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3. Ensuite la seconde espèce est celle des anachorètes, autrement dit, des ermites. Ce n'est pas dans la ferveur récente de la vie religieuse, mais dans l'épreuve prolongée d'un monastère
4. qu'ils ont appris à combattre le diable, instruits qu'ils sont désormais grâce à l'aide de plusieurs,
5. et bien armés dans les lignes de leurs frères pour le combat singulier du désert, ils sont désormais capables de combattre avec assurance les vices de la chair et des pensées, sans le secours d'autrui, par leur seule main et leur seul bras, avec l'aide de Dieu.
Les vocations s'éclairent l'une l'autre. Ainsi en va-t-il particulièrement entre les moines cénobites et les moines ermites. Il est vain et presque ridicule de vouloir établir une échelle de valeur entre la vie cénobitique et la vie érémitique, comme il est tout aussi oiseux de chercher une supériorité de la vie religieuse sur la vie conjugale.
Comment la vie érémitique peut-elle éclairer, mais aussi stimuler notre propre vie cénobitique? Même si nous ne connaissons plus aujourd'hui de moines ermites, les exemples laissés par un f. Marcel ou un f. Adalbet1 restent dans la mémoire d'un bon nombre... Les ermites rappellent aux cénobites le primat de la recherche de Dieu parce qu'il est Dieu. « Vivre
à Dieu seul», «n'avoir rien de plus cher que le Christ» trouve une expression radicale dans
la solitude et la prière incessante. Tous les moyens sont alors pris, toutes les énergies sont rassemblées pour favoriser la« vie en présence de Dieu». Une sorte d'idéal qui habite le cœur de beaucoup d'hommes et de femmes, peut-être tout simplement parce que nous sentons que telle est notre destinée ultime pour l'éternité. Les ermites inscrivent déjà dans leur chair et dans notre histoire humaine concrète cette quête et ce désir de Dieu. Nous pouvons vraiment nous en réjouir. Ce signe de la radicalité pour Dieu peut interpeller beaucoup de nos contemporains.
Un second aspect peut nous stimuler. St Benoit dit que « instruits ...grâce à l'aide de plusieurs, et bien armés dans les lignes de leurs frères pour le combat singulier du désert, ils sont désormais capable de combattre avec assurance les vices de la chair et des pensées, sans le secours d'autrui ...avec l'aide de Dieu l). En d'autres termes, les ermites peuvent nous entrainer à leur suite, à vraiment prendre notre vie en main. L'ermite doit apprendre à vivre avec lui-même en vérité. La solitude lui présente sans cesse une sorte de miroir de son être intérieur et le silence une caisse de résonance de ses pensées. Il ne peut se fuir lui-même, à moins de manquer l'authenticité de son expérience. En ce sens, il nous rappelle à la vigilance pour ne pas esquiver nos difficultés, afin de devenir toujours plus adulte dans la foi et la charité.
Le Christ est à nos côtés pour mener avec nous, en nous le combat de la fidélité intérieure et de charité persévérante. Qu'il vienne fortifier en nous l'être intérieur, le moine donné dans sa quête de Dieu et de sa Paix.
1. Il est clair qu'il existe quatre espèces de moines.
2. La première est celle des cénobites, c'est-à-dire vivant en monastères ; ils servent sous une règle et un abbé.
Dimanche, je saluai les grands parents de f. Joseph, venant pour la première fois au monastère. Sous forme de boutade, à eux qui découvraient la maison, je leur disais en parlant de f. Joseph: « quelle drôle d'idée d'entrer dans un monastère!?»
Oui, quelle drôle d'idée de choisir de vivre dans un monastère, sous une règle et un abbé!? A notre époque où l'on est tellement jaloux de son autonomie et de la liberté de ses mouvements, quel sens donner à ce choix ? Souvent lorsque nous rencontrons des hôtes, nous sommes sollicités de rendre compte de notre engagement. Cet exercice devant témoin est une chance car elle nous entraine à mettre des mots sur ce que nous vivons et accueillons pour nous mêmes comme un mystère. C'est le mystère de notre appel. Le Christ nous a saisis, sa Parole nous a touchés, son Esprit nous a poussés ou tirés, de telle façon à nous mettre en route. Moment ou période privilégiée de grâce qu'il nous faut sans cesse garder en mémoire.... Un passage vécu comme une libération ou comme une promesse de transformation, à l'instar du passage de la Mer Rouge, pour passer d'un style de vie à un autre.
