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14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,
15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,
16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.
« Quand il aura délibéré avec lui-même ». C'est un vrai travail de discernement auquel St Benoit convie le novice à s'exercer. Il s'agit donc pour le jeune frère de« délibérer avec lui même ». L'expression latine, ainsi traduite, mérite qu'on s'y arrête: « si habita secum deliberatione ». On pourrait traduire mot à mot, « s'il habite avec lui-même / par la délibération » ... le mot à mot me semble très suggestif pour éclairer tout le processus de discernement de sa vocation. Il s'agit« d'habiter avec soi-même lorsqu'on délibère», d'être pleinement soi-même en paix. Lorsqu'on délibère, on pèse le pour et le contre. On évalue si l'on peut ou non faire telle ou telle chose; ou comme dit l'évangile, si l'on peut bâtir jusqu'au bout une tour, ou bien faire la gue1Te avec 5000 hommes contre un adversaire qui arrive avec 10000. La formation monastique de plusieurs années offre un critère global de discernement : celui de la capacité ou non de vivre cette vie avec sa discipline propre, ses exigences ainsi que son appel à s'abandonner totalement dans les mains du Seigneur. Est-ce que cette vie me donne la paix. la joie, celles qui résistent aux épreuves ou à l'usure? Est-ce que je perçois ses côtés plus âpres, plus exigeants, comme des leviers pour aller plus loin dans le don de moi-même. ou bien sont-ils des poids lourds qui m'empêchent de vivre? Est-ce que j'ai l'impression qu'en cette vie se trouve le jardin où le Seigneur me plante pour me faire grandir selon sa volonté 9 Plutôt que de parler d'épanouissement, est-ce que je pressens que là il y aura pour moi un accomplissement dans le don et le détachement de moi-même pour mieux aimer le Seigneur et mes frères ? Autant de questions qui peuvent nourrir la délibération. Autant de questions que le nouveau venu doit affronter. Dans le cas d'une confirmation de l'appel premier, peu à peu, comme une eau agitée qui décante, un choix peut s'affirmer. Le jeune frère mesure qu'il habite vraiment avec lui-même, à travers son ressenti. la paix éprouvée. les lumières reçues. Dans cette phase de discernement, il est important de pouvoir repérer, voire de noter sur un cahier. ce gui se passe en nous. Nous croyons que le Seigneur a guidé nos pas jusqu'ici. Aussi s'il nous appelle vraiment, et si nous prenons tous les moyens offerts pour y répondre, nous croyons que le Seigneur continuera de nous accompagner et de nous soutenir. Cette confiance dans le Seigneur, liée au sérieux de la démarche intérieure que chacun met en œuvre en n'éludant aucune question ni aucune ombre de sa vie, éclaire la question angoissante qui revient souvent: pourrai-je être fidèle demain? La fidélité du Seigneur sera le gage de notre fidélité, non l'inverse.
9. S'il promet de tenir bon et de persévérer, après une période de deux mois on lui lira cette règle à la suite,
10. et on lui dira : « Voici la loi sous laquelle tu veux servir. Si tu peux l'observer, entre ;; si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller. »
11. S'il tient encore, alors on le conduira au logement des novices mentionné plus haut, et on recommencera à l'éprouver en toute patience.
12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.
13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.
« Voici la loi sous laquelle tu veux servir. Si tu peux! 'observer, entre ; si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller». La loi dont parle Benoit, est la règle qui est lue en entier au nouveau venu, trois fois en un an. La règle est une loi, mais elle n'est pas la Loi. avec un« L » celle qu'accomplit le Christ. La première qui régit une communauté monastique peut être observée ou non. La seconde illuminée et assumée par l'Evangile de la grâce demeure comme le socle et l'appel de toute vie chrétienne. Autrement dit, la règle reste un petit instrument afin de mieux marcher sous la conduite de l'Evangile.
