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1. Si quelqu'un, en travaillant à n'importe quel travail, à la cuisine, au cellier, au service, au pétrin, au jardin, à quelque métier, ou n'importe où, commet quelque manquement
2. ou brise ou perd quoi que ce soit ou tombe dans quelque autre faute où que ce soit,
3. et ne vient pas de lui-même aussitôt faire satisfaction spontanément devant l'abbé et la communauté et avouer son manquement,
4. si on l'apprend par un autre, il sera soumis à une pénitence plus sévère.
5. Mais s'il s'agit d'un péché de l'âme dont la matière est restée cachée, il le découvrira seulement à l'abbé ou à des anciens spirituels,
6. qui sachent soigner leurs propres blessures et celles des autres, sans les dévoiler et les publier.
« Qu'il vienne le dire lui-même! » Benoit désire développer dans la
communauté une atmosphère de loyauté et de franchise. Nous
comporter comme des hommes. Cela suppose que l'on ne craint pas la
communauté, mais qu'on l'aime. Elle est pour l'ensemble et pour
chacun de nous le lieu où nous pouvons devenir davantage fils de Dieu.
Si au contraire nous nous sentons surveillés, jugés, il faut en parler avec
le père spirituel. C'est un reste de complexe infantile. Il risque paralyser
toute liberté spirituelle. Croyons que Dieu nous aime, à travers chacun
de nos frères.
« Il ira aussitôt s'en accuser spontanément.» Parmi les fautes où nous
pouvons tomber, il y a les manquements matériels. Qu'ils soient
commis en public, ou en secret. Les faire connaitre, s'en accuser.
Puisqu'ils sont une atteinte au bien de la communauté, à ce que notre
profession monastique a mis en commun, il est juste que nous nous en
accusions devant la communauté.
Mais à côté de ces manquements matériels, il y a les fautes commises
1 dans le secret du cœur. Ce secret appartient à Dieu seul. Il est
inviolable. C'est au père spirituel seulement qu'il doit être révélé. Cette
ouverture du cœur crée une relation d'un ordre supérieur, qui n'est pas
de simple amitié. Mais elle est précieuse. Nous savons combien elle
nous aide à vivre.
Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre accusation, publique ou au père
spirituel, elle rétablit le cœur dans la lumière. L'ouverture de cœur nous
met dans la lumière. Et un frère uni à Dieu est lumineux pour ses frères.
(2013-01-26)
1. Si quelqu'un se trompe en récitant un psaume, un répons, une antienne ou une leçon, et s'il ne s'humilie pas sur place et devant tous par une satisfaction, il subira une punition plus sévère,
Comme jadis en Egypte, pour Benoit la négligence se répare par
l'humilité. F. Adalbert nous dit: « Heureuse faute qui invite à pratiquer
la vertu majeure de la Règle. Manquer à l'humilité est toujours, pour le
moine, une faute sérieuse. »
Humainement, la réparation de nos manquements n'a rien de très
agréable. Un artisan n'aime pas réparer. Il préfère faire du neuf. C'est
une illusion possible dans notre vie: nous voudrions avoir toujours du
neuf à présenter à Dieu, aux autres et à nous-mêmes. Une vie sans
reproches, sans failles.
La vie monastique, la vie chrétienne, l'Evangile, ce n'est pas cela. C'est
plutôt la prise de conscience de notre état de pauvres, de pécheurs
renouvelés dans le Sang du Christ. Pour avoir accès auprès de Dieu,
pour découvrir l'amour du Christ, il nous faut perdre la face à nos
propres yeux. Se présenter à Dieu comme des pauvres. L'acquisition de
cette pauvreté, qui est simplicité, humilité, se fait au jour le jour. Par
l'expérience de nos limites, de nos faiblesses. Et en même temps la
confiance dans la miséricorde de Dieu.
Réparer courageusement. Sans dépit, sans amertume. Ne pas se
scandaliser des faiblesses des autres. Qu'il y ait toujours en nous un
désir de faire mieux. Ne pas nous lasser d'avoir toujours à
recommencer. Ne pas prendre prétexte de notre médiocrité pour
cesser tout effort: Cela c'est de l'orgueil. Mais nous y remettre
toujours. Non pas pour nous réhabiliter aux yeux des autres, et à nos
propres yeux. Mais par amour pour Dieu. Le regard fixé sur le Christ.