Promesse de transformation... Notre vie aux côtés de frères, non d'amis comme nous le disions samedi, sous une règle et un abbé, va être le lieu de cette transformation. Là, le Christ nous offre une expression concrète de son appel. Là, dans ce cadre, il ne cesse jour après jour de nous appeler à nous laisser transformer. Nous arrivons tous comme une œuvre brute, inachevée. Heureux sommes-nous si nous sommes malléables comme la glaise dans les mains du potier. Mais la souplesse dont il s'agit est celle du cœur. Si elle est formelle ou seulement de façade, elle ne durera pas longtemps. Le monastère n'est pas une caserne où il faut appliquer un règlement. La règle de St Benoit que nous désirons vivre, et non pas subir, est une école de transformation. Elle s'offre comme un auxiliaire précieux pour mettre en lumière mes résistances, mes points obscurs, ces parts intérieures qui sont fermées. Heureux sommes-nous si nous sommes capables de les regarder en face... De pouvoir dire merci à un frère qui me fait une remarque, de pouvoir reconnaitre un écart par rapport à l'horaire ou aux exercices proposés ... Car alors, nos lieux de résistances s'assouplissent, nous devenons moins aveugles vis-à-vis de nous-mêmes ... Heureux sommes-nous de découvrir alors un autre visage de nous mêmes, plus lumineux, plus libre parce que plus humble, sans prétention... La bonté du Christ nous entraine là... Réjouissons-nous et rendons grâce d'y être conduits jour après jour.
45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.
46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.
47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,
48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.
49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.
50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.
Au début de son ministère, le Christ a appelé ses premiers compagnons. Il les a entrainés à devenir ses disciples, à se mettre à son école et à prendre son joug. A la suite St Benoit, le Christ ne nous propose rien d'autre, à nous aussi, sinon de nous mettre à son école, en prenant le joug de la règle. Durant trois ans, Jésus a enseigné ses disciples par sa parole, tantôt proclamée au milieu des foules, tantôt partagée dans l'intimité. Il a parlé du Royaume et de son Père, de la manière de vivre en fils de Dieu. Dans l'école monastique, Jésus continue de s'adresser à nous, dans la liturgie et la lectio divina. Chaque jour, il s'invite dans nos assemblées aussi bien que dans le secret de la cellule. Sur les routes de Palestine, Jésus a rencontré des personnes, il les a soulagés par un mot, un geste ou un regard. Les disciples l'ont secondé pour apprendre à devenir à sa suite des instruments de son Salut. Dans l'atelier du cloitre, si nous accueillons vraiment la parole de Jésus, nous faisons l'expérience de son salut à l'œuvre dans notre vie. Il nous relève et nous guérit peu à peu dans le combat de la vie fraternelle, celui dans lequel on se frotte comme celui dans lequel on se soutient. Peu à peu, au gré de son ministère, Jésus a introduit ses disciples dans le mystère de sa passion à venir. Il les a conduits jusqu'au seuil sans pouvoir aller plus loin. Il est resté seul dans la souffrance sous le regard de son Père. St Benoit exhorte les moines à ne pas abandonner le maitre, à persévérer jusqu'à la mort, en partageant ainsi ses souffrances par la patience. Sommes-nous meilleurs que les disciples qui ont déserté la croix? Non, aussi l'école monastique nous propose-t-elle, non pas d'aller au martyr, mais de consentir avec patience, à la vie et aux épreuves qu'elle comportera toujours. La patience agit efficacement dans tous les âges de la vie, celui de la jeunesse invitée à se mettre à l'écoute sans brûler les étapes, de l'âge mûr qui tire les plus jeunes et porte les plus anciens, de la vieillesse qui apprend à supporter ses limites et ses infirn1ités sans aigreur... La patience avec soi-même, la patience entre frères... voilà notre chemin de croix avec Jésus, pour devenir avec Lui instrument de son salut... « Devenez mes disciples, car fe suis doux et humble de cœur », disait Jésus pour encourager ceux qui étaient hésitants et craintifs... les assurant de sa proximité indéfectible. Plus on avance dans l'école monastique, nous affirme St Benoit, plus le cœur se dilate et plus on court sur la voie des commandements ... La prière de la litanie du Sacré Cœur que nous chanterons ce Vendredi, nous fera demander : « Jésus, doux et humble de cœur, rend noire cœur semblable au tien... » Jésus ne désire-t-il pas autre chose pour nous, dans l'école monastique?