S'il en est ainsi, pourquoi cette insistance de Benoit sur la lecture de la règle ? La règle offre tm art de vivre qui embrasse la vie humaine en toutes ses dimensions. Veut-on vraiment lui soumettre toute notre existence ? Telle est la question que pose en filigrane Benoit. Se soumettre à la règle est un grand acte de libe1ié. Librement, on choisit de se mettre sous une loi qui va conditionner tous les aspects de mon existence. Sommes-nous masochistes en faisant cela? Non, nous le faisons parce que nous avons déjà percu qu'avec elle, nous nous mettons sous la conduite du « seul Maitre. le Christ, dont le joug rende libre », pour reprendre les mots de l'hymne de la St Benoit. Comme il le dira plus loin, la règle peut s'apparenter à un joug, cette barre de bois, mise sur le cou des bêtes, qui permet de tirer plus efficacement une charge, en le faisant à plusieurs. Librement choisi, ce joug nous donne avec d'autres de concentrer tous nos efforts sur un unique objet : tirer, porter. unifier tout notre être, toute notre vie au service du Christ et de son Evangile. Car la charge que nous p01ions, c'est d'abord nous-même, mais aussi les autres. Là où laissé à nous-même, nous peinerions par ex à nous lever pour la louange de Dieu, le joug de la cloche réveille en nous des énergies nouvelles. Là où vivant seul, nous pourrions nous laisser aller à nos petits plaisirs, le joug de la vie commune nous découvre au delà de ses exigences, le plaisir profond que procure la loi de la charité. Ce joug mobilise toutes nos énergies. Il donne à nos faiblesses mises en commun une force nouvelle. Certes, se mettre sous le joug de la règle passe par une accoutumance à une certaine rugosité ressentie sur notre cou, le cou de notre fierté. Cela demande de la patience, de l'amour, mais aussi de la foi. car au début notre pâte humaine peut nous sembler lourde à tirer, voire rebelle. Mais si notre cœur veille et se tourne en vérité vers le Christ de lui nous recevons la force, et peu à peu plus de légèreté et d'aisance.
5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.
6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.
7. On observera soigneusement s'il cherche vraiment Dieu, s'il s'applique avec soin à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, aux pratiques d'humilité.
8. On lui prédira toutes les choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu.
Deux aspects ressortent du passage que nous venons d'entendre: l'un plus pragmatique, l'autre plus spirituel. Le premier donne le cadre de la formation, le second la visée. Le cadre rappelle combien notre vie monastique est très humaine : on apprend, on y mange, on y dort, et on est accompagné par un ancien expérimenté. La vie monastique ne peut pas s'enraciner sans ce terreau humain qui offre un équilibre vital. Elle ne vient pas détruire notre humanité, mais plutôt l'accomplir. Pour cela st Benoit donne la visée : chercher Dieu. Et il précise les moyens offe11s pour vivre réellement cette recherche: s'appliquer à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, aux pratiques d'humilité, être averti des choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu. La recherche de Dieu a ses moyens humains et spirituels propres qu'il est imp011ant de bien connaitre pour les mettre vraiment en œuvre. Si on les reprend, on mesure que la recherche de Dieu intéresse toute notre réalité humaine. D'une part, elle donne sens à notre quête d'apprendre, mais aussi à notre manger et à notre dormir. Elle offre une raison profonde de vivre au quotidien, en unifiant toute notre vie sous le regard de Dieu. D'autre part, la recherche de Dieu va se déployer dans la prière, la liturgie, dans la lectio notamment, mais aussi dans les relations, à travers l'obéissance particulièrement, cette écoute affinée, enfin dans les moments plus rudes peut-être où nous allons être entrainés à pratiquer l'humilité. Et St Benoit poursuit dans la même ligne, il faut savoir qu'aller à Dieu nous fera traverser des choses difficiles et pénibles. Mieux vaut le savoir au départ pour ne pas en étonné ou encore effrayé car la voie est parfois étroite comme il le souligne à la fin du prologue (48).