(2013-01-25)
1. Celui qui est excommunié pour faute grave de l'oratoire et de la table, au moment où l'on achève de célébrer l'œuvre de Dieu à l'oratoire, se prosternera devant la porte de l'oratoire et demeurera ainsi sans rien dire,
2. mais seulement la tête contre terre, couché sur le ventre aux pieds de tous ceux qui sortent de l'oratoire.
3. Et il fera ainsi jusqu'à ce que l'abbé juge qu'il a donné satisfaction.
4. Quand, sur l'ordre de l'abbé, il viendra, il se jettera aux pieds de l'abbé, puis de tous, afin que l'on prie pour lui.
5. Et alors, si l'abbé l'ordonne, on l'admettra au chœur, à la place que l'abbé aura décidée,
6. mais sans qu'il ait le droit d'imposer à l'oratoire un psaume, une leçon ou autre chose, si l'abbé à nouveau ne lui en donne l'ordre.
7. Et à toutes les heures, lorsque s'achève l'œuvre de Dieu, il se jettera à terre à l'endroit où il se tient,
8. et il fera ainsi satisfaction jusqu'à ce que l'abbé à nouveau lui ordonne de mettre fin à cette satisfaction.
9. Quant à ceux qui, pour des fautes légères, sont excommuniés seulement de la table, ils satisferont à l'oratoire jusqu'à un ordre de l'abbé.
10. Ils feront ainsi jusqu'à ce qu'il donne sa bénédiction et dise : « ;Cela suffit. »
« Il se jettera aux pieds de l'Abbé, puis de tous, afin qu'ils prient pour
lui ». Ce chapitre nous parle de la satisfaction. Comment réparer nos
fautes. Et ce verset nous indique le chemin: Demander pardon.
Demander la prière de nos frères. Quand un frère demande pardon, il
est grand, nous en sommes souvent témoins. Et si nous sommes
capables de demander la prière de nos frères, nous pouvons échapper à
la spirale de la faute qui nous empêche de vivre.
La faute nous replie sur nous-mêmes. Elle nous aveugle, au point que
nous estimons avoir raison, seul, contre le monde entier. Le chemin de
libération passe toujours par l'autre, par la reconnaissance devant
l'autre, de nos faiblesses, de nos limites, de nos erreurs.
L'humilité nous permet de reconnaitre que nous sommes faillibles,
pécheurs, petits. Et cela commence dans les petites choses de la vie,
comme le souligne Benoit tout au long de la Règle: Etre en retard,
casser un objet, se tromper à l'Office ou dans la lecture.
Il ne s'agit pas de dramatiser ces incidents. Mais si nous prenons
l'habitude de demander pardon pour les petites choses, nous pourrons
le faire aussi pour les choses plus graves, plus difficiles. Ce qui nous
empêche de demander pardon, ce n'est pas que la faute n'ait pas
d'importance, comme nous le prétendons. Mais, justement, elle est'
importante, et cela éveille en nous une angoisse. Nous avons peur. Peur
que notre pauvreté ne soit pas acceptée. Peur d'être rejeté. Nous avons
peur de l'autre. Peur de Dieu peut-être.
Notre vie communautaire nous donne des moyens pour vivre cette
démarche de réparation. Le chapitre des coulpes en est un. Il peut nous
aider à vaincre cette peur de l'autre. Cette peur d'être vu tel que nous
sommes. Pour faire la vérité. Pour devenir plus homme, plus fils de
Dieu. (2013-01-24)
13. A table, celui qui ne sera pas arrivé pour le verset, en sorte que tous disent ensemble ce verset, fassent l'oraison et se mettent tous à table au même moment,
14. celui qui ne sera pas arrivé par suite de sa négligence ou d'une faute, on le reprendra pour cela jusqu'à deux fois.
