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5. Si c'est un jour de jeûne, une fois les vêpres dites, après un petit intervalle on passera à la lecture des Conférences, comme nous l'avons dit ;
6. on lira quatre ou cinq feuillets ou autant que l'heure le permettra,
7. tandis que tous se rassemblent grâce à ce délai de la lecture, si l'un ou l'autre était pris par une fonction à lui confiée, –
8. donc une fois que tous seront réunis, ils célébreront complies, et en sortant des complies, on n'aura plus désormais la permission de dire quelque chose à quiconque, –
9. si quelqu'un est pris à transgresser cette règle du silence, il subira un châtiment sévère, ;-
10. sauf s'il survient une nécessité du fait des hôtes ou que l'abbé vienne à commander quelque chose à quelqu'un.
11. Cependant cela même devra se faire avec le plus grand sérieux et la réserve la plus digne.
« Si quelqu’un est pris à transgresser cette règle du silence, il subira un châtiment sévère » Nous avons ici une des recommandations les plus fermes que Benoit laisse dans la Règle, un point sur lequel il ne veut pas que les moines transigent. Pour bien en saisir l’enjeu, il est intéressant de relever les mots différents dans ce même chapitre qui ont été tous les deux traduits en français par silence ; ce sont les mots « silentium » et « taciturnitas ». Si en latin, ils ont un sens équivalent : le fait de se taire, on peut remarquer qu’ils ont pour Benoit quelques connotations différentes dans l’usage qu’il en fait dans la Règle. Comme il le suggère au début de ce chapitre, «en tout temps les moines doivent cultiver le silence» (ici silentium), il donne au mot « silentium » un sens plus large qui indique un climat et une attitude autant intérieure qu’extérieure. C’est le même mot qui est utilisé pour dire le climat qui favorisera l’écoute durant le repas (RB 38.5) ou le repos (48.5) pendant la sieste, ou enfin le recueillement quand on sort de l’oratoire (52.2). Le mot «silentium» est donc préféré par Benoit quand il s’agit de dire le climat de recueillement et de paix qu’il souhaite promouvoir dans la Maison de Dieu. En appui de ce premier mot «silentium» vient celui de «taciturnitas », associé dans ce chapitre au mot règle : la «règle de la taciturnité» ou du silence. «Taciturnitas» est le mot utilisé au chapitre 6 sur le silence. Là Benoit invite de manière habituelle le moine à préférer se taire qu’à parler et à n’ouvrir que rarement la bouche comme il convient au disciple. Avec le mot «taciturnitas», nous avons donc le silence envisagé d’abord comme action de se taire, discipline que chacun impose à sa langue. Pour revenir à notre chapitre 42, on pourrait dire, que si en tout temps, les moines cultivent un climat de silence et de recueillement, après Complies, ils gardent strictement la règle de ne pas parler. Il y a là un impératif majeur pour préserver à la nuit son statut unique de temps privilégié pour l’union à Dieu dans la prière. La nuit n’est pus le temps des affaires humaines. Elle est le temps de l’abandon de toute chose dans les mains de Dieu, et dans le sommeil et dans la prière. Aujourd’hui encore nous sentons le bien fondé de cette règle du silence nocturne. Gardons là précieusement. Si on a quelque chose à faire, que ce soit dans la plus grande discrétion, sans échanger de paroles. (2012-12-18)
1. En tout temps les moines doivent cultiver le silence, mais surtout aux heures de la nuit.
2. Aussi en tout temps, qu'il y ait jeûne ou déjeuner, –
3. si c'est un temps où l'on déjeune, dès qu'ils se seront levés du souper, tous s'assiéront ensemble et quelqu'un lira les Conférences ou les Vies des Pères ou autre chose qui édifie les auditeurs,
4. mais pas l'Heptateuque ou les Rois, parce que ce ne serait pas bon pour les intelligences faibles d'entendre cette partie de l'Écriture à ce moment-là ; on les lira à d'autres moments.
