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1. Le dimanche, on se lèvera plus tôt pour les vigiles.
2. A ces vigiles, on gardera la mesure, c'est-à-dire qu'après avoir modulé, comme nous l'avons réglé plus haut, six psaumes et le verset, tous s'assiéront, en bon ordre et selon leur rang, sur les banquettes, et on lira dans un livre, comme nous l'avons dit plus haut, quatre leçons avec leurs répons.
3. C'est seulement au quatrième répons que celui qui chante dira le gloria. Quand il l'entonnera, aussitôt tous se lèveront avec révérence.
4. Après ces leçons suivront six autres psaumes pris dans l'ordre, avec antiennes comme les précédents, et le verset.
5. Après quoi on lira de nouveau quatre autres leçons avec leur répons, selon l'ordonnance indiquée plus haut.
6. Après quoi on dira trois cantiques des prophètes, déterminés par l'abbé ; ces cantiques seront psalmodiés avec alleluia.
7. On dira aussi un verset, l'abbé bénira, et on lira quatre autres leçons du Nouveau Testament, selon l'ordonnance indiquée plus haut,
8. mais après le quatrième répons, l'abbé entonnera l'hymne Te Deum laudamus .
9. Celle-ci achevée, l'abbé lira la leçon de l'Évangile, tous se tenant debout avec honneur et crainte.
10. La lecture de celle-ci achevée, tous répondront Amen , et l'abbé enchaînera aussitôt l'hymne Te decet laus , et la bénédiction donnée, on entonnera les matines.
11. Cette ordonnance des vigiles sera gardée le dimanche également en toute saison, que ce soit en été ou en hiver,
12. sauf si – à Dieu ne plaise – on se lève en retard : on abrégera un peu les leçons ou les répons.
13. Mais qu'on mette tous ses soins à éviter que cela n'arrive. Si cela se produisait, que celui qui est responsable de l'accident par sa négligence en fasse une digne satisfaction à Dieu dans l'oratoire.
Plusieurs mentions de posture dans ce chapitre m'invitent à m'arrêter sur la place de
notre corps dans la liturgie. Sans exagérer, nous pouvons affirmer que la prière liturgique est
une prière corporelle. Nous sommes tantôt assis, tantôt debout; nous nous inclinons; nous
levons les bras; nous chantons; autant de manière d'utiliser notre corps qui requiert une juste
attitude en vue d'une meilleure qualité de présence. Les expressions utilisées par Benoit le
suggèrent: « tous s'assiéront, en bon ordre ... tous se lèveront avec révérence» ... et plus loin
« tous se tenant debout avec honneur et crainte»au moment de la lecture finale de l'évangile.
Le f. Mathias nous a sensibilisés à l'aplomb, cette manière de retrouver la bonne
posture et les bons appuis, aussi bien debout qu'assis. Dans le même sens, avec d'autres
accents, Martine Buhrig apporte aussi sa contribution. Des deux côtés, il s'agit d'apprendre à
être là plus disponible, en se libérant des tensions inutiles. Avec un peu d'entrainement, nous
pouvons, sans fatigue acquérir une meilleure qualité de présence à la prière vécue et aux
actions qui sont célébrées. Cette attention permet de faire de notre posture ajustée, déjà une
prière. Nous ne sommes pas debout n'importe comment, nous sommes debout « avec
révérence», parce qu'en présence du Seigneur, dans la reconnaissance de sa grandeur et dans
la confiance en son regard miséricordieux porté sur nous. De même, nous ne sommes pas
assis de façon quelconque. Veiller à la juste position de notre corps assis, peut nous faire
réaliser qu'en retour notre corps veille à la bonne présence de notre esprit à ce qui est chanté.
Par ex quand l'esprit part ailleurs dans les distractions, le corps se tend ... il se rappelle à nous.
Nos inclinations en entrant et en sortant de l'église peuvent devenir une vraie
introduction à la prière, si nous les faisons profondément, tranquillement, avec mesure bien
sûr. .. De même lors des doxologies à la fin des psaumes, nous pouvons souvent faire
l'expérience que notre corps vient au secours de notre esprit qui a pu vagabonder, mais qui, en
cet instant, est entrainé dans l'adoration de la Ste Trinité. Le corps exprime à travers un geste
ce que les mots restent toujours impuissants à dire vraiment. ..
