vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 28, v 1-7 De ceux qui, souvent repris, ne veulent pas s’amender écrit le 26 octobre 2012
Verset(s) :

1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.

2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :

3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,

4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,

5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.

6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;

7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,

Commentaire :

On retrouve ici la mention de l’abbé médecin sagace qui figurait au début du chapitre précédent, lequel se finissait sur l’image du l’abbé pasteur. Ainsi l’image du médecin sagace entoure celle du pasteur pour suggérer l’action de l’abbé. Dans le texte, tout laisse à penser que l’image du médecin sagace (sapiens medicus) permet de décrire les différentes actions que l’abbé accomplira par étape envers le frère malade. Alors que l’image du pasteur tend à présenter l’attitude profonde de tendresse qui doit être celle de l’abbé. Autrement dit, les deux images ne s’opposent pas, mais sont là pour se compléter.

Medicus sapiens , cette expression donne au rôle de l’abbé une qualification presque professionnelle. Face à un frère malade est requise une démarche précise, une industrie dit Benoit qui en détaille les opérations en développant l’image, depuis les cataplasmes jusqu’à l’amputation. Mais pour Benoit, il ne s’agit pas seulement d’une démarche technique. Il prend soin de qualifier le médecin sapiens sage peut-on traduire. Mais le Père Adalbert a préféré traduire par sagace. Certainement parce que dans le chapitre précédent, il est question de la sagacitas et de l‘ industria de l’abbé, traduit par «savoir-faire» et «industrie». Sagace vient du latin « sagax » qui veut dire « celui qui a de l’odorat subtil». Autrement dit «avisé, clairvoyant, perspicace». L’abbé médecin est convié à affiner son diagnostique pour mieux rejoindre le frère malade et tenter de trouver les moyens de le guérir ; il sait cependant deux choses qu’il faut tenir ensemble : le Seigneur qui peut tout, peut procurer la santé au frère malade, invitation à prier avec confiance et le frère peut ne pas se rétablir de cette façon (d’autres façons doivent être trouvées). Et il faut alors accepter de renvoyer le frère. Devant le mystère d’un homme en chemin, il faut ainsi à la fois tenir la foi en l’action de Dieu et à la fois le réalisme, le frère pourra trouver ailleurs un autre chemin de Salut. (2012-10-26)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 38, v 1-4 Du lecteur hebdomadier écrit le 25 octobre 2012
Verset(s) :

1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.

2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.

3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »

4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.

Commentaire :

Du lecteur hebdomadier

« Il ne faut pas non plus que la lecture soit faite au hasard » Cette recommandation de Benoît souligne bien en elle-même l’importance de la lecture durant nos repas au réfectoire. Elle ne peut être faite au hasard ou au gré du lecteur. Comme le repas lui-même est préparé avec soin et pensé en fonction d’un menu qui veille à l’équilibre global de notre alimentation, les lecteurs au réfectoire n’obéissent pas au hasard. Nourriture de l’esprit et du cœur qui accompagnent la nourriture du corps, la lecture au réfectoire participe à notre édification personnelle et communautaire. Elle nous édifie, au sens premier de construction.