15. Si ensuite il ne s'amende pas, on ne lui permettra pas de partager la table commune,
16. mais on le séparera de la compagnie de tous et il prendra son repas seul, avec privation de sa ration de vin, jusqu'à satisfaction et amendement.
17. Même sanction pour celui qui ne sera pas présent au verset que l'on dit après avoir mangé.
18. Et que personne ne se permette de prendre à part aucun aliment ou boisson avant l'heure prescrite ou après.
19. De plus, si le supérieur offre quelque chose à tel ou tel, et que celui-ci refuse de le prendre, quand il désirera ce qu'il a d'abord refusé ou autre chose, il ne recevra absolument rien jusqu'à ce qu'il s'amende comme il faut.
Prendre notre repas ensemble, écouter ensemble la lecture faite au
réfectoire, manger avec ses frères, être attentif à eux, au service les uns
des autres : c'est une grande chance que beaucoup de gens n'ont pas.
Cela construit la communauté, notre compagnonnage. Celui qui s'en
prive blesse notre vivre ensemble, et perd une occasion de s'insérer
dans la communauté. De vivre simplement avec ses frères.
Le retard au réfectoire n'est pas du même ordre que le retard à l'œuvre
de Dieu. Mais Benoit nous rappelle qu'il est important d'être là pour la
prière qui précède le repas, et de commencer tous ensemble. Là encore
nous pouvons reconnaitre quand notre retard est motivé par un service
de la communauté, et quand il a pour cause notre négligence. Benoit
est sévère: il excommunie de la table commune le retardataire
récalcitrant, celui qui n'en fait qu'à sa tête. Et il le prive d'une part de la
nourriture commune. Le risque qui nous guette toujours est d'agir à
notre fantaisie. De faire notre volonté propre. Où est Dieu dans une
telle attitude? Il s'agit pour chacun de nous, tout au long de notre vie,
d'apprendre la liberté du cœur. Nous mettre au service de Dieu. Pour
cela, se donner un but, un motif surnaturel, qui vaut toujours, même
dans les choses sans importance. Il s'agit non seulement de devenir des
hommes libres, mais des fils de Dieu. Nous pouvons profiter de ces
petites fidélités quotidiennes pour grandir dans l'amour. Le critère:
qu'est-ce que Dieu me demande à l'instant présent?
Si le supérieur offre quelque chose à un frère, et que celui-ci refuse
Benoit punit ce manque de simplicité. Grégoire le Grand affirme de
même que: manger par obéissance est plus méritoire que toute
privation, cela a plus de valeur que le jeûne. Si aimer, c'est donner, se
donner, c'est encore plus savoir accueillir. Permettre à l'autre de vivre
la joie du don. Le vrai don est communion. Apprendre à voir en chaque
frère, en tout homme, même le plus démuni apparemment, celui qui
nous donne plus que nous ne pouvons lui donner. (2013-01-23)
10. Aux heures du jour, celui qui n'arrivera pas à l'œuvre de Dieu après le verset et le gloria du premier psaume qu'on dit après le verset, ceux-là, suivant la loi que nous avons dite plus haut, se tiendront au dernier rang,
11. et ils ne se permettront pas de se joindre au chœur de ceux qui psalmodient, jusqu'à ce qu'ils aient satisfait, à moins que l'abbé n'en donne permission en accordant son pardon,
12. non sans que le coupable fasse satisfaction, cependant.
A propos de ce chapitre sur les retards, le P. Abbé me demande de rappeler notre règle communautaire, qui est indiquée dans le Coutumier : dès le premier tintement du début de l'office, si l'on n'est pas à sa place, on reste près de la porte, et on attend la fin du verset : Dieu viens à mon aide pour rejoindre sa place. Le but de cet usage n'est pas de punir, ni d'humilier, mais de nous aider à faire l'effort d'être à l'heure à l'œuvre de Dieu. Nous sommes souvent tentés de commencer encore juste une chose avant l'Office. Et cette petite chose est de trop. Et elle aurait pu attendre. Nous aurions pu être à l'heure, nous préparer à ce temps de prière commune. Cela permet aussi à la communauté de commencer paisiblement l'œuvre de Dieu.
