vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 21 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 23 mars 2012
Verset(s) :

21. ne rien préférer à l'amour du Christ.

Commentaire :

« Qui est le Christ pour moi ?» Nous n’arrêtons pas de parler de lui dans la liturgie ou dans nos partages. Nous ne cessons de lire et d’écouter ses paroles dans l’Évangile. Mais finalement qui est-il pour moi ? Comment je le rejoins pour le rencontrer ? Comment je me laisse rejoindre pour mieux le connaitre ? Et de quelle connaissance s’agit-il ? D’une connaissance intellectuelle qui me permet de dire des choses sans difficulté, ou bien d’une connaissance cordiale où je désire me tenir à l’écoute pour m’ouvrir à sa présence. Surement s’agit-il des deux connaissances. Nous avons besoin de deux approches, l’une plus objective, l’autre plus subjective pour demeurer dans une juste attitude.

Ne rien préférer à l’amour du Christ est un instrument qui veut nous permettre de nous engager plus à fond dans cette connaissance. Connaitre le Christ n’est pas une connaissance comme les autres. Connaitre le Christ n’est pas du même ordre que connaître les mathématiques ou même connaître une personne. Connaître le Christ que l’on ne voit pas, mais que l’on a reconnu dans la foi comme le Seigneur de nos vies, demande de notre part une préférence première. Si nous voulons grandir dans la connaissance intérieure de Jésus, il nous faut aujourd’hui et encore demain, ne rien préférer à son amour. Nous grandissons dans une connaissance de plus en plus intime, dans la mesure où nous mettons au dessus de tout l’amour du Christ. Les évangiles de la messe que nous entendrons maintenant jusqu’à Pâques nous placent au cœur de ce problème de la connaissance juste de Jésus.

Les pharisiens butent sur cette question parce qu’ils prétendent savoir qui est Jésus et ce que doit être le Messie. Connaitre Jésus demande d’accepter de ne pas tout savoir sur lui, mais de lui faire toujours davantage confiance. C’est la confiance aimante, souvent de nuit, qui ouvre les voies de la connaissance. Préférence, confiance, connaissance, que l’Esprit Saint nous entraine sur ce chemin de Vie !! (2012-03-23)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 20 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 20 mars 2012
Verset(s) :

20. Se rendre étranger aux actions du monde,

Commentaire :

« Se rendre étranger aux actions du monde ». Voilà un instrument qu’il faut bien savoir manier si l’on ne veut pas mal l’utiliser. Il ne s’agirait pas pour prendre une image, de prendre un couteau pour enlever des vis, on peinerait beaucoup et on abimerait le couteau. C’est un tournevis qu’il faut utiliser.

« Se rendre étranger aux actions du monde » sera un instrument mal utilisé s’il signifie mépris ou dédain du monde. Il ne ferait alors que conduire à un positionnement autant stérile qu’illusoire. Tout moine que nous sommes, nous restons dans ce monde et nous en sommes largement bénéficiaires.

Chez Benoit, dans les usages répétés dans la Règle (RB 64,1 ; 7,8), le mot « monde » n’a pas la connotation négative lié au péché ou à la réalité des ténèbres que l’on trouve parfois. Il désigne ce monde d’ici bas avec toutes ses contingences, ses activités nécessaires et ses relations. Ce monde d’ici bas a ses lois desquelles le moine est partie prenante. Par contre, il a un esprit par rapport auquel le moine veut se garder à distance, comme Benoit le suggère à propos des sarabaïtes qui « par leurs œuvres restent encore fidèle au siècle » (RB 1,7).

Comment entendre cela « se rendre étranger aux actions du monde » aujourd’hui ? Je vais prendre un exemple relatif aux moyens de communication. Ce bien des communications est un lieu sensible de notre rapport au monde, un lieu où il est nécessaire de vraiment vivre et de bien comprendre cette maxime : «il ne s’agit pas de se désintéresser de ce qui se passe dans le monde. Nos revues de presse nous y aident. Des reportages comme celui de dimanche soir sur le secourisme en montage ou sur la réalité sportive à Auxerre hier soir nous donnent de mieux connaitre ce que vivent nos contemporains et tout ce qui se fait pour humaniser les vies humaines. Ensemble, nous recevons ces informations, ensemble nous participons à la vie de ce monde et nous le prenons dans notre prière.

