vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 29, v 1-3 De la réception des frères qui ont quitté écrit le 15 avril 2011
Verset(s) :

1. Un frère qui est sorti du monastère par sa propre faute, s'il veut revenir, commencera par promettre de s'amender complètement du défaut qui l'a fait sortir,

2. et alors on le recevra au dernier rang, pour éprouver par là son humilité.

3. S'il s'en va de nouveau, il sera reçu ainsi jusqu'à trois fois, en sachant qu'ensuite on lui refusera toute autorisation de retour.

Commentaire :

« S’il veut revenir ». La façon de présenter ce chapitre laisse entendre que les cas de frères quittant la vie monastique et demandant ensuite à revenir, devaient être assez fréquents. Cela peut confirmer le fait que le sentiment d’appartenance au groupe était à l’époque quelque chose de plus important que pour nous aujourd’hui. « Jusqu’à trois fois, il sera reçu », sonne comme une limite que l’on était peut-être tenté de dépasser tant les cas pouvaient se présenter facilement.

Est-ce que ces sorties du monastère étaient considérées avec moins de gravité qu’elles pourraient l’être pour nous aujourd’hui ? Peut-être a-t-on aussi dans ces mesures une recherche dans le sens de ce que nous connaissons aujourd’hui, avec l’exclaustration temporaire ? On ménageait à l’époque un espace avec plusieurs retours possibles, comme prévoit aujourd’hui un temps délimité à l’extérieur pour un frère qui devra décider s’il revient ou s’il quitte la vie monastique.

Le mot latin utilisé que l’on traduit par « revenir » peut se prêter à cette interprétation. C’est le mot « reversi-revertor », revenir sur ses pas, rebrousser chemin. Le même utilisé le plus souvent quand on parle des frères qui reviennent de sortie à l’extérieur du monastère, après un voyage (RB 51, 55, 67). Ce verbe « reversor » utilisé pour des frères sortis n’est pas le même que celui utilisé quand au début du prologue, Benoît parle de « revenir par l’obéissance » à celui dont on s’est éloigné par la désobéissance. D’un côté, on a « reversor » pour dire revenir sur ses pas, de l’autre « redire » pour dire un retour plus fondamental de la désobéissance à l’obéissance. Benoît est largement ouvert au frère qui veut revenir au monastère pour vivre avec ses frères un retour plus profond que nous n’avons pas fini de vivre jusqu’à notre dernier souffle. Tous, nous sommes des hommes sur le chemin du retour, sur le chemin du Royaume pour vivre pleinement comme des fils, tentés que nous sommes de vivre à notre propre compte. Revenir est cette attitude de confiance et d’ouverture par laquelle nous nous tournons vers notre Père, entrainés par le Christ, lui le Verbe, toujours tourné vers le Père, dans la force de l’Esprit. (2011-04-15)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 28, v 1-7 De ceux qui souvent repris ne veulent pas s’amender écrit le 14 avril 2011
Verset(s) :

1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.

2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :

3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,

4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,

5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.

6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;

7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,

Commentaire :

Ce chapitre peut paraitre sévère à première vue, puisqu’il se conclue avec la séparation d’un frère à qui l’on demande de partir. Mais on peut aussi y lire tout le poids de sollicitude et d’attention que l’on a engagé à l’égard d’un homme afin d’éviter l’irréparable. Dans la ligne du chapitre précédent l’abbé et la communauté déploient un zèle très grand pour tenter de rejoindre ce frère malade. Toutes leurs actions culminent dans la prière au « Seigneur qui peut tout ».

