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1. A la porte du monastère on placera un vieillard sage, qui sache recevoir et donner une réponse, et dont la maturité ne le laisse pas courir de tous côtés.
2. Ce portier doit avoir son logement près de la porte, afin que les visiteurs le trouvent toujours présent pour leur répondre.
3. Et aussitôt que quelqu'un frappe ou qu'un pauvre appelle, il répondra Deo gratias ou Benedic ,
4. et avec toute la douceur de la crainte de Dieu, il se hâtera de répondre avec la ferveur de la charité.
5. Si ce portier a besoin d'aide, il recevra un frère plus jeune.
L’attitude demandée au portier est très semblable à celle des frères hôteliers : une attitude de foi empreinte de charité à l’égard de toute personne qui arrive, sans distinction entre les riches et les pauvres. Tous doivent être accueillis à la même enseigne. Je remercie ici nos frères Damase, Vincent, Hugues et Ambroise qui assurent en ce moment la porterie, en l’absence d’Olivier présentement malade. En notre nom à tous, ils témoignent à l’arrivant le respect et aussi la charité qui doivent faire sentir à la personne qu’elle ne vient pas dans n’importe quel hébergement, mais dans la maison de Dieu. Je suis conscient que cet accueil n’est pas facile à vivre car il demande de s’adapter à chacun, en se mettant à sa place. Ne rien tenir pour évident, car l’hôte ignore souvent nos habitudes, voire qui nous sommes et ce que nous pouvons offrir ou ne pas offrir. Être ouvert et disponible sans peur, bienveillant sans à priori peut obliger le portier à aller au plus profond de soi pour y puiser la patience et le respect. S’il reste calme et délicat, alors qu’il est nécessaire de dire non, même si la personne semble ne pas comprendre, ni n’accepte ce qui proposé, elle repartira cependant en se sentant respectée. Eviter les jugements ou les remarques désobligeantes demeure comme une ligne rouge à ne pas franchir. Car souvent nous ne savons pas ce qui habite les personnes ni ne connaissons les raisons pour lesquelles elles peuvent dire des choses qui peuvent paraitre étranges.
Le regard de foi que propose St Benoit au portier, à la suite de l’hôtelier est une ressource qu’il faut toujours demander comme une grâce. Car dans la foi, on peut prendre de la distance par rapport à nos à priori spontanés pour reconnaitre le Christ dans l’arrivant. Alors bien des choses peuvent changer dans notre regard et dans notre façon de répondre. En ce sens, la recommandation de Benoit faite au portier de répondre « Deo gratias ou Benedic » se voulait pédagogique. Car en rendant grâce à Dieu ou en demandant la bénédiction à l’arrivant, on plaçait Dieu au centre de la rencontre. Notre culture plus sécularisée rend moins compréhensible cette manière de faire. Mais nous pouvons intérieurement cultiver ce regard et invoquer le Seigneur en le bénissant de se faire présent à travers celui qui frappe à la porte. Oui, prenons appui sur ce regard de foi, pour laisser grandir en nous « cette douceur de la crainte de Dieu » et cette « ferveur de la charité » qui ne peuvent qu’être un don demandé et reçu dans la prière.
11. Aussi nous semble-t-il opportun, pour la sauvegarde de la paix et de la charité, que l'abbé règle à son gré l'organisation de son monastère.
12. Si faire se peut, c'est par des doyens que l'on organisera, comme nous l'avons établi antérieurement, tous les services du monastère, selon que l'abbé l'établira.
13. Ainsi, plusieurs en étant chargés, un seul ne s'enorgueillira pas.
14. Si le lieu l'exige ou si la communauté le demande raisonnablement avec humilité et que l'abbé le juge opportun,
15. l'abbé choisira qui il voudra avec le conseil des frères qui craignent Dieu, et il se l'ordonnera lui-même comme prévôt.
16. Ce prévôt, cependant, exécutera respectueusement ce que son abbé lui commande, sans rien faire contre la volonté ou les ordres de l'abbé,
17. car plus il est élevé au-dessus des autres, plus il lui faut observer avec soin les prescriptions de la règle.
« Pour la sauvegarde de la paix et de la charité » dans la communauté, St Benoit nous laisse ici quelques conseils qui sont précieux, et qui valent certainement pour le choix d’un prieur, mais aussi pour bien d’autres questions. J’en retiens trois : la décision par l’abbé, l’écoute de la communauté et des doyens, l’humilité de tous.
La décision de l’abbé. De manière générale, Benoit insiste pour que l’abbé « règle à son gré l’organisation de son monastère ». Cette préséance donnée à l’abbé n’est pas sans rappeler les chapitres 2, 3 et 64 de la règle dans lesquels Benoit donne à l’abbé de décider ce qu’il convient pour la communauté, « ce qu’il juge opportun ». Plus que le principe de bon sens qui veut qu’un seul assume les décisions au risque qu’aucune décision ne soit sinon prise, ce point fait fond sur la nécessité qu’en dernier lieu le discernement soit reconnu et exprimé par celui que la communauté s’est choisie pour abbé, pour père, pour berger.