«En tout temps es moines doivent cultiver le silence» nous dit Benoit. Mais en entendant ces lignes, on pourrait préciser ainsi la formule : «en tout temps, les moines doivent cultiver l’écoute ». Je suis frappé en effet de voir, comme à propos des repas, la place que donne Benoit à la lecture écoutée ensemble ici avant Complies. Avant le silence de la nuit, le moine emplit ses oreilles de paroles qui ont pour but de l’édifier, c’est à dire au sens propre de le construire. Sont suggérés des lectures patristiques, Cassien, les Apophtegmes des Pères du désert (récemment traduits en latin dans la Vie des Pères) et sous entendues aussi les Écritures puisque sont écartés les livres de l’Heptateuque et des Rois. Jusqu’au seuil de la nuit, le moine est donc un écoutant (audientes) car la lecture est faite à voix haute. Il désire apprendre d’un Autre. Il désire se tenir au plus près de la Voix de Dieu, telle qu’elle s’exprimera dans ce qu’il entend. Car le Dieu qui parle est un Dieu qui édifie, qui construit et remet débout chacun de nous. Aujourd’hui, chacun est plus libre dans le choix de ses lectures, en dehors de la liturgie et du réfectoire. Mais la question demeure : dans quelle disposition intérieure lisons-nous ? Qu’est-ce que nous motive ? Est-ce le désir de connaitre ou le désir d’écouter une parole pour nous ? Surement tout cela. Mais soyons attentifs à l’équilibre. Veillons à demeurer des écoutants de la Parole que Dieu peut me dire aujourd’hui. Autrement dit, vérifions nos priorités dans nos choix de lectures : si le journal ou internet prend plus de place que la Bible et la lecture spirituelle dans le temps consacré, il y a quelque chose qui ne va pas. Nous risquons alors de devenir des consommateurs d’informations ou de distractions. Nous ne sommes plus des moines avides d’écouter ce que Dieu veut leur dire aujourd’hui. Le journal et la lecture de détente ne peut prendre la place de la Bible et de la lecture spirituelle. Elles risquent de nous dessécher intérieurement. Car il ne cesse de nous parler à travers les évènements et les paroles entendues, pour nous éclairer sur notre façon de réagir ou de faire nos choix. Il ne cesse aussi de nous découvrir un peu mieux qui il est, son visage de Père. (2012-12-13)
1. De la sainte Pâque à la Pentecôte, les frères prendront leur repas à sexte et souperont le soir.
2. À partir de la Pentecôte, pendant tout l'été, si les moines n'ont pas de travaux agricoles et que les ardeurs excessives de l'été ne les incommodent pas, ils jeûneront jusqu'à none les mercredis et vendredis.
3. Les autres jours ils déjeuneront à sexte.
4. S'ils ont du travail aux champs ou si la chaleur de l'été est excessive, il faudra maintenir le déjeuner à sexte, et ce sera à l'abbé d'y pourvoir.
5. Et il équilibrera et réglera toute chose en sorte que les âmes se sauvent et que les frères fassent ce qu'ils font sans murmure fondé.
6. Des Ides de septembre au début du carême, le repas sera toujours à none.
7. En carême, jusqu'à Pâques, le repas sera à vêpres.
8. Cependant les vêpres seront célébrées de telle façon que l'on n'ait pas besoin au repas de la lueur d'une lampe, mais que tout s'achève à la lumière du jour.
