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HOMELIE

14 août
année 2021-2022

Année C - 20e dimanche ordinaire (C) (14/08/2022)
(Jr 66, 4-6.8-10 – Ps 39 – He 12, 1-4 – Lc 12, 49-53)
Homélie du F. Jean-Louis

Frères et sœurs, Il me semble que la première lecture et l’évangile de ce dimanche peuvent légitimement nous prendre à rebrousse-poil. En ce temps de vacances, nous aimerions pouvoir nous déconnecter des fracas de guerres et de violences que l’actualité nous déverse. Nous aimerions pouvoir souffler face à tous ces drames qui déchirent notre humanité. Et voilà que la première lecture nous ramène en plein siège de ville. Ce n’est pas celui de Kiev ou de Marioupol, c’est celui de Jérusalem par le roi de Babylone, en 588 avant Jésus Christ. Le roi judéen Sédécias, après avoir fait allégeance par serment au roi de Babylone Nabucodonosor, s’est révolté contre lui. La riposte ne s’est pas fait attendre et même le secours des Egyptiens, alors alliés des Judéens, n’a pas réussi à desserrer l’étau qui entoure la ville sainte. En fait, Jérémie, le prophète, avait dénoncé la révolte de Sédécias car elle trahissait un serment fait au roi de Babylone et cette trahison ne pouvait, pour le prophète, plaire au Seigneur. Ainsi, Jérémie prônait-il la capitulation, ce qui exaspérait bien sûr les chefs de l’armée. Ils sont près d’avoir sa peau puisque même le roi ne peut s’opposer à eux et les laisse s’emparer du prophète pour le mettre dans une citerne, sorte d’oubliette, où il n’aurait plus qu’à mourir. Mais, alors que Jérémie est près de mourir, coup de théâtre : un Ethiopien, donc un étranger, va trouver le roi et obtient de lui sa libération. Et Jérémie sera ainsi sauvé au dernier moment. Les extraits du psaume 39 qui suivent la première lecture semblent exprimer ce qu’a pu être la prière de Jérémie tant les conditions sont proches : « Le Seigneur m’a tiré de l’horreur du gouffre, de la vase et de la boue. Dans ma bouche il a mis un chant nouveau. » On peut aisément s’imaginer le soulagement de Jérémie qui échappe à la mort et sa reconnaissance envers son Dieu.

Le passage de l’évangile de Luc nous présente, lui, Jésus, dont la parole, loin de faire consensus, est cause de divisions voire de conflits. La prédication du Christ n’a rien d’une aventure tranquille telle que nous pourrions la rêver. Vie sans souci, efficacité évidente, voire écrasante de sa prédication, succès miraculeux. N’est-ce pas de cela que nous rêvons (avec énormément de bonne volonté) pour le témoignage de l’Eglise, pour notre témoignage : une parole dont la force amènerait la conversion sans hésitation de ceux qui l’entendraient ? Eh bien, force est de constater que la vision que l’évangéliste Luc a de Jésus est plus proche de Jérémie que d’un super-prophète bien dans nos rêves de maîtrise, de toute-puissance.
Jésus est bien le nouveau Jérémie, repoussé par ceux-là même à qui il vient annoncer le Royaume de Dieu. Sa parole est contredite, mal comprise, rejetée finalement. Et cela aboutira à sa mise à mort sans échapper, lui, au dernier moment. Il lui faudra traverser la mort pour pouvoir la vaincre définitivement.
Oui, la Parole du Christ n’est pas consensuelle. Elle a pu et elle peut encore amener division voire rejet entre ceux qui l’accueillent et ceux qui voudront la refuser. Et cela a dû être douloureux pour le Christ. Les pharisiens, ces amoureux de la Loi, de la Bible, eux qui passaient des heures à la méditer, n’ont pas reconnu cette Parole du Dieu unique dans l’enseignement du Christ, lui qui venait apporter l’interprétation ultime de la Loi et des Prophètes. Il y aura division entre les auditeurs, il y aura surtout rejet du Christ. Et comme l’a écrit l’auteur de l’épître aux Hébreux à des chrétiens persécutés : le Christ a bien renoncé à la joie qui lui était proposée pour endurer la croix en méprisant la honte de ce supplice, supplice d’esclave révolté à l’époque. Et cela lui a valu de siéger à la droite du trône de Dieu. Lui, la Parole de Dieu, le Fils du Père a enduré tout cela de la part des pécheurs.
Frères et sœurs, en plein cœur de cet été, alors que nous aspirons à un peu de douceur de vivre et d’oubli des troubles de notre monde, que peuvent nous apporter ces textes ? Que peuvent-ils nous enseigner ?
Il me semble qu’il ne faut pas rêver d’une vie chrétienne authentique sans souci, sans exigence, sans conflit ni opposition. Déjà à l’égard de nous-mêmes, vivre selon l’évangile dans les relations de tous les jours implique un réel effort pour nous laisser ajuster à ce en quoi nous croyons. Peut-on être authentiquement chrétiens et ne pas se préoccuper du sort des plus pauvres ? Peut-on être chrétien et rejeter ceux et celles qui ne pensent pas comme nous ? Peut-on être chrétien et ne pas se poser de questions sur l’usage de notre argent, de nos biens ? Peut-on être chrétien et prôner un gaspillage sans fin ou un pillage de notre planète à notre profit. Je pourrais allonger la liste. La foi au Christ doit être un feu qui brûle nos évidences trop humaines.
Mais il faut accepter aussi que le fait de croire au Christ entraîne des oppositions de toutes sortes. Au fait, pourquoi ces oppositions ? Le message du Christ, dans sa radicalité, peut faire peur, choquer, gêner les certitudes bien, trop bien établies. L’enseignement du Christ peut être très dérangeant. Son attitude d’attention aux plus pauvres, aux gens méprisés de son temps peut contredire la vision d’un Dieu censé défendre l’ordre de la société. Le Christ a contredit ceux qui se pensaient établis dans la vraie religion de leur temps.
Frères et sœurs, il me semble qu’il y a toujours à se réenraciner dans l’enseignement du Christ mais aussi dans les exemples de sa vie. Méditons, comme dit l’auteur de la lettre aux Hébreux, l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité et nous ne serons pas accablés par le découragement. Revisitons l’histoire de notre Église et sachons y reconnaître à la fois les pauvretés, voire les scandales, mais aussi la Grâce de Dieu toujours à l’œuvre et qui a fait qu’aujourd’hui encore l’évangile peut être proclamé en vérité. Nous pourrons être alors encouragés. Comptons sur l’Esprit Saint pour cela. Il ne sera pas de trop pour nous aider. Notre monde a besoin d’une bonne nouvelle, de la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité. AMEN

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