Par contre, devenir tellement accroché aux journaux ou à internet qu’on y passe le temps réservé à la prière après les vêpres ou le vendredi soir comme je l’ai déjà dit, cela c’est vivre selon l’esprit du monde. On lâche ce qui nous aide à chercher Dieu, pour aller se distraire ou s’affairer à ce qui n’est pas utile à ce moment donné. J’ai pris cet exemple car un hôte a rapporté son étonnement de voir après les vêpres des frères dans la salle des ordinateurs. Les hôtes ne sont pas dupes des impasses dans lesquelles les moyens de communication peuvent nous conduire. Sachons tenir ferme notre manière de vivre. Gardons précieusement nos temps réservés à la prière et à la lectio. Ne soyons pas esclaves des moyens de communications. Soyons des hommes vraiment engagés dans la recherche de Dieu. (2012-03-20)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 19 les Instruments des bonnes œuvres écrit le 16 mars 2012
Verset(s) :

19. consoler les affligés.

Commentaire :

« Consoler les affligés ». Consoler, il y a parfois des chagrins ou des souffrances inconsolables. Un être humain peut-il vraiment consoler un autre humain, en partie et jusqu’à un certain point. Le mot « consoler » vient du latin « consolor » et solor veut dire « soulager ». Consoler, c’est donc soulager la souffrance, la porter avec celui qui souffre, qui peine pour qu’une tristesse excessive ne l’emporte pas. Devant une personne qui souffre, nous nous posons souvent la question : « Que faire ? » tant nous voudrions la soulager. La bonne question ne serait-elle pas plutôt « Comment être à ses côtés ? » - « Comment me rendre intérieurement présent et disponible pour elle ? »

C’est le plus souvent, une présence amicale et écoutante, sans jugement ni peur, qui peut soulager, consoler celui qui souffre. Autrement dit, s’il y a quelque chose à faire de notre côté, n’est-ce pas d’abord de veiller à notre manière d’être avec la personne qui souffre. Sommes-nous préoccupés d’abord d’elle ou sommes nous préoccupés de nous-mêmes, de ce que nous pouvons ou devons faire, de notre image ? C’est là qu’il ya à travailler de notre part, être vraiment là avec la personne et à travers notre présence fraternelle ouverte, quelque chose passera qui rejoindra la personne qui souffre. Car finalement qui peut consoler, au sens d’apaiser vraiment ? N’est-ce pas Dieu ou son Souffle Créateur comme on aime l’appeler : « Toi Seigneur, tu m’aides et me consoles » dit le Psalmiste. C’est dans ce regard de foi dans le Seigneur qui console vraiment que nous pouvons trouver la juste attitude devant la personne qui souffre. Sans trop de mots, ni trop de gestes, être là ouvert, disponible, à l’œuvre de l’Esprit Saint Consolateur en nous et dans l’autre. (2012-03-16)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 18 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 15 mars 2012
Verset(s) :

18. secourir ceux qui sont dans l'épreuve,

Commentaire :

« Secourir ceux qui sont dans l’épreuve ». Cet instrument, comme un bon nombre d’instruments est là à notre disposition, sans que l’on puisse dire si on aura souvent à le vivre. Les cas de grande détresse ne nous sont pas soumis fréquemment. Au niveau communautaire, le Père Abbé, le cellerier, ou la « commission solidarité » viennent effectivement en aide à des personnes dans l’épreuve par un soutien financier. Ce n’est pas nécessairement toujours facile de répondre à certaines demandes. Nous sommes hésitants à le faire dans certains cas lointains ou inconnus. Nous sommes plus à l’aise pour le faire quand un intermédiaire patenté peut assurer un suivi des personnes. C’est le cas le plus souvent avec des organisations ou des associations, parfois avec des personnes individuelles. Nous voudrions vraiment aider les personnes et non pas les assister ou les conforter dans une situation qui les laisse à elles-mêmes. Et en même temps, il nous faut accepter de pouvoir aider sans tout maitriser avec le risque de se tromper ou d’être trompé. La charité accepte de courir ce risque.

«Secourir ceux qui sont dans l’épreuve» ne se résout pas avec de l’argent uniquement. Les épreuves morales sont bien nombreuses à venir frapper à la porte du monastère pour trouver un peu de réconfort. Elles sont aussi parfois le fait de l’un ou l’autre membre de la communauté. L’épreuve sous toutes ses formes n’est pas loin de nous. Et plus elle est proche, plus elle est difficile à secourir, parfois même à reconnaître. Chacun, selon ses responsabilités peut au moins offrir son écoute, et son attention fraternelle. Souvent cet accueil ouvert et disponible de la personne telle qu’elle est, ou du frère en panne représente un secours non négligeable. Car il est parfois difficile de faire plus, tant les solutions du problème nous échappent. Notre présence, notre écoute et notre temps donné sont alors sans prix pour celui qui est éprouvé. Acceptons d’offrir simplement ce que nous sommes, sans prétention, avec grand respect, car c’est déjà beaucoup. (2012-03-15)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 17 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 13 mars 2012
Verset(s) :