35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.
36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,
37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »
38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »
39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.
40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.
41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.
42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,
43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,
44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.
« Tandis qu'il est encore temps».... On peut entendre dans ces lignes une réelle presse. ..celle occasionnée par la prise en compte de la brièveté de la vie au regard de l' éte rnité... Qu'est-ce que notre vie présente face à la vie éternelle? Cette question me saisit parfois et me donne le vertige. Le temps ne nous attend pas, il fuit et nous entraine inexorablement vers la mort. Comment vivre cette prise de conscience qui pourrait faire paniquer ou bien conduire au nihilisme sans être tétanisé ou sidéré ? St Benoit offre son regard de foi et d'espérance qui, loin de tétaniser, fait courir... En considérant la brièveté du temps, il conclue : « il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours»...
Courir vers le Royaume ou courir contre la mort ? Telle peut être l' alte rnative qui est posée devant nous. .. Courir contre la mort, comme les coureurs courent contre la montre, c' est à-dire contre le temps, afin de parcourir dans un minimum de temps une distance limitée.... N' est-ce pas cette course dans laquelle nous voyons beaucoup de gens s' engouffrer ? N' est-ce pas aussi cette course dans laquelle nous nous surprenons nous aussi parfois ? Courir contre le temps, afin de faire le plus possible de choses, et de ne pas perdre un seconde, voilà la course sur laquelle nous pensons encore avoir prise... C' est cette course effrénée qui faisait dire au Dalaï Lama : « les gens en occident passent une grande partie de leur temps lorsqu'ils sont en bonne santé, à courir pour gagner le maximum d'argent et l'autre partie de leur vie à dépenser leur argent pour essayer de guérir leur santé délabrée.... Est-ce cette course-là que St Benoit nous enseigne à vivre? Lui s'intéresse davantage à la qualité de ce que nous vivons qu'à la quantité des choses à réaliser. Il s ' agit de répondre à un appel à la conversion de la part du Seigneur « qui ne veut pas la mort du pécheur mais qu 'il vive». Le Seigneur ne nous demande pas d' abattre le maximum de travail, mais de nous laisser travailler par lui. Il attend que nous nous mettions vraiment à sa disposition pour faire sa volonté et non pas la nôtre. Ici frères, il nous faut être vigilant sur la manière avec laquelle nous travaillons et vivons. Vivons-nous et travaillons-nous dans la seule obsession de chercher à grappiller des minutes ? Ou bien vivons nous en habitant le temps paisiblement parce que ce temps est pour Dieu et pour les frères? D' un côté je ne cesse de courir d' une chose à l'autre etje suis toujours sous pression. De l'autre, je vis les choses avec souplesse sans crainte d'être bousculé, dans la confiance que le Seigneur donne toute chose et qu'il fait tout contribuer au bien de ceux qui l'aiment. .. Seigneur, fais grandir ma fo i, et aide-moi à faire de la cloche un allié pour rythmer le temps reçu de toi, et non un ennemi qui vient perturber « mon » temps.
22. Si nous voulons habiter dans la demeure de ce royaume, on ne saurait y parvenir, à moins d'y courir par de bonnes actions.