9. Et de même en tout temps, l'heure du souper ou du repas sera suffisamment tôt pour que tout se fasse à la lumière.
Avec humour, on pourrait dire que le repas a lui aussi son calendrier liturgique. De même que les offices sont bâtis en fonction du calendrier liturgique, de même l’ordonnance des repas. Il est intéressant de voir que Benoit a une vision liturgique bien plus nette que le Maitre. Pour Benoit les seules références en matière de quantité de nourriture et de jeûne sont liturgiques. Deux temps forts ressortent: le temps pascal (où on ne jeûne pas en prenant deux repas et le Carême où l’on jeûne en prenant l’unique repas après les Vêpres. Entre Pentecôte et le Carême, on a deux périodes séparées par la Croix Glorieuse, l’une dans la mouvance du temps pascal qui permet le repas à Sexte sauf mercredi et vendredi qui sont deux jours traditionnels de jeûne et l’autre qui oriente les regards vers Pâques en proposant le repas à None. Le Maitre a une vision plus pénitentielle qui a tendance à faire le compte des jours dans la peur de ne pas assez jeûner (cf RM28 8-12), au regard de la pratique des anciens (RM 28.4), qui jeûnaient toujours jusqu’à Vêpres, sauf au temps pascal et le dimanche. Le Maitre est encore sensible à la qualité des jours : pour lui on ne jeûne pas le jeudi « parce que chaque année, l’Ascension du Seigneur tombe ce jour-là, tandis qu’il est interdit de jeûner le dimanche parce qu’il est voué à la Résurrection du Seigneur » (RM 28, 41-42). Mais par contre, il propose le samedi comme jour de jeûne habituel en plus du mercredi et du vendredi. De manière générale, Benoit a assoupli la règle préconisée par le Maitre, reportant plus tôt l’heure des repas dans la journée, selon les temps.
Nous avons approfondi la vision liturgique de Benoit quant aux repas, en introduisant le jeûne de l’Avent, qui veut nous aider à demeurer léger, en éveil pour la venue du Fils de l’Homme. Même s’il peut nous en coûter pour une part, pour une autre, nous pouvons nous réjouir d’apprendre à habiter l’année liturgique et son déroulement aussi par notre corps. Nous ne sommes pas de purs esprits. Nous apprenons à marcher vers Pâques aussi à travers une discipline corporelle, comme nous attendons la venue du Christ aussi dans notre corps pour prendre place à sa table et recevoir , de sa main le pain du Ciel. (2012-12-12)
1. « Chacun tient de Dieu un don particulier, l'un comme ceci, l'autre comme cela. »
2. Aussi est-ce avec quelques scrupules que nous déterminons la quantité d'aliments pour les autres.
3. Cependant, eu égard à l'infirmité des faibles, nous croyons qu'il suffit d'une hémine de vin par tête et par jour.
4. Mais ceux à qui Dieu donne la force de s'en passer, qu'ils sachent qu'ils auront une récompense particulière.
5. Si les conditions locales et le travail ou la chaleur de l'été font qu'il en faut davantage, le supérieur en aura le pouvoir, en veillant toujours à ne pas laisser survenir la satiété ou l'ivresse.
6. Nous lisons, il est vrai, que « le vin n'est absolument pas fait pour les moines », mais puisqu'il est impossible d'en convaincre les moines de notre temps, accordons-nous du moins à ne pas boire jusqu'à satiété, mais plus sobrement,
7. puisque « le vin fait apostasier même les sages. »
8. Quand les conditions locales feront que l'on ne puisse même pas trouver la quantité indiquée ci-dessus, mais beaucoup moins ou rien du tout, les habitants du lieu béniront Dieu et ne murmureront pas.
9. Car nous recommandons ceci avant tout : qu'on s'abstienne de murmurer.
« Ils béniront Dieu et ne murmureront pas » On pourrait entendre en écho cette recommandation de la liturgie : «Hauts les cœurs» traduite «Elevons notre cœur » ! Oui quand vient le manque – ici de vin- quand nous arrivent des contrariétés, quel est notre premier réflexe ? Bénir Dieu ou murmurer ? Me vient en tête la réplique de notre père Denis dans la vidéo du monastère, alors qu’il vient de se faire piquer par une guêpe, il s’exclame «C’est beau une guêpe » ! Magnifique réflexe qui transforme en émerveillement la désagréable déconvenue. C’est la grâce de la vie fraternelle de pouvoir ainsi nous soutenir dans ce regard positif sur les choses. Si le murmure peut être communicatif et nous entrainer insensiblement les uns après les autres vers la dépression, le regard positif sur les choses, même désagréables, est, lui, bien plus porteur de communion et de vie pour la communauté.