Lors de la rencontre des prêtres de Cîteaux l’un d’eux appartenant à la communauté des oratoriens qui vient d’arriver me disait qu’ils avaient cette lecture une partie du repas et ajoutait-il, il en mesurait le bienfait dans ce qu’elle permettait d’éviter de parler pour ne rien dire et dans les faits qu’elle favorisait ensuite des échanges entre eux en créant une écoute commune. C’est en effet un des premiers bénéfices de la lecture commune autour de sujets très variés pour favoriser une réflexion entre nous. Dans notre vie cloîtrée, la lecture et aussi un des lieux importants de notre information et de notre formation permanente. En disant merci au frère Mathieu pour le service de lecteur qu’il assume actuellement, nous pouvons mesurer la délicatesse de son rôle. Permettre de nous rassembler dans une écoute qui nous nourrit, nous informe, nous forme et nous ouvre des horizons autres. L’art est dans le dosage de ces différents pôles pour le bien de la communauté. Aucun livre ou article ne fera nécessairement l’unanimité des frères mais s’il est choisi dans un vrais soucis de formation et d’ouverture, il est utile pour la communauté. Je crois que ces lectures peuvent nous aider quand elles façonnent notre sentir ecclésial et quand elle forme en nous le discernement par rapport aux courants qui traversent notre monde ; Un sentire et in discernement qui voudraient être toujours plus selon l’Evangile et dans l’Esprit Saint.(2009)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 38, v 5-12 Du lecteur hebdomadier écrit le 25 octobre 2012
Verset(s) :

5. Et il se fera un silence complet, en sorte que, dans la pièce, on n'entende personne chuchoter ou élever la voix, sinon le seul lecteur.

6. Quant à ce qui est nécessaire pour manger et boire, les frères se serviront à tour de rôle, de telle sorte que nul n'ait besoin de rien demander.

7. Si pourtant on a besoin de quelque chose, on le demandera en faisant retentir un signal quelconque, plutôt qu'en élevant la voix.

8. Personne non plus, dans la pièce, ne se permettra de poser aucune question sur la lecture ou sur autre chose, pour ne pas donner d'occasion,

9. sauf si le supérieur voulait dire brièvement un mot pour l'édification.

10. Le frère lecteur hebdomadier prendra le mixte avant de commencer à lire, à cause de la sainte communion et de peur que le jeûne ne lui soit pénible à supporter.

11. Mais c'est plus tard qu'il prendra son repas, avec les hebdomadiers de la cuisine et les serviteurs.

12. Les frères ne liront ni ne chanteront tous à la suite, mais seulement ceux qui édifient les auditeurs.

Commentaire :

Du lecteur hebdomadier

« Il se fera en silence complet » Le réfectoire n’est pas de soi un espace très silencieux.. pour qu’il le soit, il faut le vouloir et pour le vouloir, il faut goûter le silence. Nous entendons assez souvent combien il est difficile pour nos hôtes de garder le silence au repas du soir… surtout pour ceux qui viennent pour la première fois.. Etre ensemble en silence, est plus difficile à vivre qu’être en silence. Le silence donne tout d’un coup un relief inattendu aux gestes que l’on pose. Le silence donne une densité inhabituelle à la réalité vécue ensemble. Ainsi il n’est pas facile de goûter le silence car celui-ci se présente au premier abord avec un goût âpre.. Pas si agréable. La lecture écoutée ensemble va nous aider à habiter le silence, à l’apprivoiser en quelque sorte. Elle va nous apprendre à lui donner sa vraie finalité qui est de s’ouvrir pour être à l’écoute.. Le silence que l’on goûte n’est plus ce silence que l’on redoute, mais ce silence qui nous décentre de nous-même pour nous ouvrir à une vraie écoute des autres et de Dieu. Comme pour les hôtes au repas du soir, n’ayons pas peur de nous offrir cet espace de silence. Veillons au silence au réfectoire, pas seulement durant le repas, mais aussi après le repas. Il arrive que des frères parlent déjà alors qu’on est entrain de rassembler les couverts sur les chariots. Si on a besoin de parler, sortons sur les paliers en faisant signe… Sachons respecter le silence des autres frères. Tout, il nous faut être vigilant pour vouloir préserver le climat de silence dans un monastère… dans les lieux communs et aux heures définies. Ce silence est comme l’écrin de notre écoute en profondeur… Car nous ne désirons rien d’autre que d’être des hommes d’écoute… Ecoute dans l’intime du cœur pour être attentif au Christ qui veut demeurer en nous. Ecoute dans disponibilité aux frères qui peuvent demander quelque chose. Veillons à la qualité du silence, il veut nous apprendre la respiration profonde de l’être. La respiration selon l’Esprit Saint. (2009)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 27, v 5-9 Combien l’abbé doit avoir de sollicitude pour les excommuniés écrit le 25 octobre 2012
Verset(s) :

5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.