Les mains levées au moment du Notre Père viennent manifester notre désir de nous
ouvrir et nous tourner vers Notre Père. Elles expriment notre attente, mais aussi notre
confiance filiale. Tout être est devant lui comme une terre assoiffée qui attend et reçoit tout de
lui. Soyons heureux de ces gestes qui nous sont proposés .. .ils nous apprennent à prier... - 24 Octobre 2018
1. De Pâques aux Calendes de novembre, d'autre part, on maintiendra intégralement toute la quantité de psalmodie indiquée plus haut,
2. excepté qu'on ne lira pas de leçons dans un livre en raison de la brièveté des nuits, mais à la place de ces trois leçons, on en dira de mémoire une de l'Ancien Testament, suivie d'un répons bref.
3. Tout le reste, on l'accomplira comme il a été dit, c'est-à-dire qu'on ne dira jamais aux vigiles nocturnes une quantité moindre que douze psaumes, non compris les psaumes trois et quatre-vingt-quatorze.
Pour désigner l'office de la nuit, St Benoit parle « des vigiles nocturnes», ou encore
« de louange nocturne»comme dans le titre du chapitre lu ce matin. Vraisemblablement, il
n'utiliserait pas l'expression « l'office des lectures» en usage aujourd'hui dans le Bréviaire
Romain, expression qui veut aussi laisser ouverte la possibilité aux prêtres de prier cet office à
toute heure de la joumée. Dans sa manière d'adapter l'office en fonction des heures d'été plus
courtes, en raison de la brièveté des nuits, Benoit montre qu'il privilégie plutôt la récitation des
psaumes aux lectures qui se trouvent très abrégées. Plus qu'un temps d'écoute de la Parole de
Dieu, les vigiles sont avant tout pour lui une veille dans la louange rendue à Dieu.
Sous l'influence de l'office Romain, notre office vit davantage d'un équilibre entre
psaumes et lectures. Cet office nocturne est aussi bien un temps de veille dans la louange, pour
porter devant notre Père les joies et les cris des hommes, qu'un temps d'écoute où se nourrit
notre intelligence du grand projet divin pour l'humanité, tel qu'il se donne à voir dans les
Ecritures. Nous avons pris le parti de faire une lecture continue de l ' AT pour les vigiles du
temps ordinaire, laissant la lecture du NT pour l'office de Laudes. Lire l'AT, presque sans
aucune coupure, nous plonge dans les Ecritures de façon franche. Parfois la plongée ressemble
au plongeon dans un lac d'eau froide ... On peut ne pas savoir trop quoi retirer pour notre vie
spirituelle aujourd'hui. L'exercice peut être ascétique. Comment le comprendre? Me vient
l'image de la plante qui, en période de sécheresse, doit pousser plus profondément ses racines.
Avec ses lectures parfois arides, il nous faut entendre plus profondément comment le Seigneur
a accompagné le peuple d'Israël à travers ce qu'il était, dans la culture religieuse de l'époque
avec tous ses sacrifices par ex. Il nous faut essayer d'entendre comment le Seigneur est venu à
la rencontre des mentalités pour les faire évoluer peu à peu. Les pratiques cruelles d'exécution
par anathème par exemple, ne nous sont pas relatées, pour être données en exemple. Mais elles
nous rappellent que le Seigneur a marché avec ce peuple, sans le rejeter pour ses pratiques
barbares, mais pour peu à peu lui apprendre ce que signifie sa justice, telle qu'elle apparaitra en
pleine lumière en Jésus Crucifié. Les lectures de l'AT nous redisent combien Dieu agit avec
patience dans son peuple, sans brusquer ou forcer les choses. Nous, qui connaissons le Christ,
aurions tort de croire que cette connaissance nous rend d'emblée saint, capable de pardon ou de
justice. Notre humanité reste encore grosse de violence et d'avidité qu'il faut convertir. .. Les
lectures de l'AT dans leur aspect abrupt nous rappellent à l'humilité. Nous sommes de la même
étoffe que nos pères. Si nos moeurs sont plus policées, n'est-ce pas le fruit d'une évolution-
conversion que nous recevons comme un cadeau affiné par les générations qui nous ont
précédé? - 23 Octobre 2018
1. En la saison d'hiver définie ci-dessus, on dira d'abord trois fois le verset : « Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
2. On y joindra le psaume trois et le gloria.
3. Après cela, le psaume quatre-vingt-quatorze avec antienne, ou du moins chanté d'un trait.
4. Alors suivra l'ambrosien ; ensuite six psaumes avec antiennes.
5. Quand on les aura dits, et qu’on aura dit le verset, l'abbé bénira, tous s'assiéront sur les bancs et des frères liront tour à tour dans un livre posé sur le pupitre trois leçons, entre lesquelles on chantera trois répons.