17. ensevelir les morts,

Commentaire :

En entendant cet instrument, on ne peut pas ne pas penser à Tobit, père de Tobie. Cet homme exilé avec son peuple à Ninive se fait un devoir d’enterrer tous les morts qu’il trouve ou dont on lui parle. C’est plus fort que lui, il ne peut laisser un cadavre de ses compatriotes non enterré. Il prendre des risques et doit même fuir devant Sennachérib qui persécute les juifs. Il n’est pas explicité pourquoi Tobit prend de tels risques avec une telle opiniâtreté pour ensevelir les morts. Ce n’est pas dit parce que c’est peut être trop évident : par souci d’hygiène tout d’abord, et surtout par respect pour la personne défunte. Ce n’est pas digne pour un être humain de demeurer à l’air libre comme une bête pour devenir la proie des bêtes.

Nous avons ressenti cela fortement lors de la disparition de notre F.Adalbert. Si le temps passant l’espoir de le retrouver vivant s’évanouissait, le désir de le retrouver quand même pour lui offrir une sépulture n’en demeurait pas moins fort. Penser qu’un frère puisse rester ainsi dans la forêt était pénible et même difficile à concevoir. Ce n’est pas digne d’un être humain !

Avec cet instrument, « ensevelir les morts », nous mesurons que cet acte n’est pas qu’une formalité banale à accomplir. Cet acte nous touche et nous rejoint au plus profond de notre conscience d’être humain, conscience largement partagée par tous les humains, répandus sur les 5 continents. Notre dignité humaine appelle un soin attentif envers chaque corps humain de la naissance jusqu’à la mort. Et ce corps inerte du défunt demande un soin redoublé. Tout est important dans le geste que l’on pose alors : de la toilette mortuaire à la mise en terre, en passant par la mise en bière. La veillée et la célébration autour du corps du défunt. Nous voudrions qu’aucun de ces gestes ne soit banal. Là nous voulons honorer et la mémoire du frère parti vers le Père, et l’espérance de ce que ce corps est promis à devenir dans la résurrection à venir. C’est un des sens du dernier encensement fait à l’Église avant la levée du corps pour aller au cimetière. Oui ce corps de notre frère défunt mérite un fraternel et profond respect : non seulement parce qu’il est le témoin du passage de notre frère sur cette terre, mais encore parce qu’il a été marqué par la vie du Christ et par le don de l’Esprit Saint qui sont les arrhes de la Résurrection finale. (2012-03-13)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 16 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 10 mars 2012
Verset(s) :

16. visiter les malades,

Commentaire :

« Visiter les malades »

En regardant dans le dictionnaire latin, j’ai découvert que le verbe « visitare » était le fréquentatif du verbe « visa- video », voir. J’ai cherché ensuite ce qu’était un fréquentatif : en linguistique, c’est ce qui marque la fréquence de l’action, la répétition. On peut donc dire ici que «visiter», c’est une façon de voir fréquemment une personne, voir avec attention non en passant. Celui qui visite ne se contente pas de voir de façon furtive, mais il prend le temps de regarder et de rencontrer la personne.

Effectivement ce n’est pas la même chose de saluer en passant une personne et de s’arrêter un temps avec elle. Quand on est malade particulièrement, on y est sensible. Entre les deux attitudes, il n’y a pas qu’une différence de temps passé, il y a surtout une différence d’attitude et de manière de vivre la relation. Savoir d’arrêter, prendre le temps d’un échange, c’est permettre à l’autre de se dire, de parler de ce qu’il vit et de ce qu’il veut. Quand on est malade souvent il ne nous reste que cela : la parole ou la capacité de communication. Si on est alité, handicapé, sans beaucoup de capacité de mouvements, la rencontre avec un autre est comme une fenêtre sur la vie. Fenêtre précieuse pour rester ouvert à la vie que le confinement dans une chambre pourrait faire oublier.