23. Mais interrogeons le Seigneur avec le prophète, en lui disant : « ;Seigneur, qui habitera dans ta demeure, et qui reposera sur ta montagne sainte ? »
24. Cette question posée, frères, écoutons le Seigneur nous répondre et nous montrer le chemin de cette demeure,
25. en disant : « C'est celui qui marche sans se souiller et accomplit ce qui est juste ;
26. qui dit la vérité dans son cœur, qui n'a pas commis de tromperie par sa langue ;
27. qui n'a pas fait de mal à son prochain ;; qui n'a pas laissé l'injure atteindre son prochain ;» ;;
28. qui, lorsque le malin, le diable, lui suggérait quelque chose, l'a repoussé loin des regards de son cœur, lui et sa suggestion, l'a réduit à néant, et s'emparant de ses petits – les pensées qu'il lui inspirait – les a écrasés contre le Christ.
29. Ce sont ceux-là qui, craignant le Seigneur, ne s'enorgueillissent pas de leur bonne observance, mais qui, estimant que ce qui est bon en eux ne peut être leur propre œuvre, mais celle du Seigneur,
30. magnifient le Seigneur qui opère en eux, en disant avec le prophète : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom rends gloire ! »,
31. de même que l'Apôtre Paul, lui non plus, ne s'attribuait rien de sa prédication et disait : « C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. »
32. Et il dit encore : « Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur. »
33. De là aussi la parole du Seigneur dans l'Évangile : « Celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique, je le comparerai à un homme sage, qui a bâti sa maison sur la pierre.
34. Les eaux sont venues, les vents ont soufflé et ont heurté cette maison, et elle n'est pas tombée, parce qu'elle était fondée sur la pierre. ;»
Dans ce long passage tissé de citations bibliques se fait jour un beau paradoxe plein d'enseignements. Au début de son discours, St Benoit cherche à repérer dans !'Ecriture, principalement dans le Ps 14, ce qui va permettre de se préparer pour être digne d'habiter dans la demeure du Royaume de Dieu. Et à la fin, avec la citation évangélique qui conclue le discours sur la montagne, il suggère que mettre en pratique les commandements du Seigneur permet de bâtir dès ici-bas une maison solide, fondée sur la pierre, sur le roc... Tout se passe comme si le moine tendu vers le Royaume, par tout son agir, contribue dès maintenant à se bâtir une demeure qui résiste à toutes les tempêtes. Le moine semble tourné vers le ciel, et dans le même temps il s'établit solidement sur cette terre. Etonnant paradoxe! Mais le paradoxe n'est qu'apparent. Et deux enseignements peuvent se dégager pour nous. Le premier, comme on l'a déjà rencontré, est que la vie éternelle dans le Royaume commence dès cette terre, par notre adhésion de foi et par notre vie qui veut devenir toujours plus confonne à l'Evangile. Notre quête de vérité (il dit la vérité selon cœur) et notre vie de charité (il ne fait pas de mal à son prochain) inaugurent déjà le Royaume. Elles font signe que notre vie présente est porteuse de plus grand qu'elle-même. Et le second enseignement est que tendre vers le Royaume, apprendre à tourner nos regards vers la vie à venir, nous conduit à développer des ici-bas une vie bonne et une solidité pour affronter les difficultés. Ce second point est important dans notre contexte actuel qui peut nous entrainer à ne considérer ce monde qu'en sa réalité intrarnondaine, sans autre horizon qui lui même. Nous chantions hier pour la St Jean Baptiste ; « plus libre que les rois, tu contestes ce monde sans infini». Comme moine, à la suite de Jean Baptiste, nous faisons le choix d'une vie qui veut toujours laisser ouverte la brèche sur la vie à venir. Nos veilles nocturnes, notre vie de prière ainsi que notre vie commune nous entrainent à vivre en faisant de l'horizon de la vie future, un horizon normal et heureux. On pourrait alors craindre de devenir déconnectés, de sotiir du réel. .. St Benoit nous rassure ce matin. Tendu en vérité et dans la charité vers la demeure d'en-haut, nous contribuons à bâtir quelque chose de solide sur cette terre. Car cette solidité ne provient pas de nos seuls efforts. Elle est un don de la grâce qui irrigue nos activités humaines de l'intérieur. La justice du Royaume que nous recherchons porte en elle de puissantes énergies de justice et de charité qui transforment nos vies très efficacement. Cherchons donc sans crainte la justice du Royaume, elle fleurira dès maintenant en justice pour cette terre.
