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HOMELIE

02 octobre
année 2021-2022

année C - 27° Dimanche Ord - 2 octobre 2022
Habacuc 1, 2-3 + 2, 2-4; 2 Timothée 1, 6-8 + 13-14 ; Luc 17, 5-10
Homélie du F.Basile

Frères & Soeurs, dans l’évangile d’aujourd’hui, les Apôtres font au Seigneur une demande qui semble tout à fait normale pour des croyants : « Seigneur, fais grandir en nous la foi ! » Mais la réponse de Jésus est vraiment déconcertante, provocatrice même, avec cette image de l’arbre qui va se planter dans la mer, et ensuite la façon dont Jésus traite ses disciples de serviteurs corvéables à merci, « inutiles » même, si l’on prend la traduction de Sr Jeanne d’Arc : j’entends l’apôtre Pierre répondre à Jésus du tac au tac : « Alors, c’est bien la peine d’avoir tout quitté pour toi, si c’est pour être ainsi traité !»

La foi, c’est évident qu’on n’en a jamais assez, mais ce n’est pas parce qu’on est croyant qu’on va déraciner les arbres ou déplacer les montagnes. Vous me direz : « C’est une image que Jésus utilise pour nous faire comprendre que notre foi est bien faible et pas très efficace. » Si peu de chose : alors comment la faire grandir ?
Avouons-le, dans le monde d’aujourd’hui, ce que nous voyons grandir, ce n’est pas la foi, c’est la violence, c’est la puissance du mal sous toutes ses formes : ces attentats, ces guerres, ces incendies ; la prière du prophète Habacuc est plus que jamais d’actualité : « Seigneur, je t’appelle ‘au secours’, je crie contre la violence, et toi tu n’entends pas, tu ne nous sauves pas. Pourquoi ce silence ? » Et Dieu répond : « Aie patience, prends le temps d’attendre ; le juste vivra par sa fidélité. » Mais, Seigneur, comment l’obtenir, cette fidélité ? La réponse de Jésus dans l’Evangile est très intéressante : il parle d’une petite graine, d’une graine minuscule, il nous dit que cela suffit. Là aussi Jésus nous prend à contre-pied : on voudrait qu’il augmente notre foi et il nous dit : « Ce n’est pas nécessaire, il suffit d’un petit rien, une graine de foi. »
Avez-vous réfléchi à la puissance secrète d’une graine ? C’est quelque chose de vivant et c’est tout un programme encore caché ; elle devra passer par la mort, par l’enfouissement, mais un jour elle va germer, sortir de terre, éclater de vie nouvelle. Et si la mer, dans la Bible, est le symbole de la mort, alors ces arbres dans la mer, n’est-ce pas comme une force de vie, de résurrection qui va se dresser plus forte que la mort : la foi nous plante dans l’eau du baptême ; il n’y a pas pour elle d’indicateur de mesure ; une toute petite graine suffit. Mais il faut qu’elle soit vivante.
La parole de Paul dans la 2° lecture prend ici toute sa force : «Réveille, ravive en toi le don gratuit de Dieu, car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force et d’amour. » L’Esprit Saint fait de nous des serviteurs : c’est inscrit dans notre ADN de baptisé. Cette petite graine de foi, semée par Dieu au baptême, l’Esprit la renouvelle à la confirmation pour le service de tous nos frères les hommes.
Mais la question revient : en nous traitant de simples serviteurs ou de serviteurs inutiles, Jésus n’y va-t-il pas un peu fort ? Et si nous n’avons droit à rien, n’est-ce pas en contradiction avec ce qu’il dit dans un autre passage de l’évangile de Luc où justement il est question des serviteurs qui attendent le retour de leur maître en veillant dans la nuit : « Eh bien, dit Jésus, le maître, à son arrivée, prendra la tenue de service, il les fera mettre à table et passera pour les servir lui-même. »
Derrière cette contradiction, il y a toute notre relation à Dieu qui est en cause. Dieu est-il un maître, un patron, et nous des serviteurs, des salariés, travaillant pour lui ? Cela suppose alors contrat de travail, donnant-donnant, relation de marchandage, salaire et rien de plus. « Nous n’avons fait que notre devoir, nous sommes de simples employés. »
Mais Jésus veut nous dire au contraire : vous vous trompez totalement lorsque vous faites de Dieu l’image d’un patron. C’est tout le contraire d’un patron : il est, Lui, la gratuité absolue. Tout l’évangile est là. En nous donnant son Fils, venu parmi nous comme un serviteur, nous sauvant sans aucun mérite de notre part, Dieu nous fait entrer dans le domaine de la gratuité. Tout est grâce en Lui : le don gratuit de Dieu, dit Paul. Dans le monde de la grâce, plus question de mérites, de salaires, de récompense ni de félicitations. Alors on va même pouvoir se considérer comme des êtres inutiles, sans que cela nous blesse. Dans le monde de la gratuité, il ne peut plus être question d’utilité. Ce sont les objets qui sont utiles, mais non les personnes. Il y a là un changement de mentalité qui n’est pas facile à faire, d’autant plus que nous vivons dans un monde où tout est évalué en termes d’efficacité, de rentabilité, de prime et de récompense.
Avons-nous compris cela ? Si oui, ma petite graine de foi, minuscule, va me permettre de soulever les montagnes et de changer le monde dans une confiance à toute épreuve ; comme Thérèse de Lisieux que nous fêtions hier, je ne mettrai plus ma confiance en moi, ni en ce que je suis, ni en ce que je fais, mais en Celui en qui je crois. Cette confiance-là peut tout, c’est la petite graine de foi qui a germé :
« Regardez, dit le poète, il ne faudrait qu’un brin de foi, et vous verriez les arbres dans la mer : les fusils enterrés, les armées au rebut, les montagnes qui dansent… Regardez… Il ne faudrait qu’un brin de foi… Demandons au Seigneur les uns pour les autres ce brin de foi et d’amour.
Frère Basile

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