6. Deux répons seront dits sans gloria, mais après la troisième leçon, celui qui chante dira le gloria.
7. Quand le chantre commencera de le dire, aussitôt tous se lèveront de leurs sièges en signe d'honneur et de révérence pour la Sainte Trinité.
8. On lira aux vigiles les livres d'autorité divine de l'Ancien Testament aussi bien que du Nouveau, ainsi que les commentaires qu'en ont faits les Pères catholiques réputés et orthodoxes.
9. Après ces trois leçons avec leurs répons, suivront les six psaumes restants, qu'on chantera avec alleluia.
10. Après ceux-ci suivra la leçon de l'Apôtre, qu'on récitera par cœur, le verset et la supplication de la litanie, c'est-à-dire Kyrie eleison ,
11. et ainsi s'achèveront les vigiles nocturnes.
Comment entrer dans la prière? Comment nous disposer à vivre en profondeur et vérité
les rendez-vous que nous offre la liturgie? L'autre jour, je disais que la liturgie nous fait entrer
dans l'œuvre de Dieu. Celle-ci est de rassembler les hommes dans la louange de son Nom, ce
grand mouvement d'amour qui sera celui de l'éternité ... En quelque sorte sur cette terre, nous
nous y entrainons comme a dit St Augustin ... Chaque office nous replace au cœur de cette
grande symphonie en élaboration, la « symphonie du nouveau monde» pour reprendre un titre
célèbre. En ponctuant la journée de ces moments « symphoniques », nous sommes conduits à
faire de toute notre vie quotidienne une louange, par la qualité de notre présence à Dieu, à nos
frères et à notre monde. Mais, le quotidien n'est pas toujours aussi harmonieux qu'on le
souhaiterait. Passer du quotidien plus ou moins tendu à la prière n'est alors pas si spontané.
St Benoit nous offre quelques moyens ce matin: l'invocation« Seigneur tu ouvriras
mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange» et le psaume invitatoire. Pour le premier office
de la journée, placé au cœur de la nuit, nous demandons la grâce de Dieu. Qu'il ouvre nos
lèvres, pour que se réalise ce que notre cœur porte peut-être de plus profond: chanter la louange
divine, en reconnaissance à Celui de qui nous venons et qui nous sauve. Durant la journée, le
verset introductif se fait plus pressant: «Dieu, viens à mon aide », comme si la mise en sa
présence était plus délicate à vivre. Si nous veillons à ne pas arriver à la dernière minute, pour
déposer les choses en cours, ces versets introductifs de l'office peuvent prendre toute leur valeur
de clé qui donne la bonne note pour entrer dans la symphonie ... Si cela ne suffit pas, le psaume
invitatoire, comme son nom l'indique, vient nous convier à entrer vraiment dans le mouvement.
« Venez, crions de joie pour le Seigneur» (Ps 94), « criez de joie pour Dieu notre force» (Ps
80), « chantez pour Dieu un chant nouveau» (Ps 95) ... Au cas où nous serions un peu endormis
encore, et donc pas bien disposé, le psalmiste se fait entraineur.Il vient nous chercher. Il me
semble que la fonction du Ps invitatoire est semblable à celle de l'introduction à la préface au
cours de la messe lorsque le prêtre dit « élevons notre cœur .. rendons grâce au Seigneur» avant
de décliner les motifs de l'action de grâce de l'Eglise pour le salut réalisé en Jésus. «Elevons
notre cœur» ou selon une autre traduction: « hauts les cœurs ». Oui, nos cœurs portent en eux
cette disposition à s'élever, à louer gratuitement, à se tourner avec confiance vers le Seigneur ...
Mais parfois, ankylosés ou endormis, voire endurcis, il faut les réveiller. Alors, laissons-nous
chercher, réveiller... surprendre par la voix qui interpelle et nous attend. -
20 octobre 2018
1. En saison d'hiver, c'est-à-dire depuis les Calendes de novembre jusqu'à Pâques, il faut, suivant la norme raisonnable, se lever à la huitième heure de la nuit,
2. afin de se reposer un peu plus de la moitié de la nuit et d'être dispos au lever.