14. Et se cherchant un ouvrier dans la foule du peuple, à laquelle il lance cet appel, le Seigneur dit de nouveau :
15. « Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? »
16. Si, en entendant cela, tu réponds : « C'est moi ! », Dieu te dit :
17. « Si tu veux avoir la vie véritable et perpétuelle, interdis le mal à ta langue et que tes lèvres ne prononcent point la tromperie. Évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuis-la.
18. Et quand vous aurez fait cela, j'aurai les yeux sur vous et je prêterai l'oreille à vos prières, et avant que nous m'invoquiez, je dirai : me voici ! »
19. Quoi de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite, frères bien aimés ?
20. Voici que, dans sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.
21. Ceignant donc nos reins de la foi et de l'accomplissement des bonnes actions, avançons sur ses voies, sous la conduite de l'Évangile, afin de mériter de voir celui qui nous a appelés à son royaume.
« Se cherchant un ouvrier,,. Ce terme d'ouvrier est étonnant pour qualifier celui auquel s'adresse l'appel du Seigneur. On le trouve deux autres fois dans la règle au chapitre sur l'humilité. Le moine humble se reconnait comme un mauvais et indigne ouvrier (7, 49). Et en finaL on conclue : « cet état (de/ 'humilité), daigne le Seigneur le.faire apparaitre par le Saint Esprit, dans son ouvrier purifié de ses vices el de ses péchés» ... Ces utilisations du tenne
«ouvrier» (operarius) indiquent bien à quel type de travail le moine appelé est embauché à« l 'humi/ité », ou encore selon le passage entendu ce matin, « à interdire à sa langue le mal, éviter le mal, chercher la paix » ... Voilà le travail à accomplir dans le but d'être heureux et de voir le bonheur dans le Royaume qui sera le salaire, la récompense promise.
On sait que St Benoit a synthétisé l'enseignement de la Règle du Maitre sur le baptême, pour n'en retenir, en guise de prologue, que la dernière pmtie sur la pratique de la vie chrétienne. Le moine ouvrier, ainsi appelé, est fondamentalement un baptisé qui va mettre en œuvre son baptême, comme nous l'a rappelé f. Michael Davide. Dire ceci, loin de banaliser notre vie monastique, ou d'introduire de la confusion, permet d'une part de l'enraciner dans la vocation chrétienne, qui est une vocation au bonheur et d'autre part d'en faire ressortir les moyens propres de cette vocation tels qu'ils seront ensuite précisés dans la règle. Le moine est un ouvrier parmi la multitude des autres ouvriers appelés par le Seigneur désireux de partager son bonheur de Dieu. Comme pour tous les baptisés, son travail est double. Il est inséparablement travail sur soi, pour la vérité, la justice et la paix, et inséparablement travail avec d'autres pour que la vie du Royaume soit propagée et diffusée. Dans cette oeuvre, chaque chrétien apporte sa pierre propre. Quelle est la particularité du moine ? Comme le suggère Benoit, il est un ouvrier uni à ses frères qui mettra toute son application, à travailler sur son propre cœur, dans la persévérance, la conversion des mœurs et l'obéissance. Sur le bateau de l'Eglise, le moine veille dans la prière et la charité fraternelle. Ce primat de la veille gratuite pour le Royaume fait signe à tous que la vie présente se reçoit de Dieu et qu'elle n'a pas sa fin en elle-même. Réjouissons-nous d'être ainsi à la fois enracinés avec tous dans un même baptême, et comme tous les baptisés de pouvoir être un signe pour les autres, comme ceux-ci (mariés, prêtres, autres consacrés) font signe de la richesse de la grâce du Christ pour son Eglise et pour le monde.
8. Levons-nous donc enfin, puisque l'Écriture nous éveille en nous disant : « L'heure est venue de nous lever du sommeil »,
9. et les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d'une oreille attentive ce que la voix divine nous remontre par ses appels quotidiens :
10. « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs ;» ;;
11. et encore : « Qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises. »
12. Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur.