Cependant l’abbé est attentif à ce que la communauté peut demander « raisonnablement ». Il fera aussi appel au « conseil des frères qui craignent Dieu » pour choisir son prieur. Il peut prendre plus généralement appui sur les doyens avec lesquels il partage un part de sa charge, pour organiser « tous les services du monastère ». L’abbé reste à l’écoute de la communauté et prend ses décisions après l’avoir consultée.
Humilité de tous. Humilité de la communauté lorsqu’elle présente son désir à l’abbé d’avoir un prieur. Lorsqu’on cherche la vérité, lorsqu’on désire le meilleur pour la communauté, cela ne peut se faire sous forme de demandes péremptoires ou impératives qui ne souffriraient aucune contestation. Le ton et la manière humble disent souvent beaucoup du désir réel de trouver la vérité. Humilité de l’abbé aussi, lorsqu’il laisse place à d’autres avis, à d’autres éclairages qui peuvent le contredire ou changer son premier point de vue. De plus lui aussi est soumis à la règle et ne peut décider à sa guise sans en tenir compte. A lui revient en premier lieu, l’ultime recommandation de ce chapitre : « plus il est élevé au-dessus des autres, plus il lui faut observer avec soin les prescriptions de la règle ». Humilité enfin du prieur, ici, mais aussi de chacun…Dans sa manière d’obéir à l’abbé, en exécutant respectueusement et en ne faisant rien contre la volonté ou les ordres de l’abbé. Je veux simplement ce matin redire ma reconnaissance à notre f. Hubert qui assume avec générosité ce service de prieur, dans une grande attention à chacun, notamment lorsque je suis absent. Je pars toujours l’esprit très tranquille et confiant dans la manière avec laquelle les choses se passeront.
1. Trop souvent il est arrivé que l'ordination d'un prévôt engendre de graves conflits dans les monastères.
2. Il en est en effet qui s'enflent d'un méchant esprit d'orgueil et qui, estimant être de seconds abbés, usurpent le pouvoir, entretiennent des conflits et mettent la dissension dans les communautés,
3. surtout dans les lieux où le prévôt reçoit l'ordination du même évêque et des mêmes abbés qui ordonnent l'abbé.
4. Combien cela est absurde, il est facile de s'en rendre compte : dès le début, dès son ordination, on lui donne matière à s'enorgueillir,
5. ses pensées lui suggérant qu'il est soustrait à l'autorité de son abbé,
6. puisque « toi aussi, tu as été ordonné par les mêmes qui ont ordonné l'abbé. ;»
7. Il en résulte envies, disputes, médisances, rivalités, dissensions, destitutions,
8. et ainsi, abbé et prévôt étant de sentiments opposés, il est inévitable que leurs âmes soient en danger, tant que durent ces dissensions,
9. et leurs subordonnés courent à leur perte, du fait qu'ils flattent leurs partisans.
10. La responsabilité de ce dangereux fléau pèse au premier chef sur ceux qui se sont faits les auteurs d'un tel désordre.
Ces lignes se présentent comme la leçon tirée d’expériences arrivées trop souvent dans des monastères où le prieur a été ordonné par le même évêque que l’abbé. St Benoit regrette cette situation qui lui semble « cousue d’avance » lorsqu’il affirme : « combien cela est absurde, il est facile de s’en rendre compte ». A ses yeux, il est évident qu’en pareille situation « le ver est dans le fruit » et qu’il ne peut en résulter qu’un grand désordre, dont doivent être tenus pour responsable ceux qui l’ont permis.