3. Quant à ce qui reste après les vigiles, les frères qui ont besoin d'apprendre quelque chose du psautier ou des leçons, l'emploieront à cette étude.
4. De Pâques aux susdites Calendes de novembre, on réglera l'heure de telle sorte que l'office des vigiles, après un tout petit intervalle où les frères pourront sortir pour les besoins de la nature, soit immédiatement suivi des matines, qui doivent être dites au point du jour.
Nous retrouvons la RB après 4 mois d'interruption. Ce premier chapitre du directoire
liturgique est consacré aux vigiles, pour en fixer le cadre horaire en fonction des saisons, avec
pour point central la date de Pâques. Selon la longueur des j ours, le calcul de l 'horaire quotidien
variait de telle sorte que les offices restent en lien avec le mouvement du soleil.Je retiens deux
choses de ces indications concrètes apparemment anodines: le fait qu'on parle d'abord des
vigiles, et que Pâques serve de repère dans la distribution de l 'horaire quotidien. Par ces deux
notations, St Benoit nous dit combien la vie monastique est avant tout une veille, et que cette
veille prend place dans la nouvelle configuration que le temps humain a reçu par la résurrection
du Christ.
Au cœur de l'humanité, nous tenons un poste de veille, veille dans la prière, veille de
louange et d'intercession. Moine, nous veillons la nuit pour ne pas manquer la venue du Christ
au dernier Jour. Mais plus globalement, c'est toute notre vie qui est un appel à la veille dans la
prière et le service des frères. Nous veillons pour ne pas manquer le « rendez-vous d'amour qui
est quotidien», comme nous le chantions pour Ste Thérèse de Lisieux... La prière liturgique
donne le tempo à nos journées. Elle nous introduit dans le tempo de Dieu qui est à l'oeuvre.
Depuis que le Christ est ressuscité, le temps humain est comme renouvelé par l' œuvre que Dieu
est en train secrètement d'y accomplir. La résurrection du Christ est le levain caché du
Royaume, par lequel toute la pâte humaine lève dans l'attente d'être transfigurée. C'est pour
cela que la liturgie chrétienne pose Pâques comme le centre de l'année. Par la messe, mémorial
de la mort et de la résurrection du Christ, ainsi que par la prière des heures, l'Eglise célèbre et
s'associe à l'œuvre que Dieu est en train d'accomplir. En ces célébrations, s'expriment le
consentement des hommes à recevoir le don de la vie divine, mais aussi l'engagement à prendre
part à son déploiement. A chaque fois, que nous venons à la messe, et que nous participons à
l'office, nous prenons part à l'œuvre que Dieu est en train d'accomplir en notre humanité. Il est
bon de nous le redire. En effet, parfois nous pouvons ressentir une tension entre nos activités
quotidiennes et les rendez-vous de la prière qui semblent les contrarier. Il nous faut bien.
réfléchir à cette tension. Elle nous appelle à un changement de regard. Ce sont les temps de
prière qui donnent sens à nos activités humaines, et non l'inverse. Résister à cela nous
maintiendra dans une tension qui à terme peut être dommageable, même pour notre santé.
67. Lors donc que le moine aura gravi tous ces degrés d'humilité, il arrivera à cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte.
68. Grâce à lui, tout ce qu'il observait auparavant non sans frayeur, il commencera à le garder sans aucun effort, comme naturellement, par habitude,
69. non plus par crainte de la géhenne, mais par amour du Christ et par l'habitude même du bien et pour le plaisir que procurent les vertus.
70. Cet état, daigne le Seigneur le faire apparaître par le Saint-Esprit dans son ouvrier purifié de ses vices et de ses péchés !