Pourquoi cela peut-il être difficile ? Parce que la croix fait pai1ie du chemin du chrétien, et du moine en particulier. La croix se manifestera peut-être à travers tout ce que l'on peut porter de lourd, de notre propre fait ou du fait des autres que l'on doit porter, parfois supporter par amour. La croix, c'est aussi tout ce gui se met en travers de la route, notre route imaginée, la maladie peut-être, l'échec, une grosse épreuve ou une tentation à affronter, ... La croix sera peut-être à vivre dans le consentement à une mission difficile confiée, ou encore à une fidélité vécue dans la sécheresse et la nuit... Mystère de nuit ou de souffrance que nous sommes appelés à traverser avec Je Christ, en le regardant et en le laissant nous enseigner sa manière à lui d'aimer en de telles circonstances ... Qu'il nous vienne en aide, Lui le Vivant qui s'est relevé d'entre les morts !
1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,
2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»
3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,
4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.
Ce matin, je voudrais m'arrêter d'abord sur le titre de ce chapitre: « de la façon de recevoir les frères »... « De la façon », « comment » : la vie monastique à la suite de St Benoit nous apprend à être attentif à la manière de vivre les choses, ici de recevoir les frères nouveaux venus désireux de mettre leur pas dans ceux du Christ. Pour St Benoit, il ne suffit pas de faire les choses, mais il faut les faire de la bonne manière, si on veut qu'elles portent vraiment du fruit. Nous pourrions décliner cette conviction sous tous les modes, pour tous les aspects de notre vie: il ne suffit pas d'être à l'office, mais il nous faut nous y donner de bon cœur; il ne suffit pas d'accomplir une tâche, il faut nous y impliquer en aimant le Seigneur et les frères pour qui on travaille, etc... Ici, en ce début de chapitre, nous pouvons être étonnés par la manière qu'il propose pour recevoir les nouveaux venus. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'est pas très «tendance» ni « politiquement correcte » à nos yeux modernes. Pour résumer de manière lapidaire et humoristique, on pourrait dire que recevoir les nouveaux venus, c'est d'abord les faire attendre à la porte! Benoit prend le contre-pied d'un mouvement naturel qui voudrait qu'on ouvre grandes les portes pour rendre plus facile l'intégration au nouveau venu. Là, où le désir d'avoir des recrues peut incliner à une certaine souplesse, Benoit oppose une rigueur qui veut permettre un discernement. Car son but n'est pas, par une sorte de sadisme, de faire souffrir le nouveau venu, non il s'agit d'« éprouver les esprits pour voir s'ils sont de Dieu ». Le nouveau-venu est-il conduit par !'Esprit de Dieu ou non ? Vient-il vraiment pour chercher Dieu, ou vient-il pour trouver ici une sotte de refuge idéal ? La manière abrupte que propose ici Benoit n'est pas transposable comme telle aujourd'hui. Mais il nous faut en retenir son dynamique spirituelle qui est de venir contrecarrer notre pente spontanée. Là où l'on voudrait gommer la rudesse de la vie monastique en sa durée, dans le lent dépouillement de soi qu'elle entraine. Dès le début, le nouveau venu doit expérimenter ce qu'il aura à vivre durant toute son existence : passer avec le Christ par une forme de mort à soi-même, pour renaitre avec Lui, homme nouveau. Nos échanges récents sur le départ de f. Jean Paul peuvent nous rendre plus vigilants sur la nécessité de ne pas oublier cette clé de discernement. Il est bon que tous, le
P. Abbé, le maitre des novices, mais aussi chacun, nous rendions compte de notre vie par une
attitude vraie et des paroles claires. La vie monastique est belle, mais exigeante, d'une exigence qui n'est pas tant dans la dureté de pratiques que dans le don intime de soi au Seigneur et aux frères, don sans cesse à renouveler.