Cette manière de présenter le cas du prieur qui va entrer en rivalité avec l’abbé, nous fait toucher du doigt combien pour Benoit les bonnes pratiques institutionnelles sont gages de stabilité et de paix dans un monastère. Et pour discerner qu’elles sont ces bonnes pratiques, il est important de prendre en compte la manière avec laquelle une pratique, une règle ou une coutume va être reçue profondément par les moines. Qu’est-ce qui va se passer dans leur tête si on fait ceci ou cela ? Benoit décrit ici, le mécanisme pervers qui se met en place dans la tête du prieur et les pensées qui l’habitent et qui le font agir en opposition à son abbé…Ce sont les pensées d’orgueil ou de vaine gloire. Notre vie quotidienne ne cesse de nous apporter, des situations où il nous faut discerner avant d’adopter une manière de faire communautaire, qu’elles vont en être les incidences ? Ici, le discernement communautaire a un vrai rôle à jouer. A travers les paroles des uns et des autres, peuvent se dire les dangers possibles, les mouvements plus ou moins justes qui peuvent rouler dans les têtes et les cœurs et qui pourraient créer du trouble pour la vie commune. L’un peut voir ce qu’un autre ne voit pas, parce qu’on n’est pas tous sensible à la même difficulté. Il me semble qu’on a vécu quelque chose de semblable lorsque nous avons parlé de l’accueil des femmes dans notre réfectoire. La question a été soulevée en rencontre communautaire dans laquelle on parlait de la disposition du réfectoire. On a alors pris le temps de s’écouter sur les objections ou non à cette présence. L’assentiment semblait plutôt favorable à cette pratique. On en a ensuite reparlé au conseil qui était favorable aussi et j’ai donné quelques repères sur cet accueil afin qui ne passe bien et ne trouble pas notre vie commune. Je crois que jusqu’à maintenant l’expérience est concluante. Tout en restant vigilant…nous faisons l’expérience de la simplicité de cet accueil qui se vit en silence, dans la discrétion de l’accès rapide depuis l’église sous la conduite des frères hôteliers. S’il y a échange de paroles sur le palier, il est assez bref. Si pour tel ou tel, il y avait une question qu’on hésite pas à me le dire…
16. Il ne sera pas agité et inquiet, il ne sera pas excessif et obstiné, il ne sera pas jaloux et soupçonneux à l'excès, car il ne serait jamais en repos.
17. Dans les ordres qu'il donne, il sera prévoyant et réfléchi, et que l'œuvre qu'il commande soit selon Dieu ou selon le siècle, il usera de discrétion et de mesure,
18. en songeant à la discrétion de saint Jacob, qui disait : « Si je fais peiner davantage mes troupeaux à marcher, ils mourront tous en un jour. »
19. Prenant garde à ce texte et aux autres sur la discrétion, mère des vertus, il mettra de la mesure en tout, en sorte que les forts aient à désirer et que les faibles n'aient pas à prendre la fuite.
20. Et surtout, qu'il garde en tous ses points la présente règle,
21. afin qu'après avoir bien servi, il entende le Seigneur lui dire, comme au bon serviteur qui distribua en son temps le froment à ses compagnons de service :
22. « En vérité, je vous le dis, il l'établira sur tous ses biens. »
« Que les forts aient à désirer et que les faibles n’aient pas à prendre la fuite »
Une fois un frère me disait en souriant à propos de recommandations concrètes que j’avais donné sur notre vie monastique : « Tout cela, je l’ai fait, que me manque-t-il encore ? » Peut-être certains frères qui ont bien intégré notre vie et ses coutumes reprendraient-ils cette réflexion du frère. Je dirais tout d’abord heureux sont-ils pour deux raisons : parce qu’ils sont entrés dans ce qui est proposé et l’on fait leur. Mais surtout heureux sont-ils car ils désirent encore progresser et ne pas s’en tenir à une simple observance de pratiques et de rites. Que les forts aient à désirer. Car notre vie veut nous ouvrir d’autres espaces de recherche et d’approfondissement. La vie régulière, ses horaires, ses coutumes sont les structures de notre maison, ses murs, son toit. Ils nous assurent une stabilité et une certaine aisance. Mais il faut encore veiller à l’aménagement intérieur de la maison… et là le champs d’action est vaste. Car il s’agit de préparer notre maison, notre cœur à vivre une relation toujours plus amicale et familière avec le Christ ainsi qu’avec tous nos frères. Que le Christ, que nos frères soient à l’aise chez nous, avec nous.
On sait aujourd’hui le soin que les gens apportent à peaufiner leur intérieur d’habitation. Mettons-nous le même soin à embellir notre être intérieur ? Ici, l’attention, voire le combat est de tous les jours. Tous les jours, il nous faut faire le ménage par rapport aux pensées de jugement, par rapport aux critiques… mais aussi plus subtil par rapport aux pensées de justification ou de tristesse, voire de découragement. Ces pensées sont comme la poussière qui se dépose insensiblement et peu à peu encrasse tout. Mais surtout dans notre être intérieur, il nous faut toujours garder une place pour le Christ par la prière, par l’attention à sa parole. C’est Lui, l’hôte déjà là que nous désirons honorer, connaître et aimer toujours plus. Si notre maison a un toit qui fuit… si notre intérieur est encombré de pensées pesantes ou acides nous peinerons à Lui faire une place. Heureusement, Lui ne craint pas de s’inviter chez nous car il aime les pauvres et les pécheurs. Qu’il nous prenne en pitié par son amour.
7. Quant à l'abbé qui a été ordonné, il songera toujours à la charge qu'il a reçue et à celui auquel il devra « ;rendre compte de sa gestion ;».
8. Il saura qu'il doit plutôt « servir que régir ».
9. Il doit donc être « savant » dans la loi divine, pour savoir et avoir d'où « tirer le neuf et l'ancien », chaste, sobre, miséricordieux.