6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.

7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »

8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;

9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.

Commentaire :

Ces jours-ci, nous nous réjouissons d’entendre au réfectoire le livre sur le Concile Vatican II de John O’Malley, livre remarquable pour nous faire saisir les enjeux de cet événement d’Église. A plusieurs reprises, il y est question du débat sur la manière de considérer le Concile : s’agit-il d’un Concile pastoral ou d’un Concile doctrinal ? Le débat rejoint la question sensible à l’époque et plus encore peut être aujourd’hui : comment l’Église se présente-t-elle au monde, comme une Mère qui va à la rencontre des hommes tels qu’ils sont, ou bien comme une institution soucieuse de défendre la vérité et de délimiter toujours précisément ceux du dehors et ceux du dedans ? Le discours inaugural de Jean XXIII a donné assurément le ton en souhaitant voir l’Église se rapprocher des préoccupations des hommes et en l’invitant à regarder les évolutions du monde avec toutes les questions que cela suscite dans le grand dessein providentiel de Dieu.

Ce chapitre la RB met lui aussi en avant la dimension pastorale du rôle de l’Abbé, à l’image du Christ Pasteur. Dans l’impasse dans laquelle se trouve le frère, la sévérité n’est plus de mise, mais seule la bonté du Bon Pasteur qu’est le Christ peut servir de repères à l’abbé. La finalité de la vie monastique, et donc le but de toute autorité, est de permettre aux frères, de vivre pleinement leur vocation chrétienne de fils de Dieu. Fils de Dieu aimé gratuitement avant tout. Peut être fait-il parfois aller au bout de ses propres impasses pour découvrir cela vraiment. Peut-être faut-il avoir atteint la limite de ses prétentions à vouloir conduire sa vie par soi-même pour se laisser toucher enfin par l’Amour offert de notre Père. La prévenance du Bon Pasteur qui prend sur ses épaules la brebis perdue, vient à la rencontre de chacun de nous dans sa liberté déboussolée. Nous sommes aimés comme nous sommes, car nous sommes plus grands que notre péché. Depuis que Dieu a posé sur nous son regard en Jésus, nous pouvons en être assurées, la dimension pastorale du ministère de l’abbé, comme celle du Concile Vatican II nous redit ce primat de l’Amour inconditionnel de notre Dieu pour les hommes que nous sommes, créés libres par lui, primat qui engage une même sollicitude et de l’abbé et de l’Église. (2012-10-25)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 27, v 1-4 Combien l’abbé doit avoir de sollicitude pour les excommuniés ? écrit le 24 octobre 2012
Verset(s) :

1. C'est avec toute sa sollicitude que l'abbé prendra soin des frères délinquants, car « ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. »

2. Aussi doit-il user de tous les moyens comme un médecin sagace ;: envoyer des senpectas , c'est-à-dire des frères anciens et sagaces,

3. qui comme en secret consoleront le frère hésitant et le porteront à satisfaire humblement, et le « consoleront pour qu'il ne sombre pas dans une tristesse excessive »,

4. mais comme dit encore l'Apôtre : « Que la charité s'intensifie à son égard », et que tous prient pour lui.

Commentaire :

« Que la charité s’intensifie à son égard et que tous prient pour lui ». Ce beau chapitre de la RB témoigne qu’au cœur de la douleur causée par le péché, la charité est appelée à avoir le dernier mot. Avec la prière, elle est l’ultime arme qui peut désarmer celui qui s’obstine dans l’errance.