Ces lignes nous redisent avec force, combien chaque frère avec son mystère de liberté est un frère espéré, espéré – attendu au meilleur de lui-même par ses frères et par Dieu avant tout. Nous mesurons ici ce qu’est le cœur et la profondeur de notre vie commune : permettre à chacun de vivre au meilleur de lui-même. Une communauté chrétienne n’a pas d’autre but : celui d’offrir une entraide où chacun peut se donner au meilleur de lui-même grâce à l’appui de ses frères. Et ce meilleur chacun le découvre grâce à la vie commune qui nous le révèle à nous-mêmes, en même temps qu’elle nous permet de nous donner les uns aux autres. Ce dynamisme de vie qui révèle à chacun ce qu’il est ne cesse de se vivre jour après jour. Il est tantôt heureux, tantôt crucifiant. Car la vie commune me révèle aussi ces points de résistance auxquels je m’accroche pour sauvegarder mes fausses sécurités. Ces images de moi-même que la réalité conteste et vient effriter. Les conflits sont souvent les lieux où apparaissent mes points de résistance illusoires. La règle et la vie commune viennent aussi mettre le doigt sur mes appuis fragiles. Vais-je m’accrocher au risque de m’enfermer et de m’isoler ou bien vais-je entrer dans le mouvement de la vie commune qui me déplace toujours ? Cette question apparait en pleine lumière à propos du frère qui s’entête dans son parti pris de séparation d’avec la communauté. Mais elle nous est posée en fait de manière quotidienne : allons- nous nous laisser déplacer par la vie commune et nous laisser entrainer par elle au meilleur de nous-mêmes ? (2011-04-14)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 27, v 1-9 Sollicitude l’abbé écrit le 13 avril 2011
Verset(s) :

1. C'est avec toute sa sollicitude que l'abbé prendra soin des frères délinquants, car « ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. »

2. Aussi doit-il user de tous les moyens comme un médecin sagace ;: envoyer des senpectas , c'est-à-dire des frères anciens et sagaces,

3. qui comme en secret consoleront le frère hésitant et le porteront à satisfaire humblement, et le « consoleront pour qu'il ne sombre pas dans une tristesse excessive »,

4. mais comme dit encore l'Apôtre : « Que la charité s'intensifie à son égard », et que tous prient pour lui.

5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.

6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.

7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »

8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;

9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.

Commentaire :

Ce chapitre est parmi les plus beaux de la règle, un de ceux qui sont les plus empreints de saveur évangélique. Il s’adresse principalement à l’abbé qui doit redoubler de zèle envers le frère excommunié. C’est dans cette situation où un frère est en difficulté qu’il est invité à se « rappeler le titre qu’on lui donne » qui l’associe au ministère du Christ. En effet, en aucun autre chapitre, son ministère n’est autant référé à la mission du Christ. Rude tâche que d’être signe pour les frères de la sollicitude du Christ, médecin et bon pasteur. De même que le Christ est allé au devant des hommes malades et qu’il est parti chercher la brebis perdue, ainsi l’abbé ne doit-il pas ménager ses efforts pour un frère en panne. Ici la RB se fait pressante et sans complaisance pour l’abbé. « Il doit user de tous les moyens, prendre un très grand soin et s’empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune brebis qui lui sont confiées ». A vues humaines, la charge semble bien outrepasser les forces humaines. Que peut faire un homme face à la liberté d’un autre homme ? On peut entendre dans ces lignes qu’il s’agit de faire tout son possible et de mettre en œuvre toutes les ressources disponibles pour tenter de gagner son frère. Là où la tentation pourrait être forte – encore davantage aujourd’hui de baisser les bras devant la liberté d’un frère, Benoit invite l’abbé à prendre de la hauteur. Cet homme qui s’égare ou s’enferme est un frère pour qui le Christ est mort et qui a besoin de son salut aujourd’hui. Pris dans ses ténèbres, il n’est plus vraiment libre et il a besoin d’une aide fraternelle pour retrouver la joie de la communion avec Dieu et avec les frères. C’est au service de cette communion perdue de vue que l’abbé doit donner toutes ses forces. Et l’abbé a aussi deux atouts : la communauté à travers les sympectes, mais aussi à travers sa charité et sa prière, et la grâce de l’Esprit Saint à l’œuvre en chacun. Une phrase exprime bien cet atout de la foi en la grâce, elle s’adresse à un ministre du Christ « le pouvoir de ton ministère sera à la mesure exacte de ta foi en la victoire de Jésus sur les âmes qui te sont confiées » (M. Basilica Scklink) (2011-04-13)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 26, v 1-2 Rapport avec les excommuniés écrit le 12 avril 2011
Verset(s) :

1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,

2. il subira une peine d'excommunication similaire.