10. Et que « la miséricorde l'emporte toujours sur le jugement », afin qu'il obtienne pour lui le même traitement.
11. « Qu'il haïsse les vices et qu'il aime les frères. »
12. Dans ses réprimandes même, qu'il agisse prudemment et « ;sans rien de trop », de peur qu'en voulant trop gratter la rouille, il ne brise le vase.
13. Il ne perdra jamais de vue sa propre fragilité, et se souviendra « ;qu'il ne faut pas écraser le roseau cassé. »
14. Nous ne voulons pas dire par là qu'il permettra aux vices de se développer, mais qu'il les retranchera prudemment et avec charité, suivant qu'il lui semblera opportun pour chaque individu, comme nous l'avons déjà dit.
15. Et il s'efforcera « d'être plus aimé que redouté ».
La succession des deux versets suivants me semble suggestive : « Il saura qu’il doit plutôt servir que régir. Il doit donc être savant dans la loi divine, pour savoir et avoir d’où tirer du neuf et de l’ancien, chaste, sobre et miséricordieux… ». Après avoir énoncé le conseil à la saveur toute évangélique, prônant le service pour l’abbé, St Benoit poursuit : il doit donc être savant dans la loi divine… Ce « donc » est intéressant. En effet, vivre l’autorité comme un service, hors de la lumière évangélique, n’est pas du tout spontané. C’est plutôt l’inverse qui est vrai : lorsqu’on reçoit une charge qui nous met à la tête d’autres frères, que ce soit l’abbé, un chef d’emploi, un responsable de commission etc…les premiers réflexes sont souvent de désirer dominer ou au moins de ne pas perdre la face, et donc de faire sentir son pouvoir... Comme le recommandait dimanche soir, Christine, l’amie de f. Benoit, il peut être intéressant ici d’être attentif aux pensées qui nous traversent lorsque nous sommes en position de supérieur vis-à-vis d’autres frères. « Je suis supérieur, il faut que je m’affirme, ou bien les frères doivent me reconnaitre, et c’est à moi de décider… » Et si un frère résiste, comment je réagis ? « J’essaie de le coincer à tout prix, ou bien de lui faire des remarques désobligeantes ? »
Oui, spontanément, nous peinons à vivre la charge qui nous place en responsabilité vis-à-vis d’autres frères comme un service. Aussi est-ce vraiment nécessaire de prendre nos évangiles, les Ecritures en général pour regarder Jésus, pour contempler comment dans son dessein d’alliance, notre Dieu ne cesse de se mettre à nos genoux, avec patience, avec amour. Regarder Jésus et lui demander son aide. Qu’il nous rende serviteur comme lui ! Si on regarde les évangiles, Jésus se comporte rarement sur le mode impérieux, dominateur. Les seules personnes que Jésus rabroue et interpelle fortement, ce sont les pharisiens et les hommes du pouvoir religieux de l’époque. Ils leur reprochent leur hypocrisie et leur manière de se servir eux-mêmes plutôt que de se mettre au service de ceux qu’ils ont la charge d’enseigner ou de diriger. A l’inverse, vis-à-vis des pécheurs, des pauvres et même des disciples souvent lents à comprendre, il pose des questions, propose une parabole, parle de manière indirecte pour aider ses interlocuteurs à prendre conscience de leurs fautes ou de leurs écarts. Jamais il ne leur dit : « tu as fait ceci ou bien cela », mais il trouve délicatement le moyen de leur faire sentir que quelque chose peut aller mieux. Regarder Jésus nous enseigne la patience, l’absence de jugement des personnes, le souci de la vérité qui peut interpeller sans dominer ni enfoncer… Devant un tel maitre serviteur, nous restons des apprentis serviteurs. Qu’il nous vienne en aide !
1. Si un moine étranger arrive de provinces lointaines, s'il veut habiter au monastère en qualité d'hôte
2. et se contente de la coutume locale telle qu'il la trouve, sans troubler le monastère par ses vaines exigences,
3. mais en se contentant simplement de ce qu'il trouve, on le recevra aussi longtemps qu'il le désire.
4. S'il fait quelque critique ou remarque raisonnable, avec une humble charité, l'abbé examinera prudemment si le Seigneur ne l'aurait pas envoyé précisément pour cela.
5. Si par la suite il veut se fixer définitivement, on ne s'opposera pas à cette volonté, surtout que l'on a pu apprécier sa vie au temps où il recevait l'hospitalité.
6. S'il s'est montré exigeant ou vicieux au temps où il recevait l'hospitalité, non seulement il ne faut pas l'agréger au corps du monastère,
7. mais encore on lui dira poliment de s'en aller, de peur que sa misère ne vicie encore les autres.
