté. En ce 3° degré, Benoit précise qu'on imite le Christ «pour l'amour de Dieu».
L'amour de Dieu est déjà répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné.
Déjà, avec sa force, nous pouvons vivre quelque chose de cette intimité de Jésus pour son
Père. Modestement à notre place, mais réellement. La vie monastique qui est concrète nous
offre des repères pour incarner l'obéissance filiale à la suite du Christ. A travers l'obéissance
rendue au supérieur, chacun peut entrer dans ce mouvement de dépendance aimante vis à vis
du Père, mais aussi chaque fois que nous nous obéissons entre frères, ou plus simplement par
l'obéissance à nos coutumes communautaires ... Tous ces moyens concrets veulent nous
établir dans une disponibilité de cœur aimante à l'égard de notre Père des Cieux, en Jésus, par
l'Esprit Saint. - 18.05.2018 -
31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,
32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»
« Le 2d degré est que n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans
l'accomplissement de ses désirs .... » Est-il possible de ne pas avoir de volonté propre? St
Benoit ne nous demande pas ici de ne pas avoir de volonté propre. Il sait bien que chacun de
nous a une volonté avec laquelle il s'engage dans des choix petits ou grands, avec plus ou
moins de liberté. Etre humble ne consiste pas à renier sa volonté, mais à ne pas l'aimer et à ne
pas se complaire dans l'accomplissement de ses désirs. Le 2d degré nous invite à un choix,
celui de décider de ne pas donner la première place à notre volonté propre, ni à faire de
l'accomplissement de nos désirs la priorité ... Celui qui est humble a intégré ce choix. Il fait
passer la volonté de Dieu avant la sienne propre. Il cherche à accorder sa volonté à celle de
Dieu. Il prend pour modèle le Seigneur Jésus qui disait: « .le ne suis pas venu faire ma
volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé ». L'homme humble ressemblant de plus en plus à
Jésus devient paradoxalement un homme universel, accessible à tous, ouvert à tout homme
rencontré, comme le Maitre de Galilée. N'étant pas attaché à lui-même, mais à celui qui
l'envoie, il rejoint tout le monde sans prétention. Je pense ici au Père de Foucauld qui a
cherché à être le frère universel de tous, au cœur du désert. Parmi les Touaregs, partageant
leur vie et leur culture, dans la pauvreté, il se faisait proche de tous. Même les plus aisés, les
français colons de l'époque aimaient sa compagnie et remarquaient sa belle distinction,
cachée sous l'apparente pauvreté.
Au sein du monastère, dans le microcosme que représente une communauté
monastique avec sa grande diversité, le moine humble est appelé à devenir ce frère universel
qui fait sa place à chacun, parce qu'il n'est pas préoccupé d'assurer la sienne. La vie
fraternelle est une belle école d'humilité. Ecole éprouvante car elle nous surprend souvent en
flagrant délit de préoccupation excessive de nous-mêmes, de nos soucis, de nos travaux,
comme si les autres n'existaient pas vraiment ... Comment me décentrer de moi-même afin de
regarder l'autre pour lui-même? Comment ne chercher pas mon intérêt en voulant
absolument me préserver du temps, des facilités ou des avantages ... ? Pour mieux regarder
nos frères, contemplons Jésusqui est complètement décentré de lui-même. Demandons-lui la
grâce d'être comme lui préoccupé de faire la volonté du Père.
- 17.05.2018 -
23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »
24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »
25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »
26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,
27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,
28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,
29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,
30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »
« Vivre en présence de Dieu» : n'est-ce pas une manière de résumer ce premier degré
de l'humilité dont nous achevons aujourd'hui la lecture? Dieu est. Il est là. Il est toujours
éternellement présent, et à Lui-même et à toute sa création. Dire qu'il nous regarde, comme St
Benoit le suggère, veut moins signifier qu'il épie nos actes ou qu'il nous surveille, mais
davantage qu'il est présent à tout ce que nous sommes, s'il est vraiment Dieu. Nous ses
créatures, sorties de sa main, nous n'existons qu'en lui. Nous sommes enveloppés de sa
bienveillance, et soutenus par son action créatrice qui ne cesse de se prolonger à travers nous.
Rien de notre vie humaine n'échappe à son oeuvre vivifiante. Nous couper de lui, c'est nous
couper d'une source vitale. Il y a une dizaine de jours, l'image évangélique de la vigne et des
sarments, nous suggérait un lien étroit et essentiel entre le Christ et chacun de ses disciples.
Séparés de la vigne, les sarments dépérissent. Par cet enseignement, Jésus laisse entendre
combien la relation qui l'unit à son disciple est profonde et capitale. Au disciple, il est
seulement demandé de demeurer, de rester attaché à la vigne. Rien d'autre. A notre tour, il
s'agit d'être. D'être là en laissant la sève de la vigne nous apporter la vie et nous vivifier.