Benoit nous a dit au début de ce chapitre : Ne rien préférer à l'œuvre de Dieu . C'est une belle devise. F. Adalbert nous dit que Benoit l'a empruntée à la seconde Règle de Lérins. Ne rien préférer à l'amour du Christ était l'un des instruments des bonnes œuvres (RB 4, 21). A travers saint Cyprien et d'autres auteurs anciens, la sentence vient de l'Evangile. Elle traduit l'avertissement du Christ : Celui qui aime son père ou sa mère, son frère ou sa sœur plus que moi n'est pas digne de moi (Mt 10, 37). C'est sur ce modèle que les moines de Lérins ont frappé leur formule. Remplacer l'amour du Christ par l'œuvre de Dieu , cela nous rappelle que, pour le moine, l'amour pour le Christ s'exprime dans la prière continuelle. L'Office Divin est le soutien de notre désir de prier sans cesse.
L'appel de la cloche nous aide à discerner ce à quoi nous sommes le plus attachés. Elle me dit mon degré de ferveur : suis-je tiède ? Ou froid ? Prenons Dieu au sérieux. Ne le servons pas comme des amateurs. (2013-01-22)
4. Celui qui, aux vigiles nocturnes, arrivera après le gloria du psaume quatre-vingt-quatorze, – que nous voulons qu'on dise, pour cette raison, à une allure tout à fait traînante et lente, – celui-là ne se tiendra pas à sa place au chœur,
5. mais il se tiendra le dernier de tous ou à l'endroit séparé que l'abbé aura assigné aux négligents de son espèce pour qu'ils soient vus de lui et de tous,
6. jusqu'à ce que, l'œuvre de Dieu achevée, il fasse pénitence par une satisfaction publique.
7. Or si nous avons décidé qu'ils devaient se tenir au dernier rang ou à part, c'est pour qu'ils soient vus de tous et qu'ils se corrigent au moins sous l'effet de la honte.
8. Si d'ailleurs ils restent hors de l'oratoire, il s'en trouvera peut-être un qui se recouchera et dormira ou qui s'assiéra dehors à l'écart, passera son temps à bavarder et donnera occasion au malin.
9. Mieux vaut qu'ils entrent au dedans, de façon à ne pas tout perdre et à se corriger à l'avenir.
Avec ce chapitre, le psaume 94 prend un relief particulier. Il est considéré comme un seuil pour entrer dans l’Office. Si on arrive après qu’il ait été chanté, le moine doit rester en dehors du chœur. Il pouvait manquer l’office jusqu’au psaume 94 qui, lui-même, fait suite au verset d’introduction et au Ps 3. Mais pas après. Le moine n’a pas répondu à temps à l’invitation à la prière que signifie bien le psaume 94, d’où son nom d’invitatoire : Venez crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre rocher. Allons jusqu’à lui en rendant grâce . Cette invitation du psalmiste veut nous aider à habiller notre cœur pour la louange. Elle tourne notre regard vers le Seigneur de nos vies, notre rocher, notre grand Dieu, grand roi au dessus de tous les dieux, qui tient en main les profondeurs de la terre.
Le psaume invitatoire nous invite à un acte de foi renouvelé en Dieu. Il nous aide à nous mettre en sa présence. Autrement dit, arriver après ce psaume invitatoire, c’est arriver comme un cheveu sur la soupe, sans cette préparation du cœur qui nous pose devant Dieu en vérité. La mise à l’écart veut être une épreuve pour reprendre conscience que l’on ne vient pas devant Dieu n’importe comment. Certainement signifie-t-il aussi qu’ayant manqué le départ de la prière, on s’est coupé de la communauté.