Commentaire :

La peine d’excommunication est une peine sévère mais qui se veut thérapeutique. A nos yeux contemporains, elle semble étrange. En isolant un frère on craindrait de le pousser à quitter le monastère. Certainement sur ce point apparait bien le changement de mentalité qui nous distingue d’avec le monde de l’antiquité. Dans celui-ci l’appartenance au groupe social était très importante que ce soit le clan, la famille, le livre sur Charlemagne décrit les tribus barbares qui arrivent en Europe avant, pendant et après Benoît (pour les Lombards) comme des peuples organisés autour du clan. Dans le monde romain en pleine mutation, la famille au sens large reste une entité importante. Dans ce monde, le monastère pourrait jouer cette fonction du groupe dans lequel on s’insère et dans lequel on trouve une nouvelle identité, selon des critères autres que ceux du monde, non basés sur le rang social ou l’argent. Dans ce contexte d’un groupe vécu comme un lieu d’appartenance fort, la mise à l’écart, l’excommunication devait être une peine très sensible. Le chapitre entendu ce matin confirme le soin avec lequel on entend l’appliquer : tous les frères doivent signifier par leur attitude de réserve, combien le frère excommunié s’est coupé de la communauté par sa faute. Pour prendre une image, l’excommunication fonctionne comme un vaccin qui injecte dans le corps des souches stériles du virus pour susciter la défense de l’organisme qui crée des anticorps contre le virus. En mettant un frère à l’écart, en lui injectant, en lui demandant de vivre la non-communion, on espère susciter en lui un sursaut de son sens de la communion et de la communauté. On pourrait dire qu’à l’époque de Benoît ce type de vaccin pouvait fonctionner compte tenu du sens fort de l’appartenance au groupe, sens que l’on mesure bien aujourd’hui encore en Afrique ou en Asie.

Dans nos cultures européennes, très individualistes, quel type de vaccin pourrait convenir pour aider un frère qui s’enferme sur lui-même dans son bon droit, alors qu’il s’écarte du chemin communautaire ? Sans devenir complice, ni complaisante, la communauté doit certainement faire preuve d’une plus grande charité à l’égard du frère, charité par l’attention, charité par la prière persévérante. Dans une culture qui place la personne au centre, elle essaiera de gagner le frère, en lui révélant, qu’il reste un frère, et le lui manifestant par sa charité et par sa patience. Notre culture moderne renvoie chacun à sa propre responsabilité. Notre vie commune peut faire fond sur cette responsabilité assumée par chacun pour tous et à la responsabilité de tous envers chacun. C’est un vrai défi pour nous. (2011-04-12)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 31, v 3-7 Du cellérier écrit le 11 avril 2011
Verset(s) :

3. Il prendra soin de tout,

4. il ne fera rien sans l'ordre de l'abbé ;

5. il observera les ordres reçus,

6. il ne fera pas de peine aux frères.

7. Si un frère lui présente une requête déraisonnable, il ne le peinera pas en le repoussant avec mépris, mais avec humilité il opposera à cette mauvaise demande un refus raisonnable.

Commentaire :

« Il ne fera pas de peine aux frères ». De quelle peine s’agit-il ? Benoît veut-il dire que le cellérier, mais on pourrait inclure aussi tout responsable de secteur, veut-il dire qu’il faut toujours contenter les frères en donnant ce qu’ils demandent ? En fait, il précise aussitôt, si un frère fait une demande déraisonnable, contre toute raison, c’est dans la manière de répondre que le cellérier ne doit pas peiner le frère. Avec humilité, il devra opposer un refus raisonnable. Peiner ici équivaudrait à repousser le frère avec mépris. Ces quelques lignes nous montrent qu’il n’était pas plus facile hier qu’aujourd’hui de dire « non ». Dire oui à une demande est toujours confortable, mais dire « non » demande beaucoup de travail sur soi. Car il faut d’abord être bien au clair sur la raison pour laquelle on dit « non ». Benoît parle de « refus raisonnable », le refus doit être juste et motivé. Ensuite il faut pouvoir dire sans blesser le frère, sans le culpabiliser, sans le mépriser en lui faisant sentir notre pouvoir. Si l’on répond « non », ce ne peut jamais être au nom d’un caprice, ou d’une volonté de marquer son terrain ou encore pire pour régler des comptes avec ce frère. Car alors on ne se comporte plus comme un serviteur de la communauté. On se pose en maître. Non, c’est avec humilité, en vertu du fait que l’on est sous la même règle que le frère est soumis comme lui à la même obéissance.