Quand nous murmurons parce qu’il manque quelque chose parce que les choses ne vont pas comme on voudrait, nous sommes comme des aveugles. Nous nous arrêtons sur l’obstacle qui nous fait buter et ne voyons plus ce qu’il y autour. Comme si d’un seul coup, la vie s’arrêtait sur la difficulté rencontrée. Et si nous nous enfermons dans le murmure, nous nous entêtons dans notre aveuglement. Chaque obstacle rencontré dans nos existences est toujours une occasion de grandir dans l’humilité. D’un seul coup, nous sommes remis devant notre finitude, nos limites. Nous ne pouvons pas tout faire, la vie est plus grande que ce que l’on croit. La guêpe a autant le droit de vivre que nous. Bénir Dieu, nous dit Benoit. Demandons cette grâce d’un regard plus large et d’un cœur plus libre pour bénir Dieu en toute chose. Sachons nous entraider et nous entrainer dans cet élan positif !! (2012-12-10)
6. S'il arrive que le travail devienne plus intense, l'abbé aura tout pouvoir pour ajouter quelque chose, si c'est utile,
7. en évitant avant tout la goinfrerie et que jamais l'indigestion ne survienne à un moine,
8. car rien n'est si contraire à tout chrétien que la goinfrerie,
9. comme le dit Notre Seigneur : « Prenez garde que la goinfrerie ne vous appesantisse le cœur. »
10. Quant aux enfants d'âge tendre, on ne gardera pas pour eux la même mesure, mais une moindre que pour les plus âgés, en gardant en tout la sobriété.
11. Quant à la viande des quadrupèdes, tous s'abstiendront absolument d'en manger, sauf les malades très affaiblis.
Dans la seconde partie de ce chapitre, on retrouve un verset entendu dans l’évangile de Luc (21.34) qui ouvrait le 1° dimanche de l’Avent : «Tenez vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie». Quand Benoit utilise ce verset ici, il nous replace donc dans la perspective de l’attente de la venue du Christ. Il voudrait voir les moines avec un cœur toujours léger, toujours prêts à paraitre debout devant le Fils de l’Homme. Avec cette citation, il nous alerte sur une tendance propre à notre condition humaine blessée par le péché ; le fait de nous rassasier à l’excès de plaisir, de nourriture ou de boisson pour oublier la mort.
La vie n’est pas facile à affronter. La tentation est grande de tout faire pour oublier nos limites, oublier nos faiblesses, oublier l’inconnu du lendemain, oublier notre fin mortelle. Notre sobriété monastique veut nous garder de cette tentation et nous permettre de faire face. Il s’agit de nous tenir debout face aux difficultés de cette vie mortelle. Nous avons de la chance d’être ainsi éduqués à la sobriété. Car elle est une force bien plus réelle que l’illusion que procure l’ivresse. La sobriété nous permet de trouver en nous d’autres ressources, ressource de la tempérance , ressource de l’équilibre de vie, ressource de la force intérieure.
De plus, comme Benoit nous y invite dans la ligne de l’évangile, la sobriété nous entraine à regarder vers le Christ qui vient. Elle nous éduque à ce regard de foi en Celui qui peut vraiment nous donner la vie. Par les biens terrestres, il nous donne déjà la vie. Et à travers cette vie reçue avec mesure dans l’action de grâce, il nous laisse entrevoir cette vie pleinement accomplies qu’il nous prépare en abondance. Oui réjouissons nous d’être entrainés par notre sobriété, à accueillir la vie en plénitude ! (2012-12-06)
1. Nous croyons qu'il suffit à toutes les tables pour le repas quotidien, qu'il ait lieu à sexte ou à none, de deux plats cuits, en raison des diverses infirmités,
2. pour que celui qui ne peut manger de l'un, fasse son repas de l'autre.
3. Donc deux plats cuits suffiront à tous les frères ; et s'il y a moyen d'avoir des fruits ou des légumes tendres, on en ajoutera un troisième.
