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HOMELIE

20 janvier
année 2018-2019

Année C -HOMELIE du 2ème dimanche du TO – 20/01/2019
(Isaïe 62,1-5 ; 1 Cor 12,4-11 ; Jean 2,1-11)
Homélie du F.Guillaume

« Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana, en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. »
Frères et sœurs, cet épisode des noces de Cana avec le signe du changement de l’eau en vin par Jésus est bien connu de tous les chrétiens. Il inaugure dans le IV° évangile le ministère public du Christ, après le Prologue et le premier chapitre racontant la présentation de Jésus par Jean le Baptiste, puis l’appel des premiers disciples : André, Simon-Pierre, Philippe, Nathanaël. Tout cela avait pris 4 jours, d’un lendemain à un autre lendemain, jusqu’au mariage de Cana qui a lieu le 3ème jour (th trith hmera ainsi débute le texte) après le dernier appel et la promesse à Nathanaël. Il est dommage que la traduction liturgique que nous avons entendue n’ait pas repris cette mention du 3ème jour, en la remplaçant par un banal « en ce tems-là ». Très consciemment, l’évangéliste a voulu placer ce commencement des signes de la vie de Jésus dans une perspective biblique et pascale. 4 jours + 3 , cela achève une semaine, et cela rappelle l’achèvement de la création avec le Sabbat, au 7ème jour, qui est une manifestation de la Gloire de Dieu, au début du livre de la Genèse. Mais le 3ème jour surtout, pour les chrétiens, c’est celui de la Résurrection, le Jour du Seigneur, au matin du dimanche de Pâques, accomplissement de la Gloire de Dieu, après la mort du Christ sur la Croix, 3 jours auparavant, le vendredi saint.
Ce texte des noces de Cana est riche à bien des points de vue. Chaque détail, chaque mot presque a son importance. Et ses commentaires,, tant ceux des exégètes que ceux des pères de l’Eglise sont innombrables et lui ont valu bien des interprétations. Il a inspiré aussi les écrivains et les artistes. Frère Emile de Taizé, lors de la retraite qu’il nous a prêchée a évoqué un chapitre admirable du roman de Dostoïevski : les frères Karamazov, quand le plus jeune frère, Alioucha, du fond de son désespoir, fait une expérience de résurrection et de joie intense, devant le cercueil de son staretz vénéré Sozima, à l’écoute de la page d’évangile, lue par un des moines veillant le défunt. Et je pense aussi au célèbre tableau de Véronèse, conservé au Musée du Louvre, dans la même salle d’exposition que celui de la Joconde de Léonard de Vinci, chaque tableau ayant son mur, en face à face. Ainsi, tous les ans, des centaines de milliers de personnes, des touristes, pour la plupart non-chrétiens, défilent devant cette toile immense (on dit que c’est la plus grande du Musée en superficie) et peuvent se laisser interroger par le message qu’elle contient : rien d’autre que celui du commencement des signes que Jésus accomplit, en venant sur la terre.

Pour ma part, j’aimerais relever avec vous 2 aspects seulement du texte : la présence de la mère de Jésus à l’évènement, d’une part, et la portée sacramentelle de ce signe (plutôt que de ce miracle) d’autre part.
« La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. »
On ne reverra plus Marie dans le IV° évangile, si ce n’est vers la fin, au pied de la Croix, au moment de la mort de son Fils, en compagnie d’un disciple, celui que Jésus aimait. On peut imaginer, pourquoi pas, que ce disciple était aussi l’un de ceux qui avaient été invités au mariage. Ainsi apparait une inclusion, voulue par l’auteur, d’autant que la présence des éléments de l’eau, du vin et du sang dans ces 2 passages, souligne et renforce cette intention d’inclusion.
Le dialogue entre Jésus et sa mère est surprenant, tout comme l’avait été celui qu’il avait échangé avec ses parents, à l’âge de 12 ans, à l’occasion d’une fête de pèlerinage à Jérusalem. L’enfant avait déjoué la surveillance de Marie et de Joseph, sur le chemin du retour, et ils l’avaient cherché durant 3 jours. Toute angoissée, la mère de Jésus lui avait adressé la parole : « mon enfant, pourquoi avoir agi de la sorte avec nous. Vois, ton père et moi, nous te cherchions avec grande inquiétude ». Et Jésus, de répondre (ce furent ses premières paroles dans l’évangile de Luc) d’une manière assez brutale : « pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père » Mais eux ne comprirent pas ce qu’il leur disait. A Cana, non plus Marie ne comprend pas bien l’attitude ni les paroles de son Fils qui lui dit tout aussi brutalement : « qu’y a-t-il entre toi et moi ? » traduit autrement « femme, que me veux-tu ? », certains osent même « de quoi te mêles-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Cette heure, si importante dans le vocabulaire du IV° évangile, ce sera l’heure de la Passion et de la Croix, quand l’heure sera venue pour lui de passer de ce monde à son Père. Alors, Marie, sera à nouveau présente, au Golghota et elle comprendra la prophétie du vieillard Siméon : « un glaive te transpercera le cœur ». Mais à Cana, , pour ce premier signe de Jésus, elle n’est qu’une intermédiaire, elle est la servante du Seigneur, de son Fils : que tout se passe comme Il le dira.
La portée sacramentelle du texte, elle, se donne à lire à travers la mention des éléments de l’eau et du vin, et puis des gestes du versement de l’eau dans les outres, de l’offrande du vin au maître de maison puis à la multitude des convives. Nous la repérons aussi dans les paroles, les verbes employés par Jésus dans ses ordres : « remplissez, puisez, portez ». Autant d’allusions possibles au repas eucharistique, où ce n’est pas l’eau qui est changée, mais c’est le vin qui est changé en sang sauveur.

Alors, frères et sœurs, que retenir de ce texte pour nous aujourd’hui ? La place qu’il occupe, au commencement de la vie publique de Jésus nous montre que nous sommes invités dès le départ avec lui à un moment de joie, de fête et de célébration de l’amour. Quoi de plus heureux comme évènement dans la vie des hommes que celui d’un mariage. Jésus s’invite à ce partage de la joie simple, et il y participe pleinement en y apportant sa contribution par le premier signe qu’il opère. Un signe qui traduit la surabondance et l’excellence d’un vin nouveau, symbolique de la surabondance et de l’excellence de la Vie et de l’Amour de Dieu qu’il est venu nous révéler.
Les noces de Cana connaissent leur accomplissement dans les noces de l’Agneau, décrites au livre de l’Apocalypse. Mais elles étaient déjà annoncées dans l’Ancienne Alliance, comme nous le rappelait la première lecture du livre d’Isaïe : « comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu ».
Nous pouvons maintenant célébrer sans crainte, avec une foi renouvelée le sacrement par excellence des noces et de l’Alliance de Dieu avec nous.
Oui vraiment, Dostoïevski a été un incomparable exégète de cet évangile en faisant ressusciter son héros-staretz, Sozima, dans le cœur et aux yeux du jeune frère Karamazov : Alioucha. Puissions-nous, à notre tour, nous laisser toucher par le commencement de ce signe qui manifesta la Gloire du Christ, et avec ses disciples croire en lui. AMEN - 20 janvier 2019

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