Au lendemain de la fête du Sacré-Cœur, il est heureux d'entendre ces quelques lignes
qui sont un des sommets de la règle. En effet, elles ne sont pas sans faire écho à la lecture de
Paul aux Ephésiens que nous écoutions hier. A ceux qui laissent le Christ habiter leur cœur,
Paul promet de mieux comprendre l'amour du Christ en toutes ses dimensions. « Alors vous
serez comblés jusqu'à entrer dans toute la plénitude de Dieu ». Pareillement, st Benoit
présente un même horizon de plénitude à qui prend résolument le chemin de l'humilité. Loin
de nous rapetisser ou de nous aplatir, l'humilité nous dilate à la mesure de l'amour qu'elle
nourrit en notre cœur. En nous libérant de nous-mêmes, l'humilité nous donne de participer au
même amour qui animait Jésus. Au fur et à mesure que l'humilité creuse le cœur, l'amour le
remplit.D'un côté, crainte, frayeur et effort disparaissent pour laisser place à l'habitude du
bien et au plaisir que procurent les vertus. Tel est le mouvement profond dans laquelle
s'inscrit notre recherche monastique sous une règle et un abbé. Un mouvement de vie et de
liberté profonde, vis-à-vis du tyran le plus terrible qui soit, notre « moi» prisonnier de ses
diverses illusions.
Une question vient spontanément à notre esprit: arrivera-ton un jour grâce à l'humilité
à ce sommet de l'amour? Est-il atteignable ? Mais on peut encore se demander: en fait est-il
juste de se poser cette question? Sur cette terre, est-on jamais arrivé à la perfection de
l'amour? Qui le prétendrait au risque de s'arrêter, de s'assoupir et de perdre tout le bénéfice
du chemin parcouru? Et Dieu calcule-t-il ainsi? Attend-il qu'on ait atteint un certain degré
d'humilité pour nous offrir son amour? Non, sa grâce nous est sans cesse offerte. Plus que de
savoir où nous en sommes, il nous faut apprendre à demeurer en présence de Dieu dans la
conscience de notre petitesse. Sans la remise confiante de notre vie en la force de son Esprit,
nos pas peuvent vite chanceler. Marcher sur le chemin de l'humilité n'est-ce pas de moins en
moins mesurer où nous en sommes pour nous confier de plus en plus à la seule miséricorde du
Christ qui nous attire à lui? En ce jour où nous fêtons Marie, en son Cœur Immaculée,
l'évangile que nous entendrons, nous laisse pressentir que Marie, l'humble servante, a appris
elle aussi à grandir dans l'humilité. Face à l'attitude incompréhensible de Jésus, resté au
Temple, elle s'est laissée déplacée, sans forcément tout comprendre d'emblée. Il y a toujours
une part d'obscurité à traverser dans nos vies. Confions-nous à la prière de l'humble servante,
qu'elle « réveille en nous la joie de croire dans la nuit », comme nous l'avons chanté. - 09-06-2018
62. Le douzième degré d'humilité est que, non content de l'avoir dans son cœur, le moine manifeste sans cesse son humilité jusque dans son corps à ceux qui le voient,
63. autrement dit, qu'à l'œuvre de Dieu, à l'oratoire, au monastère, au jardin, en voyage, aux champs, partout, qu'il soit assis, en marche ou debout, il ait sans cesse la tête inclinée, le regard fixé au sol,
64. et se croyant à tout instant coupable de ses péchés, il croie déjà comparaître au terrible jugement,
65. en se disant sans cesse dans son cœur ce que le publicain de l'Évangile disait, les yeux fixés au sol : « Seigneur, je ne suis pas digne, pécheur que je suis, de lever les yeux vers le ciel. »
66. Et aussi avec le prophète : « Je suis courbé et humilié au dernier point. »
« A l'œuvre de Dieu, à l'oratoire, au monastère, au jardin, en voyage, aux champs,
partout ... » L'humilité ne connait pas de limite. En tout lieu, en toute occasion, le moine a
rendez-vous avec elle, si on peut parler ainsi. Durant l'œuvre de Dieu ou l'oratoire, il n'est
pas trop difficile de faire nôtre la prière du publicain: « Seigneur, je ne suis pas digne,
pécheur que je suis, de lever les yeux vers le ciel » ... Toute la liturgie nous entraine dans ce
mouvement de reconnaissance de notre petitesse devant Dieu, devant lequel nous nous
inclinons en entrant dans l'église. A chaque eucharistie, nous commençons par nous
reconnaitre pécheurs, et avant de communier, nous invoquons l'Agneau de Dieu pour qu'il
prenne pitié de nous. De même les psaumes nous apprennent cette disposition du cœur pour
exister en vérité devant notre Dieu, avec nos cris, nos violences, notre misère, notre angoisse.