Que la charité s’intensifie, mot à mot qu’elle soit plus ferme. Face à un frère qui s’obstine dans son bon droit contre tous, plus généralement face à un frère que l’on ne comprend pas, qui semble toujours faire autrement que les autres, la tentation est grande de juger, de critiquer ou de condamner. Il est difficile humainement de supporter ce qui apparait comme de la désobéissance ou de l’obstination. On a envie de secouer le frère ou de l’envoyer promener. Comme lui-même le laisse apparaitre dans son comportement, tout porte à le laisser à l’écart et à le rejeter. Mouvement humain bien naturel et immédiat. Mais Benoit, en prenant appui sur l’exemple du Christ, nous redit que telle n’est pas la vérité de notre vie monastique et fraternelle. Il nous faut aller plus loin que ces premier mouvements.

Au contraire, il faut intensifier la charité, chacun est alors invité à recueillir en lui une capacité à aimer plus profonde. Un amour gratuit qui n’attirera pas de contrepartie. Un amour humble qui, en regardant le frère blessé, n’oubliera pas ses propres limites et faiblesses. Voilà à quoi nous acculent les incompréhensions de la vie fraternelle, si nous ne voulons succomber au mal de la division. Nous affermir dans l’amour pour le frère et pas seulement une vague tolérance qui supporte du bout de ses doigts ou au bout des lèvres. Non c’est plutôt un engagement du cœur profond à changer notre regard sur le frère et notre attitude intérieure. Ce changement qui fait passer du jugement à l’accueil, nous ne pouvons le vivre que dans la prière. Prière pour le frère, inséparable de la prière pour nous-mêmes, pour que soit changé notre cœur de pierre. La prière fait tomber nos œillères sur les autres. Elle purifie le regard et le cœur quand nous nous tournons vers notre Père des Cieux, en portant ce frère, comme un frère. (2012-10-24)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 26, v 1-2 De ceux qui entrent en rapport avec les excommuniés sans permission écrit le 23 octobre 2012
Verset(s) :

1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,

2. il subira une peine d'excommunication similaire.

Commentaire :

Ce petit chapitre met bien en lumière la logique de la peine d’excommunication et en conséquence aussi la logique de la communion. La peine d’excommunication demande que toute la communauté fasse bloc pour signifier au frère la gravité de sa faute et les conséquences qu’elle entraine pour la vie en communauté. Si tous jouent le jeu, le frère excommunié ressentira peut être le manque cruel que représente le fait de se couper de la communauté.

En conséquence, on mesure aussi l’importance et la profondeur de la communion. Ces lignes de la RB qui peuvent nous choquer aujourd’hui par leur rigueur, éclairent en contrepoint le bien de la communion. Une vie chrétienne et a fortiori une vie monastique entre frères est basée sur la communion, cette union des cœurs dans la liberté et le don de soi. Cette communion entre nous, nous la recevons comme un don d’abord et comme une exigence ensuite. Elle est d’abord un don que nous reconnaissons dans notre foi commune au Christ «lui qui est notre Paix » qui « par sa chair crucifié, a fait tomber le mur de la haine», Lui qui veut «rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul homme nouveau», comme nous l’entendrons ce matin à la messe dans la lettre de Paul aux Éphésiens (2 14-15). Oui notre communion nous la recevons du Christ qui nous unit par son sang en lui et qui a tué tous les germes de haine et de division entre les hommes. Ce don est offert en lui. Offerte, accessible en Christ, cette communion requiert notre pleine et entière adhésion. Dans une communauté chrétienne toujours concrète, dans une communauté monastique très concrète, jour après jour, nous nous engageons pour bâtir la communion. Elle ne se fera pas sans nous, notre attention à l’autre, notre patience devant telle attitude qu’on ne comprend pas, notre disponibilité dans le service, notre promptitude à demander pardon et à pardonner, sont autant de coups de boutoir dans tout mur de discorde qui serait tenté de surgir entre nous. Fondé en Christ sur la communion et tendu vers la communion toujours à réaliser concrètement, nous sommes des apprentis et des «éléments de la construction pour devenir par l’Esprit Saint la demeure de Dieu ». Que l’Esprit Saint soit notre souffle et notre force !! (2012-10-23)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 25, v 01-06 Des fautes graves écrit le 20 octobre 2012
Verset(s) :

1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.