4. Une livre de pain bien pesée suffira pour la journée, qu'il y ait un seul repas ou déjeuner et souper.
5. Si l'on doit souper, le cellérier gardera le tiers de cette même livre pour le rendre au souper.
Un mot domine ce chapitre, c’est le verbe «il suffit » (sufficere). Il détermine une mesure. Notre repas monastique est placé sous le signe de la mesure, une mesure qui est liée à notre style de vie. On retrouve ce même verbe au sujet des vêtements. Le moine veut vivre sous la règle de la sobriété en toute chose : la nourriture, le vêtement, l’usage de la parole, la manière de vivre les relations avec l’extérieur. S’il suffit d’une certaine mesure en tous ces domaines, c’est que le moine trouve sa joie et son accomplissement ailleurs. A la suite de Jésus, il a une autre nourriture. Il désire mettre en avant d’autres préoccupations que le seul souci de manger, de paraitre par le vêtement ou d’avoir de nombreuses relations. Ce «il suffit» délimite l’espace du nécessaire et il préserve un autre espace. C’est l’espace que chacun de nous voudrait voir toujours plus grand. C’est l’espace de la disponibilité à l’Esprit Saint et de l’écoute de la Parole de Dieu. Reconnaissons le cet espace n’est pas toujours facile à habiter car il nous élargit en nous creusant. Il nous demande de consentir à devenir plus libre en nous dépouillant de nous-mêmes.
Le jeûne que nous vivons ces jours-ci nous est offert comme une opportunité de nous laisser creuser. Y consentir avec tout notre cœur, les premières craintes de manquer dépassés, cela va nous permettre de grandir en liberté. Notre désir des choses d’En Haut et du Royaume qui vient va pouvoir se développer. Ce n’est pas sans une pointe d’humour que nous entendons les lectures de la messe de ce jour. Elles nous parleront de festin de viandes grasses et de vins décantés. Images appétissantes du Royaume qui rassasiera ce désir affiné, purifié et élargi tout au long de notre vie terrestre. Que le Seigneur vienne apprêter nos cœurs appelés à prendre part à sa table dans son Royaume. (2012-12-05)
5. Et il se fera un silence complet, en sorte que, dans la pièce, on n'entende personne chuchoter ou élever la voix, sinon le seul lecteur.
6. Quant à ce qui est nécessaire pour manger et boire, les frères se serviront à tour de rôle, de telle sorte que nul n'ait besoin de rien demander.
7. Si pourtant on a besoin de quelque chose, on le demandera en faisant retentir un signal quelconque, plutôt qu'en élevant la voix.
8. Personne non plus, dans la pièce, ne se permettra de poser aucune question sur la lecture ou sur autre chose, pour ne pas donner d'occasion,
9. sauf si le supérieur voulait dire brièvement un mot pour l'édification.
10. Le frère lecteur hebdomadier prendra le mixte avant de commencer à lire, à cause de la sainte communion et de peur que le jeûne ne lui soit pénible à supporter.
11. Mais c'est plus tard qu'il prendra son repas, avec les hebdomadiers de la cuisine et les serviteurs.
12. Les frères ne liront ni ne chanteront tous à la suite, mais seulement ceux qui édifient les auditeurs.
Comme je le soulignais en commentant la première partie de ce chapitre sur le repas, tout est centré sur la lecture. Les lignes entendues ce matin nous permettent de le mesurer encore. Durant le repas est requis un silence complet, «summum» pour qu’on entende le seul lecteur. Le service entre frères est organisé de telle façon que l’on n’ait pas à demander quelque chose. L’insistance porte ici sur le service mutuel : le frère sert son voisin et est servi par lui. On ne fait pas de commentaire ou de bruits quelconques qui peuvent troubler l’écoute des autres. Enfin, seuls les frères qui édifient par une manière de lire audible et compréhensible, assurerons la lecture. Il est bon de nous rappeler ces caractères propres à nos repas monastiques où la lecture est la première nourriture reçue avant le pain. L’insistance sur le silence, sur l’écoute et sur le service mutuel veut nous orienter vers un plus grand respect les uns des autres. Il s’agit de ne pas troubler l’attention mutuelle. Nos frères malentendants au réfectoire ou au chapitre, pour leur faciliter au maximum l’écoute. Je crois qu’il nous faut veiller à limiter les bruits parasites (j’ai déjà parlé de la manière de couper sa salade qui peut être très bruyante). Les frères servants peuvent veiller à ne pas être trop bruyant avec les plats ou les couverts de service. Les lecteurs doivent faite attention à bien parler en face du micro. Autant de petits détails qui, s’y on y est attentif, rendent l’écoute plus facile et l’ambiance du repas plus paisible. Par ces attentions, nous faisons aussi acte de charité pour ceux qui peinent davantage à entendre. «Il se fera un silence complet ». Oui notre repas est un très beau temps d’écoute ! (2012-12-04)
1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.