Enfin dire « non », cela demandera d’être capable d’assumer la non-compréhension du frère, voire sa bouderie. Du coup cela appellera une attention plus délicate à ‘égard de ce frère qui peine à affronter les refus, une attention dans la prière aussi.

Voilà ces lignes qui nous invitent à une vraie maturité humaine et spirituelle. Maturité humaine pour affronter en face les difficultés en sachant dire « non » quand cela s’impose. Maturité spirituelle pour dire « non » avec humilité, vérité et donc charité. Dire « Non » n’est jamais facile mais c’est un chemin de liberté pour celui qui doit le dire et pour celui qui doit l’entendre. Prions les uns pour les autres sur ce chemin de liberté «à la suite du Christ. (2011-04-11)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 25, v 1-6 Des fautes graves écrit le 09 avril 2011
Verset(s) :

1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.

2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.

3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :

4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.

6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.

Commentaire :

Ce chapitre a une vraie gravité. On y parle de frère coupable, de faute grave, de deuil de la pénitence. La RB n’évite pas les sujets difficiles et prend en compte les parts les plus sombres de nos vies humaines. Faute grave, culpabilité, cela nous renvoie à notre manière d’être bien ajusté ou non à la vie proposée, ici la vie monastique. Celle-ci veut offrir un chemin qui aide à grandir les pécheurs que nous sommes tous. Elle est faite pour les pécheurs, non pour les hommes parfaits. La RB prévoit donc que les pécheurs que nous sommes peuvent tomber et retomber. Et même que l’on peut s’endurcir, s’entêter dans ses positions. C’est cela semble-t-il que vise le terme « faute grave ». C’est l’obstination qui fait camper sur ses positions sans vouloir entendre raison, après avoir été averti deux fois comme prévu au chapitre 23 déjà lu. L’accent ne porte pas sur l’objet de la faute ou du manquement, ni sur son poids moral. Non, l’accent porte sur la manière de se situer par rapport à cette fonction et à ce manquement. Va-t-on reconnaitre humblement et repartir ou bien va-t-on s’obstiner dans son bon droit jusqu’à se fermer à toute parole fraternelle ? Autrement dit, la faute grave ici envisagée, est d’abord une rupture de communion. Les pécheurs que nous sommes tous ne sont pas en danger parce qu’ils tombent mais parce qu’ils se coupent de la communauté par obstination. Le péché réel est là : il rend aveugle et isole. Il enferme sur soi le pécheur. Nous savons ici combien nous touchons un terrain délicat où s’entremêlent conscience du péché, plus ou moins bien éclairée, sentiment de culpabilité et désir de sauver la face. Ce sont souvent ces trois ingrédients qui, en nous, durcissent notre cœur et l’isole de la communauté, et finalement de Dieu. Le péché peut devenir alors un poison mortel en nous coupant des frères et de la vie. Comme antidote pour ne pas laisser ce poison nous atteindre au cœur, nous pouvons associer au bien commun : « Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu », un « ne jamais désespérer de la fraternité de la communauté », auquel on peut ajouter « ne jamais désespérer de soi-même, de sa capacité à progresser ». La communion avec Dieu et avec nos frères n’a pas de prix. (2011-04-09)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 24, v 1-7 Gravité de l’excommunication écrit le 08 avril 2011
Verset(s) :

1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.

2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.

3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.

4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :

6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,

7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.

Commentaire :

Hier, je soulignais que la communauté était un lieu de grâce et de réconciliation. C’est là sa réalité la plus profonde en christianisme. Mais elle est aussi un lieu d’épreuve, épreuve qui se vit à plusieurs niveaux.