13. Courez, pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous atteignent. »
« Ecoutons d'une oreille attentive ce que la voix divine nous remontre par ses appels quotidiens» ... Les appels quotidiens ... Quand nous pensons appel de Dieu, comme je le disais avant-hier, on pense spontanément à l'appel qui a décidé de notre entrée au monastère ... ce tournant de notre vie. Ici Benoit parle d'appels quotidiens au pluriel. Dès lors, il vise la manière avec laquelle Dieu nous fait signe au long des journées, principalement à travers la Parole entendue dans la liturgie ou ruminée dans la lectio, comme le suggère les citations faites en appui de sa conviction. Dieu nous fait signe au cours de nos journées, il nous adresse la Parole... Comment demeurer à l'écoute au long des jours ? Comment garder une conscience vive de la Présence de Dieu? Quelle place lui faisons-nous? C'est notre labeur de moine, le labeur intérieur que notre cadre de vie voudrait favoriser. Plus qu'un commandement, « il faut faire ceci ou faire cela », nous pouvons entendre dans cette recommandation de Benoit, le désir de notre Dieu de vivre une relation vraiment vivante avec nous. Non seulement il la désire, mais il nous en croit capable. Il nous croit capable de nouer avec lui une intimité, intimité qui sera unique pour chacun. Eveillé un jour par l'appel décisif, notre cœur a perçu combien cette relation avec notre Dieu, avec le Christ, était bonne et profondément heureuse. « Choisir le silence pour saisir la Parole, pour être ce disciple aux aguets d'un mot, d'un ordre» selon les mots de l'hymne de la St Benoit. C'est le mystère profond de notre vie monastique: laisser cette relation avec notre Dieu devenir une relation toujours plus vivante, toujours plus personnelle. En ce sens, notre vie monastique est un appel continuel à prêter notre oreille pour nourrir cette relation, et accueillir la voix de notre Père, et de son Fils notre Seigneur et notre frère. Les appels quotidiens que nous pouvons entendre viennent nous réveiller si nous nous laissons endormir par nos activités. Ils viennent nous secouer lorsque nous sommes las ou paresseux pour venir à l'église ou bien nous mettre à faire lectio,. Ils viennent nous saisir pour aller plus loin dans l'amour fraternel. Ces appels quotidiens, perçus au gré de la liturgie comme des rencontres, sont notre chance : ils veulent nous rendre plus larges dans notre capacité à aimer. La tentation serait de nous contenter d'un traintrain... Ces appels nous révèlent que le Seigneur a plus d'ambition pour nous, pour notre communauté et pour notre Eglise. Son amour suscite en chacun une ouverture, un élan à la mesure de son propre Esprit. .. Une vie plus large et plus pleine nous attend devant nous... N'ayons pas peur...
4. Avant tout, quand tu commences à faire quelque bien, demande-lui très instamment, dans la prière, de le conduire à sa perfection,
5. afin que lui qui a daigné nous mettre au nombre de ses fils, n'ait jamais à s'attrister de nos mauvaises actions.
6. En tout temps, en effet, il nous faut lui obéir au moyen des biens qu'il met en nous, de sorte que non seulement, père irrité, il ne vienne jamais à déshériter ses fils,
7. mais aussi que, maître redoutable, courroucé de nos méfaits, il ne nous livre pas au châtiment perpétuel, comme des serviteurs détestables qui n'auraient pas voulu le suivre jusqu'à la gloire.
8. Levons-nous donc enfin, puisque l'Écriture nous éveille en nous disant : « L'heure est venue de nous lever du sommeil »,
« Il nous faut lui obéir au moyen des biens qu'il met en nous »... Cette petite phrase de Benoit est rassurante et profondément vraie. Obéir est-il possible sans la grâce de Dieu? Pour St Benoit, c'est l'évidence que non. Aussi est-ce la raison pour laquelle il recommande de commencer par prier pour demander à Dieu la grâce de conduire à sa perfection le chemin entrepris. « Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain » dit le psalmiste (Ps 126,1). Plus profondément, on peut entendre dans la recommandation de St Benoit la conviction que notre vie monastique consiste à déployer des biens qu'il a mis en nous. Comme toute vocation chrétienne, la vie monastique n'est que la mise en œuvre des propres dons de Dieu, au service de tout le Corps ecclésial et de l'humanité.