8. S'il ne mérite pas d'être mis dehors, non seulement, s'il le demande, on le recevra et on l'agrégera à la communauté,
9. mais encore on le persuadera de rester, pour que son exemple instruise les autres,
10. et parce qu'en tout lieu on sert le même Seigneur, on est au service du même roi.
11. Si même l'abbé voit qu'il en est digne, il pourra le mettre à une place un peu plus élevée.
12. D'ailleurs ce n'est pas seulement le moine, mais aussi ceux de l'ordre des prêtres et de celui des clercs dont il a déjà été question, que l'abbé peut établir à une place supérieure à celle de leur entrée, s'il voit que leur vie en est digne.
13. Mais l'abbé se gardera de jamais recevoir à demeure un moine d'un autre monastère connu, sans le consentement de son abbé ou sans lettre de recommandation,
14. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas que l'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»
Ce chapitre tombe à propos avec la venue de f. Emmanuel parmi nous, pour une année environ. Une chose me frappe dans ce chapitre, c’est la succession des « si ». Chacune des propositions subordonnées conditionnelles essaie de passer en revue plusieurs cas de figure possible, allant du moine hôte de passage au moine qu’on peut inviter à rester, en passant par le moine qui peut faire des remarques judicieuses. La préoccupation de Benoit est vraiment que le moine prenne sa bonne place dans la communauté, comme le met en lumière la remarque sur la place plus ou moins élevée à laquelle on peut le mettre. Dans une communauté qui a son propre rythme, son mode de vie, l’arrivée d’un nouveau moine ne doit pas troubler la vie des frères. Tout doit être fait pour que le moine puisse apporter sa pierre, temporaire ou définitive. La question est d’autant plus sensible que ce moine a été formé ailleurs, et qu’il arrive donc avec d’autres repères, d’autres réflexes et d’autres modes de vivre qui peuvent se conjuguer ou bien s’opposer à ceux de la communauté qui l’accueille.
Aujourd’hui, nous vivons comme une grâce le fait d’accueillir des frères venus d’autres communautés, du Vietnam ou d’Afrique. Demeure pour nous, l’attention de Benoit qui veille à ce que les frères étrangers, ou invités comme nous préférons dire, prennent place le mieux possible parmi nous. Nous sommes aussi désireux de faire notre possible pour qu’ils se sentent heureux et à l’aise chez nous. La différence culturelle n’est pas une petite chose et nous n’y serons peut-être jamais assez attentifs. Comment veiller, par exemple, lorsque l’on parle, à parler plus lentement en articulant avec le frère encore en apprentissage ? Comment prendre davantage de temps pour expliquer les choses, de la vie quotidienne, de nos coutumes, sans penser que c’est évident ? A ce sujet, il revient aux frères répondants qui veillent davantage au nouvel arrivant, à lui présenter le coutumier, pour qu’il le lise, ou bien pour le lire avec lui. Sont consignés là bien des détails de la vie commune qui, connus, peuvent faciliter l’insertion dans la durée. Sans infantiliser, ne pas hésiter à expliquer des petits détails touchant la nourriture, mais aussi la manière de dormir et de se coucher, l’usage des sanitaires, etc… tout ceci demande beaucoup d’attention, et d’attention délicates, pour être là bien présent aux côtés du frère, sans non plus l’étouffer de remarques et le couver comme un enfant. La charité se fait toujours inventive et délicate, avec beaucoup de respect de telle sorte qu’elle se donne, mais sans se donner à voir. Je redis un merci particulier ici au f. Fernando qui assure souvent les premiers contacts. Que le Seigneur qui vient à nous dans le frère étranger nous apprenne cette délicatesse.
1. Si quelqu'un de l'ordre des prêtres demande à être reçu au monastère, on n'y consentira pas trop vite.
2. Toutefois s'il persiste absolument dans cette supplication, il saura qu'il devra observer toute la discipline de la règle
3. et qu'on ne lui en relâchera rien, pour que ce soit comme dans l'Écriture ;: « ;Ami, pourquoi es-tu venu ;? ;»
4. Toutefois on lui accordera de se placer après l'abbé et de bénir ou de conclure les oraisons, si toutefois l'abbé l'y autorise ;;
5. sinon, il ne se permettra rien du tout, sachant qu'il est soumis aux sanctions de règle, et il donnera plutôt à tous des exemples d'humilité.
6. Et si jamais il est question au monastère de nominations ou d'autre chose,
7. il regardera comme sienne la place qu'il a de par son entrée au monastère, non celle qui lui a été accordée par respect pour son sacerdoce.
8. Quant aux clercs, si l'un d'eux, animé du même désir, veut être agrégé au monastère, on les placera à une place moyenne,
9. à condition toutefois qu'ils promettent eux aussi l'observation de la règle et leur propre persévérance.