Le premier niveau est lié à l’organisation qu’elle doit nécessairement promouvoir pour que la vie soit possible à plusieurs. C’est ainsi que naissent les règles, règlements et constitutions. Autant de dispositions qui veulent donner des repères pour rendre possible le vivre ensemble. Dans la vie monastique, la règle a un rôle important dans ce sens, mais pas seulement. En effet, la règle n’est pas seulement un instrument commode d’organisation de la vie commune. Elle veut proposer une pédagogie spirituelle qui informe tous les domaines de la vie pratique. La manière de manger, d’être en relation, de se situer par rapport aux biens, la manière de prier, de travailler. La règle va loin dans les détails dans le but d’aider chacun à orienter vraiment toute sa vie pour Dieu. C’est ici que la vie communautaire est une épreuve. Car nous devons lutter pour vivre selon la discipline proposée par la règle. Selon son étymologie, cette discipline veut faire de nous des disciples. Mais la vie quotidienne nous révèle nos limites, nos difficultés et nos résistances pour entrer vraiment dans cette vie de disciple. C’est l’épreuve que nous avons choisi de courir, convaincus qu’elle est porteuse de vie, si nous vivons avec et pour le Christ. Parfois, nous ne sommes pas à la hauteur, nos manquements, nos fautes, nos résistances nous éprouvent. Mais confiés à la miséricorde de Dieu et des frères, reconnus humblement ils peuvent être des occasions de rebondir en prenant appui sur le pardon de Dieu et des frères.

Le second niveau d’épreuve de notre vie communautaire est le vivre ensemble d’hommes si différents de caractères, d’histoires et de sensibilités. A la fois nous nous soutenons et nous nous portons les uns les autres, et c’est le plus important. Et à la fois nous sommes éprouvés les uns par les autres sans qu’on le veuille le plus souvent. Des gestes de notre part, des attitudes et des paroles de notre part, peuvent gêner, froisser, voir agresser nos frères. La vie quotidienne est alors une rude école où il nous faut apprendre à demander pardon, et à pardonner. Elle est une école de vie qui nous apprend à mieux nous connaître. Si nous avons été attentifs à tout ce que nous renvoie les frères et les situations, nous pouvons faire de grands progrès. Cela c’est une chance pour ne pas rester enfermés dans nos difficultés. Mais c’est aussi une épreuve pour notre orgueil. Cela nous demande d’accepter humblement ce que les autres nous révèlent de nous-mêmes et que nous ne voyons pas. Savoir demander pardon au besoin, pardonner seront toujours nos atouts et notre force pour avancer. (2011-04-08)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 23, v 1-5 De l’excommunication pour fautes écrit le 07 avril 2011
Verset(s) :

1. Si un frère se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris,

2. ses anciens l'avertiront, selon le commandement de Notre Seigneur, une première et une seconde fois en privé.

3. S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tout le monde.

4. Si même alors il ne se corrige pas, s'il comprend ce qu'est cette peine, il subira l'excommunication.

5. Mais si c'est une mauvaise tête, il recevra un châtiment corporel.

Commentaire :