2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.

3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :

4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.

6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.

Commentaire :

«Cet homme a été livré à la mort de la chair pour que son esprit soit sauf au jour du jugement » Benoit reprend cette sentence que Paul utilise à propos de l’homme coupable d’inceste (1 Co 5.5) . Paul leur parle plus explicitement de livrer « cet individu à Satan pour la perte de sa chair ». De quoi s’agit-il ? Dans la Bible de Segond, on dit en note que certains pensent à une exclusion de la communauté et que d’autres voient là un rituel de malédiction condamnant solennellement la personne. Benoit s’inscrit dans le 1° courant assez traditionnellement reçu. Il reprend à son compte cette sentence solennelle de Paul pour suggérer ce qui est en jeu dans l’excommunication d’un frère pour faute grave. Le frère exclu de la communauté aux moments importants de la table et de la prière, ne bénéficie plus du soutien spirituel des frères. Il est laissé à lui-même, sans le secours de la vie commune. Il est seul pour affronter Satan. Ce point est intéressant car il met en lumière combien pour Benoit la vie en communauté est porteuse de grâces. Elle est un soutien et un rempart pour affronter bien des difficultés et des tentations. Seul, nous sommes faibles, comme si nous luttions les mains nues contre le mal (et toutes ses manifestations). En suggérant que cette peine d’excommunication va conduire à la mort de la chair, Benoit laisse entendre son espérance en la conversion du Frère ? il espère que la chair – ici non le corps humain, mais l’attitude pécheresse de refus et d’obstination va être ébranlée et anéantie. Dans la solitude forcée, le mal est appelé à se rayer lui-même, comme une lampe sur laquelle on met un couvercle, manque d’oxygène et s’éteint. La Bible de Jérusalem note à propos de cette mesure d’exclusion en Paul qu’elle « suppose un certain pouvoir de la communauté sur ses membres ». C’est dans ce sens que Benoit propose une discipline stricte de tous à l’égard du frère excommunié. Il s’agit de l’aider à regarder en face son mal pour en mesurer la gravité et pour opérer un chemin de conversion. La question que l’on pourrait garder ce matin : comment nous aidons nous à regarder en face notre mal ? Comme nous laissons-nous regarder pour reconnaitre nos points aveugles qui peuvent peser sur les autres ? C’est un lieu délicat, mais certainement le plus profond de notre vie fraternelle qui veut nous aider chacun à progresser vers le Seigneur. (2012-10-20)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 09, v 6-11 Combien de psaumes faut-il dire aux heures de la nuit ? écrit le 19 octobre 2012
Verset(s) :

6. Deux répons seront dits sans gloria, mais après la troisième leçon, celui qui chante dira le gloria.

7. Quand le chantre commencera de le dire, aussitôt tous se lèveront de leurs sièges en signe d'honneur et de révérence pour la Sainte Trinité.

8. On lira aux vigiles les livres d'autorité divine de l'Ancien Testament aussi bien que du Nouveau, ainsi que les commentaires qu'en ont faits les Pères catholiques réputés et orthodoxes.

9. Après ces trois leçons avec leurs répons, suivront les six psaumes restants, qu'on chantera avec alleluia.

10. Après ceux-ci suivra la leçon de l'Apôtre, qu'on récitera par cœur, le verset et la supplication de la litanie, c'est-à-dire Kyrie eleison ,

11. et ainsi s'achèveront les vigiles nocturnes.