1. S'il y a des artisans au monastère, ils exerceront leur métier en toute humilité, si l'abbé le permet.
Dimanche dernier, dans l'évangile, nous entendions Jean donner des conseils qm peuvent trouver des échos dans les recommandations faites par Benoit aux artisans. Aux publicains, le Baptiste disait: «n'exigez rien de plus que ce qui vous est.fixé» et aux soldats :
« contentez-vous de votre solde » (Le 3, 12-14). Et St Benoit en résumé : « gardez-vous de toute fraude dans les transactions, ainsi que du fléau de l'avarice en fixant des prix un peu meilleur marché » ... Comme pour les auditeurs de Jean le Baptiste, notre conversion passe par une vigilance réelle dans notre manière de travailler, de faire du commerce, finalement dans notre relation aux choses et aux personnes rencontrées. Allons-nous vivre notre travail, notre commerce, nos relations sous le regard et la lumière de Dieu ? Ou bien allons-nous les vivre en prenant tous les moyens possibles pour faire du profit 9 Quel est le moteur de notre action : l'efficacité, la réussite, l'honneur qu'on en tire ou bien la gloire de Dieu, afin qu'en tout il soit honoré, et reconnu ? La question ne me semble pas anodine à l'heure où nous sommes en train de chercher à mettre en route un nouvel emploi? Par quoi est motivée notre recherche? Nous pouvons énumérer plusieurs motifs : retrouver une activité de production autour de laquelle collaborer à plusieurs frères, pouvoir dégager un revenu pour vivre davantage du travail de nos mains, offrir un produit du terroir qui puisse donner satisfaction à ceux qui l'achèteront. Spontanément, je crois, nous ne mettrons pas en avant, le motif donné par St Benoit : « pour qu'en tout Dieu soit glorifié» ... Pourquoi? Sûrement parce qu'aujourd'hui nous sommes sensibles à la distinction des domaines, chacun ayant sa dynamique propre, le spirituel d'une pait et l'économique de l'autre. Mais, si cette distinction est importante, quels repères nous donner pour qu'apparaisse clairement que l'activité sera faite par des moines qui cherchent Dieu? Je pense à plusieurs : à la manière de vivre les relations entre nous : donner place à l'écoute mutuelle, au partage des idées, des initiatives ; dans les relations avec les collaborateurs extérieurs : vraie ouverture et en même temps discrétion sans familiarité, pouvoir leur dire nos limites liées au primat de la prière qui façonne nos vies ; dans le développement de l'activité. penser à cet esprit de paix et de recherche de Dieu avec lequel nous voulons vivre toute chose, concevoir cette activité au service de notre désir de chercher Dieu, et non l'inverse en liant notre quotidien à des cadences ou à des exigences qui seraient inappropriées. Oui, notre vie monastique trouve tout son sens quand apparait, par sa justesse, son équilibre, sa paix, le plus souvent sans mot, que notre cœur, notre existence est vouée à l'amitié avec le Seigneur qui a fait toute chose et vers lequel nous allons.