Derrière la prudence, voire la réticence de Benoit d’accueillir des prêtres au sein de la communauté pour devenir moine, on peut entendre, et l’importance de la figure du prêtre dans l’Eglise de ce temps, et aussi la forte conscience de la particularité de la vie monastique. Visiblement, depuis l’ère apostolique, en quelques siècles, le prêtre a acquis un statut social et religieux important : reconnaissance de son rôle premier dans la liturgie, et certainement une aura qui pouvait impressionner ceux qui n’étaient pas prêtre. En même temps, Benoit fait preuve d’une vigilance qui témoigne de son intelligence profonde de la vie monastique, qui n’est en rien cléricale à ses yeux. Le prêtre rejoint les rangs comme tout le monde et se doit, un peu plus que les autres, de rechercher l’humilité.
Le contexte est différent dans notre communauté héritière de toute la réflexion postconciliaire qui a remis à l’honneur la vocation monastique, comme socle commun à tous les moines. La vocation sacerdotale a retrouvé son origine première d’appel fait par l’abbé et la communauté à un frère pour exercer cette fonction. Le mot « service » nous semble le plus adéquat pour qualifier ce qui reste aussi une charge. Service de la communauté et de sa vie liturgique, charge de l’annonce de la parole durant la messe, charge de l’accueil des pénitents dans le sacrement de réconciliation. Nous restons marqués dans nos esprits par le contexte humain et sociétal qui a beaucoup valorisé l’horizontalité dans les rapports humains. Aussi exercer une forme d’autorité et de préséance par la parole peut paraitre parfois plus difficile. On n’a pas envie de se tenir au-dessus de la tête de ceux avec lesquels on vit en frère. Assumer cette dimension paternelle du ministère presbytéral nous appelle en fait à une grande liberté intérieure pour nous tenir moins préoccupés du regard de ses frères que du désir de se mettre au service de la Parole et de la Liturgie.
Parallèlement, on entend dans la vie des diocèses et des plus jeunes prêtres, combien cette posture difficile à tenir en profondeur, peut être supplantée aujourd’hui par celle apparemment plus attractive, d’un prêtre homme du sacré et de la ritualité liturgique qui a tendance à se tenir en surplomb… Cela occasionne des conflits et beaucoup d’incompréhensions chez des laïcs très engagés dans la dynamique précédente. Cette réalité conflictuelle contemporaine, nous rappelle combien le prêtre qui préside la liturgie est au service de la communauté qu’il préside. Pasteur, il lui revient d’être à l’écoute des aspirations de sa communauté, de ses besoins spirituels, de son élan. Dans un monastère, la proximité fraternelle rend encore un peu plus délicate cette attention. La clé pour l’affronter me semble être l’humilité. Ne pas se soucier de soi, de la reconnaissance ou non qu’on en retire, mais se soucier de ce qui est utile et bon pour mes frères, dans une grand confiance à l’Esprit Saint qui guide nos pas.
1. Si un noble vient à offrir son fils à Dieu au monastère, si l'enfant est d'âge tendre, ses parents feront la pétition dont nous avons parlé plus haut,
2. et ils envelopperont cette pétition et la main de l'enfant dans la nappe de l'autel avec l'oblation, et ils l'offriront ainsi.
3. Quant à ses biens, ou bien ils promettront sous serment, dans la pétition en question, que jamais par eux-mêmes, ni jamais par le tuteur qu'ils auront désigné, ni d'aucune manière, ils ne lui donneront ni ne lui fourniront l'occasion d'avoir un jour quelque chose. –
4. ou encore, s'ils ne veulent pas faire cela et entendent offrir quelque chose en aumône au monastère pour leur récompense,
5. ils feront donation au monastère des biens qu'ils veulent donner, en se réservant, s'ils le veulent, l'usufruit.
6. Et l'on coupera ainsi tous les ponts, de façon qu'il ne reste à l'enfant aucune idée qui puisse le séduire pour sa perte, ce qu'à Dieu ne plaise ! C'est ce que nous avons appris par expérience.
7. Ceux qui sont plus pauvres feront de même.
8. Quant à ceux qui n'ont rien du tout, ils feront simplement la pétition et offriront leur fils avec l'oblation devant témoins.
Etonnant chapitre pour nos mentalités modernes qui ne comprennent pas bien cette offrande d’enfants. En fait, la volonté de Benoit est d’offrir un cadre à ces parents, nobles ou pauvres, qui offrent leur enfant, afin que sa vocation ne soit pas entravée dans son développement présent et futur. La place des biens est centrale, les parents doivent faire le nécessaire pour que leur enfant soit vraiment libre. Et on imagine ensuite que l’enfant, les enfants ainsi confiés, ont appris dans le cadre du monastère à grandir en humanité et en maturité spirituelle. Chemin étonnant encore une fois.