Commentaire :

« Tous se lèveront en signe d’honneur et de révérence pour la Ste Trinité… »

« En signe d’honneur et de révérence », les moines se lèvent et s’inclinent pour rendre gloire à la sainte Trinité… Cette petite notation de Benoît est précieuse pour nous rappeler que, dans l’office, nous prions avec tout notre être, notre esprit, notre cœur et notre corps… Heureuse inclination et prosternation qui nous convoque à cette attitude d’adoration de la Ste Trinité ! Tout notre corps exprime alors ce que notre bouche dit et tout notre corps traduit le sentiment profond de notre cœur qui confesse que toute la réalité est suspendue à Dieu. En son sens étymologique, « Gloire » signifie « ce qui a du poids » Seul Dieu a du « poids » Seul il est une réalité qui demeure à jamais… Toute notre prière ne voudrait confesser que cela. Nos mots, nos paroles ne veulent dire qu’une chose : tout vient de Dieu, tout est pour Dieu, et tout prend sens en lui. A lui seul la gloire par l’honneur et la révérence qui lui sont témoignés, car lui seul a du « poids ».

Mais notre adoration, lors de chaque Gloria nous entraîne plus loin en nous faisant confesser le mystère trinitaire… A chaque fois, nous est offerte la grâce de nous tourner vers le Père, vers le Fils et vers l’Esprit Saint. Dans la formule développée, nous confessons le Père tout puissant, c’est lui la source de tout pouvoir et toute possibilité, nous confessons le Fils, manifesté au Jésus Christ et qui a été fait Seigneur en sa Résurrection, lui vrai Dieu et vrai homme, enfin nous confessons le Saint Esprit qui habite en nos cœurs, lui le Maître intérieur qui nous entraîne dans la prière. Oui nous pouvons doublement nous réjouir que nous soit offerte l’opportunité de nous lever et de nous incliner en l’honneur de la Ste Trinité : d’une part, ce mouvement veut unifier tout notre être corps, cœur et esprit dans l’adoration et d’autre part par cette confession, c’est tout le mystère Trinitaire que nous adorons, contemplons, et aimons. Nous pouvons rendre grâce à Dieu d’être ainsi convoqué à le chanter, le louer l’adorer et à entrer par là plus profondément dans son mystère. (2009-02-1)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 03, v 7-13 De l'appel des frères en Conseil écrit le 18 octobre 2012
Verset(s) :

7. Tous suivront donc en tout la règle comme leur maîtresse, et nul n'aura la témérité de s'en écarter.

8. Personne au monastère ne suivra la volonté de son propre cœur,

9. et nul ne se permettra de contester avec son abbé insolemment ou en dehors du monastère.

10. Si quelqu'un se le permet, il subira les sanctions de règle.

11. De son côté, cependant, l'abbé fera tout dans la crainte de Dieu et le respect de la règle, sachant qu'il devra sans aucun doute rendre compte de tous ses jugements au juge souverainement équitable qu'est Dieu.

12. S'il est question de choses moins importantes pour le bien du monastère, il aura recours seulement au conseil des anciens,

13. comme il est écrit : « Fais tout avec conseil, et quand ce sera fait, tu ne le regretteras pas. »

Commentaire :

De l’appel des frères en conseil.