2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.
3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.
« La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères ». La formule est surprenante et amusante à la fois. On aurait pu s’attendre s’agissant de la table des frères, à quelque chose du genre : «le sel ou l’eau ne doit jamais manquer aux tables des frères ». Non Benoit s’intéresse d’abord à la lecture. Il parlera aux deux chapitres suivants de la quantité de nourriture et de boisson. Ce primat donné à la lecture à table ne nous surprend pas complètement. Car il vient nous rappeler le primat de l’écoute dans notre vie. Moines, nous voudrions être toujours des écoutants, des gens à l’affut de la parole de Dieu qui s’exprime de tant de manière dans une journée. Au réfectoire, nous sommes encore et d’abord des écoutants. Le caractère rituel du repas commencé et conclu par la prière nous introduit dans cette attitude d’écoute. De même le temps du début qui précède le coup de gong, où nous attendons avant de commencer à manger veut nous aider à entrer dans l’écoute. Nous ne nous précipitons pas sur la nourriture, mais nous nous disposons à écouter. Heureux sommes-nous de pouvoir vivre cela pour demeurer à l’écoute. Année après année, nous entendons divers livres ou articles balayant un nombre impressionnant de sujets, de période ou de personnages historiques. Se mêlent sujets de la vie du monde et sujets de la vie de l’Église, qui en fait ne forment qu’une seule histoire sainte en marche. Rien de ce qui fait la vie des hommes n’est étranger à Dieu, ni à notre recherche de Dieu. Et en même temps, nous avons besoin d’être aidé dans ce travail d’intelligence de la vie et de la réalité. Le choix des auteurs n’est pas anodin. Certains nous aident pour une intelligence toujours plus profonde et fine du travail de l’Esprit dans notre monde. D’autres moins ou pas du tout. On remercie vivement ici F.Matthieu et F. Servan qui ont ce rôle délicat de discernement, un discernement qui nous aide à demeurer ouvert et à l’écoute de Dieu à l’œuvre dans notre histoire humaine. (2012-11-23)
1. Bien que la nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, l'autorité de la règle doit cependant y pourvoir.
2. On aura toujours égard à leur faiblesse et on ne les astreindra nullement aux rigueurs de la règle en matière d'aliments,
3. mais on aura pour eux de tendres égards et ils devanceront les heures réglementaires.