Est sous-jacente à ce chapitre une grande confiance en la capacité éducatrice de la vie monastique pour les enfants comme pour les adultes. Sans trop tirer par les cheveux ce chapitre insolite, nous pourrions faire le parallèle et nous demander : comment la vie monastique que nous accueillons et cherchons à vivre aujourd’hui peut-elle conduire l’adulte et l’enfant que nous portons tous vers la maturité espérée ? Notre cadre de vie monastique est-il un cadre qui va nous permettre de grandir en liberté, comme nous l’entendions dans l’interview de Sr Véronique Margron hier midi ? Le mot « croissance » est important. Nous désirons tous croitre, déployer ensemble en nous les possibles que nous portons. Les possibles de la grâce qui désire épanouir le visage d’enfant de Dieu que nous sommes appelés à manifester jour à près jour depuis notre baptême… Pour la plupart d’entre nous qui avons été baptisés enfants, notre croissance d’enfants de Dieu s’est développée simultanément avec celle de notre humanité. Développement que notre vie monastique voudrait poursuivre et consacrer.
Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus nous invitera à devenir comme les enfants. Comment mettre à profit les ressorts de l’enfant pour fortifier l’enfant de Dieu que nous sommes et devenons ? La capacité d’abandon et de confiance, l’élan qui ne calcule pas, la capacité créatrice…, comment ses traits propres à l’enfant peuvent-ils encore irriguer notre être d’adulte enfants de Dieu ? Sans bien savoir comment cela fonctionne dans le quotidien et la durée, nous pouvons apercevoir cela en certains moments privilégiés de gratuité, comme les fêtes communautaires, les promenades ou les jeux qui nous convoquent en ces lieux-là où nous nous donnons le droit de ne pas nous prendre au sérieux, mais aussi encore en ces lieux où nous pouvons chercher et imaginer ensemble d’autres possibles pour notre vie, sans trop vite mettre les barrières d’une prudence qui, à force d’être raisonnable, étouffe la vie. N’est-ce pas aussi quelque chose de cet être d’enfant qui s’exprime dans notre manière simple de nous tourner vers Marie, notre Mère, ou bien vers tel saint devenu comme un ami ? Chacun, soyons heureux de laisser advenir ces parts d’enfants encore en quête d’accomplissement, parce que l’enfant de Dieu que nous sommes est toujours à venir.
24. S'il a des biens, il les distribuera aux pauvres préalablement, ou par une donation en bonne et due forme il les attribuera au monastère, sans se réserver rien du tout,
25. puisque, à partir de ce jour, il sait qu'il n'aura même plus pouvoir sur son propre corps.
26. Aussitôt donc, à l'oratoire, on lui enlèvera ses propres effets dont il est vêtu, et on l'habillera des effets du monastère.
27. Quant aux vêtements qu'on lui a enlevés, on les remettra au vestiaire pour y être conservés,
28. afin que, si jamais il consentait à sortir du monastère, sur la suggestion du diable, – ce qu'à Dieu ne plaise ! – on lui enlève alors les effets du monastère avant de le mettre dehors.
29. Cependant sa pétition, que l'abbé a prise sur l'autel, il ne la reprendra pas, mais on la conservera au monastère.
« Sans se réserver rien du tout ». Dans toutes nos vies humaines, intervient toujours à un moment ou à un autre la question de l’argent et des biens. Et autour de ces questions, et de la manière de les gérer se dit beaucoup de ce que nous sommes et de ce que nous voulons vivre. Ainsi, il n’est pas étonnant qu’en ce moment crucial de la profession, il faille faire le point sur cette question. L’image du dépouillement prévaut largement. D’une part, le nouveau profès se détache des biens précédemment acquis, et d’autre part, il laisse ses vêtements personnels pour revêtir ceux du monastère.
« Sans se réserver rien du tout ». Cette petite phrase en dit long d’une orientation profonde qui anime notre vie. Nous la vivons lors de notre profession solennelle de manière radicale. Et nous sommes invités à la vivre jour à après jour… Ne pas faire de réserve, comme si nous devions nous débrouiller par nous-mêmes pour assurer notre subsistance. Le dépouillement radical du début, et celui que nous voudrions toujours garder vivant au long de notre vie monastique est le signe d’un dépouillement plus radical, celui de notre cœur. En ne cherchant pas à mettre de côté, de l’argent, ou des biens, en cherchant à ne pas accumuler des souvenirs ou objets, nous apprenons à mettre notre sécurité, non dans ce que nous retenons, mais dans ce que nous allons toujours recevoir. Profondément, c’est un acte de confiance dans les autres, dans la communauté, finalement un acte d’espérance. Jour après jour, occasion après occasion, lorsque nous consentons à ne pas retenir, nous apprenons à entrer dans ce profond mouvement intérieur, le dernier que nous vivrons au moment de notre mort. En ce jour-là, nous aurons à lâcher prise pour de bon, afin de recevoir la vie du Seigneur, le Seul qui pourra nous la donner.