Visiter les malades nous demande de sortir de nos seules préoccupations pour se mettre à l’écoute de celles du frère qui souffre. Nous donnons gratuitement de notre temps, pour ouvrir une fenêtre sur la vie à notre frère confiné. Acte d’amour gratuit dont nous ne savons pas bien le poids de joie qu’il apporte à celui qui dépend totalement des autres. Soyons généreux avec nos frères actuellement à l’infirmerie, généreux et inventifs dans notre amour fraternel pour eux. (2012-03-10)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 15 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 09 mars 2012
Verset(s) :

15. vêtir les gens sans habits,

Commentaire :

« Vêtir les gens sans habits »

Il n’est pas rare qu’en notre nom, F.Rémi donne des vêtements aux passagers qui s’arrêtent une nuit parmi nous. On remercie F.Rémi de remplir cette charge délicate d’accueil et de service de ces personnes qui ont élu domicile au pays de nulle part. La tâche est parfois ingrate car ces personnes arrivent plus ou moins bien disposées, parfois ivres, parfois très irascibles. Elles viennent trouver un peu de repos ici le temps d’une halte, un peu de paix au cœur aussi peut être. Avec F.Rémi, ayons à cœur de considérer ces personnes avec respect et bonté. Si elles viennent un peu toujours bouleverser notre bon ordre, celui des gens bien élevés, elles nous rappellent que le seul ordre qui comptent devant le Seigneur c’est celui de la charité. Selon cet ordre là, on ne juge pas, on accueille humblement celui qui passe et qui est blessé par la vie. Notre charité et notre attention fraternelle veulent l’honorer comme une personne à part entière.

Avouons-le, ce n’est pas facile à vivre et à assumer dans la relation concrète. Cela nous demande une vraie humilité pour aller à la rencontre de ces personnes, en laissant de côté nos jugements, nos a priori. Mais nous pouvons nous réjouir qu’à travers ces personnes, le monde des pauvres viennent à notre rencontre. Même si ce monde nous rejoint de bien des manières, comme je le disais hier, nous sommes atteints par cette pauvreté qui touche de plus en plus de gens de notre société. Leur faire une place dans notre maison nous coûtera, toujours un peu d’une manière ou d’une autre, mais cela nous honore. Nous voudrions quand il passe ne pas laisser le Christ dehors à notre porte. Qu’il nous prenne en pitié ! 2012-03-09

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 14 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 08 mars 2012
Verset(s) :

14. Restaurer les pauvres,

Commentaire :

« Restaurer les pauvres ». Pauperes recreare. Cet instrument fait penser spontanément au fait de nourrir les pauvres. Mais les mots latin de recreare et français de restaurer laissent entendre bien davantage que le seul don de nourriture. Restaurer, remettre debout, redonner confiance, recréer. Nous avons encore en mémoire le parcours de Martine Buhrig nous parlant des personnes dans la rue à Lyon et tout le lent travail d’accompagnement pour aider quelques uns à s’en sortir. Pour elle, le travail de « restauration » allait même jusqu’à l’expression artistique proposée à ces personnes. Les aider en leur procurant le gite et le couvert, ainsi que l’amitié, mais leur faire confiance jusqu’à cette proposition artistique. Dimanche dernier, nous recevions ces personnes de l’Association Alcool Assistance. Là aussi dans l’épreuve que peut représenter la dépendance à l’alcool, l’attention ne porte pas uniquement sur boire ou non de l’alcool. Ces personnes nous expliquaient que, pour aider une personne à sortir de la dépendance, il fallait prendre en compte toute sa réalité humaine et sociale. S’arrêter de boire demandait un vrai réapprentissage de la vie, de la confiance en soi, de la confiance dans les relations. Là encore c’est toute la personne à laquelle il s’agit de redonner sa dignité ; dignité qu’elle avait perdu à ses yeux, mais que le regard de ses amis accompagnateurs peut lui redonner.

Nous pouvons rendre grâce pour toutes ces initiatives dans lesquelles on veut restaurer l’homme blessé. Ce partage d’expériences ne nous laisse pas indifférents. Nous savons à travers l’expérience de nos propres pauvretés, que le pauvre ce peut être nous aussi, au gré des épreuves ou des difficultés de la vie. Heureux sommes-nous si ce partage d’expériences vécues à l’extérieur du monastère, nous aide à changer notre regard sur la détresse de nos frères proches ou lointains. La charité du Christ veut par là aussi nous ouvrir les yeux et nous agrandir le cœur.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 13 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 03 mars 2012
Verset(s) :

13. aimer le jeûne.

Commentaire :

« Aimer le jeûne ». Cet instrument peut-il nous aider à aimer le jeûne ? Ce n’est pas sûr car aimer le jeûne rencontre bien des résistances en nous, et la première de toutes sera peut-être : « Faut-il aimer le jeûne ? » et « pour quoi ? ».