Dieu est là. Jésus vivant est là. Il nous propose d'être là sous son regard, attaché à sa parole,
uni à son souffle. Nos pensées, notre volonté, nos désirs trouveront peu à peu un nouveau
point d'attraction. Non plus la satisfaction par nous-mêmes de nos plaisirs immédiats, mais
l'ouverture à Dieu qui est là, qui connait nos besoins, et qui va en prendre soin. Nous quittons
la peur d'être seul et l'illusion de devoir nous débrouiller par nous-mêmes. Dieu est là qui
veille. Demeurer en lui, n'est pas une chose statique, mais au contraire très dynamique. C'est
apprendre à rester en sa présence au gré des évènements, des paroles entendues ou des
rencontres. A travers notre quotidien, il nous donne rendez-vous avec lui, autant qu'avec
nous-mêmes et avec les autres. Peut-être avez-vous déjà fait cette expérience de répondre à un
frère, qui veut vous dire quelque chose, que vous êtes pressés et que vous n'avez pas le temps
maintenant de l'entendre. Mais quelques instants après, vous réalisez que votre rendez-vous
initial a pris du retard et que vous auriez très bien pu vous arrêter pour écouter le premier
frère, au moins pour recueillir sa question ... N'en est-il pas souvent ainsi: nous sommes
conviés à être présents à tout ce qui survient. Dieu est là qui s'invite à l'improviste.
Apprenons à lui faire bon accueil, à demeurer en lui en toute chose. - 16.05.2018 -
14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »
15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »
16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »
17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »
18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »
19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »
20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.
21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,
22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »
« Pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours
dans son cœur: 'je ne serai sans tâche devant lui que si je me tiens en garde contre mon
iniquité' » ... Dans ce premier degré qui exhorte à vivre la crainte de Dieu, St Benoit entrai ne
le moine à être vigilant sur ses pensées, et sur sa volonté. Veiller sur ses pensées, faire en
sorte d'accomplir la volonté de Dieu et non la sienne propre, est une manière d'entrer dans la
crainte de Dieu. Se faisant, j'accepte de ne pas me prendre pour la référence de toute chose. Je
prends Dieu pour référence. Je mets une distance entre les pensées spontanées qui me
viennent à l'esprit et la réalité que je regarde dans la lumière de l'évangile. En ce sens, vivre
la crainte de Dieu n'a pas à voir avec la peur, mais plutôt avec ce mouvement de retenue par
lequel je retiens mon souffle pour mieux examiner ce que je dois faire.
Ici craindre Dieu est proche d'apprendre à se connaitre soi-même. Combien de fois, ne
nous prenons-nous pas en flagrant délit de méconnaissance ou d'illusion sur nous-mêmes!
Nous sommes happés par un désir d'avoir ou de faire quelque chose, désir qui, une fois
assouvi, se révèle bien décevant. .. il n'était pas mon vrai désir.Ou bien nous sommes en train
d'imaginer des choses sur les intentions d'un frère qui a eu une parole maladroite, choses qui
s'évanouissent quand on réalise que le frère était complètement ailleurs. Plus nous veillons
sur nous-mêmes, plus nous évitons les pièges de notre imaginaire trompeur et souvent
réducteur. Craindre Dieu nous permet de poser une limite claire à nos débordements
imaginaires: la limite de l'amour du Christ et de l'amour inconditionnel du prochain. Si c'est
Di eu que je désire servir, j'accepte et je garde en mémoire ses exigences et ses
commandements. Comme le disait un père du désert que je cite de mémoire: soyons à l'égard
de nos pensées ou de nos désirs, comme le garde d'une maison qui vérifie qui se présente.