Le changement d’habit n’est pas non plus une petite chose. Avec l’habit monastique, nous consentons à entrer dans une nouvelle identité. S’il ne fait pas le moine, l’habit participe à notre intégration concrète dans la communauté. Avec lui, nous recevons un nouveau visage, nous entrons dans de nouveaux codes, pour vivre de nouvelles relations. L’étudiant ou le professionnel que nous étions, façonné plus ou moins par un uniforme, ou un ensemble de manière de faire et d’être, va peu à peu se muer en moine, en frère de ses frères. En parlant ainsi, je suis conscient de ne pas bien savoir comment cela se fait. Mais cela se fait. Nous nous recevons peu à peu dans notre nouvelle identité, d’autant mieux je crois, que nous cherchons à l’habiter vraiment de l’intérieur. Ce n’est pas le conformité à un habit ou à un mode de vie qui fait le moine, mais bien la capacité à habiter, et à se laisser habiter. Habiter par quoi ? Par l’élan de vie reçu de Dieu comme un appel à se donner, encore et encore. « Seigneur reçois-moi selon ta parole ».
17. Avant d'être reçu, il promettra devant tous à l'oratoire, persévérance, bonne vie et mœurs, et obéissance,
18. devant Dieu et ses saints, en sorte que, si jamais il fait autrement, il sache qu'il sera damné par celui dont il se moque.
19. De cette promesse, il fera une pétition au nom des saints dont il y a là les reliques et de l'abbé en charge.
20. Cette pétition, il l'écrira de sa propre main, ou s'il ne sait pas écrire, un autre l'écrira à sa demande, et le novice y mettra un signe et la posera de sa main sur l'autel.
21. Quand il l'aura déposée, le novice entonnera aussitôt ce verset ;: « ;Reçois-moi, Seigneur, selon ta parole et je vivrai, et ne me confonds pas dans mon attente. ;»
22. Au verset, toute la communauté répondra par trois fois, en ajoutant ;: « ;Gloire au Père ;».
23. Alors le frère novice se prosternera aux pieds d'un chacun afin que l'on prie pour lui, et à partir de ce jour il sera compté comme membre de la communauté.
Nous retrouvons ce matin, l’essentiel du rituel de profession que nous célébrons encore aujourd’hui. Je relève quatre points principaux : la promesse, la pétition écrite, la remise de soi à Dieu, la remise de soi aux frères.
La promesse. Devant tous, le nouveau-venu promet et prononce les vœux de persévérance ou stabilité, de bonne vie et mœurs ou conversion des mœurs et obéissance. Cette proclamation solennelle et publique implique-t-elle d’être sûr et certain d’être toujours fidèle ? Cette question taraude beaucoup de personnes en notre monde si instable et liquide. Dans cette promesse s’exprime le désir de s’engager à donner réalité jour après jour à ce propos de persévérance, de conversion et d’obéissance. Que serai-je dans 10 ans ? Je ne sais. Aujourd’hui et demain, je désire que toute ma vie soit régie et gouvernée par cet élan de don de moi-même, au sein de cette communauté.
La pétition. Cette promesse est écrite et signée. Une trace de ma parole va rester, pour moi et pour la communauté. Cette parole est prise au sérieux parce qu’elle vient de plus loin que moi. Elle a été discernée et délibérée dans le temps. Inscrite sur un parchemin, une peau de bête qui ne se déchire ni se détériore aisément, ma promesse m’invite à m’avancer dans la durée et à traverser le temps. Depuis que la Parole s’est faite chair, toutes nos paroles sérieuses s’inscrivent dans notre chair et nous inscrivent dans le temps long. C’est une grâce pour, peu à peu, devenir ce que l’on a entrevu et promis.
La remise de soi à Dieu. Avec le chant du Suscipe, le moine sait pouvoir compter sur la grâce de Dieu. Il l’implore comme un bien qui ne peut lui manquer. Car le Seigneur qui appelle ne peut pas en même temps ne pas donner le nécessaire pour accomplir la promesse. L’insistance est forte pour dire à Dieu, « ne me confond pas dans mon attente », comme pour mieux lui rappeler, avec un brin d’impertinence, ses obligations. Se dit là une grande confiance.
La remise de soi aux frères. Le rituel se finit par la prosternation du frère au pied de chacun pour implorer sa prière. Se dit là combien l’engagement du frère appelle aussi celui de la communauté. En priant pour le frère, mais aussi en se tenant aux côtés de lui pour le soutenir jour après jour, la communauté et chaque frère disent oui eux aussi. Non seulement, chacun accueille le nouveau venu, mais chacun signe avec lui, à travers la signature de l’abbé.