Cet instrument se présente comme beaucoup d’autres dans ce chapitre sous la forme infinitive. Il n’est pas à l’impératif pour nous commander d’aimer le jeûne, seulement à l’infinitif. Il est là dans notre trousse à outils, comme un instrument disponible pour nous faire entrevoir quelque chose, nous montrer une direction dans laquelle nous pourrons nous engager avec profit si nous le voulons. Cet instrument veut donc nous faire entrevoir qu’il y a quelque chose d’aimable dans le jeûne. Et qu’y a-t-il qui peut être aimable dans cette pratique qui vient nous prendre à rebrousse poil de nos inclinations naturelles ?

La pratique du jeûne que nous vivons actuellement en ce temps de Carême peut nous aider à répondre. Cette réponse pourra être différente selon les expériences. La pire chose que nous dirions peut-être, c’est qu’il nous en coûte de jeûner, au début surtout et peut-être tout le long des 40 jours. Le jeûne nous oblige à nous confronter au manque. Manquer nous fait souvent peur. Allons-nous être capables de tenir ? Manquer nous oblige à lâcher prise plus profondément, quant à notre désir de confort et quant au souci de notre sécurité assurée par nous-mêmes. En éprouvant le manque, en touchant du doigt les limites de notre autonomie, nous pourrons réapprendre notre dépendance foncière à l’égard de Dieu. De lui, l’Auteur de la vie nous recevons tout. Sans lui, nous ne sommes rien. Le jeûne nous donne de l’expérimenter de manière très concrète. Si l’exercice de jeûner peut nous réapprendre cette foncière et heureuse dépendance, il n’aura pas été vain. Il aura alors peut être creusé en nous le repentir, cet élan filial qui nous tourne plus simplement et plus librement vers notre Père. C’est là que le jeûne peut devenir aimable : quand il nous donne de vivre plus librement et plus heureusement cet élan vers notre Père. Chaque année le temps du Carême voudrait nous apprendre ou nous réapprendre cela : lâcher nos sécurités pour goûter à nouveau de façon plus authentique notre relation avec notre Dieu.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 12 Les instruments des bonnes œuvres écrit le 25 février 2012
Verset(s) :

12. ne pas rechercher les plaisirs,

Commentaire :

« Ne pas recherche les plaisirs ». Voilà un nouvel instrument délicat à commenter. Nous ne pouvons pas faire fi de toutes les connotations dont est marqué ce mot plaisir, négatives ou positives, restrictives ou excessives. Le Père Denis a fait une belle conférence sur ce thème, que l’on peut trouver dans les Nouvelles de la PQV en 2010 à laquelle j’emprunte l’une ou l’autre réflexion.

La vie est bonne et c’est un plaisir de l’éprouver. C’est un plaisir de la goûter en toutes ses manifestations telles que nos sens les reçoivent. Plaisir de voir les merveilles de la nature, la beauté des êtres. Plaisir de goûter les bons plats. Plaisir d’entendre une musique, le silence. Plaisir de sentir, de toucher. La vie bonne nous rejoint et c’est un plaisir de l’accueillir et de la recevoir. Souvent même, nous manquons ou nous passons à côté de ces plaisirs là tout simples parce que nous ne vivons qu’au rythme de nos soucis ou de nos projets. Le plaisir est la marque d’une certaine harmonie réussie entre nous et la vie bonne, entre nous et les personnes que nous côtoyons, entre nous et Dieu. Le plaisir est alors là offert, donné par une sorte d’adéquation à la vie, aux autres et à Dieu. Moment de joie, espace de plénitude dont il est heureux de garder mémoire. Si ces moments ou ces espaces sont désirables, faut-il s’y accrocher ? Faut-il les rechercher comme pour mieux les retenir ? Le plaisir éprouvé restera toujours limité et le déplaisir peut rapidement lui succéder au gré des situations ou des relations qui viennent nous bousculer. Le plaisir est limité car il appartient au registre de la gratuité et de l’échange de don. Ce qui est don est donné et ne se retiens pas. En ce sens, il s’oppose à la puissance qui voudrait être sans limite. La puissance veut posséder et demeurer à jamais dans la possession. En ce sens, ne faudrait-il pas dire que la puissance ne peut être qu’en Dieu et qu’elle n’est pas de ce monde ? Les psychanalystes montrent que loin de confondre plaisir et jouissance, comme on le fait fréquemment, il faut les opposer dans nos vies humaines. Le plaisir porte en lui une limite qui est inhérente à la vie bonne. Il introduit dans une juste et heureuse relation, alors que la jouissance cherche la fusion voire la captation des choses, des êtres. Ce qui n’est pas possible.

Ne pas rechercher les plaisirs, dit Benoit. On pourrait comprendre : ne pas rechercher la jouissance et goûter les plaisirs de la vie bonne, de la vie avec les autres, de la vie avec Dieu. Le plaisir donné et rendu est grâce en toute chose