Sans le dire, le psalmiste nous enseigne l'humilité. Avec ses mots, il nous permet d'exister
sans fard, en vérité devant notre Père des cieux. Oui, durant l' œuvre de Dieu et à l'oratoire,
tout nous porte à l'humilité. Mais au monastère, au jardin, en voyage, aux champs, et en
toutes nos rencontres et nos activités, qu'en est-il de l'humilité? Est-ce qu'une fois franchie la
porte de l'église,je passe à autre chose? Ou bien l'apprentissage de l'humilité continue-t-il ?
Quand un frère me fait une remarque, comment est-ce que je l'accueille? Quand il me dit une
parole désagréable, comment je vais réagir? Est-ce que dans les choses offertes, à table, à la
lingerie, ou dans la vie quotidienne,je vais râler ou me contenter de ce qu'on me propose? Si
nous sommes un peu attentifs aux mouvements qui habitent notre cœur, nous mesurons sans
peine que l'humilité reste en travail. .. Heureux sommes-nous si nous en prenons conscience.
Car alors nous pouvons essayer de rectifier le premier mouvement d'impatience ou de repli
égoïste sur notre petit confort. Nous pouvons alors dire un peu plus en vérité, avec le
publicain: « Seigneur, prends pitié du pécheur que je suis» pour invoquer son aide ... La vie
quotidienne est une belle école d'humilité et de vérité. Si nous savons écouter les mouvements
qu'elle suscite en nous, elle peut devenir alors un puissant levier de conversion. Moins dupe
de nous-mêmes, nous pouvons nous tourner avec confiance vers le Seigneur.Notre prière,
loin de nous enfermer sur nous-mêmes, nous sort de notre culpabilité pour nous abandonner à
sa grâce, à l'amour qui dilate... Comme le suggère la conclusion de ce chapitre que nous
verrons samedi ... - 07-06-2018
59. Le dixième degré d'humilité est que l'on ne soit pas facile et prompt à rire, car il est écrit : « Le sot élève la voix pour rire. »
60. Le onzième degré d'humilité est que, quand le moine parle, il le fasse doucement et sans rire, humblement, avec sérieux, en ne tenant que des propos brefs et raisonnables, et qu'il se garde de tout éclat de voix,
61. ainsi qu'il est écrit : « Le sage se reconnaît à la brièveté de son langage. »
Ces deux degrés sont les plus difficiles à commenter pour moi. Le risque est grand de
se méprendre sur leur sens véritable. La vie nous enseigne en effet que le rire est trop
important pour tout humain. Avec l'humour, le rire nourrit la capacité de vivre et de traverser
les moments plus difficiles ou les tensions inévitables.
Ces 100 et 110 ne sont donc pas des modes d'emploi pour acquérir l'humilité. Comme
s'il s'agissait de se composer un visage sérieux ou une attitude qui exclue le rire pour être
humble. Ils sont davantage comme des signes que l'on repère mieux chez les autres que chez
soi-même, d'une vie qui n'est plus soucieuse d'elle-même. Le moine, qui n'est pas facile et
prompt à rire, n'est pas ici un moine grincheux et ombrageux, que la moindre parole
indispose. Il est plutôt ce frère vulnérable dans la conscience de sa pauvreté, et dans le respect
de celle des autres. Le rire proscrit ici pourrait être celui de qui oublie sa pauvreté et se permet
de souligner celle de ses frères. Le rire joue alors le rôle de cache misère pour soi afin de
mieux révéler la misère de son voisin. Au lieu d'être dans la vérité et la charité, on est dans
l'illusion sur soi sous couvert de dérision. L'humilité ne permet pas cette errance hors de la
vérité et de la charité. Elle nous apprend à demeurer dans la vigilance sur nous-mêmes. Elle
, développe en nous la délicatesse fratemelle qui s'inquiète de savoir si une parole ou une
blague a pu être mal comprise. Elle voudrait s'assurer que l'autre n'est pas froissé à la suite
d'une plaisanterie lancée sans malice mais qui peut avoir été reçue comme désobligeante ...
Dans sa quête d'humilité, le moine place l'autre et son bien être en tête de sa préoccupation.