Au chœur, nous sommes ensemble pour unir nos voix, et pas des individus les uns à coté des autres qui s’acquitteraient d’un devoir. Notre louange est celle de toute la communauté. Quand un frère manque, notre louange commune en pâtit. Le corps communautaire alors n’exprime pas toutes les harmoniques qu’il peut donner. Non seulement il a moins de force ou de talents pour chanter Dieu, mais il n’est plus vraiment lui même. Nos retards et nos absences nous coupent de Dieu autant que des frères. Ils risquent de nous couper de nous-mêmes, de notre vocation profonde de fils chercheurs de Dieu. Ne nous y habituons pas, mais combattons-les. (2013-01-17)
1. A l'heure de l'office divin, dès qu'on aura entendu le signal, on laissera tout ce qu'on avait en main et l'on accourra en toute hâte,
2. mais avec sérieux, pour ne pas donner matière à la dissipation.
3. Donc on ne préférera rien à l'œuvre de Dieu.
Ce début de chapitre sur la ponctualité à l’office me fait penser au début du chapitre sur l’obéissance. On y parle d’obéissance sans délai et, ici, de laisser tout au signal entendu. Là il est question de l’obéissance qui convient à ceux qui n’ont rien de plus cher que le Christ, et ici il s’agit de ne rien préférer à l’œuvre de Dieu. Là on dit que les moines par l’obéissance délaissent sur le champ leurs activités laissant inachevé ce qu’ils faisaient. Ici il est demandé, à la sonnerie de l’office, de laisser ce qu’on a en main et d’accourir en hâte.
On le voit les parallèles littéraires sont réels et ils dénotent une même dynamique spirituelle. On obéit à l’appel de la cloche comme on obéit à la voix d’un frère. Un même empressement est requis. Une même liberté aussi par rapport à tout ce que l’on est en train de faire. Au final, c’est le portait d’un moine libre pour le Christ que Benoît esquisse ici pour ses disciples. Libre parce que totalement disponible à l’écoute pour aller vers un frère ou pour se rendre à la prière commune. Est-ce un portrait idéal ? Une voix inaccessible pour le moine du 21° siècle qui a des exigences techniques dans son travail ou des obligations incontournables ? Certes il est préférable que nos frères cuisiniers ne laissent pas en plan l’omelette sur le feu ou qu’ils veillent à mettre en plat les légumes avant de venir à sexte !! Mais dans bien d’autres lieux de travail rien n’empêche de laisser ce qui est commencé pour le reprendre ensuite. Je vous invite à faire l’expérience de couper court à votre activité quand la cloche sonne. Le temps de nous préparer tranquillement pour aller à l’Église. C’est exigeant, mais aussi, bien libérant. Nous apprenons ainsi à remettre notre vie dans les mains de plus grand que nous. Nous apprenons à vivre au temps de Dieu. (2013-01-16)
5. Si c'est un jour de jeûne, une fois les vêpres dites, après un petit intervalle on passera à la lecture des Conférences, comme nous l'avons dit ;
6. on lira quatre ou cinq feuillets ou autant que l'heure le permettra,
7. tandis que tous se rassemblent grâce à ce délai de la lecture, si l'un ou l'autre était pris par une fonction à lui confiée, –
8. donc une fois que tous seront réunis, ils célébreront complies, et en sortant des complies, on n'aura plus désormais la permission de dire quelque chose à quiconque, –
9. si quelqu'un est pris à transgresser cette règle du silence, il subira un châtiment sévère, ;-
10. sauf s'il survient une nécessité du fait des hôtes ou que l'abbé vienne à commander quelque chose à quelqu'un.
