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HOMELIE

20 novembre
année 2021-2022

Fête du Christ Roi C; 20 novembre 2022
2 Samuel 5, 1-3 / ps 121 ;Colossiens 1, 12-20; Luc 23, 35-43
Homélie du F.Basile

Frères & soeurs, à quoi pensait le bon larron quand il s’est retourné vers le Christ en disant ou plutôt en criant : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ! » A quoi pensait-il ? N’essayait-il pas de se racheter en jouant la carte de la dernière chance ? On pourrait croire qu’il exagère et que c’est un peu facile quand on est condamné d’obtenir ainsi une place gratuite dans le Royaume. Mais alors pourquoi cet homme nous est-il si proche au point de vouloir nous glisser derrière lui et faire nôtre sa prière et son cri. Est-ce si facile que cela ? Regardons les choses en face : les 3 condamnés vont mourir, Jésus comme les autres, et ce dernier apparaît totalement incapable de sauver les autres comme de se sauver lui-même : c’est pour cela qu’on se moque de lui et pas n’importe qui : les chefs du peuple qui l’ont fait condamner. Alors surgit cette parole d’un des 2 malfaiteurs en réponse à l’autre qui se moque aussi : « Mais lui, il n’a rien fait de mal » et voilà qu’il se tourne vers Jésus dans un acte de foi étonnant : lui seul a su le reconnaître dans sa royauté véritable. Et nous alors ?

Si l’on m’avait demandé de choisir un texte d’Evangile pour mettre en lumière la royauté du Christ, je n’aurais pas pensé à cette prière du bon larron à Jésus en croix. J’aurais pris spontanément la parole du Christ ressuscité, vainqueur de la mort et disant à ses disciples : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Et ce pouvoir, je vous le donne : Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les… » Au moins, c’est clair, nous savons qui est notre maître, notre roi ; nous sommes prêts à nous battre pour lui. Hélas, vous le savez, c’est en s’appuyant sur cette parole que l’on a évangélisé et baptisé à tour de bras, au mépris bien souvent de la liberté religieuse et du respect de la conscience de chacun. Des accents de croisade, refusés bien sûr aujourd’hui. Mais comme c’est difficile de comprendre, d’harmoniser, de ne pas déformer les paroles de Jésus.
C’est normal que le choix de cet évangile nous étonne, en présentant Jésus comme un roi crucifié et impuissant, mais il peut susciter en nous de vraies questions sur notre foi : à quoi pensons-nous quand nous parlons de la Royauté du Christ sur le monde ?
Bien vite nous risquons de faire l’amalgame : règne du Christ, règne des chrétiens ou du christianisme sur l’ensemble de l’humanité ; et nous avons rêvé d’une Eglise toujours plus influente : un aspect de triomphalisme qui nous habite tous, plus ou moins, et qui était très marqué à l’époque où cette fête du Christ Roi a été instituée par le pape Pie XI, il y a presque 100 ans. Il suffit qu’aujourd’hui tout s’effondre avec une baisse d’influence de l’Eglise sur la société, une baisse de la pratique religieuse et des vocations presbytérales, et nous voilà désemparés : nous avons l’impression que la foi est touchée, comme si Dieu n’était plus avec nous.
Réagir ainsi serait méconnaître le fondement de notre foi qui est Jésus Christ, mort et ressuscité, méconnaître l’Evangile, parole de salut et de sens pour le monde d’aujourd’hui. La tentation du pouvoir demeure grande chez les chrétiens alors que le Christ n’est pas venu pour dominer le monde, mais pour le servir ; sa royauté, c’est-à-dire là où il est le plus grand, est celle de l’humilité, de l’amour et du pardon. Avons-nous compris que son Royaume est caché : « Ma royauté n’est pas de ce monde » ; notre Dieu est caché. Oui, Jésus vient le révéler, mais pas du tout comme on l’attendait, car il met tout à l’envers.
En effet tous les textes de la Bible, les prophètes et les psaumes annoncent le Christ comme le Messie, le Fils de David, le Roi, celui que les Juifs attendent encore. Vous l’avez entendu dans les moqueries des chefs et des soldats : « Qu’il se sauve lui-même s’il est le Messie de Dieu, l’Elu, le roi des Juifs ! » Or vous voyez bien qu’il n’est rien de tout cela : il est impuissant, crucifié, entouré par 2 bandits. Dieu n’est jamais là où l’on pense le trouver ; il est là où il ne devrait pas être.
Un seul a reconnu Jésus avant sa mort sur la croix, et c’est un malfaiteur, un seul a proclamé son innocence, un seul a reconnu, en dépit des apparences, le Royaume dont il avait parlé si souvent. Nous sommes là en plein évangile de de la grâce et du salut de Dieu ; Jésus ne cesse pas d’offrir l’accueil et le pardon de Dieu à tous les rejetés, à tous les exclus, au pire des criminels, dès lors qu’il se retourne vers Celui qui l’attend : cela ne se passe pas dans un palais ou même dans une église, cela se passe sur une croix dans le dénuement le plus absolu, dernière parole échangée entre 2 crucifiés : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ! » Voilà la royauté du Christ, le pouvoir de l’amour plus fort que la dérision, la violence ou la mort ! Dans son roman « Crime et châtiment », l’écrivain russe Dostoievski qui a lui-même connu le bagne, montre bien jusqu’où peut aller la compassion du Christ : un pauvre homme se lève dans un café et récite le Notre Père, puis devant ceux qui se moquent de lui parce qu’il vient de boire l’argent gagné par sa fille qu’il a envoyé se prostituer, il pense à Dieu qui le jugera et il s’écrie : « Oui, Dieu nous dira alors : viens, je te pardonne et nous entendrons sa parole : Approchez, vous aussi, les débauchés, les impudiques, vous qui avez l’aspect de la bête, venez aussi. Tous, nous avancerons et il nous ouvrira ses bras, et nous nous y précipiterons. Alors nous comprendrons tout. »
« En vérité, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Frères et sœurs, faut-il attendre l’extrême détresse, le fond de la désespérance pour entendre cette parole ? Non, elle nous est donnée pour la vie de chaque jour, « aujourd’hui » nous dit Jésus et puis ce petit mot « avec moi » est à prendre à la lettre : dans le Royaume, on n’est pas sous le Christ, dominé par lui, mais avec le Christ. St Ambroise dit très bien cela : « La vie chrétienne consiste à être avec le Christ : où est le Christ, là est le Royaume. » Le Royaume, il est déjà là, en nous ; il s’agit de le reconnaître. Il est là chaque fois qu’au nom de Jésus nous choisissons d’aimer, de pardonner, de nous faire confiance, de nous ouvrir à la détresse des autres, de nous mettre au service des plus petits. « Jésus, souviens-toi de nous : vienne ton Royaume aujourd’hui ! »

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