Du titre de ce chapitre, je retiendrais volontiers le mot « appel ». Car ce qui se passe dans nos conseils, aujourd’hui on dirait nos chapitres conventuels, est vraiment de l’ordre d’un appel à entendre. Benoît parle de l’abbé qui « convoque » et des frères qui « sont appelés au conseil » Oui dans chacune de nos rencontres en chapitre conventuel, mais aussi au conseil, chacun des frères doit entendre un appel. Quel appel ? Un appel qui fait écho au 1er appel entendu par chacun quand il est venu au monastère. Un appel qui invite à se tenir dans cette même attitude d’écoute foncière de la volonté du Seigneur. Ensemble, il s’agit d’écouter l’appel que le Seigneur nous adresse aujourd’hui dans la fidélité à nos appels personnels et dans la continuité des appels adressés à la communauté depuis sa fondation. Le Seigneur appelle toujours et désir nous révéler sa volonté. Chacun en venant au chapitre doit chercher à discerner ce qui pour lui est juste, ce qu’il comprend au regard de la question posée. Dans une première étape, il est bon que chacun puisse vraiment préparer sa réponse, son propre discernement… Personne ne peut prétendre avoir la réponse définitive, mais ce que chacun a essayé de discerner avec humilité, en le mettant par écrit par exemple, cela est très précieux pour le bien de tous. L’abbé de son côté est invité à écouter chacun pour entendre dans ce qui est dit par les uns et les autres ce que le Seigneur veut dire pour la marche de la communauté. Dans nos chapitres, il nous faut accepter d’entrer dans cette attitude humble d’écoute… en se disposant chacun à être les plus disponibles, dociles, à l’œuvre de l’Esprit… Car soit les frères qui parlent, soit l’abbé qui écoute puis discerne, tous nous sommes, les uns pour les autres, instruments de l’Esprit.

C’est aussi et nous même et les autres, qu’il faut nous considérer. Avec le psalmiste, nous pouvons demander « Apprend-nous à faire ta volonté… Ton souffle est bienfaisant, qu’il nous guide… (Ps 142,10)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 24, v 1-7 Quelle doit être la gravité de l’excommunication ? écrit le 17 octobre 2012
Verset(s) :

1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.

2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.

3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.

4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :

6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,

7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.

Commentaire :

Excommunication – Hier j’en soulignais la dimension ecclésiale et communautaire. La séparation temporaire nous renvoie à la profondeur du lien créé entre nous par la foi et par notre recherche commune dans la vie monastique. Cette exclusion temporaire se veut thérapeutique car le moine n’est pas fait pour être isolé ou replié sur lui-même, comme tout être humain, il est fait pour la communion.

En cette journée mondiale du refus de la misère, prônée par ATD quart monde, j’aurais envie d’élargir le regard sur d’autres excommunications en fait des « exclusions » qui se vivent dans notre société. Celles-ci ne se veulent pas thérapeutiques, mais protectrice ou sécuritaires pour préserver la tranquillité de notre société. En me référant à des documents envoyés par Martine Buhrig, je voudrais mentionner ces exclusions qui blessent notre vivre ensemble en société.

Il y a la situation des sans-abris qui errent dans nos villes et qui passent par chez nous parfois. Certains meurent dans le plus complet incognito. Un collectif des « morts sans toi(t) essaie à Lyon, comme d’autres associations ailleurs de veiller à honorer leur mémoire. Ainsi ce sont 115 personnes mortes seules sans référence à d’autres, mortes dans la rue en détention chez elles oubliées.

Il y a la situation des Roms, qui viennent de Roumanie ou de Bulgarie et qui fuient la misère en espérant trouver en Occident quelques euros pour survire. Ils errent dans nos villes et se font des campements de fortune.

Je cite Martine Buhrig « La police vient de déguerpir les Roms juste avant le rentrée pour que les jeunes ne puissent pas retourner à l’école et conforter des liens forts avec leurs copains français ? Entre deux périphériques, des broussailles et sous bois, un homme frappe sur des bouts de bois pour les enfoncer en terre. Près de lui, sa femme et ses enfants. Il fait gris, frais et humide. La pluie se retient encore de tomber. Vite poser un habitat de fortune. Je suis prise d’une peine immense, de colère contre cette injustice sociale et des larmes jaillissent face à cette capacité que nous avons à traiter d’autres êtres humains comme des bêtes, alors que nos sociétés ont tout pour rendre des citoyens heureux. Il suffit seulement de partager la part du gâteau. Il me semble bon d’entendre cet écho de notre société actuelle qui exclue et peine à donner sa place à tous. Nous en sommes. Nous pourrons prier pour que les cœurs ne se ferment pas ! (2012-10-17)