1. La table de l'abbé sera toujours avec les hôtes et les étrangers.
2. Cependant chaque fois qu'il y a moins d'hôtes, il aura le pouvoir d'inviter ceux des frères qu'il voudra.
3. Cependant il faut toujours laisser un ou deux anciens avec les frères pour le bon ordre.
« Pour le bon ordre», avec ces mots, le P. Adalbert traduit le ternie latin« disciplina». La traduction est heureuse et suggestive, car le même mot latin peut se traduire par discipline, exigence. voire sanctions selon ses usages différents dans la règle. Parler de « bon ordre » est plus intéressant que de parler de « discipline », ce qui risque toujours de nous enfermer dans le registre étroit du permis et du défendu. En effet, si nos règles et coutumes monastiques se présentent comme une fom1e de discipline, il ne faut jamais oublier que c'est pour nous apprendre l'art d'être disciple, disciple du Christ à la manière de Benoit. Les exercices communautaires veulent façonner en nous un être intérieur plus libre pour aimer. .. Et nous savons que les entraves les plus profondes, celles qui nous retiennent le plus dans leurs filets, ne sont pas les entraves extérieures, mais bien celles plus intérieures, les passions, les mauvaises habitudes, le péché... En ce sens, l'expression« bon ordre» que Benoit utilise pour dire le bien fondé de certaines règles durant les repas suggère une dynamique. Si St Benoit prescrit ici des manières de faire pour le repas, si nous en avons d'autres nous aussi, ce n'est pas pour le plaisir esthétique que tous marchent de la même façon et qu'aucune tête ne dépasse. Non, le bon ordre. ici durant les repas, comme ailleurs, veut nous faire grandir dans cet ordre communautaire qui ne peut être que celui de la charité. Si nous vivons ensemble, c'est pour nous faire mutuellement le don de la charité. Je me donne, tu te donnes, nous nous donnons, et nous faisons signe que dans la vie humaine tout est don... Quand, au début du repas, nous nous attendons pour prier, nous nous témoignons d'abord que la présence de tous est importante. Si l'un manque, la communauté est comme amputée. Ensuite dans la prière, nous nous témoignons les uns aux autres de notre joie et de notre confiance, à tout recevoir de notre Père des Cieux, le Créateur de tout bien. Lorsque nous nous attendons avant de passer au plat suivant, nous nous disons notre attention mutuelle. Ce qu'est l'autre dans son rythme, dans ses besoins est important pour moi. Je ne suis pas uniquement préoccupé de me remplir le ventre, et après, après moi le déluge. Il s'agit bien ici, du« bon ordre de la charité», non d'une discipline sèche qui voudrait que tous fassent tout en même temps. Ainsi, nous apprenons à marcher ensemble, non pour marcher au même pas, comme un régiment de parachutistes, mais pour nous soutenir les uns les autres, en nous attendant parfois, en accélérant à d'autres fois, en se réjouissant toujours de marcher dans une même direction, sous la conduite d'un même Seigneur.
1. L'oratoire sera ce que signifie son nom, et on n'y fera ou déposera rien d'autre.
2. L'œuvre de Dieu achevée, tous sortiront dans un silence complet et l'on aura le respect de Dieu,
3. en sorte qu'un frère qui voudrait prier à par soi en particulier, n'en soit pas empêché par l'importunité d'un autre.
4. Si en outre, à un autre moment, il voulait prier à part soi en privé, il entrera et il priera sans bruit, non à voix haute, mais avec larmes et application du cœur.
5. Donc celui qui ne fait pas ainsi, on ne lui permettra pas de demeurer à l'oratoire, une fois achevée l'œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur qu'un autre n'y trouve un empêchement.
«L'oratoire sera ce que signifie son nom» ... Cette phrase anodine en apparence est pleine d'enseignement, à l'heure, où l'on prend conscience avec le rapport de la Ciase du poids des mots, et des dommages qui s'ensuivent lorsque, derrière des euphémismes, l'on cache des réalités tordues. St Benoit rappelle ici une évidence que 1'on pourrait étendre à tous nos lieux. Dans le chapitre, vivons le rassemblement de la communauté, dans le réfectoire vivons la joie de se refaire en nos corps, dans la cellule vivons le recueillement et le repos, le bienfait d'être un avec nous-même, dans les parloirs vivons la possibilité tranquille d'échanger... et dans l'oratoire, vivons la grâce de parler avec Dieu, tous ensemble et chacun individuellement dans l"intime du cœur. Valoriser ainsi nos lieux, c'est prendre la mesure du caractère structurant de nos espaces pour notre être communautaire. Ils contribuent à vivifier la communauté dans le respect mutuel, dans la discrétion, et dans la force de marcher ensemble... Que tout ne soit pas possible partout est une chance et une source d'équilibre et de paix pour tous et pour chacun. C'est une des raisons pour lesquelles on insiste sur le silence. Le silence dans nos lieux communautaires est le garant d'un climat sain où nous assumons tous ensemble une juste distance. sans froideur ni mépris... Une distance qui voudrait être aussi bien au service de la chasteté entre nous, pas de familiarité idiote, qu'au service de notre union et proximité avec Dieu. L"insistance de Benoit sur le silence à l'oratoire veut certainement mettre l"accent sur ce point.