11. Cependant cela même devra se faire avec le plus grand sérieux et la réserve la plus digne.
« Si quelqu’un est pris à transgresser cette règle du silence, il subira un châtiment sévère » Nous avons ici une des recommandations les plus fermes que Benoit laisse dans la Règle, un point sur lequel il ne veut pas que les moines transigent. Pour bien en saisir l’enjeu, il est intéressant de relever les mots différents dans ce même chapitre qui ont été tous les deux traduits en français par silence ; ce sont les mots « silentium » et « taciturnitas ». Si en latin, ils ont un sens équivalent : le fait de se taire, on peut remarquer qu’ils ont pour Benoit quelques connotations différentes dans l’usage qu’il en fait dans la Règle. Comme il le suggère au début de ce chapitre, «en tout temps les moines doivent cultiver le silence» (ici silentium), il donne au mot « silentium » un sens plus large qui indique un climat et une attitude autant intérieure qu’extérieure. C’est le même mot qui est utilisé pour dire le climat qui favorisera l’écoute durant le repas (RB 38.5) ou le repos (48.5) pendant la sieste, ou enfin le recueillement quand on sort de l’oratoire (52.2). Le mot «silentium» est donc préféré par Benoit quand il s’agit de dire le climat de recueillement et de paix qu’il souhaite promouvoir dans la Maison de Dieu. En appui de ce premier mot «silentium» vient celui de «taciturnitas », associé dans ce chapitre au mot règle : la «règle de la taciturnité» ou du silence. «Taciturnitas» est le mot utilisé au chapitre 6 sur le silence. Là Benoit invite de manière habituelle le moine à préférer se taire qu’à parler et à n’ouvrir que rarement la bouche comme il convient au disciple. Avec le mot «taciturnitas», nous avons donc le silence envisagé d’abord comme action de se taire, discipline que chacun impose à sa langue. Pour revenir à notre chapitre 42, on pourrait dire, que si en tout temps, les moines cultivent un climat de silence et de recueillement, après Complies, ils gardent strictement la règle de ne pas parler. Il y a là un impératif majeur pour préserver à la nuit son statut unique de temps privilégié pour l’union à Dieu dans la prière. La nuit n’est pus le temps des affaires humaines. Elle est le temps de l’abandon de toute chose dans les mains de Dieu, et dans le sommeil et dans la prière. Aujourd’hui encore nous sentons le bien fondé de cette règle du silence nocturne. Gardons là précieusement. Si on a quelque chose à faire, que ce soit dans la plus grande discrétion, sans échanger de paroles. (2012-12-18)
1. En tout temps les moines doivent cultiver le silence, mais surtout aux heures de la nuit.
2. Aussi en tout temps, qu'il y ait jeûne ou déjeuner, –
3. si c'est un temps où l'on déjeune, dès qu'ils se seront levés du souper, tous s'assiéront ensemble et quelqu'un lira les Conférences ou les Vies des Pères ou autre chose qui édifie les auditeurs,
4. mais pas l'Heptateuque ou les Rois, parce que ce ne serait pas bon pour les intelligences faibles d'entendre cette partie de l'Écriture à ce moment-là ; on les lira à d'autres moments.
«En tout temps es moines doivent cultiver le silence» nous dit Benoit. Mais en entendant ces lignes, on pourrait préciser ainsi la formule : «en tout temps, les moines doivent cultiver l’écoute ». Je suis frappé en effet de voir, comme à propos des repas, la place que donne Benoit à la lecture écoutée ensemble ici avant Complies. Avant le silence de la nuit, le moine emplit ses oreilles de paroles qui ont pour but de l’édifier, c’est à dire au sens propre de le construire. Sont suggérés des lectures patristiques, Cassien, les Apophtegmes des Pères du désert (récemment traduits en latin dans la Vie des Pères) et sous entendues aussi les Écritures puisque sont écartés les livres de l’Heptateuque et des Rois. Jusqu’au seuil de la nuit, le moine est donc un écoutant (audientes) car la lecture est faite à voix haute. Il désire apprendre d’un Autre. Il désire se tenir au plus près de la Voix de Dieu, telle qu’elle s’exprimera dans ce qu’il entend. Car le Dieu qui parle est un Dieu qui édifie, qui construit et remet débout chacun de nous. Aujourd’hui, chacun est plus libre dans le choix de ses lectures, en dehors de la liturgie et du réfectoire. Mais la question demeure : dans quelle disposition intérieure lisons-nous ? Qu’est-ce que nous motive ? Est-ce le désir de connaitre ou le désir d’écouter une parole pour nous ? Surement tout cela. Mais soyons attentifs à l’équilibre. Veillons à demeurer des écoutants de la Parole que Dieu peut me dire aujourd’hui. Autrement dit, vérifions nos priorités dans nos choix de lectures : si le journal ou internet prend plus de place que la Bible et la lecture spirituelle dans le temps consacré, il y a quelque chose qui ne va pas. Nous risquons alors de devenir des consommateurs d’informations ou de distractions. Nous ne sommes plus des moines avides d’écouter ce que Dieu veut leur dire aujourd’hui. Le journal et la lecture de détente ne peut prendre la place de la Bible et de la lecture spirituelle. Elles risquent de nous dessécher intérieurement. Car il ne cesse de nous parler à travers les évènements et les paroles entendues, pour nous éclairer sur notre façon de réagir ou de faire nos choix. Il ne cesse aussi de nous découvrir un peu mieux qui il est, son visage de Père. (2012-12-13)