On pourrait se demander: guels sont« les biens qu'il met en nous» ? Quels dons a-t-il déposé pour nous permettre d'être moine? Le premier est certainement le don de la foi. Je crois au Christ et à son Evangile. J'adhère à la lumière qu'il m'offre pour guider mes pas dans la vie humaine. Plus j'avance, plus je reconnais cette lumière de la foi comme une force vitale pour avancer, comme un cadeau inestimable. Le second don est celui de l'appel.. .. Quand les catéchumènes cheminent vers le baptême, il y a une étape qui est appelée « appel décisif»... J'aurai envie de dire que pour chacun de nous, il y eu un« appel décisif», que l'on peut associer à un moment précis, ou à un processus progressif, ou encore à une parole précise. Reconnu comme décisif cet appel marque un tournant dans notre vie, qui a décidé notre entrée au monastère. Pour chacun, cet appel demeure un bien ressource, une sorte de trésor de grâce dans lequel on peut venir puiser des énergies, surtout lorsque le ciel est bas et que des idées noires viennent mettre en doute le bien-fondé de notre choix... Quel autre bien le Seigneur a-t-il mis en nous pour nous permettre de déployer la vie monastique? N'y-a-t-il pas le goût de la prière, cette aptitude à demeurer à l'écoute dans la liturgie, dans la lectio ou la prière silencieuse ? Le Seigneur a rendu sensible notre cœur à sa présence. Il a éveillé un désir et une écoute de son mystère contre lesquels nous n'échangerions pas les plus grandes richesses. Au cénobite que nous sommes, le Seigneur n'a-t-il pas fait don de la capacité de vivre avec des frères ? Vie fraternelle reçue comme un soutien précieux, mais aussi éprouvée et affinée à travers le service, la collaboration mais aussi le partage. C'est la grâce de vivre avec des frères, dans la patience et l'humour sur soi pour supporter les épines. Oui, avec tous ces dons que le Seigneur a mis en nous, comme des semences à faire grandir, avançons avec confiance...
3. À toi donc, qui que tu sois, s'adresse à présent mon discours, à toi qui, abandonnant tes propres volontés pour servir le Seigneur Christ, le roi véritable, prends les armes très puissantes et glorieuses de l'obéissance.
Après l'image du labeur ou du travail pour quitter la désobéissance, Benoit utilise l'image du combat. Il suggère ainsi toute une imagerie guerrière ou chevaleresque. Paul avait déjà développé la métaphore en recommandant aux chrétiens d'Ephèse de « revêtir l'équipement de combat pour tenir contre les manœuvres du diable» (Ep 6, 11). Il s'agit donc de « prendre les armes très puissantes et glorieuses de l'obéissance » pour combattre sous la bannière du Christ, le roi véritable. Depuis la désobéissance au jardin d'Eden, la venue du Christ a changé la donne. Désormais, la logique de la désobéissance, avec ses conséquences de rupture, de repli sur soi, et finalement de mort, n'est plus dominante. Depuis la victoire du Christ, elle est vaincue. Et par le don de son Esprit, le Christ a partagé cette victoire à son Eglise. Chaque baptisé devient le bénéficiaire puis l'acteur de cette victoire. Avec tous ses frères dans la foi, il constitue une armée de combattants enrôlés, afin que le rôgne de justice et de paix du Christ advienne sur notre terre. Comme dans un corps d'armée, les rôles sont différemment répartis, à chacun ayant une am1e propre. Dans le Corps du Christ, les uns manient les armes du service, les autres les armes de la prédication, les moines les armes de l'obéissance .... St Benoit dit que ces armes sont« très puissantes et glorieuses»... Que veut-il dire par là?