« Tous sortiront dans un silence complet et l'on aura le respect de Dieu». A l'oratoire. plus qu'en aucun autre lieu, le silence veut servir dans le même temps et les frères et Dieu : les frères pour qu'ils puissent se recueillir sans gêne extérieure. et Dieu pour qu•ll puisse parler au cœur de chacùn. De ce point de vue, l'oratoire est emblématique de ce que voudrait être le monastère tout entier, une maison de Dieu. Une maison où Dieu est honoré pour lui-même el en chaque frère. Dans l'oratoire, le silence favorisera plus particulièrement le cœur à cœur avec Dieu. Je pense ici à la belle figure d'Anne, la mère de Samuel. qui « prolongeai! sa prière» pour demander la grâce d'avoir un enfant,« parlait dans son cœur: seules ses lèvres remuaient et l'on n'entendait pas sa voix» (1 Sa 1, 12-13). On l'imagine prosternée, « elle pleurai/ abondamment» nous dit le texte. St Benoit parle de prier « sans bruit ...avec larmes et application du cœur ». L'oratoire, et d'une certaine manière aussi la cellule, voudrait permettre cette prière gui engage tout le cœur, cette prière où chacun peut exister tel qu'il est devant son Dieu. N'hésitons pas à venir prier dans notre église, dans les temps hors office, avant les offices. Goûtons aussi la joie qu'il y a, à le faire en silence chaque soir après les vêpres.
1. Un frère qui est envoyé pour une commission quelconque et dont on attend le retour au monastère ce jour-là, ne se permettra pas de manger au dehors, même s'il y est invité tout à fait instamment par quiconque,
2. sauf si son abbé lui en a donné l'ordre.
3. S'il fait autrement, il sera excommunié.
Entre le chapitre entendu hier sur les frères qui partent au loin, et celui sur ceux qui ne partent pas très loin, je relève une différence de ton. Paradoxalement, une plus grande gravité ressort du chapitre concernant les frères qui ne partent pas très loin. La mention de l'excommunication lui donne d'emblée une note de sévérité. Tout se passe comme si Benoit était davantage vigilant à la manière de vivre les relations avec les personnes de l'entourage immédiat, qu'avec celles rencontrées dans des périmètres plus éloignés. Lorsque l'on sort à proximité du monastère, on n'acceptera que rarement de prendre quelque chose chez des voisins, et seulement.avec la permission de l'abbé. En fait cette attention aux relations proches qui peuvent devenir habituelles voudrait éviter aux frères d'entretenir des liens extérieurs non ajustés à la vie de la communauté. Il est parfois plus facile d'établir des relations avec le proche voisinage qu'avec ses frères. Si une habitude se prend qui n'est pas parlée, discernée, celle-ci peut devenir nuisible pour le frère. Cette question peut nous faire réfléchir, et sur notre vie commune et sur notre relation avec le voisinage. Sur notre vie commune tout d'abord. Celle-ci est fondamentalement le rassemblement de frères qui ne sont pas choisis. A travers tous les aspects de la vie quotidienne (prière, travail, repas, moments de détente, rencontres) va se tisser une relation fraternelle où chacun est invité à sortir de lui-même et à s'ouvrir au monde des autres. Appelés les uns et les autres par Dieu comme des étrangers, nous acceptons de nous laisser façonner au gré du quotidien comme des frères et des fils de Dieu. Et dans ce façonnage, lorsqu'un frère mangue, non seulement il se manque lui-même, mais il manque au processus communautaire. D'où l'importance de notre vivre ensemble et de notre faire communautaire. Concernant la relation avec notre voisinage, la régularité de certaines relations peut créer une fonne d'amitié. Celle-ci souvent plus gratifiante va-t-elle nous tirer hors du labeur communautaire? C'est ici qu'intervient le discernement avec l'abbé. 11 est heureux que nous puissions tisser des liens avec nos voisins, nos fournisseurs, nos collaborateurs en divers domaines. Mais il est important de pouvoir leur donner leur juste mesure. Beaucoup seraient heureux de nous inviter à leur table par ex. En général, nous déclinons l'offre, pour manifester le primat de notre appartenance communautaire. Une exception s'imposera parfois. Mais il y a une autre manière de vivre ce lien, c'est lorsqu'un frère peut inviter l'une ou l'autre personne de notre voisinage à venir nous partager quelque chose de leur vie, par ex le dimanche soir. De cette manière, le lien d'amitié se trouve honoré et le lien fraternel affermi ...