Sans s'en rendre compte, à son insu, comme St Benoit le suggère, il parle doucement, sans
éclat de voix, avec gravité. Sa manière d'être a du poids à l'inverse de la légèreté de celui qui
voudrait rire de tout. Ce poids qu'il acquiert vient du fait qu'il est attentif à tout ce qui fait la
vie des autres, sans négliger les détails qui comptent à leurs yeux. Il nous est si difficile de
faire droit aux détails qui sont importants pour les autres. L'humilité ne nous attend-elle pas là
aussi? Des visages de frères qui ont marché ou qui marchent avec nous nous montrent cela de
manière très simple ... Nous pouvons en rendre grâce ... - 06-06-2018
56. Le neuvième degré d'humilité est que le moine interdise à sa langue de parler et que, gardant le silence, il attende pour parler qu'on l'ait interrogé.
57. En effet, l'Écriture indique qu'« en parlant beaucoup, on n'évite pas le péché »,
58. et que « l'homme bavard ne marche pas droit sur la terre ».
Humilité et maitrise de la parole, ce 9° nous indique un lien explicite entre les deux.
Le moine humble interdit à sa langue de parler. Il se refuse au bavardage. On peut entendre ici
que le moine humble n'a pas le désir de faire parler de lui. Il n'éprouve pas le besoin de parler
pour montrer qu'il existe. Son assurance est ailleurs, elle n'est pas en lui, ni en ce qu'il peut
exprimer. Dans tout ce chapitre sur l'humilité, nous sommes invités finalement à chercher: où
est-ce que je mets mon assurance? Est-ce dans le désir de capter l'attention ou la
reconnaissance des autres par ma parole? Je sais parler et attirer les regards ... .j'en tire une
certaine fierté. J'ai le sentiment d'exister. Ou bien à l'inverse, est ce que je mets mon
assurance dans un certain mutisme. Je me réfugie derrière une certaine compréhension du
silence monastique, et je me tais plus par peur ou par retenue, que par une écoute véritable.
L'humilité n'est pas ni dans la propension aveugle à s'étaler, ni dans la retenue qui calcule.
Dans notre vie monastique, se taire ou parler est toujours une affaire de don. Dans le silence
comme dans la parole, je me donne. Je me donne à l'autre, à Dieu aussi, par mon silence qui
lui ouvre un espace. Je l'accueille vraiment en lui faisant une place dans ma vie, dans mon
cœur. J'accepte que ce qu'il dit, ce qu'il exprime trouve un écho en moi. De même quand je
parle, c'est pour me donner. Je ne cherche pas à briller ou à épater la galerie, mais je partage
quelque chose qui compte pour moi. Je me donne, mais je ne me mets pas non plus à nu. Je ne
veux pas imposer aux autres mon intimité, sauf dans l'ouverture du cœur ou une relation plus
proche. L'humilité de notre silence et de notre parole se jouera dans la qualité du don, dans la
qualité de notre présence aux autres.
Où est-ce que je mets mon assurance? Le moine humble se donne vraiment en son
silence et en sa parole, parce qu'il a mis son assurance en Dieu, et en ses frères, dans la
confiance qui l'accueillent tel qu'il est, non tel qu'il rêverait d'être reconnu. Oui, frères,
cultivons en nous-mêmes le désir d'être simple devant Dieu et devant nos frères, dans le
silence comme dans la parole. Nous sommes plus aimés dans notre pauvreté assumée que
dans nos images idéales rêvées.
55. Le huitième degré d'humilité est que le moine ne fasse rien qui ne se recommande de la règle commune du monastère et des exemples des supérieurs.
Ce 8° degré peut s'entendre comme la face positive des deux degrés précédents. Les
6°et 7° manifestaient l'humilité du moine qui apprend à renoncer à toute fausse image de soi,
dans une profonde acceptation de sa faiblesse et de ses limites. Ce 8° laisse apparaitre
1 'humilité du moine qui ne revendique rien pour lui-même sinon de faire ce que la règle
commune lui commande. Il n'a pas d'autres prétentions que de faire ce qu'on lui demande ou
de suivre les bons exemples de ses frères. Il ne trouve pas son assurance en lui-même, mais
dans la vie commune et dans la vie des frères.
A l'heure où l'on magnifie beaucoup l'originalité, la créativité et la nouveautéque
chacun est appelé à déployer, comment bien entendre ce 8° ? St Benoit ne nous invite pas à
être sans personnaliténi à entrer dans une soumission grégaire. Je crois qu'il nous invite à
recueillir la joie profonde qui se cache dans l'accueil de la vie donnée. Je n'invente pas ma vie
à chaque instant. Elle risquerait de devenir vite épuisante. J'accueille la vieà travers mille
gestes, mille paroles répétés chaque jour, selon des rites plus ou moins établis. Avec son
cadre, son horaire et ses pratiques, notre vie commune participe de ce même mouvement
structurant de notre vie humaine. Loin de me dépersonnaliser en faisant comme tout le
monde, je deviens cet être capable de vivre avec les autres et pour les autres. Je deviens un
peu plus moi-même en développant cette part sociale et communautaire de mon humanité.