Demandons à nos pensées: qui es-tu, d'où viens-tu? Certaines pensées qui surviennent à
l'improviste de manière intempestive, comme les pensées sexuelles, ou de manière plus
sournoise comme la tristesse ou le découragement, pourront s'évanouir devant l'exigence de
clarté qu'on leur impose. Pour St Benoit, craindre Dieu et chasser l'oubli de Dieu revient à
accroitre la vigilance sur soi et la connaissance de soi. Un chemin d'humilité s'ouvre sur
lequel nous mesurons vite combien nous sommes très instables dans nos pensées, et très
inconsistants parfois. Il nous reste à nous tourner vers le Seigneur pour implorer son aide, sa
lumière quand le tourbillon des pensées vient nous ébranler et nous déraciner. - 15.05.2018 -
10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,
Avec ce premier degré de l'échelle de l'humilité, St Benoit se fait vraiment
pédagogue. Depuis la crainte, il faudra en effet 12 0 pour arriver à « cet amour qui chasse la
crainte », sommet très désirable qu'il nous laisse entrevoir. Avec réalisme, il nous invite à
craindre Dieu, c'est-à-dire à nous placer sans feinte ni faux semblant sous son regard. Oublier
Dieu serait la pire des choses: elle nous laisse dans l'illusion d'être notre propre fin, notre
propre maitre qui n'a de compte à ne rendre à personne. Illusion de la courte vue qui ne voit
pas que notre vie présente est déjà promesse de vie éternelle. Tout ce que nous vivons bâtit ou
ne bâtit pasla vie qui n'a pas de fin. Pour reprendre l'image de Paul, soit nous bâtissons dès
maintenant avec de la paille qui ne résistera pas au feu, soit nous bâtissons avec de l'or qui
sera purifié au feu du creuset. Comme le poil à gratter, ce premier degré veut nous empêcher
de nous endormir et d'oublier Dieu dans l'assouvissement de nos désirs immédiats ou de nos
petites volontés égoïstes à courte vue. Notre cœur profond désire quelque chose de plus
essentiel. S'il se perd dans les méandres des désirs futiles et trompeurs, il en gardera comme
une blessure. Il n'aura pas laissé la vie éternelle l'élargir et le faire grandir dès maintenant.
En reliant ce premier degré au jugement et à la vie éternelle, St Benoit s'inscrit dans la
conviction de l'évangéliste Jean. Pour ce dernier, la vie éternelle commence dès maintenant
par notre foi vivante en Jésus. Cela apparait bien lorsque Jésus distingue la vie éternelle de la
résurrection: « Telle est la volonté de mon Père: que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la
vie éternelle; et moi je le ressusciterai au dernier jour» (Jn 6, 40). Croire en Jésus, prendre
appui sur lui, c'est accueillir les paroles de la vie éternelle, comme le confesse Pierre un peu
plus loin (Jn 6, 68). Dès maintenant, la vie prend son poids d'éternité par la connaissance de
Jésus et du Père qui nous sont offertes: « La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent toi le
seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé Jésus-Christ» (Jn 17, 3). Entre oubli de Dieu qui
nous laisse prisonniers de nos désirs futiles et connaissance de Dieu qui est déjà vie éternelle,
St Benoit propose une première étape: la crainte de Dieu. Non pas d'abord de grands élans
mystiques, ou de grandes lumières, mais l'attitude modeste de celui qui sait n'être rien sans
Dieu, lui qui embrasse toute notre réalité humaine d'un seul regard. Dieu est là comme une
promesse de vie, comme la promesse de ma vie. 12.05.2018
5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,
6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.
7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.
8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.
9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.
8t Benoit utilise l'image biblique de l'échelle de Jacob pour décrire
ce qu'est l'humilité. Cette échelle, c'est notre vie. Elle a deux
montants, notre corps et notre âme. Cette petite notation de départ
va avoir une importance fondamentale tout au long des douze
degrés de l'humilité. Car à chaque degré, l'âme et le corps seront
concernés. Pour 8t Benoit, il n'existe pas d'humilité du cœur qui ne
se traduise également dans le corps, l'attitude, le geste. Dans toute
notre vie.
Le péché fait de nous des êtres divisés. La chair convoite contre
l'esprit, et l'esprit contre la chair. « Malheureux homme que je
suis », s'écriait 8t Paul. Rom 7/24. Oui, nous sommes des êtres
divisés, coupés en deux par un mur de séparation qui fait de nous
des êtres doubles, des lèvres trompeuses. Le but de 8t Benoit,
c'est de nous ramener à l'unité, de faire de nous des êtres
réunifiés. Des moines, au sens étymologique du terme.
Comment faire cela? Quel chemin proposer? 8t Benoit répond à
cette question: « Dans ces montants, l'appel divin a inséré
différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour nous les
faire gravir ». Donc, si le but de la vie monastique, c'est de nous
ramener à l'unité, le moyen privilégié pour cela, ce sont les degrés
de l'humilité. Ceux-ci vont, peu à peu, nous ramener à cette
cohérence perdue, entre notre parole et notre action.
Comme le soulignait Mgr Claverie, c'est en faisant confiance que
l'on grandit dans la confiance. Et 8t Jean nous dit que c'est en
aimant, que l'on progresse dans l'amour. L'humilité, elle aussi, ne
se gargarise pas de mots, ni de grandes phrases. Elle se vit, au
jour le jour, dans les situations concrètes de notre vie. Elle n'attend
pas les conditions idéales, qui ne seront jamais réunies. Elle
n'attend pas la communauté idéale, qui n'existe pas. Mais elle
s'appuie toujours sur les deux montants de notre vie humaine,
notre corps et notre âme. - 9 mai 2018