1. Les frères qui sont au travail tout à fait loin et qui ne peuvent se rendre à l'oratoire à l'heure voulue, –
2. et l'abbé estime qu'il en est bien ainsi, –
3. célébreront l'œuvre de Dieu sur place, là où ils travaillent, en fléchissant les genoux avec crainte de Dieu.
4. De même ceux qui sont envoyés en voyage ne laisseront point passer les heures prescrites, mais les célébreront de leur côté comme ils pourront, et ne négligeront pas de s'acquitter de cette prestation de leur service.
« Ils ne négligeront pas de s'acquitter de cette prestation de leur service». J'entends en écho la recommandation que nous trouvons dans notre coutumier : « Ayons à cœur, en voyage, de rester fidèle à notre vocation de moine, et de rester en communion avec nos fi·ères, en particulier par la récitation de la prière des Heures». Avons à cœur.... Oui, la récitation de notre office, la fidélité aux heures de la prière, même en voyage, permet de mesurer où est notre cœur, alors qu'il est à l'extérieur. La prière nous tient-elle à cœur, ou bien est-elle simplement une chose à accomplir lorsque nous sommes au monastère ? Nos voyages, nos sorties représentent une ce1iaine épreuve pour notre liberté. Personne ne nous regarde. il nous revient à nous seul de décider quand nous allons réserver un moment pour la prière... pour « rester fidèle à notre vocation de moine», poursuit le coutumier. .. La sortie, le voyage vont-ils être une mise entre parenthèse de notre vocation de moines, ou bien au contraire, une occasion de l'approfondir dans la solitude d'une petite chambre, ou bien dans le désir de rejoindre un autre lieu de prière pour honorer l'heure... Bien sûr, il est souvent impossible ni souhaitable de vouloir reproduire la manière de faire du monastère, surtout si l'on est pris dans un autre horaire. li va souvent falloir faire preuve d'ingéniosité pour dégager du temps. Ici, chacun est invité à discerner devant le Seigneur, ce qui possible. Sans vouloir remplir toutes les cases, et dire le nombre de psaumes et lire toutes les lectures, il nous revient plutôt de savoir nous arrêter pour rendre gloire à notre Dieu, et honorer son Nom par ce temps à lui consacré. « La prestation de notre service » pour reprendre les mots de St Benoit, consiste moins en l'exécution d'une prière au modèle standard, qu'à pouvoir donner un peu de notre temps pour entretenir le cœur à cœur avec notre Dieu, pour le service de sa gloire. Le coutumier conclue en mettant en lumière un dernier aspect de la prière durant le voyage : celui de nous garder en communion avec nos frères. La prière est un lieu privilégié de cette communion vécue. Que l'on réussisse ou non à prier en même temps que la communauté, elle nous relie dans un commun service de la louange de Dieu, dans notre commune vocation de veilleur pour le monde. Lorsqu'il m'arrive d'être à Paris et de vivre ainsi un temps de prière seul, dans une petite chambre perchée au 3°-4° étage d'une grande maison, alors que la ville entre dans la nuit par ex, ce sentiment d'être veilleur pour le monde et avec les frères et bien d'autres personnes, prend tout à coup un éclairage très sensible... « Oui, ayons à cœur en voyage, de rester fidèle à notre vocation de moine ! »
1. Bien que la vie du moine doive garder en tout temps l'observance du carême,
2. cependant, comme il en est peu qui aient cette vertu, nous recommandons que pendant ces jours du carême on garde sa vie en toute pureté,
3. et que l'on efface en ces jours saints à la fois toutes les négligences des autres temps.