Vieillards et enfants sont associés ici dans une même préoccupation. Deux moments de la vie humaine marqués par une certaine fragilité et vulnérabilité. Elle est étonnante notre vie humaine qui rapproche ainsi dans une même expérience de dépendance ceux qui entrent dans la vie et ceux qui se préparent à la quitter. La vie adulte, celle dans la force de l’âge, la vie autonome et active ne serait-elle donc qu’une longue parenthèse plus ou moins illusoire? Qu’est-ce qui est le plus réel, voire le plus humain dans notre existence? Est-ce notre capacité adulte à être pleinement autonome? Ou est-ce la capacité de l’enfant et du vieillard à dépendre d’un autre? Spontanément, nous répondons : la capacité à l’autonomie, tant l’enfant et le jeune que nous avons été, a aspiré à voler de ses propres ailes et tant le vieillard que nous sommes ou que nous serons n’aime pas dépendre des autres. Mystérieuse vie qui nous fait passer de la dépendance à la dépendance, à travers l’autonomie. La dépendance du vieillard est-elle différente dès lors de la dépendance de l’enfant? Et si cette dépendance physique et matérielle devenait le lieu d’une plus grande liberté intérieure? Cette dépendance librement assumée et consentie ne peut –elle pas être alors le signe d’une profonde maturité et d’une réelle autonomie ? Ces questions ne sont pas que des réflexions intellectuelles. L’épreuve du grand âge nous fait pressentir qu’il y a un passage délicat à faire intérieurement par chacun. Car il s’agit de ne pas subir ce passage, mais d’apprendre à rester ou devenir un peu plus libre en l’assumant. Dans la lumière de la foi nous pouvons nous y engager plus surement et cela pour deux raisons. Nous savons tout d’abord que Dieu notre Père nous accompagne et ne nous abandonne pas dans nos passages à vivre. Ensuite, nous croyons qu’il nous appelle à être ses fils en Jésus, des fils au cœur d’enfant qui demeure confiant en leur Père quelque soit leur âge. (2012-11-22)
7. Ces frères malades auront un logement à part affecté à leur usage, et un serviteur qui ait la crainte de Dieu et qui soit attentionné, soigneux.
8. Toutes les fois que c'est utile, on offrira aux malades de prendre des bains, mais à ceux qui sont bien portants et surtout aux jeunes, on ne le permettra que plus rarement.
9. En outre, on permettra aux malades très affaiblis de manger de la viande, pour qu'ils se remettent ; mais quand ils seront mieux, ils se passeront tous de viande comme à l'ordinaire.
10. L'abbé prendra le plus grand soin que les malades ne soient pas négligés par les cellériers ou par les serviteurs. Lui aussi, il est responsable de toute faute commise par ses disciples.
«Il faut soigner le corps pour que l’âme s’y plaise» disait st François de Sales. Benoit n’est pas en reste dans ce chapitre pour ménager aux frères malades un régime particulier. Il prévoit ainsi bains et viande pour les frères affaiblis. Il ne perd pas de vue cependant le but d’une vie donnée en suggérant que dès que possible le frère reprenne le régime normal.
« Il faut soigner le corps ». Dans ce domaine, il est heureux et important d’avoir un regard extérieur. On remercie ici le frère Mathias qui est notre premier interlocuteur concernant la santé. Il est rare, peut-être même impossible, de pouvoir seul avoir un bon jugement sur sa propre santé. Chacun, nous sommes tous en partie aveugles sur nous-mêmes et notamment sur notre santé. Alors que nous sommes les premiers à pouvoir dire un mal, un malaise, voire un mal être, nous ne sommes pas les mieux placés pour le comprendre ou pour engager la démarche vers un mieux être. Nous avons besoin du regard d’un autre. Et là encore dans la manière de recourir à un tiers, nous sommes très différents. Pour les uns, ce sera le moins possible et pour les autres, ce sera trop souvent. Les uns veulent se débrouiller le plus possible par eux-mêmes, les autres ont besoin d’être écoutés, consolés, et souvent dans leurs difficultés reconnus. Les premiers devront accueillir une parole qui les pousse à se faire aider. Les autres devront accueillir une parole qui invite à prendre de la distance par rapport à la maladie. Il est bon pour chacun de nous de repérer quel est notre penchant naturel. Mieux nous connaître dans ce domaine est important pour essayer d’être le plus juste dans notre rapport à ceux qui nous soignent. Dans tous le cas, il s’agit de se remettre à l’écoute, sous la parole d’un autre. Il s’agit de renoncer à être tout puissant, et dans son désir d’être autonome, et dans ses exigences qui risquent d’enfermer sur soi. L’épreuve de la maladie, de la faiblesse ou du vieillissement est pour chacun de nous un chemin d’abandon, de confiance. Ni rigorisme, ni infantilisme, mais abandon et confiance, dans les frères et les soignants, dans le Seigneur toujours. (2012-11-21)