« Très puissantes», peut-être le sont-elles parce que ce sont les ultimes armes que le Christ lui-même a utilisées sur la Croix, pour anéantir les forces du mal et de la désobéissance. Là au moment du dernier souffle. il n'a pas eu d'autre pouvoir, que celui d'obéir dans un consentement total qui s'est révélé très puissant. « Glorieuses » peut-être faut-il entendre que l'obéissance du Christ est ainsi dans la mesure où elle ouvre la brèche décisive à la révélation de la Gloire de Dieu... Invités à reprendre les armes du Christ, nous nous unissons à son combat pour la vie, la nôtre et celle du monde. Et contre gui combattons-nous ? Pas contre nos frères, mais bien avec eux contre le même Adversaire, « les dominateurs de ce monde de ténèbres » ajoute Paul aux Ephésiens (Ep 6, 12). Et parfois cet adversaire trouve un allié solide en nous-mêmes, en cette part ténébreuse, non encore unifiée ... Aussi le lieu du combat sera principalement notre propre cœur qui, blessé par le péché, fait l'expérience de faire ce qu'il ne voudrait pas faire, et de ne pas faire ce qu'il voudrait. L'obéissance est une arme puissante et glorieuse qui nous arrache à ce cercle vicieux et à l'illusion de nous suffire à nous-même. En développant en nous une attitude foncière d'écoute et d'ouverture aux autres. elle nous libère. Bénissons le Christ, car ce mystérieux combat, mené avec Lui, devient source de vie pour nous, mais aussi pour beaucoup. N'est-ce pas la fécondité la plus profonde de notre vie cachée?
1. ÉCOUTE, ô mon fils, ces préceptes de ton maître et tends l'oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t'aime, reçois-la cordialement et mets-la en pratique effectivement.
2. Ainsi tu reviendras, par ton obéissance laborieuse, à celui dont tu t'étais éloigné par ta désobéissance paresseuse.
Nous retrouvons le début de la Règle avec ce mot fort et emblématique de toute notre vie : « écoute ». Premier mot de notre règle. On pourrait dire : « au commencement était l'écoute » ! Voilà le seul écho possible à cet autre commencement de tout : « au commencement était le Verbe, la Parole ». Invitation à prendre au sérieux la Parole, celle qui ne cesse de créer depuis le commencement, celle aussi qui ne cesse d'appeler les hommes à entrer en alliance avec Dieu, et celle qui finalement en Jésus, le Verbe Chair, ne cesse de rassembler tous les hommes en un seul Corps... Nous croyons que la Parole est à l'œuvre en ce monde et nous voulons nous laisser façonner par elle pour devenir ces créatures nouvelles en Jésus le Christ. St Benoit nous entraine à quitter l'état de l'homme ancien, l'état de l'homme qui s'est fermé à la Parole et qui n'a pas été capable d'obéir. Chacun est invité à faire en lui-même le chemin qui peut rendre tout homme son bonheur initial : celui de se recevoir d'une Parole.
Il nous est bon de laisser ce début de la RB nous redire qu'il est possible de revenir à ces commencements heureux, celui de la Parole et celui .del'écoute, les commencements d'une relation heureuse avec Dieu. Car Dieu est toujours commencement. Il nous invite à consentir à commencer avec lui, à faire de notre existence un commencement. Depuis que le péché a obscurci en nous le bonheur de la relation avec notre Père, en insinuant un doute sur l'intention de ce dernier à notre endroit, nous mettre à l'écoute nous demande un labeur... un travail qui ne nous est pas spontané. Il nous en coûte en quelque sorte de croire que cette relation avec notre Dieu, avec nos frères, peut être bonne, et qu'elle nous conduira au bonheur. .. Il nous faut réapprendre à écouter vraiment, pour obéir vraiment par amour, et non par crainte. Sous la f01me d'une longue pédagogie, la règle va nous enseigner jour après jour un chemin de libération, afin de retrouver la joie de demeurer sous la Parole. Parole entendue dans la liturgie, cherchée dans la lectio, reçue à travers l'abbé et les frères. Oui, il est bon de demeurer sous la Parole qui nous façonne.
Demandons la grâce de quitter la crainte ou la peur face à la Parole, celle qui nous dérange. Demandons la force de nous ouvrir pour écouter à nouveau