4. Nous y parviendrons en renonçant à tous les vices et en nous appliquant à l'oraison avec larmes, à la lecture et à la componction du cœur, ainsi qu'à l'abstinence.
5. Donc en ces jours ajoutons quelque chose aux prestations ordinaires de notre service : oraisons particulières, abstinence d'aliments et de boisson,
6. en sorte que chacun offre à Dieu, de son propre mouvement, avec la joie de l'Esprit-Saint, quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée,
7. c'est-à-dire qu'il retranche à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, la loquacité, la plaisanterie, et qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel.
8. Cependant ce que chacun offre, il doit le proposer à son abbé et le faire avec l'oraison et l'agrément de celui-ci,
9. car ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera mis au compte de la présomption et de la vaine gloire, non de la récompense.
10. Tout doit donc s’accomplir avec l’agrément de l’abbé.
A l'approche de !'Avent, il est un peu curieux d'entendre ce chapitre sur le Carême. Et pourtant, il y a dans ce chapitre plusieurs points d'accrochage avec le temps de ]'Avent qui sont suggestifs. En effet, nous avons là les deux seules utilisations du mot « joie », la « joie » étant un des traits spirituels marquants pour le temps de ]'Avent. Ensuite, c'est la seule fois que l'on trouve le verbe « attendre », dans toute la règle, à l'exception du prologue et corpus spirituel (les chap I à 7). Et enfin, nous trouvons en bonne place un autre mot important pour le temps de l'Avent, c'est le mot« désir». S'il est présent plusieurs fois dans la règle, le plus souvent pour exprimer le versant négatif du désir qui se dévoie, en ce chapitre sur le Carême, nous avons sa plus haute expression quand Benoit parle de « désir spirituel » ... « En sorte que chacun offre à Dieu ...avec la joie de !'Esprit Saint ...quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée ... et qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir .1pirituel » ... Joie. attente. désir : ces trois mots que St Benoit utilisait pour caractériser l'élan du moine tendu vers Pâques, nous les entendrons réso1mer de diverses manières durant l' Avent. Depuis St Benoit, la spécification du temps de 'Avent a élargi le spectre des couleurs pour dire le mystère du Christ. A l'instar des couleurs liturgiques qui se diversifient, s'est déployé le mystère du Christ qui était exclusivement concentré, en son sommet, sur sa mort et sa résurrection accompli dans le don de !'Esprit à la Pentecôte. Ainsi le temps de !'Avent s'est imposé comme le moment privilégié pour célébrer le Christ dans son avènement futur. Tendue vers les derniers temps, la liturgie nous apprend à aiguiser notre désir et notre joie dans l'attente de sa venue. Là, où spontanément nous pourrions avoir peur, à l'idée des catastrophes qui pourraient s'abattre sur nous, la liturgie nous remet au diapason du désir de notre Dieu. Comme nous 1'entendrons aux premières vêpres de Samedi prochain : « le Seigneur prend plaisir à notre bonheur, comme il a pris plaisir au bonheur de nos pères» (Dt 30, 9). Les semaines qui nous sépareront de Noël, nous redirons comment ce désir de notre Dieu a pris toute sa mesure dans l'accomplissement de ses promesses, avec la venue de Jésus, le Messie, son Fils bien-aimé. Aussi, fort de l'assurance que nous donne la venue de Jésus Sauveur, mort et ressuscité pour nous, pouvons nous tendre avec élan. amour et confiance vers Lui qui viendra pour achever toute chose. Cet achèvement ouvrira les portes du bonheur plénier qui nous est promis...