Nous commençons ce matin, le code pénitentiel, avec ces huit chapitres. Austères par bien des aspects, ces chapitres nous redisent combien la communauté chrétienne et monastique est un lieu de réconciliation capital. Car elle est un groupe d’hommes pécheurs qui ne se résout pas à se laisser dominer pour le péché, ni à laisser un frère s’isoler dans le péché. La vie en communauté nous permet d’apprendre à conjuguer ensemble amour et vérité. Amour en accueillant chacun avec tout ce qu’il est, avec ses limites et ses qualités, avec son péché. Et vérité en aidant chacun à faire la lumière dans sa vie pour progresser sur son chemin. Rassemblée sous le regard d’amour du Père, unie par l’Esprit du Christ, la communauté poursuit pour chacun de ses membres l’œuvre de réconciliation opérée par le Christ. En elle, chaque frère est atteint et renouvelé par le pardon du Christ. Nous le vivons de manière très significative dans les deux célébrations pénitentielles annuelles, mais aussi au cours du sacrement de la réconciliation vécu plus personnellement, au cours de chaque eucharistie. La communauté ne cesse d’être ce lieu où le Christ offre sa grâce de réconciliation. Peut-être est-ce le premier regard qu’il nous faut avoir les uns sur les autres : nous avons de la chance de nous retrouver entre pécheurs, entre personnes boiteuses et bancales, car c’est à nous tous qu’est offerte la grâce d la réconciliation, pas aux bien portants, Bonhoeffer a cette phrase étonnante dans la Vie Communautaire : « Tout péché individuel est un fardeau et une accusation qui pèse sur l’ensemble de la communauté ; c’est pourquoi l’assemblée trésaille de joie pour chaque nouvelle douleur et pour chaque nouveau fardeau qu’elle subit par la faute de ses membres, car elle se voit ainsi jugé digne de porter et de pardonner les péchés » (Vie communautaire, Labor et Fides 2007, p.89) La communauté se réjouit pour chaque nouveau fardeau lié au péché des frères car cela va lui permettre de pardonner. Magnifique perspective qui nous oblige à changer de regard et à laisser vivre ce dynamisme de réconciliation dont toute communauté chrétienne est porteuse. Le péché des frères, le nôtre, nous provoque à revenir à cette réalité de grâce qui est première. Nous sommes tous sauvés par le Christ et tirés par lui de la mort et de tous nos esclavages. Cette grâce est une grâce déjà là qui ne demande qu’à se déployer en chacun. Voilà l’objet profond de tous les chapitres qui viennent maintenant. (2011-04-07)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 22, v 1-8 Comment les moines dormiront écrit le 06 avril 2011
Verset(s) :

1. Ils auront chacun un lit pour dormir.

2. Ils recevront, par les soins de leur abbé, une literie adaptée à leur ascèse personnelle.

3. Si faire se peut, tous dormiront dans un même local. Si leur grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt avec leurs anciens, qui veilleront sur eux.

4. Une lampe brûlera continuellement dans cette pièce jusqu'au matin.

5. Ils dormiront vêtus et ceints de ceintures ou de cordes, pour ne pas avoir de couteaux à leur côté pendant qu'ils dorment, de peur qu’ils ne blessent le dormeur pendant son sommeil,

6. et pour que les moines soient toujours prêts et que, quand on donne le signal, ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l'œuvre de Dieu, mais en toute gravité et retenue.

7. Les frères encore adolescents n'auront pas leurs lits les uns près des autres, mais mêlés aux anciens.

8. En se levant pour l'œuvre de Dieu, ils s'exhorteront mutuellement avec retenue, à cause des excuses des somnolents.

Commentaire :

Dans la règle, ce chapitre vient le premier pour aborder une question pratique et quotidienne. Le premier point de la vie quotidienne abordé est donc celui du sommeil, pas celui de la nourriture ou celui du travail. Faut-il voir un lien avec le fait que lorsque Benoît présente le code liturgique, il commence par les Vigiles. Le sommeil pour la vie concrète, Vigiles pour la vie de prière. Le moine de Benoît est dans l’ordre, d’abord celui qui veille dans la prière, et puis un dormeur. Et quand il se lève, c’est pour se hâter à l’œuvre de Dieu, nous dit encore ce chapitre.

Dans nos vies humaines, environ un tiers du temps est consacré au sommeil, qui se voudrait être un sommeil réparateur. Deux tiers de temps éveillé où l’on dépense beaucoup d’énergie pour le travail, les relations, l’organisation de la vie communautaire et la prière. Un tiers du temps vécu dans le lâcher-prise inconscient et deux tiers vécu dans l’activité consciente qui porte la vie. L’alternance de ces temps dans nos vies est nécessaire et nous offre en soi un enseignement. Notre vie humaine a besoin de cet équilibre entre lâcher prise et maitrise. Équilibre biologique qui est une école de vie. Quand cet équilibre se rompt, soit du fait des insomnies ou de la suractivité, soit du fait de l’excès de repos qui entraine une sorte d’indolence ou de léthargie globale, notre être humain souffre.