J'élargis ma capacité à être, à être avec d'autres, par les autres et pour eux. Quand on arrive au
monastère, sije me souviens bien, j'étais frappé des attentions ou des prévenancesqu'on
pouvait avoir pour moi (tenir une porte, veiller à ce que je ne manque de rien à table, un billet
de fête, etc ... ). Dans le monde, je ne percevais pas que la vie quotidienne pouvait être aussi
chargée d'attentions. J'ai reçu ces marques fraternelles comme autant d'exemples d'anciens à
imiter.Ils me montraient quelque chose de désirable à vivre qui donne du bonheur. Ainsi,
notre vie commune, dans son apparente monotonie et dans l'obéissance concrète qu'elle
demande, nous rend plus sensibles à une qualité de présence aux autres dans les petites choses
du quotidien. Accepter d'entrer dans la banalité quotidienne est signe d'humilité. Je ne suis
pas le centre du monde qui invente ma vie à chaque instant. Et cette humilité devient
humanité de surcroitlorsqu'elle nous ouvre aux autres, ainsi qu'à l'épaisseur et à la beauté de
la réalité. Rendons grâce pour les trésors que recèlent dans sa simplicité notre vie monastique. - 02.06.2018 -
51. Le septième degré d'humilité est que, non content de déclarer avec sa langue qu'on est le dernier et le plus vil de tous, on le croie en outre dans l'intime sentiment de son cœur,
52. en s'humiliant et en disant avec le prophète : « Pour moi, je suis un ver et non un homme, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple.
53. J'ai été exalté, humilié et confondu. »
54. Et aussi : « Il m'est bon que tu m'aies humilié, pour que j'apprenne tes commandements. »
Ce 7° degré nous pose problème! En effet nous sommes
habités par deux attitudes contraires. Soit nous nous sentons au-
dessous de tout, parce que nous avons été confrontés à l'échec, à
nos limites, à notre incompétence. Et alors nous croyons être
arrivés au t= degré d'humilité. Soit nous avons le désir de le vivre
par vertu. Mais dès que quelqu'un nous fait sentir qu'il nous voit
ainsi, nous devenons amers, et nous nous révoltons.
Le problème de l'humilité, c'est que ni les humiliations, ni la vertu,
ne suffisent pour qu'elle devienne réelle. Il ne suffit pas de tout
rater pour être humble, ni de le vouloir par vertu. Dans ces deux
cas, l'humilité n'est qu'un faux semblant. Je me souviens de l'un de
nos professeur, au studium, qui nous disait: « Je n'ai aucune
humilité, ni vrai, ni fausse ... » C'est sans doute cela l'humilité.
L'humilité n'est pas d'abord un regard négatif sur soi. Mais plutôt
un regard renouvelé sur mes frères. Elle ne consiste pas à se
déprécier soi-même, à se voir pire que ce que nous sommes. Non,
bien au contraire! L'humilité véritable, c'est de reconnaitre les
dons que Dieu nous fait, sans que nous y soyons pour rien. Et
surtout de nous émerveiller de ce que la grâce fait dans nos frères.
L'humilité n'est donc pas une force négative. Elle est une
puissance positive qui sait reconnaitre l'œuvre de Dieu. Elle a
toujours à voir avec la vérité. Sur nous-même et sur les autres.
La clé de l'humilité, c'est l'amour. Seul celui qui aime sait
reconnaitre la beauté de son frère. Seul celui qui aime voit au-delà
des apparences. Il discerne le don caché, le trésor dans le champ,
la perle rare qui fait de chacun de nos frères un trésor.
L'humilité, c'est d'abord un cœur qui aime. Et des yeux qui
s'ouvrent.
Le dernier verset de ce degré: « Il m'est bon que tu m'aies humilié,
pour que j'apprenne tes commandements» nous dit encore cela.
L'expérience de l'humiliation pardonnée, c'est la rencontre d'un
« je » et d'un « Tu ». L'irruption de Dieu dans notre vie. - 30/5/18 -