1. De la sainte Pâque à la Pentecôte, les frères prendront leur repas à sexte et souperont le soir.
2. À partir de la Pentecôte, pendant tout l'été, si les moines n'ont pas de travaux agricoles et que les ardeurs excessives de l'été ne les incommodent pas, ils jeûneront jusqu'à none les mercredis et vendredis.
3. Les autres jours ils déjeuneront à sexte.
4. S'ils ont du travail aux champs ou si la chaleur de l'été est excessive, il faudra maintenir le déjeuner à sexte, et ce sera à l'abbé d'y pourvoir.
5. Et il équilibrera et réglera toute chose en sorte que les âmes se sauvent et que les frères fassent ce qu'ils font sans murmure fondé.
6. Des Ides de septembre au début du carême, le repas sera toujours à none.
7. En carême, jusqu'à Pâques, le repas sera à vêpres.
8. Cependant les vêpres seront célébrées de telle façon que l'on n'ait pas besoin au repas de la lueur d'une lampe, mais que tout s'achève à la lumière du jour.
9. Et de même en tout temps, l'heure du souper ou du repas sera suffisamment tôt pour que tout se fasse à la lumière.
Avec humour, on pourrait dire que le repas a lui aussi son calendrier liturgique. De même que les offices sont bâtis en fonction du calendrier liturgique, de même l’ordonnance des repas. Il est intéressant de voir que Benoit a une vision liturgique bien plus nette que le Maitre. Pour Benoit les seules références en matière de quantité de nourriture et de jeûne sont liturgiques. Deux temps forts ressortent: le temps pascal (où on ne jeûne pas en prenant deux repas et le Carême où l’on jeûne en prenant l’unique repas après les Vêpres. Entre Pentecôte et le Carême, on a deux périodes séparées par la Croix Glorieuse, l’une dans la mouvance du temps pascal qui permet le repas à Sexte sauf mercredi et vendredi qui sont deux jours traditionnels de jeûne et l’autre qui oriente les regards vers Pâques en proposant le repas à None. Le Maitre a une vision plus pénitentielle qui a tendance à faire le compte des jours dans la peur de ne pas assez jeûner (cf RM28 8-12), au regard de la pratique des anciens (RM 28.4), qui jeûnaient toujours jusqu’à Vêpres, sauf au temps pascal et le dimanche. Le Maitre est encore sensible à la qualité des jours : pour lui on ne jeûne pas le jeudi « parce que chaque année, l’Ascension du Seigneur tombe ce jour-là, tandis qu’il est interdit de jeûner le dimanche parce qu’il est voué à la Résurrection du Seigneur » (RM 28, 41-42). Mais par contre, il propose le samedi comme jour de jeûne habituel en plus du mercredi et du vendredi. De manière générale, Benoit a assoupli la règle préconisée par le Maitre, reportant plus tôt l’heure des repas dans la journée, selon les temps.
Nous avons approfondi la vision liturgique de Benoit quant aux repas, en introduisant le jeûne de l’Avent, qui veut nous aider à demeurer léger, en éveil pour la venue du Fils de l’Homme. Même s’il peut nous en coûter pour une part, pour une autre, nous pouvons nous réjouir d’apprendre à habiter l’année liturgique et son déroulement aussi par notre corps. Nous ne sommes pas de purs esprits. Nous apprenons à marcher vers Pâques aussi à travers une discipline corporelle, comme nous attendons la venue du Christ aussi dans notre corps pour prendre place à sa table et recevoir , de sa main le pain du Ciel. (2012-12-12)