En apprenant par notre activité monastique à être des veilleurs pour le Christ, nous apprenons à garder le juste équilibre entre sommeil est activité, entre lâcher prise et maitrise. En effet, nous voulons rester en éveil pour le Christ, que ce soit dans le sommeil comme dans l’activité, dans le lâcher prise comme dans la maitrise. Ces deux faces de notre vie humaine s’équilibrent et s’éclairent l’une l’autre dans cette visée ultime : notre désir d’être au Christ, nuit et jour. C’est ce désir de vivre éveillé et uni à lui qui va nous aider à réguler ce que notre sommeil pourrait avoir de plombant ou ce que notre activité pourrait avoir d’excessif et d’encombrante. Comme nous le chantons dans une hymne des Vigiles, nous pouvons demander cette grâce de veille : apprends nous à veiller Seigneur Ressuscité, apprends nous à prier sans jamais nous lasser. (2011-04-06)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 21, v 1-7 Des doyens du monastère écrit le 05 avril 2011
Verset(s) :

1. Si la communauté est nombreuse, on choisira parmi eux des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les nommera doyens,

2. pour qu'ils veillent sur leurs décanies en tout selon les commandements de Dieu et les ordres de leur abbé.

3. Ces doyens seront choisis de telle manière que l'abbé puisse, en sécurité, partager avec eux son fardeau.

4. Et on ne les choisira pas en suivant l'ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de leur vie et la sagesse de leurs enseignements.

5. Ces doyens, si l'un d'eux, venant à s'enfler de quelque orgueil, se montre répréhensible, et si après avoir été repris une, deux, trois fois, il refuse de se corriger, on le destituera

6. et on mettra à sa place quelqu'un qui en soit digne.

7. Pour le prévôt aussi, nous prescrivons de faire de même.

Commentaire :

Ces doyens seront choisis de telle manière que l’abbé puisse, en toute sécurité, partager avec eux son fardeau » Partager avec eux son fardeau, l’abbé du monastère de Benoît, comme l’abbé de nos monastères contemporains ne porte pas seul la vie de la communauté. Ce qui ne serait ni bon pour lui, ni bon pour la communauté. Il partage donc son fardeau de responsabilité et de gouvernement. Les doyens, le conseil des anciens, les officiers au temps de Benoît secondaient l’abbé. Aujourd’hui, ce sont les responsables de groupes dont le rôle peut recouper en partie celui des doyens de la RB, c’est le conseil des doyens, ce sont les prieurs, sous-prieurs, cellériers et les différents responsables d’emplois et de commissions. Avec chacun de ces frères, l’abbé partage le souci du bien commun, du bien de tous. A ces frères, est confiée la responsabilité d’un groupe de frères ou d’un secteur de la vie de la communauté. Quelle est fondamentalement cette responsabilité ? Je dirai : celle d’écouter les personnes, mais aussi la réalité (par exemple le travail) pour mieux faire passer la vie. Que la vie circule pour le bien de tous dans le cadre donné par notre vie monastique et selon son orientation spirituelle. Avec le Père Abbé, chacun des frères responsables porte le souci de la vie des autres et du domaine à lui confié. Concrètement, avoir souci des autres voudra dire assez souvent faire passer le souci de mon propre confort et de mes aises en second. Il ne s’agit pas non plus de toujours se sacrifier mais c’est une loi de la responsabilité : le souci de soi s’efface devant le souci des autres, pour que la vie circule vraiment. Cela veut dire écouter plutôt qu’occuper le terrain par sa parole, accueillir le frère tel qu’il est plutôt que comme je voudrais qu’il soit, servir obscurément sans réclamer de reconnaissance, donner son temps et veiller à ne pas le faire perdre aux autres. Etre responsable d’un groupe de frères ou d’un secteur, d’un domaine de la vie de la communauté est toujours un appel à se donner et par là à faire grandir son humanité, sa capacité d’être en relation. C’est la loi du don qui toujours enrichit ceux qui se donnent vraiment au nom du Christ. (2011-04-05)